Gestion de la dette et de la
trésorerie de l’État
Note d’analyse de l’exécution
budgétaire
2020
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
3
Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État
Graphique n° 1 : recettes (en M
€
)
Graphique n° 2 : dépenses (en M
€
)
4
COUR DES COMPTES
Graphique n° 3 : variation annuelle du solde (en M
€
)
Graphique n° 4 : soldes (en M
€
)
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
5
Synthèse
Un besoin de financement en très forte augmentation
En 2020, le besoin de financement de l’État s’est situé à un niveau
exceptionnellement élevé (309,5 Md
€
), en très forte hausse (+ 79 Md
€
) par
rapport à 2019. Il a été nettement plus élevé (de 85 Md
€
) qu’en LFI,
principalement en raison d’un déficit budgétaire beaucoup plus important
que prévu initialement (178,1 Md
€
contre 93,1 Md
€
prévu en LFI) du fait
des conséquences de la crise sanitaire.
Le déficit budgétaire a excédé de 287,1 Md
€
(12,5 points de PIB) le
déficit stabilisant le poids de la dette dans le PIB (+110,2 Md
€
, soit
4,8 points de PIB). La dette négociable de l’État rapportée au PIB a ainsi
augmenté de 12,6 points pour s’établir à 87,4 points de PIB à la fin de
l’année 2020.
Des émissions en forte hausse
L’État a émis 260 Md
€
de titres à moyen et long terme pour financer
majoritairement le déficit courant (55 %) et, à hauteur de 45 %, le
remboursement de titres arrivés à échéance. Cette situation est
sensiblement différente de celle qui a prévalu en 2019 où le financement
du déficit courant n’a représenté que 40 % du besoin de financement.
Le programme d’émission de moyen-long terme prévu en LFI a été
revu à plusieurs reprises : l’évaluation du montant des émissions de dette à
moyen et long termes nettes des rachats est passée de 205 Md
€
en LFI à
210 Md
€
en LFR 1, 245 Md
€
en LFR 2 puis 260 Md
€
en LFR 3.
En 2020, un montant très élevé de primes (30,7 Md
€
) a été
enregistrés à l’émission de titres de moyen-long terme, dans un contexte de
faible taux d’intérêt à l’origine de la remontée des primes à l’émission et
d’une forte augmentation des émissions sur souches anciennes.
Le surcroît de besoin de financement a également été financé par
des émissions de titres d’État de court terme pour un montant élevé( 54,7
Md
€
).
La durée de vie de la dette s’élève à 8 ans et 2 mois, niveau stable
par rapport à 2019 mais elle s’est allongée de plus d’un an par rapport au
milieu de la décennie (7 ans en 2014). La France se situe ainsi au-dessus
de l’Allemagne (6 ans et 7 mois), l’Espagne (7 ans et 7 mois), l’Italie
(7 ans) mais elle est au-dessous de l’Autriche (10 ans) et du Royaume Uni
(15 ans).
6
COUR DES COMPTES
Une charge d’intérêts à nouveau en diminution à la faveur
de taux historiquement bas
La persistance de taux d’intérêt exceptionnellement bas, favorisée
par la politique monétaire très accommodante de la Banque centrale
européenne (BCE) dans le contexte de crise sanitaire, a permis de faire
diminuer la charge d’intérêts versés par l’État (-4,8 Md
€
; 34,3 Md
€
après
39,1 Md
€
en 2019 et 40,5 Md
€
en 2018), en dépit d’un accroissement très
significatif (+ 178 Md
€
, soit + 9,8 %) de l’encours de sa dette.
La charge d’intérêts s’est établie en 2020 à un niveau inférieur de
2,7 Md
€
à la prévision de la LFI (37,0 Md
€
). Ces moindres dépenses par
rapport à la prévision initiale proviennent de taux d’intérêt et d’une
inflation inférieurs aux hypothèses retenues en LFI pour 2020. Cette
diminution de la charge de la dette a été prise en compte en cours d’année
et a fait l’objet d’annulations de crédits en LFR 2 pour 2020, puis en LFR 4
pour un montant total de 2,3 Md
€
.
Une augmentation de la dette qui renforce l’exposition à une
éventuelle remontée des taux d’intérêt
La progression ininterrompue de la dette de l’État l’expose à une
forte hausse de ses charges financières dans l’hypothèse d’une remontée
des taux d’intérêt. L’Agence France Trésor estime ainsi qu’une hausse d’un
point de taux d’intérêt conduirait à une majoration du service de la dette de
2,5 Md
€
la première année et de 28,9 Md
€
à l’horizon de 10 ans. L’impact
sur les finances publiques à un horizon de 10 ans est ainsi nettement plus
élevé que celui estimé avant la crise sanitaire (21,2 Md
€
fin 2019).
Des opérations de trésorerie toujours coûteuses
Le solde des opérations de trésorerie a poursuivi sa dégradation en
2020. Elle est essentiellement due à la diminution des taux d’intérêts à
court terme. De ce fait, le coût de la trésorerie déposée par l’État à la
Banque de France est passé de 151 M
€
en 2018, 194 M
€
en 2019 à 485 M
€
en 2020.
Dans sa note d’analyse de l’exécution 2019, la Cour avait formulé
une recommandation relative à la présentation du tableau de financement.
L’Agence France Trésor et la direction du budget proposent pour l’avenir
une modification de certains intitulés de nature à en clarifier le contenu. En
conséquence, la Cour ne reconduit pas sa recommandation au titre de
l’exécution 2020.
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
7
Sommaire
Introduction
.....................................................................................
9
1
Les résultats de l’exercice
.........................................................
11
1.1
Un besoin de financement en très forte augmentation
.........
11
1.2
Des conditions de marché affectées par la crise sanitaire et par
les interventions des banques centrales
................................
15
1.3
Des émissions en hausse par rapport aux années
précédentes
...........................................................................
19
1.4
Une dette en très forte augmentation
....................................
26
1.5
La soutenabilité à court et moyen terme
...............................
35
1.6
Une poursuite des émissions d’« obligations vertes », la
France première entité émettrice de « titres verts »
..............
36
2
Les grandes composantes des dépenses et des recettes
...........
38
2.1
Des charges d’intérêts liées à la dette qui poursuivent leur
diminution
............................................................................
38
2.2
Des conditions de rémunération dérogatoires qui pèsent sur
les charges de trésorerie de l’État
.........................................
40
2.3
Les opérations de gestion active de la dette (
swaps
)
............
49
3
La conformité aux principes et règles du droit budgétaire
....
51
4
Les recommandations de la Cour
.............................................
53
4.1
Le suivi des recommandations formulées au titre de 2019... 53
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
9
Introduction
En application de l’article 22-II de la LOLF, le compte de
commerce 903 -
Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État
retrace les
opérations budgétaires relatives à la gestion de la dette et de la trésorerie
de l’État. Il est divisé en deux sections :
- la section 1 retrace les opérations relatives à la dette et à la gestion
de la trésorerie ;
- la section 2 retrace les opérations de gestion active de la dette au
moyen d’instruments financiers à terme.
La section 1 est équilibrée par des versements de crédits du budget
général (programme 117 -
Charge de la dette et trésorerie de l’État
de la
mission
Engagements financiers de l’État
). Est ainsi inscrite au budget
général la charge de la dette et de la trésorerie avant opérations de gestion
active (
swaps
). Conformément à l’article 113 de la loi de finances
rectificative pour 2004 du 30 décembre 2004, la section 1 fait l’objet d’une
autorisation de découvert évaluative. Cette autorisation a été maintenue à
17,5 Md
€
dans la loi de finances initiale pour 2020 (LFI), comme les
années précédentes. En cas de dépassement de l'autorisation de découvert,
le ministre chargé des finances informe sans délai les commissions des
finances de l'Assemblée nationale et du Sénat du montant et des
circonstances de ce dépassement.
Ne bénéficiant pas d’un abondement du budget général, la section 2
fait l’objet d’une autorisation de découvert limitative dont le montant a été
fixé, comme les années passées, à 1,7 Md
€
en 2020. La section 2 est
néanmoins, comme les années précédentes, en excédent, les opérations de
swaps
en extinction continuant à produire des recettes nettes.
La structure des recettes et dépenses inscrites à la section 1
correspond aux deux actions du programme 117 : dette et trésorerie de
l’État.
En dépenses figurent les intérêts des emprunts d’État (BTF et OAT
à taux fixe ou indexé) ainsi que la charge d’indexation des OAT indexées
sur l’inflation française ou européenne. La charge de la dette comprend
également les frais et commissions directement liés à la gestion de la dette
négociable et les intérêts des dettes reprises par l’État, ainsi que les charges
relatives aux opérations de couverture qui leur sont rattachées.
Les recettes liées à la gestion de la dette proviennent des coupons
courus sur OAT. Elles comprennent également les intérêts reçus sur les
instruments de micro-couverture des dettes reprises par l’État ainsi que les
10
COUR DES COMPTES
gains liés à l’émission de BTF à taux d’intérêt négatif, significatifs depuis
2015.
Les dépenses liées à la trésorerie comprennent la rémunération des
dépôts de certains correspondants du Trésor, la charge d’intérêts des
opérations sur le marché interbancaire et la rémunération du compte du
Trésor à la Banque de France lorsque le taux de la facilité marginale de
dépôt de la BCE est négatif comme cela est le cas depuis juin 2014. Elles
incluent également, depuis 2010, la rémunération des fonds non
consommables destinés au financement des investissements d’avenir.
Les recettes sont constituées des produits liés aux opérations sur le
marché interbancaire ainsi qu’éventuellement de la rémunération du solde
du compte du Trésor à la Banque de France.
Sur la section 2 du compte de commerce 903 sont imputés les
produits et charges des opérations d’échange de taux d’intérêt mises en
place dans le cadre du programme de réduction de la durée de vie moyenne
de la dette lancé en 2001 et suspendu en 2002.
Au total, le compte de commerce est, en fin d’année, excédentaire
de 25,0 M
€
, ce montant correspondant aux produits nets (recettes moins
dépenses) générés par les opérations de gestion active de la dette, retracées
dans la deuxième section du compte de commerce. Ce résultat est conforme
à l’évaluation du solde prévu en LFI 2020.
Tableau n° 1 : données de cadrage du compte de commerce (M
€
)
Exécution
2019
LFI 2020
Exécution
2020
Recettes
42 049,1
39 887
38 145,8
Dépenses
42 022,9
39 862
38 120,8
Solde
26,2
25,0
25,0
Source : LFI 2020 et AFT
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
11
1
Les résultats de l’exercice
1.1
Un besoin de financement en très forte
augmentation
En 2020, le besoin de financement de l’État s’est situé à un niveau
exceptionnellement élevé (309,5 Md
€
) en très forte hausse (+ 89,0 Md
€
)
par rapport à 2019. Entre 2010 et 2019, il avait assez peu varié, en
s’établissant en moyenne à 191 Md
€
au cours de cette période. Le besoin
de financement se situe en 2020 à un niveau nettement supérieur à celui
atteint lors de la crise de 2009 (246,4 Md
€
). Il a été fortement révisé à la
hausse par rapport à celui prévu en LFI (230,5 Md
€
).
Graphique n° 1 : besoin de financement de l’État (en Md
€
)
Source : Agence France Trésor
Nota bene : la présentation du tableau de financement a été modifiée en 2014. La
série au nouveau format a été approximativement reconstituée avant 2006 si bien
qu’il existe une rupture de série, mais faible, en 2006.
En 2020, comme en 2019, la France a été le deuxième émetteur de
la zone euro, derrière l’Italie, qui est restée l’émetteur le plus important de
la zone (345 Md
€
en 2020 après 248 Md
€
en 2019), devant l’Allemagne
puis l’Espagne.
12
COUR DES COMPTES
Graphique n° 2 : estimation des émissions nettes des
rachats (en Md
€
)
Source : Spécialistes en Valeurs du trésor, calcul Agence France Trésor
Les ressources de financement ont été fortement revues par rapport
à la LFI, compte tenu des effets de la crise sanitaire. En particulier,
l’évaluation du montant des émissions de dette à moyen et long termes
nettes des rachats est passée de 205 Md
€
en LFI à 210 Md
€
en LFR 1,
245 Md
€
en LFR 2 puis 260 Md
€
en LFR 3. Le surcroît de besoin de
financement a également été financé par une forte émission de titres d’État
de court terme : l’encours de BTF a augmenté de 54,7 Md
€
(contre une
hausse de 10 Md
€
envisagée en LFI). En 2020, près de 55 % de ce besoin
de financement découle de la nécessité de financer le déficit courant, le
solde s’explique par le remboursement de titres arrivés à échéance. Cette
situation est sensiblement différente de celle qui prévalait en 2019 où le
besoin de financement découlait de la nécessité de financer le déficit à
hauteur de 40 %.
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
13
Tableau n° 2 : tableau de financement de l’État
Exécution
2018
Exécution
2019
LFI 2020
Exécution
2020
Besoin de financement (Md
€
)
Amortissement de la
dette à moyen et
long terme
116,6
130,2
136,4
136,1
Déficit à financer
76
92,8
93,1
178,1
Autres besoins de
trésorerie
-0,6
-2,5
-1,3
-4,7
Total
191,9
220,5
230,5
309,5
Ressources de financement (Md
€
)
Émissions de dette à
moyen et long terme
nettes des rachats
195
200
205
260
Variation nette de
l’encours des titres
d’État à court terme
-13,6
-6
10
54,7
Variation des dépôts
des correspondants
9,8
11,5
6,4
27,8
Primes et décotes
10,8
19,9
3,0
30,1
Autres ressources de
trésorerie
1
0,8
3,5
0,3
Contribution du
solde du compte du
Trésor (1)
-11,1
-5,7
3,6
-63,4
Total
191,9
220,5
236,6
309,5
Source : Agence France Trésor
Nota bene :
(1) un signe négatif traduit une hausse de la trésorerie de l’État.
S’agissant des ressources de financement, le programme d’émission
de moyen-long terme prévu en LFI a été revu au cours de l’année 2020.
La forte baisse des taux de moyen-long terme et la réémission à
partir d’anciennes souches ont permis de bénéficier en trésorerie de
30,1 Md
€
de primes à l’émission. Les autres ressources de trésorerie
atteignent ainsi dans leur ensemble 30,5 Md
€
, contre 3,0 Md
€
retenu en
LFI. Ce montant de primes à l’émission est plus élevé que celui enregistré
en 2019 (19,9 Md
€
).
La croissance des dépôts des correspondants en 2020 (+ 27,8 Md
€
)
s’explique par la progression de l’encours des établissements publics
nationaux (23,4 Md
€
) et des établissements publics de santé (+2 Md
€
). Les
facteurs expliquant
la dynamique de
l’encours des dépôts des
correspondant depuis plusieurs années demeurent difficiles à identifier.
14
COUR DES COMPTES
Tableau n° 3 : encours et variation des dépôts des correspondants du
Trésor (Md
€
)
Encours
fin 2019
Variation
Encours
fin 2020
Collectivités et établissements publics
locaux
61,6
6,0
67,6
dont Régions
3,2
1,3
4,5
dont Départements
7,4
0,8
8,2
dont Communes
25,3
1,5
26,8
Hôpitaux
5,6
2
7,6
Établissements publics nationaux
28,2
23,4
51,6
Banques centrales africaines
15,4
-0,2
15,2
Union européenne
3,3
-1,2
2,1
Autres
14,5
-2,4
12,1
Total
128,4
27,8
156,2
Source : Cour des comptes à partir de données DGFiP (situation mensuelle de l’État)
En exécution, le besoin de financement a été nettement plus élevé
(+79,1 Md
€
) que prévu en LFI principalement en raison d’un déficit
budgétaire beaucoup plus important que prévu initialement (+85 Md
€
;
178,1 Md
€
contre 93,1 Md
€
prévu en LFI). La forte augmentation du
déficit résulte pour l’essentiel de la dégradation des recettes due à la
récession et du coût massif pour les finances publiques des dispositifs de
soutien. Les émissions de dette ont été calibrées sur la prévision de déficit
de la LFR 4 (223,3 Md
€
), qui s’est révélée plus élevée que celui exécuté
(178,1 Md
€
). Il en résulte une forte augmentation de la trésorerie de l’État
en 2020 (63,4 Md
€
).
En 2021, le besoin de financement est attendu à 293 Md
€
du fait de
l’amortissement de dettes de moyen-long-terme arrivant à échéance à
hauteur de 118,3 Md
€
(en incluant le capital indexé attendu à échéance) et
d’un déficit budgétaire prévisionnel de 173,3 Md
€
.
Les ressources de financement proviennent principalement des
émissions nouvelles de dette à moyen-long terme nettes des rachats
(260 Md
€
) et d’une hausse des emprunts de court terme (19,5 Md
€
). Les
dépôts des correspondants sont prévus en augmentation de 7 Md
€
. Les
émissions de dette de moyen à long terme sont supposées dégager 6 Md
€
de primes de trésorerie à l’émission nettes des décotes, sous l’hypothèse
d’une remontée très progressive des taux d’intérêt longs retenue en LFI.
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
15
1.2
Des conditions de marché affectées par la crise
sanitaire et par les interventions des banques
centrales
En réponse au choc de la covid-19, la banque centrale américaine a
arrêté en 2020 une série de mesures d'urgence, notamment en abaissant son
taux directeur à 0 %, en lançant un ambitieux cycle d'assouplissement
quantitatif (QE) et en initiant des mesures de soutien aux entreprises et aux
ménages. Au total, les taux souverains américains ont reculé fortement : le
taux à 10 ans a ainsi diminué de 98 points de base en 2020 pour s’établir à
0,93 % en fin d’année.
Alors que les perspectives économiques se sont détériorées à partir
du mois de mars 2020, tout comme les indicateurs des conditions
financières, la courbe des taux s'est déplacée vers le haut. L’ensemble des
mesures annoncées par la BCE dès le mois de mars
1
a permis de réduire la
volatilité de marché et de rouvrir l’ensemble des marchés obligataires et
monétaires, ce qui s’est traduit par une baisse des taux et une réduction
significative et durable des écarts de taux au sein de la zone euro.
Dans ce contexte, les taux obligataires ont baissé sur l’ensemble de
l’année 2020, tant aux États-Unis qu’en Europe. Ce contexte a favorisé la
performance des obligations d’État qui servaient de refuge face au risque
sanitaire : la France a ainsi vu son rendement obligataire à 10 ans reculer
de -46 points de base sur l’ensemble de l’année, contre -38 points de base
pour l’Allemagne et -87 points de base pour l’Italie.
La hausse brutale des taux début mars alors que les perspectives
économiques se sont brutalement détériorées, ce qui a provoqué une perte
de liquidité sur les marchés souverains, n’a pas ainsi perduré et les
interventions massives des banques centrales ont calmé les marchés et
ramené les taux à des niveaux historiquement bas.
1
Les mesures mises en
œ
uvre par la BCE incluent : le programme d’achats d’actifs en
urgence de 750 milliards d’euros, augmenté à deux reprise depuis pour atteindre un
engagement d’achat de 1 850 Md
€
de titres (PEPP), les opérations de refinancement
des banques ainsi que les mesures d’assouplissement sur le collatéral des banques.
16
COUR DES COMPTES
Graphique n° 3 : taux d’intérêt souverains à 10 ans (en %)
Source : BCE
En France, les variations du taux de l’OAT à dix ans au cours de
l’année 2020 ont été marquées par trois temps distincts.
Durant les deux premiers mois de l’année, les incertitudes relatives
à la propagation du virus ont entraîné une aversion pour le risque qui a
bénéficié aux dettes des pays c
œ
urs de la zone euro. Cet épisode a profité
aux actifs perçus comme sûrs à l’instar des titres obligataires allemands et
français. Dans ce contexte, le marché de dette français s’est montré très
attractif, bénéficiant de la qualité de crédit de la France et de la liquidité de
la dette française. Le
spread
France-Allemagne s’est resserré lors de cet
épisode de tension qui a bénéficié en premier lieu à la France. Le
spread
a
ainsi baissé de l’ordre de 7 points de base atteignant 23 points de base au
21 février 2020.
Puis, au cours des trois premières semaines de mars 2020, la
détérioration continue des perspectives économiques associées à
l’aggravation de la crise sanitaire a engendré une hausse des taux de tous
les pays dans un mouvement de resserrement de conditions de financement
des pays les plus risqués avec un large écartement des
spreads
. Le taux de
l’OAT à dix ans a augmenté brutalement pour atteindre +0,35 % à la fin du
mois de mars 2020.
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
17
Enfin, les interventions des banques centrales (notamment la BCE
et la Fed) ont rassuré les marchés et ont conduit à un resserrement des
spreads
européens (écarts de taux contre Allemagne). Le taux français à
10 ans a diminué progressivement et s’est ainsi établi à -0,31 % fin
décembre contre 0,35 % au sommet de la crise au 18 mars 2020.
Graphique n° 4 : évolution du taux de l’OAT 10 ans en 2020
(en %)
Source : Banque de France
L’écart de taux avec l’Allemagne a augmenté entre mars et mai 2020
du fait des développements de la crise sanitaire de la covid 19, de l’ordre
de 20 points de base.
Cet écart s’est ensuite réduit avec les annonces puis la mise en
œ
uvre
du nouveau programme d’achat de la BCE, pour revenir en fin d’année à
un niveau comparable à sa valeur moyenne sur la décennie passée. Le
spread
à 10 ans contre Allemagne a ainsi évolué autour de 30 points de
base entre juillet et décembre 2020.
18
COUR DES COMPTES
Graphique n° 5 : écart de taux (
spread
) à dix ans avec l’Allemagne
(en points de %)
Source : BCE ; note de lecture : un point de pourcentage correspond à
100 points de base.
Dans cet environnement de marché affecté transitoirement par la
crise de la covid 19, l’Agence France Trésor a pu procéder à des émissions
dans de très bonnes conditions. Les émissions à court terme ont été
réalisées à un taux (- 0,56 % en moyenne) très proche de celui des deux
années précédentes (- 0,58 % en moyenne) tandis que les émissions à
moyen et long terme, pourtant déjà réalisées à un taux très bas en 2019
(0,11 % en moyenne), ont été effectuées en 2020 à des conditions encore
plus favorables (-0,13 % en moyenne).
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
19
Graphique n° 6 : taux moyen à l’émission
Source : Agence France Trésor
1.3
Des émissions en hausse par rapport aux
années précédentes
Les émissions ont été particulièrement soutenues durant la première
partie de l’année, en particulier, pour faire face à l’augmentation des
besoins de financement prévue dans les LFR 2 et 3 présentées au printemps
2020. Ainsi, l’AFT a émis plus de 30 Md
€
de titres au cours des mois de
juin et juillet. Au total, 66 % des émissions de l’année ont été réalisées
durant les sept premiers mois (une proportion comparable à celle observée
à la même période en 2019). Face à des besoins de financement très
importants, l’AFT a augmenté les quantités de titres émis chaque mois de
l’année par rapport à 2019, à partir du mois d’avril. Elle a notamment émis
un montant important de titres au mois d’août (19,5 Md
€
contre 7,5 Md
€
en août 2019), mois où la liquidité sur les marchés est faible d’un point de
vue saisonnier.
20
COUR DES COMPTES
Graphique n° 7 : montant mensuel des émissions
en 2019 et 2020 (en Md
€
)
Source : Agence France Trésor
Près de 72 % des titres émis en 2020 arriveront à échéance dans les
dix prochaines années tandis que 8,3% (soit 24 Md
€
) sont de maturité
supérieure à 30 ans.
La maturité moyenne des émissions à moyen et long terme,
de 11,5 ans, excède la durée moyenne de l’encours de ces titres à la fin de
l’année 2019 (8,4 années), si bien que ces émissions ont contribué à
augmenter la durée de vie de la dette en 2020 (cf. infra).
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
21
Graphique n° 8 : répartition par année d’échéance des
émissions à moyen et long terme réalisées en 2020
Source : Agence France Trésor
Depuis 2010, l’AFT a émis chaque année environ 9 % en moyenne
de la dette à moyen et long terme sous forme de titres indexés sur l’inflation
en France et en zone euro. Ces titres visent à répondre à la demande
d’investisseurs souhaitant couvrir la valeur de leur investissement contre
l’inflation ou diversifier leur portefeuille. La part des titres à moyen long
terme indexés sur l’inflation a cependant diminué en 2019 (7,0 %) et s’est
maintenue à ce niveau en 2020. La dégradation des perspectives d’inflation
a en effet provoqué une baisse de l’intérêt des investisseurs pour ces
instruments indexés.
22
COUR DES COMPTES
Graphique n° 9 : part des titres à moyen et long terme indexés
sur l’inflation
Source : Agence France Trésor
En 2020, 30,9 Md
€
de primes et 0,2 Md
€
de décotes ont été
enregistrées à l’émission de titres de moyen-long terme, pour un total net
reçu de 30,7 Md
€
. La faiblesse des taux d’intérêt observée en 2020 est à
l’origine de la remontée des primes à l’émission.
En particulier, lors des réémissions de titres de référence, les taux à
l’émission ont été systématiquement inférieurs aux taux de coupon, fixés à
la création des souches d’OAT, générant un volume important de primes
nettes de décotes (6,9 Md
€
à l’émission de titres de référence en 2020). Sur
les souches anciennes réémises, l’accroissement de l’écart entre taux de
coupon moyen et taux moyen à l’émission a induit une hausse du volume
de primes nettes de décotes (21,4 Md
€
après 11,2 Md
€
en 2019). Sur les
titres indexés enfin, le volume des primes nettes des décotes s’est établi à
2,4 Md
€
.
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
23
Tableau n° 4 : primes, nettes des décotes, à l’émission (Md
€
)
Souches de
référence
Souches
anciennes
Titres
indexés
Primes nettes
des décotes
2016
6,0
12
2,8
20,8
2017
1,2
6,9
2,5
10,5
2018
0,7
7,5
3,1
11,3
2019
7,8
11,2
2,2
21,2
2020
6,9
21,4
2,4
30,7
Source : Agence France Trésor
Les primes nettes de décotes sur des titres de référence ont
légèrement diminué par rapport au montant observé en 2019 (+ 6,9 Md
€
en 2020 après + 7,8 Md
€
en 2019). L’écart entre taux de coupon et taux de
marché à l’émission sur les titres de référence s’est établi à un niveau
quasiment identique en 2019 et en 2020 (36 points de base, cf. tableau 6).
Sur les souches anciennes réémises, le montant de primes nettes de
décotes s’est élevé à 21,4 Md
€
en 2020. Il est en forte hausse par rapport à
2019 (11,2 Md
€
), malgré une diminution l’écart entre taux de coupon
moyen et taux moyen à l’émission, en raison de l’augmentation du volume
d’émission. En réponse à la demande des marchés, l’AFT a en effet réalisé
en 2020 près de 40 % de ses émissions sur des souches anciennes, une
proportion presque deux fois plus élevée qu’en 2019.
Les primes à l’émission sur titres indexés se sont situées en 2020 à
un niveau proche de celui observé en 2019.
Tableau n° 5 : répartition des titres émis
Titres de
référence
Souches anciennes
Titres indexés
Volume
émis
(Md
€
)
Écart de
taux
Volume
émis
(Md
€
)
Écart de
taux
Volume
émis
(Md
€
)
Écart de
taux
2017
160,4
0,09%
32,8
2,16%
20,0
1,24%
2018
148,7
0,06%
54,3
1,41%
22,4
1,39%
2019
173,3
0,37%
55,0
2,05%
17,3
1,41%
2020
158,6
0,36%
110,8
1,77%
20,1
Source : Agence France Trésor
De nouveau, le niveau de primes, nettes des décotes, sur les
émissions et rachats a été très supérieur au montant inscrit dans le tableau
de financement de la loi de finances initiale (30,7 Md
€
contre 3 Md
€
).
24
COUR DES COMPTES
Cette prévision est toutefois délicate étant donné sa sensibilité à
l’environnement de taux et aux caractéristiques des titres émis (taux de
coupon et maturité).
Tableau n° 6 : primes nettes des décotes (Md
€
)
2017
2018
2019
2020
LFI
4,0
3,0
3,0
3,0
Exécution
9,6
10,8
19,9
30,7
Source : Agence France Trésor
Lorsque les taux d’intérêt remonteront, le montant des décotes
devrait alors à l’inverse excéder celui des primes, les abondements sur
souches anciennes se faisant alors à des taux plus faibles que les taux de
marché du moment.
Un montant des primes et décotes élevé depuis 2015
Les émissions de titres donnent lieu à l’encaissement de primes ou
de décotes lorsque leur taux de coupon est différent du taux de marché.
Elles compensent la différence, sur la durée de vie du titre, entre les
montants des coupons versés et ceux qui l’auraient été dans le cas d’une
émission au taux du marché. Si le coupon servi est supérieur au taux de
marché à l’émission, les souscripteurs paient à l’émission un prix d’achat
supérieur à la somme qui sera remboursée à échéance (la valeur faciale du
titre ou « pair ») : une « prime à l’émission » est alors enregistrée. Dans le
cas contraire, une « décote à l’émission » apparaît (l’État reçoit moins que
la valeur faciale du titre).
Les primes d’émission conduisent à des encaissements qui viennent
réduire le besoin de financement de l’État, ce qui se traduit donc, toutes
choses égales par ailleurs, par une réduction équivalente de la dette
publique de l’année. Ce gain initial se résorbe progressivement, au fur et à
mesure que les coupons versés à des taux supérieurs aux taux de marché
accroissent le besoin de financement de l’État.
Les primes et décotes sont ainsi liées à l’évolution des taux d’intérêt.
En raison de la baisse tendancielle des taux d’intérêt au cours des dernières
années, l’État a enregistré des montants importants de primes (et versé des
montants limités de décotes). L’analyse rétrospective des taux d’intérêt et
des coupons illustre qu’en moyenne, les taux à l’émission ont été très
proches des taux de marché au cours de la semaine précédant les
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
25
émissions
2
, en dehors des maturités pour lesquelles les taux de marché
étaient négatifs. En effet, comme il n’est pas possible d’avoir des taux de
coupon négatifs, les taux de marché négatifs génèrent spontanément des
primes. Une grande partie des primes depuis 2015 provient donc des taux
de marché négatifs – eux-mêmes issus de la politique monétaire
accommodante. La stratégie d’émission ne comporterait ainsi pas de biais
opportuniste de ce point de vue.
Graphique n° 10 : moyenne des écarts entre taux des coupons et taux
moyens sur les jours précédant les émissions sur 86 % des nouvelles
émissions hors titre indexé, depuis 2006
3
Source : Cour des comptes à partir de données de l’AFT et de la Banque de France
L’analyse des données d’émission et de réémission de titres fait
ressortir que le délai moyen de réémission d’un titre est de 2 ans, à partir
du moment où ce titre est réémis. Ainsi, le montant des primes nettes des
décotes observé depuis 2015 apparaît bien corrélé avec la variation sur
deux ans du taux des OAT (cf. graphique). Le montant cumulé des primes
nettes des décotes s’élève à 117,2 Md
€
au cours de la période 2015-2020,
soit près de 5 points de PIB. Le ratio de dette publique au sens de
Maastricht est diminué de ce montant.
2
Cette analyse porte dans le graphique ci-dessous sur 86 % des nouvelles émissions, y
compris syndications, sur la période 2006-2020, hors titres indexés. Les syndications
ne présentent pas de biais particulier au titre des primes et décotes.
3
Les titres examinés correspondent à ceux pour lesquels la maturité d’émission est
proche de maturité standard suivie par les marchés et donnant lieu à publication de
données quotidienne sur les taux (2, 3, 5, 10, 15, 20, 30 et 50 ans).
26
COUR DES COMPTES
Graphique n° 11 : primes nettes des décotes et variation sur deux
ans du taux des OAT à 10 ans
Source : Cour des comptes à partir de données de l’AFT et de la Banque de France
1.4
Une dette en très forte augmentation
En 2020, en raison d’un déficit budgétaire à financer très élevé
(223,3 Md
€
), la dette a progressé de 178,2 Md
€
pour s’établir à
2 001,0 Md
€
à la fin de l’année.
Tableau n° 7 : encours de dette de l’État (en Md
€
)
2018
2019
2020
Encours de dette
1 756,4
1 822,8
2 001,0
Titres à moyen/long terme
1 643,5
1 715,9
1 839,4
dont titres indexés
219,6
226,4
220,1
Titres à court terme
112,9
106,9
161,6
Part des titres indexés
12,5%
12,4%
11,0%
Part des titres à moyen/long terme
93,6%
94,1%
91,9%
Source : Agence France Trésor
Le déficit budgétaire a excédé de 287,1 Md
€
(12,5 points de PIB) le
déficit stabilisant le poids de la dette dans le PIB. L’écart au solde
stabilisant s’est accru de 249,7 Md
€
par rapport à l’année précédente
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
27
(37,5 Md
€
) et est très supérieur à son niveau de 2009 (166,6 Md
€
). Ce
chiffre, nettement plus élevé que celui estimé pour l’année 2019 s’explique
par la forte augmentation du déficit et par la diminution marquée du PIB
nominal (- 6,1%).
Graphique n° 12 : solde budgétaire et solde budgétaire
stabilisant le poids de la dette de l’État dans le PIB (Md
€
)
Source : Cour des comptes
Le recours à l’émission de dette à court terme plus important que
prévu dans la LFI (+54,7 Md
€
) a fait augmenter la part de ces titres dans
l’encours de dette à la fin de l’année 2020 à 8,1 %, un niveau qui demeure
toutefois inférieur à la moyenne de ces 20 dernières années.
28
COUR DES COMPTES
Graphique n° 13 : part de la dette à court terme (BTF)
Source : Agence France Trésor
À fin 2020, la durée de vie de la dette négociable de l’État est de
8 ans et 73 jours. La durée de vie de la dette en 2020 est très proche de celle
observée en 2019, sous l’effet d’une part de l’augmentation de l’encours
de BTF (donc de la part des titres à court terme dans l’encours) et d’autre
part de l’allongement de la maturité moyenne à l’émission de titres de
moyen-long terme (MLT), à 11,5 ans en 2020, après 11,2 ans en moyenne
sur la période 2016-2019 et 8,5 ans en moyenne sur la période 2011-2015.
Avec une durée de vie de la dette de 8,2 ans, la France se situe au-
dessus de l’Allemagne (6,7 ans), l’Espagne (7,8 ans), l’Italie (7 ans) et les
Pays Bas (7 ans et 3 mois). Elle est en revanche au-dessous de l’Autriche
(10,1 ans) et du Royaume Uni (15,3 ans).
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
29
Graphique n° 14 : durée de vie moyenne de la dette (en
années)
Source : Agence France Trésor
Le titre ayant la plus longue échéance émis en 2020 doit être
remboursé en 2066, une partie importante de la dette arrivera à échéance
dans les toutes prochaines années. D’ici 2024, près d’un tiers (32,5 %) de
la dette à moyen et long terme devra être remboursé tandis que plus des
trois quarts (74,1 %) arriveront à échéance à l’horizon 2030. Le montant
de la dette à moyen et long terme qui arrivera à échéance entre 2021 et
2030 s’élève à 1 349 Md
€
, un montant en augmentation de près de
180 Md
€
par rapport à celui calculé pour cette même période à la fin de
l’année 2019. En procédant à des rachats de titres arrivant à échéance
l’année en cours (
N
), et les deux années suivantes (
N+1
et
N+2
) comme
elle le fait de manière régulière, l’AFT pourra néanmoins rééchelonner les
arrivées à l’échéance substantielles des prochaines années.
30
COUR DES COMPTES
Graphique n° 15 : dette de moyen-long terme arrivée à l’échéance
par année
Source : Cour des Comptes à partir de données de l’Agence France Trésor.
Lecture : le montant de la dette à moyen et long terme qui arrivera à échéance est de
163 Md
€
en 2022 et de 178 Md
€
en 2023. L’AFT n’a émis aucun titre arrivant à
échéance en 2033.
Note : Les calculs sont fondés sur la dette de moyen long-terme et excluent les encours
de BTF pour l’année 2021.
En 2020, les conditions de marché ont permis à l’AFT de réaliser un
montant important de rachats anticipés d’OAT (30,5 Md
€
dont 1,0 Md
€
de
titres à échéance 2020, 22,8 Md
€
de titres à échéance 2021 et 6,7 Md
€
de
titres à échéance 2022
4
).
Le volume de rachat a été moindre en 2020 qu’en 2019 où il s’était
élevé à 47,4 Md
€
mais est proche de celui observé au cours des années
récentes : entre 2014 et 2018, ces rachats se sont établis à près de 30 Md
€
en
moyenne (si l’on exclut l’année 2015)
5
. Ces rachats, neutralisés dans le tableau
de financement adopté en LFI, ne donnent pas lieu à un objectif en LFI
6
.
4
Les primes payées sur ces rachats (écart entre le prix payé au rachat et la valeur faciale
des titres, enregistrées en comptabilité en « pertes sur rachats ») se sont élevées au total
à 1,25 Md
€
en 2020.
5
Les rachats très élevés observés en 2015 s’expliquent par les rachats de titres arrivant
à échéance l’année en cours (pour 20 Md
€
, dont 12 Md
€
de BTF). Ces rachats de titres
arrivant à échéance en année N s’apparentent à des placements de la trésorerie. Ils
s’insèrent donc dans la stratégie générale de placement de la trésorerie de l’État. Selon
l’AFT, ces rachats infra-annuels étaient en 2015 intéressants dans un contexte où les
taux sur titres d’État à court terme restaient supérieurs à la rémunération des liquidités.
6
Par ailleurs, aucun montant prévisionnel n’est transmis à ce titre aux SVT.
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
31
L’AFT explique ces opérations de rachats notamment par la
demande du marché en titres longs.
En 2020, l’AFT a effectué l’essentiel de ses rachats entre juillet et
décembre. En 2019, l’AFT avait déjà procédé à des rachats pour un
montant de 20,5 Md
€
dès le mois de mars7.
De telles opérations permettent à l’AFT de racheter les titres les plus
coûteux et de lisser les tombées de souches à venir en rachetant à l’avance
les tombées de souche les plus importantes. À défaut de procéder à un tel
lissage, l’AFT devrait mener une gestion de trésorerie plus délicate en
cours d’année, avec des émissions très élevées certains mois, certaines
tombées de souches représentant des volumes de plus de 40 Md
€
alors que
l’AFT a émis des montants de l’ordre de 24 Md
€
en moyenne par mois en
2020.
Graphique n° 16 : rachats de titres de dette (en Md
€
)
Source : Agence France Trésor
En 2020, la part de la dette de l’État détenue par les non-résidents a
diminué. L’achat de titres publics par la BCE (
Quantitative Easing
) mis en
œ
uvre par les banques centrales nationales dans le cadre de l’Eurosystème
a fait reculer la part détenue par les non-résidents entre 2014 et 2018
8
. La
réduction du programme d’achats nets de la BCE puis son arrêt fin 2018
7
Sur un montant total de 47,4 Md
€
.
8
La part de la dette détenue par la Banque de France dans le cadre des programmes
d’achats de la BCE est classée dans la dette détenue par les résidents. Elle comprend
des titres qui auparavant étaient détenus par des résidents ou des non-résidents. Les
achats de dette par la Banque de France font donc mécaniquement diminuer la part
détenue par des non-résidents.
32
COUR DES COMPTES
(avant sa reprise en novembre 2019), conjugués au maintien d’une
demande soutenue et variée de la part d’investisseurs internationaux, ont
contribué au relèvement de la part détenue par les non-résidents en 2019.
La mise en place du nouveau programme d’achats d’actifs (PEPP) a de
nouveau fait reculer cette part en 2020.
Graphique n° 17 : part de la dette de l’État détenue par les
non-résidents
Toutefois, corrigée des opérations de rachat de titres par
l’Eurosystème, la proportion de détenteurs non-résidents est proche de
70 % et n’a pas connu de tendance baissière au cours des dernières années.
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
33
Graphique n° 18 : proportion de non-résidents dans l’encours total
de la dette et dans l’encours hors opérations de rachats de la BCE
Source : Cour des comptes à partir de données de l’Agence France Trésor et
de la Banque de France
À fin décembre 2020, la Banque de France détenait pour 550 Md
€
de titres émis par des administrations publiques, sur un total de 2 674 Md
€
de titres en circulation (Insee – fin du T3 – actualisation 26/03/2021), soit
une proportion de l’ordre de 19 % des titres détenus par la banque centrale.
Après s’être quasiment stabilisés à un montant légèrement inférieur à
400 Md
€
en 2018 et 2019, les montants détenus par la Banque de France
ont fortement augmenté depuis la fin de l’année 2019, du fait du nouveau
programme massif d’achats de titres mis en
œ
uvre au début de la crise
sanitaire et augmentée deux fois depuis.
34
COUR DES COMPTES
Graphique n° 19 : dette des administrations publiques détenue
par la Banque de France (en Md
€
)
Source : Banque de France
Au-delà de la situation sanitaire et de ses conséquences sur les
finances publiques, la dette s’est aussi accrue en 2020 du fait de la reprise
d’une partie de la dette de la SNCF. La réforme du système ferroviaire
donnera lieu à la reprise par l’État de 35 Md
€
de dette de SNCF Réseau en
deux étapes : 25 Md
€
réalisée au 1
er
janvier 2020 et 10 Md
€
à reprendre en
2022.
Concernant la première tranche prévue par l’article 229 de la loi de
finances pour 2020, les contrats de prêts dits « miroirs »
9
ont été conclus
entre SNCF Réseau et la Caisse de la dette publique (CDP), qui a pour
fonction d’effectuer sur les marchés financiers toutes opérations
concourant à la qualité de la signature de l’État. Ces contrats entre l’AFT
et SNCF Réseau sont entrés en vigueur le 1
er
janvier 2020. Dans un second
temps, l’État s’est substitué à SNCF Réseau comme débiteur de la Caisse
de la dette publique (CDP), donc sur l’un des deux contrats, allégeant
l’entreprise de la dette correspondante. Ce schéma avait déjà été utilisé en
2007 pour la reprise de la dette du service annexe d’amortissement de la
dette (SAAD).
9
Il s’agit de contrats croisés entre la SNCF et la Caisse de la dette publique (CDP), aux
caractéristiques financières (maturités, conditions d’intérêt, bases de calculs, etc.)
exactement symétriques, se compensant rigoureusement.
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
35
Techniquement, l’ensemble des emprunts de SNCF Réseau a été
agrégé en 123 lignes de prêt dites « lignes de prêt synthétique ». L’État a
repris un prorata identique de chacune de ces lignes, pour un total de
25 Md
€
de principal repris. Ces prêts synthétiques sont tous libellés en
euros (la SNCF étant systématiquement couverte sur tous ses emprunts en
devises). Ils se composent d’emprunts à taux fixe (91,4 % du principal
repris), dont le taux moyen pondéré est de 3,20 % au moment de la reprise,
d’emprunts à taux variable (4,7 % du principal repris) et d’emprunts
indexés sur l’inflation (3,9 % du principal repris).
1.5
La soutenabilité à court et moyen terme
La LFI pour 2021 repose sur des hypothèses de remontée des taux
d’intérêt : le taux des BTF à trois mois s’établirait à -0,4 % en moyenne
annuelle et le taux des OAT à dix ans atteindrait 0,70 % à la fin de l’année
2021
10
. Les derniers éléments disponibles en ce début d’année
11
conduisent
à anticiper une inflation légèrement supérieure à l’hypothèse retenue en loi
de finances initiale. Au total, l’inscription de la charge d’intérêts pour 2021
apparaît globalement prudente.
La forte augmentation de la dette de l’État entre 2008 et 2020
(+ 36 points de PIB) l’a rendu très vulnérable à une hausse des taux. La
hausse observée en 2020 a renforcé à nouveau cette sensibilité. L’AFT
estime qu’une hausse d’un point des taux d’intérêt renchérirait la charge
d’intérêts de 2,5 Md
€
la première année, 6,0 Md
€
la deuxième année et
28,9 Md
€
à l’horizon de 10 ans
12
. L’impact de ce choc à un horizon de
10 ans est ainsi nettement plus élevé que celui estimé fin 2019
(+21,2 Md
€
).
10
À la mi-février 2021, le taux des BTF 3 mois atteignait -0,6 % et celui des OAT à
10 ans -0,2 %.
11
Dans sa note de conjoncture de décembre 2020, l’Insee attend, à la fin du premier
semestre 2021, une inflation hors tabac en France de 1,0 %.
12
Les rachats, par ailleurs nécessaires pour lisser les tombées d’échéances de souches
de volume important, sont susceptibles d’accélérer légèrement l’effet affiché d’une
hausse des taux sur la charge d’intérêts.
36
COUR DES COMPTES
Graphique n° 20 : impact d’un choc de taux à la hausse de
1 % sur la charge d’intérêts maastrichtienne
13
de la dette de
l’État à la fin des années 2019 et 2020 (Md
€
)
Source : PAP du programme 117 – Charge de la dette et trésorerie de l’État -
annexé au PLF pour 2021/RESF 2021
1.6
Une poursuite des émissions d’« obligations
vertes », la France première entité émettrice de
« titres verts »
L’AFT émet depuis le 24 janvier 2017 des « obligations vertes »,
qui sont des titres de dette qui peuvent être associés à un ensemble de
projets inscrits au budget de l’État ou au programme d’investissements
d’avenir (PIA) ayant un effet favorable sur l’environnement. Les dépenses
potentiellement éligibles sont soumises chaque année à la validation d’un
comité de pilotage interministériel placé sous l’égide du Premier ministre.
En 2020, l’AFT a poursuivi ses émissions de « l’obligation verte »
auxquelles elle avait procédé pour la première fois en 2017. Les trois
émissions réalisées par adjudication en 2020, pour un montant de 6,7 Md
€
13
La charge d’intérêts au sens de Maastricht diffère de la charge budgétaire sur la
comptabilisation des intérêts versés (les charges sont enregistrées en continu et non au
moment de leur décaissement), des primes et décotes qui font l’objet d’un étalement sur
la durée de vie du titre quand la comptabilité budgétaire n’enregistre aucune écriture et
de la charge d’indexation du capital des titres indexés.
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
37
ont porté le total de la « dette verte » à 27,375 Md
€
à la fin de l’année 2020.
Cela fait de la France la première entité débitrice de « titres verts », avant
la Banque européenne d’investissement (BEI) dont l’encours a atteint
24,9 Md
€
à la fin de l’année 2020 et un établissement de crédit public
allemand (
Kreditanstalt für Wiederaufbau
– KFW-), dont l’encours s’est
établit à 23,3 Md
€
14
.
L’émission inaugurale de l’OAT verte et les abondements
subséquents se sont faits dans des conditions de financement un peu plus
favorables que celles de titres de dette de maturité similaire. À l’occasion
des dix abondements, il est à noter un léger différentiel de taux en faveur
de l’OAT verte, par rapport à ce qu’aurait été le taux théorique, pour une
obligation de même maturité ou de même duration. Ainsi HSBC dans une
note récente
15
évalue une « prime verte » de l’ordre de 3 points de base
pour les émissions réalisées par l’AFT. Cela pourrait s’expliquer par la
demande un peu plus forte pour ce produit. Compte tenu du montant total
des émissions, ceci correspond approximativement à une économie
budgétaire de l’ordre de 3 à 6 M
€
pour l’année 2020. Ce gain permet de
couvrir les coûts administratifs induits par la gestion de l’OAT verte, qui
restent modérés.
L’association
de
financements
à
des
dépenses
à
finalité
environnementale demeure toutefois conventionnelle dans la mesure où
ces dépenses sont réalisées dans le cadre du budget de l’État, sans sources
de financement affectées, conformément au principe d’universalité
budgétaire.
Les dépenses de l’État en soutien aux énergies renouvelables,
auparavant financées par une taxe affectée dans le cadre du compte
d’affectation spéciale
Transition énergétique
, sont devenues éligibles à un
financement par de la « dette verte" du fait de leur réintégration dans le
budget général (à compter de 2021). Dans ce contexte, l’AFT considère
qu’il est possible d’émettre une nouvelle souche présentant une liquidité
suffisante, tout en continuant à abonder l’OAT 2039 en fonction de la
demande.
14
Source : Bloomberg.
15
Dominic Kini, «
Green Bond Insights: Green bonds in 2020 – great deal more
?»,
HSBC Global Research, 27 janvier 2020.
38
COUR DES COMPTES
2
Les grandes composantes des dépenses et
des recettes
2.1
Des charges d’intérêts liées à la dette qui
poursuivent leur diminution
L’exécution des dépenses et recettes du compte de commerce liées
aux opérations relatives à la dette s’établit comme suit :
Tableau n° 8 : dépenses et recettes relatives à la dette
Dépenses
M
€
Recettes
M
€
Intérêts des OAT hors OAT
indexées
32 649
Coupons courus des OAT
937
Intérêts des OAT indexées
3 016
Produit des émissions de
BTF à taux d'intérêt négatif
956
Charge d'indexation du capital
des OAT indexées
458
Frais et commissions
32
Intérêts sur les instruments
financiers. à terme au titre
de la couverture des risques
affectant les titres d'État et
les dettes reprises par l'État
21
Intérêts sur autres dettes
reprises par l'État
99
Total
36 657
1 915
Solde avant équilibrage
-34 742
Versement du budget
général
34
742
16
Solde après équilibrage
0
Source : Agence France Trésor
Les dépenses relatives à la charge de la dette représentent un total
de 36,7 Md
€
et correspondent essentiellement à des dépenses d’intérêts
d’OAT à long terme (35,6 Md
€
) et de la capitalisation des intérêts des
obligations indexées (0,4 Md
€
). À l’inverse, le compte spécial enregistre
des recettes de coupons courus (correspondant aux reprises des provisions
de l’année précédente), à hauteur de 0,9 Md
€
, et des recettes liées aux taux
d’intérêts négatifs sur les BTF (1 Md
€
).
16
Ce montant de 34,7 Md
€
inclut 0,4 Md
€
de charge d’intérêts pour la fraction
(25 Md
€
) de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État en 2020. Ces 0,4 Md
€
sont
versés au compte de commerce par le programme 355 -
Charge de la dette de SNCF
Réseau reprise par l'État
de la mission
Écologie, développement et mobilité durables
.
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
39
Cette charge d’intérêts a de nouveau fortement diminué entre 2019
et 2020, de 4,8 Md
€
. Cette diminution est essentiellement liée à la
poursuite de la baisse des taux d’intérêt (-2,7 Md
€
) et à la diminution de
l’inflation (-2,3 Md
€
). Ces effets ont plus que compensé l’impact de
l’accroissement du volume de dette de l’État (+0,2 Md
€
) reflétant
essentiellement l’augmentation de l’encours de dette à moyen et long
terme.
Tableau n° 9 : décomposition de l’évolution de la charge d’intérêts
de la dette négociable (Md
€
)
2016
2017
2018
2019
2020
Charge d'intérêts N-1
41,1
40,3
40,5
40,5
39,1
Effet volume
1,2
0,7
0,8
1,0
+0,2
Effet taux
-1,4
-2,4
-2,0
-1,6
-2,7
Effet inflation
-0,5
2,2
1,0
-0,8
-2,3
Autre
-0,1
-0,3
-0,1
-0,1
0,0
Charge d'intérêts N
40,3
40,5
40,5
39,1
34,3
Variation
-0,8
0,2
-0,2
-1,4
-4,8
Source : Agence France Trésor
De ce fait, le taux apparent de la dette, c’est-à-dire le rapport entre
la charge totale d’intérêts versées et la dette totale émise par l’État, a de
nouveau diminué en 2020 pour s’établir à 1,7 %.
40
COUR DES COMPTES
Graphique n° 21 : encours de dette de l’État, charge
d’intérêts et taux apparent associés
Source : Agence France Trésor
Comparativement à la LFI 2020 (37,0 Md
€
sur la dette négociable),
la charge budgétaire a très nettement diminué en exécution (34,3 Md
€
).
Cette diminution de la charge de la dette a été prise en compte en cours
d’année et a fait l’objet d’une annulation de crédits de 2,0 Md
€
en LFR 2
pour 2020, puis de 320 M
€
en LFR 4.
Ces moindres dépenses proviennent de taux d’intérêt de court terme
et d’une inflation inférieurs aux hypothèses retenues en LFI pour 2020.
2.2
Des conditions de rémunération dérogatoires
qui pèsent sur les charges de trésorerie de
l’État
La gestion de la trésorerie vise à minimiser les émissions tout en
permettant l’exécution des dépenses et le maintien d’un solde créditeur du
compte du Trésor à la Banque de France. Le résultat des opérations de
trésorerie est constitué du résultat des opérations de placement d’une part
et de la rémunération des fonds déposés au Trésor d’autre part (dépôts des
correspondants et dotations non consommables des PIA notamment).
L’exécution des dépenses et des recettes du compte de commerce
liées aux opérations relatives à la trésorerie s’établit comme suit :
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
41
Tableau n° 10 : dépenses et recettes relatives à la gestion de la
trésorerie
Dépenses
M
€
Recettes
M
€
Gestion de la trésorerie : intérêts des
comptes de dépôts des
correspondants du Trésor et
assimilés
183
Gestion de la trésorerie :
rémunération des opérations
effectuées sur le marché
interbancaire, avec les États de la
zone euro et de pensions livrées
-
Gestion de la trésorerie : intérêts
résultant des opérations effectuées
sur le marché interbancaire, avec les
États de la zone euro et de pensions
livrées
38
Gestion de la trésorerie : intérêts du
compte courant du Trésor à la
Banque de France
485
Recettes diverses
-
Rémunération des fonds non
consommables versés par l’État
754
Total
-1 460
0
Solde avant équilibrage
-1 460
Versement du budget général
1 460
Solde après équilibrage
0
Source : Agence France Trésor
Le solde des opérations de trésorerie a poursuivi sa dégradation en
2020. Cette dégradation est essentiellement due à la diminution des taux
d’intérêts (négatifs) à court terme. De ce fait, le coût de la trésorerie
déposée par l’État à la Banque de France est passé de 151 M
€
en 2018 et
194 M
€
en 2019 à 485 M
€
en 2020.
Sur plus longue période, cette dégradation est essentiellement liée à
la baisse des taux d’intérêt et aux conditions de rémunérations de la
trésorerie accordées à certains déposants. Les taux négatifs conduisent à
« rémunérer négativement » les dépôts de l’État placés à la Banque de
France ou dans d’autres institutions financières. Par ailleurs, dans le cadre
de certains programmes, les dépôts de correspondants (programmes
d’investissements d’avenir 1 et 3 pour respectivement 13,7 et 3,3 Md
€
, et
Plan Campus pour 4,9 Md
€
) conservent des conditions très favorables de
rémunérations (respectivement 3,4 % et 2,5 % pour les PIA 1 et 3 et 4,0 %
pour le Plan Campus) dans un contexte de taux très bas. De ce fait, le solde
des opérations de trésorerie est négatif depuis 2008.
42
COUR DES COMPTES
Graphique n° 22 : solde des opérations de trésorerie
Source : Cour des comptes à partir de données Agence France Trésor
De nombreuses conventions entre l’État et les opérateurs de PIA et
de Plan Campus, pour un total 22 Md
€
de trésorerie déposée sur les
comptes de l’État sous la forme de dotations non consommables, devaient
arriver à échéance en 2020. Ces conventions ont été reconduites avant leur
échéance aux mêmes conditions de taux, alors que les taux ont
significativement baissé depuis la mise en place de ces conventions.
La Cour avait critiqué, dans les NEB précédentes, le traitement
inadéquat de ce vecteur de financement budgétaire. La reconduction à
l’identique des conditions établies par ces conventions montre que ces
versements de trésorerie correspondent bien à des dotations fixes et
reconductibles à ces organismes. L’État aurait dû envisager un traitement
budgétaire plus adapté, comparable à celui de la plus grande partie du
PIA 3 tout en intégrant ces dépenses dans la norme des dépenses pilotables
de l’État (ce qui n’est pas le cas des dépenses du PIA 3). De surcroît, ces
conventions n’apparaissent pas compatibles avec le principe général posé
par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion
budgétaire et comptable publique (GBCP), qui stipule l’absence de
rémunération des fonds déposés au Trésor (en particulier en son article
197).
Si le principe général posé par le décret n° 2012-1246 du
7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique
(GBCP) est celui de l’absence de rémunération des fonds déposés au
Trésor, les déposants obligatoires (collectivités locales et établissements
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
43
publics), sur autorisation expresse ou de droit
17
, et les déposants facultatifs
peuvent placer leurs liquidités sur un ou plusieurs comptes à terme (CAT)
ou sur un compte de placement rémunéré (CPR). Les modalités de
rémunération de ces comptes sont fixées conformément aux dispositions
de l’arrêté du 24 janvier 2013
18
.
Ces comptes sont rémunérés en référence aux taux courts avec un
plancher à 0 % qui s’applique actuellement, si bien que ces comptes ne sont
aujourd’hui pas rémunérés. Certains CPR présentant des modalités de
fonctionnement spécifiques disposent de conditions de rémunération
ad
hoc
, en vertu de décisions ministérielles ou de conventions bilatérales.
En 2020, les intérêts payés par l’État aux déposants sont proches de
ceux de l’année 2019, qui avait vu une augmentation de ces intérêts de
49 M
€
par rapport à 2018. Cette augmentation était principalement liée à
l’accroissement des intérêts versés par l’État à la Banque de France au titre
du placement de la trésorerie du fonds pour l’innovation géré par BPI
France sur le compte courant du Trésor – les taux d’intérêts étant négatifs.
Tableau n° 11 : intérêts des comptes des déposants (M
€
)
2017
2018
2019
2020
Fonds de garantie BPI
47,8
42,6
90,7
91,9
Banques centrales
africaines
38,5
54,8
62,6
68,8
Compte de dépôt de
l’IEOM
39,2
29,8
23,0
22,0
Autres
0,3
0,3
0,3
0,3
Total
125,8
127,6
176,7
183,0
Source : Agence France Trésor
La rémunération de BPI avait augmenté en 2019 par rapport aux
années précédentes du fait de l’ouverture d’un compte de dépôts rémunéré
en août 2018 pour recevoir les sommes allouées au fonds pour l’innovation.
Sa rémunération a été fixée à 2,50 %. Ce taux est révisable à la baisse à
partir de 2023, dans le cas où le taux d’État à 50 ans serait inférieur à
2,50 % à cette date.
17
S’agissant des fonds libres provenant de libéralités ou d’aliénation d’éléments du
patrimoine.
18
Arrêté du 24 janvier 2013 portant application des articles 43 à 47, 134, 138, 141, 142,
143, 195 et 197 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion
budgétaire et comptable publique et encadrant les comptes de disponibilité et les dépôts
de fonds au Trésor
44
COUR DES COMPTES
Par ailleurs, BPI dépose des fonds sur le compte de l’État à la
Banque de France afin de gérer sa propre trésorerie. Il s’agit principalement
des « fonds de garantie » (actifs sécurisant des garanties accordées par BPI
Financement) dont les dépôts au Trésor peuvent l’être sur des comptes à
terme, ouverts pour une durée déterminée (entre 2 ans et 15 ans), en étant
rémunérés au taux des emprunts d’État sur cette maturité
19
au moment de
l’ouverture du compte. La maturité moyenne des comptes ouverts ne peut
dépasser 6 années. Lorsque ces comptes arrivent à échéance, BPI
Financement peut replacer les fonds ainsi libérés sur de nouveaux comptes
à échéance. Cependant, compte tenu du caractère négatif des taux, aucun
nouveau compte à échéance n’a été ouvert depuis 4 ans. Ces fonds restent
déposés au Trésor, sur un compte à vue rémunéré en référence aux taux
BTF avec un plancher à 0 %.
La rémunération des dépôts des banques centrales africaines, la
Banque centrale des États d’Afrique de l’ouest (BCEAO), la Banque
centrale des États d’Afrique centrale (BEAC) et la Banque centrale des
Comores (BCC) est régie par des accords de coopération entre la France et
les États de ces unions monétaires.
Pour la seule année 2020, pour la BCEAO
20
et la BEAC, les taux en
vigueur correspondent aux suivants :
- le taux de la facilité de prêt marginal de la BCE (actuellement à
0,25 %) jusqu’à la moitié des avoirs extérieurs totaux de ces banques
centrales avec un plancher à 0,75 % (qui s’applique donc actuellement) ;
- le taux principal des opérations de refinancement de la BCE
(actuellement à 0 %) au-delà.
Pour la BCC, le taux en vigueur est celui de la facilité de prêt
marginal de la BCE (0,25 % actuellement) avec un plancher de 2,5 % qui
s’applique actuellement.
Ces banques centrales ont augmenté leurs encours placés sur le
compte du Trésor à la Banque de France de 12,4 Md
€
en 2018 à 15,5 Md
€
en 2019 à 15,6 Md
€
à fin mai 2020 pour revenir à 13,8 Md
€
en novembre
2020, ce qui a donc conduit à augmenter les rémunérations dues, celles-ci
étant très favorables par rapport au marché.
Si les conditions de rémunérations applicables aux dépôts de la
BEAC et de la BCC n’ont pas été modifiées en 2020, les conditions de
19
Taux « TEC 2 » à « TEC15 »
20
Ces taux ont été accordé à la BCEAO jusqu’au mois de novembre 2020, puis a été de
0 % entre novembre et décembre 2020.
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
45
rémunération de la BCEAO ont été nettement modifiée par un accord du
21 décembre 2019
21
. Cet accord, qui a pris effet en novembre 2020, permet
à la BCEAO de pouvoir disposer à cette date pleinement de son épargne
22
tout en continuant à bénéficier de la garantie de l’État. Cependant, les
conditions de placement de la BCEAO auprès de la Banque de France
étaient jusqu’à présent particulièrement favorables et la BCEAO n’a donc
pas à ce stade réorienté son épargne sur un autre compte. Selon cette
convention, la BCEAO devra, dans un délai de six mois après l’entrée en
vigueur de la convention, trouver des dispositions pour placer les 9,7 Md
€
de dépôts actuellement sur le compte du Trésor à la Banque de France sur
un autre compte de la Banque de France ou dans une autre institution que
la Banque de France.
À l’horizon 2021, cette convention devrait avoir pour conséquence
d’accroître le volume de dette émise par l’AFT pour compenser cette
moindre trésorerie, mais devrait aussi, symétriquement, diminuer les coûts
de ces dépôts
23
.
Après une nette diminution entre 2018 et 2019 de près de 7 M
€
, les
rémunérations de l’IEOM sont restées quasiment stables entre 2019 et
2020. La diminution observée entre 2018 et 2019 provenait d’une révision
des conditions de dépôts de l’IEOM, conformément à la recommandation
de la NEB 2017
24
. L’État et l’IEOM prévoient de continuer à réévaluer à
l’avenir ces conditions.
Les dépôts des correspondants ont poursuivi leur hausse en 2020 par
rapport à 2019 (+27,8 Md
€
) principalement du fait des établissements
publics nationaux (+23,4 Md
€
), des collectivités locales (+6,1 Md
€
) et plus
marginalement des hôpitaux (+2,1 Md
€
)
25
. Si la hausse des dépôts des
collectivités locales correspond à une poursuite de la tendance passée, bien
qu’à un rythme supérieur, l’accroissement de la trésorerie des
établissements publics nationaux provient de flux exceptionnels :
accroissement des liquidités détenues par la Société du Grand Paris (SGP),
qui s’est davantage endettée sur des échéances de long terme que ce que
21
Cf. notamment discours du Président de la République française du 21 décembre
2019 à Abidjan
22
Jusqu’alors, la BCEAO devait déposer au moins la moitié de ses avoirs sur le compte
du Trésor à la Banque de France, soit 9,7 Md
€
à fin 2020.
23
La dette maastrichtienne ne devrait pas être affectée par ces changements, ces dépôts
étant déjà considérés comme de la dette.
24
Le taux de rémunération a progressivement été ramené de 3,00 % en 2018 à 2,75 %
en 2019. De surcroît, depuis le 1er janvier 2018, ce taux ne s’applique qu’au solde
créditeur jusqu’à 800 M
€
, le solde au-delà de 800 M
€
étant rémunéré à Eonia moins
0,15 % (avec un plancher à 0,00 %).
25
Par ailleurs, les hôpitaux ont par ailleurs bénéficié d’une garantie sur les recettes et
d’une prise en charge des coûts liées à la Covid-19.
46
COUR DES COMPTES
nécessitaient ses stricts besoins de trésorerie afin de bénéficier des taux bas
(+8 Md
€
). L’Agence de Services et de Paiement (ASP), opérateur
gestionnaire des crédits de l’activité partielle, a dégagé en 2020 un surcroît
de trésorerie de 6 Md
€
pour faire face aux dépenses à venir à ce titre. Enfin,
la Cades a émis davantage de dettes que nécessaire afin d’anticiper sur le
programme de financement à venir dans le cadre des reprises de la dette
Covid de la sécurité sociale (+7 Md
€
)
26
. Ces facteurs ne sont pas
nécessairement pérennes.
Dans le cadre de la LFR 4 de novembre 2020 (article 4), la variation
de ces comptes de correspondants était inscrite à +15 Md
€
contre +28 Md
€
en exécution (donnée à fin novembre), soit un écart de près de 10 Md
€
,
alors que l’écart était déjà de +16 Md
€
à fin septembre et à +18 Md
€
à fin
octobre.
Sur longue période, les dépôts des correspondants se sont nettement
accrus. Cet accroissement provient notamment des collectivités locales et
des établissements publics nationaux. Si une partie de l’explication pour
les établissements publics nationaux tient à l’interdiction d’endettement de
la plupart d’entre eux depuis 2014 et aux abondements liés aux
programmes d’investissements d’avenir, plan Campus et fonds divers,
l’accroissement des dépôts des collectivités locales ne s’explique pas
simplement.
Graphique n° 23 : dépôts des correspondants
26
Plus marginalement, Île-de-France Mobilités a bénéficié d’une avance de la part de
l’État (de près de 2 Md
€
en provenance du compte d’
Avances à divers services de l'État
ou organismes gérant des services publics
) en décembre 2020 qu’elle n’a pas pu
consommer.
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
47
Source : Cour des comptes à partir de données DGFiP
De manière générale et compte tenu des conditions de marché et de
taux bas, l’ensemble des rémunérations de ces comptes de correspondants,
voire l’absence de facturation de la trésorerie déposée sur ces comptes,
correspond à des subventions implicites aux organismes bénéficiaires. Il ne
peut être exclu que certains de ceux-ci s’endettent à taux négatif tout en
déposant les fonds ainsi collectés au Trésor, sans que cela leur occasionne
des frais. Par ailleurs, dans un contexte de taux négatifs, l’État ne peut pas
bénéficier d’une rémunération sur ses dépôts et prêts, mais supporte plutôt
un coût pour placer ses excédents de trésorerie. Cette augmentation du coût
provient essentiellement de la hausse du coût des dépôts à la Banque de
France.
Ces dépôts à la Banque de France sont rémunérés au taux EONIA
jusqu’au seuil de 820 M
€
(ce seuil est révisé chaque année en fonction de
l’évolution du PIB) et au taux de la facilité de dépôt de la BCE (-0,50 %
depuis septembre 2019) au-delà de ce seuil.
Tableau n° 12 : rémunération de la trésorerie de l’État (M
€
)
en M
€
2016
2017
2018
2019
2020
Encours
moyen
2020
Taux
d'intérêt
moyen
Pensions livrées
-3,9
0,0
0,0
-0,2
0,0
0
Prêts interbancaires
-27,7
-24,9
-35,2
-35,4
-32,3
7 720
-0,40 %
Compte courant à la
Banque de France
-100,4
-145,2
-151,4
-194,2
-485,0
103 239
-0,46 %
Billets de trésorerie
ACOSS
-3,8
-0,9
-2,0
-2,2
-2,6
560
-0,43 %
Divers
-0,8
2,1
0,0
-1,0
-3,7
758
-0,45 %
Total
-136,6
-168,9
-188,6
-233,2
-523,6
Source : Agence France Trésor (à partir de données provisoires sur l’encours moyen)
La gestion de la trésorerie dans un contexte de taux négatif et de
politique monétaire très expansionniste s’avère être moins propice à des
arbitrages de rendement sur les placements à très court terme. L’AFT note
en particulier que du fait de l’abondance de liquidités résultant de la
politique d’assouplissement quantitatif mené par la BCE, les taux proposés
48
COUR DES COMPTES
sur le marché interbancaire par les banques les plus sûres, avec lesquelles
l’AFT traite prioritairement, sont généralement inférieurs au taux servi sur
le compte à la Banque de France. En conséquence, depuis mi-2015, l’AFT
place une faible part des liquidités disponibles. En 2020, l’activité de
placements de l’Agence France Trésor a aussi contribué à la liquidité du
marché interbancaire dans un contexte de tensions monétaires au fur et à
mesure de l’évolution de la situation sanitaire.
En pratique, les placements de trésorerie de l’AFT permettent de
dégager des revenus par rapport à une situation où la seule option serait de
déposer les fonds sur le compte de la Banque de France. Compte tenu des
volumes de trésorerie en jeu, ces volumes peuvent représenter des sommes
très importantes, et jusqu’à plusieurs centaines de M
€
au total.
Parmi les placements les plus intéressants financièrement, les
pensions livrées et les prêts sur le marché interbancaire sont les dispositifs
les plus rémunérateurs. La détention de titres de l’Acoss apparaît moins
rémunératrice que ces deux types d’opérations en raison de la qualité de la
signature de l’Acoss, et donc de l’écart de taux limité entre l’État et
l’Acoss.
Graphique n° 24 : écart de rendement des placements de trésorerie
avec le taux de dépôt des placements fourni par la Banque de France
Source : Cour des comptes à partir de données de l’Agence France Trésor
Ces placements de trésorerie prennent parfois la forme de détention
de billets de trésorerie émis par l’Acoss (0,56 Md
€
en moyenne sur l’année
2020 comme sur l’année 2019). Ces placements se fondent sur la possibilité
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
49
laissée par l’article 96 de la LFI 2020 : « Le ministre chargé des finances
est autorisé à procéder, en 2021, dans des conditions fixées par décret : […]
À des souscriptions de titres de créances négociables émis par des
établissements publics administratifs… ». Pour autant, ces achats de billets
de l’Acoss correspondent aussi
de facto
à un concours de l’État à l’Acoss
en termes de liquidités
27
. Or l’article 24 de la LOLF sur les comptes de
concours financiers stipule que ce type d’avance devrait alors faire l’objet
d’une avance par le compte d’
Avances à divers services de l'État ou
organismes gérant des services publics
28
.
Face à cette apparente contradiction des textes, cette disposition de
loi de finances laisse néanmoins une marge de flexibilité nécessaire pour
dégager une rentabilité des placements de l’État, qu’il semble utile de
conserver. En revanche, les avances réalisées en 2020 pour l’Acoss pour
faire face aux tensions du marché (jusqu’à 8 Md
€
fin mars 2020) auraient
en principe dû être considérées comme des avances. Mais, selon l’AFT, la
procédure d’avance apparaît trop lourde pour pouvoir faire face à ce type
d’événements de marché qui nécessitait une réaction très rapide de la part
de l’AFT pour sécuriser le financement de l’Acoss. En effet, une avance
versée par le compte d’avances aurait dû faire l’objet d’une section à part
au sein de ce compte d’avances et d’une dotation adéquate en termes de
crédits
29
.
2.3
Les opérations de gestion active de la dette
(
swaps
)
L’AFT a mis en place entre septembre 2001 et juillet 2002 un
programme de gestion active de la dette visant à réduire la durée de vie de
la dette. Cette stratégie a été suspendue, les conditions de marché ne
justifiant plus son activation. L’encours de
swaps
de l’État s’élève à
27
La détention par l’État de titre de l’Acoss, d’un montant de 0,5 Md
€
permet de limiter
le niveau de dette publique au sens de Maastricht. En effet, la dette publique au sens de
Maastricht est consolidée entre toutes les entités des administrations publiques, c’est-
à-dire qu’une dette détenue par une autre administration publique n’est pas
comptabilisée comme de la dette publique au sens des critères de Maastricht.
28
« Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par
l'État. »
29
Pour utiliser le compte, il aurait cependant fallu, au préalable, créer une nouvelle
section au sein du compte, c’est-à-dire modifier via une LFR l’article 46 de la LFI pour
2005, ce qui n’était guère compatible avec l’urgence de la situation.
Si l’avance de
mars avait été rattachable à une section existante, il aurait fallu une LFR pour relever
le plafond des crédits du compte, car ces derniers ont un caractère limitatif.
50
COUR DES COMPTES
1,0 Md
€
fin 2020 inchangé par rapport à 2019 (en baisse de 4,8 Md
€
par
rapport à 2015)
30
. Il arrivera à échéance en 2021.
Ces
swaps
génèrent en 2020 des revenus (nets des coûts associés)
de l’ordre de 29 M
€
, à un niveau proche des montants observés depuis
2017. Ces opérations sont retracées dans la seconde section du compte de
commerce.
Graphique n° 25 : encours de contrats d’échange (
swaps
) en Md
€
Source : Agence France Trésor
Tableau n° 13 : rémunération de la gestion active de la dette (M
€
)
Dépenses
M
€
Recettes
M
€
Gestion active de la dette :
intérêts payés au titre des
contrats d'échange de taux
d'intérêt
4
Gestion active de la dette :
intérêts perçus au titre des
contrats d'échange de taux
d'intérêt
29
Gestion active de la dette :
intérêts des appels de marge
sur contrats d'échange de
taux d'intérêt
-
Gestion active de la dette :
intérêts des appels de marge
sur contrats d'échange de taux
d'intérêt
0
Total
4
29
Solde
25
Source : Agence France Trésor
30
Correspondant pour moitié à des
swaps
« receveur taux fixe / payeur taux variable »
et pour moitié à des
swaps
« payeur taux fixe / receveur taux variable »
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
51
3
La conformité aux principes et règles du
droit budgétaire
L’alinéa 9 de l’article 34 de la LOLF prévoit que la LFI de l’année
« fixe le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année, de la dette
négociable de l’État d’une durée supérieure à un an ». Pour l’exercice 2020,
le « plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année et en valeur
nominale, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an
est fixé à 74,5 milliards d’euros » (article 96 de la LFI 2020). Ce plafond a
été relevé plusieurs fois au cours de l’année 2020, à 79,5 Md
€
en LFR 1 en
mars (article 2), puis à 114,5 Md
€
en LFR 2 en avril (article 8), puis enfin
à 129,5 Md
€
en juillet en LFR 3 (article 27)
31
. En pratique, ce plafond a été
respecté, car cette variation nette a été de 123,5 Md
€
. À l’inverse des
années 2018 et 2019, la prise en compte de la capitalisation de la charge
liée à l’indexation des OAT indexées sur l’inflation (0,5 Md
€
en 2020, soit
124 Md
€
au total) ne conduirait pas à un dépassement du plafond présenté
en LFI.
Comme la LOLF ne précise actuellement pas l’agrégat sur lequel
porte ce plafond, la Cour a demandé dans ses notes sur l’exécution
budgétaire depuis 2017 que la LFI apporte cette précision chaque année.
La loi de finances pour 2020 autorise, en son article 100 (« état E »),
un découvert en cours d’année de chaque section du compte de commerce.
En pratique, le suivi du compte de commerce ne s’appuie pas sur une
restitution quotidienne du solde du compte mais sur les paramétrages
Chorus qui garantissent le respect de l’équilibre et sur les arrêtés
décadaires. Les découverts des première et deuxième sections ont atteint
leurs points les plus hauts respectivement lors de la dernière décade d’avril
(12,1 Md
€
) et lors de la dernière décade d’octobre (2,3 M
€
). Les
découverts maximaux autorisés en loi de finances de chacune des deux
sections du compte de commerce (respectivement de 17,5 Md
€
et 1,7 Md
€
)
ont donc été respectés
32
.
Enfin, la Cour a noté que l’AFT présente en charges du compte de
commerce « les frais de promotion des titres d’État », correspondant aux
frais de déplacement des équipes de l’agence afin de promouvoir les titres
d’État français auprès d’investisseurs internationaux («
roadshows
»). Or
la LOLF, en son article 22, précise que « les opérations budgétaires
relatives à la dette et à la trésorerie de l'État, à l'exclusion de toute opération
de gestion courante, sont retracées dans un compte de commerce
déterminé. » Au regard de la LOLF, ces frais devraient être reclassés dans
le programme portant les crédits de gestion de l’AFT.
31
La LFR IV de novembre (article 4) a laissé inchangé ce plafond.
32
Ces autorisations n’ont pas été revues dans les LFR de 2020.
52
COUR DES COMPTES
La Caisse de la dette publique (CDP)
La Caisse de la dette publique (CDP), établissement public à
caractère administratif, permet d’élargir les possibilités de gestion de l’AFT
en lui permettant d’intervenir sur le marché secondaire de la dette publique.
Elle a pour mission de concourir à l’amortissement de la dette publique par
l’acquisition de titres en vue de leur annulation ou par la prise en charge de
l’amortissement de titres à leur échéance.
La CDP n’est pas classée en comptabilité budgétaire au sein des
opérateurs de l’État mais est classée en comptabilité nationale au sein des
organismes divers d’administration centrale (ODAC), inclus dans les
administrations publiques au sens de la comptabilité nationale.
En pratique, la CDP est entièrement gérée par l’AFT et ne génère
donc aucun coût de gestion. Cette entité porte également les dettes reprises
par l’État, dans une structure distincte de lui. Elle porte notamment la dette
reprise de la SNCF depuis le 1
er
janvier 2020 à hauteur de 25 Md
€
.
Auparavant, l’essentiel des opérations de la CDP provenait de la reprise en
2007 par l’État de la dette du service annexe d’amortissement de la dette
(SAAD) de la SNCF. Les comptes de la CDP montrent que l’organisme est
financièrement à l’équilibre en 2019, les recettes et les dépenses
représentant de l’ordre de 120 M
€
, à un niveau stable depuis 2015. La Cour
n’a cependant pas pu obtenir les comptes 2020 dans des délais compatibles
avec la rédaction de cette note d’exécution budgétaire.
GESTION DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
53
4
Les recommandations de la Cour
4.1
Le suivi des recommandations formulées au
titre de 2019
La Cour a formulé une recommandation au titre de la gestion 2019 :
Recommandation n°1
: dans le tableau de financement, distinguer le
déficit budgétaire et le déficit à financer et expliciter le passage entre les
deux montants (recommandation reformulée)
La Cour estimait en effet que la présentation du tableau de
financement voté en loi de finances et en loi de règlement, gagnerait à être
aménagée. Les opérations budgétaires sans impact en trésorerie (très
majoritairement l’indexation du capital des titres indexés), qui ont atteint
0,5 Md
€
en 2020, apparaissent dans la ligne « Autres besoins de
trésorerie ». Depuis 2015, la ligne déficit à financer recouvre de fait le
déficit budgétaire et son intitulé est trompeur. Il est apparu souhaitable
d’inscrire dans la ligne « Déficit à financer » le montant effectif du déficit
ayant un impact en trésorerie et d’expliquer les raisons de l’écart avec le
déficit budgétaire.
L’Agence France Trésor et la direction du budget se déclarent
opposées à cette recommandation au motif que cela nuirait à la lisibilité et
à la compréhension de l’article d’équilibre. Les administrations proposent
toutefois que dans le tableau de financement, l’intitulé « déficit à financer »
soit remplacé par « déficit budgétaire ».
Ce changement permettant de rétablir la cohérence entre l’intitulé et
les montants figurant sur la même ligne, la Cour ne reconduit pas sa
recommandation au titre de l’année 2020.