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Les notes du CPO
N° 1 - Juillet 2021
Quel taux pour l’impôt sur les sociétés en France ?
L’annonce récente, par les gouvernements britannique et américain d’une remontée du taux de leur
impôt sur les sociétés (IS) marque une rupture avec plusieurs décennies de baisse du taux de cet
impôt. Ainsi, le gouvernement britannique a-t-il annoncé début mars 2021 que le taux de l’IS
remonterait à 25 % d’ici à 2023. Pour sa part, l’administration Biden prévoit de faire passer le taux
de l’IS à 28 % afin de financer son plan d’investissement dans les infrastructures. Les États-Unis se
placeraient ainsi dans la fourchette haute des pays développés, avec le Portugal, l’Australie ou la
Mexique, dont les taux d’IS s’établissent à 30 %, la moyenne de l’OCDE se situant autour de 25 %.
Dans ce contexte, comment analyser le niveau de l’IS français, que le gouvernement s’est engagé à
ramener à 25 % en 2022 ?
Afin de répondre à cette question, la présente note s’appuie sur les travaux consacrés à l’IS par le
Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) au cours des dernières années : en 2009, dans le cadre
de son rapport sur « les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée » ;
en 2010, dans une réflexion sur les « entreprises et (les) niches fiscales et sociales - des dispositifs
dérogatoires nombreux » ; en 2017, à l’occasion d’un rapport intitulé « adapter l’impôt sur les
sociétés à une économie ouverte » ; en 2020, dans son dernier rapport « Adapter la fiscalité des
entreprises à une économie mondiale numérisée ». Au travers de ces différentes contributions, le
CPO a procédé à une analyse détaillée de l’IS dans notre pays, d’où il a tiré un ensemble de
recommandations relatives à l’évolution souhaitable de cet impôt. Il a consacré une attention
particulière à la question du taux de l’IS et à la différence entre le taux nominal, qui résulte de la
législation, et le « taux implicite », notion économique fondée sur des données de la comptabilité
nationale, fréquemment utilisée par les grandes organisations internationales (FMI, OCDE) et par la
Commission européenne pour mesurer le poids de l’IS au regard de la capacité contributive des
entreprises.
Le CPO reprend et actualise ces analyses dans le contexte des évolutions récentes de l’impôt sur les
sociétés au niveau international. Il montre ainsi que le taux de l’IS français, longtemps élevé dans les
comparaisons internationales, devrait tendre dans les prochaines années vers la moyenne des taux
pratiqués dans les pays membres de l’OCDE (partie 1). De son côté, le taux implicite de l’IS qui mesure
la taxation effective des profits des entreprises, a été stable dans les années 2010, jusqu’aux récentes
décisions de baisse de taux (partie 2). Cette stabilité est à rapprocher des évolutions de l’assiette de
l’IS français, qui a été à la fois affectée par la remise en cause de certains avantages et par des
dépenses fiscales en hausse (partie 3). Confronté aux défis résultant de la crise Covid et aux grandes
évolutions de l’économie mondiale, l’IS français doit aujourd’hui poursuivre son évolution afin de
2
|
Quel taux pour l’impôt sur les sociétés en France ?
mieux atteindre ses objectifs de compétitivité, de rendement budgétaire et d’orientation des
comportements des entreprises (partie 4).
1.
Longtemps
élevé
en
comparaison
internationale, le taux nominal de l’IS
français
converge
désormais
vers
la
moyenne des pays membres de l’OCDE
Le taux nominal d’imposition des sociétés est
l’indicateur de charge fiscale sur les entreprises le
plus simple et le plus souvent cité, dans la presse,
comme dans les comparaisons internationales. Il
constitue une vitrine du système d’imposition des
entreprises et retient, de ce fait, l’attention des
investisseurs français et étrangers dans leurs choix
d’implantation et de transfert de bénéfices, même
si les règles d’assiette applicables sont aussi prises
en compte.
1.1. Une concurrence internationale sur les
taux d’IS particulièrement vive au cours des
dernières décennies
Portant
sur
une
assiette
susceptible
d’être
facilement
délocalisée
(les
bénéfices
des
entreprises), l’IS fait l’objet d’une très vive
concurrence fiscale entre les États. Il en est résulté,
depuis les années 1980, une tendance à la
réduction des taux et à la contraction du produit de
l’impôt sur les bénéfices dans les économies
développées. Au niveau mondial, le taux nominal
moyen d’imposition des bénéfices a ainsi été
ramené de 40,4 % en 1980 à 24,2 % en 2019 (cf.
graphique n° 1).
Cette tendance a affecté la plupart des économies
de l’OCDE, y compris les plus grandes. Gabriel
Zucman et Emmanuel Saez
1
rappellent ainsi que,
de 1951 à 1978, le taux nominal d’imposition des
bénéfices aux États-Unis était compris entre 48 %
et 52 %. Au début des années 1950, l’impôt fédéral
sur les sociétés collectait 6 % du revenu national,
soit un niveau quasiment équivalent à l’impôt sur
le revenu des personnes physiques. Après la
réforme fiscale de 2017 qui a abaissé le taux
fédéral de 35 % à 21 %, les recettes de l’impôt sur
les sociétés ne représentent plus que 1 % du
revenu national américain.
Graphique n° 1 : Distribution des taux nominaux mondiaux
d’imposition des bénéfices des sociétés entre 1980 et 2019
1
G. Zucman, E. Saez,
The triumph of injustice: How the rich dodge taxes and how to make them pay
, WW Norton & Co, octobre 2019.
2
T. Madiès, La concurrence fiscale internationale, La Découverte, 2020.
Source: Tax Foundation, « Corporate Tax Rates Around the World »,
Elke Asen, 2019
La concurrence fiscale portant sur les taux de l’IS a
été particulièrement vive au sein de l’Union
européenne,
les
diverses
tentatives
d’harmonisation de l’IS n’ayant pu aboutir. Les taux
nominaux d’imposition des bénéfices y sont ainsi
passés en moyenne de 32 % en 2000 à 21,9 % en
2018. Il résulte de cette pression générale à la
baisse de l’IS une contraction des marges de
man
œ
uvre des États sur la fiscalité des entreprises.
Concurrence fiscale et baisse des taux :
l’importance des effets mimétiques
Dans un ouvrage récent
2
, Thierry Madiès décrit les
effets de mimétisme observés en matière de
concurrence fiscale. Sur un échantillon de 21 pays
membres de l’OCDE, une baisse d’un point du taux
nominal d’imposition sur les sociétés dans les pays
voisins contraint un pays donné à réduire son
propre taux de 0,7 point. Les comportements
mimétiques concernent particulièrement les États
membres de l’Union européenne (UE). Une baisse
d’un point dans les États membres voisins sera
suivie d’une baisse de 0,86 point dans un État
donné, contre seulement 0,02 point lorsque la
baisse est initiée par un État extérieur à l’UE.
Entre 1995 et 2000, la Bulgarie, l’Irlande, la
Pologne, la République tchèque, la Roumanie et la
Slovaquie ont réduit leur taux normal d’IS de plus
de 5 points. Dans les années 2000, l’Allemagne,
l’Autriche,
la
Belgique,
le
Danemark,
le
Luxembourg et le Portugal les ont suivis, alors que
la Bulgarie, l’Irlande, la Pologne, la République
tchèque, la Roumanie et la Slovaquie procédaient
à de nouvelles baisses. En 2017, la Hongrie est
passée de 19 % à 9 %. En visant 25 % en 2022, la
Note du CPO n
o
1, mai 2021
|
3
France demeure au-dessus de ses partenaires de
l’UE et au niveau cible annoncé par le Royaume
Uni.
1.2.
Un
taux
nominal
de
l’IS
français
longtemps
élevé
en
comparaison
internationale
Les taux nominaux résultent des barèmes légaux.
Toutefois, ils sont retraités afin d’être rendus
comparables d’un pays à l’autre, en intégrant les
différents éléments d’imposition affectant les
bénéfices des entreprises. Ainsi ces comparaisons
prennent en compte l’imposition des bénéfices
prélevée au niveau local dans certains pays comme
aux États-Unis
ou en Allemagne ou les diverses
contributions additionnelles qui s’y sont ajoutées
en France.
Graphique n° 2 : Evolution du taux nominal de l’IS en France
et chez ses principaux partenaires
Source : OCDE
L’historique de ces taux (Cf. graphique n° 2) montre
que le maintien du taux nominal français à 33 %
jusqu’en 2018 a contrasté avec la tendance à la
baisse observée en Europe. Ce reflux des taux
nominaux d’imposition s’est accompagné d’une
tendance à la convergence de ces mêmes taux :
l’écart- type des taux nominaux d’imposition s’est
en effet réduit sur la période. Il en résulte que
l’écart entre le taux français et ceux de la plupart
des Etats membres de l’UE n’a cessé de se creuser
depuis les années 1990. Alors que la France avait
en 1995 un taux nominal maximal d’IS inferieur à la
moyenne de l’UE 15 (-1,4 point), elle affichait un
taux supérieur de 10 points à la moyenne en 2018.
Le même constat peut être fait vis-à-vis des autres
pays de l’OCDE : l’écart entre le taux nominal
3
Le Royaume-Uni a ainsi annoncé un relèvement du taux de son IS de 19 % à 25 % à l’horizon 2023.
français et la moyenne de l’OCDE est passé de +5,2
points en 2000 à +9,2 points en 2014, pour
atteindre +12 points en 2018.
1.3. Une baisse désormais engagée du taux
nominal de l’IS français qui devrait le faire
converger vers la moyenne des pays de
l’OCDE
L’écart entre le taux français et la moyenne de
l’OCDE va toutefois se résorber dans les prochaines
années, avec la baisse du taux de l’IS français à
25 % prévue pour 2022, tandis que d’autres pays
ont
annoncé
leur
volonté
de
relever
progressivement
le
taux
d’imposition
des
bénéfices afin de faire face aux conséquences
budgétaires de la crise sanitaire
3
.
Le taux normal de l’IS français a été modifié par la
loi de finances initiale pour 2018, qui prévoyait une
baisse progressive, de 33,3 % en 2017 à 25 % en
2022.
Le
calendrier
de
cette
baisse
a
été
aménagé pour
financer
les
mesures
sociales
décidées en décembre 2018, mais l’objectif d’un
taux de 25 % en 2022 a été maintenu.
Tableau n° 1 : Calendrier de la baisse du taux nominal de l’IS
Source : PLF 2020
Une
première
baisse
du
taux
nominal
est
intervenue pour l’exercice 2019 avec un taux à
28 % pour les entreprises dont le résultat fiscal est
inférieur à 500 000
; ce taux est de 31 % ou de
33,3 % pour la fraction de bénéfice supérieure à ce
seuil, respectivement pour les entreprises dont le
CA est inférieur à 250 M
et supérieur à 250 M
.
En 2021 le taux d’imposition a été fixé à 26,5 %
pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est
inférieur à 250 M
et à 27,5 % pour les autres (25 %
en 2022). Le champ d’application du taux réduit est
élargi (plafond de chiffre d’affaires relevé de 7,63 à
10 M
). Le coût budgétaire de cette baisse du taux
de l’IS de 33,3 % à 25 % est évalué à environ
11 Md
en 2022.
4
|
Quel taux pour l’impôt sur les sociétés en France ?
La baisse programmée du taux d’IS français
aboutira à le rapprocher de la moyenne de l’OCDE,
proche de 25 % aujourd’hui. Les annonces récentes
par les gouvernements britannique et américain
d’une hausse de leur taux d’IS, respectivement à
25 % et 28 %, et les discussions en cours à l’OCDE
marquent
cependant
une
interruption
du
mouvement de baisse des taux d’IS qui avait
marqué la plupart des pays de l’OCDE depuis
plusieurs décennies.
1.4. L’existence d’un taux réduit pour les
petites et moyennes entreprises (PME)
Parallèlement au taux normal, la France met en
œ
uvre un taux réduit de 15 % réserv
é́
aux PME et
à la fraction de leur bénéfice inférieure à 38 120
.
En 2015, moins d’un tiers des pays membres de
l’OCDE (10 pays sur 34) disposaient d’un régime de
taux réduit pour les PME.
Certains
pays
ont
prévu,
par
ailleurs,
une
modulation du taux d’imposition en fonction du
bénéfice imposable sans pour autant réserver ce
dispositif aux PME. C’est le cas notamment :
- aux Pays-Bas, où le taux normal de l’IS est fixé à
20 % pour la fraction de bénéfice taxable inférieure
à 200 000
et à 25 % pour la fraction supérieure ;
- en Belgique, où le taux de l’IS est progressif en
fonction du bénéfice taxable ;
- de manière plus marginale, au Luxembourg, où le
taux normal est fixé à 21 % mais les bénéfices
inférieurs à 15 000
sont taxés au taux de 20 %.
À
l’inverse,
d’autres
grands
partenaires
économiques comme l’Allemagne, l’Italie, les
États-Unis et le Canada, ont choisi de ne pas
recourir à une telle distinction, ou dans le cas de
l’Espagne de la supprimer dans le cadre de la
réforme de l’IS qu’elle a conduite à la fin de 2014.
A cette occasion, les taux nominaux d’IS en
Espagne ont été abaissés et la distinction en
fonction
de
la
taille
de
l’entreprise
progressivement supprimée. Jusqu’en 2015, les
PME de moins de 25 employés et avec un chiffre
d’affaires inférieur à 5 M
étaient taxées à un taux
réduit de 25 % (contre un taux normal de 28 %).
À compter de l’exercice 2016 cette distinction est
supprimée et seul subsiste un taux réduit de 15 %
pour les sociétés nouvelles.
4
En lien avec l’Institut des politiques publiques (IPP), le CPO reviendra sur ce sujet dans une prochaine note consacrée aux déterminants du taux de
taxation implicite des bénéfices des sociétés.
Le cas du Royaume-Uni est particulier puisque,
après avoir supprimé son taux réduit d’IS en 2015,
ce pays s’apprête à le réintroduire : ainsi, dans le
cadre de l’annonce d’une augmentation du taux
d’IS à 25 % d’ici à 2023, le gouvernement
britannique a précisé que le taux d’IS des PME
resterait inchangé à 19 %, recréant ainsi un taux
réduit pour cette catégorie d’entreprises.
2.
Un
taux
d’imposition
implicite
globalement stable depuis 2009, avant les
décisions de baisse des taux
2.1.
Un
taux
élevé
en
comparaison
internationale
Le taux de taxation implicite des bénéfices peut
être
mesuré
par
plusieurs
indicateurs
macroéconomiques. Selon les champs et les
agrégats retenus, les résultats peuvent être
différents (cf. développements
infra
). Il est donc
important
de
tenir
compte
de
cet
enjeu
méthodologique pour interpréter ces différents
indicateurs
4
.
La Commission européenne édite chaque année
une publication intitulée
Tendances de la fiscalité
dans l’Union européenne (taxation trends in the
European Union)
. Dans cette publication, qui est la
principale
source
pour
les
comparaisons
internationales
relatives
à
la
taxation
des
entreprises, est calculé un taux d’imposition
implicite sur les bénéfices des sociétés. Celui-ci
rapporte les recettes d’impôt sur les sociétés à
l’excédent net d’exploitation (ENE), calculé à partir
de la comptabilit
é
́
nationale. L’indicateur calculé
par
la
Commission
comprend
les
sociétés
financières et non financières et donne deux
résultats, avec et sans dividendes, très différents
pour certains États membres dont la France.
Note du CPO n
o
1, mai 2021
|
5
Graphique n°3 : Taux implicites macro-économiques 2017
estimés par la Commission européenne
Source : Commission européenne (Taxation Trends 2019), données de
l’année 2017
Le taux de taxation implicite des bénéfices renvoie
à un indicateur macroéconomique, qui rend
possible des comparaisons internationales, mais
qui doit toutefois être utilisé avec précaution pour
les raisons suivantes :
- l'impôt sur les sociétés considéré est l'impôt payé
au cours d’une année donnée et non l'impôt dû au
titre de cette année-là. Les mécanismes de
paiement de l'impôt, avec comme en France des
versements d’acomptes et des régularisations
l’année suivante, peuvent amplifier les variations
de taux implicite ;
- l’ENE ne rend qu’imparfaitement compte des
règles d’assiette conduisant à la détermination du
bénéfice imposable. En effet, si l’ENE est l’agrégat
économique qui se rapproche le plus de l’assiette
fiscale de l’impôt sur les sociétés, le résultat
comptable est différent de l’ENE, car il comprend
aussi
le
résultat
financier
et
le
résultat
exceptionnel. En outre, le résultat fiscal s’éloigne
assez sensiblement de l’assiette comptable sur
laquelle il est assis du fait des crédits d’impôt et
d’une dichotomie entre les règles et normes
comptables et les règles fiscales. Par ailleurs, en
comptabilité
nationale,
l'ENE
résulte
de
la
différence entre l'excédent brut d'exploitation et la
consommation
de
capital
fixe.
Ces
données
obtenues à partir des comptes de patrimoine sont
fondées sur
des hypothèses relatives à la vitesse
de dépréciation du capital qui, si elles s’en
rapprochent,
sont
distinctes
des
règles
d’amortissement de la comptabilit
é́
générale.
Malgré ces difficultés d’interprétation, le taux
implicite de la France apparaissait élevé en
comparaison internationale, avant sa baisse en
2019. Les dernières données disponibles, datant de
2017, montrent qu’il était alors le plus élevé de
l’UE, avec ou sans prise en compte des dividendes.
2.2. Un taux implicite de taxation des
bénéfices
des
grandes
entreprises,
désormais
proche
de
celui
des
autres
catégories d’entreprises
Une critique récurrente faite au modèle français
d’imposition des bénéfices est de privilégier les
grandes entreprises au détriment des PME et des
ETI, qui ont des taux de taxation implicites
beaucoup plus élevés. Cette conclusion ressortait
notamment des travaux conduits par la direction
générale du Trésor en 2011.
Graphique n° 4 : Taux implicite de taxation des sociétés non-
financières au titre de 2007
Source : DG Trésor (2011)
Le rapport du CPO de 2017 « Adapter l’impôt sur
les sociétés à une économie ouverte » aboutissait
à un résultat différent, car il retenait les entreprises
dont le résultat fiscal est positif, et non celles dont
l’ENE est positif, ou l’ensemble des entités, lorsque
l’IS est calculé après report des déficits passés.
Dans ce cas, il en ressortait que le taux implicite des
grandes entreprises n’était pas inférieur à celui des
PME en 2014.
Tableau n° 2 : Taux d’imposition implicite des entreprises
(impôt avant reports / résultat d’exploitation) par catégorie
de taille, sur le périmètre de toutes les entreprises qui
paient un IS (résultat fiscal>0)
Source : rapport du CPO « Adapter l’impôt sur les sociétés à une
économie ouverte », 2016
-10,0
0,0
10,0
20,0
30,0
40,0
50,0
60,0
France
Belgique
Portugal
Slovaquie
Royaume-Uni
Rép. Tchèque
Danemark
Suède
Allemagne
Italie
Slovenie
Autriche
Finlande
Grèce
Espagne
Pologne
Hongrie
Bulgarie
Roumanie
Lettonie
Irlande
Pays-Bas
Estonie
Chypre
Lituanie
Luxembourg
Avec dividendes
Sans dividendes
6
|
Quel taux pour l’impôt sur les sociétés en France ?
Dans une étude de 2019 actualisant et complétant
des travaux antérieurs
5
, A. B
ACH
, A. B
OZIO
et Cl.
M
ALGOUYRES
de l’IPP ont étudié les différences de
taux implicites de l’IS selon les tailles d’entreprises
ainsi que selon les secteurs jusqu’en 2015
6
. Ils
mettent en évidence deux phénomènes :
-
le taux implicite décroît avec la taille de
l’entreprise, conformément à ce qui avait été mis
en évidence par les études précédentes ;
-
les taux implicites par taille d’entreprise sont
toutefois dans une dynamique de convergence.
Graphique n° 5 : Taux de taxation implicite des bénéfices
avant report par catégories d’entreprises
Source : IPP (2019)
Cette convergence des taux implicites d’imposition
des bénéfices entre grandes entreprises et PME est
liée à la remise en cause de différents avantages
d’assiette que connaissait traditionnellement le
régime français d’IS, notamment concernant les
modalités de déductibilité des intérêts
7
. À cet effet
s’ajoute celui procuré par la baisse elle-même des
taux
d’intérêt
qui,
en
limitant
le
coût
de
l’endettement, réduit l’avantage fiscal afférent à la
déductibilité
des
intérêts.
Or,
les
grandes
entreprises
ayant
des
taux
d’endettement
supérieurs en moyenne à ceux des entreprises de
plus petite taille, elles ont donc été davantage
affectées par ce phénomène, ce qui explique la
tendance à la convergence des taux d’imposition
implicite.
5
H. P
ARTOUCHE
et M. O
LIVIER
(2011),
Trésor-Éco n°88
ainsi que N. L
E
R
U
(2016),
Rapport particulier n°3 du rapport CPO 2017, disponible en ligne sur le site du
CPO
6
On rappelle que l’avantage du taux implicite est d’être une mesure macro-économique qui permet des agrégats catégoriels.
7
Ainsi, la loi de finances pour 2013 a revu les règles de déductibilité des intérêts d’endettement. Si cette révision épargne les entreprises de taille
modeste, elle contribue à plafonner à 75 % ladite déductibilité au-delà de 3 M
d’intérêts.
3. Un effort visant à élargir l’assiette de l’IS,
malgré des crédits d’impôts en hausse au
cours de la décennie 2010
Le modèle français d’IS a été historiquement
caractérisé par des taux élevés et une base
relativement étroite en raison des nombreuses
dépenses fiscales et dispositifs dérogatoires qui lui
sont rattachés. L’impact de ces dispositifs a
toutefois été atténué au cours de la dernière
décennie.
3.1. Les mécanismes de report des déficits
applicables en France ne constituent plus un
avantage comparatif significatif
Le mécanisme de report des déficits permet de
considérer :
- d’une part, que le déficit d'un exercice constitue
une charge de l'exercice suivant qui est imputée
sur le bénéfice dudit exercice et qu'en cas
d'insuffisance de ce dernier, le surplus de déficit
peut être reporté sans limitation de durée sur les
résultats des exercices postérieurs (report en
avant) ;
- qu'il peut constituer une charge de l'exercice
précédent (report en arrière).
Ces dispositifs réduisent l'imposition mise à la
charge des entreprises, notamment de celles dont
l'activité est cyclique.
La France a longtemps été caractérisée par un
régime de report des déficits particulièrement
favorable en proposant à la fois un régime de
report en avant et un régime de report en arrière,
sans plafonnement de montant. En termes de
durée, le report en avant est possible de manière
illimitée depuis le 1
er
janvier 2004, tandis que le
report en arrière pouvait être mis en
œ
uvre
sur les trois derniers exercices, soit le délai le plus
long observé parmi les pays qui ouvrent le bénéfice
de ce régime.
La loi de finances pour 2013 a durci les conditions
dans lesquelles les entreprises relevant de l’IS
peuvent reporter leurs déficits fiscaux : le report en
avant est désormais plafonné à 1 M
, majoré de
50 % du bénéfice qui excède cette limite. Par
ailleurs, le report en arrière n’est possible que sur
les bénéfices de l’exercice précédent et est
Note du CPO n
o
1, mai 2021
|
7
plafonné à 1 M
. Depuis cette réforme, les règles
de report des déficits applicables en France
n’offrent donc plus d’avantage comparatif décisif
par rapport aux autres pays européens ou de
l’OCDE.
3.2. Le régime français d’intégration fiscale
offre une sécurité juridique améliorée, au
prix d’un resserrement de certains dispositifs
favorables
Le régime de l’intégration fiscale permet de
compenser les bénéfices et les déficits des
différentes sociétés membres d’un groupe. Par ses
caractéristiques, il constitue l’un des principaux
facteurs
d’attractivité
du
système
français
d’imposition des bénéfices encore en vigueur.
Il fait certes obstacle à l’intégration de filiales
étrangères
8
, mais les régimes en vigueur à
l’étranger sont également réservés aux filiales
nationales, principe validé par la Cour de justice de
l’UE pour ce qui relève de la compensation des
profits et des pertes. Le seuil de détention de 95 %
exigé en France (comme au Luxembourg, aux Pays-
Bas et en Pologne) est moins favorable qu’en
Allemagne et en Italie (50 %), en Espagne (75 %),
aux États-Unis (80 %) ou au Portugal (90 %). Ces
régimes sont enserrés cependant assez souvent
dans des contraintes plus fortes qu’en droit
français, telles que la nécessité de respecter sur
plusieurs années un périmètre constant. En outre,
en France, comme en Allemagne, en Italie, au
Portugal ou aux États-Unis, le régime d’intégration
fiscale est applicable de plein droit sur option, par
opposition à certains États qui conditionnent le
bénéfice de la consolidation des pertes et profits à
un agrément de l’administration fiscale (Espagne,
Luxembourg, Pays-Bas).
Par ailleurs, le régime français d’intégration fiscale
permet non seulement de compenser les bénéfices
et déficits des différentes sociétés membres du
groupe, mais aussi de neutraliser fiscalement
certaines transactions internes au groupe. Ainsi les
dividendes perçus sont exonérés d’imposition à
l’exception d’une
quote-part de
1 %,
que
ces
dividendes
soient
distribués
par
une
filiale
française membre du groupe intégré ou par une
filiale établie dans un autre État-membre de l’UE et
remplissant les critères de l’intégration fiscale
(art. 216 et art. 223 B du CGI).
8
À moins qu’elles ne détiennent en France un établissement à l’actif duquel sont inscrits les titres des sociétés françaises intégrées.
La récente mise en conformité avec le droit de l’UE,
outre la sécurité juridique qu’elle apporte au
régime
de
l’intégration
fiscale,
permet
un
rééquilibrage en améliorant la neutralisation de
certaines opérations et en ne neutralisant plus
certaines autres opérations Ainsi, les distributions
provenant de filiales établies dans un autre État
membre de l’UE sont dorénavant comprises dans
le résultat imposable pour 1 % seulement de leur
montant, y compris lorsqu’elles sont perçues par
une
société
non-membre
d’un
groupe
avec
laquelle ces filiales pourraient être intégrées si
elles étaient établies en France. En revanche,
depuis le 1
er
janvier 2019, la quote-part de frais et
charges sur les plus-values nettes à long terme de
cessions de titres de participation internes aux
groupes n’est plus neutralisée, de même que les
abandons de créances et les subventions au sein
d’un groupe.
3.3. Le dispositif de déductibilité des charges
financières aligné sur celui des autres pays
européens
En matière de déductibilité des intérêts d’emprunt,
les règles longtemps favorables en France ont fait
l’objet d’une harmonisation européenne à la suite
de la directive ATAD. Depuis 2019, les intérêts
d’emprunt sont donc déductibles dans la limite de
30 % de l’EBITDA et de 3 millions d’euros. Ce
nouveau
régime
s’est
accompagné
de
l’aménagement du ratio de sous-capitalisation, qui
réduit la déductibilité des charges financières des
sociétés en situation de sous-capitalisation à 10 %
de l’EBITDA ou 1 million d’euros.
Si
quelques
régimes
particuliers
subsistent,
l’attractivité des règles françaises en matière de
déductibilité des charges financières a donc
globalement diminué au cours des dernières
années.
3.4. Les dépenses fiscales portant sur l’IS ont
progressé et représentent entre 10 % et
15 % de son produit
Les dépenses fiscales portant sur l’IS ont continué
à progresser tout au long de la décennie écoulée,
notamment
sous
l’effet
du
crédit
d’impôt
compétitivité emploi (CICE) qui a été un dispositif
essentiel de la politique pour l’emploi de la France
à partir de 2012 et a été finalement remplacé par
un dispositif de baisse des cotisations sociales à
8
|
Quel taux pour l’impôt sur les sociétés en France ?
partir de 2019. Le cas du crédit d’impôt recherche
(CIR)
est,
lui-aussi,
emblématique
de
cette
évolution : créé sous sa forme actuelle en 2008,
son coût pour le budget de l’État n’a cessé de
progresser depuis lors, passant de 4 Md
en 2008
à 6,6 Md
en 2020, soit entre 10 % et 15 % du
produit de l’IS selon les années, et un niveau
désormais comparable à celui de l’ensemble des
subventions versées par l’État aux organismes de
recherche (CNRS, INSERM, INRA, etc.).
4. Une adaptation à poursuivre
Ce rapide tour d’horizon des évolutions de l’IS en
France montre que cet impôt est en cours
d’évolution : historiquement caractérisé par une
assiette étroite et des taux élevés, il voit désormais
son assiette s’élargir et son taux diminuer. Cette
évolution, appelée de ses v
œ
ux par le CPO, tend à
rapprocher l’IS français de la moyenne de l’OCDE.
Toutefois, certaines des faiblesses de cet impôt
demeurent : son rendement budgétaire est plus
modeste qu’à l’étranger ; le taux réduit applicable
aux PME n’est pas un outil suffisant pour assurer la
compétitivité de cette catégorie d’entreprises ; son
assiette reste grevée par d’importantes dépenses
fiscales destinées à orienter les comportements
des
entreprises
mais
dont
l’évaluation
est
rarement assurée.
4.1. Un rendement budgétaire à préserver
Des recettes d’IS qui n’ont toujours pas rejoint leur
niveau d’avant la crise de 2008
Après avoir diminué de plus de 20 Md
(-40 %) lors
de la crise de 2008, les recettes d’IS ont ensuite
repris une progression en ligne avec la croissance.
Toutefois, elles n’avaient pas retrouvé leur niveau
d’avant-crise en 2019, à 48,2 Md
, avant de
connaître une forte baisse en 2020, à 36,3 Md
, du
fait de la crise sanitaire, tendance confirmée en
2021
selon
les
dernières
prévisions
du
gouvernement à 28,4 Md
(contre 31 Md
en LFI).
9
Les données de ce graphique correspondent à l’IS au sens budgétaire. Cela correspond aux recettes effectives d’IS (montants recouvrés, y compris
recettes sur titres) après imputations des crédits d’impôts, mais avant restitution des parties de ces crédits dépassant l’imposition brute.
10
OCDE,
Statistiques de l’impôt sur les sociétés
, 2019.
11
Les comparaisons des niveaux de profit doivent toutefois tenir compte des nombreux retraitements que subit le profit, le principal étant lié aux
dividendes versés entre entreprises d’un même groupe.
Graphique n° 5 : Évolution des recettes d’IS depuis 2007
9
Source : DGFiP
Cette faiblesse se confirme lorsqu’on rapporte les
recettes d’IS à la totalité des recettes fiscales ; le
ratio qui en résulte est parmi les plus faibles du
monde. Sur 88 pays du cadre inclusif de l’OCDE, l’IS
représente moins de 5 % des recettes fiscales pour
seulement cinq d’entre elles, dont la France en
2016
10
.
Une conséquence de la faible profitabilité des
entreprises françaises
Ce rendement relativement limité renvoie à
plusieurs causes, à commencer par
un niveau de
profitabilité des entreprises plus faible qu’ailleurs.
Depuis 1999, le taux de profit brut moyen des
sociétés
non-financières
en
France
apparaît
constamment inférieur à la moyenne de la zone :
l’écart avec l’Allemagne est de plus de 7 points,
avec l’Italie de 11 points, avec l’Espagne de
12 points
11
, comme le montre le graphique ci-
dessous.
Graphique n°6 : Taux de profit brut avant impôt des sociétés
non financières en % de la valeur ajoutée brute
Source : Eurostat
52,7
50,7
31,4
38,5
42,5
42,3
45,8
38
37,4
37,7
42
42,6
48,2
0
10
20
30
40
50
60
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
IS
25,00
30,00
35,00
40,00
45,00
50,00
55,00
1999200120032005200720092011201320152017
zone euro
Allemagne
Espagne
France
Pays-Bas
Italie
Royaume-Uni
Note du CPO n
o
1, mai 2021
|
9
Le rôle des impôts de production
Le poids des impôts de production peut également
expliquer la faiblesse du rendement de l’IS, car
ceux-ci sont déductibles du résultat. La direction
générale du Trésor a effectué une simulation du
surcroît d’IS qui découlerait mécaniquement d’une
absence d’impôts sur la production : selon cette
étude (2013), la France fait partie des États
européens où le surcroît d’IS serait le plus fort, à
1 point de PIB environ (cf. graphique suivant).
Graphique n° 7 : produit de l’impôt sur les bénéfices,
augmenté de l’impôt supplémentaire obtenu
mécaniquement en l’absence d’impôts sur la production (en
points de PIB 2012)
Source : Eurostat, Taxation trends in the European Union, 2013,
calculs DG Trésor
Ces chiffres sont cependant anciens et n’intègrent
pas la réduction de moitié des impôts de
production à partir de 2021
12
. Ils doivent donc être
regardés avec prudence. Il n’en demeure pas
moins que l’on peut considérer les impôts de
production comme l’une des causes de la faiblesse
de l’IS en France.
Ces causes structurelles qui amoindrissent le
rendement de l’IS en France appellent à une
certaine prudence concernant l’évolution de ses
paramètres dans les prochaines années. Dans un
contexte
de
finances
publiques
tendu,
le
rendement budgétaire de cet impôt reste l’un de
ses principaux objectifs. Il convient d’assurer que
l’évolution des taux et de l’assiette de l’IS seront
12
Il s’agit de la réduction de moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la
taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour leurs établissements industriels évalués selon la méthode comptable. En outre, le taux de
plafonnement de la cotisation économique territoriale (CET) a été abaissé de 3 % à 2 % en fonction de la valeur ajoutée, pour éviter qu’une partie du
gain de la baisse de la CVAE et des impôts fonciers ne soit neutralisée par le plafonnement.
13
Source : Voies et moyens Tome II –Annexe au projet de loi de finances pour 2016.
14
Article 7 de la loi n°2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001.
15
Cf. exposé des motifs du projet de loi
bien
compatibles
avec
la
préservation
des
recettes budgétaires résultant de cet impôt.
4.2. Une trajectoire de taux qui doit prendre
en
compte
l’évolution
du
contexte
international
Un taux d’IS français qui converge vers la moyenne
des pays membres de l’OCDE
Après plusieurs décennies de baisse des taux
nominaux
de
l’IS,
la
convergence
semble
désormais se faire autour de 25 %. Quelques pays,
comme le Portugal, l’Australie ou le Mexique
demeurent dans une fourchette haute, à 30 %. Ils
pourraient être rejoints par les États-Unis qui ont
annoncé une hausse de leur taux à 28 % pour
financer
le
programme
d’investissement
en
infrastructures
présenté
par
l’administration
Biden. D’autres pays sont dans une fourchette
basse comme la Suisse (8,5 %), la Hongrie (9 %),
l’Irlande (12,5 %), la Lituanie (15 %), le Luxembourg
(18 %). La Belgique et l’Espagne affichent des taux
proches de la moyenne de l’OCDE, à 25 %. L’Italie
est à 24 % et l’Allemagne à 16 %, mais il faut
ajouter au taux allemand celui de l’imposition
locale sur les sociétés (
Gewerbesteuer
).
La trajectoire du taux de l’IS annoncée par la France
en 2018, qui visait à un taux de 25 % en 2022, est
donc de nature à permettre à notre pays de
retrouver un taux d’IS proche de la moyenne de
l’OCDE dès l’an prochain.
Un taux réduit en faveur des PME qui ne doit pas
être le principal instrument d’aide de cette
catégorie d’entreprises
En 2014, 670 000 petites et moyennes entreprises
bénéficiaient du taux réduit de 15 % (cf. I-B-3),
pour un coût global de 2,6 Md
13
. Les arguments
généralement avancés en faveur d’un taux réduit
pour les PME sont essentiellement les suivants :
- soutenir le financement parfois difficile de ces
entreprises en renforçant leurs fonds propres :
c’était l’objectif affiché par le législateur français
lors de l’instauration, dans la loi de finances pour
2001
14
, de ce dispositif
15
. La baisse de l’IS est en
0
1
2
3
4
5
6
7
Borne supérieure de la correction liée aux impôts sur la production
Impôts sur les bénéfices
10
|
Quel taux pour l’impôt sur les sociétés en France ?
effet une façon de réduire le coût des capitaux
propres, les bénéfices réinvestis dans l'entreprise
n’étant pas, contrairement aux intérêts de la dette,
déductibles du bénéfice imposable
16
. Toutefois, le
recours à l’outil fiscal n’apparaît pas le plus adapté
pour
soutenir
l’accès
au
financement
des
entreprises dans la mesure où il ne permet pas une
action ciblée contrairement à des dispositifs de
soutien direct comme les apports en capitaux,
prêts
et
garanties
désormais
offerts
par
Bpifrance
17
. Par ailleurs, comme le montrent les
études disponibles, le régime de taux réduit a
certes permis de réduire le montant d’IS payé par
un nombre important d’entreprises de petite taille,
mais n’a pas favorisé l’émergence d’entreprises de
taille intermédiaire capables de se développer
internationalement
18
;
- prendre en compte la capacité contributive
particulière et
les
charges
des
plus
petites
entreprises. C’est l’argument avancé dans les
annexes au projet de loi de finances pour 2016
pour justifier le maintien d’un taux réduit pour une
fraction des bénéfices des PME. Or le postulat
d’une moindre rentabilité des petites entreprises
n’est pas fondé. Quand bien même il existerait un
différentiel de profitabilité entre entreprises selon
leur taille, l’invocation de différences de « capacité
contributive » pour fonder l’application de taux
différenciés apparaît peu pertinente dans la
mesure où la matière imposée, le bénéfice, qui
résulte de la différence entre les produits et les
charges, intègre déjà cette notion. La situation est
différente pour l’imposition sur le revenu des
personnes physiques, qui porte sur le revenu
global et n’intègre que partiellement les charges
supportées,
ce
qui
peut
justifier
une
différenciation des taux applicables.
Aucun argument ne plaide donc aujourd’hui pour
une augmentation de l’écart de taxation des
bénéfices entre les PME et les autres entreprises.
En définitive, le CPO recommande de poursuivre
la stratégie visant à rapprocher le taux nominal
français de la moyenne de l’OCDE ou de la zone
euro, qui s’établissent aujourd’hui à un niveau
proche de 25%. Pour les PME, il ne paraît pas
souhaitable d’augmenter l’écart de taux de
16
Le taux réduit d'impôt sur les sociétés pour les PME, Trésor-Eco, novembre 2007 : « le taux réduit d'IS doit permettre [aux TPE et PME] d'améliorer
leurs capitaux propres et de consolider leur structure de bilan, et donc de leur faciliter in fine l'accès au crédit bancaire ».
17
Les investissements en capital de Bpifrance représentaient 1,4 Md
en 2014, et le montant des crédits bancaires garantis s’élevait à 7,8 Md
la
même année. Source : rapport annuel de Bpifrance, 2015.
18
Sources :
Le taux réduit d'impôt sur les sociétés pour les PME
, S. Raspiller, 2007, Lettre Trésor-Éco n° 23 ; « Entreprises et « niches » fiscales et
sociales, CPO, 2010.
19
France Stratégie,
L’impact du crédit d’impôt recherche
, Evaluation, mars 2019
taxation des bénéfices avec les autres entreprises,
mais
il
conviendrait
d’encourager
d’autres
dispositifs plus efficaces - fonds d’investissement
en fonds propres ou en prêts gérés pour le compte
de l’État par Bpifrance notamment - pour aider
ces dernières à investir ou à renforcer leurs fonds
propres.
4.3. Des dépenses fiscales qui doivent être
strictement limitées et mieux évaluées et
maîtrisées
Le rapport du CPO de 2010 sur les niches fiscales et
sociales des entreprises avait dressé le constat de
dispositifs coûteux, mal maîtrisés et trop rarement
évalués. Le tableau n’a que peu évolué dans ce
domaine, et les dépenses fiscales portant sur l’IS
ont continué à progresser tout au long de la
décennie écoulée. Or, malgré leur importance,
l’évaluation de l’efficacité de ces dispositifs reste
très lacunaire. Dans un rapport rendu en 2019
19
,
France Stratégie conclut ainsi à « un besoin
d’études complémentaires (sur le CIR) », car « les
études disponibles ne permettent pas de conclure
quant au degré d’efficacité du dispositif sur un
certain nombre de points importants. (...) Elles ne
permettent pas encore d’appréhender pleinement
l’impact
du
CIR
sous
l’angle
de
l’efficacité
économique, que ce soit en termes de créations
d’emplois,
de
croissance
économique,
ou
d’attractivité du territoire français pour les talents
et activités de recherche et de production ».
En définitive, les dépenses fiscales peuvent influer
sur les comportements des entreprises. Leur
utilisation
est
cependant
délicate,
car
leur
efficacité dépend de la qualité des incitations
mises en
œ
uvre et elles sont généralement
coûteuses pour les finances publiques. Mal
conçues, elle peuvent éloigner des objectifs
généraux poursuivis par les pouvoirs publics ou
présenter un rapport coût-efficacité défavorable.
L’ensemble de ces éléments plaident, comme
l’avait déjà recommandé le CPO en 2010, pour
une évaluation systématique et régulière des
dispositifs de dépenses fiscales.
RECOMMANDATIONS
L’ensemble
des
recommandations
présentées
ci-dessous sont sous-tendues par une orientation
générale défendue de longue date par le CPO, tendant
à renforcer la pertinence économique de l’IS en
diminuant son taux et en élargissant son assiette. Pour
cela, il est recommandé de :
1.
Poursuivre la stratégie visant à rapprocher le taux
nominal de l’IS français de la moyenne de nos
grands partenaires de l’UE et de l’OCDE, en tenant
compte du contexte des finances publiques ;
2.
Préserver le rendement budgétaire de l’IS, en
poursuivant les efforts de rationalisation de
l’assiette, en limitant strictement le recours à des
dépenses
fiscales
nouvelles
et
en
évaluant
systématiquement
les
mesures
les
plus
importantes,
telles
que
le
crédit
d’impôt
recherche ;
3.
Mieux accompagner les PME dans le contexte
économique de sortie de crise sanitaire et de
transformation numérique, en privilégiant les
mesures
d’aide
ciblées
en
faveur
de
l’investissement et de la capitalisation, tout en
maintenant à son niveau actuel de 15 % le taux
réduit en leur faveur.