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Chambre
Jugement n° 2021-0002
Centre hospitalier de Gordes
Département du Vaucluse
Exercices 2014 à 2018, au 28 janvier
Rapport n° 2020-0179
Audience publique du 9 février 2021
Délibéré du 9 février 2021
JUGEMENT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d
’
Azur,
VU
le code des juridictions financières ;
VU
l
’
article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
VU
l’article
L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;
VU
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique ;
VU
le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du
paragraphe
VI de l’article 60
de la loi du 23 février 1963 modifié, dans sa rédaction issue de
l’article
90 de la loi n° 2011-1978 de finances rectificative pour 2011 ;
VU
l'arrêté n° 2020-17 du 4 décembre 2020 du président de la chambre modifiant l'organisation
des formations de délibéré et leurs compétences pour 2021 ;
2/11
VU
le réquisitoire n° 2020-0019 du 3 septembre 2020 par lequel le procureur financier a saisi
la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
M. X... et Mme Y... pour leur gestion des exercices 2014 à 2018 (
jusqu’au
28 janvier) ;
VU
la notification du réquisitoire du procureur financier et du nom du magistrat chargé de
l
’
instruction à M. X... et Mme Y..., comptables durant les exercices visés par le réquisitoire,
intervenue le 7 septembre 2020 et le 5 septembre 2020 respectivement ;
VU
la notification du réquisitoire du procureur financier et du nom du magistrat chargé de
l
’
instruction à Mme Z..., directrice du centre hospitalier, intervenue le 8 septembre 2020 ;
VU
les comptes du centre hospitalier de Gordes pour les exercices 2014 à 2018, au 28 janvier ;
VU
les questionnaires adressés par le magistrat instructeur aux comptables
et à l’ordonnateur
le 17 septembre 2020, 22 septembre 2020, 19 octobre 2020 et 2 novembre 2020 ;
VU
les réponses transmises par M. X... le 12 octobre 2020 et le 5 novembre 2020 ;
VU
les réponses transmises par Mme Y... le 16 et le 20 octobre 2020 ;
VU
le rapport n° 2020-0179 à fin de jugement des comptes déposé le 21 décembre 2020 par
Mme Nathalie Ricaud première conseillère ;
VU
les conclusions du procureur financier ;
Après avoir entendu en audience publique le 9 février 2021, le rapporteur et les conclusions
orales
de
M.
Grégory
Rzepski,
procureur
financier, M.
X...,
Mme
Y...
et
Mme la directrice du centre hospitalier de Gordes,
dûment informés de l’audience, n’étant ni
présents, ni représentés ;
Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier et après avoir
entendu Mme Judith Ascher, première conseillère, réviseure, en ses observations ;
Sur les circonstances de force majeure
ATTENDU
qu’aux termes du V de l’article 60 de la loi n°
63-156 du 23 février 1963 :
«
Lorsque le ministre dont relève le comptable public, le ministre chargé du budget ou le juge
des comptes constate l'existence de circonstances constitutives de la force majeure, il ne met
pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public
» ;
ATTENDU
que l’existence de circonstances constitutives de la force majeure doit résulter
d’événements extérieurs, imprévisibles et irrésistibles en lien avec les griefs formulés par le
réquisitoire
; qu’en l’espèce aucune circonstance constitutive de la force majeure n’a été établie
ni même alléguée ;
3/11
Charge n° 1 : Compte 46721 « débiteurs divers-exercice courant » : titre n° 271 à
l’
encontre de la mutuelle
A…
pris en charge le 05/08/2014 à hauteur de 1 156
€ et figurant
en reste à recouvrer au 31 décembre 2018.
En ce qui concerne le réquisitoire
ATTENDU
que par le réquisitoire susvisé du 3 septembre 2020, le procureur financier a requis
la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-
Côte d’Azur
au motif
qu’en l’absence de
diligences complètes, rapides et adéquates pour le recouvrement du titre n° 271 pris en charge
le 5 août 2014, sous la gestion de M. X..., ce titre
s’est trouvé prescrit le 5 août 2018
,
sous la gestion de Mme Y..., celle-ci ayant été en charge de son recouvrement pendant plus
d’un
an ;
Sur le manquement du comptable à ses obligations
ATTENDU
qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60
de la loi du 23 février 1963
«
[…] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du
recouvrement des recettes […]. Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement
responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes […] dans les
conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité
personnelle et pécuniaire prévue ci-
dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une recette n’a
pas été recouvrée […]
» ;
ATTENDU
qu’en vertu de l’article 18 du décret n°
2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la
gestion budgétaire et comptable publique, «
Dans le poste comptable qu’il dirige, le co
mptable
public est seul chargé :
[…] 4° De la prise en charge des ordres de recouvrer […] qui lui s
ont
remis par les ordonnateurs ; 5° Du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances
constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire ;
[…] 11° De la
conservation des pièces justificatives des opérations transmises par les ordonnateurs et des
documents de comptabilité.
», que l
’article 19 du même décret pr
écise que «
Le comptable
public est tenu d’exercer le contrôle
:
1° S’agissant des ordres de recouvrer
: a) De la
régularité de l’autorisation de percevoir la recette
; b) Dans la limite des éléments dont il
dispose, de la mise en recouvrement des créances et de la régularité des réductions et des
annulations des ordres de recouvrer ;
[…]
» ;
ATTENDU
que le 3° de l’article L.
1617-5 du code général des collectivités territoriales
dispose que «
L’action des comptables publics chargés de recouvrer les créances
des régions,
des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre
ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. Le délai de quatre ans mentionné à
l’alinéa précédent est interrompu par tous actes comportan
t reconnaissance de la part des
débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription
» ;
ATTENDU
que M. X... a fait valoir que les directives données par la direction générale des
finances publiques concernant l’envoi des mises en demeure conduisent
à ne pas recourir au
courrier recommandé avec accusé de réception ;
ATTENDU
que, selon M. X..., les recherches et diligences menées par le poste comptable, ont
été manifestement égarées au gré des fusions et absorptions de structures ;
ATTENDU
que M. X... a fait état de plusieurs éléments de contexte illustrant les difficultés
rencontrées au niveau du poste comptable, que, malgré celles-ci, il a pu «
consolider, voire
améliorer le résultat du poste
» ;
4/11
ATTENDU
que M. X...
a souligné qu’il ne lui a pas été possible d’obtenir copie des diligences,
que le titre ne s’est pas tr
ouvé prescrit durant sa gestion
et qu’aucune charge n’a été proposée
dans le rapport d
’examen juridictionnel des comptes
;
ATTENDU
que l’envoi automatique des mises en demeure en envoi si
mple suivant une
directive de la direction générale des finances publiques ne constitue qu’une mesure
d’organisation qui ne lie pas le juge des comptes, qu’elle n’exonère
, par ailleurs, pas le
comptable de ses obligations en matière de recouvrement telles que définies par la loi ;
ATTENDU
que les différents éléments de contexte exposés ci-dessus ne sont pas de nature à
exonérer le comptable de sa responsabilité ;
ATTENDU
que l’absence de proposition de charge dans le rapport d’examen juridictionnel des
comptes est sans effet sur les propositions de charges retenues dans le réquisitoire, le ministère
public ayant le monopole des poursuites
en application de l’article L.
142-1-2 du code des
juridictions financières ;
ATTENDU
que, non seulement, aucun élément ne démontre que les diligences alléguées par
M. X... ont bien été effectuées et reçues par le débiteur, mais que celles-ci ont sans doute, selon
M. X..., été « égarées » ;
ATTENDU
que la prescription est intervenue plusieurs mois après la fin de la gestion de
M. X... ;
ATTENDU
que Mme Y..., après avoir rappelé la date de sa prise de fonctions, le
1
er
janvier 2017, et de cessation de fonctions, le 28 janvier 2018,
a précisé qu’à sa prise de
fonctions, elle s’est prioritairement attachée à la migration
comptable et organisationnelle
du poste, qu’en mars 2017,
elle
a procédé à l’examen des restes à recouvrer et engagé des actes
de poursuite sans que cette démarche ne soit toutefois exhaustive, que le titre visé par le
réquisitoire
n’a ainsi pas été traité
et s’est trouvé prescrit en août 201
8 ;
ATTENDU
que Mme Y... a estimé que sa responsabilité ne pouvait être engagée du fait
d’
une absence de poursuite pendant plus de deux ans,
d’une impossibilité d’engager des
poursuites lorsqu’elle était en fonctions
ai
nsi que d’
un titrage et
d’un
suivi effectués par
l’ordonnateur perfectibles
;
ATTENDU
que le comptable entrant a
l’obligation de s’assurer de la réalité des restes à
recouvrer
transmis par son prédécesseur, qu’e
n applicati
on de l’article 17 du décret n°
64-1022
du 29 septembre 1964 (aujo
urd’hui article 21 du décret n°
2008-228 du 5 mars 2008), il dispose
d’un délai de six mois prorogeable par décision du ministre des Finances
«
pour formuler des
réserves écrites motivées de façon précise
» ;
ATTENDU
qu’au c
as présent, Mme Y...
n’a formulé aucune réserve dans le
délai
réglementairement imparti
et a disposé d’un délai de plus d’un an
pour procéder au
recouvrement du titre avant sa prescription, qu’e
lle a, en outre, engagé en mars 2017 des
poursuites sur
d’autres titres figurant dans l’état de restes à recouvrer
;
ATTENDU
qu’il est de jurisprudence constante qu’en présence d’une créance qui n’est pas
devenue irrécouvrable avant sa prise de fonctions, la responsabilité du comptable entrant
se trouve substit
uée à celle de son prédécesseur dès lors qu’il n’a pas formulé de réserves lors
de la remise de service et dans le délai réglementaire qui lui est imparti ;
5/11
ATTENDU
que la responsabilité d’un comptable peut être engagée, même si la créance n’est
pas prescrite sous sa gestion, dès lors que son inaction a compromis le recouvrement de
la créance ;
ATTENDU
qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter la responsabilité personnelle
et pécuniaire de M. X... et de retenir celle de Mme Y... pour absence de diligences complètes,
rapides et adéquates ayant entraîné la prescription du titre visé par le réquisitoire ;
En ce qui concerne le préjudice financier
ATTENDU
que, selon les comptables, le centre hospitalier de Gordes
n’a
pas subi de préjudice,
que l’ordonnateur, interrogé sur ce point n’a pas répondu
;
ATTENDU
que l’appréciation du préjudice relève de
la seule responsabilité du juge
des comptes ;
ATTENDU
que selon une logique de caisse, le non-
recouvrement d’un titre résultant d’une
absence de d
iligences complètes, rapides et adéquates est constitutif d’
un préjudice ;
ATTENDU
qu’aux termes de l’article 60.VI, 3
ème
alinéa, de la loi du 23 février 1963 susvisée,
«
lorsque le manquement du comptable (…) a causé un préjudice financier à l’organisme
public
concerné (…), le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels
la somme correspondante
» ;
QU
’ainsi, conformément aux dispositions de l’article R.
241-37 du code des juridictions
financières, il y a lieu de constituer Mme Y... débitrice du centre hospitalier de Gordes pour la
somme de 1 156
€
(mille cent cinquante-six euros) ;
ATTENDU
qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi
du 23 février 1963
précitée, «
les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu
de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
» ;
ATTENDU
que le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité des comptables
correspond à la notification du réquisitoire intervenue le 5 septembre 2020 en ce qui
concerne Mme Y... ;
Charge n° 2 : Compte 4161 « redevables-contentieux » budget EHPAD : Titres émis à
l’encontre de
Mme B... : montant total : 32
186,76 €
:
Exercice 2013 : montant total : 24 082,61
€
Titre n° 55 pris en charge le 8 février 2013 à hauteur de 2 075,45
€
; titre n° 138 pris en
charge le 7 mars 2013 à hauteur de 1 874,60
€
; titre n° 225 pris en charge le 17 avril 2013 à
hauteur de 2 075,45
€
; titre n° 307 pris en charge le 21 mai 2013 à hauteur de 2 230,50
€
;
titre n° 462 pris en charge le 9 juillet 2013 à hauteur de 2 230,50
€
; titre n° 543 pris en charge
le 7 août 2013 à hauteur de 2 304,85
€
; titre n° 620 pris en charge le 12 septembre 2017
à hauteur de 2 304,85
€
; titre n° 695 pris en charge le 16 octobre 2013 à hauteur de 2 230,50
€
;
titre n° 780 pris en charge le 13 novembre 2013 à hauteur de 2 220,56
€
; titre n° 856
pris en charge le 5 décembre 2013 à hauteur de 2 230,50
€
; titre n° 937 pris en charge le
31 décembre 2013 à hauteur de 2 304,85
€
et figurant en reste à recouvrer au
31 décembre 2018.
6/11
Exercice 2014 : montant total : 8
104,15 €
Titre n° 47 pris en charge le 5 février 2014 à hauteur de 2 304
,85€
; titre n° 117 pris en charge
le 10 mars 2014 à hauteur de 2 081,80
€
; titre n° 205 pris en charge le 14 avril 2014 à hauteur
de 2 304,85
€
; titre n° 286 pris en charge le 19 mai 2013 à hauteur de 1
412,65 €
et figurant en
reste à recouvrer au 31 décembre 2018.
En ce qui concerne le réquisitoire
ATTENDU
que par le réquisitoire susvisé du 3 septembre 2020, le procureur financier a
requis la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-
Côte d’Azur
au motif qu
’en l’absence
de diligences complètes, rapides et adéquates, les titres visés par le réquisitoire ont été
atteints par la prescription alors que M. X... et Mme Y..., comptables respectivement du
1
er
janvier 2014 au 31 décembre 2016 et du 1
er
janvier 2017 au 28 janvier 2018, étaient
responsables du recouvrement de ces titres et parfois en poste
lorsqu’ils ont été prescrits
;
Sur le manquement du comptable à ses obligations
ATTENDU
qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60
de la loi du 23 février 1963
«
[…] les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du
recouvrement des recettes […]. Les comptables publics s
ont personnellement et pécuniairement
responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes […] dans les
conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité
personnelle et pécuniaire prévue ci-
dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une recette n’a
pas été recouvrée […]
» ;
ATTENDU
qu’en vertu de l’article 18 du décret n°
2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la
gestion budgétaire et comptable publique, «
Dans le poste comptable qu’il dirige,
le comptable
public est seul chargé :
[…] 4° De la prise en charge des ordres de recouvrer […] qui lui s
ont
remis par les ordonnateurs ; 5° Du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances
constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire ;
[…] 11° De la
conservation des pièces justificatives des opérations transmises par les ordonnateurs et des
documents de comptabilité
», que l
’article 19 du même décret pr
écise que «
Le comptable public
est tenu d’exercer le contrôle
:
1° S’agissant des ordres de recouvrer
: a) De la régularité de
l’autorisation de percevoir la recette
; b) Dans la limite des éléments dont il dispose, de la mise
en recouvrement des créances et de la régularité des réductions et des annulations des ordres
de recouvrer ;
[…]
» ;
ATTENDU
que le 3° de l’article L.
1617-5 du code général des collectivités territoriales
dispose que «
L’action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions,
des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre
ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. Le délai de quatre ans mentionné à
l’alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des
débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription
» ;
ATTENDU
que M. X... a
tout d’abord
fait valoir les mêmes arguments que pour la première
charge, que ceux-ci ne sont pas de nature à exonérer le comptable de sa responsabilité ;
7/11
ATTENDU
que Mme B... est décédée le 19 avril 2014 ;
ATTENDU
que M. X... a indiqué avoir réalisé de nombreuses diligences et avoir saisi le
pôle de gestion des patrimoines privés de Marseille mais, que le seul patrimoine dont disposait
Mme B...
était l’usufruit d’un immeuble hypothéqué le 10 janvier
2013, et que par suite, en
l’absence de patrimoine, la succession n’a pas été déclarée vacante
;
ATTENDU
qu’il n’existait, selon le comptable, aucun héritier et donc aucune possibilité
d’interrompre la prescription des titres
;
ATTENDU
cependant que selon les documents transmis, Mme B... avait une fille adoptive, à
l’égard de laquelle
M. X... a indiqué se souvenir avoir envoyé un bordereau de situation et une
mise en demeure, sans obtenir cependant de réponse ;
ATTENDU
qu’en l’absence de succession et de base juridique,
M. X... a déclaré ne pas avoir
été en mesure de poursuivre le recouvrement forcé à l’égard de ladite fille adoptive
;
ATTENDU
que Mme Y... a
, tout d’abord,
indiqué que les titres en cause ont été pris en charge
en 2013 et 2014, avant sa prise de fonctions,
qu’à cette date
, Mme Y...
s’est prioritairement
consacrée à la bonne migration comptable et organisationnelle de la trésorerie d’Apt, des
collectivités et établissements publics de santé
de l’ancienne trésorerie de Gordes, qu’en
avril 2017, l’examen des restes à recouvrer l’a conduit
e
à interroger l’ordonnateur sur des états
de non-
valeur établis de 2013 à 2016 par son prédécesseur, lesquels n’avaient pas été manda
tés,
qu’un de ces états concernait les titres relatifs au séjour de
Mme B...
, qu’entre temps
(de février à décembre 2017), les titres 2013 se sont trouvés prescrits ;
ATTENDU
que Mme Y... a précisé
qu’il lui était impossible
, dans les délais impartis,
d’accomplir les diligences complètes, rapides et adéquates et ce d’autant que la présentation en
non-
valeur, puis l’absence de réponse de l’ordonnateur à son message d’avril 2017 diminuaient
la visibilité des titres concernés ;
ATTENDU
que selon Mme Y..., la p
erte financière incombe au centre hospitalier, qu’il
appartenait, selon elle, à l’ordonnateur de soumettre l’admission de
Mme B... à une prise en
charge par l’aide sociale, ce qui n’a pas été fait, que l’engagement de payer de la fille adoptive
de Mme B... était sans valeur ;
ATTENDU
que durant sa gestion, Mme Y...
a, selon les éléments qu’elle a communiqués,
adressé en avril 2017 un message
à l’ordonnateur pour permettre l’admission en non
-valeur des
états présentés par son prédécesseur, que s’il est vrai
que la présence de titres dans un état
d’admission en non
-valeur peut conduire à conclure que ceux-
ci sont irrécouvrables, il n’en
demeure pas moins que, jusqu’à leur prescription et l’admission effective en non
-valeur,
les titres demeurent à recouvrer ;
ATTENDU
que les comptables ont réalisé les diligences adéquates eu égard à la situation ;
ATTENDU
qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter la responsabilité personnelle
et pécuniaire de M. X... et de Mme Y... au titre de la charge n° 2 ;
8/11
Charge n° 3 : Compte 443521 « CDC-recettes » budget EHPAD : Titre n° 490 pris en
charge le 10 juillet 2013 Caisse des Dépôts et Consignation montant : 2 594,87
€.
En ce qui concerne le réquisitoire
ATTENDU
que par le réquisitoire susvisé du 3 septembre 2020, le procureur financier a requis
la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-
Côte d’Azur
au motif
qu’en
l’absence de
diligences avérées, le titre susvisé
s’est trouvé prescrit
le 10 juillet 2017, que M. X... et
Mme Y... étaient responsables du recouvrement de ce titre et,
s’agissant de
Mme Y...,
que celle-ci était en poste au moment de la prescription ;
Sur le manquement du comptable à ses obligations
ATTENDU
qu’aux termes des dispositions du I de l’article 60
de la loi du 23 février 1963
«
[…] les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables […] du
recouvrement des recettes […]. Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement
responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes […] da
ns les
conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité
personnelle et pécuniaire prévue ci-
dessus se trouve engagée dès lors […] qu’une recette n’a
pas été recouvrée […]
» ;
ATTENDU
qu’en vertu de l’article 18 du
décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la
gestion budgétaire et comptable publique, «
Dans le poste comptable qu’il dirige, le co
mptable
public est seul chargé :
[…] 4° De la prise en charge des ordres de recouvrer […] qui lui s
ont
remis par les ordonnateurs ; 5° Du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances
constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire ;
[…] 11° De la
conservation des pièces justificatives des opérations transmises par les ordonnateurs et des
documents de comptabilité.
». L’article 19 du même décret pr
écise que «
Le comptable public
est tenu d’exercer le contrôle
:
1° S’agissant des ordres de recouvrer
: a) De la régularité de
l’autorisation de percevoir la recette
; b) Dans la limite des éléments dont il dispose, de la mise
en recouvrement des créances et de la régularité des réductions et des annulations des ordres
de recouvrer ;
[…]
» ;
ATTENDU
que le 3° de l’article L.
1617-5 du code général des collectivités territoriales
dispose que «
L’action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions,
des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre
ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. Le délai de quatre ans mentionné à
l’alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des
débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription
» ;
ATTENDU
que M. X... a fait valoir les mêmes arguments que pour la première charge, que
ceux-ci ne sont pas de nature à exonérer le comptable de sa responsabilité ;
ATTENDU
que
M. X... a par ailleurs
souligné qu’il ne lui a pas été possible d’obtenir copie
des diligences, que la prescription est intervenue le 10 juillet 2017, soit plus de six mois après
sa cessation de fonctions, que le rapport d’examen juridictionnel des comptes
a proposé la mise
en jeu de la responsabilité de Mme Y... ;
9/11
ATTENDU
que M. X... a également mentionné la qualité de débiteur public et donc
insaisissable de la Caisse des dépôts et consignation ;
ATTENDU
que M. X...
n’a pas été en mesure de pr
ouver le caractère effectif des
diligences alléguées ;
ATTENDU
que Mme Y... a rappelé les dates de prise e
t de cessation de ses fonctions, qu’à sa
prise de fonctions au sein du poste comptable, elle
s’est
prioritairement attachée à la migration
comptable et organisationnelle du poste, qu’en mars 2017, elle a procédé à l’examen des restes
à recouvrer et engagé des actes de poursuite sans que cette démarche ne soit toutefois
exhaustive,
que le titre concerné n’avait pas fait selon elle l’objet d’aucune lettre de relance ou
acte de poursuite depuis sa prise en charge,
que le titre visé par le réquisitoire a fait l’objet d’une
mise en demeure envoyée le 8 mars 2017 par courrier simple conformément aux consignes alors
données par sa direction, que le titre a été atteint par la prescription en juillet 2017,
qu’elle a
affirmé que cette mise en demeure constituait le premier et unique acte de poursuite ;
ATTENDU
que selon Mme Y..., sa responsabilité ne peut être
engagée et qu’il
ne peut être
considéré qu’il existe un
préjudice pour différentes raisons :
l’absence de poursuite pendant
plus de trois
ans, l’envoi d’une mise en demeure par courrier simple lorsqu’elle était en
fonctions, cette
modalité d’envoi s’inscrivant dans le cadre des recommandations données par
sa direction ;
ATTENDU
que l’envoi automatique des mises en demeure en envoi simple suivant
une directive de la direction générale des finances publiques ne constitue qu’une mesure
d’organisation qui ne lie pas le juge des comptes, qu’elle n’exonère par ailleurs pas le comptable
de ses obligations en matière de recouvrement telles que définies par la loi ;
ATTENDU
que le comptable entrant a l’obligation de s’assurer de la réalité de
s restes à
recouvrer transmis par son prédécesseur
; qu’en application de l’article 17 du décret n°
64-1022
du 29 septembre 1964 (aujo
urd’hui article 21 du décret n°
2008-228 du 5 mars 2008), il dispose
d’un délai de six mois prorogeable par décision du mi
nistre des Finances «
pour formuler des
réserves écrites motivées de façon précise
» ;
ATTENDU
qu’au cas présent,
Mme Y...
n’a formulé aucune réserve dans le délai
réglementairement imparti ;
ATTENDU
qu’il est de jurisprudence constante qu’en présence d’une créance qui n’est pas
devenue irrécouvrable avant sa prise de fonctions, «
la responsabilité du comptable entrant se
trouve substituée à cell
e de son prédécesseur dès lors qu’il n’a
pas formulé de réserves lors de
la remise de service et dans le délai réglementaire » ;
ATTENDU
qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter la responsabilité personnelle
et pécuniaire de M. X... et de retenir celle de Mme Y... pour absence de diligences complètes,
rapides et adéquates ayant entraîné la prescription du titre visé par le réquisitoire ;
En ce qui concerne le préjudice financier
ATTENDU
que, selon les comptables, le centre hospitalier de Gordes n’a pas subi de préjudice
,
que
l’ordonnateur
, interrogé sur ce point,
n’a pas répondu
;
10/11
ATTENDU
que l’appréciation du préjudice relève de la seule responsabilité du juge des
comptes ;
ATTENDU
que selon une logique de caisse, le non-
recouvrement d’un titre résultant d’une
absence de diligences complètes, rapides et adéquates est constitutif d’
un préjudice ;
ATTENDU
qu’aux termes de l’article 60.VI, 3
ème
alinéa, de la loi du 23 février 1963 susvisée,
«
lorsque le manquement du comptable (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public
concerné (…), le comptable a l’obligation de verser immédiate
ment de ses deniers personnels
la somme correspondante
» ;
QU
’ainsi,
conformément
aux
dispositions
de
l’article
R.
241-37
du
code
des
juridictions financières, il y a lieu de constituer Mme Y... débitrice du centre hospitalier
de Gordes pour la somme de 2 594,87
€ (deux mille cinq cent
quatre-vingt-quatorze euros et
quatre-vingt-sept centimes) ;
ATTENDU
qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi
du 23 février 1963
précitée, «
les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu
de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
» ;
ATTENDU
que le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité des comptables
correspond à la notification du réquisitoire intervenue le 5 septembre 2020 ;
11/11
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
: Au titre de la charge n° 1, Mme
Y…
est constituée débitrice du
centre hospitalier de Gordes
, au titre de l’exercice 201
7, pour la somme de 1 156
€
(mille cent cinquante-six euros) augmentée des intérêts de droit à compter du 5 septembre 2020.
Article 2
: Au titre de la charge n° 2,
aucune charge n’est retenue à l’encontre de
M. X...et de
Mme Y
....
Article 3
: Au titre de la charge n° 3, Mme
Y…
est constituée débitrice du
centre
hospitalier de Gordes, au titre de l’exercice 2017
, pour la somme de 2 594,87
€
(deux mille cinq cent quatre-vingt-quatorze euros et quatre-vingt-sept centimes) augmentée des
intérêts de droit à compter du 5 septembre 2020.
Article 4
: Il est donné décharge et quitus à M. X... pour sa gestion du 1
er
janvier 2014
au 21 décembre 2016.
Article
5
:
Il
est
sursis
à
la
décharge
de
Mme
Y…
pour
sa
gestion
du
1
er
janvier 2017 au 28 janvier
2018 dans l’attente de l’apurement des débets mentionnés
aux articles 1 et 3.
Présents
: M.
Nacer
Meddah,
président
de
chambre,
président
de
séance,
M. Clément Contan, président de section, M. François Gajan, président de section,
M. Mickaël Le Mestric, premier conseiller, Mme Judith Ascher, première conseillère.
Fait
et
jugé
à
la
chambre
régionale
des
comptes
Provence-Alpes-
Côte
d’Azur,
le neuf février deux mille vingt et un.
La greffière,
Bérénice Bah
Le président de séance,
Nacer Meddah
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux
procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les
commandants et officiers de la force publique de prête
r main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre
régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des compte
s dans le délai de deux mois à compter de leur
notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux
mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut ê
tre demandée après expiration des délais
d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R.
242-29 du même code.