25, rue Paul Bellamy B.P. 14119 - 44041 Nantes Cedex 01 - www.ccomptes.fr
Chambre plénière
Jugement n° 2021-0009
Audience publique du 19 mai 2021
Prononcé du 16 juin 2021
COMMUNE DE CHANGÉ
(Département de la Sarthe)
Trésorerie de l’agglomération
mancelle et
amendes
Exercice 2017
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire n° 2020-14 du 28 décembre 2020, par lequel le procureur financier a saisi
la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
Mme X...
, comptable de la commune de Changé, au titre d’opérations relatives à l’exercice
2017, notifié le 29 décembre 2020 à la comptable concernée mise en cause, et à M. Y...,
maire de la commune de Changé, en sa qualité d’ordonnateur
;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Changé, par Mme X...,
du 1
er
janvier au 31 décembre 2017 ; ensemble les comptes annexes ;
Vu le
s justifications produites au soutien des comptes ou recueillies au cours de l’instruction
;
Vu l’article 60 de la loi de finances n°
63-156 du 23 février 1963 modifié ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales (CGCT) ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du
VI de l’article 60 de la loi de finances d
e 1963 modifié dans sa rédaction iss
ue de l’article 90
de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu l’arrêté du 25 juillet 2013 portant application du premier alinéa de l’article 42 du décret
n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et
encadrant le contrôle sélectif de la dépense ;
Vu le rapport de M. Etienne Le
Rendu, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction
;
Vu les conclusions du procureur financier ;
2 / 7
Vu les pièces du dossier, notamment la réponse de Mme X... enregistrée au greffe de la
chambre le 1
er
mars 2021, ainsi que celle de M. Y..., maire de la commune de Changé,
enregistrée au greffe de la chambre le 4 mars 2021 ;
Entendu lors de l’audience pub
lique du 19 mai 2021, M. Etienne Le Rendu, premier
conseiller en son rapport, et M. Stéphane Guillet, procureur financier en ses conclusions ;
Mme X..., comptable, et M. Y...
, maire de la commune de Changé, n’étant ni présents ni
représentés ;
Entendu en délibéré M. Yann Pavic, premier conseiller, réviseur, en ses observations ;
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de
Mme X..., au titre de
l’exercice 2017
:
Sur l’existence d’un manquement
:
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale
des comptes Pays de la Loire de la responsabilité encourue par Mme X... à raison du
paiement d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS), en ne disp
osant pas
des pièces justificatives requises, pour un montant total de 17 164,70
€ au titre de l’exercice
2017 ; que si les mandats litigieux (listés en annexe 1 et détaillés en annexe 2) étaient
appuyés des bulletins de paye valant états nominatifs décomptés individuels, requis au point
2 de la rubrique 210224 de l’annexe I du code général des collectivités territoriales (CGCT),
la délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective
d’heures effectuées, requise au
point 1 faisait défaut ; que, de surcroît, ils ne se référaient
pas à d’éventuelles pièces justificatives produites lors d’un premier paiement
;
Attendu que dans sa réponse du 23 février 2021, enregistrée au greffe de la chambre le
1
er
mars 2021, la comptable Mme X...
indique être retraitée depuis juin 2019 et n’avoir pas
accès aux documents lui permettant de répondre en toute connaissance de cause au
questionnaire
; qu’elle précise cependant être étonnée que les IHTS aient été payées en
l’absence de délibération «
car les dépenses de personnel étaient soumises à un contrôle
strict au sein du service » ;
Attendu que l’ordonnateur dans sa réponse du 4 mars 2021, enregistrée au greffe de la
juridiction le même jour, indique ne pas avoir de position quant au manquement présumé et
qu’à sa connaissance les paiements n’étaient justifiés que par les bulletins de paye
; que la
délibération requise par la réglementation n’existait pas
; qu’il a été remédié à cette situation
par une délibération du 10 septembre 2020, jointe à sa réponse ;
Attendu qu’aux termes de l’article D.
1617-19 du code général des collectivités territoriales :
« Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de
réquisition, les comptables public
s des collectivités territoriales (…) ne doivent exiger que les
pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe
I du présent code. » ; que la rubrique 210224 « indemnités horaires pour travaux
supplémentaires »
de cette annexe impose au comptable d’exiger de l’ordonnateur, à l’appui
de ses mandats, d’une part, une délibération fixant la liste des emplois dont les missions
impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires et, d’autre part, un état liqu
idatif
précisant pour chaque agent, par mois et par taux d’indemnisation le nombre d’heures
effectuées ;
3 / 7
Attendu qu’en application des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, la
comptable est tenue de contrôler la validité de la dette,
notamment de vérifier l’exactitude de
la liquidation et la production de l’ensemble des pièces justificatives requises
; que l’article
38 du même décret prévoit que, lorsqu’à l’occasion de ses contrôles, la comptable constate
des irrégularités ou inexactit
udes, elle est tenue de suspendre les paiements et d’en informer
l’ordonnateur
; qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 visée ci
-dessus :
«
(…) Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des
contrôle
s qu’ils sont tenus d’assurer en matière (…) de dépenses (…) dans les conditions
prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. / La responsabilité personnelle
et pécuniaire prévue ci-
dessus se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a
été
irrégulièrement payée (…).
» ;
Attendu que le moyen soulevé par la comptable se limite à des doutes quant au fait que le
paiement des IHTS ait pu intervenir en l’absence de délibération requise par la
nomenclature
; qu’aucun élément au dossier ne perm
et de donner crédit à son assertion ;
que l’ordonnateur dans sa réponse confirme l’absence d’une délibération prise par le conseil
municipal, lors des paiements litigieux
; que la production par l’ordonnateur dans sa réponse
d’une délibération prise le 10 septembre 2020 par ledit conseil est sans effet sur l’absence
de délibération qui devait être produite au moment du paiement
; qu’ainsi, lors des paiements
litigieux, la comptable concernée n’a pas exigé de l’ordonnateur les pièces justificatives
requises pour contrôler la validité de la dette ;
Attendu que, faute d’avoir suspendu ces paiements la comptable a failli à l’une des
obligations de contrôle telles qu’énumérées aux articles 19 et 20 du décret n°
2012-1246 du
7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, à savoir le contrôle
de la validité de la dette notamment au regard des pièces justificatives ; que dès lors, la
dépense a été irrégulièrement payée, ce qui relève de l’un des cas limitativement énumérés
à l’article 60 de l
a loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifié, pour qualifier un manquement du
comptable public ;
Attendu qu’il n’est établi, ni allégué, par
Mme X... de circonstances constitutives de la force
majeure, au sens du premier alinéa du V de l’article 60 de la lo
i n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Attendu, en conséquence, qu’il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et
pécuniaire de Mme X..., pour absence de contrôle de la validité de la dette lors du paiement
d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) sur l’exercice 2017, en ne
disposant pas des pièces justificatives requises, pour un montant total de 17 164,70
€
;
Sur l’existence d’un préjudice financier
:
Attendu que dans sa réponse, Mme X...
considère que la commune de Changé n’a
subi
aucun préjudice financier, les irrégularités relevées étant selon elle de pure forme ; que
l’ordonnateur dans sa réponse indique qu’il ne dispose pas des éléments pour déterminer un
tel préjudice
; qu’il ajoute que la délibération prise par le consei
l municipal en date du
10 septembre 2020, aurait selon lui « remédié à cette situation » ;
Attendu qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
: « La responsabilité
personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable,
le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent. (…) /
Lorsque le manquement du comptable (…) n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme
public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour
chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce (…). / Lorsque le
manquement du comptable (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné
(…), le comptable a l’obligation de verse
r immédiatement de ses deniers personnels la
somme correspondante. (…)
» ;
4 / 7
Attendu que pour apprécier l’existence d’un préjudice financier, le juge doit examiner si la
dépense repose sur les fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier
l'existence au regard de la nomenclature, si l'ordonnateur a voulu l'exposer et si le service a
été fait, ces trois éléments étant cumulatifs
; qu’en l’espèce, le service fait et la volonté de
l’ordonnateur d’exposer la dépense ne sont pas contest
és ;
Attendu que les mandats litigieux ne reposaient pas sur une délibération du conseil
municipal, requise au point 1 de la rubrique 210224 de la nomenclature, nécessaire pour
conférer un fondement juridique aux dépenses en cause, en vertu de l’article 2
du décret
n° 91-875 du 6 septembre 1991, et dont il revenait à la comptable de contrôler la production ;
que par conséquent, les dépenses étaient indues ;
Attendu, s’agissant de la production par l’ordonnateur, à l’appui de sa réponse, de la
délibération du conseil municipal du 10 septembre 2020 qui aurait « remédié à cette
situation », que celle-
ci n’emporte d’effet que pour l’avenir, et ne saurait conférer
rétroactivement un fondement juridique aux mandats en cause, payés en 2017 ;
Attendu qu’en l’abs
ence de fondement juridique de la dépense, dont il appartenait à la
comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature, les paiements reprochés
étaient donc indus ; que, par suite, la commune de Changé a subi un préjudice financier du
fait du manquement de Mme X..., à hauteur de la somme de 17 164,70
€ au titre de l’exercice
2017 ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que le manquement de la comptable à ses obligations
a donc entraîné un préjudice financier pour la commune, au sens des dispositions du
troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n°
63-156 du 23 février 1963 modifié, pour un
montant de 17 164,70
€ au titre de l’exercice 2017
; qu’il y a lieu de constituer
Mme X...
débitrice de la commune de Changé pour cette somme ;
Atten
du qu’aux termes du VIII de l’article 60 de loi n°
63-156 du 23 février 1963 modifié, les
débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
; qu’en l’espèc
e, cette date
est le 29 décembre 2020, date de réception du réquisitoire par Mme X... ;
Sur le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense :
Attendu qu’en vertu du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, les comptables publics
dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu peuvent obtenir du ministre
chargé du budget une remise gracieuse, qui peut être totale en cas de respect des règles de
contrôle sélectif de la dépense, dans le cadre d’un préjudice financier causé à l’organ
isme
public concerné ;
Attendu qu’un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense (CHD) relatif au calendrier de
contrôle de la paye a été signé pour l’année 2017
; qu’y est apposée une mention manuscrite
précisant que « tous les éléments de la rémunération non mentionnés dans le calendrier de
la paye ne sont pas contrôlés par le comptable » ; que le caractère manuscrit de la mention
ainsi portée sur le plan de CHD ne permet pas d’attester de sa validation effective par le
supérieur hiérarchique de la comptable ; que cette mention manuscrite ne peut donc être
retenue ;
Attendu que le plan de CHD produit est valide
; qu’il ne couvre pas expressément le contrôle
des indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS)
; qu’ainsi, la comptable était
tenue d
’assurer leur contrôle a priori et exhaustif
;
Attendu qu’en application du deuxième alinéa du IX de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
modifié, la comptable ne pourra prétendre à la remise gracieuse intégrale du débet par le
ministre chargé du budget ;
5 / 7
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
: En ce qui concerne Mme X...
au titre de l’exercice 2017, présomption de
charge unique.
Mme X... est constituée débitrice de la commune de Changé pour la somme de dix-sept mille
cent soixante-quatre euros et soixante-dix centimes (17 164,70
€), augmentée des intérêts
de droit à compter du 29 décembre 2020.
L’éventuelle remise gracieuse du ministre n
e pourra être totale.
Article 2 : La décharge de Mme X...
, au titre de l’exercice 2017, ne pourra intervenir
qu’après constat de l’apurement du débet mis à sa charge.
6 / 7
Fait et jugé par M. Dominique Joubert, président de section, président de séance ;
M. Bertrand Schneider et M. Yann Pavic, premiers conseillers.
En présence de Mme Élise Lemarié, greffière de séance.
Élise Lemarié
greffière de séance
Dominique Joubert
président de séance
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et
officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis
6 / 7
Fait et jugé par M. Dominique Joubert, président de section, président de séance ;
M. Bertrand Schneider et M. Yann Pavic, premiers conseillers.
En présence de Mme Élise Lemarié, greffière de séance.
Signé :
Elise Lemarié, greffière de séance
Dominique Joubert, président de séance
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribuna
ux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et
officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis
.
Ampliation certifiée conforme à
l’original
Christophe Guilbaud
Secrétaire général
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les
jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel
devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce
selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est
prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement
peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les cond
itions prévues à
l’article R.
242-29 du même code.
7 / 7
A
NNEXE
1
IHTS payées mensuellement en 2017
Mandat
Bord.
Date
d’émission
Mois
de paye
Montant
des IHTS
(en €)
52
4
20/01/2017
janvier 2017
942,46
302
30
16/02/2017
février 2017
462,29
477
50
13/03/2017
mars 2017
281,96
606
62
13/04/2017
avril 2017
230,02
831
77
27/04/2017
mai 2017
2 541,77
1249
126
16/06/2017
juin 2017
3 574,40
1480
152
13/07/2017
juillet 2017
2 576,66
1651
173
31/07/2017
août 2017
1 584,27
1930
210
19/09/2017
septembre 2017
2 164,09
2150
237
17/10/2017
octobre 2017
426,72
2395
263
17/11/2017
novembre 2017
1 251,71
2538
278
11/12/2017
décembre 2017
1 128,35
Total
17 164,70
A
NNEXE
2
Détail par agent des IHTS payées annuellement en 2017
Agent bénéficiaire
Grade
IHTS <14 h
(en €)
IHTS >14 h
(en €)
Total IHTS
(en €)
Mme Z…
Atsem
326,42
0,00
326,42
M. A…
Brigadier-chef
1 563,10
32,40
1 595,50
Mme B…
Adjoint d'animation
174,58
0,00
174,58
Mme C…
Adjoint administratif
326,25
72,93
399,18
Mme D…
Adjoint administratif
621,24
284,98
906,22
M. E…
Adjoint administratif
1 113,77
154,06
1 267,83
Mme F…
Adjoint administratif
472,85
102,98
575,83
M. G…
Agent de maîtrise
455,86
0,00
455,86
Mme H…
Attaché
1 418,32
205,74
1 624,06
Mme I…
Adjoint administratif
563,16
256,73
819,89
M. J…
Agent de maîtrise
2 296,00
0,00
2 296,00
M. K…
Ingénieur
256,77
2,62
259,39
M. L…
Technicien
16,52
0,00
16,52
Mme M…
Adjoint administratif
1 111,88
476,78
1 588,66
M. N…
Adjoint technique
205,38
14,91
220,29
Mme O…
Rédacteur
429,87
0,00
429,87
Mme P…
Adjoint administratif
475,65
103,58
579,23
Mme Q…
Atsem
393,40
0,00
393,40
Mme R…
DGS
1 468,88
391,14
1 860,02
M. S…
Adjoint technique
138,96
0,00
138,96
Mme T…
Adjoint administratif
1 236,99
0,00
1 236,99
TOTAL
15 065,85
2 098,85
17 164,70