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Mission Plan d’urgence face à
la crise sanitaire
Note d’analyse de l’exécution
budgétaire
2020
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
3
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
Programme 356 – Prise en charge du dispositif exceptionnel de
chômage partiel à la suite de la crise sanitaire
Programme 357 – Fonds de solidarité pour les entreprises à la
suite de la crise sanitaire
Programme 358 – Renforcement exceptionnel des participations
financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire
Programme 360 – Compensation à la sécurité sociale des
allègements de prélèvements pour les entreprises les plus
touchées par la crise sanitaire
Graphique n° 1 : mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
prévision et exécution 2020 (CP, en M
)
Source : Cour des comptes d’après Chorus
22 633
17 806
19 738
11 809
20 000
8 304
8 200
3 900
0
10 000
20 000
30 000
40 000
50 000
60 000
70 000
80 000
Crédits ouverts
Dépenses
P 360 (exonérations de
cotisations)
P 358 (participations
financières)
P 357 (fonds de solidarité)
P 356 (activité partielle)
70 571
41 820
4
COUR DES COMPTES
Synthèse
Une mission créée en cours de gestion pour soutenir les
entreprises face à la crise sanitaire
La mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
a été créée
pendant le premier confinement, par la loi de finances rectificative du
23 mars 2020 (LFR 1), afin de faire face sans délai aux conséquences
économiques de la crise sanitaire. Elle avait pour objectif de rassembler au
sein d’un support budgétaire unique la plupart des dépenses d’urgence de
soutien aux entreprises et à l’emploi pendant la crise.
Elle comportait à sa création deux programmes, destinés à financer
le dispositif exceptionnel d’activité partielle (programme 356) et le fonds
de solidarité à destination des entreprises (programme 357). À mesure de
l’évolution de la crise sanitaire, d’autres dispositifs de soutien aux
entreprises ont été ajoutés : la loi de finances rectificative du 25 avril 2020
(LFR 2) a intégré un troisième programme à la mission pour financer les
prises de participations exceptionnelles de l’État (le programme 358). Un
quatrième programme a été créé par la loi de finances rectificative du
30 juillet 2020 (LFR 3) pour compenser les exonérations exceptionnelles
de cotisations sociales accordées aux entreprises touchées par la crise (le
programme 360).
1
Des ressources très importantes, accrues par chacune des lois
de finances rectificatives
Placée sous la responsabilité du ministre de l’action et des comptes
publics, la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
a été dotée, à
sa création, de 6,3 Md
. Avec la prolongation de la crise sanitaire et
l’extension du périmètre de la mission, de nouveaux crédits ont été
ouverts : 37,2 Md
en LFR 2, 8,9 Md
en LFR 3 et 17,2 Md
en LFR 4.
Au total, les quatre lois de finances rectificatives ont ouvert 69,6 Md
sur
la mission, soit 98,6 % de ses ressources 2020.
S’y sont ajoutés 0,1 Md
de dotation pour dépenses accidentelles et
imprévisibles (DDAI) et 0,9 Md
rattachés par voie de fonds de concours
au programme 357
Fonds de solidarité
, suite à la contribution des régions
1
Par convention, ces quatre programmes sont mentionnés dans le rapport comme les
programmes
Activité partielle
(P 356),
Fonds de solidarité
(P 357),
Participations
financières
(P 358) et
Compensation des exonérations
(P 360), bien qu’il ne s’agisse
pas de leur désignation officielle.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
5
(0,5 Md
) et des sociétés d’assurance (0,4 Md
). Les ressources totales de
la mission s’élèvent à 70,6 Md
.
Une sous-consommation de plus de 40 % des crédits ouverts
Les dépenses de la mission ont atteint 41,8 Md
(AE et CP) au
31 décembre 2020. Elles correspondent, pour 33,5 Md
, à des dépenses
d’intervention de titre 6 (fonds de solidarité, exonérations de cotisations,
majorité des dépenses d’activité partielle). La mission comporte également
des dépenses de fonctionnement (titre 3) destinées à abonder le compte
d’affectation spéciale
Participations financières de l’État
(CAS PFE), dont
les dépenses relèvent presque exclusivement des opérations financières
(titre 7).
Le niveau des dépenses de la mission est en lien direct avec
l’évolution des mesures de soutien mises en place au profit des entreprises
touchées par la crise et suivent la situation épidémique. Ainsi, la moyenne
des dépenses s’établit à 4,6 Md
par mois entre mars à juin (aides versées
au titre du premier confinement), puis chute à 2,4 Md
par mois entre juillet
et octobre avant de repartir en forte hausse en novembre et décembre
(6,8 Md
par mois), dans le contexte du deuxième confinement puis du
couvre-feu.
Au 31 décembre 2020, la mission présente 28,8 Md
(AE et CP) de
crédits non utilisés, soit 40,7 % des crédits ouverts en 2020. Cette sous-
consommation concerne tous les programmes, dans des proportions
toutefois différentes. Avec 11,7 Md
de crédits non consommés, le
programme 358
Participations financières
présente l’écart le plus
important entre ressources et dépenses (58 % des crédits ouverts). La sous-
exécution du programme 360
Compensation des exonérations
atteint 52 %
des crédits ouverts (4,3 Md
), celle du programme 357
Fonds de solidarité
40 % (7,9 Md
) et celle du programme 356
Activité partielle
21 % (4,8 Md
).
Un dispositif d’activité partielle (programme 356) mis en
place très rapidement, des ouvertures de crédits supérieures au
besoin des entreprises pour l’année 2020
Le programme
Prise en charge du dispositif exceptionnel de
chômage partiel à la suite de la crise sanitaire
(P 356) a été créé par LFR 1
afin de financer, aux deux tiers par l’État et à un tiers par l’Unédic, le
dispositif exceptionnel d’activité partielle mis en place pour protéger les
salariés et les entreprises lors de la crise sanitaire.
Il a été mis en place très rapidement, sur le plan financier comme
sur le plan opérationnel. L’estimation des crédits nécessaires a été réalisée
6
COUR DES COMPTES
au fur et à mesure de l’année 2020 sur la base de différents modèles
budgétaires. Dans un contexte d’absence de retour d’expérience sur cette
mesure inédite et de grande incertitude sur l’évolution de la situation
sanitaire, l’enveloppe retenue était en général la plus prudente afin de ne
pas être confronté à un risque de rupture de trésorerie.
Les crédits ouverts ont été abondés par toutes les lois de finances
rectificatives pour atteindre 22,6 Md
. Sur cette enveloppe, 17,8 Md
ont
été dépensés, laissant une part importante des crédits non consommés
(4,8 Md
). En outre, au 31 décembre 2020, la trésorerie disponible à
l’Agence de services et de paiement (ASP) au titre du financement de l’État
s’élève à 2,7 Md
. Les dernières estimations du ministère du travail (Dares)
sur le coût réel de l’activité partielle prévoient un besoin total de
financement de l’État de 17,6 Md
, légèrement inférieur aux crédits qui ont
été déjà versés à l’ASP et à l’Acoss. La baisse moins forte que prévue de
l’activité économique ainsi que des ouvertures de crédits en LFR 4
supérieures à une estimation réaliste des besoins expliquent l’écart très
important entre les crédits ouverts et les dépenses.
Finalement, sur les 4,8 Md
non consommés en 2020, 2,5 Md
ont
été reportés sur ce même programme en 2021, tandis que 2,3 Md
ont été
reportés sur le programme 357
Fonds de solidarité
.
Le fonds de solidarité (programme 357), un dispositif très
utilisé par les entreprises, des dépenses en forte hausse sur la fin de
l’année 2020
Créé par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à
l’épidémie de Covid-19, le Fonds de solidarité permet de verser une aide
directe aux entreprises particulièrement touchées par les conséquences
économiques de la crise sanitaire. Il s’adressait, à sa création, aux très
petites entreprises (TPE), indépendants et professions libérales, sous
conditions de chiffre d’affaires. Il a ensuite été étendu aux entreprises de
plus grande taille des secteurs les plus exposés aux conséquences de la crise
(secteurs dits prioritaires et secteurs associés).
Au 31 décembre 2020, les ressources du programme 357
Fonds de
solidarité
atteignent 19,7 Md
, dont 95 % financés par l’État (18,8 Md
).
Les autres crédits ouverts correspondent à la contribution des régions
(0,5 Md
) et d’autres acteurs publics et privés (0,4 Md
), notamment les
sociétés d’assurance.
Les dépenses du fonds de solidarité s’élèvent, au 31 décembre 2020,
à 11,8 Md
. Le rythme des dépenses est très lié à l’évolution des mesures
de restrictions d’activité et aux décisions prises quant au montant unitaire
des aides versées et au périmètre des entreprises éligibles. Dans un contexte
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
7
de forte augmentation du périmètre des entreprises éligibles comme des
montants unitaires versés, les dépenses sont en forte hausse sur la fin de
l’année, atteignant même 4,3 Md
sur le mois de décembre, soit plus du
tiers des dépenses de l’année.
Le
programme
présente
une
sous-exécution
de
7,9 Md
,
intégralement reportée sur 2021 en plus des ouvertures de crédits inscrites
en LFI sur ce programme (5,6 Md
). Le programme bénéficie également
du report sur 2021 de crédits non consommés des programmes 356
Activité
partielle
et 360
Compensation des exonérations
, pour un montant de
6,6 Md
.
Des prises de participations exceptionnelles (programme
358) limitées à quatre opérations, dont deux ne relèvent pas
seulement de la notion d’aide d’urgence
Le programme 358
Renforcement exceptionnel des participations
financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire
a été créé par la
deuxième loi de finances rectificative d’avril 2020. À cette occasion,
20 Md
(AE et CP) ont été ouverts afin de soutenir en fonds propres et
quasi fonds propres les entreprises considérées comme stratégiques et
rendues vulnérables par la crise du Covid.
D’après l’article 21 de la LOLF, les opérations de nature
patrimoniale de l’État doivent être imputées sur le compte d’affectation
spéciale
Participations Financières de l’État
(CAS PFE) au sein du
programme 731
Opérations en capital intéressant les participations
financières de l'État.
L’abondement du CAS PFE par le programme 358 a
vocation à être progressif, au fur et à mesure des opérations réalisées.
Celles-ci ont été au nombre de quatre sur 2020 (Air France, SNCF, EDF,
Fonds Ace Aero pour le secteur aéronautique), pour un total de 8,3 Md
sur les 20 Md
initialement ouverts. La sous-exécution budgétaire s’élève
à 11,7 Md
(58,5% des crédits ouverts) et les crédits disponibles sont
intégralement reportés sur 2021.
Sur les quatre opérations menées sur ce programme de la mission
Plan d’urgence
, deux concernant la SNCF et EDF soulèvent des
interrogations.
Ainsi, l’État a procédé, via le CAS PFE, avec des crédits provenant
du programme 358 de la mission
Plan d’Urgence
, à une augmentation de
capital de la SNCF pour 4,05 Md
. Celle-ci visant en pratique à soutenir
les investissements de sa filiale SNCF Réseau, la SNCF a immédiatement
reversé ce montant à l’État par le biais d’un fonds de concours sur le
programme 203
Infrastructures et services de transports
. Ces crédits, non
utilisés en 2020, seront reportés sur 2021 et dépensés sur plusieurs années.
8
COUR DES COMPTES
Ce montage complexe, s’il a contribué à renforcer le bilan de la SNCF et
donc sa capacité d’endettement obligataire face aux conséquences de la
crise, a en définitive conduit à utiliser des moyens votés par le Parlement
sur la mission
Plan d’urgence
pour financer à partir d’un programme
antérieur sans lien avec la crise, des dépenses d’infrastructure qui relèvent
davantage de la relance que de l’urgence.
Concernant EDF, l’État a souscrit pour 1 Md
à 40 % d’une
émission obligataire visant à soutenir la stratégie de développement du
groupe en matière de transition énergétique. L’objectif affiché de financer
le développement d’EDF dans les énergies renouvelables ne relie
apparemment pas cette émission à la crise sanitaire. Toutefois, la crise
sanitaire a fragilisé la situation financière et influé sur les notations de cette
société cotée, rendant plus délicats les appels au marché nécessaires pour
faire face aux investissements importants prévus. Il reste ainsi difficile de
distinguer dans les besoins de financement de l’entreprise ceux qui sont
effectivement liés à la crise et ceux propres à sa situation générale et à sa
stratégie.
La compensation à la sécurité sociale des allègements de
prélèvements sociaux (programme 360) : un dispositif ciblé, des
reports vers le fonds de solidarité malgré des besoins de
financement à couvrir au titre de 2020
Parmi les mesures de soutien aux employeurs les plus touchés, a été
mise en place dès mars 2020 une possibilité de report du paiement des
prélèvements sociaux dus au titre du mois de février, puis de mars et avril
2020, notamment pour les PME, TPE et travailleurs indépendants des
secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme, de la culture, du
sport et de l’évènementiel, et ceux dont l’activité dépend de ces secteurs.
Devant l’ampleur des prélèvements sociaux dont le règlement était
ainsi reporté, la LFR 3 a instauré un dispositif non plus de report mais
d’exonération de cotisations sociales patronales et un dispositif d’aide au
paiement des cotisations et contributions non exonérées en faveur de ces
entreprises
2
. Ces mesures sont intégralement compensées par le budget de
l’État
3
à la sécurité sociale et aux autres organismes sociaux (Unédic), via
le programme 360.
2
Ce dispositif couvre la plupart des cotisations, à l’exception notable de celles de
retraite complémentaire des salariés AGIRC-ARRCO.
3
En application des dispositions des articles L.131-7 et LO. 111-3 du code de la sécurité
sociale, toute mesure d’allègement des prélèvements sociaux donne lieu à
compensation intégrale par le budget de l'État, à moins qu’une loi de financement de la
sécurité sociale déroge à cette obligation. La LFSS 2021 n’a pas prévu de dérogation.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
9
Doté de 3,9 Md
à sa création, le programme 360 a été majoré de
4,3 Md
supplémentaires en LFR 4. Cette majoration ajustait les
prévisions de la LFR 3 pour les employeurs (+ 0,4 Md
), complétait la
budgétisation des réductions de prélèvements des travailleurs indépendants
et artistes-auteurs (0,9 Md
) et prenait en compte le renouvellement et
l’extension des dispositifs d’allègement de charges sociales lors du couvre-
feu et du deuxième confinement (3 Md
). Au total, 8,2 Md
de crédits ont
été ouverts.
Au 31 décembre 2020, seuls 3,9 Md
ont été dépensés, par des
avances versées aux organismes sociaux. À la même date, les moindres
encaissements de prélèvements imputables aux exonérations et à l’aide au
paiement atteignaient seulement 2,3 Md
. Le programme 360 a ainsi été
surdoté au regard des moindres encaissements de prélèvements sociaux au
cours de l’année 2020.
Alors que la LFI 2021 n’a pas ouvert de crédits sur ce programme,
les crédits ouverts en LFR 4 (4,3 Md
), non utilisés en 2020, ont été
intégralement reportés sur 2021 au profit du programme 357
Fonds de
solidarité
.
Les crédits ouverts en LFR 4 sur le programme 360 vont donc
couvrir les besoins de financement d’un autre dispositif de soutien aux
entreprises, au titre de dépenses 2021, alors même que d’importants
besoins du programme 360 au titre de 2020 restent à couvrir (0,9 Md
déclarés en mars par les employeurs de salariés ; déclarations tardives après
mars ; réductions forfaitaires en faveur des travailleurs indépendants et des
artistes auteurs, budgétisées à hauteur de 1,4 Md
en LFR 3 et LFR 4).
Une mission temporaire qui se prolonge en 2021 mais ne
concentre plus la totalité des mesures de soutien aux entreprises
La mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
était annoncée
comme temporaire à sa création en mars 2020. L’évolution de la situation
sanitaire a conduit à la prolongation en 2020 puis 2021 des dispositifs de
soutien mis en place, et donc de la mission budgétaire qui les finance.
Alors que cette mission avait été créée en 2020 pour centraliser les
dépenses de soutien aux entreprises dans le cadre de la crise, tel n’est plus
le cas en 2021 car d’autres missions portent des dépenses de soutien aux
entreprises touchées par la crise, notamment la nouvelle mission
Plan de
relance
.
La coexistence de supports budgétaires multiples ayant pour objectif
de soutenir les entreprises dans un contexte post-épidémie fait peser un
risque sur la lisibilité des dépenses correspondantes. Il importera de mettre
en extinction la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
dès qu’elle
10
COUR DES COMPTES
ne visera plus à financer des dépenses directement liées à des mesures de
restriction d’activité imposées aux entreprises.
Des ouvertures de crédits très élevées fin 2020 qui reflètent
un manque de réalisme des prévisions budgétaires
La forte sous-exécution des crédits de la mission en 2020
(28,8 Md
) résulte, pour une large part, de l’importante ouverture de
crédits réalisée en toute fin d’année en LFR 4 du 30 novembre 2020
(17,2 Md
).
Le contexte de forte incertitude sur l’évolution de la situation
sanitaire et du niveau d’activité peut expliquer le choix d’une très large
ouverture de crédits sur la mission pour éviter toute rupture dans le
paiement des aides. De fait, les ressources disponibles sur la mission ont
été de manière continue en 2020 très supérieures aux dépenses (disponible
budgétaire compris entre 25 et 37 Md
selon les mois). Toutefois, au regard
des informations disponibles en novembre 2020 tant sur les prévisions de
dépenses que sur la consommation des crédits, la budgétisation réalisée en
LFR 4 apparaît particulièrement élevée.
La LFR 4 a ouvert, un mois avant la fin de la gestion 2020, 17,2 Md
sur les trois programmes 356
Activité partielle
(+2,1 Md
), 357
Fonds de
solidarité
(+10,8 Md
) et 360
Compensation des exonérations
(+4,3 Md
).
Sur ces trois programmes, le montant des crédits non utilisés au
31 décembre 2020 atteint 17,1 Md
, soit le montant des crédits ouverts en
LFR 4.
Cette sous-consommation des crédits en fin d’année reflète, au-delà
des incertitudes liées à la crise sanitaire, un manque de réalisme des
prévisions budgétaires.
Des reports de crédits sur 2021 d’un montant inédit
contraires au principe d’annualité budgétaire
La totalité des crédits non consommés en 2020 (28,8 Md
) a été
reportée sur la mission prolongée en 2021.
Or, en parallèle, aucun crédit n’a été ouvert en LFI pour 2021 pour
trois des quatre programmes de la mission (programmes 356
Activité
partielle
, 358
Participations financières
et 360
Compensation des
exonérations
), alors qu’au moment des décisions sur la LFR 4, il était
encore possible d’abonder le projet de loi de finances 2021, comme cela a
été fait pour le programme 357
Fonds de solidarité.
En réalité, une large
partie des reports (et donc de la surbudgétisation de la quatrième loi de
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
11
finances rectificative) était destinée à financer des mesures relevant de
l’année 2021. Le recours excessif aux reports de crédits conduit à une
certaine confusion des exercices budgétaires contraire au principe
d’annualité budgétaire.
De plus, une partie des reports (6,6 Md
) a été affecté au
financement en 2021 du programme 357
Fonds de solidarité
, à partir des
crédits
disponibles
des
programmes
356
Activité
partielle
et
360
Compensation
des
exonérations
.
Ces
reports
croisés,
entre
programmes poursuivant des objectifs différents, constituent une entorse
au principe de spécialité budgétaire.
Enfin, l’absence de report sur 2021 des crédits non consommés du
programme 360
Compensation des exonérations
(soit les 4,3 Md
de
crédits ouverts en LFR 4), intégralement annulés sur ce programme afin
d’être reportés sur le programme 357
Fonds de solidarité
, apparaît
injustifiée au vu des droits au titre de 2020 déjà constatés, ou qui seront
constatés en 2021.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
13
Sommaire
Introduction
...................................................................................
15
1
ANALYSE DE L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE
...................
16
1.1
Une nouvelle mission, temporaire et exceptionnelle, pour
faire face aux conséquences économiques de la crise
sanitaire
................................................................................
16
1.2
Dans un contexte instable, un périmètre et des ressources
progressivement élargies
......................................................
17
1.3
Des dépenses très liées à l’évolution de la situation sanitaire
et aux mesures de soutien mises en place
.............................
21
1.4
Une sous-exécution de 40 % des crédits ouverts en 2020
....
26
2
POINTS D’ATTENTION PAR PROGRAMME
...................
28
2.1
Programme 356
Prise en charge du dispositif exceptionnel de
chômage partiel à la suite de la crise sanitaire
...................
28
2.2
Programme 357
Fonds de solidarité pour les entreprises à la
suite de la crise sanitaire
.....................................................
38
2.3
Programme 358
Renforcement exceptionnel des
participations financières de l'État dans le cadre de la crise
sanitaire
...............................................................................
49
2.4
Programme 360
Compensation à la sécurité sociale des
allègements de prélèvements pour les entreprises les plus
touchées par la crise sanitaire
.............................................
56
3
PERSPECTIVES BUDGETAIRES DE LA MISSION
..........
69
3.1
Une mission temporaire qui se prolonge en 2021, en parallèle
de la création de la mission
Plan de relance
........................
69
3.2
Des ouvertures de crédits très élevées fin 2020, des prévisions
budgétaires manquant de réalisme
.......................................
70
3.3
Des reports de crédits sur 2021 d’un montant inédit contraires
au principe d’annualité budgétaire
.......................................
72
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
15
Introduction
La mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
a été créée
pendant le premier confinement, par la loi de finances rectificative du
23 mars 2020 (LFR 1), afin de faire face à la crise économique résultant de
la crise sanitaire. Mission de soutien d’urgence à l’emploi et aux
entreprises, elle avait pour objectif de rassembler au sein d’un support
budgétaire unique les dépenses d’urgence liées aux mesures de soutien aux
entreprises pendant la crise
4
.
Elle comportait à sa création deux programmes, destinés à financer
le dispositif exceptionnel d’activité partielle et le fonds de solidarité à
destination des entreprises
5
, pour un total de 6,25 Md
de crédits ouverts
en LFR 1.
À mesure de l’évolution et de la crise sanitaire, le périmètre comme
les ressources de la mission ont beaucoup évolué. La loi de finances
rectificative du 25 avril 2020 (LFR 2) a ajouté un troisième programme
pour financer les prises de participation exceptionnelles de l’État dans le
cadre de la crise
6
, et a ouvert de nouveaux crédits sur les deux autres
programmes de la mission. Un quatrième programme a été créé par la loi
de finances rectificative du 30 juillet 2020 (LFR 3) pour compenser les
exonérations exceptionnelles de cotisations sociales accordées aux
entreprises touchées par la crise
7
, tandis que des crédits supplémentaires
ont été ouverts sur plusieurs programmes de la mission. De nouvelles
ouvertures sont intervenues avec la loi de finances rectificative du
30 novembre 2020 (LFR 4).
Au total, la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
a été
dotée de 70,57 Md
de ressources en 2020 (en AE et CP). Ses dépenses au
31 décembre 2020 s’élèvent à 41,82 Md
.
4
Les dispositifs de garantie, tels que le dispositif de prêts garantis par l’État, ne figurent
pas dans cette mission.
5
Programme 356
Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la
suite de la crise sanitaire
et programme 357
Fonds de solidarité pour les entreprises à
la suite de la crise sanitaire
.
6
Programme 358
Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État
dans le cadre de la crise sanitaire
.
7
Programme 360
Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements
pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire
.
16
COUR DES COMPTES
1
ANALYSE DE L’EXÉCUTION
BUDGÉTAIRE
1.1
Une nouvelle mission, temporaire et
exceptionnelle, pour faire face aux
conséquences économiques de la crise sanitaire
La mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
a été créée en
cours de gestion 2020, dans le cadre de l’épidémie de Covid-19. Elle a été
mise en place par la LFR du 23 mars 2020, dont le projet a été déposé le
lendemain de l’entrée en vigueur du premier confinement, afin de financer
les mesures d’urgence visant à contenir les conséquences de la crise
sanitaire sur l’économie et l’emploi.
L'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit
qu’« une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une
politique publique définie. » Dans le contexte de l'épidémie de Covid-19,
la création de la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
démontre
la volonté d’inscrire les mesures de gestion de crise à destination des
entreprises dans le cadre d’une politique publique d’ensemble. Elle visait
également à assurer une meilleure visibilité des ressources consacrées aux
dispositifs de soutien aux entreprises touchées par la crise, et de garantir
leur utilisation exclusive pour cette finalité.
La création de la mission s’est accompagnée de la documentation
budgétaire prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
Dans un contexte de crise, les informations habituellement contenues dans
les projets annuels de performances (PAP), notamment les objectifs et
indicateurs de performance, ont été retracées, de manière succincte, au sein
des projets de LFR. Présentée à sa création comme temporaire, la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
avait vocation à s’éteindre à la fin
de l’année 2020.
Compte-tenu de son caractère exceptionnel et temporaire, cette
mission a, dès sa création, été exclue de la norme de dépenses pilotables de
l’État. Elle s’inscrit en revanche dans le périmètre plus large de l’objectif
de dépenses totales de l’État (ODETE).
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
17
1.2
Dans un contexte instable, un périmètre et des
ressources progressivement élargies
Placée sous la responsabilité du ministre de l’action et des comptes
publics, cette mission était dotée en LFR 1 de 6,3 Md
(en AE et CP)
répartis sur deux programmes consacrés à des dispositifs emblématiques
de soutien aux entreprises pendant la crise :
- d’une part, le programme 356
Activité partielle
, dont le
responsable est le délégué général à l'emploi et à la formation
professionnelle, et qui a pour objectif d’éviter les licenciements consécutifs
à la crise sanitaire (5,5 Md
ouverts en LFR 1) ;
- d’autre part, le programme 357
Fonds de solidarité
, visant à verser
des aides directes aux petites entreprises, autoentrepreneurs, indépendants
et professionnels libéraux dans une logique de revenu de substitution (0,75
Md
ouverts en LFR 1). Son responsable est le directeur général des
finances publiques.
Avec la prolongation de la crise sanitaire, les mesures de soutien aux
entreprises initialement prévues ont été renforcées et complétées par
d’autres dispositifs qui ont été rattachés à la mission
Plan d’urgence face
à la crise sanitaire
. De nouveaux crédits ont ainsi été ouverts à l’occasion
de chacune des lois de finances rectificatives de l’année 2020, tandis que
deux nouveaux programmes budgétaires ont été créés.
La LFR 2 du 25 avril 2020 a ouvert 37,2 Md
8
de crédits
supplémentaires sur la mission (AE et CP). Ces nouvelles ressources
correspondent, pour 17,2 Md
, à l’augmentation des crédits des deux
programmes 356
Activité partielle
et 357
Fonds de solidarité
. En outre,
face à la persistance de la crise et à l’ampleur de ses conséquences sur
l’économie
, la LFR 2 a créé un nouveau programme au sein de la mission,
le programme 358
Renforcement exceptionnel des participations
financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire
, doté de 20 Md
(AE et CP) pour intervenir au capital des entreprises des secteurs
stratégiques se trouvant dans une situation critique du fait de la crise. Le
8
Le projet de LFR 2 proposait une ouverture de 36 Md
, finalement ajustée à
37,2 Md
par amendement du gouvernement (amendement n°456 du 16 avril 2020),
l’augmentation portant sur le programme
Activité partielle
(P 356) pour tenir compte
de l’extension de l’activité partielle aux salariés faisant l’objet d’une mesure
d’isolement en raison de leur vulnérabilité, ainsi qu’aux salariés parents d’un enfant de
moins de 16 ans sans solution de garde.
18
COUR DES COMPTES
responsable de ce programme est le commissaire aux participations de
l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE).
La LFR 3 du 30 juillet 2020 a ouvert 8,9 Md
9
de crédits (AE et CP)
sur la mission. Ces ressources supplémentaires correspondent, pour 5 Md
,
à l’augmentation des crédits des programmes 356
Activité partielle
et
357
Fonds de solidarité
. Elles viennent également abonder, pour 3,9 Md
,
un nouveau programme créé au sein de la mission, le programme 360
Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour
les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire
. Ce dispositif a pour
vocation de soutenir les employeurs les plus touchés par la crise en
finançant leurs exonérations de cotisations, contributions et charges
sociales. Le responsable de ce programme est le directeur de la sécurité
sociale.
Enfin, la LFR 4 du 30 novembre 2020 a ouvert 17,2 Md
10
(AE et
CP) sur les programmes 356
Activité partielle
, 357
Fonds de solidarité
et
360
Compensation des exonérations
.
Au total, les quatre lois de finances rectificatives de l’année 2020
ont ouvert 69,6 Md
(AE et CP) sur la mission. S’y sont ajoutés 0,1 Md
de dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles (DDAI) et
0,9 Md
rattachés par voie de fonds de concours au programme 357
Fonds
de solidarité
, portant les ressources totales de la mission en 2020 à
70,6 Md
. Les crédits de la mission n’ont fait l’objet d’aucune mise en
réserve.
9
Le projet de LFR 3 proposait une ouverture de 7,5 Md
, finalement ajustée à 8,9 Md
par amendement du gouvernement (amendements n°2405 et n° 2407 du 2 juillet 2020),
l’augmentation portant, pour 0,5 Md
, sur le programme 357
Fonds de solidarité
compte-tenu de la prolongation du dispositif en juin, et pour 0,9 Md
, sur le programme
360 (compensation des exonérations de charges) en cours de création suite à
réévaluation du coût du dispositif à partir des déclarations sociales des entreprises.
10
Le projet de LFR 4 proposait une ouverture de 17,3 Md
, finalement ajustée à
17,2 Md
par amendement du gouvernement (amendements n°532 et n° 543 du 7
novembre 2020), la diminution portant sur le programme 357
Fonds de solidarité
et les
crédits correspondants ouverts sur le programme 134
Développement des entreprises et
régulations
de la mission
Économie
, pour financer l’emploi associatif et la numérisation
des entreprises.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
19
Graphique n° 2 : crédits ouverts sur la mission en 2020 (en Md
, en
AE et CP)
Source : Cour des comptes d’après Chorus
Les crédits ouverts par LFR représentent 98,6 % des ressources de
la mission. Son abondement par la dotation pour dépenses accidentelles et
imprévisibles (DDAI) s’établit à 0,1 Md
, niveau sensiblement inférieur à
que ce qui avait été annoncé en LFR 2. En effet, en avril 2020, 2,5 Md
de
crédits supplémentaires avaient été ouverts sur la DDAI, avec pour objectif
principal « d’abonder les programmes de la mission
Plan d’urgence face à
la crise sanitaire
, dont la prévision de dépenses reste incertaine et pourra
évoluer en fonction de la durée de confinement et de l’évolution du
contexte macroéconomique »
11
. Finalement, la DDAI a bien été utilisée
pour financer des mesures d’urgence, comme l’aide exceptionnelle aux
précaires et aux jeunes ou des achats de masques et de vaccins, mais pas
sur la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
, qui ne porte pas ce
type de dépenses
12
.
11
Projet de loi de finances rectificative pour 2020, 15 avril 2020, exposé général des
motifs.
12
Cf. note d’analyse de l’exécution budgétaire (NEB) de la Mission « Crédits non
répartis ».
0,0
6,3
44,0
53,3
70,6
0
10
20
30
40
50
60
70
80
Programme 356 (Activité partielle)
Programme 357 (Fonds de solidarité)
Programme 358 (Participations financières exceptionnelles)
Programme 360 (compensation des exonérations de cotisations)
LFR 1
LFR 2
LFR 3
LFR 4
20
COUR DES COMPTES
Graphique n° 3 : origine des crédits ouverts sur la mission (en Md
,
en AE et CP)
Source : Cour des comptes d’après Chorus
Le niveau des crédits ouverts sur la mission s’élève à environ
20 Md
pour chacun des trois programmes 356
Activité partielle
, 357
Fonds de solidarité
et 358
Participations financières
. Ils représentent, à
eux trois, 88 % des ressources ouvertes sur la mission. Doté de 8,2 Md
, le
programme 360
Compensation des exonérations
présente, en comparaison,
des ressources moins importantes.
Graphique n° 4 : répartition par programme des crédits 2020
(en Md
, en AE et CP)
Source : Cour des comptes d’après Chorus
69,59
0,10
0,88
0
10
20
30
40
50
60
70
80
LFR
Dotation pour dépenses
accidentelles et
imprévisibles (DDAI)
Fonds de concours
TOTAL = 70,6 Md
P 356 (activité
partielle)
32%
P 357 (fonds de
solidarité)
28%
P 358
(participations
financières)
28%
P 360
(exonérations de
cotisations)
12%
19,7 Md
22,6 Md
20 Md
8,2 Md
TOTAL = 70,6 Md
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
21
1.3
Des dépenses très liées à l’évolution de la
situation sanitaire et aux mesures de soutien
mises en place
Les dépenses de la mission
Plan d’urgence face à la crise
sanitaire
atteignent 41,8 Md
(AE et CP) au 31 décembre 2020. Elles
correspondent, pour la plupart, à des dépenses d’intervention (titre 6),
principalement au titre de transferts aux entreprises (fonds de solidarité,
exonérations de cotisations, majorité des dépenses d’activité partielle). La
mission comporte également des dépenses de fonctionnement (titre 3).
Le rythme comme le niveau des dépenses de la mission dépendent
principalement de l’évolution des mesures de restriction d’activité mises
en place pour lutter contre la crise sanitaire. Ils résultent aussi de
l’organisation budgétaire et opérationnelle retenue pour la distribution des
aides aux entreprises.
1.3.1 Des dépenses d’intervention (titre 6) et de
fonctionnement (titre 3)
Les ressources de la mission ont été ouvertes exclusivement sur des
crédits hors dépenses de personnel (crédits dits « hors titre 2 »). Les
dépenses de la mission se répartissent, en 2020, sur deux titres : les
dépenses d’intervention (80 %) et les dépenses de fonctionnement (20 %).
Graphique n° 5 : répartition des dépenses par titre (en Md
, en CP)
Source : Cour des comptes d’après Chorus
TOTAL = 41,8 Md
22
COUR DES COMPTES
Les dépenses des programmes 356
Activité partielle
, 357
Fonds de
solidarité
et 360
Compensation des exonérations
sont exclusivement des
dépenses d’intervention (titre 6).
Le programme 356 ne comprend que des dépenses d’intervention.
En 2020, il finance les allocations correspondant au dispositif exceptionnel
d’activité partielle et à l’activité partielle de longue durée (dispositif créé
en juillet 2020)
13
. Cependant, le financement de l’activité partielle de
longue durée par le programme n’a pas été précisé dans le cadre des
différentes lois de finances rectificatives. Les dépenses du programme
correspondent à des versements d’avances à l’Agence de services et de
paiement (ASP), qui distribue les aides aux entreprises et à des
remboursements de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale
(Acoss), chargée de gérer le dispositif pour les employés des particuliers
employeurs.
Le programme 357
Fonds de solidarité
finance également des
dépenses d’intervention (titre 6), qui prennent la forme d’aides directes
versées par la DGFiP aux entreprises subissant une perte d’activité
importante.
Le programme 360 (compensation à la sécurité sociale) finance des
dépenses d’intervention de la catégorie 62 – transferts aux entreprises. Par
les transferts qu’il verse à l’Agence centrale des organismes de sécurité
sociale (Acoss) et à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole
(CCMSA), l’État compense aux organismes de sécurité sociale des
allègements de prélèvements sociaux accordés aux employeurs de salariés,
aux travailleurs indépendants et aux artistes auteurs.
En revanche, le programme 358
Participations financières
ne
comporte que des dépenses de fonctionnement (titre 3). Après avoir transité
par le compte d’affectation spéciale
Participations Financières de l’État
(qu’elles alimentent en recettes), elles se traduisent
in fine
par des dépenses
de titre 7 (opérations financières), comme le récapitule le schéma ci-
dessous.
13
Le montant versé par l’ASP aux entreprises financé par le programme 356 s’élève à
14 804 M
en 2020. L’APLD ne représente que 0,1 % des heures chômées indemnisées
en 2020.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
23
Schéma n° 1 : les dépenses du programme 358 vers le compte
d’affectation spéciale « Participations financières de l’État »
Source : Cour des comptes
Les dépenses du programme 358 se font au rythme de la réalisation
des opérations financières en fonds propres et quasi fonds propres des
entreprises ciblées (cf.
infra
), les crédits ouverts n’étant pas fongibles avec
d’autres crédits ouverts sur d’autres missions du budget général ou venant
financer des dépenses ou des dispositifs déjà existants.
1.3.2 Des dépenses qui, pour la plupart, transitent par des
opérateurs
Au sein de la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
,
seules les dépenses du fonds de solidarité (programme 357) correspondent
à des versements directs de subventions aux entreprises.
À
l’inverse,
les
programmes
356
Activité
partielle
,
358
Participations financières
et 360
Compensation des exonérations
financent les entités qui sont chargées ensuite du versement effectif des
aides, prises de participations et exonérations de cotisations accordées aux
entreprises touchées par la crise.
24
COUR DES COMPTES
Schéma n° 2 : organisation des versements aux entreprises
Source : Cour des comptes
Cette organisation a un impact sur le rythme des dépenses de la
mission, puisque les programmes 356, 358 et 360 abondent des structures
tierces à mesure de leurs décaissements ou moindres encaissements.
Ainsi, hormis pour les aides du fonds de solidarité qui sont
directement versées par la DGFiP sur les comptes bancaires des
entreprises, les dépenses de la mission n’ont pas la même temporalité que
les montants reçus par les entreprises au titre des mesures de soutien dont
elles bénéficient. Ce décalage entre dépenses de la mission et versement
aux entreprises est plus ou moins significatif selon les programmes (cf.
infra
chapitre 2).
1.3.3 Un rythme de dépenses très lié à la gestion de la crise
sanitaire
Les dépenses de la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
correspondent au financement des mesures de soutien aux entreprises dans
le cadre de la crise sanitaire. Dès lors, elles sont très dépendantes de
l’évolution des décisions prises en termes de restriction d’activité et, en
parallèle, des dispositifs mis en place pour aider les entreprises.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
25
Graphique n° 6 : dépenses de la mission en 2020 (en Md
, en CP)
Comme indiqué
supra,
la mission ne comptait que deux
programmes à sa création en mars : le programme 356
Activité partielle
et
le programme 357
Fonds de solidarité
. Les dépenses liées aux
participations financières exceptionnelles de l’État n’ont commencé qu’en
août, tandis que les premières dépenses pour compenser à la sécurité
sociale les exonérations de cotisations sont intervenues en octobre 2020.
Ces mesures de soutien ont, de plus, évolué avec la prolongation de
l’épidémie : par exemple, le fonds de solidarité a été profondément modifié
à partir d’octobre 2020, pour couvrir des entreprises de taille plus
importante et leur accorder des aides de montants plus élevés.
Le rythme des dépenses suit, globalement, l’évolution de la
situation épidémique. La moyenne des dépenses entre mars et juin, qui
0,0
0,0
2,0
7,0
13,0
18,4
19,3
22,8
25,2
28,2
34,8
41,8
0,0
5,0
10,0
15,0
20,0
25,0
30,0
35,0
40,0
45,0
P 356 (activité partielle)
P 357 (fonds de solidarité)
P 358 (participations financières)
P 360 (exonérations de cotisations)
Dépenses totales cumulées
2
ème
vague
1
ère
vague
26
COUR DES COMPTES
correspond aux aides versées au titre du premier confinement
14
, s’établit à
4,6 Md
/mois. Elle chute à 2,4 Md
/mois entre juillet et octobre, période
de déconfinement (et même à 1,4 Md
/mois hors opérations de
recapitalisation réalisées en août et septembre), puis repartent en forte
hausse sur novembre et décembre (6,8 Md
/mois), dans le cadre du
deuxième confinement puis du couvre-feu.
1.4
Une sous-exécution de 40 % des crédits ouverts
en 2020
En 2020, les dépenses de la mission
Plan d’urgence face à la crise
sanitaire
s’élèvent à 41,8 Md
, pour des ressources de 70,6 Md
. Les
crédits non consommés atteignent 28,8 Md
(AE et CP), soit 40,7 % des
crédits ouverts sur la mission en 2020.
Graphique n° 7 : crédits ouverts et consommés (en CP, en Md
)
Source : Cour des comptes d’après Chorus.
14
Le premier confinement a pris fin le 11 mai 2020, mais les aides au titre du mois de
mai n’ont été versées qu’à partir du mois suivant.
0,0
0,0
6,3
44,0
44,1
44,3
53,3
53,3
53,4
53,4
70,6
70,6
7,0
13,0
18,4
19,3
22,8
25,2
28,2
34,8
41,8
0
10
20
30
40
50
60
70
80
Total crédits ouverts
Dépenses totales cumulées
LFR 1
(+6,3 Md
)
LFR 2
(+37,2 Md
)
LFR 3
(+8,9 Md
)
LFR 4
(+17,2 Md
)
Crédits non
consommés
28,8 Md
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
27
La sous-consommation des crédits concerne les quatre programmes
de la mission, dans des proportions toutefois différentes. Avec 11,7 Md
de crédits non consommés, le programme 358
Participations financières
présente l’écart le plus fort entre ressources et dépenses. Le plus faible écart
(4,3 Md
) se situe sur le programme 360
Compensation des exonérations
.
Tableau n° 1 : mission
Plan d’urgence
– exécution 2020 par
programme (en Md
)
Programme
Crédits
ouverts
Dépenses
Écart
en %
P 356 (activité partielle)
22,6
17,8
4,8
21%
P 357 (fonds de solidarité)
19,7
11,8
7,9
40%
P 358 (participations financières)
20,0
8,3
11,7
58%
P 360 (exonérations de cotisations)
8,2
3,9
4,3
52%
Total
70,6
41,8
28,8
41%
Source : Cour des comptes d’après Chorus
28
COUR DES COMPTES
2
POINTS D’ATTENTION PAR
PROGRAMME
2.1
Programme 356
Prise en charge du dispositif
exceptionnel de chômage partiel à la suite de la
crise sanitaire
2.1.1 Un dispositif mis en place très rapidement
L’activité partielle (ou chômage partiel) est un dispositif de
prévention des licenciements économiques qui permet aux entreprises qui
connaissent une baisse d’activité de faire prendre en charge une partie du
coût de la rémunération
15
de leurs salariés par l’État et l’Unédic.
Le dispositif exceptionnel d’activité partielle a été mis en place très
rapidement, que ce soit sur le plan financier, comme sur le plan
opérationnel (mobilisation des moyens des Direccte et de l’ASP pour gérer
les demandes d’autorisation préalable et les demandes d’indemnisation,
mise à niveau des systèmes d’information de l’Agence de services et de
paiement (ASP) pour faire face à la très forte augmentation du flux à
traiter).
L’avenant à la convention entre l’État et l’ASP pour la gestion de
l’activité partielle a été signé le 23 mars 2020 et la première avance de
2 Md
a été versée le 30 mars 2020. Les allocations versées par l’ASP aux
entreprises financées par le programme 356 ont atteint 431 M
au cours de
la première quinzaine d’avril et 874 M
au cours de la deuxième quinzaine,
à comparer avec un montant total de 55 M
pour l’année 2019.
Pour obtenir l’aide financière, les entreprises doivent d’abord
déposer une demande d’autorisation préalable (DAP) pour un volume
d’heures chômées prévisionnel, qui doit être validée par la Direccte, puis
une demande d’indemnisation (DI), indiquant les indemnités effectivement
versées aux salariés.
15
Le salaire n’est pas maintenu : le salarié perçoit une indemnité de son employeur
représentant une partie de sa rémunération. L’employeur se voit rembourser une partie
du coût de cette indemnité par l’Agence de services et de paiement, pour le compte de
l’État et de l’Unédic.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
29
2.1.2 Un dispositif dont les règles ont évolué à plusieurs
reprises au fur et à mesure de la crise sanitaire
Avant la crise, les salariés placés en activité partielle étaient
indemnisés par leur employeur pour chaque heure chômée à hauteur de
70 % de leur salaire brut et une indemnisation forfaitaire
16
, financée par
l’État et l’Unédic, était versée à l’entreprise.
Compte tenu des mesures de restriction d’activité mises en place en
réponse à la crise sanitaire, et notamment du premier confinement du
17 mars au 11 mai 2020, le Gouvernement a fait le choix de prendre en
charge beaucoup plus largement le coût de l’activité partielle pour les
employeurs de manière à préserver les emplois et soutenir les entreprises,
comme l’Allemagne l’avait fait de manière beaucoup plus importante lors
de la crise de 2008.
Le dispositif exceptionnel mis en place par le décret n° 2020-325 du
25 mars 2020 relatif à l’activité partielle est plus large que le dispositif de
droit commun qui prévalait jusque-là : alors que l’indemnisation versée
aux entreprises était auparavant forfaitaire, l’État a choisi de prendre en
charge à 100 % les indemnités versées par les entreprises aux salariés
placés en activité partielle, jusqu’à 4,5 fois le Smic : le salarié est
indemnisé à hauteur de 70 % de son salaire brut (soit environ 84 % de son
salaire net) et l’entreprise reçoit une allocation correspondant à 70 % du
salaire brut. Financé par le programme 356 de la mission
Plan d’urgence
face à la crise sanitaire
, ce dispositif exceptionnel remplace, à partir du
1
er
mars 2020, le dispositif de droit commun financé par le programme 103
de la mission
Travail et emploi
.
L’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures
d’urgence en matière d’activité partielle ouvre le bénéfice de l'activité
partielle aux entreprises publiques en adhésion et en auto-assurance.
L’ordonnance n° 2020-428 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions
sociales pour faire face à l’épidémie de covid-19 permet également aux
apprentis et aux salariés titulaires d'un contrat de professionnalisation, aux
salariés employés à domicile par des particuliers employeurs, ainsi qu’aux
assistantes maternelles de pouvoir bénéficier d’une indemnité d’activité
partielle.
Après que l’ordonnance du 22 avril 2020 a permis d’individualiser
le recours à l’activité partielle, la deuxième loi de finances rectificative du
25 avril 2020 dispose que les salariés placés en arrêt de travail pour garde
16
7,74
par heure indemnisée pour les entreprises disposant d’un effectif inférieur ou
égal à 250 salariés et 7,23
pour les autres entreprises. Cette indemnisation était
financée par l’État et l’Unédic (la part de l’Unédic était fixée à 2,90
).
30
COUR DES COMPTES
d’enfant ou parce qu’eux-mêmes ou l’un de leurs proches sont considérés
comme personnes vulnérables bénéficient à compter du 1
er
mai 2020 du
dispositif exceptionnel d’activité partielle.
Ce régime exceptionnel évolue après le premier déconfinement : à
compter du 1
er
juin 2020, la prise en charge par l’État et l’Unédic de
l’indemnisation, inchangée pour le salarié, a été abaissée de 100 % à 85 %
(l’allocation aux entreprises correspond à 60 % du salaire brut des salariés
placés en chômage partiel) sauf pour les secteurs protégés (tourisme,
hôtellerie, restauration, culture, sports, événementiel, transports) ou encore
affectés par les décisions administratives de fermeture, dont le taux de prise
en charge reste de 100 %.
La loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions
liées à la crise sanitaire prévoit la création d’un nouveau dispositif
spécifique d’activité partielle. Le décret n° 2020-926 du 28 juillet 2020
instaure ainsi un dispositif d’activité partielle de longue durée (APLD),
pouvant aller jusqu’à 24 mois consécutifs ou non par période de 6 mois et
assurant, en cas d’accord d’entreprise ou de branche validé par l’État sur
l’activité et l’emploi, un taux de prise en charge de 85 %. Dans ce
dispositif, la part d’heures chômées par salarié ne peut cependant excéder
40 % du temps de travail, à la différence du dispositif exceptionnel
d’activité partielle.
Les règles de l’activité partielle et de l’activité partielle de longue
durée devaient à nouveau évoluer pour la période du 1
er
novembre 2020 au
31 décembre 2020 avec une baisse de l’indemnité pour les salariés et une
augmentation du reste à charge pour les entreprises. Cependant, compte
tenu de la dégradation de la situation sanitaire et notamment de la mise en
place d’un deuxième confinement, elles ont été maintenues jusqu’au
28 février 2021.
Ces règles devaient évoluer au 1
er
mars 2021 avec une baisse de
l’indemnité versée aux salariés (équivalente à 60 % du salaire brut) et aux
entreprises (équivalente à 36 % du salaire brut des salariés placés en
chômage partiel) sauf pour les secteurs protégés ou faisant l’objet de
fermeture administrative qui continueraient à bénéficier de taux plus
élevés. La ministre du travail a cependant annoncé le 16 février la
prolongation des taux majorés au mois de mars 2021, puis le 10 mars au
mois d’avril 2021.
Pendant toute l’année 2020, malgré le changement des règles
d’indemnisation et l’ampleur du recours à l’activité partielle, les règles de
financement restent proches de celles qui prévalaient avant la crise
sanitaire : le financement du dispositif d’activité partielle est assuré aux
deux tiers par l’État (par le programme 356
Prise en charge du dispositif
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
31
exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire
de la
mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
) et pour un tiers par
l’Unédic
17
. L’avenant à la convention État-Unédic pour le financement du
dispositif exceptionnel d’activité partielle n’a cependant été signé que très
tardivement (18 décembre 2020).
2.1.3 Des ouvertures de crédits successives
Le dispositif exceptionnel d’activité partielle était une mesure
inédite pour laquelle les administrations ne disposaient pas de retour
d’expérience. L’estimation de son coût budgétaire est délicate puisqu’elle
dépend du taux de recours des entreprises au dispositif, très variable selon
les secteurs et selon l’évolution au cours de l’année des mesures de
restriction d’activité imposées pour faire face à la crise sanitaire.
En outre, le volume des demandes d’autorisation préalable déposées
pour un mois donné ne peut pas être considéré comme représentant les
futures demandes d’indemnisation car les entreprises ont tendance à
demander un nombre d’heures chômées bien plus important que ce qu’elles
vont finalement déclarer. Enfin, les entreprises disposent d’un délai d’un
an pour déposer leurs demandes d’indemnisation, ce qui a rendu complexe
l’estimation du rythme de décaissement, notamment lors du démarrage.
L’estimation des crédits nécessaires pour financer l’activité partielle
a été réalisée par les différentes administrations (direction générale du
Trésor, direction du budget, DGEFP, Dares) sur la base de différents
modèles budgétaires : le modèle utilisé par la direction générale du Trésor
était principalement fondé sur une approche macro-économique « par le
haut » fondée sur la modélisation des conséquences de la baisse du PIB
pour estimer la baisse de l’activité. Le modèle développé par le ministère
du travail était plutôt fondé sur une approche « par le bas » analysant
secteur par secteur les conséquences de la baisse d’activité observée. La
direction du budget a également développé son propre modèle budgétaire.
L’analyse des demandes d’autorisation préalable déposées, des coûts
moyens des heures chômées, du taux de chute entre les DAP et les DI et
une enquête mensuelle réalisée par la Dares auprès d’un échantillon
d’entreprises (enquête acemo-covid-19) étaient également pris en compte.
Après confrontation des différents modèles, l’enveloppe retenue
était la plus prudente. Le ministère du travail indique que ses estimations
17
Dans le cadre du régime de droit commun, l’Unédic finance 37 % de l’indemnité
versée aux employeurs pour les entreprises de moins de 25 salariés ou 40 % pour les
entreprises de plus de 25 salariés. Dans sa lettre du 25 mars 2020 au Président de
l’Unédic, la ministre du travail demande que le régime d’assurance chômage cofinance
le dispositif exceptionnel d’activité partielle à un taux un peu inférieur, fixé à 33 %.
32
COUR DES COMPTES
étaient en général un peu plus basses que celle de la Direction générale du
Trésor. Dans un contexte de grande incertitude sur l’évolution de la
situation et compte tenu de la volonté de ne pas être confronté à un risque
de rupture de trésorerie, les enveloppes retenues ont toujours été les
enveloppes les plus élevées, en général celles de la Direction générale du
Trésor.
Lors de la création du programme par la première loi de finances
rectificative (LFR), l’hypothèse était une baisse de PIB de 1 % pour l’année
2020. Le Haut conseil des finances publiques (HCFP) avait estimé que la
dégradation du cadre macroéconomique pourrait être plus marquée que
prévue par le PLFR. Le coût total de l’activité partielle a été évalué à
8,2 Md
. Ce montant correspondait à une estimation du volume d’heures
indemnisées à hauteur de 15 % des heures travaillées pour une durée de
deux mois, avec un coût moyen de 13,9
par heure chômée, dont 9,3
pris
en charge par l’État et 4,6
par l’Unédic. La LFR a donc ouvert 5,5 Md
de crédits pour couvrir la dépense de l’État au titre du financement du
dispositif exceptionnel d’activité partielle.
À l’occasion de la deuxième LFR, la prévision de baisse du PIB a
été porté à - 8,0 %. Le HCFP avait considéré que cette hypothèse était
fondée sur une hypothèse forte de retour rapide à une activité normale à la
fin du confinement. Compte tenu des premiers retours d’expérience du
recours à l’activité partielle, le coût global pour l’année 2020 a été évalué
à 24 Md
. Ce montant a été estimé sur la base des éléments suivants :
- un taux de recours à l’activité partielle au pic de la crise sanitaire
différencié par secteur, sur la base des premiers éléments remontés des
demandes d’autorisation préalable. Il intègre notamment un taux de chute
de 35 % entre les demandes d’autorisation préalables et les demandes
d’indemnisation ;
- un scénario de reprise progressive d’activité à partir du 11 mai
jusqu’à une reprise complète mi-juillet 2021 ;
- un coût horaire moyen de 11
par heure chômée, plus faible que
l’hypothèse retenue lors du premier confinement, mais un peu plus élevé
que les premières remontées des demandes d’indemnisation (légèrement
supérieur à 10
).
Le deuxième projet de loi de finances rectificative prévoyait ainsi
d’ouvrir 10,5 Md
de crédits correspondant à un coût total de 16 Md
pour
l’État. L’enveloppe prévue a en outre été abondée de 1,2 Md
par un
amendement voté en première lecture à l’Assemblée nationale « afin de
tirer les conséquences de l’extension de l’activité partielle aux salariés
faisant l’objet d’une mesure d’isolement en raison de leur vulnérabilité,
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
33
ainsi qu’aux salariés parents d’un enfant de moins de 16 ans, sans solution
de garde. Cette extension est prévue à compter du 1
er
mai ».
La troisième loi de finances rectificative reposait sur une estimation
de diminution du PIB de 11,0 %, hypothèse jugée prudente par le HCFP
selon lequel la poursuite de l’évolution favorable de la situation sanitaire
pourrait conduire à une récession moins marquée. L’estimation du
troisième projet de loi de finances rectificative prévoyait un coût de
30,8 Md
au titre de l’activité partielle en 2020. Il était construit sur un
taux de recours au dispositif d’indemnisation de l’ordre de 30% des heures
habituellement travaillées par les salariés éligibles pendant la période du
confinement, avec un taux horaire autour de 10
et un taux de chute
d’environ 30 % entre les demandes d’autorisation et les demandes
d’indemnisation. Pour la période post-confinement, le nombre d’heures
d’activité partielle consommées était calibré sur la prévision de reprise de
l’activité. Le coût pour l’État était estimé à 20,53 Md
, ce qui nécessitait
une ouverture de 3,33 Md
.
La prévision de PIB pour 2020 a ensuite été légèrement réévaluée
dans le projet de loi de finances pour 2021, à - 10 %.
Enfin, la quatrième LFR est revenue à une estimation de baisse du
PIB de 11 % en 2020, à cause de la dégradation de la situation sanitaire et
de la préparation d’un nouveau confinement. Elle avait été jugée cohérente
par le HCFP, qui soulignait les incertitudes entourant les conditions
sanitaires. Néanmoins, alors que cette hypothèse était déjà celle de la
troisième LFR, le modèle de prévision budgétaire prévoyait une nette
augmentation du coût global de l’activité partielle d’octobre à décembre
2020, compte tenu des nouvelles mesures de restriction annoncées pour
faire face à la deuxième vague épidémique et de la prolongation des
barèmes exceptionnels. Le modèle budgétaire de la DGEFP, recalé sur
celui de la DG Trésor, anticipait ainsi un coût total de 2,6 Md
en octobre,
4,6 Md
en novembre et 4,6 Md
en décembre 2020. Le coût total de
l’activité partielle était estimé à 33,8 Md
pour 2020, correspondant à un
besoin de financement de 22,6 Md
par l’État, ce qui a conduit à ouvrir
2,1 Md
supplémentaires pour financer le dispositif.
2.1.4 Une sous-consommation de 4,8 Md
Le graphique ci-après présente l’évolution de la situation de
l’activité partielle en fin de mois : cumul des crédits ouverts en loi de
finances rectificative, cumul des avances versées à l’ASP et cumul des
allocations aux entreprises versées par l’ASP (hors remboursement de
34
COUR DES COMPTES
l’Acoss). Il montre que, finalement, les crédits ouverts en deuxième LFR
auraient suffi à financer les demandes d’indemnisation déposées en 2020.
Graphique n° 8 : évolution de la situation en fin de mois pour la part
État financée par le P356 (en M
)
Source : Cour des comptes d’après données budgétaires et réponse des administrations
Au 31 décembre 2020, les dépenses d’activité partielle s’élèvent à
17,8 Md
pour l’État : 17,5 Md
versés à l’ASP pour indemniser les
entreprises et 306 M
versés à l’ACOSS pour le remboursement des
indemnités des employés des particuliers employeurs. En outre, la
trésorerie disponible à l’ASP sur le dispositif pour la part État s’élève à
2,7 Md
.
Selon les dernières analyses de la Dares, qui estime le coût de
l’activité partielle sur la base d’une analyse des demandes d’autorisation
préalables et des intentions des entreprises (enquête Acemo-Covid-19), le
coût total de l’activité partielle au titre de l’année 2020 devrait s’élever à
26,4 Md
18
, donc à 17,6 Md
pour l’État qui prend à sa charge les deux
tiers du coût. La Direction du budget estime de son côté le coût total à
27,6 Md
(dont 18,4 Md
pour l’État). L’enveloppe globale de crédits
18
Activité et conditions d’emploi de la main-d’
œ
uvre pendant la crise sanitaire Covid-
19 - Vue d’ensemble des résultats de l’enquête flash, Dares, mars 2021.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
35
ouverts en 2020 serait ainsi supérieure de plus de 4 Md
au besoin réel des
entreprises.
De son côté, l’Unédic a financé l’activité partielle à hauteur de
7,5 Md
en 2020.
L’Insee a annoncé le 26 février 2021 que la baisse du PIB pour
l’année 2020 était désormais estimée à 8,2 %, nettement moins marquée
que celle prise en compte pour les 3
ème
et 4
ème
LFR et un peu supérieure à
celle de la deuxième LFR, pour laquelle le coût global de l’activité partielle
était estimé à 24 Md
.
La chute du PIB moins marquée que prévu en 2020 explique en
partie la sous-consommation des crédits. Néanmoins, l’ouverture de crédits
supplémentaires lors de la quatrième LFR, alors que les prévisions de
baisse d’activité pour 2020 étaient du même niveau que celle de la
troisième LFR et que les mesures de restriction prises lors du confinement
d’automne avaient un impact moins important que prévu sur la baisse de
l’activité, expliquent également l’importance des crédits non consommés
sur ce dispositif.
Le délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle
justifie cette dernière ouverture de crédits par « une approche prudente »
adoptée par l’État compte tenu de la difficulté à estimer le niveau et la durée
du recours à l’activité partielle au cours du deuxième confinement, de
l’éventuelle augmentation des dépôts de demande d’indemnisation des
entreprises en fin d’exercice comptable et du besoin de sécuriser la
trésorerie de l’ASP pour assurer les paiements en début d’année 2021.
La directrice du budget considère que l’estimation de 34 Md
pour
l’activité partielle « correspondait exactement au coût total du dispositif
avec une hypothèse de deux mois de confinement […]. Il s’agissait certes
d’hypothèses prudentes, mais probables (à la fois sur le durée et l’intensité
du deuxième confinement), en l’absence notamment de toute autre
référence que le premier confinement, ainsi que de la visibilité sur la date
du déconfinement ».
La Cour estime néanmoins qu’au-delà des incertitudes liées à la
crise, les ouvertures de crédit en LFR 4 dépassaient les prévisions de
dépenses qui pouvaient raisonnablement découler des informations
disponibles en novembre. Elle a été votée fin novembre 2021 alors que
l’impact moins important du deuxième confinement sur la baisse de
l’activité économique avait été identifié.
36
COUR DES COMPTES
Tableau n° 2 : suivi de l’activité partielle et estimation du coût
mensuel par la Dares en 2020 (au 2 février 2021)
Source : Dares - Situation sur le marché du travail durant la crise sanitaire au 2 février
2021
2.1.5 Les indicateurs de performance
Le premier projet de loi de finances rectificative a défini deux
groupes d’indicateurs de performance pour le programme 356 afin de
suivre deux objectifs principaux :
1. Assurer l’accès rapide des entreprises à l’allocation d’activité partielle
Indicateurs :
-
taux de consommation des AE au 30/06/2020 et au 30/09/2020 ;
-
taux de consommation des CP au 30/06/2020 et au 30/09/2020 ;
-
délai moyen entre la demande d’allocation et son versement à
l’employeur.
2. Contribuer à la pérennité de l’emploi dans les secteurs affectés
Indicateurs :
-
nombre d’entreprises bénéficiaires d’une allocation d’activité
partielle;
-
nombre de salariés concernés par l’activité partielle ;
-
nombre d’heures prises en charge ;
-
durée moyenne (en mois) de l’activité partielle ;
-
nombre d’emplois sauvegardés.
Les résultats de plusieurs indicateurs sont déjà disponibles : la
consommation des AE et des CP au 30 juin 2020 était de 13,5 Md
, et de
14,8 Md
au 30 septembre 2020. Le délai moyen observé entre la demande
d’indemnisation et le versement à l’employeur est de 10 jours.
Dans le rapport annuel de performances (RAP) 2020 du programme,
les indicateurs de taux de consommation des AE et CP ne sont finalement
pas indiqués, de même que ceux relatifs à la durée moyenne de l’activité
partielle ou au nombre d’emplois sauvegardés.
Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet
Août
Sept.
Oct.
Nov.
Déc.
Demandes d'autorisation préalables
Nombre de salariés
susceptibles
d'être placés en
activité partielle (millions)
11,3
12,4
12,9
12,2
8,2
7,6
7,1
6,4
7,5
7,5
Demandes d'indemnisation
Nombre d'entreprises
865 000
972 000
883 000
405 000
234 000
155 000
149 000
253 000
434 000
291 000
Nombre de salariés (millions)
6,7
8,3
6,8
3,1
1,7
1,0
1,1
1,4
2,5
1,5
Nombre d'heures (millions)
313
809
422
187
106
57
65
68
196
126
Montant total d’indemnisation estimé (en Md
)
3,3
8,6
4,6
2,3
1,4
0,8
0,9
0,9
2,3
2,0
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
37
Les tableaux de suivi publiés par la Dares présentent les indicateurs
relatifs à l’activité partielle avec un rythme bimensuel. Selon les éléments
les plus récents (2 février 2021,
cf.
tableau en annexe) :
- nombre d’entreprises bénéficiaires d’une allocation d’activité
partielle : au plus fort de la crise en avril 2020, 972 000 entreprises ont
bénéficié de l’activité partielle
19
;
- nombre de salariés concernés par l’activité partielle : au plus fort
de la crise en avril 2020, 8,3 millions de salariés ont été effectivement
placés en activité partielle
20
;
- nombre d’heures prises en charge : selon les données au 31 janvier
2021, le nombre d’heures prises en charge ayant fait l’objet d’une demande
d’indemnisation est de 2 349 millions
21
;
- durée moyenne : selon la direction du budget, en moyenne, sur
l’année 2020, un salarié placé en activité partielle a passé au moins
51 heures en activité partielle par mois. Sous l’hypothèse que les salariés
placés en activité partielle ont une quotité contractuelle de 35 h par
semaine, on peut estimer qu’un salarié a passé 34 % de son temps en
activité partielle en moyenne sur le mois. Cet indicateur varie fortement
selon le mois, et selon les secteurs d’activité.
Le projet de loi de finances rectificative prévoyait également un
indicateur relatif au nombre d’emplois sauvegardés : cet indicateur
nécessite une évaluation beaucoup plus fine qui permettrait de croiser
l’évolution de la situation financière des entreprises avec l’évolution de
leur niveau d’activité pendant la crise et le niveau de recours à l’activité
partielle. Aucun élément n’est transmis à ce stade par les administrations
concernant le lancement d’études afin de mesurer cette donnée.
Dans le projet annuel de performances 2021 du programme 356, les
indicateurs ont été simplifiés et portent principalement sur la période du
premier confinement. Les indicateurs relatifs à la durée moyenne de
l’activité partielle et aux nombre d’emplois sauvegardés, qui ne figurent
finalement pas dans le RAP 2020, ont été supprimés.
Enfin, le projet annuel de performance du programme cohésion de
la mission
Plan de relance
ne comprend que deux indicateurs de recours à
l’activité partielle : 2.2 – Nombre de salariés concernés par l’activité
19
Le RAP 2020 fait état de 1 025 449 entreprises bénéficiaires (données DGEFP).
20
Le RAP 2020 indique 9 445 893 salariés concernés par l’activité partielle (données
ASP).
21
Le RAP 2020 indique 1 844 850 354 heures chômées financées par l’activité partielle
(données DGEFP).
38
COUR DES COMPTES
partielle en 2021, 2.3 – Nombre d’heures chômées financées par l’activité
partielle en 2021.
2.2
Programme 357
Fonds de solidarité pour les
entreprises à la suite de la crise sanitaire
Les dépenses du fonds de solidarité s’élèvent à 11,8 Md
au
31 décembre 2020, pour 19,7 Md
de crédits ouverts sur l’année 2020. La
Cour a publié une analyse détaillée de ce dispositif dans son rapport public
annuel 2021
22
.
Graphique n° 9 : exécution 2020 du programme 357
Fonds de
solidarité
– en Md
, en CP
Source : Cour des comptes d’après Chorus
2.2.1 Un dispositif d’aide directe aux entreprises touchées
par la crise, qui a évolué sur l’année 2020
Créé par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à
l’épidémie de covid-19 et l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, le
Fonds de solidarité permet de verser une aide directe aux entreprises
particulièrement touchées par les conséquences économiques du Covid-19.
Il s’adressait, à sa création, aux très petites entreprises (TPE), indépendants
22
Cour des comptes, « Le fonds de solidarité à destination des entreprises : une mise
en
œ
uvre rapide dans un contexte instable », Rapport public annuel 2021, mars 2021.
19,7
11,8
0,0
5,0
10,0
15,0
20,0
25,0
Crédits ouverts
Dépenses
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
39
et professions libérales, sous conditions de chiffre d’affaires. Il a ensuite
été étendu aux entreprises de plus grande taille des secteurs les plus exposés
aux conséquences de la crise (secteurs dits prioritaires et secteurs associés).
Le Fonds de solidarité comportait à sa création deux volets d’aides.
Les aides du volet 1 sont des aides défiscalisées calculées sur la base
du montant de la perte de chiffre d’affaires. La demande est instruite par la
DGFiP, qui en assure aussi le versement. Au 31 décembre 2020, plus de
six millions d’aides en cumulé avaient été distribuées aux entreprises sur
ce volet, pour un montant total de 11,56 Md
.
Le volet 2 correspond au versement d’une aide complémentaire,
d’un montant de 2 000 à 10 000
, voire 15 000
pour les discothèques,
selon la taille, le secteur d’activité et la situation financière de l’entreprise,
ouverte uniquement aux entreprises ayant déjà bénéficié du premier volet.
La demande est instruite par les régions, qui déterminent le montant
accordé, versé par la DGFiP en une seule fois. Le volet 2 a été clôturé au
31 octobre 2020, hormis pour les discothèques qui pouvaient déposer leur
demande jusqu’au 28 février 2021. Au 31 décembre 2020, un peu plus de
50 000 aides ont été distribuées sur ce volet, pour un montant total de 0,26
Md
.
Un volet « 2 bis » a été temporairement ajouté en juin 2020
23
et
clôturé au 31 octobre 2020 : il permettait aux entreprises bénéficiaires des
volets 1 et 2, situées sur le territoire de collectivités infrarégionales ayant
contribué au fonds, de recevoir automatiquement une aide complémentaire
allant de 500
à 3 000
. Ses dépenses au 31 décembre 2020 sont très
marginales (223 versements pour un montant cumulé de 424 000
).
La création d’un volet 3, destiné à couvrir les coûts fixes des
entreprises des secteurs les plus touchés dans la limite de 10 M
par
entreprise (plafond fixé par l’encadrement temporaire européen des aides
d’État), a été annoncée en janvier 2021. Les textes encadrant ce dispositif
ont été publiés le 25 mars 2021
24
et le formulaire de demande ouvert aux
entreprises le 31 mars 2021.
Dès la création du fonds de solidarité, la question de son support de
financement s’est posée. Deux options ont été envisagées : créer en dehors
du budget de l’État un fonds sans personnalité juridique (FSPJ) et en
confier la gestion à un opérateur ou ouvrir des crédits budgétaires sur un
23
Décret n° 2020-757 du 20 juin 2020.
24
Décret n° 2021-310 du 24 mars 2021 instituant une aide visant à compenser les coûts
fixes non couverts des entreprises dont l'activité est particulièrement affectée par
l'épidémie de covid-19.
40
COUR DES COMPTES
programme du budget général de l’État, afin de favoriser la rapidité de mise
en place du dispositif, faciliter le suivi des dépenses et permettre la bonne
information du Parlement sur l’utilisation des sommes (option favorisée
par la direction du budget et la DGFiP). C’est la seconde solution qui a été
retenue, et la Cour, qui a critiqué
à de nombreuses reprises
25
le mécanisme
des FSPJ et préconisé leur remise en ordre, se félicite de ce choix.
2.2.2 Des crédits principalement ouverts en LFR, complétés
par les contributions des régions et des assureurs
Au 31 décembre 2020, les ressources du programme 357
Fonds de
solidarité
atteignent 19,7 Md
, dont 95 % financés par l’État (18,86 Md
).
Les autres crédits ouverts correspondent à la contribution des régions
(0,5 Md
) et d’autres acteurs publics et privés (0,4 Md
), notamment les
sociétés d’assurance. Les recettes en provenance des collectivités
territoriales ou de tiers (assurances, entreprises) ont été rattachées au
programme par le biais d’un fonds de concours
26
et sont ensuite
entièrement fongibles avec les autres crédits.
Les
ressources
du
programme
357
Fonds
de
solidarité
correspondent, pour l’essentiel, à des crédits ouverts en LFR, augmentés
au fur et à mesure de la prolongation de la crise et de l’élargissement du
fonds. Aux 0,75 Md
ouverts en mars par la LFR 1, se sont ajoutés
5,5 Md
dans la LFR 2 d’avril, puis 1,7 Md
dans la LFR 3 de juillet. La
LFR 4 (novembre) a ajouté 10,81 Md
, soit un total de 18,76 Md
(AE et
CP) ouverts par LFR sur le programme.
25
Cour des comptes, Le budget de l’État en 2018, résultats et gestion, mai 2019.
26
Fonds de concours n° 1-2-00639 « Participations diverses au financement du Fonds
de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire – P357 ».
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
41
Graphique n° 10 : origine des crédits ouverts sur le
programme 357
Fonds de solidarité
en 2020 (en Md
, en CP)
Source : Cour des comptes d’après Chorus
Le programme a également été abondé par des mouvements de
crédits internes : 0,1 Md
ont ainsi été pris sur la dotation pour dépenses
accidentelles et imprévisibles (DDAI). Dans l’attente des crédits de la
LFR 2, un virement de 15 M
a également été réalisé à partir du
programme 156 « DGFIP » de la mission
Gestion des finances publiques
et des ressources humaines
, afin de garantir la disponibilité des ressources
du programme. Un virement inverse du même montant a été réalisé une
fois reçus les crédits LFR.
Les contributions des régions et des sociétés d’assurance s’y sont
ajoutées, pour un total de 0,9 Md
. Au 31 décembre 2020, les versements
s’élevaient à 475 M
pour les régions (sur un engagement fixé à 503 M
)
et 398 M
pour les sociétés d’assurance (sur un engagement de 400 M
).
La participation des régions a fait l’objet, dès la création du fonds,
de discussions entre le gouvernement et l’association Régions de France,
Un premier engagement de 250 M
a été pris le 17 mars et un second, le
10 avril, portant la contribution prévisionnelle des régions à 500 M
,
répartie au prorata du produit intérieur brut 2018 de chaque région. Au
31 décembre 2020, toutes les régions concernées ont versé tout ou partie
de leur contribution prévisionnelle.
LFR
95%
DDAI
1%
Fonds de concours (régions,
assurances)
4%
18,8 Md
0,9 Md
0,1Md
Total = 19,7 Md
42
COUR DES COMPTES
Tableau n° 3 : contributions des collectivités territoriales au fonds de
solidarité au 31 décembre 2020 (en M
)
Régions
Montant
prévu
Montant
versé
Écart
Régions métropolitaines
489,9
461,3
28,7
dont Auvergne-Rhône-Alpes
57,4
28,7
28,7
Régions d'outre-mer
10,2
10,5
-0,2
27
dont Martinique
2,2
2,0
0,2
Collectivités d'outre-mer
3,3
3,2
0,1
TOTAL
503,4
475,0
28,4
Source : Cour des comptes d’après DGFiP
La Cour relève que, contrairement à la réglementation comptable et
budgétaire, les contributions des régions ont été comptabilisées en
dépenses d’investissement, alors qu’il s’agit de dépenses d’intervention
normalement classées en section de fonctionnement. Cette pratique
s’appuie sur une circulaire
28
dépourvue de toute base légale, qui accorde
aux collectivités territoriales une dérogation exceptionnelle visant à
permettre aux collectivités concernées de financer cette dépense par
l’emprunt. Compte tenu de son objet, la Cour estime, comme elle l’a
indiqué dans le chapitre consacré au fonds de solidarité du rapport public
annuel 2021
29
, que la contribution des collectivités territoriales au fonds de
solidarité devrait être comptabilisée en dépenses de fonctionnement dans
leurs comptes 2020.
Outre les collectivités territoriales, des acteurs privés se sont
mobilisés pour contribuer au financement du fonds de solidarité. Ainsi, la
Fédération française de l’assurance (FFA) s’est engagée pour ses adhérents
à une contribution de 400 M
, versés à hauteur de 397,5 M
au
31 décembre 2020. Deux entreprises hors du secteur de l’assurance –
27
L’écart inversé est dû au versement de Mayotte, supérieur de 0,4 M
à sa contribution
prévisionnelle.
28
Circulaire interministérielle du 10 avril 2020 relative aux modalités de contribution
volontaire des collectivités territoriales au fonds de solidarité.
29
Cour des comptes, « Le fonds de solidarité à destination des entreprises : une mise
en
œ
uvre rapide dans un contexte instable », Rapport public annuel 2021, mars 2021.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
43
Hermès et Méridiam - ont spontanément contribué au fonds pour 3,1 M
,
et quelques dons de particuliers ont également été enregistrés.
2.2.3 Des dépenses soutenues, en forte hausse sur la fin de
l’année 2020
Les dépenses du fonds de solidarité s’élèvent, au 31 décembre 2020,
à 11,8 Md
. Elles sont portées en totalité par le programme 357, qui
comporte un budget opérationnel de programme (BOP) central, lui-même
divisé en une enveloppe budgétaire centrale pour le volet 1 et des
enveloppes déconcentrées régionales pour le volet 2, pour suivre
facilement les dépenses effectuées sur le fonds, ainsi que leur répartition
régionale.
Le rythme des dépenses sur 2020 est très lié à l’évolution des
mesures de restrictions d’activité et aux décisions prises quant au montant
unitaire des aides versées et au périmètre des entreprises éligibles. Le fonds
de solidarité a fortement évolué au cours de la crise : accessible à toutes les
très petites entreprises et plafonné à 1 500
par mois de mars à juin 2020,
le montant mensuel maximum des aides du volet 1 a été porté à 3 000
à
compter de juillet, avec un ciblage sur les secteurs les plus exposés
(restauration, hôtellerie, événementiel, etc.). À partir d’octobre, les
nouvelles mesures de restriction d’activité ont entraîné des modifications
substantielles du fonds. Il a de nouveau été ouvert à tous les secteurs et,
pour ceux d’entre eux les plus touchés par la crise le plafond des aides a
été significativement accru (10 000
par mois en octobre et novembre
30
,
puis 200 000
en décembre) tout comme la taille des entreprises éligibles
(jusqu’à 50 salariés, puis sans plafond à compter de décembre).
Ces évolutions apparaissent très nettement dans le rythme
d’écoulement mensuel des dépenses du programme : le montant moyen des
dépenses d’avril à juin 2020 (correspondant au premier confinement)
s’établit à 1,4 Md
/mois, puis chute à 0,4 Md
/mois entre juillet et octobre,
pour repartir en forte hausse à compter de novembre (moyenne de
2,6 Md
/mois), les dépenses du mois de décembre atteignant 4,3 Md
, soit
plus du tiers des dépenses totales de l’année.
30
Les entreprises fermées administrativement fin septembre (salles de sport par
exemple) ont pu bénéficier de ce nouveau plafond d’aide à 10 000
dès le mois de
septembre, à raison de 333
par jour de fermeture.
44
COUR DES COMPTES
Graphique n° 11 : dépenses budgétaires du fonds de solidarité au
31 décembre 2020 (en M
, en CP)
Source : Cour des comptes d’après Chorus
0
1 460
3 502
4 918
5 579
5 876
6 191
6 536
7 552
11 809
0
2000
4000
6000
8000
10000
12000
14000
Dépenses
Cumul
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
45
Bien que versées directement par la DGFiP aux entreprises, les
dépenses du programme présentent un décalage temporel entre la dépense
du programme et le mois auquel se rattache cette dépense. Les aides étant
calculées sur la base des baisses de chiffres d’affaires de chaque mois, elles
ne peuvent en effet être demandées par les entreprises qu’à mois échu. Par
exemple, les aides au titre du mois de mars ont été versées aux entreprises
à partir d’avril 2020. Dès lors, les dépenses budgétaires du programme au
31 décembre 2020 (11,8 Md
) ne représentent qu’une partie des
versements réalisés au titre de 2020. Ces dépenses rattachées à 2020
s’établissent, au 31 mars 2021, à 15,93 Md
(dont 15,67 Md
pour le
volet 1), et devraient encore légèrement progresser car les entreprises
disposent de plusieurs mois pour déposer leur demande d’aide.
Graphique n° 12 : dépenses budgétaires et droits constatés 2020
(en M
, en CP)
(*) Les données relatives aux droits constatés, actualisées au 31 mars 2021, sont encore
provisoires car les entreprises disposent de délais pour déposer leur demande.
Source : Cour des comptes d’après DGFiP
2.2.4 Une sous-consommation de 7,9 Md
Malgré la forte hausse des dépenses sur les deux derniers mois de
l’année, le programme 357
Fonds de solidarité
présente une sous-
consommation de 7,9 Md
, soit 40 % des crédits ouverts en 2020.
1 717
3 797
5 156
5 741
6 002
6 289
6 642
8 242
12 692
15 927
0
1 460
3 502
4 918
5 579
5 876
6 191
6 536
7 552
11 809
0
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
12 000
14 000
16 000
18 000
Droits constatés (*)
Dépenses budgétaires
46
COUR DES COMPTES
Graphique n° 13 : exécution des crédits du programme 357
Fonds de
solidarité
en 2020 (en CP, en Md
)
L’analyse combinée des crédits et des dépenses montre qu’un
abondement en LFR 4 au 30 novembre était nécessaire pour couvrir les
dépenses de l’année, mais que son montant (10,8 Md
) était
surdimensionné : même en prenant en compte la nécessaire prudence dans
un contexte d’incertitude sur l’évolution de l’épidémie, les prévisions de
dépenses des administrations étaient d’environ 5 Md
au titre du mois de
novembre (confinement), et de 3,5 Md
au titre du mois de décembre,
sachant que les aides du mois de décembre ne seraient versées qu’en 2021.
L’ouverture, au 30 novembre 2020, de 10,8 Md
sur le programme 357
Fonds de solidarité
dépassait ainsi les prévisions de dépenses qui
pouvaient raisonnablement découler des informations disponibles à cette
date, au regard notamment des crédits disponibles avant abondement
LFR 4 (1,3 Md
). Cette situation aboutit, comme pour les autres
programmes de la mission, à un niveau élevé de crédits non consommés.
0,0
0,0
0,8
6,8
6,9
7,1
8,8
8,9
8,9
8,9
19,7 19,7
1,5
3,5
4,9
5,6
5,9
6,2
6,5
7,6
11,8
0,0
5,0
10,0
15,0
20,0
25,0
Total crédits ouverts
Dépenses totales cumulées
LFR 1
(+0,8 Md
)
LFR 2
(+5,5 Md
)
LFR 3
(+1,7 Md
)
LFR 4
(+10,8 Md
)
Crédits non
consommés
7,9 Md
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
47
2.2.5 Une analyse de la performance centrée sur des
indicateurs de gestion
La création du programme s’est accompagnée, comme le prévoit la
LOLF, d’objectifs et d’indicateurs de performance. La stratégie de
performance du programme s’articule autour de la rapidité de mise en
œ
uvre du dispositif de soutien et de l’effectivité de l’aide apportée aux
entreprises.
Les objectifs et indicateurs retenus lors de la création du programme
sont les suivants :
objectif 1 : assurer la mise en
œ
uvre rapide du fonds de solidarité
aux entreprises :
-
taux de consommation des AE au 30/06/2020 et au 30/09/2020 ;
-
taux de consommation des CP au 30/06/2020 et au 30/09/2020 ;
-
délai entre l’ouverture des crédits en loi de finances et l’adoption des
textes réglementaires ;
-
délai entre l’adoption des textes réglementaires et le premier
versement effectué à une entreprise.
● objectif 2 : contribuer à la pérennité des entreprises les plus
affectées par la crise sanitaire
-
nombre d’entreprises bénéficiaires d’une aide du fonds de solidarité ;
-
nombre d’entreprises ayant bénéficié à tort d’une aide du fonds de
solidarité ;
-
durée (en mois) du soutien apporté par le fonds de solidarité ;
-
nombre d’emplois sauvegardés.
Les indicateurs retenus sont, pour l’essentiel, des indicateurs de
gestion, portant sur la performance de l’administration dans la mise en
œ
uvre du dispositif. Le dispositif défini ne comporte qu’un seul indicateur
d’impact (nombre d’emplois sauvegardés) que la DGFiP n’est pas en
mesure de renseigner en 2020 faute de données chiffrées suffisamment
fiables. Cet indicateur a été supprimé dans le projet annuel de performances
(PAP) du programme pour 2021.
2.2.6 Un risque de fraude croissant, des contrôles
progressivement renforcés
Les demandes d’aide du fonds de solidarité reposent, pour
l’essentiel, sur des données déclaratives. Ces caractéristiques exposent le
fonds de solidarité à un risque de fraude important, tant sur le respect des
48
COUR DES COMPTES
critères d’éligibilité que du montant de l’aide, calculé sur la base de la perte
de chiffre d’affaires déclarée par l’entreprise.
Consciente de ce risque, tout en poursuivant un objectif de
versement rapide aux nombreuses entreprises demandeuses, la DGFiP a
mis en place dès la création du fonds de solidarité des contrôles
automatiques
ex ante
, afin d’écarter les cas de fraude les plus grossiers
(contrôle de cohérence entre le numéro SIREN et le numéro de compte
bancaire connu de l’administration, pour éviter les risques d’usurpation
d’identité ; blocage des paiements en doublon vers une même entreprise au
titre du même mois). Les dossiers filtrés sont renvoyés vers les services
déconcentrés pour vérification, et le cas échéant, mise en paiement.
À fin mai 2020, sur 2 668 255 formulaires de demande d’aide, la DGFiP
avait dénombré 92 249 rejets automatiques renvoyés pour examen dans les
services (soit 3 %), dus, pour la plupart, au fait que les entrepreneurs avaient
saisi leurs coordonnées personnelles et non celles de l’entreprise, ou bien au
blocage des paiements en doublon (45 585). Après correction et, le cas échéant,
mise en paiement suite à instruction complémentaire, le taux de rejet à fin mai
s’établissait à 1,72 % des demandes.
Face à la prolongation du fonds de solidarité et à l’augmentation du
montant des aides mensuelles versées, la DGFiP a progressivement enrichi
ses filtres automatiques, afin d’orienter systématiquement certaines
demandes vers ses services pour instruction approfondie
31
ou encore de
vérifier le secteur d’activité de l’entreprise demandeuse et son éligibilité au
régime d’aide sollicité
32
. Au 31 décembre 2020, les filtres automatiques
avaient abouti au renvoi pour examen de plus d’un million de demandes
sur l’exercice 2020. Après transmission aux services déconcentrés, et le cas
échéant mise en paiement après vérification, le taux de rejet final s’élevait
à 11,53 % à cette date.
Ces contrôles
a priori
ont été complétés à partir de juillet 2020 par
des contrôles
a posteriori
. Une première liste de plus de 90 000 dossiers a
été envoyée aux services pour contrôle, centrée sur les entreprises en
sommeil réactivées postérieurement à la date d’ouverture du fonds, les
entreprises liées à des réseaux identifiés comme frauduleux, les multi-
demandeurs ou les entreprises défaillantes depuis un certain temps. La
31
Entreprises reliquataires de dettes fiscales de plus de 1 500
(formulaire d’avril),
défaillantes aux impôts indirects des entreprises (formulaire d’octobre), ayant eu des
aides supérieures à 5 000
sur des comptes bancaires de type néobanques (formulaire
de novembre), demandeurs créés après septembre, demandes qui excèdent le chiffre
d’affaires 2019 de l’entreprise (formulaire de décembre).
32
Appartenance aux secteurs prioritaires (S1) ou connexes (S1 bis), entreprises
concernées par une fermeture administrative.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
49
DGFiP a procédé à une seconde sélection de 103 000 dossiers, toujours sur
la période mars – septembre 2020, ciblant les entreprises ne respectant pas
les critères de taille, de chiffre d’affaires ou les règles de cumul avec des
indemnités journalières.
Au 31 décembre 2020, les contrôles déjà réalisés sur la première
liste avaient permis d’identifier 24 820 demandes irrégulières émanant
d’environ 10 000 entreprises, pour un montant total de 30,3 M
. Ces
données sont cohérentes avec les estimations de la Cour de la fraude sur
les critères d’éligibilité
33
entre mars et septembre 2020, comprises entre
20 M
et 100 M
, sans compter les montants versés à tort aux entreprises
ayant déclaré des baisses de chiffre d’affaires supérieures à leur baisse
réelle.
En 2020, 500 titres ont été mis en recouvrement au titre du fonds de
solidarité sur près de 44 500 récupérations de versements identifiées à ce
jour, chiffre en constante augmentation, sachant que les indus ne
constituent pas systématiquement des cas de fraude. En effet, la DGFiP a
enregistré 11,5 M
de remboursements spontanés en provenance
d’entrepreneurs ayant commis une erreur lors de leur déclaration. Des
campagnes mensuelles d’émission de titres destinées à récupérer les indus
du fonds de solidarité ont débuté en janvier 2021.
Pour rappel, la Cour a recommandé, dans le rapport public annuel
2021, de renforcer le dispositif de contrôle associé au versement des
aides
34
.
2.3
Programme 358
Renforcement exceptionnel des
participations financières de l'État dans le cadre
de la crise sanitaire
La LFR 2 a ouvert 20 Md
d’AE/CP sur le programme 358 mais ses
dépenses sont progressives, en fonction des besoins en fonds propres des
entreprises stratégiques vulnérables ciblées. Les autres lois de finances
n’ont pas apporté de modification à ce montant.
33
nombre maximum de salariés, plafond de chiffre d’affaires et de bénéfice.
34
Cour des comptes, « Le fonds de solidarité à destination des entreprises : une mise
en
œ
uvre rapide dans un contexte instable », Rapport public annuel 2021, mars 2021,
recommandation 3 « accompagner l’accroissement du montant des aides et
l’élargissement du fonds à des entreprises de taille plus importante par la mise en place
d’une instruction plus exigeante des aides et d’un dispositif renforcé de prévention de
la fraude et de sanctions. »
50
COUR DES COMPTES
2.3.1 Une ouverture très importante de crédits en LFR 2
La loi de finances rectificative n°2020-473 du 25 avril 2020, a
ouvert 20 Md
(AE et CP) sur le programme 358
Renforcement
exceptionnel des Participations Financières de l’État dans le cadre de la
crise sanitaire
. Ce programme a pour but de financer des opérations de
soutien en fonds propres, quasi-fonds propres et titres de créances aux
entreprises stratégiques fragilisées par les conséquences économiques de la
crise sanitaire liée à la Covid-19. En effet, de nombreuses entreprises ayant
pour actionnaire au moins minoritaire l’État ou Bpifrance ont été
fragilisées par la crise sanitaire et le programme vise dans ce contexte à
soutenir l’économie en renforçant les ressources des « entreprises
présentant un caractère stratégique jugées vulnérables ».
Les deuxième et troisième lois de finances rectificatives pour 2020
conditionnent par ailleurs le versement de ces aides au respect d’objectifs
de responsabilité sociale, sociétale et environnementale, notamment en
matière de lutte contre le changement climatique et de réduction des gaz à
effet de serre.
L’analyse conduite dès le mois de mars par l’APE, le SISSE
(Service de l’Information Stratégique et Sécurité Économiques) et la
Direction Générale du Trésor visait à identifier les entreprises stratégiques
françaises affectées par la crise et tenter de chiffrer leur besoin de
renforcement des fonds propres. L’analyse initiale portait en priorité sur
les portefeuilles de participation de l’APE et de Bpifrance, et a été élargie
aux membres constituants l’indice SBF 120 (regroupant les plus grandes
capitalisations boursières françaises), ainsi que certaines entreprises non
cotées. Une vingtaine d’entreprises vulnérables de premier rang dans les
secteurs les plus exposés à la crise (transport aérien, transport automobile
et équipementiers, industrie extractive, etc.) a ainsi été identifiée. Les
travaux se sont en premier lieu focalisés sur les sociétés cotées, davantage
exposées
(activisme
financier,
acquisitions
hostiles)
étant
donné
l’effondrement des marchés
actions. Ils ont été actualisés très
régulièrement en exploitant au fil de l’eau l’information financière
disponible dont celle issue du monitoring de la trésorerie des sociétés du
portefeuille de l’APE.
L’ensemble des interventions en fonds propres, quasi-fonds propres
pour ces entreprises a vocation à être financé sur l’enveloppe des 20 Md
ouverte sur le programme 358 qui abonde le CAS PFE préalablement à
chaque opération. Des crédits de dépense ont été ouverts à due concurrence
sur le CAS PFE afin de permettre à celui-ci d’exécuter les dépenses
correspondantes.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
51
Le programme 358 est constitué d’une seule action « Renforcement
exceptionnel des participations financières de l’État dans la cadre de la
crise sanitaire » et a pour responsable le commissaire aux participations de
l’État
.
Il fait partie, au sein de la mission
Plan d’urgence face à la crise
sanitaire,
des programmes exonérés de mise en réserve pour permettre une
mobilisation immédiate des crédits.
2.3.2 Des dépenses qui transitent par le CAS PFE
Les
dépenses
prévues
sur
ce
programme
présentent
les
caractéristiques suivantes :
- il s’agit exclusivement de dépenses de titre 3 (fonctionnement) ;
- l’intégralité des dépenses effectuées sur le programme transite par
le compte d’affectation spéciale
Participations financières de l’État
(CAS
PFE). Elles se traduisent par une recette sur le CAS PFE et,
in fine
, par des
dépenses de titre 7 (opérations financières) ;
- les crédits ainsi ouverts sont précisément destinés au soutien en
fonds propres, quasi-fonds propres et titres de créances d’entreprises
stratégiques affectées par les conséquences de la crise sanitaire. Il ne peut
s’agir de crédits « fongibles » avec des crédits ouverts sur d’autres missions
du budget général, et qui permettraient de financer des dépenses ou des
dispositifs déjà existants.
L’articulation entre le programme 358 et le CAS PFE a été définie
de sorte à assurer la traçabilité de l’emploi des crédits ouverts en deuxième
loi de finances rectificatives pour 2020. En application de l’article 21 de la
LOLF, le programme 358 vient alimenter le CAS PFE puisque ce compte
est l’unique véhicule des opérations patrimoniales de l’État liées à la
gestion de ses participations financières.
52
COUR DES COMPTES
Il a été en revanche décidé que les crédits du programme
n’abonderaient le CAS PFE qu’au fil des opérations à réaliser, de manière
progressive et non par un versement unique, qui aurait constitué une recette
pérenne pour le solde comptable du CAS PFE. Un tel fonctionnement
aurait perturbé dans la durée la lisibilité du solde du compte et le suivi de
l’emploi des crédits du programme 358. La progressivité du versement
permet de mieux contrôler l’emploi des deniers publics tout en gardant
suffisamment de souplesse et d’efficacité pour conduire des opérations qui,
par nature, sont censées relever de l’urgence.
Préalablement à chaque opération décidée, le CAS PFE est donc
abondé en recettes à hauteur du montant estimatif de celle-ci, pour
l’entièreté en revanche du montant concerné. Pour rappel, en application
de l’article 21 de la LOLF, les versements sur le CAS PFE ne sont soumis
à aucune règle de plafonnement. Le programme budgétaire miroir du
programme 358 sur le CAS PFE est le programme 731
Opérations en
capital intéressant les participations financières de l'État
et notamment
son action 1 « Augmentation de capital, dotation en fonds propres, avances
d’actionnaires et prêts assimilés », qui est le véhicule de dépenses, au sein
du CAS PFE, du programme 358.
Les opérations de renforcement des fonds propres, quasi-fonds
propres et titres de créances des entreprises stratégiques et dont la situation
est critique sont ensuite réalisées depuis le CAS. Il n’y a aucune fongibilité
avec des crédits ouverts sur d’autres missions du budget général permettant
le financement de dispositifs déjà existants
35
.
Pour mettre en
œ
uvre ce dispositif, l’APE procède en premier lieu à
la préparation de l’opération envisagée, en arrête tous les détails et
notamment le montant estimatif et la date prévisionnelle. Elle saisit ensuite
la direction du budget (DB) et le contrôleur budgétaire et comptable du
ministère chargé de l’économie (CBCM finances) d’une demande
d’abondement du CAS PFE par le programme 358. À cette occasion, les
documents justificatifs relatifs à l’opération sont soumis au CBCM, qui
juge de la correcte imputation de la dépense et de l’exactitude des
informations fournies. Une fois la dépense visée par le CBCM, le
programme 358 abonde le CAS PFE, qui procède par la suite aux dépenses
liées à l’opération.
35
Exposé des motifs du PLFR 2 : « Il ne peut s’agir de crédits « fongibles » avec des
crédits ouverts sur d’autres missions du budget général, et qui permettraient de financer
des dépenses ou des dispositifs déjà existants ».
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
53
Schéma n° 3 : articulation entre les programmes 358 (mission
Plan
d’urgence
) et 731 (CAS PFE)
2.3.3 Des opérations ne relevant pas seulement de la notion
d’aide d’urgence
Finalement, sur un total d’abondement de 8,3 M
du CAS PFE par
le programme 358, les opérations financières réalisées en conséquence sur
le programme 731 (CAS PFE) représentent un total de 8,08 Md
, détaillées
comme suit :
- 3 Md
d’avances en compte courant d’actionnaire accordées à Air
France KLM, en contrepartie d’engagements relatifs à la transition
écologique. Ces avances ont fait l’objet de deux tirages de 1 et 2 Md
respectivement, tous deux intervenus en fin d’exercice 2020 ;
- 4,05 Md
pour l’augmentation de capital de la holding SNCF, en
vue de l’exécution du plan de relance ferroviaire ;
- 0,007 Md
de tirages relatifs à la mise en place progressive du
fonds de soutien à la filière aéronautique. Ce fonds, dont la gestion a été
confiée à la société ACE Management et qui s’est vu nommer Ace Aéro
Partenaires, doit atteindre une taille totale de 630 M
à l’issue de sa
première levée de fonds, soit 150 M
de fonds apportés par l’État, 50 M
par Bpifrance, et 430 M
par des grands industriels donneurs d’ordres de
la filière et Tikehau Capital ;
- 1,03 Md
de souscription de l’État au programme d’obligations
convertibles échangeables en actions nouvelles ou existantes (OCEANEs)
vertes émises par EDF, dans le cadre de la plus importante émission
obligataire à caractère écologique réalisée par une grande entreprise.
L'État, qui détient en partenariat avec l’EPIC Bpifrance 83,58 % du capital
d’EDF, a souscrit à hauteur de 40 % du montant total émis (2,4 Md
).
Comme explicité dans la note d’exécution budgétaire consacrée au
CAS PFE
36
, les opérations SNCF et EDF conduisent à s’interroger sur
36
Note d’exécution budgétaire 2020, compte d’affectation spéciale
Participations
financières de l’État.
54
COUR DES COMPTES
l’utilisation des crédits de la mission
Plan d’urgence
, dans la mesure où
elles semblent répondre largement à des problématiques préexistantes à la
crise :
- s’agissant de la SNCF, si la souscription de l’État à une augmentation
de capital pour un montant de 4,05 Md
37
a permis de conforter sa
situation financière fragilisée par la crise et sa capacité d’emprunt sur le
marché obligataire, les fonds apportés par l’État ont aussitôt été reversés
par la SNCF à ce dernier sous forme de fonds de concours et feront l’objet
de versements à SNCF Réseau au fur et à mesure de la réalisation des
travaux de rénovation du réseau décidés antérieurement à la crise. Cette
opération a ainsi conduit à utiliser les crédits du programme d’urgence
358, destinés à soutenir les entreprises publiques fragilisées par la
pandémie, pour financer des dépenses ne relevant qu’indirectement ou de
façon insuffisamment explicite de l’urgence liée à la crise sanitaire.
- s’agissant d’EDF, un versement du programme 358 vers le CAS PFE
est intervenu le 10 septembre 2020, pour financer la souscription par
l’État de 40 % d’une émission d’obligations vertes à option de conversion
et/ou d'échange en actions (OCEANEs vertes) pour un montant d’environ
1 Md
(sur une émission totale de 2,4 Md
). L’objectif affiché de cette
émission est de financer le développement d’EDF dans les énergies
renouvelables. Sa justification ne semble
a priori
pas liée à la crise de
Covid-19
38
même si celle-ci a eu des conséquences notables sur les
activités et la situation financière d’EDF.
2.3.4 Des indicateurs de performance qui, bien que partiels,
ont vocation à s’inscrire dans la durée
Le volet de performance de ce programme s’articule autour de deux
objectifs ayant chacun deux indicateurs :
-
Objectif 1 : Assurer le succès des opérations de renforcement des
fonds propres, quasi fonds propres et titres de créances des
entreprises stratégiques
Indicateur 1.1 : Plus-values réalisées lors de la cession des titres
acquis grâce à l'abondement du CAS PFE
37
Correspondant à l’augmentation de la valeur nominale de chacune des
10 000 000 actions de 100 euros à 505 euros.
38
Le communiqué de presse d’EDF annonçant l’opération ne mentionne à aucun
moment la crise, mais inscrit cette opération comme une étape clé dans la stratégie Cap
2030 d’EDF, dans la suite des émissions de
Green bonds
réalisées depuis 2013.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
55
Indicateur 1.2 Durée en mois entre la date effective de l'opération
financière de prise de participation et l'opération de cession des
titres acquis.
Les deux indicateurs de cet objectif ont en commun de s’inscrire dans la
durée, voire même de survivre à l’éventuelle suppression du programme
358. En effet, par construction, il n’est pas possible d’anticiper quand aura
lieu la cession des titres acquis dans le cadre des opérations de crise. S’ils
devaient perdurer au-delà de la durée de vie du programme 358, ils
pourraient être intégrés à la mesure de la performance du programme 731
du CAS PFE. La direction du budget s’est dite favorable à l’intégration de
ces indicateurs au sein de la maquette de performance du CAS PFE, une
fois la mission
Plan d’urgence
éteinte.
-
Objectif 2 : Contribuer au redressement économique et financier
des entreprises stratégiques les plus affectées par la crise sanitaire
Indicateur 2.1 : Nombre d'entreprises bénéficiaires d'une opération
de renforcement exceptionnel des participations financières de
l'État.
Indicateur 2.2 : Maîtrise de l'endettement des entreprises
bénéficiaires d'une opération de renforcement exceptionnel des
participations financières de l'État mesurée par le poids de la dette
(dette nette/capitaux propres).
Ce deuxième indicateur, renseigné dans les RAP 2021, compare le
ratio de dette nette sur les capitaux propres avant et après l’intervention de
l’État. En revanche, pour des questions de confidentialité, il est global entre
toutes les entreprises soutenues et n’a donc pas, en lui-même, de valeur
normative et ne reflète pas la diversité des situations ni la diversité des
origines de l’aide d’urgence.
56
COUR DES COMPTES
2.4
Programme 360
Compensation à la sécurité
sociale des allègements de prélèvements pour les
entreprises les plus touchées par la crise
sanitaire
2.4.1 Un dispositif inédit d’allègement et de soutien au
paiement des prélèvements sociaux
2.4.1.1 Un dispositif ciblé à deux étages
Le dispositif, instauré par l’article 65 de la LFR 3 et par le décret
n° 2020-1103 du 1
er
septembre 2020, est détaillé par une instruction de la
direction de la sécurité sociale
39
.
À la création du dispositif, le périmètre des entreprises qui
bénéficient des exonérations et de l’aide au paiement était le suivant :
- des entreprises de moins de 250 salariés
œ
uvrant dans un secteur
particulièrement affecté (dit « secteurs 1 », listés en annexe 1 du décret :
hôtellerie, tourisme, restauration, transports aériens, voyages, culture,
évènementiel, sport ;
- des entreprises de moins de 250 salariés
œ
uvrant dans un secteur
lui-même fortement dépendant des secteurs affectés et qui ont subi une
baisse d’au moins 80 % de leur chiffre d’affaires (dit « secteurs 1 bis » et
listés en annexe 2 du décret : notamment production et commerce
alimentaire, biens et services produits ou commercialisés pour les secteurs
ci-dessus ;
- les entreprises d’autres secteurs, de moins de 10 salariés,
accueillant du public et fermées administrativement (dit « secteurs 2 »,
sans liste limitative).
D’une part, les entreprises des secteurs 1 et 1bis sont exonérées des
cotisations sociales patronales
40
dues au titre des mois de février à mai 2020
et celles du secteur 2 au titre des mois de février à avril 2020. Les
entreprises qui ont continué à faire l’objet de mesures administratives de
fermeture après ces dates sont demeurées éligibles aux exonérations.
D’autre part, ces trois catégories d’entreprises bénéficient également
d’une aide au paiement de l’ensemble des cotisations et des contributions
sociales patronales et salariales, consistant en une réduction égale à 20 %
39
Instruction DSS/5B/SAFSL/2020/160 du 22 septembre 2020.
40
Il s’agit de la quasi-totalité des cotisations, à l’exception notable des cotisations de
retraite complémentaire Agirc-Arrco, qui ne sont pas recouvrées par les Urssaf.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
57
de la masse salariale déclarée par l’employeur sur la période éligible au
dispositif d’exonération.
Les travailleurs indépendants et les artistes-auteurs bénéficient
d’une réduction forfaitaire de cotisations et contributions (2 400
pour les
secteurs 1 et 1bis et 1 800
pour les secteurs 2). Sous réserve de leur
imputation anticipée sur les montants provisionnels de prélèvements
sociaux appelés courant 2020,
a priori
très limitée
,
ils doivent prendre effet
lors de la régularisation des prélèvements exigibles au titre de leurs revenus
professionnels de l’année 2020, déclarés en mai 2021.
Pour faire face aux conséquences économiques de la seconde vague
de l’épidémie, le dispositif a été reconduit par la LFR 4 et, à la suite d’un
amendement, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021
(article 9). Les critères d’attribution ont été élargis : les entreprises
dépendantes des secteurs affectés (secteurs 1 bis) sont devenues éligibles
dès une baisse de 50 % de leur chiffre d’affaire (au lieu de 80 %) et les
entreprises accueillant du public et fermées par décision administrative
(secteurs 2) sont devenues éligibles jusqu’à 50 salariés (au lieu de 10).
Initialement prévu pour les prélèvements dus au titre du mois de
septembre (pour les entreprises affectées par le couvre-feu instauré à partir
du 17 octobre) ou du mois d’octobre (pour les entreprises affectées par le
confinement instauré le 30 octobre) au mois de novembre 2020, le
dispositif pouvait être prolongé par décret.
Le décret n° 2021-75 d’application de ce dispositif est paru le
27 janvier 2021. Les annexes définissant les secteurs 1 et 1 bis ont été
mises à jour à cinq reprises au cours de l’année 2020.
Le montant cumulé perçu au titre des exonérations et des aides au
paiement mises en
œ
uvre dans le cadre de la LFR 3 du 30 juillet 2020 et de
la LFSS pour 2021 a été initialement plafonné à 800 000
par employeur
en application du droit européen
41
.
2.4.1.2 L’aide au paiement : un dispositif innovant
Le dispositif de l’aide au paiement n’a pas de précédent. L’aide peut
être imputée
a posteriori
sur l’ensemble des cotisations et contributions
41
Communication de la Commission européenne du 20 mars 2020
Encadrement
temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte
actuel de la flambée de COVID-19 (2020/C 91 I/01).
Le plafond est fixé à 120 000
pour les employeurs dont l’activité principale relève du secteur de la pêche et de
l’aquaculture et à 100 000
pour ceux dont l’activité principale relève du secteur de la
production agricole primaire. Le plafond des aides d’État au titre de la crise du Covid a
été relevé à 1,8 M
par employeur par la communication de la Commission du 28
janvier 2021.
58
COUR DES COMPTES
sociales dues, à concurrence de 20 % de la masse salariale déclarée au titre
d’une période d’emploi éligible.
Ce dispositif a rencontré un certain succès, puisque, contrairement
aux prévisions initiales, les employeurs ont déclaré des montants plus
élevés d’aide au paiement que d’exonérations (2,15 Md
, contre 1,4 Md
selon la situation provisoire pouvant être constatée au 8 mars 2021, voir
infra
).
2.4.1.3 Deux dispositifs mis en place rapidement
Les mesures d’exonération et d’aide au paiement, décidées dans
l’urgence, ont connu des délais de mise en
œ
uvre difficilement réductibles.
Ainsi, le décret d’application de la LFR 3 du 30 juillet 2020 est paru
le 1
er
septembre et l’instruction de mise en
œ
uvre le 22 septembre 2020.
Pour l’extension du dispositif, le décret d’application des mesures votées
en LFSS le 14 décembre 2020 est paru le 27 janvier 2021.
Pour leur part, les formalités déclaratives de la DSN ont été adaptées
plus rapidement (création dès juin 2020 des rubriques déclaratives
nécessaires à la déclaration des montants d’exonération et d’aide au
paiement) afin que les éditeurs de logiciels, les experts-comptables et les
entreprises adaptent rapidement les logiciels de paie. Les toutes premières
déclarations d’exonérations sont intervenues dès le mois d’août.
Néanmoins, les montants déclarés par les employeurs au cours de l’année
2020 au titre des exonérations et de l’aide au paiement sont concentrés sur
les DSN déposées en octobre et en novembre.
Grâce aux crédits ouverts au budget de l’État qui leur sont versés,
l’agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) et la caisse
centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) compensent au premier
euro auprès des organismes sociaux, pris individuellement, qui en sont
attributaires des prélèvements sociaux, les moindres rentrées de
prélèvements sociaux induites par les exonérations et l’aide au paiement.
La compensation des exonérations de cotisations pouvait s’appuyer
sur les attributions de l’Acoss et de la CCMSA déjà fixées par le code de
la sécurité sociale et le code rural et de la pêche. En revanche, les textes ne
prévoyaient pas les modalités de la compensation de l’aide au paiement. La
mise en
œ
uvre de ce dispositif a ainsi anticipé les dispositions de
l’article 7 de la loi du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité
sociale pour 2021, qui ont prévu que les sommes versées par l’Acoss et par
la CCMSA aux organismes sociaux pris individuellement comprennent les
cotisations et contributions sociales acquittées grâce à l’aide au paiement.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
59
Si la crise sanitaire justifiait l’adoption de mesures diligentes, le
dispositif de répartition entre organismes attributaires de l’aide au paiement
et de facturation à l’État de sa compensation par les réseaux de
recouvrement a ainsi été soumis à l’adoption du Parlement après le début
de sa mise en
œ
uvre. Il en serait allé différemment si un projet de loi de
financement rectificative de la sécurité sociale avait été déposé afin de
prévoir les mesures d’aide et leurs modalités de mise en
œ
uvre.
2.4.2 Une budgétisation très au-delà des stricts besoins
budgétaires de l’année 2020
Le recours aux exonérations et à l’aide au paiement est décompté à
partir de leur déclaration par les employeurs de salariés dans leurs
déclarations sociales nominatives (DSN) mensuelles. S’agissant de la
réduction
de
prélèvements
sociaux
applicable
aux
travailleurs
indépendants et aux artistes-auteurs, elle sera appliquée aux montants
définitivement exigibles de prélèvements sociaux, à la suite de la
déclaration de leurs revenus professionnels 2020.
Elle dépend ainsi du nombre d’entreprises affectées, de l’évolution
de leur activité et de leur masse salariale, et de l’incidence de l’activité
partielle.
Les crédits ouverts en LFR 3 (3,9 Md
) ont été évalués à partir de
données de l’Acoss portant sur la masse salariale et les cotisations liquidées
sur les périodes d’emploi de référence (mars à juin 2019). Ces données ont
été filtrées par secteurs d’activité selon la nomenclature d’activités
française (NAF) de l’Insee. Concernant les secteurs S1 bis, a été prise en
compte une hypothèse de 50 % d’employeurs éligibles. Le montant global
du dispositif a ainsi été estimé à 3,9 Md
. Il n’intégrait pas d’estimation du
montant de la réduction de prélèvements sociaux applicable aux
travailleurs indépendants et aux artistes-auteurs.
La LFR 4 a réévalué les crédits ouverts en LFR 3 au titre du premier
confinement (de 1,3 Md
) et ouvert des crédits supplémentaires au titre des
nouvelles mesures sanitaires de septembre-décembre 2020 (pour 3 Md
).
60
COUR DES COMPTES
Tableau n° 4 : Évolution des crédits ouverts sur le programme 360
(en Md
)
Décomposition
Crédits LFR 3
pour 2020
Décomposition des crédits
LFR 4 pour 2020
TOTAL
Réévaluation
de la prévision
de la LFR 3
Nouvelles
mesures
sanitaires
septembre -
décembre
2020
Exonérations
2,3
1,2
1,8
5,3
Employeurs
2,3
0,3
1,2
3,8
Travailleurs
indépendants
-
0,8
0,5
1,4
Artistes-auteurs
-
0,1
Aide au paiement
1,6
0,1
1,3
3,0
TOTAL
3,9
1,3
3,0
8,2
Source : DSS
Les crédits ouverts en LFR 3 ont été majorés à hauteur de 0,4 Md
pour les employeurs et de 0,9 Md
au titre des travailleurs indépendants et
des artistes-auteurs, dont le besoin budgétaire n’avait pas été pris en compte
au stade de la LFR 3, soit 1,3 Md
au total. S’agissant des employeurs, la
révision reposait sur les données de masse salariale et de cotisations
liquidées arrêtées au 1
er
septembre, ainsi que les modifications de
répartition des secteurs S1 et S1 bis ; l’hypothèse de 50 % d’employeurs
éligibles en S1 bis a été reconduite.
La LFR 4 a pris en compte les prévisions relatives aux dispositifs
inscrits en LFSS 2021 pour les employeurs, les travailleurs indépendants
et les artistes-auteurs pour un montant total de 3 Md
. Ces prévisions
reposent à nouveau sur les données de cotisations et de masse salariale de
l’année 2019, sur la période septembre-décembre, avec toutefois une
hypothèse conventionnelle de baisse de la masse salariale liée à l’activité
partielle de 30 %. Compte tenu des critères d’interdiction d’accueil du
public ou de baisse de chiffre d’affaires, des hypothèses de 50 %
d’employeurs éligibles en S1 et de 30 % en S1 bis ont été retenues, ce qui
a conduit à un montant estimé de 2,1 Md
au titre de l’ensemble des
employeurs relevant des secteurs S1 et S1 bis. Pour les employeurs des
secteurs S2, les prévisions tenaient compte de moindres interdictions
d’accueil du public, de l’extension des secteurs S1 bis et, en sens inverse,
du relèvement du seuil de 10 à 50 salariés, soit 0,4 Md
pour deux mois.
En l’absence de données fiabilisées, ces prévisions ne prenaient pas en
compte la part des employeurs affiliés à la MSA, les effets de cette
exclusion restant limités.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
61
Compte tenu de l’ensemble des délais de mise en
œ
uvre des mesures
votées, et des consommations constatées en octobre, la budgétisation au
mois de novembre en LFR 4 de 4,3 Md
supplémentaires, en AE et en CP,
au titre de l’année 2020, soit une augmentation de 110 % du programme
360 un mois avant la clôture budgétaire, apparaît très volontariste.
De fait, ces 4,3 Md
de dépenses supplémentaires n’ont pas été
effectuées en 2020. Selon la direction de la sécurité sociale, l’absence de
consommation des crédits correspondants a trois motifs :
- le décalage dans l’application des mesures pour ce qui concerne
les travailleurs indépendants et les artistes auteurs, qui déclareront leurs
revenus professionnels en mai 2021 ;
- les montants que déclareront les employeurs à partir de mars
2021 au titre du deuxième confinement ou, avec retard, du premier ;
- la disponibilité des crédits de la LFR 4, dont le calendrier, trop
resserré, ne permettait pas de prévoir des versements d’ici le 31 décembre
2020.
Ces divers éléments pouvaient cependant être anticipés à la date du
dépôt du projet de loi de finances rectificative, soit le 4 novembre 2020. En
particulier, le besoin de financement au titre des travailleurs indépendants
et des artistes-auteurs (1,4 Md
au total) était positionné sur l’année 2021 ;
s’agissant des employeurs, les crédits ouverts au titre des nouvelles
mesures sanitaires de septembre-décembre 2020 (1,3 Md
) anticipaient des
déclarations à intervenir à compter de janvier 2021.
De fait, le versement dès 2020 à l’Acoss et à la CCMSA des crédits
ouverts en LFR 4 aurait entraîné un surfinancement en trésorerie de ces
organismes encore plus important que celui qui a résulté du versement
intégral en leur faveur des crédits ouverts par la LFR 3 (voir
infra
).
2.4.3 Une exécution sous forme d’avance aux organismes
sociaux, limitée aux crédits de la LFR 3
La totalité des 3,9 Md
de crédits ouverts par la LFR 3 a été versée
à l’Acoss et à la CCMSA avant le 31 décembre 2020 à titre d’avances,
suivant un calendrier anticipé par rapport à la constatation par l’Acoss et
par la CCMSA des moindres encaissements de prélèvements sociaux
imputables aux exonérations et à l’aide au paiement.
Pour les exonérations, 2,3 Md
ont été versés à l’Acoss et à la
CCMSA (dont respectivement 2,185 Md
et 115 M
) en trois fois : 1 Md
le 30 octobre, 1 Md
le 13 novembre et 300 M
le 15 décembre.
62
COUR DES COMPTES
Une convention du 23 octobre 2020 entre la DSS, la direction du
budget (DB), l’Acoss, la CCMSA et d’autres organismes sociaux
42
a
chargé l’Acoss et la CCMSA de centraliser les versements des avances de
l’État et de les répartir entre les différents attributaires sur la base d’une clé
prévisionnelle de répartition fournie par la DSS. Chaque organisme
attributaire établit
a posteriori
la facturation à l’État sur la base des
montants constatés.
Tableau n° 5 : répartition entre organismes des crédits budgétaires
versés à titre d’avance pour la compensation des exonérations
Source : DSS
Pour l’aide au paiement, un arrêté du 29 octobre 2020 pris par la
DSS a planifié le versement de 1,6 Md
de crédits budgétaires avant le
31 décembre 2020 : 1 504 M
versés en trois fractions égales pour l’Acoss
le 30 octobre, le 13 novembre et le 15 décembre ; 96 M
l’ont été à la
CCMSA le 30 octobre. L’Acoss et la CCMSA assurent à leur niveau la
répartition entre les régimes et les autres attributaires sociaux des crédits
versés par l’État en fonction de l’aide au paiement utilisée par les
bénéficiaires de cette mesure.
2.4.4 Une utilisation importante du dispositif, mais moindre
qu’anticipé
Le graphique ci-après a pour objet de représenter la situation en
trésorerie du dispositif de compensation des exonérations et de l’aide au
paiement. Au 31 décembre 2020, 8,2 Md
de crédits ont été ouverts au total
par les LFR 3 et LFR 4 ; 3,9 Md
de crédits (l’intégralité de ceux ouverts
42
L’établissement national des invalides de la marine (ENIM), la caisse
d’amortissement de la dette sociale (CADES), le fonds national d’aide au logement
(FNAL), la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et l’Unédic.
Attributaire
Quote part
Montant
30-oct
13-nov
15-déc
MSA
5,00%
115 000 000,00
50 000 000,00
50 000 000,00
15 000 000,00
ENIM
0,07%
1 500 000,00
652 173,91
652 173,91
195 652,18
CNAM
25,95%
596 750 550,00
259 456 760,87
259 456 760,87
77 837 028,26
CNAM AT
0,16%
3 711 950,00
1 613 891,31
1 613 891,30
484 167,39
CNAF
12,79%
294 117 450,00
127 877 152,17
127 877 152,18
38 363 145,65
CNAV
38,74%
891 086 350,00
387 428 847,83
387 428 847,83
116 228 654,34
CNSA
1,09%
25 110 250,00
10 917 500,00
10 917 500,00
3 275 250,00
FNAL
1,20%
27 512 100,00
11 961 782,61
11 961 782,61
3 588 534,78
Unédic
15,01%
345 211 350,00
150 091 891,30
150 091 891,30
45 027 567,40
Total
100,00%
2 300 000 000
1 000 000 000
1 000 000 000
300 000 000
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
63
par la LFR 3) a été versé à l’Acoss et à la CCMSA. Mais les moindres
encaissements
de
prélèvements
sociaux
imputable
aux
mesures
d’exonération et d’aide au paiement ne dépassent pas 2,3 Md
(dont
1 276,5 M
pour les exonérations et 1 001,4 M
pour l’aide au paiement).
De ce fait, au 31 décembre 2020, le dispositif était sur-financé, en
trésorerie, de 1,6 Md
par rapport aux crédits versés et de 5,9 Md
par
rapport aux crédits ouverts.
Graphique n° 14 : situation de trésorerie des allègements de
cotisations sociales Covid en 2020 (en M
cumulés)
Source : Cour des comptes
* Selon les échéanciers et arrêté communiqués par la DSS
** Données Acoss. Montants d’aide au paiement imputé sur les sommes dues par les cotisants sur
les mois de 2020. Au 31 décembre 2020, 1 Md
d’aide au paiement avait été effectivement imputé
par l’Acoss sur les sommes dues par les cotisants pour 1,6 Md
déclarés.
*** Données Acoss. Montants d’exonérations déclarées par les cotisants, dont 9 M
au titre de la
CCMSA imputé au 31 décembre 2020.
64
COUR DES COMPTES
Le manque à gagner en trésorerie de 2,3 Md
de prélèvements
sociaux pour les organismes sociaux, avant compensation par l’État, ne
représente cependant qu’une partie du coût des dispositifs d’exonération et
d’aide au paiement au titre de l’année 2020.
En effet, il n’intègre pas les déclarations d’exonérations et d’aide au
paiement effectuées par les employeurs à compter du 1
er
janvier 2021 au
titre de périodes d’activité travaillées en 2020 (période de décembre 2020,
retards de déclaration de périodes antérieures à décembre 2020), ni les
aides au paiement déclarées avant le 31 décembre 2020, mais qui n’ont pas
trouvé à s’imputer sur des dettes de prélèvements sociaux à cette date.
Dans la version définitive des comptes de l’exercice 2020 des
organismes de sécurité sociale, arrêtée au 15 mars 2021, qui intègre les
déclarations effectuées par les employeurs de salariés jusqu’en février 2021
compris
43
, la consommation constatée par l’Acoss au titre de périodes
d’emploi de l’année 2020 s’élève à 3,55 Md
: 2,15 Md
pour l’aide au
paiement des cotisations et contributions et 1,4 Md
pour les exonérations
de cotisations patronales.
Les éléments d’analyse qui suivent, transmis par la direction de la
sécurité sociale, portent sur des montants moins élevés, car n’incluant pas
les déclarations effectuées en février au titre de périodes 2020.
A fortiori
,
ils n’intègrent pas non plus celles de mars, dans lesquelles les employeurs
avaient pour consigne de déclarer les exonérations et l’aide au paiement
relatives à la période du deuxième confinement.
43
Les déclarations de janvier et février intègrent la période d’activité de décembre 2020. Les
cotisants étaient invités à déclarer l’exonération et l’aide au paiement au titre du deuxième
confinement à partir de la déclaration de mars 2021.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
65
Tableau n° 6 : montants déclarés par les employeurs de salariés au
titre du premier confinement – par secteur d’activité défini pour
l’application des mesures d’exonération et d’aide au paiement
44
:
en M
Aide au
paiement
Exonérations
Total
Soit
S 1
1 091
911
2 002
65%
S 1bis
160
148
308
10%
S 2
179
108
287
9%
Autres
245
220
465
15%
Total
général
1 675
1 387
3 062
100%
Source : Acoss – données provisoires issues des DSN effectuées en 2020 et en janvier 2021
Tableau n° 7 : montants déclarés par les employeurs de salariés au
titre du premier confinement - selon la taille des entreprises
45
:
Salariés
Aide au
paiement +
exonérations
Soit
Aide au
paiement
Soit
Exoné-
rations
soit
0-9
1 256
41%
772
46%
483
35%
10-19
452
15%
244
15%
208
15%
20-49
613
20%
314
19%
299
22%
50-99
339
11%
162
10%
177
13%
100-249
358
12%
154
9%
204
15%
> 250/
autres
45
1%
28
2%
17
1%
Total
3 062
100%
1675
100%
1387
100%
Source : Acoss – données provisoires issues des DSN effectuées en 2020 et en janvier 2021
44
La répartition entre catégories « S1 », « S1 bis » et « S2 » est faite sur la base de listes de codes
NAF qui ne peuvent être exhaustives étant donné l’absence de correspondance complète entre les
activités éligibles et le nomenclature Insee et l’absence de liste limitative d’activités pour les
secteurs « S2 ». Les activités catégorisées comme « autres » se répartissent pour l’essentiel entre
les secteurs S1 bis et S2.
45
Certaines déclarations faites par des entreprises de plus de 250 salariés sont en cours d’analyse
par l’Acoss et donneront lieu, le cas échéant, à des actions visant à s’assurer de l’éligibilité des
établissements.
66
COUR DES COMPTES
Graphique n° 15 : montants déclarés par les employeurs de salariés
au titre du premier confinement – par secteur d’activité
professionnelle
Graphique n° 16 : montants déclarés par les employeurs de salariés
au titre du premier confinement – par taille d’entreprise (nombre de
salariés)
Source : Acoss – données provisoires issues des DSN effectuées en 2020 et en janvier 2021
IZ-
Hébergement
et restauration
1038
34%
GZ-Commerce ;
réparation d'automobiles
et de motocycles
409
13%
Culture et
loisirs
565
19%
Autres
1050
34%
[0-10[
1 256
41%
[10 - 20[
452
15%
[20 - 50[
613
20%
[50 -100[
339
11%
[100 - 250[
358
12%
> 250/ autres
45
1%
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
67
Une représentation plus complète de la consommation des
exonérations et de l’aide au paiement par les bénéficiaires de ces mesures
au titre des périodes d’activité de l’année 2020 ne sera disponible que
courant 2021, après qu’aient été exploitées les DSN effectuées en février
2021 (intégrées aux comptes des organismes sociaux de l’exercice 2020)
et mars 2021 et déterminées les réductions de prélèvements sociaux
applicables aux travailleurs indépendants et aux artistes-auteurs, à la suite
de la déclaration de leurs revenus professionnels en mai 2021.
2.4.5 Un contrôle de la dépense qui reste à déployer
Afin d’en permettre la déclaration par les employeurs, de nouvelles
rubriques déclaratives, dites
codes type de personnel
(CTP), ont été créées
par l’Acoss et implantées par les éditeurs de logiciels dans les déclarations
sociales nominatives (DSN) des employeurs : le code 667 pour déclarer le
montant agrégé d’exonérations et le code 051 pour déclarer le montant
agrégé d’aide au paiement.
Au stade de la gestion courante par les Urssaf des données déclarées
par les cotisants, l’environnement de contrôle de l’application des
exonérations et de l’aide au paiement est insuffisant, sinon défaillant.
Ainsi, l’éligibilité des secteurs d’activité aux aides fait l’objet de
contrôles seulement ponctuels au stade des déclarations. La vérification
automatisée du respect du plafond d’effectifs de 250 salariés par entreprise
n’est assurée qu’au niveau de l’établissement, et non de l’entreprise (qui
peut compter plusieurs établissements). Il n’est pas effectué de contrôle
automatisé sur l’effectif des cotisants du secteur « S2 » (soit 10 salariés
pour le premier confinement et 50 salariés pour le second confinement), ni
sur la baisse de chiffre d’affaires des cotisants du secteur « S1bis » (-50 %
par rapport à la même période de l’année précédente). Les périodes
d’emploi du secteur dit « S2 », plus courtes que celles des secteurs « S1 »,
ne font pas non plus l’objet de contrôles automatisés.
En outre, les Urssaf commettent parfois des erreurs quand elles
ventilent les sommes déclarées par les cotisants entre la réduction générale
de cotisations, non compensée par le budget de l’État et les exonérations
Covid, qui le sont.
Par ailleurs, la première campagne de fiabilisation par les Urssaf des
données déclarées par les cotisants, lancée fin novembre 2020, porte
uniquement sur trois critères (entreprises de plus de 249 salariés, forme
juridique incompatible avec le dispositif, somme des exonérations et de
l’aide au paiement dépassant 800 k
par entreprise), ce qui ne permet pas
de circonscrire les risques de déclaration d’exonérations ou d’aide au
paiement par des cotisants inéligibles.
68
COUR DES COMPTES
Au moment des constats de la Cour, la prise en compte par le réseau
des Urssaf des critères d’éligibilité aux exonérations et à l’aide au paiement
parmi les critères de sélection des cotisants soumis à des contrôles de
l’assiette des prélèvements sociaux qu’ils ont déclarée n’était pas arrêtée.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
69
3
PERSPECTIVES BUDGETAIRES DE LA
MISSION
La mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
était annoncée
comme temporaire à sa création en mars 2020. L’évolution de la situation
sanitaire a conduit à la prolongation en 2020 puis 2021 des dispositifs de
soutien mis en place, et donc de la mission budgétaire qui les finance. La
prolongation de cette mission suscite une interrogation sur la lisibilité des
dépenses de soutien aux entreprises en 2021, dont une partie relève
désormais de la nouvelle mission « Plan de relance » mais aussi d’autres
missions du budget général.
La forte sous-exécution des crédits de la mission en 2020
(28,8 Md
) résulte, en particulier, d’une ouverture de crédits en toute fin
d’année particulièrement élevée au vu des ressources disponibles et
prévisions de dépenses disponibles à cette date.
Cette sous-consommation a conduit à des reports de crédits massifs
de 2020 sur 2021 (28,8 Md
, soit la totalité des crédits non consommés),
dont une partie est destinée à financer des mesures ou décisions prises en
2021, alors même que la loi de finances initiale pour 2021 n’a ouvert aucun
crédit sur trois des quatre programmes de la mission. De plus, une partie
de ces reports (6,6 Md
) entraîne des changements d’affectation de crédits
entre programmes de la mission.
3.1
Une mission temporaire qui se prolonge en
2021, en parallèle de la création de la mission
Plan de relance
Les dispositifs d’activité partielle, de fonds de solidarité,
d’exonérations de cotisations mis en place en cours d’année ont été
prolongés jusqu’à la fin de l’année 2020 et sur les premiers mois de l’année
2021. De même, d’autres prises de participations exceptionnelles
pourraient intervenir dans les prochains mois afin de soutenir les
entreprises des secteurs stratégiques particulièrement touchées par la crise.
Dans ce contexte, la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
a été
prolongée en 2021, notamment pour permettre le paiement des reliquats de
dépenses 2020, mais aussi les dépenses liées à la gestion 2021.
Cette mission avait été créée en 2020 pour centraliser les dépenses
de soutien aux entreprises dans le cadre de la crise, entraînant pour certains
dispositifs des versements intermédiaires aux acteurs directement chargés
de soutenir les entreprises. En revanche, en 2021, les dépenses de soutien
70
COUR DES COMPTES
aux entreprises touchées par la crise seront portées par plusieurs missions.
La LFI pour 2021 crée une nouvelle mission
Plan de relance
, dotée de
36,2 Md
en AE et 21,8 Md
en CP, qui comporte notamment un
programme
Compétitivité
destiné aux entreprises. De plus, d’autres
mesures du plan de relance (28 Md
), reposant sur des vecteurs
ad hoc
comme les garanties ou les investissements d’avenir, sont portées par
d’autres missions, notamment dans le domaine du développement des
entreprises ou du soutien à l’emploi.
Si la prolongation de la mission
Plan d’urgence
pour payer les
reliquats de dépenses 2020 n’apparaît pas discutable, la coexistence de
supports budgétaires multiples ayant pour objectif de soutenir les
entreprises dans un contexte de crise sanitaire fait peser un risque sur la
lisibilité des dépenses correspondantes. Une prolongation de cette mission
dans la durée devrait également entraîner une réflexion sur la pertinence de
son exclusion de la norme de dépenses pilotables de l’État.
Dans ce contexte, il importera de mettre en extinction la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
dès qu’elle ne visera plus à financer
des dépenses directement liées à des mesures de restriction d’activité
imposées aux entreprises.
3.2
Des ouvertures de crédits très élevées fin 2020,
des prévisions budgétaires manquant de
réalisme
Le contexte de forte incertitude sur l’évolution de la situation
sanitaire et du niveau d’activité contribue à expliquer le choix d’une très
large ouverture de crédits sur la mission pour éviter toute rupture dans le
paiement des aides. Toutefois, au regard des informations disponibles en
novembre 2020 tant sur les prévisions de dépenses que sur la
consommation des crédits déjà ouverts, le niveau des crédits ouverts en
LFR 4 apparait très élevé.
À compter d’avril, comme indiqué supra dans le graphique n°7, les
ressources disponibles sur la mission, ont été, de manière continue, très
supérieures aux dépenses (disponible budgétaire compris entre 25 et
37 Md
selon les mois). À fin novembre 2020, les ressources de la mission
s’élevaient à 53,4 Md
avant abondement de la LFR 4, pour des dépenses
de
34,8 Md
.
Hors
programme
358
Participations
financières
exceptionnelles
, les ressources de la mission atteignaient 33,5 Md
, pour
des dépenses de 27,3 Md
en AE et 26,5 Md
en CP, soit un disponible de
plus de 6 Md
.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
71
La LFR 4 a ouvert au 30 novembre 2020, soit un mois avant la fin
de la gestion 2020, 17,2 Md
sur les trois programmes 356
Activité
partielle
(+2,1 Md
), 357
Fonds de solidarité
(+10,8 Md
) et 360
Compensation des exonérations
(+4,3 Md
). Cette budgétisation apparaît
particulièrement élevée pour les trois programmes concernés.
Pour le programme 356
Activité partielle
, l’ouverture des crédits de
la quatrième LFR reposait sur une hypothèse de recul du PIB de - 11 %, et
sur les hypothèses de dépenses les plus prudentes (modèle de la DG
Trésor). La chute du PIB moins marquée que prévu en 2020 explique en
partie la sous-consommation des crédits. Cependant, elle résulte aussi
largement de l’ouverture de crédits supplémentaires en LFR 4, alors que
les mesures de restriction prises lors du confinement d’automne avaient un
impact moins important que prévu sur la baisse de l’activité. Les
informations disponibles courant novembre tant sur le cumul des dépenses
de l’année que sur la dynamique des dépenses d’octobre et novembre ne
justifiaient pas un tel niveau d’ouverture de crédits en LFR 4. Comme
indiqué
supra
(graphique n°8), les crédits ouverts en LFR 2 auraient suffi
à financer l’ensemble des demandes d’indemnisation déposées en 2020.
Pour le programme 357
Fonds de solidarité
, un abondement était
nécessaire pour couvrir les dépenses de fin d’année, son solde budgétaire à
fin novembre s’élevant à 1,3 Md
avant la LFR 4. Le montant des crédits
ouverts (10,8 Md
) apparaît en revanche très élevé alors que les prévisions
de dépenses des administrations s’établissaient à 5 Md
pour les aides de
novembre (confinement), versées en décembre. Les aides de décembre
(couvre-feu) étaient quant à elles estimées à 3,5 Md
, mais elles ne
pouvaient être versées qu’en 2021 (à mois échu). Les dépenses budgétaires
du mois de décembre 2020 s’établissent finalement à 4,3 Md
, en
cohérence avec l’estimation, même prudente, des administrations, mais très
en-dessous du niveau des crédits ouverts. Cette situation aboutit, comme
pour les autres programmes de la mission, à un niveau élevé de crédits non
consommés (7,9 Md
).
Pour le programme 360
Compensation des exonérations
, les
ouvertures de crédits réalisées en LFR 4 (4,3 Md
) correspondent à la
réévaluation des crédits ouverts au titre du premier confinement (1,3 Md
)
et au financement des mesures nouvelles de septembre-décembre 2020
(3 Md
). Compte tenu des délais de mise en
œ
uvre des mesures votées, et
des consommations constatées en octobre, l’ouverture de ces crédits un
mois avant la clôture budgétaire apparaît particulièrement élevée. De fait,
ces 4,3 Md
de crédits supplémentaires n’ont pas été versés en 2020.
72
COUR DES COMPTES
Sur ces trois programmes, le montant des crédits non consommés au
31 décembre 2020 atteint 17,1 Md
, soit le montant des crédits ouverts en
LFR 4 (17,2 Md
). Cette sous-consommation des crédits en fin d’année
reflète, au-delà des incertitudes liées à la crise sanitaire, un manque de
réalisme des prévisions budgétaires.
3.3
Des reports de crédits sur 2021 d’un montant
inédit contraires au principe d’annualité
budgétaire
La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit, dans
son article 15, le plafonnement du report des crédits de paiements à hauteur
de 3 % des crédits initiaux. Ce plafond peut toutefois être majoré par une
disposition de loi de finances.
La loi de finances initiales pour 2021, dans son article 102, a
déplafonné intégralement
46
les reports de crédits de 51 programmes
budgétaires, dont les quatre programmes de la mission
Plan d’urgence face
à la crise sanitaire
. En outre, elle n’a prévu aucun crédit pour trois des
quatre programmes de la mission si bien qu’en réalité, une partie des
reports (et donc de la surbudgétisation de la quatrième loi de finances
rectificative) est destinée à financer des mesures relevant de l’année 2021.
Or, au moment des décisions sur la LFR 4, il était encore possible
d’abonder le projet de loi de finances 2021, encore en discussion, et en
particulier la mission
Plan d’urgence
, comme cela a été fait au demeurant
pour le programme 357
Fonds de solidarité.
La LFR 4 a donc été utilisée
pour contribuer à financer la gestion 2021. Le recours excessif aux reports
de crédits conduit à une certaine confusion des exercices budgétaires et
constitue une entorse au principe d’annualité budgétaire. Les analyses par
programme confirment l’observation ici formulée au niveau de la mission.
La totalité des crédits non consommés sur la mission au
31 décembre 2021, soit 28,8 Md
, a été reportée de 2020 sur 2021.
La direction du budget, tout en rappelant que le déplafonnement de
ces reports repose sur une disposition de loi de finances, convient que la
consommation en 2021 de ces crédits reportés constitue un défaut
d’information sur l’équilibre de la LFI pour 2021.
46
Reports de crédits de paiement limités au total des crédits ouverts par les lois de
finances 2020.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
73
De plus, sur les crédits reportés, 6,6 Md
correspondent à des reports
« croisés » : il s’agit de crédits non consommés en 2020 sur les
programmes 356
Activité partielle
(2,3 Md
) et 360
Compensation des
exonérations
(4,3 Md
), reportés en 2021 non pas sur ces mêmes
programmes mais vers le programme 357
Fonds de solidarité
.
La LOLF autorise les reports « sur le même programme ou, à défaut,
sur un programme poursuivant les mêmes objectifs »
47
. Les programmes
de la mission
Plan d’urgence
et les dispositifs qu’ils financent se
poursuivant en 2021, ces conditions ne semblent pas réunies, d’autant plus
que les politiques conduites par les trois programmes ne sont pas
identiques. Ces reports croisés, entre programmes budgétaires poursuivant
des objectifs différents, constituent une entorse au principe de spécialité
budgétaire.
Cette situation est amplifiée par le volume des crédits reportés,
compte tenu du déplafonnement des reports de 2020 sur 2021. Ils
conduisent à des mouvements réglementaires très importants, dans un
cadre pluriannuel et hors information formalisée du Parlement. Si les
crédits avaient été ouverts en LFI pour 2021, les mouvements en cause
auraient nécessité un décret d’avance voire une LFR.
3.3.1 Programme 356
Activité partielle
: des reports sur 2021
qui financent de nouvelles mesures, la prolongation du
dispositif exceptionnel mais aussi le fonds de solidarité
3.3.1.1 Un premier report pour financer deux nouvelles mesures
Le programme 356 avait pour objet de financer le dispositif
d’activité partielle au titre de l’année 2020, le programme 364
Cohésion
de
la mission
Plan de relance
devant prendre le relais pour le financement de
l’activité partielle et de l’activité partielle de longue durée au titre de
l’année 2021 : 4,4 Md
ont été ouverts par la LFI à ce titre pour un coût
total estimé de l’activité partielle en 2021, incluant la part Unédic, de
6,6 Md
.
Les demandes d’indemnisation de l’activité partielle au titre de 2020
pouvant être déposées en 2021, le financement de celles-ci était prévu par
reports de crédits du programme 356 sur l’année 2021 et aucune ouverture
de crédits n’a été prévue par le LFI 2021 pour le programme 356.
47
LOLF, article 15-II.
74
COUR DES COMPTES
Un amendement du Gouvernement adopté lors de la discussion du
projet de loi de finances 2021 le 16 décembre 2020 a cependant étendu les
dispositifs financés par le programme 356 afin de financer deux nouvelles
mesures instituées à la fin de l’année 2020 :
- l'aide exceptionnelle accordée aux entreprises accueillant du public
au titre des congés payés pris par leurs salariés entre le 1er et le 20 janvier
2021 (décret n°2020-1787 du 30 décembre 2020) ;
- la prime exceptionnelle de l'État à destination de certains
demandeurs d'emploi affectés par les conséquences économiques et
sociales de la crise sanitaire (décret n° 2020-1785 du 30 décembre 2020).
Cette prime permet aux demandeurs d’emploi dits « permittents »
48
, qui
avaient travaillé plus de 60 % du temps en 2019, de recevoir une aide
financière leur garantissant un revenu mensuel de 900 euros pour les mois
de novembre 2020 à février 2021.
Cette extension du périmètre du programme est proposée par un
simple changement de nom
49
, comme le montre l’exposé des motifs de
l’amendement cité intégralement ci-après :
« Le présent amendement modifie le nom du programme 356 de la
mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
afin de le mettre en
conformité avec l’évolution de la spécialité du programme. Le programme
356 financera en effet en 2021 deux dispositifs de soutien aux employeurs
et aux actifs particulièrement fragilisés dans le cadre de la crise :
- la prise en charge d’une fraction des congés payés des salariés,
dans la limite de 10 jours de congés payés pris sur la période du 1er au
20 janvier 2021, des établissements dont l’activité a été interrompue
partiellement ou totalement durant au moins 140 jours en 2020 ou dont
l’activité a été réduite de plus de 90 % (baisse du chiffre d’affaires) pendant
les périodes en 2020 où l’état d’urgence sanitaire était déclaré ;
- l’aide exceptionnelle aux actifs « permittents », saisonniers ou
extras permettant une garantie de ressources de 900
jusque février 2021,
pour ceux qui ont travaillé 210 jours et plus en 2019 et qui n’ont pas pu
travailler suffisamment en 2020 pour recharger leurs droits à l’allocation
chômage.
48
Salariés en activité réduite, alternant les contrats courts tout en restant inscrits sur les
registres de Pôle Emploi (« extras » dans les restaurants, hôtes d’accueil dans les salons
professionnels, etc.).
49
Nouveau nom :
Prise en charge du chômage partiel et financement des aides
d'urgence aux employeurs et aux actifs précaires à la suite de la crise sanitaire.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
75
Ces dispositifs feront l’objet d’actions dédiées au sein du
programme 356, dont l’intitulé évolue en conséquence. Au vu des
prévisions de décaissement au titre de l’activité partielle et des reports
prévisionnels de crédits de 2020 vers 2021, le financement de ces
dispositifs est prévu sans modification de l’enveloppe initialement inscrite
sur le programme ».
Avant la fin de l’année 2020, l’arrêté de report du 24 décembre 2020
du ministre des finances a reporté 1,5 Md
de crédits 2020 en AE/CP sur
l’année 2021 pour financer ces deux mesures.
Si le vote de cet amendement permet formellement l’extension du
périmètre du programme 356, et rend possible ce report de crédits,
l’information apportée aux parlementaires est lacunaire et ne permet pas
d’identifier les montants financiers en jeu.
En outre, il s’agit de financer, à partir de reports de crédits ouverts
au titre de l’année 2020, de nouveaux dispositifs annoncés à la fin de
l’année 2020 et mis en place en 2021, ce qui peut être considéré comme ne
respectant pas le principe d’annualité budgétaire.
Une inscription de ces crédits en LFI 2021 aurait au contraire permis
d’apporter les justifications financières nécessaires, tout en s’inscrivant
dans un calendrier compatible avec les versements envisagés.
Selon la DGEFP, la prime « permittents » pourrait concerner
450 000 personnes pour un coût de l’ordre de 500 M
. Les crédits seront
versés à Pôle emploi qui est en charge du versement de l’aide aux
bénéficiaires (330 M
ont déjà été versés à Pôle emploi en janvier). Le coût
de la deuxième mesure est évalué à 200 M
.
Le 15 février 2021, la ministre du travail, de l’emploi et de
l’insertion a annoncé la prolongation de la prime exceptionnelle pour les
« permittents » pour les mois de mars à mai 2021. Le coût total de cette
prime est estimé à 1,2 Md
.
3.3.1.2 Un report de l’intégralité du reste des crédits non consommés
pour financer la poursuite du dispositif exceptionnel en 2021
mais aussi les indemnisations du fonds de solidarité au titre de
2021
Dans les hypothèses retenues dans le projet de loi de finances pour
l’année 2021, le dispositif exceptionnel d’activité partielle, avec les taux
d’indemnisation majorés, ne devait plus être actif en 2021. Ainsi, la
mission
Plan d’urgence
devait financer uniquement les restes à payer du
dispositif exceptionnel d’activité partielle au titre de l’année 2020 par les
reports, tandis que le programme 364 de la mission
Plan de relance
devait
76
COUR DES COMPTES
financer l’activité partielle avec les taux minorés (prévue initialement à
partir du 1
er
novembre 2020 et désormais à partir du 1
er
mai 2021) et
l’activité partielle de longue durée.
La DGEFP avait indiqué qu’elle souhaitait demander le report de
l’intégralité du reste des crédits non consommés, soit 21 % de l’enveloppe
des crédits ouverts, comme le permet exceptionnellement l’article 102 de
la LFI 2021 qui supprime le plafond de 3 % des crédits reportables pour le
programme 356. Finalement, sur les 4,8 Md
de crédits non utilisés sur le
programme 356 au 31 décembre 2020, 2,5 Md
ont été reportés sur ce
même programme en 2021, et 2,3 Md
sur le programme 357
Fonds de
solidarité
.
Compte tenu de la prolongation des taux majorés de l’activité
partielle, les principes suivants avaient été définis :
- programme 103 de la mission
Travail et emploi
: financement des
restes à payer sur des demandes d’autorisation préalables antérieures au 1er
mars 2020;
- programme 356 de la mission
Plan d’urgence face à la crise
sanitaire
: dépenses d'activité partielle « de crise » sur taux majorés
(allocation versée aux employeurs supérieure à 36 % du salaire brut des
salariés) et activité partielle de longue durée sur des heures chômées
antérieures à 2021 ;
- programme 364 de la mission
Plan de relance
: activité partielle
avec taux minorés (60 % du salaire brut pour les salariés, 36% pour les
employeurs) et activité partielle de longue durée sur heures chômées à
partir de 2021.
Compte tenu du niveau des reports croisés vers le programme 357
et de la poursuite des taux majorés, au moins jusqu’à fin avril 2021, il n’est
pas certain que les reports de crédits du programme 356 permettent de
couvrir l’ensemble des charges du dispositif exceptionnel d’activité
partielle en 2021.
Ainsi, la gestion du programme 356 correspond à la volonté de
constituer, grâce aux crédits d’urgence non dépensés en 2020, une réserve
de 2,5 Md
qui sera dépensée au cours des premiers mois de 2021.
Cette situation affecte le principe d’annualité budgétaire, d’autant
que près de la moitié des crédits non consommés en 2020 (2,3 Md
) sont
reportés sur 2021 pour financer un dispositif autre que celui de l’activité
partielle.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
77
Enfin, puisqu’il n’était pas précisé dans le projet de loi de finances
2021 que le programme 356 allait continuer à financer l’activité partielle
en 2021, il aurait pu être précisé dans le rapport annuel de performances du
programme 356 les principes d’utilisation des crédits du programme 356
en 2021 ainsi que les masses financières en jeu, ce qui n’est pas le cas.
3.3.2 Programme 357
Fonds de solidarité
: des crédits
reportés sur 2021 qui ne financent qu’en partie les
reliquats de dépenses 2020
La DGFiP a demandé le report de l’intégralité des crédits non
consommés sur le programme 357
Fonds de solidarité
, soit 7,9 Md
.
L’arrêté de report correspondant a été publié le 27 janvier 2021, ces crédits
s’ajoutant aux 5,6 Md
ouverts sur le programme en LFI pour 2021. De
plus, par arrêté du 18 mars 2021, un report complémentaire de 6,6 Md
a
été réalisé sur le programme en 2021, à partir de crédits non consommés
des programmes 356
Activité partielle
(2,3 Md
) et 360
Compensation des
exonérations
(4,3 Md
).
Fin 2020, la DGFiP avait motivé sa demande de report en indiquant
que ces crédits avaient vocation à couvrir en partie les reliquats de dépenses
2020. Or, les données disponibles à date montrent que ce reliquat
(différence, compte-tenu du décalage d’un mois, entre les dépenses au titre
de 2020, soit 15,9 Md
, et les dépenses budgétaires 2020, soit 11,8 Md
)
ne s’élève qu’à 4,1 Md
. Bien que les dépenses au titre de 2020 aient
encore vocation à légèrement progresser compte-tenu du délai dont
bénéficient les entreprises pour déposer leur demande, les crédits reportés
sur 2020 excèdent sensiblement le niveau des reliquats de dépenses 2020.
Le ministère de l’économie communiquait, d’ailleurs, sur un montant de
3,5 Md
pour les aides de décembre 2020 (dont le paiement intervient en
2021). Ce constat est renforcé par les 6,6 Md
de reports de crédits
effectués à partir des programmes 356
Activité partielle
et 360
Compensation des exonérations
.
Sur les 14,5 Md
de crédits reportés de 2020 sur 2021, près des trois
quarts a donc vocation à financer des mesures nouvelles décidées en 2021
(prolongation des aides actuelles, mise en place de la prise en charge des
coûts fixes), le fonds de solidarité ayant été prolongé jusqu’au 30 juin
2021
50
.
50
Décret 2021-129 du 8 février 2021.
78
COUR DES COMPTES
3.3.3 Programme 358 : des reports pour financer d’autres
possibles opérations de renforcement des fonds propres
Sur les 20 Md
de crédits ouverts en LFR 2, seuls 8,304 Md
ont
effectivement été consommés par le programme 358. Les 11,696 Md
de
crédits non consommés ont été reportés sur 2021.
Graphique n° 17 : crédits ouverts, crédits consommés et reports
(en M
, en CP)
Source : Cour des comptes d’après Chorus et APE
Avec 20 Md
de crédits ouverts et seulement 8,304 Md
consommés au titre de 2020, le programme 358 s’inscrit dans le constat
plus large de sous-exécution budgétaire au niveau de la mission
Plan
d’urgence
.
Toutefois, l’analyse de cette sous-exécution sous l’angle des
participations financières de l’État est complexe. En effet, appeler l’aide de
l’État sur les fonds propres ou quasi fonds propres donne pour une
entreprise un signal négatif, l’État étant considéré comme intervenant en
dernier ressort. Les entreprises cherchent donc à retarder autant que
possible l’appel au programme 358 et à utiliser avant cela l’ensemble de
l’éventail des aides disponibles. De plus, au début du premier confinement,
les entreprises ont cherché à faire face aux difficultés de trésorerie en
élevant, parfois de façon significative, leur niveau d’endettement
51
. Ce
51
Soit par les instruments proposés par l’Etat type PGE soit sur les marchés, grâce
notamment à l’abondance de liquidités liée aux programmes d’achats de l’Eurosystème.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
79
niveau d’endettement des entreprises, désormais historiquement élevé,
risquent de pousser ces dernières à renforcer leurs niveaux de fonds propres
pour retrouver des structures bilancielles soutenables.
Il est donc possible
d’observer un décalage entre le début des difficultés et la demande de l’aide
en fonds propres et quasi fonds propres, reportant au moins une partie de
celle-ci sur l’exercice 2021, voire 2022.
Si le montant du report sur 2021 est élevé, l’incertitude sur le
montant d’éventuelles recapitalisations à venir l’est également. Aucun
nouveau crédit n’a par ailleurs été ouvert sur ce programme en LFI 2021.
Dans la perspective de ces opérations, le programme 358 continuera de
permettre une traçabilité de l’aide d’urgence, en parallèle du solde du
CAS PFE, qui s’élève à 2,5 Md
à fin 2020.
3.3.4 Programme 360 : un report intégral sur 2021 pour
financer le fonds de solidarité, malgré d’importants
besoins de financement à couvrir au titre de 2020
Sur les 8,2 Md
budgétés en deux temps sur le programme 360,
seuls les 3,9 Md
ouverts par la LFR 3 ont été dépensés au
31 décembre 2020, par la voie d’avances versées à l’Acoss et à la CCMSA,
soit 48 % des crédits du programme.
Au terme de l’exécution en comptabilité budgétaire, le programme
présente donc un reliquat de 4,3 Md
en AE et en CP au 31 décembre 2020,
dont la DSS anticipe un report intégral en 2021.
La loi de finances initiale pour 2021 n’a pas ouvert de crédits au titre
du programme 360 et a déplafonné le report.
Selon la DSS, les crédits ouverts en LFR 4 avaient pour objet de
d’assurer une couverture intégrale des pertes de recettes en droits constatés
pour les organismes sociaux induites par l’application en 2020 des mesures
d’exonération et d’aide au paiement. Ces pertes prennent en compte non
seulement le manque à gagner en trésorerie au 31 décembre 2020, mais
aussi celui qui résultera au cours de l’année 2021 de l’application de
l’exonération et de l’aide au paiement à des prélèvements sociaux dus au
titre de 2020 et déclarés en 2021 (employeurs) ou dont le montant
définitivement dû au titre de 2020 est déterminé en 2021 (travailleurs
indépendants et artistes auteurs).
Un arrêté du 18 mars 2021 a reporté sur 2021 l’intégralité des crédits
non consommés sur ce programme (4,3 Md
) vers le programme 357
Fonds de solidarité
. Alors que la LFI 2021 n’a pas ouvert de crédits au titre
du programme 360, les crédits ouverts en LFR 4 (4,3 Md
) seront donc
80
COUR DES COMPTES
consacrés à la couverture de besoins de financement d’un autre dispositif
de soutien aux entreprises, au titre de dépenses rattachées à l’année 2021.
Or, d’importants restes à financer au titre de l’année 2020 peuvent
être constatés dès à présent ou le seront prochainement. Ainsi, au 15 mars
2021, 4,8 Md
d’exonérations et d’aides au paiement ont été déclarées par
les employeurs de salariés au titre de périodes 2020, soit 0,9 Md
de plus
que les crédits consommés en 2020. Le besoin de financement
correspondant n’est donc pas couvert.
A fortiori
, ne sont pas non plus
couverts les besoins qui résulteront en 2021 de déclarations tardives des
employeurs au titre de mois de l’année 2020 et des réductions forfaitaires
de prélèvements sociaux dont bénéficieront les travailleurs indépendants et
les artistes auteurs, toujours au titre de 2020, à la suite de la déclaration de
leurs revenus professionnels en mai 2021 (réductions budgétisées à
1,4 Md
au total en LFR 3 et LFR 4).
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
81
Annexe n° 1 : liste des publications récentes de la Cour des
comptes en lien avec les politiques publiques concernées
par la NEB
Cour des comptes, rapport public thématique,
L’assurance chômage face
à la crise sanitaire : un déficit historique, une trajectoire financière à
définir
, mars 2021.
Cour des comptes, Rapport public annuel 2021,
Le fonds de solidarité à
destination des entreprises : une mise en
œ
uvre rapide dans un contexte
instable
, mars 2021
L’État
actionnaire,
rapport
public
thématique,
janvier
2017,
Certification
des
comptes
2019
de
l’État,
mai
2020,
de-letat
Certification des comptes 2019 du régime général de sécurité sociale, mai
2020
,
2019-du-regime-general-de-securite-sociale
82
COUR DES COMPTES
Annexe n° 2 : Tableaux de suivi de l’activité partielle (au 2 février 2021)
mars-20
avr-20
mai-20
juin-20
juil-20
août-20
sept-20
oct-20
nov-20
dec-20
Estimations au 21 décembre
Nombre de salariés effectivement placés en activité partielle (millions)
6,9
8,4
7,0
3,6
2,0
1,2
1,3
1,8
3,1
2,4
Nombre d'EQTP effectivement placés en activité partielle (millions)
2,3
4,7
3,1
1,6
0,7
0,5
0,5
0,6
1,7
1,1
Nombre d'heures (millions)
321
816
429
219
124
68
80
84
233
197
Montant d'indemnisation (Md
)
3,3
8,6
4,6
2,3
1,4
0,8
0,9
0,9
2,3
2,0
Nombre de demandes ayant au moins 1 jour sur le mois
1 110 000
1 242 000
1 282 000
1 149 000
578 000
510 000
454 000
467 000
643 000
635 000
Nombre de salariés susceptibles d'être placés en activité partielle
(millions)
11,3
12,4
12,9
12,2
8,2
7,6
7,1
6,4
7,5
7,5
Nombre de demandes
1 024 000
1 173 000
1 063 000
496 000
290 000
182 000
184 000
293 000
490 000
313 000
Nombre d'entreprises
865 000
972 000
883 000
405 000
234 000
155 000
149 000
253 000
434 000
291 000
Nombre de salariés (millions)
6,7
8,3
6,8
3,1
1,7
1,0
1,1
1,4
2,5
1,5
Nombre d'heures (millions)
313
809
422
187
106
57
65
68
196
126
Nombre de demandes
92%
93%
83%
43%
45%
36%
38%
61%
76%
49%
Nombre de salariés
59%
67%
53%
25%
20%
14%
15%
23%
33%
20%
Source : ASP-DGEFP-Dares – Extraction du SI APART du 01 février 2021, s’arrêtant aux données du 31 janvier 2021; enquête Acemo-Covid-19.
Champ : France.
Calculs :Dares.
Demandes d'autorisation préalable (DAP) au 31 janvier
Demandes d'indemnisation (DI) au 31 janvier
Taux de transformation DI / DAP au 31 janvier