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- PLENIÈRE -
Jugement n° 2021-0002
Audience publique du 20 juillet 2021
Prononcé du 23 août 2021
CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA COTE-D’OR
(Département de la Côte-d’Or)
PAIERIE DEPARTEMENTALE DE LA COTE-D’OR
Exercice 2014
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ,
VU
le réquisitoire n° 11-GP/2020 du 28 mai 2020, par lequel le ministère public a saisi la chambre en vue de la
mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X... au titre de l’exercice 2014 ;
VU
le compte produit en qualité de comptable du département de la Côte-d’Or pour l’exercice 2014 par M. X... ;
VU
le code des juridictions financières ;
VU
le code général des collectivités territoriales ;
VU
l'article 60 modifié de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 ;
VU
la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
VU
la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique
territoriale ;
VU
le décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987 portant dispositions statutaires particulières à certains emplois
administratifs de direction des collectivités territoriales et des établissements publics locaux assimilés ;
VU
le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l’application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du
26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
VU
le décret n° 2002-63 du 14 janvier 2002 relatif à l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des
services déconcentrés ;
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VU
le décret n° 2004-1082 du 13 octobre 2004 relatif à l’indemnité de fonctions et de résultats en faveur de
certains personnels des administrations centrales ;
VU
le décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 relatif à la prime de fonctions et de résultats ;
VU
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
VU
le
décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60
modifié de la loi de finances pour 1963 ;
VU
le réquisitoire n° 11-GP/2020 en date du 28 mai 2020 par lequel le Ministère public a saisi la chambre en vue
de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X... au titre de l'exercice 2014 ;
VU
les courriers en date du 5 octobre 2020 par lesquels ledit réquisitoire et le nom du magistrat chargé de
l’instruction ont été notifiés à M. X..., comptable, ainsi qu’à M. Y..., président du conseil départemental de la Côte-
d’Or, ordonnateur, dont ils ont accusé réception respectivement les 7 et 6 octobre 2020 ;
VU
la réponse de l’ordonnateur au réquisitoire, en date du 30 octobre 2020 enregistrée au greffe le
3 novembre 2020 ;
VU
le questionnaire du 5 janvier 2021 adressé par le rapporteur à M. X..., comptable dont il a accusé réception
le 6 janvier
2021 ;
VU
la réponse de M. X..., par courriel du 26 janvier 2021, enregistrée au greffe le 28 janvier 2021 ;
VU
les courriers du 17 juin 2021 informant MM. X... et Y... de la tenue, le 20 juillet 2021, de l’audience publique
dont ils ont respectivement accusé réception le 18 juin 2021 ;
VU
le rapport n° 2021-014 du 22 mars 2021 de M. Fabrice LANDAIS, président de section assesseur ;
VU
les conclusions n° 2021-014 du 29 mars 2021 de la procureure financière près la chambre régionale des
comptes Auvergne-Rhône-Alpes, assurant l’intérim du Ministère public par décision de la Procureur générale
près la Cour des comptes en date du 15 avril 2020 ;
ENSEMBLE
les pièces à l’appui ;
ENTENDU
lors de l’audience publique du 20 juillet 2021, M. Fabrice LANDAIS, président de section assesseur en
son rapport, Mme Marie-Laure ROLLAND-GAGNE, procureure financière, en ses conclusions ainsi que M. X...,
comptable ;
APRÈS AVOIR ENTENDU
en délibéré Mme Léa LHIOUI-PERRIN, conseillère, réviseure, en ses observations, et
avoir délibéré hors la présence du rapporteur et de la procureure financière ;
Sur le cadre juridique
ATTENDU
qu’aux termes de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée «
I. - Outre la responsabilité attachée
à leur qualité d'agent public, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du
recouvrement des recettes, du paiement des dépenses (…) de la conservation des pièces justificatives des
opérations et documents de comptabilité, ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent.
3/14
Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus
d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement
général sur la comptabilité publique.
La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un
manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été
irrégulièrement payée (…)
» ;
ATTENDU
qu’en vertu de l’article 17 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, les comptables publics sont
personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent en application de ses
articles 18, 19 et 20, dans les conditions fixées par l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ; qu’aux termes de
l’article 19 de ce décret : «
Le comptable public est tenu d'exercer le contrôle (…) 2° S'agissant des ordres de payer
(…) ; d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l'article 20
» ; qu’aux termes de son article 20, «
Le
contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : (…) 5° La production des pièces justificatives
(…)
» ; que l’article 50 du même décret dispose que «
Les opérations de recettes, de dépenses et de trésorerie
doivent être justifiées par des pièces prévues dans des nomenclatures établies (…) par arrêté du ministre chargé
du budget. Toutefois, la liste des pièces justificatives des dépenses, des recettes et des opérations d'ordre des
collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des établissements publics de santé est fixée par
décret (…)
» ;
ATTENDU
que l’annexe I au code général des collectivités territoriales, constitutive de la nomenclature des
pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales, établie en vertu de son article D. 1617-19, dans sa
rédaction issue du décret n° 2007-450 du 25 mars 2007, prévoit dans sa «
Rubrique 2 - Dépenses de
personnel (…) 210 - Rémunération du personnel
», la production des pièces suivantes :
«
210223.Primes et indemnités (au sens de l'article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale) :
1. Décision de l'assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des
indemnités.
2. Décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à chaque agent.
» ;
ATTENDU
que pour apprécier la validité de la dette, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur
la production des justifications ; qu'à ce titre, il leur revient d'apprécier si les pièces fournies présentent un caractère
suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en
premier lieu, si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur a été fourni
et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d'une part, complètes et précises, d'autre part, cohérentes au regard de
la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l'objet de la dépense telle
qu'elle a été ordonnancée ; que lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité
de la dette, il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu'à ce que l'ordonnateur leur ait produit les
justifications nécessaires ;
Sur la première présomption de charge concernant M. X... au titre de l’exercice 2014
ATTENDU
que par le réquisitoire susvisé, le Ministère public a soulevé à l’encontre de M. X... une présomption de
charge à raison du paiement d’une prime intitulée « régime indemnitaire État », au directeur général des services
du département de la Côte-d’Or suivant les mandats collectifs de la paie, à concurrence de 43 546,66
, comme
récapitulé ci-après ;
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Tableau n° 1 : Mandats de paiement du « régime indemnitaire État » au DGS
Tableau n° 2 : Montants de « régime indemnitaire État » versés au DGS
Mois
Montant
Janvier
3 200,00
Régularisation
-133,34
Février
3 680,00
Mars
3 680,00
Avril
3 680,00
Mai
3 680,00
Juin
3 680,00
Juillet
3 680,00
Août
3 680,00
Septembre
3 680,00
Octobre
3 680,00
Novembre
3 680,00
Décembre
3 680,00
Total
43 546,66
ATTENDU
que le réquisitoire retient que M. X... aurait méconnu ses obligations de contrôle de la validité de la
dette, s’agissant de la production des pièces justificatives, au motif que ces paiements n’étaient appuyés, ni d’une
délibération de l’assemblée délibérante fixant le régime indemnitaire du Directeur Général des Services, la nature,
les conditions d’attribution et le taux moyen de ces indemnités, ni de la décision de l’autorité investie du pouvoir de
nomination fixant le taux applicable à l’agent, pièces prévues à la rubrique 210223 « primes et indemnités » de la
nomenclature des pièces justificatives précitée ;
En ce qui concerne le manquement
Sur les observations des parties
ATTENDU
que le comptable fait valoir que le Directeur Général des Services étant fonctionnaire de l'État, en
détachement au conseil départemental, les pièces justificatives jointes aux mandats étaient notamment
constituées de la lettre d'accord du Ministère de l'Intérieur pour le détachement et le maintien du régime
indemnitaire avec la fiche financière concernant son ancien régime indemnitaire, que de plus, il soutient que
les fonctionnaires détachés sur un emploi de direction peuvent bénéficier du régime indemnitaire afférent à
leur grade d'origine en application des dispositions du décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987, qu’aussi, les
documents émanant du Ministère de l'Intérieur lui ont paru nécessaires et suffisants pour payer la dépense
liée au maintien du régime indemnitaire du Directeur Général des Services, fonctionnaire de l'État détaché et
qu’enfin la signature du bordereau des mandats par l'ordonnateur emporte réglementairement la signature de
toutes les pièces comprises dans le bordereau à savoir les mandats et les pièces justificatives ;
2014
janvier
février
mars
avril
mai
juin
juillet
août
septembre
octobre
novembre
décembre
N° de bordereau
5
381
1 096
1 871
2 596
3 531
4 282
5 202
5 885
6 781
7 590
8 567
N° de mandat
5
1 647
4 511
7 432
10 148
13 639
16 159
19 305
21 313
24 352
27 015
30 616
date émission
17/01/2014 14/02/2014 18/03/2014 16/04/2014 16/05/2014 20/06/2014 18/07/2014 15/08/2014 17/09/2014 16/10/2014 18/11/2014 11/12/2014
Il s'agit de mandats collectifs multi-imputations (comptes 64111, 64112, 64113 et 64118.
5/14
ATTENDU
que l’ordonnateur fait valoir que comme mentionné dans la rédaction du réquisitoire, les services
ordonnateurs de la dépense ont transmis plusieurs pièces justificatives nécessaires au paiement, sans
délibération de l’assemblée départementale et que la prise en charge de ces primes et indemnités par le
comptable public, M. X..., est conforme à l’ordonnancement de la dépense, telle que le département de la
Côte-d’Or l’avait prévue et budgétée ; que d’ailleurs, le département a confirmé cette position par deux
délibérations adoptées respectivement par la commission permanente du 9 mars 2020, puis par le conseil
départemental le 13 octobre 2020, que ces deux délibérations visent à la régularisation complète de ce
dossier en toute transparence et dans le strict respect de la légalité ;
ATTENDU
que dans ses conclusions, la procureure financière considère qu’au moment du paiement le
comptable ne disposait donc ni d’une décision de l'assemblée délibérante fixant la nature, les conditions
d'attribution et le taux moyen des indemnités, ni d’une décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination
fixant le taux applicable à l’agent ; qu’elle estime que le moyen soulevé par le comptable, selon lequel les
fonctionnaires détachés sur un emploi de direction peuvent bénéficier du régime indemnitaire afférent à leur
grade d'origine en vertu du décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987, est sans effet en l’espèce dès lors que
ce droit n’est pas ouvert expressément par une décision de l'assemblée ainsi qu’une décision de l’autorité
investie du pouvoir de nomination au sein de la collectivité ; qu’au surplus, il n’est pas démontré que la lettre
d’accord du ministère de l’intérieur pour le détachement et le maintien du régime indemnitaire du Directeur
Général des Services et la fiche financière, pièces sur lesquelles le comptable s’est fondé pour le paiement,
aient été produites à l’appui du mandat ; qu’en outre, la fiche financière établie le 12 décembre 2013 par un
service du ministère de l’intérieur et récapitulant l’ensemble des rémunérations perçues au cours de l’année
2013 par l’intéressé ne constitue pas une décision de l’autorité territoriale et que le montant versé à l’intéressé
de février à décembre 2014 excède le montant mentionné dans cette pièce ; qu’enfin, l’arrêté de l’autorité
territoriale, en date du 3 janvier 2014, se limite à faire perdurer le bénéfice du régime indemnitaire fixé dans
le corps d’origine de l’agent sans en donner le détail et sans en fixer le taux ;
Sur la responsabilité du comptable
ATTENDU
que, selon l’article 13-1 du décret du 30 décembre 1987 précité et portant dispositions statutaires
particulières à certains emplois administratifs de direction des collectivités territoriales, «
Les fonctionnaires
titulaires de l'un des emplois visés à l'article 1er peuvent bénéficier du régime indemnitaire fixé pour leur grade
d'origine
» ; qu’ainsi ce maintien du régime indemnitaire fixé pour le grade d’origine n’est qu’une faculté dont
l’attribution effective nécessite une autorisation de l’organe délibérant et une décision de l’ordonnateur
conformément à l’article 2 du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l’application du premier alinéa de
l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée ;
ATTENDU
qu’à la date des paiements litigieux, le comptable et l’ordonnateur ne contestent pas l’absence de la
décision de l’assemblée délibérante prévue par la rubrique 210223 de l’annexe I du code général des collectivités
territoriales et qui aurait décidé de l’application de l’article 13-1 du décret du 30 décembre 1987 susvisé ; que les
délibérations des 9 mars et 13 octobre 2020 postérieures aux paiements litigieux ne pouvaient en tout état de
cause être produites à leur appui des mandats pris en charge ;
ATTENDU
que ni l’avis favorable donné par le ministre au détachement de l’intéressé dans un courrier du
12 décembre 2013, ni la fiche financière intitulée « évaluation d’un traitement annuel net » établie le
12 décembre 2013 par le ministère de l’Intérieur ne peuvent tenir lieu de décision individuelle de l’ordonnateur telle
que prévue par la rubrique 210223 de la nomenclature en ce que ces documents n’émanent pas de l’autorité
investie du pouvoir de nomination ;
6/14
ATTENDU
cependant que si l’arrêté de l’autorité territoriale, en date du 3 janvier 2014, plaçant l’agent en position
de détachement dans l’emploi fonctionnel de directeur général des services au sein du département, à compter du
6 janvier 2014, ne fixe pas explicitement le « taux » de primes et indemnités applicable à cet agent au titre du
décret du 30 décembre 1987, il apparaît que la reprise tel quel d’un régime indemnitaire précédemment versé ne
nécessitait pas une telle précision, au contraire des primes et indemnités nouvelles et spécifiques à l’emploi de
directeur général des services pour lesquelles un taux a bien été fixé par l’arrêté susmentionné ; que l’arrêté du
3
janvier 2014 énonce bien que le directeur général des services : «
continuera à bénéficier du régime indemnitaire
fixé dans son corps d’origine.
» ; que l’arrêté compare à cette fin sa situation nouvelle en tant que directeur général
des services par rapport à sa situation précédente, dite « Situation dans corps d’origine » et précisée par la fiche
financière intitulée « évaluation d’un traitement annuel net », sur les plans de l’échelon atteint et des indices brut
et majoré auxquels il pouvait prétendre ; qu’au vu de ces différents éléments, l’arrêté du 3 janvier 2014 constitue
la décision individuelle de l’ordonnateur prévu par la rubrique 210223 ;
ATTENDU
que si le comptable fait valoir que la signature du bordereau journal des mandats par l'ordonnateur
emporte réglementairement la signature de toutes les pièces comprises dans le bordereau, l’article D. 1617-23
al. 2 du CGCT dispose : «
La signature manuscrite, ou électronique conformément aux modalités fixées par arrêté
du ministre en charge du budget, du bordereau récapitulant les mandats de dépense emporte certification du
service fait des dépenses concernées et attestation du caractère exécutoire des pièces justifiant les dépenses
concernées
» ; que les pièces justificatives n’ayant pas été produites à l’appui des mandats litigieux, l’argument du
comptable est inopérant ; que sont également inopérantes sur le terrain de la production des pièces justificatives,
les circonstances invoquées par l’ordonnateur tenant à l’intérêt départemental de la dépense, à son
ordonnancement conforme et à sa budgétisation ;
ATTENDU
qu’en payant une indemnité intitulée « régime indemnitaire État » au directeur général des services du
département de la Côte-d’Or sans disposer de décision de l’assemblée délibérante, le comptable a manqué à son
obligation de contrôle de la validité de la dette, s’agissant de la production des pièces justificatives, et a donc
engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l’exercice 2014 ;
ATTENDU
que la circonstance que la paierie départementale ait été en sous-effectif en raison notamment de la
suppression de trois postes et en conséquence du recentrage du contrôle sur les marchés et opérations complexes
du département n’est pas de nature à exonérer le comptable de sa responsabilité au titre de la force majeure ;
En ce qui concerne le préjudice financier
ATTENDU
qu’il appartient au juge des comptes d’apprécier si le manquement du comptable a causé un préjudice
financier à l’organisme public concerné et, le cas échéant, d’évaluer l’ampleur de ce préjudice ; qu’à cette fin, il
doit, d’une part, rechercher s’il existait un lien de causalité entre le préjudice et le manquement à la date où ce
dernier a été commis, et, d’autre part, apprécier le montant du préjudice à la date à laquelle il statue en prenant en
compte, le cas échéant, des éléments postérieurs au manquement ; que pour déterminer si le paiement irrégulier
d’une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des
comptes vérifie, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la correcte exécution, par
le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d’éviter que soit payée une dépense qui n’était pas
effectivement due ; que le manquement du comptable à ses obligations de contrôle de la production des pièces
justificatives requises doit être regardé comme n’ayant, en principe, pas causé un préjudice financier à l’organisme
public concerné lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y compris d’éléments postérieurs aux manquements en
cause, que la dépense repose sur les fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence
au regard de la nomenclature, que l’ordonnateur a voulu l’exposer, et, le cas échéant, que le service a été fait ;
Sur les observations des parties
7/14
ATTENDU
que l’ordonnateur estime qu’aucun préjudice financier n’a été causé à la collectivité, dès lors que la
dépense est d’intérêt départemental ; que le comptable l’a prise en charge conformément à l’ordonnancement
et telle qu’elle a été prévue et budgétée par le conseil départemental ; que la régularisation du paiement a
été opérée par délibérations de la commission permanente du 9 mars 2020, puis du conseil départemental le
13 octobre 2020 ; que la délibération du 9 mars 2020 dispose que «
(…) pour la période couvrant 2007 à fin
2017, les décisions concernant le régime indemnitaire doivent être complétées de la manière suivante : l/
Conformément à l'article 13-1 du décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987, les Directeurs Généraux des
Services détachés sur un emploi de direction bénéficieront du régime indemnitaire afférent à leur grade
d'origine. A ce titre, les agents de la Fonction Publique d'Etat en détachement conserveront le régime
indemnitaire qui était le leur avant d'intégrer les services départementaux
» ;
ATTENDU
que M. X... fait également valoir l’absence de préjudice en se référant à l’argumentaire de
l’ordonnateur ;
ATTENDU
que dans ses conclusions, la procureure financière justifie l’existence d’un préjudice financier, en
premier lieu, par l’absence de volonté de l’ordonnateur puisque l'arrêté du président du conseil départemental
portant détachement dans l’emploi fonctionnel de directeur général des services en date du 3 janvier 2014
manifeste la volonté de l’ordonnateur de faire bénéficier l’intéressé du « régime indemnitaire fixé dans son
corps d’origine »
mais n’en explicite pas la teneur et ne se réfère pas à une indemnité en particulier ; qu’elle
justifie en deuxième lieu, l’absence de service fait par le fait qu’il est difficile en l’espèce de relier le « régime
indemnitaire du corps d’origine », même sur la base de la décomposition indiquée dans la fiche financière, à
un régime indemnitaire dû à un agent titulaire pour l’exercice effectif de ses fonctions dans le cadre d’un
emploi de direction de la filière administrative dans les collectivités territoriales ; qu’elle soutient en troisième
lieu, l’absence de fondement juridique à la dépense au motif qu’ étant donné l’existence du principe général
de non-rétroactivité des actes administratifs, il peut être considéré que le paiement de cette indemnité au
directeur général des services ne reposait sur aucun fondement juridique et que les délibérations adoptées
en 2020 n’ont pu ouvrir le droit au versement de cette indemnité de manière rétroactive ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
ATTENDU
que l’arrêté du président du conseil départemental portant détachement de l’intéressé dans l’emploi
fonctionnel de directeur général des services en date du 3 janvier 2014 dispose qu’il continuera à «
bénéficier du
régime indemnitaire fixé dans son corps d’origine
» ; qu’ainsi, et sans qu’il soit nécessaire de justifier la volonté de
l’ordonnateur pour chacun des paiements intervenus à ce titre, il est établi que celui-ci a explicitement et
suffisamment manifesté sa volonté d’attribuer le régime indemnitaire antérieur servi dans son ensemble au
directeur général des services ;
ATTENDU
qu’aux termes de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983, «
Les fonctionnaires ont droit, après service fait,
à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi
que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire
» ; que s’il incombe au comptable public de
s’assurer que l’ordonnateur a attesté du service fait; en revanche il ne revient pas au comptable public d’estimer si
les résultats professionnels d’un agent ou les résultats collectifs de son service justifiaient l’attribution d’une prime ;
que le régime indemnitaire découlant de l’article 13-1 du décret du 30 décembre 1987 constitue de surcroît une
prolongation du régime indemnitaire antérieurement applicable à l’agent, sans considération de ses résultats ;
qu’en l’espèce, le service fait ne pouvait donc être apprécié que selon que l’agent a occupé ou non son poste, de
la même manière que pour le versement de son traitement ; qu’en l’espèce, le directeur général des services a
bien occupé son poste au cours de l’année 2014 ; que le service fait doit donc être regardé comme établi, la
signature du bordereau des mandats valant d’ailleurs certification du service fait ;
8/14
ATTENDU
que si les décisions administratives ne peuvent en principe légalement disposer que pour l'avenir il en
est différemment de certaines décisions relatives à la carrière des fonctionnaires ou des agents publics,
l'administration peut leur conférer une portée rétroactive dans les mesures nécessaires pour assurer la continuité
de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de leur situation ; que cette exception au principe
de non rétroactivité des actes administratifs est susceptible de concerner l'attribution d'un régime indemnitaire à la
double condition que la mesure soit nécessaire à la régularisation de la situation de l'agent concerné et que celle-
ci ne déroge pas aux règles législatives et réglementaires alors applicables à la date de prise d’effet de la décision ;
ATTENDU
que la délibération du 9 mars 2020 de la commission permanente vise à régulariser l’absence de
délibération concernant le régime indemnitaire du directeur général des services en disposant que :
«
Conformément aux articles 13-1 du décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987, les Directeurs Généraux des
Services détachés sur un emploi de direction bénéficieront du régime indemnitaire afférent à leur grade
d’origine.
» ; qu’une délibération tendant à fixer le taux d’une indemnité devant ou pouvant être versée à un agent
public au titre de la loi ou du règlement peut rétroactivement faire office de fondement juridique validant l’existence
et donc le versement déjà effectué de ladite indemnité, que si en l’espèce, l’agent ne pouvait se prévaloir d’un droit
acquis au maintien de son régime indemnitaire précédent, cet argument ne permet pas d’exclure la rétroactivité de
la délibération du 9 mars 2020 de la commission permanente, pleinement compétente pour instaurer une prime ou
une indemnité, en ce que celle-ci vient régulariser rétroactivement les primes attribuées, auxquelles l’agent pouvait
prétendre au titre de l’article 13-1 du décret du 30 décembre 1987; que la dépense en cause est donc fondée
juridiquement ;
ATTENDU
que dès lors, le paiement des indemnités au directeur général des services au titre de la conservation
du régime indemnitaire afférent à son grade d’origine ne peut être considéré comme indu et, par suite, constitutif
d’un préjudice financier pour le département de la Côte-d’Or ;
Sur la somme non rémissible
ATTENDU
que le paiement des indemnités en cause, d’un montant total de 43 546,66
, en l’absence de
délibération de l’assemblée délibérante, n’a pas causé de préjudice à la collectivité comme précisé précédemment ;
ATTENDU
qu’en application des dispositions du 2
ème
alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée,
«
lorsque le manquement du comptable (…) n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le
juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des
circonstances de l’espèce
» ; qu’aux termes du décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 susvisé, le montant
maximal de cette somme est fixé à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable
considéré, qui s’établit à la date du paiement litigieux à 177 000
, soit 265,50
;
ATTENDU
que l’absence de caractère systémique du manquement est avérée, qu’aucune autre dépense de
personnel concernant d’autres agents de la collectivité n’a fait l’objet d’une suite juridictionnelle ; que M. X...
rappelle les problèmes de sous-effectifs récurrents affectant la paierie départementale de la Côte-d’Or notamment
en 2014 ; que de plus, il invoque la nécessité de prioriser les axes de contrôle pour se concentrer sur les secteurs
à risque et à fort enjeu financier tels que les marchés publics ; que ces différents éléments de fait doivent être pris
en compte pour fixer le montant de la somme pouvant être mise à la charge de M. X... ;
ATTENDU
qu’au vu des circonstances de l’espèce il n’y a pas lieu de prononcer au titre du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 une somme mise à la charge du comptable ;
9/14
Sur la seconde présomption de charge concernant M. X... au titre de l’exercice 2014
ATTENDU
que par le réquisitoire susvisé, le Ministère public a soulevé à l’encontre de M. X... une présomption de
charge à raison du paiement d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IFTS), au bénéfice du directeur
général des services du département de la Côte-d’Or suivant les mandats collectifs de la paie récapitulés au tableau
n° 1 ci-dessus, à concurrence de 2 956,68
, comme au tableau ci-après ;
Tableau n° 3 : Montants des IFTS versées au DGS
Mois
Montant
Janvier
208,22
Février
249,86
Mars
249,86
Avril
249,86
Mai
249,86
Juin
249,86
Juillet
249,86
Août
249,86
Septembre
249,86
Octobre
249,86
Novembre
249,86
Décembre
249,86
Total
2 956,68
ATTENDU
que le réquisitoire relève que M. X... aurait méconnu ses obligations de contrôle de la validité de la
dette, s’agissant de la production des pièces justificatives, dès lors que ces paiements n’étaient appuyés, ni d’une
délibération de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen de ces
indemnités, ni de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable à l’agent, pièces
prévues à la rubrique 210223 « primes et indemnités » de l’annexe I du code général des collectivités territoriales ;
En ce qui concerne le manquement
Sur les observations des parties
ATTENDU
que le comptable reprend les arguments développés sous la charge n° 1 en ajoutant qu’en ce qui
concerne les IFTS, «
un tableau précisant le montant par mois était joint
» ;
ATTENDU
que l’ordonnateur reprend l’argumentaire développé sous la première charge et l’invocation des
délibérations des 9 mars et 13 octobre 2020 en indiquant que : «
Les mêmes causes produisent les mêmes
effets. Les conséquences de la lacune, ci-avant exposée, se reproduisent ici. Il convient de se replacer dans
le contexte de ce début d’année. Le dossier a été constitué en fin d’année pendant une période d’effectif
réduit au cours de laquelle des contrôles ont vraisemblablement été allégés »
;
ATTENDU
que dans ses conclusions, la procureure financière estime que le comptable aurait dû suspendre
le paiement étant donné que : «
Lors du paiement, le comptable ne disposait pas des pièces (…) requises
par la nomenclature et les tableaux joints à l'appui des mandats des mois de janvier à décembre 2014, ne
listant qu'un montant global de l'IFTS, sans mention du taux individuel, ni signature par l'autorité territoriale,
ne pouvaient tenir lieu de justification pour apprécier la validité de la dépense. »
;
10/14
Sur la responsabilité du comptable
ATTENDU
qu’à la date des paiements litigieux, l’ordonnateur ne conteste pas l’absence de la délibération prévue
par la rubrique 210223 qui aurait autorisé le paiement d’IFTS au titulaire de l’emploi fonctionnel de directeur général
des services ; que les délibérations des 9 mars et 13 octobre 2020, postérieures aux paiements litigieux, ne
pouvaient en tout état de cause être produites à leur appui des pris en charge ;
ATTENDU
que l'arrêté de l'autorité territoriale, valant décision d’attribution au sens des dispositions de la rubrique
210223 de l’annexe I du code des collectivités territoriales, en date du 3 janvier 2014, plaçant l'agent en position
de détachement dans l’emploi fonctionnel de directeur général des services du département à compter du
6 janvier 2014 n’a pas prévu le versement à son bénéficie d’IFTS et qu’aucune décision individuelle de
l’ordonnateur fixant le taux des IFTS servies n’a été produite ; que les tableaux joints aux mandats collectifs de la
paye mensuels ne récapitulent que le montant versé aux agents concernés, sans indication de taux, ni signature
par l’autorité territoriale investie du pouvoir de nomination ;
ATTENDU
que si le comptable fait valoir que la signature du bordereau journal des mandats par l'ordonnateur
emporte réglementairement la signature de toutes les pièces comprises dans le bordereau (mandats et pièces
justificatives), l’article D. 1617-23 al. 2 du CGCT disposant que «
La signature manuscrite, ou électronique
conformément aux modalités fixées par arrêté du ministre en charge du budget, du bordereau récapitulant les
mandats de dépense emporte certification du service fait des dépenses concernées et attestation du caractère
exécutoire des pièces justifiant les dépenses concernées
» ; que si la signature du bordereau a pour effet d’attester
le service fait et le caractère exécutoire, elle ne peut suppléer l’absence de productions des pièces justificatives
prévues par la rubrique 210223 ; que les pièces justificatives n’ayant pas été produites à l’appui des mandats
litigieux, l’argument du comptable est inopérant ; que sont également inopérantes sur le terrain de la production
des pièces justificatives, les circonstances invoquées par l’ordonnateur tenant à l’intérêt départemental de la
dépense, à son ordonnancement conforme et à sa budgétisation ;
ATTENDU
qu’en payant des IFTS au directeur général des services du département de la Côte-d’Or, le comptable
a manqué à son obligation de contrôle de la validité de la dette, s’agissant de la production des pièces justificatives
et a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l’exercice 2014 ;
ATTENDU
que la circonstance que la paierie départementale ait été en sous-effectif en raison notamment de la
suppression de trois postes et en conséquence du recentrage du contrôle sur les marchés et opérations complexes
du département n’est pas de nature à exonérer le comptable de sa responsabilité au titre de la force majeure ;
En ce qui concerne le préjudice financier
Sur les observations des parties
ATTENDU
que l’ordonnateur estime qu’aucun préjudice financier n’a été causé à la collectivité, dès lors que la
dépense est d’intérêt départemental ; que le comptable l’a prise en charge conformément à l’ordonnancement
et telle qu’elle a été prévue et budgétée par le conseil départemental ; que la délibération du 9 mars 2020,
modifiée par celle du 13 octobre 2020, dispose que :
11/14
«
2/ Conformément au décret n° 2004-1082 du 13 octobre 2004 relatif à l'Indemnité de Fonctions et de
Résultats, les Directeurs Généraux des Services bénéficient, à compter du 1
er
janvier 2014, de l'indemnité de
fonctions et de résultats qui repose sur :
-
une part fonction dont le coefficient, compte tenu de la nature des fonctions exercées en termes de
responsabilité, d'expertise et de sujétion, est fixée à 3 ;
-
une part individuelle dont le coefficient est modulé pour tenir compte de la manière de servir de
l'agent appréciée annuellement dans une fourchette de 0 à 3.
Cette indemnité ainsi calculée ne pourra pas dépasser, part fonction et part individuelle cumulées, 19 800
.
3/ Les Indemnités Forfaitaires pour Travaux Supplémentaires versées constituent une erreur matérielle et les
montants de ces indemnités doivent être interprétés comme une partie de l'Indemnité de Fonctions et de
Résultats
» ;
ATTENDU
que M. X... fait également valoir l’absence de préjudice en se référant à l’argumentaire de
l’ordonnateur ;
ATTENDU
que dans ses conclusions, la procureure financière considère que l’existence d’un intérêt
départemental de la dépense invoqué par l’ordonnateur ne trouve à s’exprimer que par le truchement d’une
délibération de l’assemblée délibérante, qui faisait défaut en l’espèce lors du paiement ; qu’elle considère
absente la volonté de l’ordonnateur, puisque celle-ci ne s’est concrétisée par aucune décision individuelle
d’attribution, dès lors que l'arrêté de l'autorité territoriale en date du 3 janvier 2014, plaçant l'agent en position
de détachement sur l’emploi fonctionnel de directeur général des services du département à compter du
6
janvier 2014, ne prévoit pas l’octroi d’IFTS et elle estime au contraire qu’en attribuant au directeur général
des services un logement par nécessité absolue de service, le président du Conseil départemental a entendu,
au regard de la réglementation applicable, exclure le versement d’IFTS à son profit ; qu’elle ne retient pas
l’existence d’un service fait dès lors que la circonstance du cumul du bénéfice des IFTS avec le logement par
nécessité absolue de service, exclu par les dispositions du décret n° 2002-63 du 14 janvier 2002 relatif à
l'IFTS, ne permet pas de retenir l’existence d’un service fait ; qu’elle considère enfin que la dépense est
dépourvue de fondement juridique, même rétroactif, puisqu’il ressort de l’instruction que la délibération du
9 mars 2020 prévoit que, conformément au décret n° 2004-1082 du 13 octobre 2004 relatif à l'indemnité de
fonctions et de résultats (IFR), les DGS bénéficient, à compter du 1
er
janvier 2014, de l'IFR, tandis que les
Indemnités Forfaitaires pour Travaux Supplémentaires versées constituent une erreur matérielle et les
montants de ces indemnités doivent être interprétés comme une partie de l'Indemnité de Fonctions et de
Résultats ; qu’elle estime ainsi qu’il en résulte que les droits à l’IFTS n’étant ouverts ni au moment du
paiement, ni postérieurement, le manquement issu du versement d’IFTS au directeur général des services a
causé un préjudice à la collectivité
;
Sur l’existence d’un préjudice financier
ATTENDU
qu’au regard de la réglementation qui s’impose au conseil départemental, en attribuant au directeur
général des services un logement « par nécessité absolue de service », son président doit être regardé comme
ayant, implicitement mais nécessairement, entendu exclure le versement d’IFTS à son profit ;
ATTENDU
que l’appréciation de l’intérêt départemental pour justifier le paiement d’une dépense ne ressort pas de
l’office du juge des comptes ; que le moyen invoqué est donc inopérant, qu’en conséquence la volonté de
l’ordonnateur d’exposer la dépense n’est pas demontrée en l’absence de décision individuelle ; qu'au surplus
l'arrêté du 3 janvier 2014 ne prévoit pas le versement de ces indemnités ;
ATTENDU
que selon l’article 3 du décret n° 2002-63 du 14 janvier 2002 relatif à l'IFTS des services déconcentrés,
«
Le montant de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires varie suivant le supplément de travail fourni
et l'importance des sujétions auxquels le bénéficiaire est appelé à faire face dans l'exercice effectif de ses
fonctions
» et que son article 4 dispose en outre qu’«
Il ne peut être attribué aucune indemnité forfaitaire pour
12/14
travaux supplémentaires aux agents logés par nécessité absolue de service
» ; que par un arrêté du 3 janvier 2014,
qui porte la mention «
paierie départementale 2 ex
. », le président du conseil départemental a attribué au directeur
général des services « par nécessité absolue de service » un logement de fonctions avec fournitures accessoires
au logement gratuites ; que cet avantage en nature est valorisé sur chacun des bulletins de salaire de l’intéressé
de janvier à novembre 2014 ; que l’attribution de ce logement gratuit compense des sujétions qui, par suite, ne
peuvent donner lieu à l’attribution d’IFTS, indemnisant ces mêmes sujétions et au titre desquels aucun service fait
ne peut être établi ;
ATTENDU
que le fondement juridique du versement d’IFTS réside dans l’intervention préalable d’une délibération
du conseil départemental et d’une décision individuelle de l’autorité ayant le pouvoir de nomination ; que les
délibérations précitées ont entendu instituer à titre rétroactif au bénéfice des DGS départementaux une indemnité
de fonctions et de résultats étrangère au présent litige et régie par des dispositions distinctes de celles relatives au
IFTS ; que si le conseil départemental estime que les sommes versées au titre des IFTS l’ont été à la suite d’une
erreur matérielle et doivent s’imputer sur les sommes à verser au titre de l’IFR, c’est bien à titre d’IFTS que le
comptable a payé lesdites sommes ; que surtout le département ne pouvait régulièrement instaurer rétroactivement
à compter du 1
er
janvier 2012 l’IFR alors même que cette indemnité avait été remplacée par la PFR créée par le
décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 et en conséquence les dispositions mêmes de ces délibérations étaient
irrégulières et ne pouvaient avoir de portée rétroactive ; que la contradiction évidente entre le versement des IFTS
et l’attribution d’un logement de fonction, rendant le dispositif irrégulier, exclut également toute forme de rétroactivité
des délibérations des 9 mars et 13 octobre 2020 quant au versement des IFTS ; que par ses délibérations des
9 mars et 13 octobre 2020, le conseil départemental n’a pas pu ouvrir aux DGS le droit au bénéfice des IFTS ;
qu’ainsi la dépense payée par le comptable était dépourvue du fondement juridique dont il lui appartenait de vérifier
l’existence ;
ATTENDU
que l’absence de fondement juridique de la dépense, de service fait et de volonté de l’ordonnateur
d’exposer la dépense font regarder le paiement des IFTS comme constitutif d’un préjudice financier ;
Sur le lien de causalité entre le manquement du comptable et le préjudice financier
ATTENDU
que si le comptable n’avait pas manqué à son obligation de contrôle de la production des pièces
justificatives, le paiement de la prime litigieuse aurait été suspendu et la somme de 2 956,68
n’aurait pas
été versée; qu’il existe ainsi un lien de causalité entre son manquement et le préjudice financier subi par le
département de la Côte-d’Or ;
Sur le débet à prononcer
ATTENDU
qu’en application des dispositions du 3
ème
alinéa du VI de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963
précité, il y a donc lieu de constituer M. X... débiteur auprès du département de la Côte-d’Or du montant du préjudice
subi par la collectivité, à concurrence de 2 956,68
; que conformément au VIII de l’article 60 modifié de la loi
du 23 février 1963, ce débet portera intérêt au taux légal à compter
du 7 octobre 2020, date à laquelle le réquisitoire
lui a été notifié ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
ATTENDU
qu’aux termes du 2
ème
alinéa du IX de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 : «
Les comptables
publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième
alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur
charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes,
des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable
public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé
du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la
somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI
» ;
13/14
ATTENDU
que dans sa réponse du 28 janvier 2021, M. X... fait valoir que le plan CHD validé et applicable à la
gestion 2014 ne prévoyait pas le contrôle obligatoire des dépenses liées au régime indemnitaire et aux IFTS du
directeur général des services, qu’il ajoute que l'objet même d'un plan CHD est de lister les contrôles à effectuer
sur seulement certaines dépenses énumérées avec le cas échéant des pourcentages et des limites de seuils, que
dès lors, les autres dépenses non visées dans le plan et/ou en dehors des limites citées ne font pas l'objet d'un
contrôle obligatoire pour le comptable ; que dans son courriel du 4 février 2020, enregistré au greffe le même jour,
le comptable avait également précisé qu’avant juin 2014 les plans CHD restaient d’application pour l’année de
signature et la ou les suivantes tant que le comptable ne transmettait pas des modifications à la validation de la
DRFiP et qu’en « ce qui concerne le plan CHD paye », la base de référence demeurait le CHD de 2010 ;
ATTENDU
qu’un plan de contrôle pour les années 2014 à 2016 a été transmis à la DRFiP par M. X... le 1
er
septembre 2014 et a été validé par cette dernière le 17 novembre 2014 en observant toutefois que les calendriers
de contrôle de la paye qui y étaient joints ne concernaient que l’année 2015 ;
ATTENDU
que le nouveau plan de contrôle validé en 2014 par la DRFiP ne comportait donc aucun dispositif de
contrôle sélectif de la paie applicable sur la période du 17 novembre au 31 décembre ; qu’il convient en l’espèce
de considérer que l’année 2014 était couverte en totalité par le CHD paye en vigueur depuis 2010 ;
ATTENDU
que le contrôle sélectif constitue un mode dérogatoire au contrôle exhaustif des dépenses, lequel
demeure applicable pour toutes les dépenses qui ne sont pas expressément mentionnées dans le plan de contrôle ;
ATTENDU
que le plan de contrôle de 2010, applicable sur l’exercice 2014, prévoyait notamment un contrôle
obligatoire exhaustif tous les mois a posteriori au titre de la partie obligatoire du référentiel national des nouveaux
entrants et listait des thèmes de contrôle à effectuer une fois par an dont notamment les concessions de logement,
les 10 rémunérations les plus importantes et les primes de la filière administratives (5 % par grade), M. X...
n’apporte aucun élément justifiant d’une mise en
œ
uvre effective de ces contrôles alors même que le directeur
général des services figurait parmi les nouveaux entrants en 2014 ;
ATTENDU
que dans ces conditions, le comptable n’établit pas avoir mis en
œ
uvre le dispositif de contrôle sélectif
relatif à la dépense en cause en 2014 qui prévoyait notamment le contrôle des nouveaux entrants ; que par suite
les mandats litigieux relevaient d’un contrôle exhaustif de la part du comptable ; que dès lors, au cas de remise
gracieuse, la somme que le ministre chargé des comptes publics devra laisser à la charge du comptable ne pourra
être inférieure à 3 ‰ du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable qui était de 177 000
en 2014,
soit 531
;
PAR CES MOTIFS,
DECIDE :
Article 1 :
Au titre de la première charge, il ne sera pas prononcé de somme non rémissible à l’encontre de M. X...
au titre de l’exercice 2014.
Article 2 :
Au titre de la seconde charge, M. X... est constitué débiteur du département de la Côte-d’Or, au titre de
l’exercice 2014, de la somme de 2 956,68
, augmentée des intérêts de droit à compter du 7 octobre 2020.
14/14
Article 3
: M. X... ne pourra être déchargé de sa gestion au titre de l’exercice 2014 qu’après apurement du débet
prononcé à l’article 2 ci-dessus.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté, réunie en formation plénière.
M. Thierry FARENC, président de section, président de séance,
M. Audrey CAVAILLIER, première conseillère,
M. Frédéric MONNERON, premier conseiller,
M. Yannick KLEIN, premier conseiller,
Mme Léa LHIOUI-PERRIN, conseillère, réviseure.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre
ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux
judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en
seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par :
Mireille GREGOIRE, greffière et Thierry FARENC, président de section de la chambre régionale des comptes Bourgogne-
Franche-Comté, président de séance.
Collationné, certifié conforme à la minute déposée au greffe de la chambre régionale des comptes Bourgogne-
Franche-Comté.
Le secrétaire général,
Stéphane PELTIER
Voies et délais de recours
La présente décision juridictionnelle peut être déférée en appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de la
date de sa notification (articles L. 242-6 et R. 242-19 à 28 du code des juridictions financières).