S 2021-1221
FINANCES PUBLIQUES
RAPPORT SUR LES
CREDITS OUVERTS
PAR DECRET
D’AVANCE
Juin 2021
Rapport sur les crédits ouverts par décret d'avance - juin 2021
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Sommaire
Synthèse
.........................................................................................................
9
Introduction
..................................................................................................
13
I - Présentation du
décret d’avance
................................................................
15
II - Le respect des conditions de procédure
....................................................
20
A -
L’avis du Conseil d’
É
tat
.................................................................................
20
B - Les avis des commissions chargées des finances
............................................
20
C -
La présentation au Parlement d’une demande de ratification dans le
plus prochain projet de loi de finances
..................................................................
20
III - Le respect des conditions de fond
...........................................................
21
A -
Un montant inédit d’ouverture de crédits
.......................................................
21
B -
La préservation de l’équilibre financier défini par
la dernière loi de
finances
.................................................................................................................
24
C -
Le respect de la condition d’urgence
..............................................................
25
Annexes
.........................................................................................................
31
Réponse du ministre chargé des Comptes publics
....................................
37
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Procédures et méthodes
Rapport sur les crédits du budget de l’État ouverts
par décrets
d’avance
- Élaboration et publication -
En application des articles 13 et 14 de la loi organique relative aux
lois de finances (LOLF) du 1
er
août 2001, le Gouvernement peut, sous
certaines conditions,
ouvrir des crédits supplémentaires par décret d’avance,
sans vote préalable
du Parlement. Le décret d’avance doit faire l’objet d’une
demande de ratification dans le plus prochain projet de loi de finances.
L’article 58 de la LOLF
, en son alinéa 6°, prévoit que, lors du dépôt
des projets de lois de finances, la Cour publie un rapport «
sur les
mouvements de crédits opérés par voie administrative dont la ratification
est demandée dans ledit projet de loi de finances
». Déposé sur le bureau de
l’Assemblée
nationale et du Sénat, conjointement à ce projet de loi de
finances, ce rapport vérifie le respect par le Gouvernement des conditions
de procédure et de
fond fixées par la LOLF pour adopter un décret d’avance.
Ce rapport analyse également les mouvements de crédits mission par
mission.
Le rapport prévu par
l’alinéa 6° de l’article 58 de la LOLF est l’une
des quatre publications que la Cour présente chaque année dans le cadre de
sa mission
constitutionnelle d’assistance au Parlement et au Gouvernement
pour
le contrôle de l’exécution des lois de finances (article 47
-2 de la
Constitution), avec : le rapport sur la situation et les perspectives des
finances publiques, préliminaire au débat d’orientation sur les finances
publiques (
alinéa 3° de l’
article 58 de la LOLF), le rapport sur le budget de
l’État,
transmis conjointement au dépôt du projet de loi de règlement (alinéa
4° d
e l’
article 58 de la
LOLF), et l’acte de certification des comptes de
l’État, annexé au projet de
loi de règlement (
alinéa 5° de l’
article 58 de la
LOLF).
Ces rapports s’appuient sur les contrôles, enquêtes et vérifications
conduits par la Cour. En tant que de besoin, il est fait appel au concours
d’experts extérieurs
, et des consultations et auditions sont organisées pour
bénéficier d’éclairages larges et variés. Ces travaux et leurs suites sont
réalisés par les six chambres que comprend la Cour, la coordination et la
synthèse étant assurés par une formation commune associant les six
chambres.
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COUR DES COMPTES
6
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour des comptes, ainsi que des chambres régionales et territoriales
des comptes, et donc
aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes
que l’élaboration des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et
la collégialité.
L’indépendance institutionnelle des juridictions financières
et
statutaire de leurs membres garantit que les contrôles effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique
que
toutes
les
constatations
et
appréciations ressortant d’un contrôle, d’une enquête ou de vérifications,
de
même que toutes les observations et recommandations formulées ensuite,
sont systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition de
s
responsables concernés. La publication d’un rapport est nécessairement
précédée par la communication du projet de texte que la Cour se propose de
publier aux ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi
qu’aux autres personnes morales ou
physiques directement intéressées.
Dans le rapport publié, leurs réponses accompagnent le texte de la Cour.
La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle, enquête ou
vérification est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Leur rapport ultérieur,
ainsi que tous les projets ultérieurs d’observations et de recommandations,
provisoires et définitifs, sont examinés et délibérés de façon collégiale, par
une chambre ou une autre formation comprenant au moins trois magistrats,
dont l’un assure le rôle de contre
-rapporteur, chargé notamment de veiller à
la qualité des travaux. Ne prennent pas part aux délibérations des formations
collégiales, quelles qu’elles soient, les magistrats tenus de
s’abstenir en
raison des fonctions qu’ils exercent ou ont exercées, ou pour tout autre motif
déontologique.
Le projet de rapport a été examiné et approuvé, le 2 juin 2021, par
une formation interchambres présidée par M. Charpy, président de chambre,
et composée de MM. Barbé, Guibert, Laboureix, Rolland, Mmes Fontaine,
Soussia, M. Fourier, conseillers maîtres. M. Ferriol, avocat général,
représentait la procureure générale.
Le rapporteur général était M. Pelé, conseiller maître en service
extraordinaire, assisté de M. Canivenc, auditeur, et M. Brossard,
vérificateur, rapporteurs.
Le contre-rapporteur était M. Laboureix, conseiller maître.
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PROCEDURES ET METHODES
7
Le rapport de la Cour des comptes sur les crédits du budget de l’État
ouverts par décret d’avance, comme ses autres rap
ports sur les finances
publiques, est accessible en ligne sur le site Internet de la Cour des comptes
et des autres juridictions financières : www.ccomptes.fr.
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Synthèse
En application du 6° de l’article 58
de la loi organique n° 2001-692
relative aux lois de finances du 1
er
août 2001, la Cour des comptes a été
saisie, le 6 mai 2021, d’un projet de décret d’av
ance, par le ministre de
l’économie, des finances et de la relance, et le ministre délégué chargé des
comptes publics. Le décret, daté du 19 mai 2021, a été publié le 20 mai
2021.
Il s’agit de la première saisine de la Cour sur un décret d’avance
depuis novembre 2017.
Le décret d’avance
du 19 mai 2021 intervient dans le contexte
particulier de la crise sanitaire. À cet égard, le Gouvernement souligne dans
le rapport de motivation du décret que l
es restrictions d’activité décidées
au premier trimestre 2021 l
’
ont conduit à prolonger plusieurs dispositifs
d’aide aux ménages et aux entreprises (fonds de solidarité, activité
partielle). Les crédits disponibles en 2021 pour le financement de ces deux
dispositifs proviennent majoritairement de reports de crédits de
l’année
2020 (17,1 Md€) ainsi que d’une dotation en LFI 2021 pour le fonds de
solidarité (5,6 Md€). Ces montants ne suffi
sent pas pour couvrir les
consommations de
l’année 2021 compte tenu de la prolongation des aides
.
Des crédits supplémentaires devraient donc être apportés par une prochaine
loi de finances rectificative
, dont l’adoption pourrait intervenir au cours du
mois de juillet prochain
. Dans l’attente
du vote de cette loi, le projet de
décret d’avances organise un redéploiement de crédits au bénéf
ice des deux
programmes budgétaires porteurs de ces aides
, en procédant à l’annulation
de crédits prévus pour le renforcement des participations de l’État, l
es
besoins identifiés pour 2021 étant, selon le gouvernement, plus faibles
qu’initialement
anticipés.
Le décret d’avance est simple dans son contenu puisqu’il organise
une redistribution des crédits entre seulement trois programmes relevant de
la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
. Dans le détail, le décret
d’avance ouvre 6,7 Md€ (
AE=CP) sur le programme 357
–
Fonds de
solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire
, 0,5 Md€
(AE=CP) sur le programme 356
–
Prise en charge du chômage partiel et
financement des aides d’urgence aux employeurs et aux actifs précaires à
la suite de la crise sanitaire
, et annule 7,2 Md€ (AE=CP) sur le programme
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COUR DES COMPTES
10
358
–
R
enforcement exceptionnel des participations financières de l’État
dans le cadre de la crise sanitaire
.
S’il met en jeu un nombre limité de programmes, le décret d’avance
prévoit des ouvertures et annulations de crédits pour un montant total très
élevé, 7,2
Md€. Depuis 2006, aucun décret d’avance n’avait opéré des
mouvements pour plus de 3,0 Md€.
En redistribuant les crédits entre des programmes de la mission
Plan
d’urgence face
à la crise sanitaire
, le décret d’avance prolonge les
redéploiements effectués
à l’occasion des reports de crédits de 2020 vers
2021.
En application du 6° de l’article 58 de la LOLF, la Cour a examiné
les conditions dans lesquelles le gouvernement a eu recours à la procédure
du décret d’avance, au regard des termes de l’article 13, tant sur la forme
que sur le fond.
Les conditions de procédure ont été respectées. En effet, l’article 13
de la LOLF prévoit que les décrets
d’avance sont pris sur avis du Con
seil
d’État et après avis des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat
chargées des finances.
La Cour a pu s’assurer que ces avis ont bien été
rendus.
Par ailleurs, le décret d’avance doit faire l’objet d’une demande de
ratification dans le prochain projet de loi de finances rectificative, ce qui
sera le cas dans le projet déposé le 2 juin prochain.
Les conditions de fond (respect du plafond, équilibre des ouvertures
et annulations, situation d’urgence)
ont également été respectées. La Cour
souhaite
toutefois appeler l’attention sur plusieurs
points :
-
Le montant des crédits ouverts dans le décret d’avance respecte le
plafond autorisé par la LOLF, c’est
-à-dire 1 % des crédits ouverts par la loi
de finances pour 2021, en retenant le montant total de crédits ouverts sur
le budget général, les budget annexes et les comptes spéciaux, soit
723,5
Md€
;
- En raison de la très faible marge sous le plafond fixé par la LOLF,
le Gouvernement ne pourra, au cours de l’exercice 2021, ouvrir plus
de
35
M€ de crédits lors d’un éventuel décret d’avance
ultérieur ;
-
L’équilibre du décret d’avance est assuré par l’annulation de
7,2
Md€ sur le seul programme 358
-
Renforcement exceptionnel des
participations financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire.
Selon le rapport de motivation du décret, les besoins actualisés de crédits
sur ce programme sont inférieurs à ce qui était anticipé. La Cour observe
que cette annulation très importante de crédits concerne des crédits non
consommés à la fin de l’année 2020 qui ont été reportés en 2021. Même si
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SYNTHESE
11
le contexte sanitaire est source
d’incertitude
s, l
’annul
ation au mois de mai
de plus de 60 % des crédits reportés souligne le caractère massif et
insuffisamment justifié des reports
comme l’a évoqué
la Cour dans son
rapport sur le budget de l’État en 2020. L
es reports de crédits en 2021 pour
le programme 358, qui
n’
ont
pas fait l’objet d’une prévision précise
, ont de
fait constitué une réserve de crédits pouvant être redéployés su
r d’autres
programmes. La Cour constate néanmoins que les ouvertures et
annulations de crédits opérées par le décret d’avance sont équilibrées, et
n’affectent donc pas l’équilibre financier tel qu’il résulte de la loi de
finances initiale et des reports de crédits ;
-
La dernière condition de fond a trait à l’existence d’une situation
d’urgence justifiant le recours à un décret d’avance. Cette condition est
également respectée. S’agissant des deux programmes bénéficiant
d’ouvertures de crédits, la nécessité d’un abondement est avérée compte
tenu des crédits disponibles au début du mois de mai et des dépenses à
couvrir jusqu’à l’adoption de la loi de finances rectificative.
Si les besoins
pour faire face à une nouvelle dégradation de la situation sanitaire
paraissaient difficiles anticiper lors de la discussion du projet de loi de
finances pour 2021, la Cour rappelle toutefois que la mission
Plan
d’urgence face à la crise sanitaire
n’
a
pas fait l’objet d’une prévision
de
consommations de crédits
à l’occasion de l’élaboration de la loi de finances
initiale pour 2021. Les crédits disponibles sur cette mission proviennent
pour plus de 80 % de reports de crédits non consommés en 2020 (en totalité
pour le programme 356, à hauteur de 72 % pour le programme 357).
Dans son rapport sur le budget de l’État en 2020
, la Cour a estimé
qu’il
aurait été possible de ne pas reporter les crédits excédentaires pour
l’exercice 2020
et que les crédits nécessaires en 2021 auraient dû être
ouverts et justifiés en loi de finances initiale
, ce qui aurait permis d’éviter
une certaine confusion des exercices,
contraire au principe d’annualité
budgétaire,
et d’affecter la portée de l’autorisation parlementaire.
Enfin, la
Cour observe que l
’annulation d’une partie des crédits
du programme 356
(activité partielle) non consommés en 2020 pour les reporter en 2021 sur
le programme 357 (fonds de solidarité), pourtant réalisée tardivement (le
18 mars 2021),
a porté sur un montant excessif (2,3 Md€). Le
décret
d’avance
a en effet dû ouvrir des crédits sur le programme 356 pour le
financement de l’activité partielle
en 2021
. Dans son analyse de l’exécution
budgétaire en 2020, la Cour s’était étonnée de l’ampleur d
u report au
bénéfice du fonds de solidarité au regard des besoins prévisibles en 2021
pour l’activité partielle
.
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Introduction
En application du 6° de l’article 58 de la loi organique n° 2001
-692
relative aux lois de finances (LOLF) du 1
er
août 2001, la Cour des comptes
a été saisie, le 6 mai 2021, d’un projet de décret d’avance, par le ministre
de l’économie, des finances et de la relance, et le ministre délégué chargé
des comptes publics. Le décret
1
a été publié le 20 mai 2021 (voir
Annexe 1).
Dans le cadre de sa mission d’assistance au Parlement
prévue par la
LOLF, la Cour établit
un rapport sur tout décret d’avance, à destination des
présidents des commissions chargées des finances des deux assemblées
parlementaires. La transmission du rapport de la Cour doit intervenir
simultanément au dépôt par le G
ouvernement d’un projet de loi de finances
rectificative (PLFR), au sein duquel la ratification du décret d’avance est
demandée au Parlement.
Dans ce rapport, la Cour vérifie le respect des conditions de
procédure et de fond posées par la LOLF pour les décrets d’avance, et
s’assure ainsi de la régularité des opérations d’ouverture et d’annulation
des crédits.
1
Décret n° 2021-620 du 19 mai 2021 portant ouverture et annulation de crédits à titre
d'avance.
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RAPPORT SUR LES CREDITS OUVERTS PAR DECR
ET D’AVANCE
15
I -
Présentation du décret d’avance
Le décret n° 2021-620 du 19 mai 2021 portant ouverture et
annulation de crédits à titre d’avance
opère des mouvements de crédits, à
hauteur de
7,2 Md€ en autorisation
s
d’engagement (AE) et crédits
de
paiement (CP), sur trois programmes de la mission
Plan d’urgence face à
la crise sanitaire
du budget général. Les crédits ouverts et annulés ne
concernent que des dépenses hors titre 2 (HT2).
Tableau n° 1 :
Ouvertures et annulations de crédits dans le décret
d’avance du
19 mai 2021
Numéro de programme
Montant en Md€
(AE=CP, hors
titre 2)
Ouvertures de crédits
7,2
356 -
Prise en charge du chômage partiel et
financement des aides d’urgence aux employeurs et
aux actifs précaires à la suite de la crise sanitaire
0,5
357 -
Fonds de solidarité pour les entreprises à la
suite de la crise sanitaire
6,7
Annulation de crédits
7,2
358 -
Renforcement exceptionnel des participations
financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire
7,2
Source : décret
d’avance du
19 mai 2021
Le décret d’avance du
19 mai 2021 intervient dans le contexte de la
crise sanitaire. À cet égard, le Gouvernement souligne dans le rapport de
motivation du décret (voir Annexe 2) que l
es restrictions d’activité
décidées au premier trimestre 2021
l’
ont conduit à prolonger plusieurs
mesures
d’aide aux ménages
et aux entreprises, notamment le fonds de
solidarité
et l’
activité partielle.
Les crédits disponibles en 2021 pour le financement de ces deux
dispositifs, portés par les programmes 356 et 357, proviennent
majoritairement de reports de crédits de l’année 2020 (17,1 Md€) ainsi que
d’une dotation en LFI 2021 pour le fonds de solidarité (5,6 Md€).
Le rapport de motivation du décret indique que ces enveloppes ne
suffiront pas pour couvrir les consommations de
l’année 2021 compte tenu
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COUR DES COMPTES
16
de la prolongation des aid
es. Dans l’attente de l’adoption d’une
prochaine
loi de finances rectificative
2
, le décret d’avances organise un redéploiement
de crédits au bénéfice des deux programmes budgétaires porteurs de ces
aides
, en procédant à l’annulation de crédits
du programme 358 finançant
des opérations de renforcement des participations financières
de l’État
dans
des entreprises touchées par la crise. Selon le rapport de motivation du
décret, les besoins de renforcement des fonds propres de grandes
entreprises stratégiques sont plus fa
ibles qu’initialement anticipé
pour
l’exercice 2021
.
Le décret d’avance du
19 mai 2021 est particulier à plusieurs égards.
Il s’agit d
u premier
décret d’avance
publié depuis novembre
2017
. Le Gouvernement n’a pas
en effet utilisé cette procédure au cours
des années 2018 à 2020. En particulier, lors de ces trois années, les
redéploiements de crédits entre programmes budgétaires opérés à
l’occasion de la fin de gestion ont été réalisés en totalité
par la dernière loi
de finances rectificative, adoptée au début du mois de décembre de façon
à mettre suffisamment tôt les crédits à disposition des administrations. Ces
trois années ont marqué une rupture puisque, de 2006
3
à 2017, au moins un
décret d’avance
était pris chaque année.
Tableau n° 2 :
répartition infra-annuelle du montant des CP ouverts
par décret d’avance sur la période 2006
- mai 2021
(M€)
Source : Cour des comptes
2
Le Gouvernement a indiqué qu’un projet de loi de finances rectificative serait présenté
le 2 juin 2021 en Conseil des ministres.
3
Date de pleine entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances
(LOLF).
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RAPPORT SUR LES CREDITS OUVERTS PAR DECR
ET D’AVANCE
17
Le décret
d’avance intervient relativement tôt dans l’année.
La
grande majorité des décrets d’avance est prise en fin d’année, notamment
dans le cadre de la « fin de gestion » conjointement avec la loi de finances
rectificative de fin d’année. Sur les
29 décrets d’avance publiés de 2006 à
2017, seuls 6 l’ont été au premier semestre de l’année.
Le décret
d’avance
du 19 mai 2021, lié à la crise sanitaire,
présente un montant total
d’ouvertures et d’annulations
(7,2
Md€)
très élevé
. Le décret d’avance ayant, avant 2021, ouvert le montant le plus
important de CP est celui du 20 juillet 2017, avec un total de 3,0 Md€
4
.
En dépit de ce montant élevé,
le décret de mai 2021 ne concerne
qu’un nombre limité de programmes
, en l’occurrence trois
programmes
relevant d’une même mission. En comparaison
, le décret de juillet 2017
précité avait procédé à des ouvertures de crédits pour 8 programmes de 8
missions différentes et à des annulations sur 67 programmes répartis sur
25 missions.
Le décret d’avance prolonge
, au sein de la mission
Plan
d’urgence face à la crise sanitaire
, les redéploiements entre
programmes budgétaires effectués lors du report des crédits non
consommés fin 2020.
Sur la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
, les crédits
ouverts avant le décret d’avance provenaient en majorité de reports de
l’exercice 2020 (28,85 Md€), un montant presque cinq fois supérieur à
ce
lui des crédits ouverts par la LFI 2021 (6,03 Md€). Les reports de crédits
de l’année 2020 avaient opéré un redéploiement entre programmes puisque
le programme 357 (fonds de solidarité) avait bénéficié de 2,3 Md€ en
provenance du programme 356 (activité pa
rtielle) et de 4,3 Md€ en
provenance du programme 360 (compensation des exonérations de
cotisations sociales).
En déplaçant des crédits du programme 358
5
(renforcement
exceptionnel des participations de l’État) vers les programmes 356 et 357,
le décret d’avance réalise à son tour un redéploiement de crédits entre
programmes de la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
. Ainsi,
le programme 357 qui porte les crédits du fonds de solidarité dispose, après
le décret d’avance, de 26,9
Md€, dont la moitié (13,3 Md€) provient
d’autres programmes de la mission. Le programme 356 destiné au
4
Les ouvertures comportaient notamment 1,5 Md€ pour la recapitalisation d’Areva et
0,6 Md€ pour le financement des opérations extérieures et des missions intérieures des
armées.
5
Qui
proviennent intégralement de reports de l’exercice 2020
.
Rapport sur les crédits ouverts par décret d'avance - juin 2021
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COUR DES COMPTES
18
financement de l’activité partielle bénéficie d’une ouverture de 0,5
Md€
dans le décret d’avance, alors que ses crédits non consommés fin 2020
avaient été reportés à hauteur de 2,3 Md€ sur le programme 357.
Schéma n° 1 :
Redéploiements de crédits entre les programmes de la
mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
Reports de crédits de 2020 vers
2021
Décret d’avance du 19 mai 2021
Source : Cour des comptes
Les interventions financées par les programmes sont les suivantes : 356, activité partielle ; 357,
fonds de solidarité ; 358, renforcement des participations
financières de l’État
; 360,
compensation à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales ; 366, achat de
matériels sanitaires.
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RAPPORT SUR LES CREDITS OUVERTS PAR DECR
ET D’AVANCE
19
Tableau n° 3 :
crédits
disponibles en 2021, y compris décret d’avance
du 19 mai 2021, sur les programmes de la mission
Plan d’u
rgence
face à la crise sanitaire
(CP en Md€, hors fonds de concours)
Programmes
Crédits
non
consommés
fin 2020
Reports
de
crédits
sur 2021
LFI
2021
Décret
d’avance
de mai
2021
Crédits
disponibles
en 2021 y
compris
décret
d’avance
356
4,83
2,50
0,00
0,50
3,00
357
7,93
14,56
5,60
6,70
26,86
358
11,70
11,70
0,00
-7,20
4,50
360
6
4,30
0,00
0,00
0,00
0,00
366
7
0,10
8
0,43
0,00
0,53
Total
28,75
28,85
6,03
0,00
34,88
Source : Cour des comptes
Les interventions financées par les programmes sont les suivantes : 356, activité partielle ; 357,
fonds de solidarité
; 358, renforcement des participations financières de l’État
; 360,
compensation à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales ; 366, achat de
matériels sanitaires.
6
Programme 360 -
Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements
pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire
7
Programme 366 -
Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la covid-19
(programme créé par la LFI 2021)
8
Crédits reportés du programme 134 -
Développement des entreprises et régulations
de la mission
Économie
.
Rapport sur les crédits ouverts par décret d'avance - juin 2021
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COUR DES COMPTES
20
II -
Le respect des conditions de procédure
A -
L’avis du Conseil d’
É
tat
Le Conseil d’État, section des finances, a rendu son avis le
18 mai
2021.
B -
Les avis des commissions chargées des finances
La commission des finances de l’Assemblée nationale a
rendu son
avis sur le décret le 12 mai 2021.
La commission des finances du Sénat a également rendu son avis le
12 mai 2021.
Les deux commissions ont rendu un avis favorable au décret
d’avance qui, selon elles, respectent les c
onditions prévues par la LOLF
9
.
C -
La présentation au
Parlement d’une demande de
ratification dans le plus prochain projet de loi de
finances
Le
décret d’avance fera l’objet d’une demande de ratification dans
le projet de loi de finances rectificative que le Gouvernement déposera au
début du mois de juin.
*
9
Dans leurs avis, les commissions des finances des deux assemblées constatent le
montant élevé des ouvertures de crédits, qui atteint le plafond autorisé, tout en
considérant qu’une loi de finances rectificative sera nécessaire. Lors de l’examen du
projet de décret d’avance, la commission des finances de l’Assemblée nationale a
appelé à une clarification du financem
ent de l’activité partielle d’urgence, en partie
assuré par des crédits de la mission
Plan de relance
. La commission des finances du
Sénat note que le programme 356 (activité partielle) bénéficie d’ouverture de crédits
dans le décret d’avance, alors même qu’une fraction de ses crédits non consommés fin
2020 (2,3 Md€) a été reportée sur le programme 357 (fonds de solidarité). Elle
s’interroge également sur les annulations qui représentent 60 % des crédits reportés sur
le programme 358 (renforcement des parti
cipations financières de l’État). Elle
considère que ces annulations auraient pu intervenir dès la quatrième loi de finances
rectificative pour 2020.
Rapport sur les crédits ouverts par décret d'avance - juin 2021
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RAPPORT SUR LES CREDITS OUVERTS PAR DECR
ET D’AVANCE
21
L
es conditions de procédure prescrites par la LOLF pour l’ouverture
de crédits par décret d’avance ont été respectées par le Gouvernement
.
III -
Le respect des conditions de fond
L’article 13 de la LOLF
10
exige qu’un décret d’avance respecte trois
conditions de fond
: le respect des plafonds qu’elle fixe au montant des
ouvertures et annulations, la préservation de l’équilibre de la dernière loi
de finances
, et l’existence d’un contexte d’urgence
. Ces conditions sont
successivement examinées par la Cour.
A -
Un montant inédit d’ouverture de crédits
La LOLF
soumet les mouvements de crédits par décret d’avance à
deux plafonds
. D’une part,
selon l’article 13 de la LOLF,
les crédits ouverts
dans le cadre des décrets d’avance de l’année ne peuvent excéder, en
montant cumulé, «
1 % des crédits ouverts par la loi de finances de
l’année
».
D’autre part, l’article 14
de la LOLF relatif aux décrets
d’annulation
impose que «
le montant cumulé des crédits annulés par
décret en vertu du présent article et de l’article 13 ne peut dépasser 1,5 %
des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année en cours
».
Les deux plafonds applicables aux décrets d’avance sont ainsi
exprimés en proportion des crédits ouverts par la loi de finances de l’année
,
et par les éventuelles lois de finances rectificatives s’agissant des
annulations de crédits.
Il n’y a pas eu
, à ce stade, de loi finances
rectificative en 2021, donc la référence pour les deux plafonds est celle des
crédits ouverts dans la loi de finances initiale. Cet agrégat inclut les crédits
ouverts sur le budget général
de l’État
, les budgets annexes et certains
comptes spéciaux
11
.
En l’espèce, la somme des crédits de paieme
nt ouverts
10
Il est fait référence ici aux trois premiers alinéas de l’article 13 de la LOLF. La
possibilité, prévue
au quatrième alinéa, d’un décret d’avance pris «
en cas d’urgence et
de nécessité impérieuse
d’intérêt national
»
n’a jamais été utilisée depuis la mise en
œuvre de la LOLF.
11
Voir notamment l’article 34 de la LOLF qui indique que, «
dans la seconde partie,
la loi de finances de l'année : 1
o
Fixe, pour le budget général, par mission, le montant
des autorisations d'engagement et des crédits de paiement ;
[…]
3
o
Fixe, par budget
annexe et par compte spécial, le montant des autorisations d'engagement et des crédits
de paiement ouverts ou des découverts autorisés »
. Les comptes spéciaux visés sont les
comptes d’affectation spéciale et les comptes de concours financiers. Pour les comptes
Rapport sur les crédits ouverts par décret d'avance - juin 2021
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COUR DES COMPTES
22
par la loi de finances pour 2021
12
pour
l’ensemble
de ces enveloppes
s’élève à 723,5
Md€.
Tableau n° 4 :
répartition des crédits de paiement ouverts par la loi
de finances pour 2021
Poste d’ouverture de crédits
Crédits de paiement
ouverts
(Md€)
Budget général (brut)
514,3
Budgets annexes
2,4
Comptes d'affectation spéciale
77,2
Comptes de concours financiers
129,6
Total
723,5
Source : loi de finances pour 2021 (articles 94, 95 et 96 - états législatifs annexés B, C et D).
Note : La somme inclut des doubles comptes.
Sur la base de cette enveloppe totale de crédits ouverts, les
mouvements de crédits de 7,2
Md€
opérés par
le décret d’avance du
19
mai 2021 respectent et saturent le plafond de 1 %
des crédits
ouverts sur le budget général, les budgets annexes et les comptes
spéciaux
(0,995 % des crédits ouverts).
En effet, la très faible marge sous le plafond fixé par la LOLF prive
le Gouvernement
de la possibilité de recourir à un autre décret d’avance
,
au cours de l’exercice
2021,
que sous la condition d’un montant très limité
d’ouverture de crédits
(35
M€)
.
La Cour relève que, d
epuis la mise en œuvre de la LOLF en 2006
,
c’est la première fois que le plafond est atteint.
Ainsi, depuis 2006, le
montant cumulé des crédits ouver
ts s’est élevé en moyenne à 0,26
% des
crédits totaux ouverts en LFI.
de commerce et les comptes d’opérations monétaires, la loi de finances n’o
uvre pas de
crédits mais fixe une autorisation de découvert.
12
Articles 94, 95 et 96 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour
2021. La répartition des crédits par programme est détaillée dans les états législatifs
annexés B, C et D.
Rapport sur les crédits ouverts par décret d'avance - juin 2021
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RAPPORT SUR LES CREDITS OUVERTS PAR DECR
ET D’AVANCE
23
Graphique n° 1 :
crédits ouverts par décret d’avance rapportés aux
crédits de paiements ouverts en LFI entre 2006 à 2021 (en %)
Source : Cour des comptes
Note :
DA signifie décret d’avance, CP crédits de paiement et BG budget général.
La Cour observe par ailleurs que le total de crédits ouverts retenu
pour le calcul
du plafond d’ouvertures de crédits,
de 723,5
Md€
, inclut des
doubles comptes, puisqu’une par
tie des crédits ouverts au titre du budget
général abonde des comptes spéciaux
13
. C’est notamment le cas pour le
compte d’affectation spéciale
Pensions
, dont les dépenses sont en grande
partie financées par des versements en provenance du budget général (pour
environ 43 Md€). Il en est de même du compte de concours financiers
Avances aux collectivités territoriales
, dont les dépenses sont, dans la LFI
2021, financées à hauteur de 6,9 Md€ par des crédits en provenance de la
mission
Remboursements et dégrèvements
.
En ce qui concerne le plafonnement des annulations de crédits,
aucun décret d’annulation n’a, à ce stade, été pris en 2021 au titre de
l’exercice en cours
14
.
Le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par les
13
Les versements du budget général ont vocation à équilibrer les dépenses supportées
par les comptes spéciaux (comme en témoignent les deux exemples mentionnés dans le
texte). Dès lors, ces dépenses donnent bien lieu à une double ouverture de crédits, sur
le budget général et sur les comptes spéciaux.
14
Un décret d’annulation a été pris le
1
5 février 2021 mais portait sur l’exercice 2020.
Le montant des crédits annulés pour 2020 s’élève à 9,0
Md€ en autorisations
d’engagement, et 1,2
Md€ en crédits de paieme
nt.
0,0%
0,1%
0,2%
0,3%
0,4%
0,5%
0,6%
0,7%
0,8%
0,9%
1,0%
1,1%
1,2%
1,3%
1,4%
1,5%
DA (en % des CP ouverts en LFI)
Seuil maximal fixé par la LOLF
(art 13)
Rapport sur les crédits ouverts par décret d'avance - juin 2021
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COUR DES COMPTES
24
lois de finances afférentes à l’année
(en l’occurrence uniquement la loi
de finances initiale)
, applicable au cumul des crédits annulés par
décrets d’avance et décret
s
d’annulation
, est donc respecté.
B -
La préservation de l’équilibre financier défini par la
dernière loi de finances
La LOLF, en son article 13, dispose
que les décrets d’avance
«
peuvent ouvrir des crédits supplémentaires sans affecter l’équilibre
budgétaire défini par la dernière loi de finances
».
L’
exigence de
préservation de l’équilibre
financier conduit à vérifier
d’une part
,
l’absence
de modification par le décret d’avance du solde budgétaire
arrêté à l’article
d’équilibre et, d’autre part,
les effets induits par les annulations sur les
conditions de l’exécution budgétaire,
en particulier la constitution
d’éventuels reports de charges et de dettes à l’égard des contreparties de
l’État.
La Cour observe
que chaque année, l’équilibre
défini par la loi de
finances est modifié par les mouvements réglementaires de reports de
crédit. Cette modification atteint cette année une ampleur inédite. Les
crédits reportés de 2020 sur 2021 ont ainsi atteint le montant de 30,8
Md€
,
un montant qui dégrade d’autant l’équilibre financier de la loi de finances
pour 2021.
Le montant élevé des annulations de crédits sur le programme 358 -
Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le
cadre de la crise sanitaire
(7,2
Md€) est
rendu possible par un report de
crédits de 11,7
Md€ intervenu le 21 décembre 2020. Le rapport de
motivation relatif au décret du 19 mai 2021 justifie cette annulation par un
besoin plus limité que prévu de soutien en fonds propres des entreprises
françaises stratégiques, notamment du fait de conditions de financement
favorables pour les entreprises (prêts garantis par l’État, faiblesse des taux
d’intérêt). Pourtant, entre décembre 2020 et mai 2021, peu d’informations
nouvelles semblent justifier que la dotation du programme 358 soit réduite
de plus de 60 %.
Dans son rapport sur l’exécution du budget de l’État en 2020
15
, la
Cour avait relevé que «
le recours excessif aux reports de crédits
16
conduit
15
Cour des comptes,
Rapport sur l’exécution du budget de l’État en 2020
, disponible
sur www.ccomptes.fr
16
Comme l’article 15 de la LOLF le permet, le législateur avait, à l’article 102 de la loi
de finances initiale pour 2021, autorisé de nombreuses dérogations au plafond de report
de crédits fixé à 3 % des crédits initiaux sur chaque programme.
Rapport sur les crédits ouverts par décret d'avance - juin 2021
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RAPPORT SUR LES CREDITS OUVERTS PAR DECR
ET D’AVANCE
25
à une certaine confusion des exercices budgétaires contraire au principe
d’annualité budgétaire et affecte la portée de l’autorisation et du contrôle
parlementaire sur le budget de l’État
». Elle relevait également que les
«
reports croisés, entre programmes budgétaires poursuivant des objectifs
différents, constitu[ent] une entorse au principe de spécialité budgétaire
».
Ce constat, formulé par la Cour en avril dernier, est renforcé par le
décret d’avance du
19 mai 2021. La révision très importante
de l’estimation
de crédits nécessaires sur le programme 358, en cinq mois, passant de
11,7
Md€ à 4,5
Md€
17
(- 62 %), soulève la question de la justification du
report de ces crédits en fin d’année dernière. L
e report intégral des crédits
du programme 358 non consommés fin 2020, sans référence à une
prévision de dépenses, a de fait permis de constituer une réserve pouvant
être redéployés au profit d’autres programmes budgétaires, notamment de
la mission
Plan d’urgence
face à la crise sanitaire
. Le gouvernement a par
ailleurs indiqué à la Cour que les ouvertures de crédits sur le compte
d’affectation spéciale
Participations financières de l’État
, figurant dans le
projet de loi de finances rectificative présenté au mois de juin 2021, ne sont
pas justifiées par la crise sanitaire et ne seront donc pas financées par un
versement du programme 358,
mais par d’autres programmes du budget
général
En dépit de ces constats, la Cour relève que les ouvertures et
annulations de crédits effectuée
s par le décret d’avance du 19 mai 2021
sont équilibrés. Il procède à des annulations de crédits pour un montant de
7,2
Md€
en
autorisations d’engagement comme en crédits de paiement
applicables sur le budget général et comprend une ouverture
de crédits d’un
même montant sur le budget général.
En conséquence,
la condition juridique de préservation de
l’équilibre financier
,
tel qu’il résulte
de la loi de finances initiale pour
2021 et des reports de crédits
sur l’exercice 2021
, est respectée.
C -
L
e respect de la condition d’urgence
L’article 13 de la LOLF
prévoit qu
e les décrets d’avance ne peuvent
être pris qu’
«
en cas d'urgence
». Cette con
dition d’urgence s’analyse
programme par programme. Elle repose sur quatre conditions :
un besoin de crédits face à des dépenses indispensables ;
l
’absence de solution alternative au décret d’avance
;
17
Dont 0,6
Md€ ont été consommés au cours des quatre premiers mois de l’année 2021.
Rapport sur les crédits ouverts par décret d'avance - juin 2021
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COUR DES COMPTES
26
l
’impossibilité d’ouvrir dans les délais les crédits par voie de LFR
;
l
’incapacité, lors de la discussion de la précédente loi de finances,
d’anticiper les besoi
ns de crédits.
Les trois premières conditions
impliquent de vérifier qu’
à la date
de publication du décret portant ouverture de crédits à titre d’avance les
crédits disponibles ne permettaient pas de faire face à des dépenses
indispensables
18
. Ainsi, l’examen doit porter sur les besoins financiers
identifiés, sur le niveau des crédits disponibles en tenant compte de la
capacité de l’administration à financer les besoins par d’autres moyens
19
,
ainsi que sur l
’urgence à disposer des crédits.
Autr
ement dit, il s’agit de
s’assurer que le décret d’avance correspond au dernier recours
en raison de
l’impossibilité de recourir à d’autres instruments
.
Le Gouvernement a présenté lors du Conseil des ministres du 2 juin
2021 un projet de loi de finances rectificative.
Le décret d’avance vise à
apporter les crédits nécessaires
au financement des aides d’urgence
avant
l’adoption de la loi de finances rectificative, qui pourrait intervenir dans le
courant du mois de juillet.
Il convient donc de vérifier que les crédits ouverts par le décret
d’avance
correspondent à des besoins réels
, qu’ils ne vont pas au
-delà du
nécessaire dans l’attente de la loi de finances rectificative,
et qu’il n’y a pas
d’autre moyen que le décret d’avance pour
les mettre à disposition des
programmes. L’analyse des crédits disponibles et des
prévisions de
consommations sur les programmes 356 et 357 permet de s’assurer que ces
conditions sont vérifiées.
18
Décision du Conseil d’État n° 400910 du 16 décembre 2016.
19
Les autres moyens peuvent prendre la forme de redéploiements,
d’une imputation d
es
dépenses sur les crédits mis en réserve disponibles, ou
d’opérations de
mouvements de
crédits en vertu des articles 11 (dotation pour dépenses accidentelles ou imprévisibles)
et 12 (virements et transferts) de la LOLF.
Rapport sur les crédits ouverts par décret d'avance - juin 2021
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RAPPORT SUR LES CREDITS OUVERTS PAR DECR
ET D’AVANCE
27
Tableau n° 5 :
crédits disponibles (CP) au 1
er
mai sur les programmes
356 et 357, hors et y compris les
ouvertures du décret d’avance (Md€)
Programme
356
Programme
357
Crédits disponibles en début d'année 2021
(LFI et reports)
2,50
20,16
Consommations de crédits
1,78
12,78
Janvier
0,33
2,69
Février
1,08
2,23
Mars
0,12
4,19
Avril
0,25
3,67
Crédits disponibles au 1
er
mai 2021
0,72
7,38
Crédits ouverts par le décret d'avance
0,50
6,70
Somme des crédits disponibles au 1
er
mai et
des crédits ouverts par décret d'avance
1,22
14,08
Source : Cour des comptes
Note
: le programme 356 finance l’activité
partielle, et le 357 le fonds de solidarité.
Le programme 356 -
Prise en charge du dispositif exceptionnel de
chômage partiel à la suite de la crise sanitaire
En 2021, le programme 356 avait pour objet de financer le dispositif
d’activité partielle au titre de l’année 2020
20
, le programme 364 -
Cohésion
de la mission
Plan de relance
devant prendre le relais pour le financement
de l’activité partielle et de l’activité partielle de longue durée au titre de
l’année 2021 : 4,4 Md€ ont été ouverts
sur ce programme par la LFI 2021
pour un coût total estimé de l’activité partielle en 2021 de 6,6 Md€, incluant
la part
à la charge de l’
Unédic
(un tiers, soit 2,2 Md€)
.
Un amendement du Gouvernement adopté lors de la discussion du
projet de loi de finances 2021 a étendu les dispositifs financés par le
programme 356 à
deux nouvelles mesures instituées à la fin de l’année
2020 : l'aide exceptionnelle accordée aux entreprises accueillant du public
au titre des congés payés pris par leurs salariés entre le 1
er
et le 20 janvier
20
Les demandes d’indemnisation de l’activité partielle au titre de 2020 po
uvant être
déposées en 2021, le financement de celles-ci était prévu par reports de crédits
(2,5
Md€)
du programme 356 sur l’année 2021 et aucune ouverture de crédits n’a été
prévue par le LFI 2021 pour ce programme.
Rapport sur les crédits ouverts par décret d'avance - juin 2021
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COUR DES COMPTES
28
2021, et la prime exceptionnelle de l'État à destination de certains
demandeurs d'emploi dits « permittents »
21
.
La prolongation de la crise sanitaire en 2021 a remis en cause les
principes de répartition des financements entre les programmes 356 et 364,
et les deux ont été utilisés en 2021 pour financer l’activité partielle de crise.
Le besoin de crédits pour les prochains mois est donc à apprécier sur
l’ensemble de ces deux programmes.
Au début du mois de mai, les crédits disponibles pour le financement
des dispositifs précités, hors décret d’avance, peuvent être estimés à
4,19
Md€
: 0,72 Md€ sur le programme 356, 2,00 Md€ sur le
programme
364, auxquels il convient d’ajouter 1,47 Md€ en trésorerie
disponible à l’Agence de services et de paiem
ent.
Pour les mois de mai à juillet, les besoins de crédits peuvent être
estimés à 4,48 Md€, dont 4 Md€
22
pour l’État au titre de l’activité partielle,
0,41 Md€ pour l’aide aux permittents et 0,07 Md€ pour la mesure «
congés
payés ».
Sous ces hypothèses, les crédits disponibles, 4,19 Md€, sont
légèrement inférieurs aux besoins. L’ouverture de 0,5 Md€ par le décret
d’avance sur le programme 356
permet ainsi
d’assurer la mise en œuvre
des dispositifs qu’il porte –
notamment l’activité partielle et l’aide
exceptionnelle à certains actifs (les permittents)
–
dans l’attente de
l’adoption d’une loi de finances rectificative courant juillet.
La Cour observe que les seuls crédits disponibles sur le programme
356 en début d’année 2021 provenaien
t de reports de crédits non
consommés en 2020, pour un montant limité à 2,5 Md€. Sur ce programme,
un montant de 2,3 Md€ de crédits non consommés avait été reporté sur le
programme 357 par un arrêté du 18 mars 2021. Deux mois après, le décret
d’avance du 1
9 mai 2021 opère un mouvement de sens contraire en ouvrant
des crédits sur le programme 356. Il
confirme l’
analyse de la Cour sur
l’exécution budgétaire de la mission
Plan d’urgence
face à la crise
sanitaire
23
en 2020. La Cour s’était en effet étonnée de l’importance de ce
report croisé et considérait qu’«
il
n’
[était] pas certain que les reports de
21
Il s’agit d’actifs ayant alterné des périodes d’emploi et de recherche d’emploi.
22
Cette estimation résulte d’une hypothèse de baisse du coût entre avril et juin 2021,
avec la levée progressive des mesures de restriction, comme cela a été observé lors du
deuxième confinement sur la période novembre 2020
–
janvier 2021.
23
Cour des comptes,
Note d’analyse de l’exécution budgétaire de la mission
Plan
d’urgence face à la crise sanitaire
en 2020, avril 2021, disponible sur
www.ccomptes.fr.
Rapport sur les crédits ouverts par décret d'avance - juin 2021
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RAPPORT SUR LES CREDITS OUVERTS PAR DECR
ET D’AVANCE
29
crédits du programme 356 permettent de couvrir l’ensemble des charges
du dispositif exceptionnel d’activité partielle en 2021
».
Le programme 357 -
Fonds de solidarité pour les entreprises à la
suite de la crise sanitaire
En 2021, les aides portées par ce programme sont essentiellement
celles destinées aux TPE subissant une perte de chiffre d’affaires du fait
des mesures de restriction
d’activité
(volet 1 du fonds de solidarité).
Les crédits disponibles au début du mois de mai sur le programme
357 s’élèvent à 7,38 Md€.
Les montants mensuels de dépenses sur ce programme au titre du
volet 1 sont variables selon
l’intensité des mesures de restriction.
En 2021,
les décaissements devraient être élevés en mai et juin, compte tenu des
restrictions en vigueur en avril et en mai (les aides sont versées avec un
mois de décalage). Ils devraient diminuer en juillet, avec la levée
progressive des restrictions à partir du 19 mai. Le montant des
décaissements, sous des hypothèses prudentes reposant sur les coûts
observés lors du deuxième confinement, peuvent être estimées à 4,5
Md€
pour les mois de mai et juin, et à 3,5
Md€ pour le mois de juillet. Le coût
total des aides du volet 1 sur les trois mois ressortirait ainsi à 12,5
Md€.
En
tenant compte de deux
dispositifs d’aide également portés par le
programme 357
24
, les dépenses sur la période mai-juillet peuvent être
estimées à 13,5 Md€
voire 14 Md€
.
En conséquence, si
l’abondement de 6,7 Md€
du programme 357
par décret d’avance n’est pas indispensable
dès le mois de mai compte tenu
des crédits disponibles (7,4
Md€), il
apparaît en revanche nécessaire pour
couvrir les dépenses à financer jusqu’au mois de juillet (avec
une marge de
sécurité).
L’analyse des besoins sur les
programmes 356 et 357 montre que les
crédits ouverts par le décret d’avance sont bien nécessaires (sans être
excessifs) pour financer les dépenses,
avant l’ouverture de crédits
supplémentaires par la prochaine loi de finances rectificative. Par ailleurs,
parmi les mouvements de crédits réglementaires prévus par la LOLF, seul
un décret d’avance permet des redéploiements d’un
e telle ampleur
(7,2
Md€
).
Les trois premières conditions d’urgence sont donc bien
respectées
.
24
La prise en charge des coûts fixes des entreprises, et l
’aide aux stocks saisonniers
pour les commerçants.
Rapport sur les crédits ouverts par décret d'avance - juin 2021
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COUR DES COMPTES
30
La quatrième condition
, relative à
l’incapacité
d’anticiper les
besoins de crédits lors de la discussion de la précédente loi de finances,
implique
d’examiner l’imprévisibilité des ouvertures correspondante
s de
crédit à l’automne dernier, lors des discuss
ions du projet de loi de finances
pour 2021. Au titre de 2021, 2,5 Md€ de crédits étaient ouverts sur le
programme 356 -
Prise en charge du chômage partiel et financement des
aides d’urgence aux employeurs et aux actifs précaires
à la suite de la crise
sanitaire
, et 20,2
Md€ sur le programme 357
-
Fonds de solidarité pour les
entreprises à la suite de la crise sanitaire
.
Sans méconnaître qu’il était difficile d’anticiper le calendrier et
l’ampleur des mesures de restriction décidées en mars 2021 pour faire face
à
l’
aggravation de la situation sanitaire, l
a Cour rappelle, comme elle l’a
souligné dans son rapport sur le budg
et de l’État en 2020, que les
programmes de la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
n’ont
pas fait l’objet d’une
dotation en LFI 2021 reposant sur une prévision de
consommation de crédits
(qui aurait pu intégrer ou non l’hypothèse d’un
nouveau confinement). Les crédits disponibles sur cette mission
proviennent pour plus de 80 % de reports de crédits non consommés en
2020 (en totalité pour le programme 356, à hauteur de 72 % pour le
programme 357).
La Cour a estimé qu’il
aurait été possible de ne pas
reporter
les crédits excédentaires pour l’exercice 2020
et que les crédits
nécessaires en 2021 auraient dû être ouverts et justifiés en loi de finances
initiale
25
, ce qui aurait permis d’éviter une certaine confusion des exercices
contraire au principe
d’annualité budgétaire et d’affecter la portée de
l’autorisation parlementaire
.
*
Au total, compte tenu
des délais d’adoption d’une loi de finances
rectificative et des incertitudes résultant de la situation sanitaire, il
peut être considéré que les quat
re conditions d’urgence sont bien
remplies à la date du 19
mai 2021 pour l’adoption d’un décret
d’avance.
25
Comme l’a relevé la Cour dans le rapport précité, des amendements du
Gouvernement portant des ouvertures de crédits auraient pu être présentés en cours de
débat parlementaire jusqu’au 15 décembre 2020.
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Annexes
Annexe n° 1
: décret d’avance du 19 mai 2021
..............................................
32
Annexe n° 2 : rapport
de motivation du décret d’avance du 19 mai
2021
...............................................................................................................
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Annexe n° 1 :
d
écret d’avance du
19 mai 2021
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Annexe n° 2 :
rapport de motivation du décret
d’avance du
19 mai 2021
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