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Les dépenses fiscales
Note d’analyse
de l’exécution budgétaire
2020
2
COUR DES COMPTES
Infographies
Évaluation du coût des dépenses fiscales pour l’année 2020 (Md
)
Évaluation du
PLF 2020
Évaluation révisée
du PLF 2021
Écart
Coût total
90,0
89,1
-0,9
Source : annexes Voies et moyens (tome II) des PLF pour 2020 et 2021
Décomposition de la révision du chiffrage du coût des dépenses
fiscales pour l’année 2020 (Md
)
Source : PLF pour 2020 et 2021 et DLF, retraitement Cour des comptes
LES DÉPENSES FISCALES
3
Synthèse
Les dépenses fiscales en 2020 et la gestion des crédits
Le coût des dépenses fiscales en 2020 est évalué à 89,1 Md
, selon
les chiffrages figurant en annexe au projet de loi de finances pour 2021. Ce
montant est
inférieur de 0,9 Md
à celui prévu pour la même année
publié un an auparavant dans le PLF pour 2020
, qui s’établissait à
99,0 Md
.
Cette révision du coût global des dépenses fiscales en 2020 résulte
essentiellement de trois facteurs :
- les écarts de prévision de l’évolution spontanée, à hauteur de
+ 1,73 Md
;
- l’impact de la crise sanitaire, estimé à – 1,95 Md
;
- la modification du périmètre de dépenses fiscales à hauteur de
– 0,63 Md
.
Le coût des dépenses fiscales a diminué de 10,8 Md
entre 2019
et 2020.
Cette baisse apparente résulte essentiellement de la transformation
du CICE en allègements de cotisations sociales, qui réduit le coût de ce
dispositif de moitié. Les effets de la crise sanitaire, estimés à – 2 Md
en
2020 au moment du dépôt du PLF pour 2021, sont quasiment compensés
par la montée en charge de plusieurs dispositifs (notamment l’exonération
d’impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires).
Au cours des exercices précédents, le dépassement continu du
plafond de dépenses fiscales prévu dans la loi de programmation des
finances publiques (LPFP) n’avait entraîné aucune mesure d’ajustement.
Les règles instaurées par la LPFP 2018-2022 sont sensiblement moins
contraignantes.
Un mécanisme de plafonnement a été instauré avec un
plafond calculé en pourcentage des recettes fiscales nettes qui se révèle
inopérant.
Outre la fixation de plafonds, les pouvoirs publics ont cherché,
depuis 2013, à contenir le coût des dépenses fiscales par l’organisation de
conférences fiscales. La discussion conjointe des crédits budgétaires et des
dépenses fiscales devait permettre d’assurer une cohérence entre ces deux
leviers d’intervention publique et, dans un souci de rationalisation, de
conduire à la suppression d’un certain nombre de dispositifs.
4
COUR DES COMPTES
Les résultats des conférences fiscales en 2020 sont à nouveau
décevants.
L’implication des responsables de programme est réduite et les
propositions de modification ou de suppression de dépenses fiscales sont
pratiquement inexistantes, faute notamment d’une évaluation suffisante et
préalable.
Par ailleurs, comme les années précédentes,
la Cour fait le constat
d’une articulation insuffisante entre les dépenses fiscales et les objectifs
des politiques publiques
auxquelles elles sont censées concourir. La
complexité des dispositifs rend parfois leur appréhension délicate.
La stratégie de pilotage est lacunaire et souffre d’un défaut
d’appropriation
: les règles et les effets concrets des dispositifs sont souvent
méconnus voire en contradiction avec les objectifs des politiques publiques
auxquels ils sont rattachés, peu de dépenses fiscales sont évaluées et les outils
de mesure et de suivi déployés pour contrôler leur efficience sont défaillants.
L’action menée pour évaluer et réduire en conséquence les dépenses fiscales
doit être relancée.
Les recommandations de la Cour
Ces observations conduisent la Cour à reconduire deux des
recommandations formulées au titre de la gestion 2019 et à en reformuler une
autre, ces recommandations n’ayant pas été mises en
œ
uvre ou seulement
partiellement. Elle supprime toutefois une recommandation de façon à
privilégier les travaux d’évaluation et la mise en
œ
uvre de leurs enseignements.
Elle formule également une nouvelle recommandation.
La Cour formule quatre recommandations au titre de l’année 2020 :
Recommandation n°1
: lorsqu’une dépense fiscale n’a entraîné
aucun coût et/ou n’a concerné aucun bénéficiaire sur l’ensemble de la
période couverte par une loi de programmation des finances publiques,
étudier l’opportunité de la suppression du dispositif en question
(recommandation nouvelle).
Recommandation n°2
: À l’image de la charte de budgétisation qui
s’applique aux dépenses budgétaires sous norme, formaliser des règles
précises de définition et de modification du périmètre des dépenses fiscales
soumises au plafond de la loi de programmation des finances publiques
(recommandation réitérée).
LES DÉPENSES FISCALES
5
Recommandation n°3
: À défaut d’autres sources d’information
permettant de la chiffrer, prévoir une obligation déclarative pour chaque
dépense fiscale nouvelle concernant l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les
sociétés
(recommandation réitérée).
Recommandation n°4
: Accélérer la mise en
œ
uvre du programme
d’évaluation de l’efficacité et de l’efficience des dépenses fiscales les plus
significatives sur la période restant à couvrir d’ici 2022, s’assurer que les
résultats des évaluations donnent bien lieu, le cas échéant, à une
rationalisation des dispositifs concernés et préparer le programme
d’évaluation à mettre en
œ
uvre au cours de la prochaine loi de
programmation des finances publiques
(recommandation reformulée).
6
COUR DES COMPTES
Sommaire
Infographies
.....................................................................................
2
Synthèse
...........................................................................................
3
1. Des dépenses fiscales en progression constante jusqu’en 2019 dont le
coût baisse en 2020 avec la fin du CICE et la crise sanitaire
.............
9
1.1
En PLF pour 2021, une révision à la baisse pour l’année 2020
de 0,9 Md
.............................................................................
9
1.1.1
Des facteurs de révision à la baisse avec les mesures
nouvelles, les modifications de périmètre et les
conséquences de la crise sanitaire
...................................
13
1.1.2
Des facteurs de hausse avec la révision de l’évolution
spontanée des dépenses fiscales et les changements de
méthode
..........................................................................
15
1.2 Une diminution du coût des dépenses fiscales pour la première
fois depuis 2013, avec la transformation du CICE en
allègements de cotisations sociales
......................................
17
1.2.1.
Une diminution de moitié du coût du CICE entre 2019 et
2020
................................................................................
18
1.2.2.
Des dépenses fiscales hors CICE qui diminuent très
légèrement en 2020 sous l’effet de la crise sanitaire
.......
20
1.3. Des dépenses fiscales qui recouvrent des dispositifs divers et
mal appréhendés
...................................................................
22
1.3.1.
Une quinzaine de mesures concentre la plus grande partie
du coût des dépenses fiscales
..........................................
22
1.3.2.
De nombreuses dépenses fiscales d’un faible coût et
hétérogènes
.....................................................................
28
2.Des dépenses fiscales qui ne sont ni pilotées ni évaluées
........
31
2.1
Des mesures de plafonnement et un chiffrage des dépenses
fiscales défaillants
................................................................
31
2.1.1
Un relèvement d’un tiers du plafond de dépenses fiscales
pour 2018 par la LPFP 2018-2022
..................................
31
2.1.2
Des efforts pour améliorer la fiabilité du chiffrage des
dépenses fiscales
.............................................................
33
2.2
Les conférences fiscales, un processus encore faiblement
opérant pour maîtriser les dépenses fiscales
.........................
36
2.2.1
Une programmation des conférences fiscales à
renforcer
.........................................................................
36
2.2.2
Des évaluations qui restent trop rares pour être utiles au
pilotage des dispositifs
....................................................
39
LES DÉPENSES FISCALES
7
2.2.3
Une articulation mal assurée entre les dépenses fiscales et
les objectifs poursuivis
...................................................
47
3.Les recommandations de la Cour
.............................................
52
3.1
Le suivi des recommandations formulées par la Cour au titre
de 2019
.................................................................................
52
3.2
Récapitulatif des recommandations formulées au titre de la
gestion 2020
.........................................................................
56
8
COUR DES COMPTES
Introduction
Selon le tome II de l’annexe
Voies et moyens
des projets de lois de
finances, les dépenses fiscales se définissent comme «
les dispositions
fiscales dérogatoires induisant un coût pour le budget de l'État
».
Dans chaque PLF, cette annexe présente l’ensemble des dépenses
fiscales, ainsi qu’une évaluation de leur coût
1
pour l’année écoulée, l’année
en cours et l’année à venir, au chapitre «
Chiffrage des dépenses fiscales
».
Les dépenses fiscales au titre d’une année sont donc évaluées de manière
exhaustive à trois reprises, dans le PLF de l’année puis dans les deux PLF
suivants. Elles ne font pas l’objet d’une évaluation actualisée en cours de
gestion.
Le coût des dépenses fiscales de l’année 2020 a ainsi été évalué à
deux reprises, dans les PLF pour 2020 et pour 2021
2
. L’exécution des
dépenses fiscales en 2020 est analysée dans cette note à partir de ces deux
évaluations.
Les 475 dispositions fiscales dérogatoires recensées dans l’annexe
au PLF pour 2020 induisent une diminution des recettes fiscales de l’État
dont le coût est chiffré à 89,1 Md
en 2020 dans le PLF 2021.
1
À l’exception de celles jugées non chiffrables.
2
Elles le seront pour la troisième et dernière fois dans le PLF pour 2022.
LES DÉPENSES FISCALES
9
1. Des
dépenses
fiscales
en
progression
constante jusqu’en 2019 dont le coût baisse en
2020 avec la fin du CICE et la crise sanitaire
1.1
En PLF pour 2021, une révision à la baisse pour
l’année 2020 de 0,9 Md
Le PLF pour 2020 estimait à 90,0 Md
le coût total des dépenses
fiscales en 2020. Dans le PLF pour 2021, ces dépenses sont réévaluées à
89,1 Md
, soit une baisse de 0,9 Md
.
Tableau n° 1 : évaluation du coût des dépenses fiscales pour l’année
2020 (Md
)
Évaluation du
PLF 2020
Évaluation révisée
du PLF 2021
Écart
Coût total
90,0
89,1
-0,9
Source : PLF pour 2020 et 2021
Alors que depuis 2016, le chiffrage du coût des dépenses fiscales en
année
n
est systématiquement sous-évalué, en moyenne de 1,76 Md
à
périmètre courant, comparé au chiffrage en année
n + 1
, l’année 2020 est
une exception.
Le chiffrage en
n +
2 pour 2020 n’est pas encore connu. En 2018, le
chiffrage du coût définitif en PLF pour
n
+ 2 a diminué comparé à celui du
PLF pour
n +
1 – conduisant à une estimation finale du coût des dépenses
fiscales pour 2018 de -0,8 Md
par rapport au chiffrage du PLF pour 2018.
En revanche, le chiffrage du coût définitif en PLF pour
n
+ 2 du coût des
dépenses fiscales pour 2019 a augmenté de 0,5 Md
comparé à l’estimation
n +
1, soit une estimation finale de 1,7 Md
supérieure au chiffrage du PLF
2020.
10
COUR DES COMPTES
Tableau n° 2 : le chiffrage du coût des dépenses fiscales d’un PLF à
l’autre en 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020
En Md
2016
2017
2018
2019
2020
chiffrage année n
83,4
89,9
99,8
98,2
90,0
révision année n+1
+2,4
+3,1
+0,4
+1,2
-0,9
révision année n +2
+1,9
+0,5
-1,2
+0,5
n.c.
écart total
d’estimation
+4,3
+3,6
- 0,8
+1,7
n.c.
chiffrage final
87,6
93,4
99,0
99,9
n.c.
Source : PLF pour 2016, 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021
La révision du coût des dépenses fiscales pour 2019 dans le PLF
pour 2021, s’explique par des écarts de prévision, à hauteur de + 1,1 Md
3
et par une mesure de périmètre portant sur deux dépenses fiscales relatives
aux taux réduits de TVA à hauteur de 0,6 Md
.
La révision à la baisse de 0,9 Md
du coût global des dépenses
fiscales en 2020 entre l’estimation en PLF pour 2020 et celle réalisée en
PLF pour 2021 résulte de trois facteurs :
- des écarts de prévisions à hauteur de + 1,7 Md
liés à la hausse du
coût de certaines dépenses fiscales, compensées en partie par la baisse du
coût d’autres dépenses fiscales (dont -0,5 Md
au titre du CICE) ;
- la mesure de périmètre portant sur les dépenses fiscales relatives
aux taux réduits de TVA à hauteur de -0,6 Md
;
- la prise en compte de l’impact sur l’activité économique des
mesures sanitaires prises pour lutter contre l’épidémie de la Covid-19 sur
certaines dépenses fiscales à hauteur de -2 Md
: pour les secteurs les plus
affectés, en particulier ceux qui ont connu une interruption d’activité
pendant le confinement (spectacles, services à la personne notamment), la
DLF a, par convention, appliqué un facteur de -25 % au coût annuel
3
L’écart de prévision résulte de révisions à la hausse du coût de certaines dépenses
fiscales plus dynamiques que prévu (+ 0,3 Md
au titre de l’exonération d’IS en faveur
des SIIC et de leurs filiales, + 0,3 Md
au titre de l’exonération d’IR des sommes
versées au titre de la participation et de l'intéressement, + 0,2 Md
au titre du taux de
TVA de 10 % pour certaines opérations relatives aux logements locatifs sociaux) non
compensées par la révision à la baisse du coût de certaines dépenses fiscales (-0,3 Md
au titre du taux de TVA de 5,5 % pour certaines opérations relatives à l’accession
sociale à la propriété à usage de résidence principale, - 0,2 Md
au titre de la déduction
des revenus fonciers des dépenses de réparations et d'amélioration).
LES DÉPENSES FISCALES
11
(correspondant à 3 mois d’arrêt). Pour les autres secteurs, un facteur de
- 9 % (correspondant à la récession prévue pour 2020 au moment de
l’élaboration du PLF
4
) a été appliqué.
Depuis l’exercice 2018, des modifications de périmètre liées à des
classements ou déclassements de taux réduits de TVA ont joué un rôle
majeur dans l’évolution du coût des dépenses fiscales.
Des taux réduits de TVA qui ne sont pas
systématiquementconsidérés comme des dépenses fiscales
Contrairement à ce qu’il avait été possible de faire en 2018, le coût total des
mesures de taux réduits de TVA non considérées comme des dépenses
fiscales, lorsque ces dernières sont chiffrables, n’a pas pu être évalué
5
. En
effet, au moment de la production du
Voies et Moyens,
seuls cinq taux réduits
de TVA
6
ont pu être chiffrés à hauteur de 4,5 Md
. Huit autres dispositifs sont
considérés comme non chiffrables par la direction générale du Trésor. La
principale difficulté identifiée par la DGT et la DLF provient du formulaire
de déclaration de TVA qui ventile les montants de TVA par taux réduits et
non par dispositifs
7
. Ainsi, un retraitement important est nécessaire (avec des
données INSEE sur la consommation notamment) afin de construire un
modèle de chiffrage pour chaque dispositif. Ainsi, le taux réduit de 5,5 % sur
l’eau, les boissons non alcooliques, les produits destinés à l’alimentation
humaine, estimé à 14,28 Md
en 2018 n’a pas pu être chiffré pour 2019.
Dès lors que l’application de taux réduits ne résulte pas d’une obligation
communautaire, c’est le caractère incitatif du taux réduit qui détermine si la
mesure est classée en dépense fiscale. La présentation retenue dans le tome II
de l’annexe
Voies et Moyens
s’appuie sur les critères définis par le Conseil
des impôts en 2003 : sont traitées comme des règles générales, les dispositions
qui, pour l’ensemble des contribuables visés, «
contribuent à rendre
supportable cet impôt sur la consommation ou qui ont pour effet de préserver
l’accès de tous à certains produits ou services
». Lorsque les taux réduits de
TVA ont pour objet «
de soutenir économiquement un secteur
», ils sont alors
classés en dépenses fiscales. Selon la DLF, dans le prolongement de
recommandations de la Cour visant à améliorer les critères de classement des
dépenses fiscales, ont été opérés dans le PLF 2019 un classement de quatre
dispositifs de la mission
Outre-Mer
relatifs à la TVA et, dans le PLF 2020, le
remplacement de six dispositifs de TVA à taux réduit par six autres.
4
8,3 % selon l’INSEE pour l’année 2020 (https://www.insee.fr/fr/statistiques/2107840)
5
21 Md
pour 2018
6
Sur un total de 23 dispositifs recensés dans le PLF pour 2021
7
Un même taux réduit peut s’appliquer à plusieurs dispositifs.
12
COUR DES COMPTES
En PLF 2021, le périmètre de deux dépenses fiscales relatives à des taux
réduits de TVA a été revu, pour un montant de -0,63 Md
:
- n° 730207 anciennement relative aux taux de 10 % pour les
recettes provenant de la fourniture des repas par les cantines d'entreprises
ou d'administrations, et de 5,5 % pour la fourniture de repas par des
prestataires dans les établissements publics ou privés d'enseignement du
premier et du second degré ainsi que pour les repas livrés par des
fournisseurs
extérieurs
aux
cantines,
scolaires
et
universitaires
notamment, qui restent exonérées de TVA ;
- n° 730214 anciennement relative au taux de 10 % pour les
services d'aide à la personne fournis à titre exclusif, ou à titre non exclusif
pour celles qui bénéficient d'une dérogation à la condition d'activité
exclusive selon l'article L. 7232-1-2 du code du travail, par des
associations, des entreprises ou des organismes déclarés en application de
l'article L. 7232-1-1 du même code, et dont la liste est fixée par décret et
de 5,5 % pour les prestations de services exclusivement liées aux gestes
essentiels de la vie quotidienne des personnes handicapées et des
personnes âgées dépendantes qui sont dans l'incapacité de les accomplir,
fournies par des associations, des entreprises ou des organismes déclarés
en application de l'article L.7232-1-1 du même code, dont la liste est fixée
par décret, à titre exclusif, ou à titre non exclusif pour celles qui
bénéficient d'une dérogation à la condition d’activité exclusive selon
l'article L.7232-1-2 du même code.
L’examen du caractère incitatif de ces deux dispositifs, lequel constitue le
critère dégagé par le Conseil des prélèvements obligatoires pour
considérer ou non ces mesures comme des dépenses fiscales, a conduit la
DLF à modifier leurs périmètres.
Pour ces deux dépenses fiscales, seule la partie relative au taux de TVA
de 10 % a été conservée. En effet, selon la DLF, le taux de 5,5 % ne
correspond pas à une dépense fiscale car il n'est pas incitatif et a pour seul
objet d'abaisser le coût de services de première nécessité.
Hors dynamisme spontané des dépenses fiscales, les mesures
nouvelles adoptées par voie d’amendement lors de la LFI pour 2020
contribuent également à la baisse de leur coût entre le PLF pour 2020 et le
PLF pour 2021, à hauteur de -0,091 Md
.
LES DÉPENSES FISCALES
13
Graphique n° 1 : décomposition de la révision du chiffrage du coût
des dépenses fiscales pour l’exercice 2020 (Md
)
Source : PLF pour 2020 et 2021 et DLF, retraitement Cour des comptes
1.1.1 Des facteurs de révision à la baisse avec les mesures
nouvelles,
les
modifications
de
périmètre
et
les
conséquences de la crise sanitaire
Depuis la publication du Tome II des
Voies et moyens
annexé au
PLF pour 2020, ont été votées 22 créations et 17 suppressions de dépenses
fiscales.
Les mesures nouvelles adoptées après la publication du projet de loi
de finances initiales, par voie d’amendement en loi de finances pour 2020
ont contribué à réviser à la baisse le montant des dépenses fiscales de
0,091 Md
.
14
COUR DES COMPTES
Il s’agit pour l’essentiel de deux mesures :
- la réduction du tarif réduit (remboursement) de TICPE pour le
gazole utilisé comme carburant par les véhicules routiers de transport de
marchandises d’au moins 7,5 tonnes : -0,09 Md
;
- la suppression du dégrèvement de la taxe d’habitation en faveur
des personnes de condition modeste relogés dans le cadre d’un projet
conventionné au titre du programme ANRU : -0,027 Md
.
Les changements de périmètre effectués dans le tome II du
Voies et
moyens
annexé au PLF pour 2021 concernent deux dépenses fiscales
relatives à des taux réduits de TVA (
cf. supra
) pour 0,63 Md
. Les
modifications de périmètre sont le principal vecteur de stabilité voire de
baisse du coût global des dépenses fiscales. Les enjeux de périmètre des
dépenses fiscales ne sont, au demeurant, pas récents. Dans son rapport de
2003 consacré à la fiscalité dérogatoire, le Conseil des impôts soulignait
que les suppressions de dépenses fiscales «
correspondent rarement à
l’extinction ou à la suppression effective des dispositifs eux-mêmes : il
s’agit dans la plupart des cas de […] retraits du périmètre […]. De telles
pratiques, qui sont restées jusqu’à présent non justifiées, fragilisent non
seulement les comparaisons d’une année à l’autre, mais font aussi porter
l’interrogation sur le contenu de la notion ».
8
La crise sanitaire, enfin, a eu un impact estimé à un peu moins de
2 Md
en 2020 (1,95 Md
). En conséquence, 37 dépenses fiscales ont été
revues à la baisse et concernent deux impôts, la TVA et la taxe intérieure
de consommation sur les gaz naturels. Deux niveaux de décotes ont été
appliqués, en fonction de l’impact supposé sur les dépenses fiscales : 25 %
ou 9 %. Six dépenses fiscales ont été considérées comme particulièrement
affectées par la crise sanitaire et économique (décote de 25 %) :
-
- les mesures liées aux événements sportifs et culturels (n° 730224,
730230, 730231, 730301 et 740103) ;
-
- la dépense fiscale 730207 relative au taux de TVA de 10 % pour les
recettes provenant de la fourniture des repas par les cantines
d’entreprises ou d’administrations.
Les 31 autres dépenses fiscales considérées comme affectées par la
crise économique ont fait l’objet d’une décote à hauteur de 9 % (récession
alors prévue pour 2020). Parmi les 10 plus fortes réévaluations à la baisse
pour 2020 entre le PLF 2020 et le PLF 2021 figurent ainsi quatre révisions
8
Conseil des impôts,
La fiscalité dérogatoire – Pour un réexamen des dépenses
fiscales
, XXIe rapport au Président de la République, septembre 2003, pages 14-15.
LES DÉPENSES FISCALES
15
de dépenses fiscales au titre de la crise sanitaire (n° 730207, 730213,
730221 et 710103)
1.1.2 Des facteurs de hausse avec la révision de l’évolution
spontanée des dépenses fiscales et les changements de
méthode
La révision de l’évolution spontanée des dépenses fiscales est à
l’origine d’une correction à la hausse entre le chiffrage du PLF pour 2020
et celui du PLF pour 2021 (1,73 Md
). Ce montant résulte d’ajustements
de sens contraires.
L’estimation du coût de 118 dépenses fiscales a été revue à la hausse
en raison d’évolutions spontanées entre le PLF pour 2020 et le PLF pour
2021, pour un total de 5,39 Md
. Les principales sous-estimations en PLF
pour 2020 concernaient :
- le tarif réduit de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel
(TICGN) pour le gaz naturel et le méthane utilisés dans les installations
grandes consommatrices d’énergie (n° 830201), créé lors du PLF pour
2020 ;
- l’exonération d’impôt sur le revenu des sommes versées au titre de
la participation, de l’intéressement, de l’abondement ou d’un partage de
plus-value, aux plans d’épargne salariale et aux plans d’épargne retraite
d’entreprise collectifs ou obligatoires (n° 120108), dont l’évolution entre
le PLF 2020 et le PLF 2021 a été revue de 0,41 Md
passant de 1,7 à
2,2 Md
;
- les exonérations d’impôt sur les sociétés des produits retirés par les
sociétés d'investissements immobiliers cotées, ainsi que par leurs filiales
ou des filiales de sociétés de placement à prépondérance immobilière à
capital variable ou des filiales conjointes de ces dernières sociétés, et
provenant de la location d'immeubles, de la sous-location des immeubles
pris en crédit-bail ou dont la jouissance a été conférée à titre temporaire par
l'Etat, une collectivité territoriale ou leurs établissements publics, de
certains droits réels immobiliers et de certaines plus-values de cession
(n° 300206), dont l’estimation est passée de 0,5 à 0,8 Md
;
- le taux réduit de TVA de 10 % pour certaines opérations relatives
aux logements locatifs sociaux (n° 730210), dont l’estimation a été revue
à la hausse de 0,24 Md
.
À l’inverse, l’estimation du coût de 111 dispositifs a été revue à la
baisse en raison d’évolutions spontanées, pour un total de 3,66 Md
.
16
COUR DES COMPTES
Les principales révisions concernent :
- le CICE (n° 210324), dont l’évaluation du coût pour 2020 a été
revue à la baisse de 0,48 Md
entre les 9,01 Md
estimés en PLF pour 2020
et les 8,54 Md
estimés en PLF pour 2021 ;
- le taux de 5,5 % de TVA pour certaines opérations relatives à
l’accession sociale à la propriété à usage de résidence principale : livraisons
de logements dans le cadre de la location-accession, livraisons
d’immeubles et travaux réalisés en application d’un contrat unique de
construction de logement dans certains quartiers ciblés par la politique de
la ville ou à leur proximité, certaines opérations destinées à la conclusion
d’un bail réel solidaire et apports aux sociétés civiles immobilières
d’accession progressive à la propriété (n° 730216) avec un coût estimé en
PLF 2020 à 1,46 Md
revu en PLF 2021 à 1,16 Md
;
- la déduction des revenus fonciers soumis à l’impôt sur le revenu
des dépenses de réparations et d'amélioration (n°130201) estimée en PLF
2020 à 1,84 Md
et en PLF 2021 à 1,65 Md
.
Par ailleurs, des changements de méthode de chiffrage de onze
dépenses fiscales ont contribué à hauteur de 0,024 Md
à la hausse de
l’estimation du coût des dépenses fiscales en 2020 effectuée par le PLF
pour 2021.
Le montant du régime spécial d’imposition des assistants maternels
et des assistants familiaux régis par les articles L. 421-1 et suivants et
L. 423-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles (n° 120501)
a ainsi été réévalué à hauteur de 0,17 Md
, suite à la nouvelle possibilité
d’exploitation des données issues des déclarations annuelles de données
(DADS).
Par
ailleurs,
six
dépenses
fiscales
relatives
aux
droits
d’enregistrement et de timbre (n° 500101, 520209, 530206, 530212,
570102 et 570202) voient leurs prévisions revues à la baisse à hauteur de
0,06 Md
en lien avec la bascule applicative qui les rend non chiffrables à
compter de 2021.
La fiabilité des méthodes de chiffrage est par ailleurs limitée comme
l’illustre ci-après le point 2.1.2.
LES DÉPENSES FISCALES
17
1.2 Une diminution du coût des dépenses fiscales
pour la première fois depuis 2013, avec la
transformation du CICE en allègements de
cotisations sociales
Le coût des dépenses fiscales a diminué de 10,8 Md
entre 2019
(99,9 Md
) et 2020 (89,1 Md
selon le PLF 2021), soit une baisse de
10,8 % en un an à périmètre courant. Ce résultat contraste avec les hausses
constatées les années précédentes, le coût total des dépenses fiscales ayant
augmenté de 5,6 % par an en moyenne entre 2013 et 2019 (et ce malgré la
décélération observée entre 2018 et 2019). Toutefois, la baisse enregistrée
en 2020 est essentiellement liée à l’extinction progressive du CICE
(
cf. infra
), bien que l’impact de la crise économique et sanitaire se fasse
également sentir.
Entre 2013 et 2020 (estimation PLF pour 2021), le montant des
dépenses fiscales a ainsi progressé de 23,6 % en valeur nominale et de
17,5 % en valeur réelle
9
.
Le coût estimé des dépenses fiscales s’établit à 4,0 % du PIB en
2020, le montant des dépenses fiscales en pourcentage des recettes fiscales
nettes (RFN) s’établissant à 36,1 %. La quasi-stabilité de ce ratio entre
2019 et 2020 masque en réalité la baisse concomitante du montant des
dépenses fiscales et des recettes fiscales (en lien avec la crise sanitaire et
économique).
Tableau n° 3 : coût des dépenses fiscales depuis 2013
Année
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020*
Coût
(Md
)
72,1
78,3
85,1
87,6
93,4
99,0
99,9
89,1
Coût
(% PIB)
3,4
3,6
3,9
3,9
4,1
4,3
4,1
4,0
Coût
(% RFN
10
)
25,4
28,5
30,4
30,8
31,6
33,5
35,5
36,1
Source : PIB courant, PLF pour 2014 à 2021
* estimation PLF pour 2021
9
Chiffrage PLF pour 2021 déflaté par l’indice des prix à la consommation.
10
Recettes fiscales nettes
18
COUR DES COMPTES
1.2.1.
Une diminution de moitié du coût du CICE entre 2019
et 2020
Les lois de finance pour 2018 et 2019 ont supprimé le dispositif du
CICE pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2019, sauf
dans le cas des entreprises exploitées à Mayotte. Ainsi, les salaires
inférieurs à 2,5 SMIC versés à compter de 2019 par les entreprises ne
donnent plus droit au CICE, mais à une exonération de cotisations sociales
au même taux de 6 % que celui du CICE portant sur les salaires de 2018.
Entre 2019 et 2020, le coût du CICE diminue de 10,7 Md
selon le
chiffrage du PLF pour 2021, passant de 19,2 Md
à 8,54 Md
.
Entre 2013 et 2019, le déploiement de ce crédit d’impôt destiné aux
entreprises a expliqué plus de 70 % de la hausse du coût total des dépenses
fiscales. En 2020, le CICE reste le dispositif le plus coûteux en dépit de
son extinction (
cf. infra
). Son coût devrait continuer à baisser
progressivement : la créance acquise par les entreprises pouvant être
consommée sur les prochains exercices s’élève encore à 14,7 Md
au
31 décembre 2020.
En comptabilité nationale
11
, le coût du CICE, concernant à la fois
l’IR et l’IS, est estimé à 2,0 Md
pour 2020. Il devrait continuer à diminuer,
pour atteindre 1,1 Md
en 2021 et 1,0 Md
en 2022
12
.
11
Le CICE est enregistré en comptabilité nationale dès la naissance de la créance
déclarée par les entreprises, mais n'est pris en compte par la comptabilité budgétaire
que lors de la consommation effective de cette créance, qui peut être réalisée sur
plusieurs années et pèse donc toujours sur le solde budgétaire.
12
Source : DGFiP – bureau GF3C.
LES DÉPENSES FISCALES
19
Graphique n° 2 : chiffrage du coût des dépenses fiscales 2013 – 2020 (Md
)
Source : PLF 2010 à 2021, retraitement Cour des comptes, en Md
courants
* estimations PLF pour 2021
L’évaluation du CICE
La loi de finances pour 2018
13
a abrogé, à compter du 1er janvier
2019, les dispositions de la loi de finances pour 2012
14
portant création du
comité chargé du suivi et de l’évaluation du CICE.
Conformément à la mission qui lui avait été assignée, le comité a
rendu six rapports, dont le dernier est paru le 31 juillet 2018, afin d’évaluer
ce dispositif. L’avis publié le 3 octobre 2018 porte sur les exercices 2013 à
2015 (les données pour 2016 n’étant pas disponibles à la date de
publication en raison d’un changement de système d’information). Les
principales conclusions du comité sont les suivantes :
Le CICE a eu un effet positif, bien que modéré, sur l’emploi : le
comité retient un effet net proche de 100 000 emplois créés ou sauvegardés
et qui se serait matérialisé sur 2014 et 2015 dans les entreprises les plus
exposées au CICE. Cet effet pourrait toutefois être plus important : des
travaux de l’OFCE ont montré qu’en tenant compte des effets salaire et
emploi et du financement partiel de la mesure, le CICE aurait permis de
créer ou de sauvegarder entre 110 000 et 300 000 emplois sur la période
étudiée ;
13
Article 86 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
14
Article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour
2012 relatives à la création des instances nationales et régionales chargées de suivre et
d’évaluer le CICE.
72,1
71,9
72,7
74,7
77,7
79,6
80,7
80,6
6,44
12,41
12,9
15,72
19,41
19.20
8.54
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Dépenses fiscales hors CICE
CICE
20
COUR DES COMPTES
- le CICE a également eu un effet positif sur les salaires moyens et
la masse salariale. Toutefois, aucun effet du CICE sur les salaires au niveau
individuel n’est identifié à proximité du seuil de 2,5 SMIC, sur les salaires
d’embauche comme sur les augmentations salariales des employés
permanents ;
- l’existence d’un effet significatif du CICE sur l’investissement
demeure difficile à établir. Les entreprises bénéficiaires du CICE faisaient
état a priori d’intentions importantes en matière d’investissement.
Toutefois, l’impact éventuel du CICE sur le niveau d’investissement met
du temps à se matérialiser, notamment du fait d’une contrainte financière
qui ne peut être levée avant le versement effectif du CICE. Par ailleurs, les
entreprises qui représentent la plus grande part de l’investissement total
sont essentiellement des grandes entreprises, qui ne sont pas parmi les
principales bénéficiaires du CICE en proportion de leur masse salariale ;
- selon les travaux complémentaires menés avec l’OFCE, l’impact
du CICE sur la croissance serait de l’ordre de 0,2 point de contribution au
PIB sur la période 2013-2015.
Des travaux d’approfondissement ont par la suite été menés sous
l’égide de France Stratégie, donnant lieu à un rapport publié en septembre
2020. Ces travaux confirment les effeets positifs du CICE sur l’emploi et
les salaires observés précédemment, mais identifient toutefois des
différences selon les secteurs : dans les branches productrices de biens
(industrie, agriculture et construction), plus exposées à la concurrence
internationale, le CICE aurait davantage été mobilisé pour modérer les
prix, notamment à l’exportation, dans une logique de compétitivité. Enfin,
le rapport de septembre 2020 conclut à un effet non significatif du CICE
sur l’investissement.
1.2.2. Des dépenses fiscales hors CICE qui diminuent très
légèrement en 2020 sous l’effet de la crise sanitaire
Après une relative stabilité en 2014 et 2015, la hausse du coût des
dépenses fiscales hors CICE a eu tendance à s’accentuer en 2016, 2017 et
2018, avant de ralentir à nouveau en 2019 (+ 1,37 % entre 2018 et 2019).
L’exercice 2020 enregistre une faible diminution du montant des dépenses
fiscales à périmètre courant, l’impact de la crise économique et sanitaire
(estimé à ce stade à – 2 Md
) étant quasiment compensé par la montée en
charge de plusieurs dispositifs, notamment l’exonération d’impôt sur le
revenu des heures supplémentaires, ou les réductions d'impôt sur le revenu
en faveur de l'investissement locatif intermédiaire (dispositifs « Duflot » et
« Pinel »).
LES DÉPENSES FISCALES
21
Hors CICE, les dépenses fiscales ont progressé de 8,7 Md
depuis
2014
15
, soit 12,1 % en valeur nominale sur la période.
Tableau n° 4 : progression des dépenses fiscales hors CICE
Année
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020*
Montant
hors CICE (Md
)
71,9
72,7
74,7
77,7
79,6
80,7
80,6
Variation (%)
- 0,33
1,16
2,77
3,99
2,44
1,37
-0,11
Source : PLF 2015 à 2021, retraitement Cour des comptes
* estimation PLF pour 2021
L’évolution des dépenses hors CICE entre 2019 et 2020
16
Le coût de 76 dépenses fiscales a diminué entre 2019 et 2020,
pour un montant total équivalent à - 2,6 Md
dans le PLF 2021.
L’impact de la crise économique sur le montant des dépenses
fiscales a été estimé à – 2 Md
en 2020. Cette estimation est fondée sur
l’hypothèse d’une diminution de 25 % du coût annuel (correspondant à
3 mois d’arrêt) pour les secteurs les plus affectés, en particulier par une
interruption d’activité pendant le confinement (spectacles notamment),
et de 9 % (correspondant à la récession prévue pour 2020 au moment de
la publication du PLF pour 2021) pour les secteurs moins affectés
(travaux, restauration…). A noter toutefois que cette estimation ne prend
pas en compte les effets des mesures prises à partir d’octobre 2020
(second confinement notamment).
Hors effet de la crise, la principale baisse a trait à la taxation au
taux réduit des plus-values à long terme provenant des produits de
cessions et de concessions de brevets (n° 320139), dont le coût diminue
de 586 M
du fait de l’extinction de l’ancien régime des brevets
(remplacé par la dépense fiscale n° 210326).
À l’inverse, le coût de 76 dispositifs a été revu à la hausse entre
2019 et 2020, pour un total estimé à 3,3 Md
dans le PLF pour 2021.
Six mesures ont un impact supérieur ou égal à 200 M
, pour un total
cumulé de 2,0 Md
:
15
Cette variation ne tient pas compte des absences de chiffrage ou des éventuels effets
de périmètre.
16
Les chiffres mentionnés ci-dessous ne tiennent pas compte des absences de chiffrage
ou des éventuels effets de périmètre.
22
COUR DES COMPTES
quatre dépenses concernent l’impôt sur le revenu :
-
le coût de l’exonération de l’impôt sur le revenu, dans une
limite annuelle égale à 5 000
, des rémunérations versées à
raison
des
heures
supplémentaires
et
complémentaires
(n° 120146), a progressé de 847 M
, du fait de la montée en
charge du dispositif ;
-
pour la même raison, le coût des réductions d'impôt sur le
revenu en faveur de l'investissement locatif intermédiaire
(dispositifs Duflot et Pinel - n° 110261) a augmenté de 246 M
,
soit une progression comparable à celle constatée l’année
précédente ;
-
l’abattement de 10 % sur le montant des pensions et des retraites
(n° 120401) a vu son coût augmenter de 205 M
, du fait de la
hausse des montants éligibles ;
-
le coût du crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à
domicile (n° 110246) a progressé de 200 M
, en raison de la
hausse des dépenses éligibles ;
le tarif réduit de TICPE sur le gazole utilisé comme carburant par
les véhicules routiers de transport de marchandises d'au moins 7,5
tonnes (n°800221) a progressé de 292 M
, du fait du passage d'un
remboursement semestriel à un remboursement trimestriel à
compter du 1er janvier 2020.
le coût du crédit d’impôt en faveur de la recherche (n° 200302) a
augmenté de 200 M
; cette hausse pouvant potentiellement
s’expliquer par
un mouvement d’accélération de l’imputation de
la créance qui n'a pu être anticipé.
1.3.
Des dépenses fiscales qui recouvrent des
dispositifs divers et mal appréhendés
1.3.1.
Une quinzaine de mesures concentre la plus grande
partie du coût des dépenses fiscales
Le nombre de dépenses fiscales ayant eu un impact budgétaire en
exécution 2020 est estimé à 424 par l’administration, sur 475 dispositifs au
total (contre respectivement 433 et 468 en PLF pour 2020).
LES DÉPENSES FISCALES
23
Tableau n° 5 : évolution du nombre de dépenses fiscales recensées en
PLF
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Nombre de
dispositifs
464
460
453
449
451
457
474
468
475
avec un
impact
budgétaire
433
432
431
438
449
450
441
433
428
Source : DLF, PLF pour 2021
Estimations pour 2020 et 2021
Le coût des dépenses fiscales est particulièrement concentré : les
15 premiers dispositifs représentent 52,7 % du total estimé pour 2020, soit
47,0 Md
selon le chiffrage du PLF pour 2021. Le poids des 15 premières
dépenses fiscales diminue toutefois par rapport à 2019 (où elles
représentaient plus de 57 % du total), du fait notamment de l’extinction
progressive du CICE et de l’impact de la crise sanitaire sur certains
dispositifs (taux réduits de TVA notamment).
24
COUR DES COMPTES
Tableau n° 6 : les 15 principales dépenses fiscales en 2020 (M
)
N° DF
Impôt
Dispositif
PLF
2020
PLF
2021
Écart
210324
IR/IS
CICE
9 019
8 536
-483
200302
IR/IS
CIR
6 500
6 600
100
110246
IR
Crédit d'impôt pour l'emploi d'un
salarié à domicile […]
5 175
5 045
-130
120401
IR
Abattement de 10 % sur les pensions
et retraites
4 515
4 562
47
730213
TVA
Taux de 10 % pour les travaux
d’amélioration, de transformation,
d’aménagement et d’entretien […]
3 500
3 080
-420
730221
TVA
Taux de 10 % pour la restauration
commerciale
3 062
2 764
-298
120108
IR
Exonération […] au titre de
l’épargne salariale
1 785
2 200
415
120202
IR
Exonération des prestations
familiales, de l'AAH ou des pensions
d'orphelin, des aides à la garde
d'enfant
1 916
1 955
39
070101
Locaux
Exonération en faveur des personnes
âgées, handicapées, ou de condition
modeste
1 799
1 944
145
710103
TVA
Niveau des taux en Guadeloupe, en
Martinique et à la Réunion
2 185
1 930
-255
120146
IR
Exonération […] des heures
supplémentaires et complémentaires
1880
1 879
-1
800221
TICPE
Tarif réduit pour le gazole utilisé par
les véhicules routiers de transport de
marchandises d'au moins 7,5 tonnes
1 553
1 674
121
130201
IR
Déduction des dépenses de
réparations et d'amélioration
1 840
1 650
-190
800401
TICPE
Exclusion des DOM du champ TIC
carburants […]
1 534
1 595
61
110201
IR
Réduction d’impôt au titre des dons
1500
1545
45
Total (en M
)
47 763
46 959
-804
Source : PLF pour 2021
LES DÉPENSES FISCALES
25
En 2020, 26 dépenses fiscales
17
sur les 475 recensées étaient d’un
montant supérieur à 1 Md
(ce chiffre était de 25 en 2019). Le coût global
de ces mesures est chiffré à 59,8 Md
dans le PLF pour 2021.
Graphique n° 3 : répartition des dépenses fiscales par coût et nombre
Source : PLF pour 2021, retraitement Cour des comptes
Lecture : les 26 dépenses fiscales de plus d’1 Md
représentent un coût global de 59,8 Md
.
17
Les 15 principaux dispositifs sont recensés dans le tableau n°6. Les onze dispositifs
suivant en montant sont : l’exonération ou imposition réduite des produits attachés aux
bons ou contrats de capitalisation et d'assurance-vie ; le crédit d'impôt pour frais de
garde des enfants âgés de moins de 6 ans ; le tarif réduit de TICPE pour le gazole non
routier, le fioul lourd et les gaz de pétrole liquéfié utilisés pour les travaux agricoles et
forestiers ; le taux de 10 % pour certaines opérations relatives aux logements locatifs
sociaux ; le taux de 5,5% pour certaines opérations relatives à l’accession sociale à la
propriété à usage de résidence principale ; le tarif réduit de TICPE pour le gazole non
routier autre que celui utilisé pour les usages agricoles ; le taux de 5,5% pour les travaux
d'amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d'habitation achevés depuis
plus de deux ans ainsi que sur les travaux induits qui leur sont indissociablement liés ;
les crédits d'impôt "Prêt à taux zéro" et "Prêt à taux zéro renforcé PTZ+" ; l’exonération
d’impôt sur les sociétés des organismes d'HLM et des offices publics d'aménagement
et de construction ; le crédit d’impôt pour la transition énergétique ; le tarif réduit pour
l’électricité consommée soit sur des sites industriels électro-intensifs où sont exploitées
des installations industrielles et pour l’électricité consommée soit par des entreprises
industrielles électro-intensives exploitant des installations industrielles.
59,8
9,9
14,5
4,6
0,3
0,0
26
14
66
118
79
172
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
200
Plus de 1 Md
500 M
à 999 M
100 M
à 499 M
10 M
à 99 M
1M
à 9 M
Ɛ, 0, sans impact, nc
Nombre de dispositifs
Coût (Md
)
26
COUR DES COMPTES
De même, l’essentiel des dépenses fiscales se concentre sur
quelques missions à forts enjeux financiers
18
.
Trois missions représentent plus de 50 % du montant total des
dépenses fiscales. Pour ces trois missions, le coût des dépenses fiscales
excède 10 Md
. La mission
Économie
compte ainsi 72 dispositifs. Si leur
montant prévisionnel pour 2020 (17,5 Md
) est en baisse par rapport à
2019 (27,9 Md
) en raison de l’extinction progressive du CICE), il reste
près de six fois supérieur à celui des crédits budgétaires de la mission
(3,0 Md
de CP).
Il en est de même s’agissant de la mission
Cohésion des territoires
qui comporte 93 dépenses fiscales à titre principal (92 en 2019 et 86 en
2018) pour un montant de 14,3 Md
(15,0 Md
en 2019), soit 16,0 % du
montant total des dépenses fiscales. Enfin, la mission
Solidarité, insertion
et égalité des chances
compte 30 dispositifs, pour un coût total de 13,7 Md
.
Les dépenses fiscales représentent 50,0 % des crédits budgétaires de cette
dernière mission.
Certaines missions comptent peu de dépenses fiscales, mais leur coût
est très concentré sur quelques dispositifs. Ainsi, la mission
Recherche et
enseignement supérieur
ne compte que 15 dépenses fiscales, mais leur coût
est estimé à
7,4
Md
pour 2020, du fait de l’importance du crédit impôt
recherche (CIR) rattaché au programme budgétaire 172-
Recherches
scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
. Ce dispositif, chiffré à
6,6 Md
, représente à lui seul plus de 89 % du montant total des dépenses
fiscales affectées à titre principal à la mission et près de 95 % des dépenses
budgétaires du programme 172.
À l’inverse, d’autres missions comptent un nombre élevé de
dépenses fiscales, mais pour un coût plus limité. La mission
Agriculture,
alimentation, forêt et affaires rurales
compte ainsi 34 dépenses fiscales en
2020 (selon le PLF 2021), pour un coût chiffré à 2,1 Md
.
Plusieurs missions connaissent sur longue période une augmentation
continue. Ainsi, pour la mission
Sport, jeunesse et vie associative,
le coût
total des dépenses fiscales s’élevait à 1,30 Md
en 2009 et est estimé à
3,0 Md
en 2020, soit une hausse de 133 %.
18
A l’inverse, certaines missions ne comportent aucune mesure. D’autres un nombre réduit, au
coût faible. Ainsi, la seule dépense fiscale de la mission
Direction de l’action du Gouvernement
est celle du programme 129 relative à l’exonération de l’impôt sur le revenu du traitement attaché
à la légion d’honneur et à la médaille militaire. Elle est estimée à moins de 0,5 M
en 2020
(montant stable depuis 2015).
LES DÉPENSES FISCALES
27
Tableau n° 7 : coût total par mission dont le montant des dépenses
fiscales est supérieur à 1 Md
en 2020 (PLF pour 2021)
Mission budgétaire
Coût
(Md
)
Nombre
% total
Économie
17,5
72
19,6%
Cohésion des territoires
14,3
93
16,0%
Solidarité, insertion et égalité des
chances
13,7
30
15,4%
Travail et emploi
9,7
20
10,9%
Recherche et enseignement supérieur
7,4
15
8,3%
Écologie, développement et mobilité
durables
5,7
59
6,4%
Engagements financiers de l'État
5,7
28
6,4%
Outre-mer
5,3
32
5,9%
Sport, jeunesse et vie associative
3,0
17
3,4%
Agriculture, alimentation, forêt et
affaires rurales
2,1
34
2,3%
Santé
1,0
10
1,2%
Source : PLF pour 2021, DLF
Trois impositions concentrent l’essentiel des mesures. Dans le PLF
pour 2021, les dispositifs associés à la TVA, à l’IR et à l’IS représentent
85,2 % du montant de l’ensemble des dépenses fiscales pour 2020, tandis
que les dépenses associées à tous les autres impôts (TICPE, impôts locaux
et autres) représentent pour leur part moins de 15 % du total. L’IR et l’IS
concentrent à eux seuls 67,6 % du montant de l’ensemble des dépenses
fiscales.
28
COUR DES COMPTES
Graphique n° 4 : dépenses par impôt en 2020 (Md
)
Source : PLF pour 2021, retraitement Cour des comptes
1.3.2.
De nombreuses dépenses fiscales d’un faible coût et
hétérogènes
Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire des dépenses
fiscales de 2019, la Cour invitait l’administration à évaluer l’opportunité
du maintien de dépenses fiscales de faible montant.
Un nombre important de dispositifs à faible coût restent toutefois
recensés parmi les dépenses fiscales (
cf
. graphique n° 6). En 2020,
171 dispositifs représentent ainsi entre 0,5 M
et 50 M
, pour un coût
cumulé de 2,2 Md
en PLF pour 2021. Ces chiffres sont quasiment stables
par rapport aux années précédentes (183 dispositifs à moins de 50 M
en
2018 et 171 en 2019, représentant respectivement 2,6 Md
et 2,4 Md
). À
ces dispositifs s’ajoutent 56 dépenses fiscales dont le coût est nul ou
inférieur à 0,5 M
.
Ces dispositifs sont par ailleurs très hétérogènes. Les dispositifs
chiffrés à moins de 50 M
peuvent en effet concerner un nombre très réduit
de bénéficiaires, du fait notamment de leur ciblage, restreint à un secteur
d’activité, une profession ou un territoire spécifique. À l’inverse, certains
dispositifs inférieurs à 50 M
peuvent s’appliquer à un nombre élevé de
ménages ou d’entreprises, pour une réduction moyenne d’impôt par
conséquent limitée (par exemple, l’exonération des intérêts des livrets
41,5%
21,8%
4,3%
18%
7,2%
3,2%
4,4%
IR
IR et IS
IS
TVA
TICPE
Local
Autres
LES DÉPENSES FISCALES
29
d’épargne populaire concerne 8,5 millions de ménages, pour un coût de
15 M
; soit moins de 2
par bénéficiaire).
Par ailleurs, pour 222 dépenses fiscales, l’administration ne dispose
d’aucune estimation du nombre de bénéficiaires (
cf. infra
).
La concentration du coût des dépenses fiscales ne doit donc pas
occulter la multitude de petits dispositifs, dont l’efficacité, la pertinence ou
l’impact ne sont pas toujours établis.
Des efforts de rationalisation des dépenses fiscales sont néanmoins
conduits depuis plusieurs années. Ainsi, le PLF pour 2021 prévoyait la
suppression de deux dépenses fiscales considérées comme inefficientes et
le PLF pour 2020 de cinq dépenses fiscales, en plus de la limitation de
certains dispositifs dans le temps. Par ailleurs, depuis 2018, un programme
de suppression des taxes à faible rendement a été amorcé, notamment
via
l’intégration de scénarii de suppression de certaines de ces taxes à l’ordre
du jour des conférences fiscales. Ce programme se traduit également dans
les projets de lois de finances pour 2020 (suppression de 18 taxes à faible
rendement) et 2021 (7 suppressions). Ces efforts de rationalisation doivent
être poursuivis.
Ainsi, lorsque que la mesure fiscale dérogatoire n’a entraîné aucun
coût budgétaire sur l’ensemble d’une LPFP, il conviendrait d’envisager
une suppression de ces dispositifs, ou à tout le moins un déclassement de
ceux-ci.
En témoigne l’exemple de deux dépenses fiscales du programme
145
Épargne
qui sont évaluées à moins de 0,5 M
depuis plus de dix ans
et que l’administration
19
n’envisage pas de supprimer ou de déclasser pour
des raisons d’affichage. De même, l’exonération des revenus patrimoniaux
des établissements publics scientifiques pour leurs revenus fonciers
agricoles et mobiliers (n ° 300201), rattachée au programme 142
Enseignement supérieur et recherches agricoles
et créée en 1948, est
indiquée comme étant « non chiffrable » et le nombre de ses bénéficiaires
est « inconnu », depuis l’instauration du Tome II
Voies et moyens
.
19
La Direction générale du Trésor n’envisage pas leur suppression au motif que
l’exonération des plus-values réalisées à l'occasion de la cession ou du rachat de parts
de fonds communs de placement à risques sous certaines conditions (DF n° 150706)
«
permet de renforcer la compétitivité des fonds de capital investissement
» et
l’application d'un abattement d'assiette proportionnel de 20 % aux contrats d'assurance-
vie en unités de compte dénommés "vie-génération" dont les actifs sont investis en
partie dans le logement social ou intermédiaire, l'économie sociale et solidaire, le
capital-risque ou dans des entreprises de taille intermédiaire (DF n° 580103)
«
contribuerait à l'objectif de mobilisation d'une épargne privée vers certains
investissements
».
30
COUR DES COMPTES
La Cour propose ainsi la recommandation suivante :
Recommandation n°1 : lorsqu’une dépense fiscale n’a entraîné
aucun coût ou n’a concerné aucun bénéficiaire sur l’ensemble de la
période couverte par une loi de programmation des finances
publiques, étudier l’opportunité de la suppression du dispositif en
question
(recommandation nouvelle).
LES DÉPENSES FISCALES
31
2.Des dépenses fiscales qui ne sont ni pilotées
ni évaluées
La maîtrise des dépenses fiscales est un objectif affiché par les
pouvoirs publics, réitéré dans les lois de programmation des finances
publiques successives et matérialisé par un plafond fixé depuis 2013.
Les conférences fiscales, conduites depuis 2013, avaient également
pour objet de les rationaliser. Les dépenses fiscales avaient par ailleurs été
intégrées dans le champ des revues de dépenses en 2014.
Dans la pratique, ces différentes démarches ont eu peu d’effets.
Depuis leur création, elles n’ont jamais servi de support à une réduction, ni
à une stabilisation, du nombre et du coût des différents dispositifs. Au
contraire, les dispositions de la LPFP 2018-2022 (relèvement du plafond
de dépenses fiscales, disparition du plafond pour les crédits d’impôts) ont
sensiblement assoupli les contraintes établies par les deux lois de
programmation des finances publiques précédentes.
Les dépenses fiscales souffrent d’un défaut de pilotage et
d’appropriation. Par ailleurs, comme pour 2018, la Cour relève un défaut
d’évaluation et l’insuffisante articulation des dispositifs avec les objectifs
des politiques publiques auxquelles ils sont rattachés, même si elle note
que des travaux d’évaluation confiés à l’Inspection générale des finances
permettent d’envisager pour l’avenir une meilleure prise en compte de ces
impératifs. À ce jour, les critères permettant de s’assurer de leur efficience
ne sont donc pas réunis.
2.1
Des mesures de plafonnement et un chiffrage
des dépenses fiscales défaillants
2.1.1 Un relèvement d’un tiers du plafond de dépenses fiscales
pour 2018 par la LPFP 2018-2022
La LPFP pour 2014-2019 prévoyait un double plafonnement
indicatif, en montants, du coût total des dépenses fiscales et des crédits
d’impôt. Au cours des trois précédents exercices, il a été systématiquement
dépassé, sans qu’aucune mesure correctrice n’ait été adoptée.
La LPFP 2018-2022 rompt avec cette logique : son article 20 fixe
aussi un plafond annuel, mais exprimé en pourcentage, défini comme
le
rapport entre le coût annuel des dépenses fiscales et la somme des
recettes fiscales du budget général nettes des remboursements et
32
COUR DES COMPTES
dégrèvements et des dépenses fiscales.
Ce rapport ne peut excéder 28 %
pour les années 2018 et 2019, 27 % pour 2020, 26 % pour 2021 et 25 %
pour 2022.
Les recettes fiscales nettes s’élevant à 281,3 Md
, le rapport au titre
de 2019 s’établit ainsi à 26,2 %
20
, ce qui respecte le plafond fixé dans la
LPFP : 99,9 / (281,3 + 99,9) = 26,2 %.
Tableau n° 8 : évolution des dépenses fiscales au regard des plafonds
inscrits dans la LPFP 2018-2022 (en %)
Année
2018
2019
2020*
2021*
2022
Plafond (%)
28%
28%
27%
26%
25%
Coût (%)
25,1%
26,2%
26,5%
24,1%
n.c
Coût (Md
)
99
99,9
89,1
85,9
n.c
*Prévisions du PLF 2021.
Source : PLF 2018 à 2021, retraitement Cour des comptes
Au titre de l’année 2020, le rapport entre les dépenses fiscales dont
le coût global est évalué à 89,1 Md
et les recettes fiscales nettes établies
à 246,8 Md
est de 26,5 %, ce qui respecte également le plafond fixé dans
la LPFP.
Cet indicateur pose question. En effet, son calcul fait intervenir le
montant des dépenses fiscales au numérateur et au dénominateur ; une
augmentation des dépenses fiscales n’a ainsi qu’une incidence très limitée
sur le respect du plafond. Par ailleurs, il est basé sur les recettes fiscales
nettes, dont l’évaluation, tout comme pour les dépenses fiscales, est revue
tous les ans. Il existe ainsi une contradiction entre l’exposé des motifs de
la LPFP 2018-2022, qui indique que le nouveau mode de calcul du plafond
«
vise à instaurer un instrument de pilotage des dépenses fiscales destiné
à contenir leur montant total
», et le fait que ce plafond dépende du
montant même des dépenses fiscales.
La Cour reconduit ainsi la recommandation suivante :
Recommandation n°2 : à l’image de la charte de budgétisation qui
s’applique aux dépenses budgétaires sous norme, formaliser des
règles précises de définition et de modification du périmètre des
dépenses fiscales soumises au plafond de la loi de programmation
des finances publiques
(recommandation réitérée).
20
Chiffrage définitif en PLF 2021.
LES DÉPENSES FISCALES
33
2.1.2 Des efforts pour améliorer la fiabilité du chiffrage des
dépenses fiscales
Le chiffrage des dépenses fiscales est tout à la fois complexe et
approximatif, ce qui nuit à la connaissance comme au pilotage de ces
mesures fiscales dérogatoires. Les prévisions du coût des dépenses fiscales
sont fragiles et elles ont souvent sous-estimé leur dynamisme.
Il faut relever qu’un bureau des chiffrages et études statistiques a été
créé au sein de la direction de la législation fiscale (DLF), en septembre
2019, afin de renforcer la fonction de chiffrage. 23 dépenses fiscales ont
ainsi été chiffrées avec une fiabilité très bonne à compter du PLF pour
2021, du fait de la mise à jour des degrés de fiabilité en matière de fiscalité
directe locale depuis 2019, ainsi que de l’amélioration des données
déclaratives.
Selon la DLF, les résultats des chiffrages des dépenses fiscales
relatives à l’IR sont plus fiables que ceux des dispositifs portant sur l’IS
21
.
Une méthodologie de chiffrage complexe
Les méthodes de chiffrage utilisées par la DLF sont différentes selon
les impôts. Ces méthodes ne sont pas réservées à un type d’impôt en
particulier mais leur emploi obéit à la nature des données dont dispose
l’administration fiscale pour chiffrer le coût (définitif ou prévisionnel) des
différentes dépenses fiscales. Elles consistent soit à simuler les coûts quand
des données sont disponibles (c’est-à-dire la première année ou les deux
premières années sur les trois années fournies), soit à reconduire les
dynamiques et les montants observés les années précédentes (pour la
dernière année fournie). Ainsi, sur 475 dépenses fiscales, 73 sont chiffrées
à partir de simulation (et, parmi elles, 54 ont une fiabilité d’estimation
considérée comme « très bonne »), 143 à partir de la reconstitution de base
taxable à partir de données autres que fiscales (et, parmi elles, 15 ont une
fiabilité d’estimation considérée comme « très bonne ») et 165 à partir de
la reconstitution de base taxable à partir de données déclaratives fiscales
(et, parmi elles, 74 ont une fiabilité d’estimation considérée comme « très
bonne »).
21
Statistiquement, on observe que le pourcentage de dépenses fiscales relatives à l'IR
chiffrées avec un très bon degré de fiabilité (35 %) est supérieur à celui des dépenses
fiscales relatives à l'IS (26 %). Par ailleurs, le meilleur degré de fiabilité des dépenses
fiscales à l'IR provient du fait que les simulations sont réalisées à partir de données
réelles issues des bases de données de la DGFiP qui permettent d'identifier aisément les
contribuables concernés et d'estimer l'impact financier de l'avantage fiscal.
34
COUR DES COMPTES
Le chiffrage des dépenses fiscales se heurte de plus à des enjeux
d’assiette et de disponibilité des données, ce qui peut conduire à des
chiffrages conventionnels. Ainsi, par convention, les chiffrages sont
réalisés en considérant que les comportements des contribuables ne
changent pas en réponse à la mesure.
La DLF détermine la qualité du chiffrage au moyen de l’indicateur
de fiabilité portant pour chaque dépense fiscale sur la première année
chiffrée. Ainsi, la fiabilité de l’estimation est précisée depuis le PLF pour
2006. Cette indication de fiabilité permet de traduire de manière graduée
les limites méthodologiques rencontrées lors du chiffrage, liée notamment
à la nature et la qualité des données disponibles.
Le caractère approximatif des dépenses fiscales nuit à la qualité de
l’information délivrée
22
. En outre, le coût total des dépenses fiscales
recensé dans les annexes des projets de loi de finances ne tient pas compte
des dispositifs qui, notés « epsilon », ne sont pas supposés excéder 0,5 M
par an - pour un coût pour les finances publiques non déterminé. Le PLF
pour 2021 en identifie 52 pour 2020.
Comme l’illustre le graphique suivant, entre 2011 et 2020, la
proportion de dépenses fiscales non chiffrées est passé de 8 % à plus de
19,4 % du nombre total de dispositifs recensés.
22
Dans son rapport d’août 2019 sur les méthodes de chiffrage des dépenses fiscales,
l’IGF note que «
peu maîtrisées dans leur dynamisme, les dépenses fiscales font, dans
tous les pays, l’objet d’un chiffrage individuel et agrégé de moins bonne qualité que les
dépenses budgétaires, et reposent sur des techniques d’estimation plus ou moins
sophistiquées. Ainsi le chiffrage individuel est-il généralement restreint à la mesure du
coût fiscal immédiat de la mesure, indépendamment des ajustements comportementaux
des bénéficiaires ou des interactions entre dispositifs. Le chiffrage agrégé est quant à
lui délicat à déterminer, compte tenu des effets de substitution entre dispositifs, ce qui
conduit certains pays, comme les États-Unis, à ne pas présenter de coût agrégé des
dépenses fiscales. S'ajoute à cela l’hétérogénéité des données utilisées en appui des
exercices de chiffrage, qui peut en moduler la fiabilité selon qu’il s'agit de données
fiscales, professionnelles, associatives ou encore d'enquêtes statistiques
».
LES DÉPENSES FISCALES
35
Graphique n° 5 : évolution du nombre de dépenses fiscales non
chiffrées depuis 2011 (en pourcentage)
Source : Cour des comptes d’après PLF Tome II, Voies et moyens depuis 2011
NB : le nombre de dépenses fiscales non chiffrées s’établit à 92. Toutefois, l’application
de la méthode de reconduction du dernier coût connu pour les dépenses dont le coût
prévisionnel est non chiffrable conduit à revoir ce nombre, qui s’élève ainsi à 67 sur
475 dépenses fiscales.
* Évaluation PLF 2021.
Pour expliquer cette évolution pour 2019, la DLF invoque une
bascule applicative de la DGFiP concernant les dépenses fiscales relatives
aux droits d’enregistrement et de timbre, qui ne permet plus, pour ces dix
dépenses fiscales, d’indiquer le fondement juridique et donc d’obtenir les
données afférentes. La DGFiP a démarré un projet d'informatisation des
déclarations dont le premier lot de dématérialisation des déclarations
principales de succession est envisagé d'ici la fin du 1er semestre 2022
(déclarations non payantes).
Pour 2020, le PLF pour 2021, le
Voies et moyens,
tome II anticipe
92 dépenses fiscales non chiffrées. Parmi elles, 33 dépenses fiscales étaient
cependant chiffrées en 2019 : 22 avec un chiffrage, 3 « ε » et 8 considérées
comme
« sans
impact ».
Cet
écart
résulte
des
difficultés
pour
l’administration dans cet exercice de prévisions. Se fondant sur une
observation rétrospective, le caractère erratique de l’évolution de certaines
dépenses incite l’administration fiscale à préférer indiquer que la dépense
est non chiffrable.
36
COUR DES COMPTES
Il reste que les méthodologies de chiffrages devraient être
harmonisées dans les différents documents budgétaires (PAP et
Voies et
moyens
)
23
. En effet, l’instruction a mis au jour des divergences concernant
le coût total des dépenses par programme et mission, concernant la prise
en compte des dépenses non chiffrées.
En conséquence, la Cour reconduit la recommandation suivante :
Recommandation n°3 : À défaut d’autres sources d’information
permettant de la chiffrer, prévoir une obligation déclarative pour
chaque dépense fiscale nouvelle concernant l’impôt sur le revenu et
l’impôt sur les sociétés
(recommandation réitérée).
2.2
Les conférences fiscales, un processus encore
faiblement opérant pour maîtriser les dépenses
fiscales
2.2.1 Une programmation des conférences fiscales à renforcer
Treize conférences fiscales se sont tenues en 2020 (soit deux de plus
qu’en 2019), réunissant notamment la direction générale du Trésor, la
direction de la législation fiscale, la direction du budget et les représentants
des ministères de la transition écologique et solidaire, des solidarités et de
la santé, des outre-mer, de l'intérieur, de l'économie et des finances, de
l'action et des comptes publics, de la culture, des sports
24
, de la cohésion
des territoires, de l'agriculture et de l'alimentation, des armées, du travail,
de l’éducation et de la jeunesse et de l’enseignement supérieur, de la
recherche et de l’innovation. Les ministères de l'Europe et des Affaires
étrangères et de la Justice n'ayant aucune nouvelle mesure fiscale en
préparation lors de l'appel de texte, les conférences fiscales avec ces
ministères ne se sont pas tenues.
23
Ainsi pour la DLF, le caractère non chiffrable d’une dépense pour une prévision
n’implique pas la faiblesse ou la nullité du montant de celle-ci, l’administration reprend,
lorsqu’il existe, le dernier montant chiffré pour établir sa prévision.
24
À cette occasion le ministère a proposé la création d’un crédit d’impôt pour
encourager la pratique sportive au travail au bénéfice des PME pour un coût estimé de
20 M
à laquelle la DLF s’est opposée. Deux propositions autour des JOP 2024 ont
également été faites qui pourraient être mises en
œ
uvre à terme : l’exonération du
chronométreur officiel (entreprise OMEGA) et la prévention des situations de double
imposition des personnes présentes temporairement en France dans le cadre des jeux.
LES DÉPENSES FISCALES
37
Les conférences fiscales
Créées en 2013, les conférences fiscales ont pour objet de mener un
examen des dispositifs fiscaux d’une politique publique. Par circulaire
du directeur de la législation fiscale, en date 29 mars 2020, les objectifs
en ont été rappelé à l’ensemble des ministères :
-
É
changer sur l’utilisation de la fiscalité et identifier les mesures
fiscales qui auraient vocation à figurer dans les textes financiers ;
- Renforcer l’évaluation des dépenses fiscales existantes et réduire leur
nombre ou recentrer leur champ ;
- Identifier les taxes à faible rendement qui pourraient être supprimées
ou regroupées.
Pour préparer les conférences fiscales, la DLF adresse ainsi à chaque
ministère un dossier comprenant la liste des dépenses fiscales le
concernant, leur montant sur les trois dernières années ainsi qu’un
tableau des taxes affectées et/ou à faible rendement pour lesquelles la
suppression, la fusion, la rebudgétisation ou la transformation pourrait
être étudiée. Les ministères complètent le dossier et proposent des
mesures, classées par ordre de priorité décroissant. Ils sont également
invités à renseigner une fiche d’évaluation simplifiée pour chaque
proposition.
Le cycle des conférences fiscales en vue de l’élaboration du PLF 2021
s’est tenu, du fait du contexte sanitaire, de façon dématérialisée (lettre
de lancement en date du 6 mars 2020).
Les conférences fiscales ont fait l’objet, dès le mois d’avril 2020,
d’échanges préparatoires entre la DLF et la direction du budget pour
coordonner le déroulement des conférences de sécurisation et des
conférences fiscales. Ces conférences ont permis d'examiner les modalités
de poursuite du programme de suppression des taxes à faible rendement
ainsi que la suppression des dépenses fiscales inefficientes, qui ont
débouché respectivement sur la rédaction des articles 16 et 17 du PLF pour
2021.
L’article 16 proposait de poursuivre l'effort de réduction du nombre
de taxes à faible rendement en en supprimant sept (voir
supra)
. Sur
l’ensemble des ministères concernés, deux seulement ont proposé
l'aménagement de certaines dépenses fiscales et taxes à faible rendement.
L'article 17 visait à simplifier la législation fiscale en supprimant
deux dépenses fiscales obsolètes ou inefficientes : l'exonération d'impôt sur
le revenu et de cotisations ou contributions sociales des sommes perçues
par les lauréats du concours "French Tech Ticket" et l'exonération de taxe
38
COUR DES COMPTES
intérieure de consommation pour les huiles végétales pures utilisées
comme carburant agricole ou pour l'avitaillement des navires de pêche
professionnelle.
Le pilotage des dépenses fiscales souffre d’un défaut récurrent
d’appropriation, que les conditions sanitaires de l’année 2020 ont encore
renforcé, entre des ministères responsables de programmes qui affirment
ne pas détenir la compétence et les informations nécessaires pour en
évaluer l’impact, et le ministère de l’Économie, des Finances, de l’Action
et des Comptes publics qui voit son action limitée à un rôle d’observateur
et de conseil juridique sur les risques d’invalidation constitutionnelle ou
communautaire de telle ou telle nouvelle mesure envisagée. S’ensuit une
dilution des responsabilités en ce qui concerne le pilotage des dépenses
fiscales.
Les comptes-rendus des conférences fiscales montrent une
appropriation progressive de l’exercice par les administrations et l’amorce
d’un dialogue entre ces dernières et la DLF. Pour autant, les résultats des
conférences de l’exercice 2020 sont modestes : les dépenses fiscales
proposées à la suppression sont pour l’essentiel des mesures n’ayant plus
d’incidence budgétaire ou reprises par d’autres dispositifs. Trois ministères
ont ainsi fait des propositions de suppression. La DLF quant à elle a
proposé à six ministères des suppressions de dépenses fiscales auxquelles
la majorité d’entre eux se sont opposés.
Au titre de la LFI pour 2020, 17 dépenses fiscales ont été supprimées
pour un impact de 3,3 Md
en 2020
25
et 0,8 Md
en 2021.
Si la création des conférences fiscales, et leur tenue en 2020 dans
des conditions difficiles, doit être saluée, la question des évaluations et de
leur suivi doit être approfondie :
-
les évaluations réalisées sont peu nombreuses et ne permettent pas, à
de rares exceptions près, de nourrir utilement des discussions entre
ministres ;
25
Parmi les plus importantes (
Voies et moyens
, tome II) : exonération de taxe
d’habitation en faveur des personnes âgées, handicapées ou de condition modeste
(1,9 Md
) ; tarif réduit de TICPE du gazole non routier autre que celui utilisé pour les
usages agricoles (1,1 Md
) ; crédit d’impôt (IR et IS) en faveur de l’innovation
(0,2 Md
) ; crédit d’impôt (IR et IS) au titre des dépenses engagées pour la formation
du chef d’entreprise (0,05 Md
) ; dégrèvement de taxe d’habitation en faveur des
personnes de condition modeste relogées dans le cadre d’un projet conventionné au titre
du programme ANRU (0,01Md
) ; déduction d’IR et d’IS sur cinq ans du prix
d’acquisition des
œ
uvres originales d’artistes vivants (0,003Md
). Les onze autres
dépenses fiscales sont soit évaluées à 0 M
, soit à un montant « epsilon », soit non
chiffrées, soit sans impact.
LES DÉPENSES FISCALES
39
-
elles ne concernent pas l’ensemble des missions.
2.2.2 Des évaluations qui restent trop rares pour être utiles
au pilotage des dispositifs
Au-delà des seuls chiffrages, qui demeurent imparfaits, les dépenses
fiscales doivent faire l’objet d’évaluations afin de s’assurer de leur
efficacité et de leur efficience. Or, aucune évaluation exhaustive des
dépenses fiscales n’a été réalisée depuis près de 10 ans. La LPFP 2009-
2012 avait conduit à la mise en place d'un « comité d'évaluation » en vue
d'évaluer le stock existant avant le 30 juin 2011 (soit 470 dépenses fiscales
et de 68 niches sociales). 72 % des mesures avaient ainsi été évaluées.
Depuis, les objectifs d’évaluation ont été revus à la baisse par les
LPFP successives et se concentrent sur les « nouvelles » dépenses fiscales.
Les évaluations mises en
œ
uvre au cours des derniers exercices sont par
conséquent peu nombreuses ou incomplètes, et les données disponibles
(notamment s’agissant du chiffrage ou du nombre de bénéficiaires)
demeurent parcellaires.
Or, les travaux d’évaluation des dépenses fiscales constituent l'un
des premiers outils de maîtrise des coûts. Le Gouvernement missionne
régulièrement l’IGF concernant la question de l’évaluation des dépenses
fiscales. Par lettre de mission du 11 avril 2019, le ministre de l'Économie
et des Finances et le ministre de l'Action et des comptes publics ont ainsi
saisi l'Inspection générale des finances en vue de :
- procéder à un état des lieux des travaux d’évaluation et
d'encadrement des dépenses fiscales ou sociales, permettant d'identifier les
priorités, dans la perspective d’élaborer un programme d'évaluation
pluriannuel ;
-
dresser
un
bilan
des
règles
de
gouvernance
actuelles
(plafonnement, bornage dans le temps, reconduction conditionnée à une
évaluation positive, création sur la base d’analyses étayées des besoins,
conférences fiscales, procédure d’arbitrage relative aux dépenses fiscales,
etc.) et formuler toute proposition d'évolution sur la base des constats.
Sur la base des recommandations du rapport de l’IGF, remis en juin
2019, un programme d’évaluation a été élaboré fin 2019, portant sur la
période 2020 - 2023.
40
COUR DES COMPTES
2.2.2.1 Une révision à la baisse de l’objectif d’évaluation dans les
LPFP successives
En matière d’évaluation des dépenses fiscales, les trois dernières lois
de programmation des finances publiques ont systématiquement revu leurs
objectifs à la baisse.
Alors que la LPFP 2012-2017 prévoyait une évaluation par
cinquième chaque année des dépenses fiscales (article 18), cette disposition
a été abrogée par la LPFP 2014-2019 (article 35). Toutefois, cette dernière
limitait à trois années les nouvelles dépenses fiscales instaurées à compter
du 1
er
janvier 2015 (article 21) et, d'autre part, prévoyait une évaluation
systématique à l'issue de cette période, couplée, en cas de maintien de
celles-ci, à une obligation de justification (article 23). En outre, l’article 22
de la LPFP 2014 – 2019 prévoyait la réalisation de revues de dépenses,
mais sans fixer d’objectif chiffré.
La LPFP 2018 – 2022 a abrogé l’ensemble de ces dispositions
(article 36) et ne prévoit plus aucun objectif relatif aux revues de dépenses.
Une limitation dans le temps des nouvelles dépenses fiscales a toutefois été
fixée, mais plus souple qu’auparavant. L’article 20 de la LPFP pour les
années 2018 à 2022 prévoit ainsi que les créations ou extensions de
dépenses fiscales instaurées par un texte promulgué à compter du
1
er
janvier 2018 ne soient applicables que pour une durée maximale de
quatre ans (contre trois ans auparavant). Comme le précise le rapport
annexé à la LPFP 2018-2022, «
une telle disposition permet de fixer une
échéance d’évaluation, à l’approche de la date d’extinction du dispositif,
afin de justifier sa pertinence avant d’en proposer la reconduction au
Parlement
».
L'application de cette disposition est examinée à l'occasion
des conférences fiscales organisées chaque année entre la DLF, la DB et
les ministères porteurs de dépenses fiscales. S’agissant des « anciennes »
dépenses fiscales, leur contrôle est très limité
26
.
Des LPFP successives, il résulte clairement que l’exigence
législative d’évaluation des dépenses fiscales, déjà peu respectée, est
désormais très limitée. En témoigne le fait qu’aucune revue de dépenses,
au sens de la LPFP 2014-2019, n’a été conduite en 2020 ni en 2019.
26
L’article 34 de la LPFP prévoit que
chaque année, le Gouvernement transmet au
Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances de l'année, la liste des huit
dépenses fiscales les plus coûteuses parmi celles relatives à l'impôt sur le revenu et qui
ne sont pas communes avec celles relatives à l'impôt sur les sociétés. Cette liste précise,
pour chacune de ces dépenses, la distribution par décile de revenu du nombre de
contribuables concernés pour les trois années précédentes. Cette liste est rendue
publique dans un format permettant sa réutilisation.
LES DÉPENSES FISCALES
41
2.2.2.2 Une connaissance défaillante des bénéficiaires
Outre les difficultés liées au chiffrage, le nombre de bénéficiaires
n’est disponible que pour un peu plus de la moitié des dépenses fiscales
recensées dans le tome II de l’annexe
Voies et moyens
pour 2021 (soit 253
dispositifs sur 475), et ce, que les dispositifs ciblent les entreprises ou les
ménages.
Graphique n° 6 : nombre de bénéficiaires par dépense fiscale
Source : PLF pour 2021, retraitement Cour des comptes
Les dépenses fiscales dont le coût est le plus élevé ne sont pas
systématiquement les mieux connues. A titre d’exemple, le nombre de
bénéficiaires de l’exonération de l’impôt sur le revenu des rémunérations
versées à raison des heures supplémentaires et complémentaires
(n° 120146) n’est pas renseigné, alors que son coût atteint près de 1,9 Md
en 2020. Il en est de même pour le taux de TVA de 10 % pour la
restauration commerciale (n° 730221), qui représente 2,8 Md
en 2020.
Outre les 46 dépenses fiscales ne comptant aucun bénéficiaire, un
nombre significatif de dispositifs ne concernent qu’un nombre très réduit
de bénéficiaires pour un coût très faible, ce qui pose la question de la
pertinence de la mesure. Par exemple, le tarif réduit de taxe intérieure de
consommation (remboursement) pour le gazole utilisé pour les engins à
l’arrêt équipant les véhicules de transport de marchandises et les véhicules
à usages spéciaux (n° 800209) n’a bénéficié qu’à 4 entreprises en 2020,
222
46
22
27
59
45
24
25
5
0
50
100
150
200
250
Non
déterminé
0
1 à 99
100 à 999
1000 à
9999
10000 à
99999
100000 à
999999
1000000 à
9999999
10 millions
et plus
Ménages
Entreprises
Ménages et entreprises
42
COUR DES COMPTES
pour un coût inférieur à 0,5 M
. De même, la réduction d'impôt sur le
revenu à raison des intérêts perçus au titre du différé de paiement accordé
à des exploitants agricoles (n° 110239), dont le coût est également inférieur
à 0,5 M
, n’a bénéficié qu’à 14 ménages.
Ainsi, lorsque que la dépense fiscale ne concerne aucun bénéficiaire,
voire un nombre très limité de ceux-ci, sur l’ensemble de la période
couverte par la LPFP, une suppression du dispositif en question pourrait
être étudiée.
2.2.2.3 Des évaluations prévues qui ne sont que partiellement
réalisées
Si la LPFP 2018-2022 ne prévoit aucune obligation d’évaluation des
dépenses fiscales antérieures à 2018, des progrès ont toutefois été réalisés
dans ce domaine.
Des évaluations menées suite à l’effort de programmation du
Gouvernement mais également en raison d’obligations européennes
Les articles 29 et 136 de la loi de finances pour 2020 ont contribué
à accentuer l’effort de rationalisation des dépenses fiscales, notamment en
établissant le bornage dans le temps de certaines d’entre elles afin d'en
favoriser l'évaluation. Lors de l’examen du PLF pour 2020, le
Gouvernement a ainsi présenté un programme d’évaluation de près de 70
dépenses fiscales entre 2020 et 2023 (
cf.
annexe 1), l’objectif étant que ces
évaluations interviennent en temps utile afin de permettre au Parlement de
se prononcer sur l’opportunité de proroger les dispositifs arrivant à
échéance. Pour le seul exercice 2020, 13 évaluations étaient prévues,
couvrant 31 dispositifs rattachés à des missions variées.
En outre, pour certaines dépenses fiscales, l’article 29 du projet de
loi de finances prévoyait expressément :
- avant le 30 septembre de chaque année, la remise par le Centre
national du Cinéma et de l'image animée (CNC) au Gouvernement et au
Parlement d’un rapport évaluant les crédits d'impôt mentionnés aux articles
L. 331-1, L. 331-3 et L. 331-4 du code du cinéma et de l'image animée27,
au regard des objectifs qu'ils poursuivent ;
- la remise d’un rapport présentant la pertinence d'un bornage du
crédit d'impôt famille28 et « le cas échéant la durée recommandée,
27
Production d’
œ
uvres cinématographiques ou audiovisuelles, dépenses dans la
création de jeux vidéos, dépenses de production exécutive en France d'
œ
uvres
cinématographiques.
28
Article 244 quater F du code général des impôts
LES DÉPENSES FISCALES
43
l'incidence économique de ce crédit d'impôt, l'évolution de son coût et du
nombre de ses bénéficiaires ainsi que les éventuelles perspectives
d'évolution permettant d'en renforcer l'efficience » ;
- avant le 30 septembre 2022, la remise d’un rapport évaluant
l'efficience des exonérations des impatriés, en indiquant notamment
l'impact de ces dispositifs en termes d'attractivité du territoire français dans
le contexte du Brexit.
Le premier rapport a été bien remis par le CNC le 29 septembre
dernier. Une mission d'évaluation confiée à l’IGF et à l’IGAS, dont les
travaux sont en cours, prépare quant à elle le rapport d'évaluation du crédit
d'impôt famille.
Le programme d’évaluation 2020 – 2023 est quant à lui peu suivi à
ce stade : une seule évaluation a effectivement été réalisée en 2020 (qui
représente toutefois près de la moitié des dépenses inscrites au programme
2020). Une mission d'inspection conjointe du CGEDD (Conseil général de
l’environnement et du développement durable), de l'IGA, de l'IGAS et de
l'IGF a en effet été conduite au premier semestre 2020 sur les dispositifs
zonés de soutien du développement économique et de l'emploi dans les
territoires : les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les
zones franches-urbaines - territoires entrepreneurs (ZFU-TFE), les zones
de revitalisation rurale (ZRR), les zones de développement prioritaire
(ZDP), les bassins d'emploi à redynamiser (BER), les bassins urbains à
dynamiser (BUD) et les zones de restructuration de défense (ZRD).
D’autres contrôles, pouvant porter sur des dépenses fiscales à fort
enjeu, ont toutefois été réalisés en 2020, notamment :
- s’agissant de la mission Cohésion des territoires, une nouvelle
mission a été conduite en 2020 dans la continuité du rapport d’évaluation
du CGEDD et de l’IGF remis en novembre 2019, sur les dispositifs Pinel
(n° 110261) et PTZ (Prêt à taux zéro, n° 210313), qui représentent plus de
2,1 Md
à eux deux ;
- s’agissant de la mission Recherche et enseignement supérieur :
Le crédit d’impôt innovation
29
(200 M
en 2020) a fait l’objet d’une
évaluation par l’INSEE en décembre 2019, qui a conclu à un effet
positif sur l’emploi et le chiffre d’affaire, avec toutefois des effets
contradictoires sur les nouveaux produits ;
Suite à l’avis de synthèse publié en mars 2019 par la commission
nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI) sur la
29
Dépense fiscale n° 200310
44
COUR DES COMPTES
réforme du CIR de 2008
30
, une seconde phase d’évaluation portant
plus spécifiquement sur les effets indirects du CIR a été lancée en
2019. Les résultats de ces travaux n’ont toujours pas été publiés ;
Dans le cadre du plan d’évaluation du régime cadre des aides d’État
françaises à la recherche, au développement et à l’innovation (RDI),
validé par la Commission européenne, le dispositif Jeunes
entreprises innovantes (JEI)
31
, estimé à 12 M
, a été évalué. En
octobre 2020, le rapport d’évaluation a souligné la difficulté
d’estimer l’impact spécifique du dispositif JEI sur l’emploi et
d’établir des critères permettant de déterminer quelles entreprises
profitent au mieux de ce dispositif.
-
contrairement aux années précédentes, une évaluation a été réalisée
sur le périmètre de la mission Outre-Mer, portant sur l’impact du
régime d’aide fiscale à l’investissement productif neuf en outre-mer
(RAFIP), qui comprend 4 dépenses fiscales32, dont le total est estimé
à 834 M
en 2020. Les résultats de cette évaluation tendent à
démontrer l’impact positif du RAFIP sur les économies ultramarines.
À noter que dans plusieurs cas (dispositifs JEI et JEU, RAFIP),
l’évaluation relève également d’une obligation communautaire, dans le
cadre de la validation des aides d’État par la Commission européenne.
Un dispositif d’évaluation qui reste très incomplet
En dépit des évaluations réalisées en 2020, de nombreuses dépenses
fiscales restent en dehors du dispositif, y compris pour des sujets à fort
enjeu financier. Une proportion significative de dépenses fiscales estimées
à plus de 1 Md
n’ont ainsi jamais été évaluées. Les dépenses fiscales en
question se concentrent notamment sur les missions
Outre-mer
,
Cohésion
des territoires, Économie
et
Solidarité, insertion et égalité des chances
.
Quelques exemples sont répertoriés ci-dessous :
30
Cet avis conclut que la réforme du CIR de 2008 a atteint sa première cible : la
croissance des dépenses de recherche et de développement de ses bénéficiaires dans
une période pourtant marquée par la crise économique et la poursuite du mouvement
de désindustrialisation de l’économie française. Toutefois, la CNEPI relève que ces
études ne tiennent pas compte des effets indirects du CIR (effets de diffusion du savoir
et autres interactions macroéconomiques, y compris en termes de recettes fiscales
induites).
31
Dépense fiscale n° 230604 : Exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par
les JEI et les JEU
32
n° 110210, n° 110224, n° 210325, n° 320113
LES DÉPENSES FISCALES
45
- l’exclusion des départements d'outre-mer du champ d'application
de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants
(n° 800401), estimée à 1 595 M
en 2020 ;
- le taux réduit de TVA de 5,5 % pour les travaux d’amélioration de
la qualité énergétique des locaux à usage d’habitation achevés depuis plus
de deux ans ainsi que sur les travaux induits qui leur sont indissociablement
liés (n° 730223), chiffré à 1 120 M
en 2020 ;
- le taux réduit de TVA de 10 % pour la restauration commerciale
(consommation sur place et vente à emporter en vue d'une consommation
immédiate – n° 730211), dont le coût est estimé à 2 764 M
en 2020 ;
- les taux réduits de TICFE en lien avec l’exploitation d’installations
électro-intensives (n° 820201, 820202 et 820203), qui représentent
1 455 M
en 2020 ;
- l’abattement de 10 % sur les montants des pensions (y compris les
pensions alimentaires) et des retraites (n° 120401), estimé à 4 562 M
;
- l’exonération des prestations familiales, de l’allocation aux adultes
handicapés ou des pensions d’orphelins, de l’aide à la famille pour l’emploi
d’une assistante maternelle agréée, de l’allocation de garde d’enfant à
domicile et, depuis le 1er janvier 2004, de la prestation d’accueil du jeune
enfant, pour l’impôt sur le revenu (n° 120202), chiffrée à 1 955 M
.
À noter toutefois que l’absence d’évaluation peut parfois résulter
d’un classement récent parmi les dépenses fiscales, ainsi du taux
de TVA
de 5,5 % applicable aux théâtres, cirques, concerts, spectacles de variété,
sur les droits d’entrée dans les salles de cinéma et des parcs zoologiques,
inscrit en tant que dépense fiscale depuis le PLF 2020 (n° 730231), qui est
chiffré à 501 M
.
Certaines missions ou politiques n’ont été concernées par aucun
travail d’évaluation en 2020. Par exemple, pour la mission
Sport, jeunesse
et vie associative
, il n'y a pas eu de travaux spécifiques d’évaluation des
dépenses fiscales rattachées à la mission lors des trois dernières années, et
aucune évaluation n’est prévue en 2021 (bien que des travaux aient été
menés en 2019 sur le mécénat). A noter que pour la grande majorité de
celles-ci, le nombre de bénéficiaires n’est même pas estimé. De même, à
l’exception du rapport prévu en PLF pour 2020 sur le bornage du crédit
d’impôt famille, aucune évaluation n’a été menée depuis 2013 sur les
dépenses fiscales de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances
(qui représente pour mémoire plus de 15 % du total des dépenses fiscales).
Les dépenses fiscales en faveur de la Corse (mesures n° 730306,
taux particuliers de TVA applicables à divers produits et services
46
COUR DES COMPTES
consommés ou utilisés en Corse et n° 210305, crédit d'impôt pour
investissement en Corse), qui représentent à elles deux 310 M
en 2020 et
connaissent une augmentation sensible depuis plusieurs années, n’ont
jamais fait l’objet d’une évaluation par le ministère de la Cohésion des
territoires. La pertinence de ces dépenses fiscales ne fait toujours pas
l’objet d’évaluation malgré les recommandations réitérées de la Cour
33
. La
dernière évaluation remonte au rapport du comité d’évaluation des
dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011 qui avait pourtant mis
en doute leur efficacité.
Si deux tiers des dépenses fiscales évaluées en 2011 avaient obtenu
des résultats insuffisants (soit un score de 0 ou 1), moins de 27 % de ces
mesures ont disparu en 2019. Des dépenses fiscales en faveur des
entreprises évaluées à « zéro » en 2011 n’ont en effet jamais fait l’objet
d’une évaluation par les ministères responsables. C’est par exemple le cas
de la mesure n° 800222 (TICPE : Tarif réduit de taxe intérieure de
consommation pour le gazole utilisé comme carburant des véhicules de
transport public collectif de voyageurs) dont le coût est évalué à 282 M
en 2020, et qui était décrit par la Cour comme un dispositif à revoir
34
.
Par ailleurs, les évaluations réalisées peuvent s’avérer incomplètes.
C’est par exemple le cas du crédit impôt recherche, deuxième dépense
fiscale par son montant (6,6 Md
en 2020). Le rapport d’information « sur
l’évaluation de la politique industrielle » déposé à l’Assemblé nationale le
21 janvier 2021 souligne ainsi la limite des études réalisées jusqu’ici, qui
« n’ont pas été en mesure de quantifier précisément l’effet d’entraînement
du CIR sur l’effort de R&D des entreprises, ni a fortiori son impact sur le
développement futur de celles-ci. » En effet, l’effet multiplicateur du CIR
sur la dépense de R&D paraît incertain.
Les résultats du programme d’évaluation mis en place depuis le PLF
pour 2020 restent ainsi assez faibles. Une seule évaluation prévue pour
2020 dans le programme pluriannuel a été réalisée. Par ailleurs, les
ambitions du programme ont été revues à la baisse pour 2021, où il est
prévu de contrôler un plus petit nombre de dispositifs. Aussi, bien que la
démarche d’évaluation ait semblé enregistrer des progrès depuis 2 ans, il
n’en convient pas moins de veiller à la mise en
œ
uvre effective des
évaluations prévues et à leur ciblage.
En effet, si le rapport de l’IGF de juin 2019 exclut une revue
exhaustive des dépenses fiscales, sur le modèle de celle conduite en 2011,
33
Cour des comptes, NEB 2018, mission
Cohésion des territoires
34
Cour des comptes
, L’efficience des dépenses fiscales relatives au développement
durable,
septembre 2016.
LES DÉPENSES FISCALES
47
il préconise de cibler essentiellement les dispositifs à fort enjeu financier
et quelques politiques publiques que le Gouvernement souhaite expertiser
afin de les moderniser. Or, les dispositifs inscrits au programme 2020 –
2023 ne remplissent pas systématiquement ces conditions.
Un préalable à la démarche d’évaluation reste toutefois la fourniture
de données fiables et complètes s’agissant du chiffrage des dépenses
fiscales et de leur nombre de bénéficiaires. Enfin, une méthodologie
partagée de l’évaluation de l’efficacité et de l’efficience des dépenses
fiscales devra être établie, afin de rendre ces évaluations plus
opérationnelles en vue des arbitrages sur le maintien ou non de tel ou tel
dispositif.
La Cour reconduit ainsi la recommandation suivante en la
reformulant :
Recommandation n°4 : accélérer la mise en
œ
uvre du programme
d’évaluation de l’efficacité et de l’efficience des dépenses fiscales les
plus significatives sur la période restant à couvrir d’ici 2022,
s’assurer que les résultats des évaluations donnent bien lieu, le cas
échéant, à une rationalisation des dispositifs concernés et préparer
le programme d’évaluation à mettre en
œ
uvre au cours de la
prochaine
loi
de
programmation
des
finances
publiques
(recommandation reformulée).
2.2.3 Une articulation mal assurée entre les dépenses fiscales
et les objectifs poursuivis
Aucun texte ne prévoit explicitement de classer les dépenses fiscales
en fonction des objectifs du programme auquel elles se rattachent. L’article
51 de la LOLF dispose en effet seulement que «
sont joints au projet de loi
de finances de l'année […] des annexes explicatives […] accompagnées du
projet annuel de performances de chaque programme précisant […]
l'évaluation des dépenses fiscales
». L’information concernant les objectifs
poursuivis par les dépenses fiscales est donc très limitée. Dans l’ensemble
des documents de politique transversale annexés aux PLF successifs, le
chapitre consacré à la «
présentation des principales dépenses fiscales
concourant à la politique transversale
» se limite à une simple liste des
dispositifs, qui ne détaille ou n’évalue ni leur objectif, ni leur impact. Le
Tome II du
Voies et moyens
annexé au PLF comporte, en plus de
l'estimation du montant des dépenses fiscales, certains éléments
complémentaires tels que la méthode et la fiabilité du chiffrage, les dates
de début et de fin d'applicabilité et le texte de référence au CGI (ces
informations étant transmises à titre indicatif). Depuis le PLF pour 2021,
48
COUR DES COMPTES
est également indiquée la finalité visée par chaque dépense fiscale. Ces
éléments restent toutefois insuffisants.
La Cour relève ainsi depuis plusieurs années que la cohérence entre
les dépenses fiscales et les objectifs des programmes auxquels elles se
rattachent n’est pas toujours assurée.
Le choix des indicateurs de performance peut se révéler mal adapté
aux dépenses fiscales. En effet, certaines dépenses fiscales, en particulier
lorsque leur montant est élevé ou le nombre de leurs bénéficiaires
important, peuvent contribuer à des objectifs dont la portée est plus large
que ceux figurant dans le volet performance des PAP, voire différente de
ces derniers.
Un tel décalage entre les objectifs affichés et le contenu réel du
dispositif est notamment observé s’agissant de la mission
Économie
.
Ainsi, un grand nombre de dépenses fiscales associées au
programme 134
Développement des entreprises et régulation
n’ont aucun
lien avec les trois objectifs de ce programme : « renforcer l’efficacité des
aides aux entreprises », qui porte sur le soutien offert par Bpifrance,
« améliorer l’efficacité du soutien public à l’internationalisation des
entreprises », et « assurer le fonctionnement loyal et sécurisé des
marchés », destiné notamment à évaluer l’action de la DGCCRF. Il s’agit
entre autres du taux de TVA de 10 % pour la restauration commerciale
(n° 730221), estimé à 2,8 Md
en 2020, du tarif réduit de TICFE pour
l’électricité consommée sur des sites industriels électro-intensifs
(n° 820203), chiffré à 1,1 Md
ou encore de la pratique des amortissements
dérogatoires,
via
la déduction exceptionnelle de 40 % du prix de revient de
certains biens limitativement énumérés, pratiquée sur la durée normale
d'utilisation du bien (n° 200401), estimée à 0,9 Md
en 2020.
De même, les exonérations des droits d'enregistrement pour les actes
portant changement de régime matrimonial (n° 550103) ou la taxation à un
taux réduit d’IS de certains revenus de capitaux mobiliers perçus par les
caisses de retraite et de prévoyance (n° 320108) n’ont aucun lien apparent
avec les trois objectifs du programme 305
Stratégie économique et fiscale
auxquelles elles sont rattachées
35
.
Des constats similaires se retrouvent dans la mission
Écologie,
développement et mobilité durables.
Cette dernière recense 59 dépenses
fiscales en 2020, relatives essentiellement à l’énergie, au climat, aux
35
Assurer la qualité de l'analyse et des prévisions présentées dans le projet de loi de
finances, dans le domaine des évolutions économiques et dans celui des recettes
fiscales, assurer l'efficacité du réseau international de la Direction générale du Trésor,
assurer un traitement efficace du surendettement.
LES DÉPENSES FISCALES
49
transports mais également au logement ou à la préservation des ressources
naturelles. Or, faute de vision d’ensemble quant à leur impact, une part
significative de ces dispositifs s’avère inefficace voire génère des effets
contraires aux objectifs de la mission.
Les dépenses fiscales défavorables à l’environnement
En 2016, la Cour des comptes avait dressé un panorama des dépenses
fiscales relatives au développement durable
36
, en proposant une
typologie de classement entre dépenses favorables et défavorables. Elle
y notait que 14 des dépenses fiscales relevant de la mission
Écologie
,
développement et mobilité durables
généraient des effets défavorables
au développement durable.
Le rapport sur le
Green Budgeting
publié le 25 septembre 2019 par la
mission IGF–CGEDD se penche sur les enjeux environnementaux des
dépenses fiscales
37
. Il recense 2,9 Md
de dépenses fiscales ayant un
impact défavorable, essentiellement dans le domaine de la lutte contre
le changement climatique. Il s’agit principalement d’exonérations de
taxes intérieures sur la consommation (TIC) des produits énergétiques
bénéficiant aux secteurs industriels et de la production d’énergie. En
particulier, la mission a classé comme défavorables les exonérations sur
l’électricité
consommée
par
les
installations
électro-intensives
considérant qu’il s’agissait d’une baisse des prix de l’énergie qui
désincitait la transition vers une économie sobre en énergie.
Dans le même ordre d’idée, dans son rapport de septembre 2019 sur la
fiscalité environnementale
38
, le Conseil des prélèvements obligatoires
(CPO) considère que la majorité des dépenses fiscales attachées à la
TICPE «
sont défavorables à l’environnement et peuvent être
considérées comme des soutiens à la consommation d’énergies
fossiles
». Il suggère qu’une réforme des dépenses fiscales les réoriente
vers des objectifs favorables à l’environnement et propose la
suppression des tarifs de remboursement de TICPE en faveur du
transport routier de marchandises en vue d’élargir l’assiette de la
fiscalité carbone.
36
Cour des comptes
, L’efficience des dépenses fiscales relatives au développement
durable,
septembre 2016.
37
IGF-CGEDD,
Green Budgeting : proposition de méthode pour une budgétisation
environnementale,
septembre 2019.
38
Conseil des prélèvements obligatoires,
La fiscalité environnementale au service de
l’urgence climatique
, septembre 2019.
50
COUR DES COMPTES
Ces constats sont réitérés dans le Jaune budgétaire annexé au PLF 2021
Rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État
, qui précise
que plus de la moitié (en montant) des dépenses fiscales relatives à la
mission
Ecologie, développement et mobilité durables
ont un impact
défavorable sur l’environnement.
L’empilement des dépenses fiscales relatives au développement durable
et à l’environnement, opéré sans cohérence et à l’efficience parfois
incertaine, pourrait ainsi conduire à cumuler les coûts tout en annulant
les résultats de ces dispositifs. Des efforts d’évaluation et de
coordination pourraient être effectués dans ce domaine.
Par ailleurs, pour plus de la moitié des missions, le Tome II de
l’annexe
Voies et moyens
indique qu’aucune dépense fiscale n’est rattachée
à un indicateur de performance. C’est notamment le cas pour plusieurs
missions comportant pourtant un nombre élevé de dépenses fiscales,
comme la mission
Économie
.
Les mesures peuvent en outre n’avoir qu’un lien ténu avec le
programme auquel elles sont rattachées. Ainsi, les aides aux entreprises
s’implantant dans une zone de restructuration de la défense (n° 090201 -
crédit d'impôt pour les micro entreprises implantées en zone de
restructuration de la défense et n° 230605 - exonération du bénéfice réalisé
par les entreprises créées en zone de restructuration de la défense) relèvent
davantage de l’impulsion et de la coordination de la politique
d'aménagement du territoire (programme 112) que du programme 212
Soutien de la politique de la défense
auquel elles sont rattachées.
Les progrès sur ce point sont assez minimes : en 2019 comme en
2020, seules deux dépenses fiscales ont été rattachées à un programme
correspondant davantage à leur objet. En 2020, il s’agit de l’exonération de
taxe foncière en faveur des zones humides (n° 060105), qui passe du
programme 138
Emploi outre-mer
au programme 113
Paysages, eau et
biodiversité
et du tarif réduit de TICPE pour le gazole non routier autre que
celui utilisé pour les usages agricoles (n° 800201), qui passe du programme
149
Agriculture
au programme 174
Énergie, climat et après-mines
.
Par ailleurs, un certain nombre de dépenses fiscales relèvent de
politiques plus larges que celles soutenues par leur programme de
rattachement. Par exemple, l’abattement de 10 % d’IR sur le montant des
pensions, y compris les pensions alimentaires, et des retraites (n° 120401),
chiffré à 4,6 Md
en 2020 et rattaché au programme 157
Handicap et
dépendance
ne concerne pas seulement les personnes âgées dépendantes
ou handicapées, mais l’ensemble des retraités, ainsi que les bénéficiaires
d’une pension alimentaire non retraités. Une même dépense fiscale peut
LES DÉPENSES FISCALES
51
ainsi concourir en réalité à plusieurs politiques ou programmes. Par
exemple, la réduction d’impôt au titre des dons (n° 110201), estimée à
1,5 Md
en 2020, est rattachée à titre principal au programme 163
Jeunesse
et vie associative
mais figure également à titre subsidiaire dans les PAP
d’autres programmes, notamment le programme 177
Hébergement,
parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
. Pour
chaque programme concerné, la dépense fiscale est inscrite pour la totalité
de son montant, ce qui fausse l’évaluation du total des moyens consacrés à
une politique donnée.
Ces décalages traduisent l’absence d’intégration des mesures
fiscales dans une politique globale et cohérente. Les analyses conduites par
ailleurs par la Cour ont pu remettre en cause l’efficacité même de certaines
dépenses fiscales, au regard des objectifs poursuivis.
Depuis leur création, les outils de pilotage n’ont pas permis de
réduire ni de stabiliser le nombre et le coût des différents dispositifs. Le
plafond prévu par la loi de programmation des finances publiques 2018 –
2022 est inopérant ; les évaluations menées sont incomplètes et peu
opérationnelles et les résultats des conférences fiscales demeurent faibles
voire inexistants. Par ailleurs, l’articulation entre les dépenses fiscales et
les objectifs des politiques publiques montre parfois des incohérences.
Malgré l’accent mis sur l’évaluation dans le PLF pour 2020, la mise
en
œ
uvre du programme d’évaluation demeure incomplète. Il conviendra
donc de veiller à la réalisation effective des contrôles prévus, et s’assurer
que les résultats des évaluations donnent bien lieu, le cas échéant, à une
rationalisation des dispositifs.
52
COUR DES COMPTES
3.Les recommandations de la Cour
3.1
Le suivi des recommandations formulées par la
Cour au titre de 2019
La Cour avait formulé quatre recommandations au titre de l’année
2019, qui n’ont pas été mises en
œ
uvre :
Recommandation n°1 : À défaut d’autres sources d’information
permettant de la chiffrer, prévoir une obligation déclarative pour chaque
dépense fiscale nouvelle concernant l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les
sociétés (recommandation nouvelle).
La recommandation n°1, introduite pour la première fois en 2019,
prévoit d’assortir chaque création de dépense fiscale d’une obligation
déclarative permettant ensuite leur chiffrage comme leur évaluation. La
Cour a par ailleurs reformulé cette nécessité lors de la publication du référé
relatif à la fiscalité des associations du 8 décembre 2020 en proposant de
rétablir l’annexe à la déclaration de revenus détaillant la liste des
associations bénéficiaires de dons ainsi que des montants accordés. En
effet, pour améliorer l’évaluation, le suivi et le contrôle des dépenses
fiscales, l’administration doit pouvoir disposer de données permettant la
connaissance de ces dispositifs. Dans un souci d’efficacité, il a été proposé
de limiter le champ de cette recommandation dans un premier temps aux
nouvelles dépenses fiscales créées par le Gouvernement concernant
l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés (qui représentaient 69 % du
montant des dépenses fiscales pour l’année 2019).
La DLF considère que l’administration met déjà en
œ
uvre tous les
moyens dont elle dispose afin de procéder à un chiffrage du coût des
dépenses fiscales. Elle rappelle que les données actuellement à disposition
de l’administration fiscale ne permettent pas toujours de procéder au
chiffrage des dispositifs. Cela nécessite alors de faire appel aux autres
administrations concernées pour reconstituer les coûts à partir de données
autres que fiscales, lorsque ces dernières sont disponibles et suffisamment
fiables. Dans certains cas toutefois, aucune donnée disponible ne permet
de procéder à une estimation ou à une simulation du coût de la dépense ; le
coût de cette dernière est alors indiqué comme « non chiffrable ».
Dans ce contexte, la DLF estime que la mise en place d’une
obligation déclarative systématique à chaque création de dépense fiscale
serait une solution pour s’assurer de la disponibilité de données fiables qui
permettraient de chiffrer et d’améliorer le suivi des dépenses fiscales. Cette
LES DÉPENSES FISCALES
53
obligation relèverait du service de la gestion fiscale de la DGFiP en charge
des obligations déclaratives fiscales.
Cependant, la DLF relève que l’instauration d’obligations
déclaratives supplémentaires ne serait pas sans coût pour l’administration
fiscale, ferait peser une charge supplémentaire sur les usagers bénéficiaires
et rendrait le système fiscal plus complexe dans son ensemble. Cet
alourdissement des obligations déclaratives pour les bénéficiaires de
dépenses fiscales irait en outre à l’encontre des mesures mises en place
depuis plusieurs années visant à simplifier les modalités de déclaration de
l’impôt.
L’existence d’une obligation déclarative permettant, aux dires
mêmes de la DLF, d’obtenir des données fiables pour le chiffrage et
l’évaluation des dépenses fiscales, la Cour envisage de reconduire sa
recommandation.
Recommandation n°2 : mettre en
œ
uvre le programme d’évaluation
de l’efficacité et de l’efficience des dépenses fiscales les plus significatives
sur la période restant à couvrir d’ici 2022 (recommandation reformulée).
La recommandation n° 2, introduite en 2014 et reformulée depuis,
invitait l’administration mettre en
œ
uvre un programme d’évaluation de
l’efficacité et de l’efficience des dépenses fiscales les plus significatives
sur la période restant à couvrir jusqu’au terme de la loi de programmation.
À titre liminaire, la DLF indique, comme lors des exercices
précédents, que l’évaluation de l’efficacité et de l’efficience des dépenses
fiscales relève avant tout de la responsabilité du ministère responsable de
programme. Les données fiscales dont dispose, le cas échéant, la DLF ne
sont en effet pas suffisantes pour apprécier si les objectifs de politique
publique poursuivis sont atteints.
L’article 20 de la LPFP 2018-2022 relatif aux dépenses fiscales ne
mentionne plus leur évaluation. Si le rapport annexé à la LPFP souligne
que le principe d’une limitation dans le temps des mesures « permet de
fixer une échéance d’évaluation à l’approche de la date d’extinction du
dispositif afin de justifier sa pertinence avant d’en proposer la reconduction
au Parlement », il n’en demeure pas moins que toute référence explicite à
l’évaluation des dispositifs a disparu de la loi de programmation.
La DLF rappelle que l'article 29 de la loi de finances pour 2020
prévoit, outre la suppression de certaines dépenses fiscales inefficientes, de
borner dans le temps d’autres dépenses qui présentaient un besoin
particulier d'évaluation afin d’élaborer un programme d’évaluation de
dépenses fiscales. Il prévoit également l’élaboration de rapports
54
COUR DES COMPTES
d’évaluation sur plusieurs politiques spécifiques. Dans ce cadre, un
programme d’évaluation 2020-2023 a été présenté par le Gouvernement en
complément du PLF pour 2020.
Si l’année 2020 a été marquée par l’évaluation d’un certain nombre
de dispositifs à fort enjeu financier, le programme fixé pour 2020 n’a pas
été exécuté en totalité et un grand nombre de dépenses fiscales d’un
montant élevé ne font toujours l’objet d’aucune évaluation. Par ailleurs, les
résultats des travaux d’évaluation donnent rarement lieu à une révision ou
une suppression des dispositifs en question.
La Cour constate ainsi que sa recommandation a été partiellement
mise en
œ
uvre du fait des progrès réalisés en matière d’évaluation. Elle
envisage de la maintenir en la reformulant, afin que les contrôles prévus
dans le programme d’évaluation des dépenses fiscales soient effectivement
réalisés d’ici le terme de la LPFP et que ces évaluations donnent lieu à des
résultats concrets.
Recommandation n°3 : compléter les documents budgétaires en
précisant les objectifs auxquels concourent les dépenses fiscales rattachées
à chaque programme et en les assortissant, pour les plus significatives,
d’indicateurs de performance (recommandation maintenue).
La DLF rappelle à titre liminaire que l’article 51 de la LOLF ne
prévoit pas explicitement de classer les dépenses fiscales en fonction des
objectifs du programme auquel elles se rattachent.
Elle signale toutefois que le Tome II du V
oies et moyens
annexé au
PLF comporte, en plus de l'estimation du montant des dépenses fiscales,
certains éléments complémentaires tels que la méthode et la fiabilité du
chiffrage, les dates de début et de fin d'applicabilité et le texte de référence
au CGI (ces informations étant transmises à titre indicatif). La DLF a
également ajouté dans le Tome II annexé au PLF pour 2021 la finalité visée
par chaque dépense fiscale.
La DLF considère que si la recommandation de la Cour est
applicable à certaines politiques publiques dont la part de financement par
des dépenses fiscales est importante, l'application généralisée de cette
recommandation à l'ensemble des dépenses fiscales se heurte à leur nature
particulière. En effet, ces dispositifs contribuent dans de très nombreux cas
à des objectifs de portée plus large, voie différente, des objectifs figurant
dans le volet performance des PAP, qui ont quant à eux vocation à rendre
compte de l'utilisation des crédits budgétaires alloués au programme.
De même, la pertinence d’indicateurs de performance pour chaque
dépense fiscale doit être examinée au cas par cas. À titre d’exemple, pour
LES DÉPENSES FISCALES
55
certaines dépenses fiscales correspondant à la volonté du législateur
d’alléger la charge fiscale de certains redevables en raison de leur situation
particulière (par exemple les dispositifs en faveur des anciens combattants
ou de certains publics vulnérables) sans poursuivre de finalité incitative
particulière, il s’avérera difficile de définir un indicateur à même de
traduire l’efficacité du dispositif fiscal.
Ainsi, la DLF indique préférer une démarche d’évaluation ciblée,
plus pertinente selon elle pour prendre en compte l’ensemble des objectifs
poursuivis par les dépenses fiscales et de les replacer dans le contexte plus
large de la politique publique à laquelle ils concourent.
Elle estime que la mise en place d’indicateurs spécifiques pour les
dépenses fiscales présente deux principaux défauts. D’une part, la
multiplication des indicateurs pour un programme donné pourrait être
contre-productive, au regard des indicateurs déjà renseignés dans les PAP,
et créer une charge supplémentaire pour les responsables de programme.
D’autre part, l’approche par des indicateurs pourrait s’avérer réductrice
pour évaluer une politique publique, ces derniers ne prenant pas en compte
les interactions entre les différents dispositifs concourant à la politique en
question.
Selon la Cour, les dépenses fiscales doivent ainsi être replacées dans
un cadre plus large. Comme elle l’indique dans un rapport public
thématique récent sur la gouvernance des finances publiques
39
, elle estime
parallèlement nécessaire de compléter le périmètre des missions et
programmes budgétaires en y faisant figurer l’ensemble des moyens de
natures diverses concourant au financement de l’action publique et
réexaminer sur une période de trois à cinq ans la pertinence des dispositifs
de financement dérogeant aux principes d’unité et d’universalité (dépenses
fiscales, opérateurs, taxes affectées, fonds sans personnalité juridique).
En conséquence, la Cour supprime sa recommandation et rappelle
celle formulée dans le rapport sur la gouvernance des finances publiques.
Recommandation n° 4 : à l’image de la charte de budgétisation qui
s’applique aux dépenses budgétaires sous norme, formaliser des règles
précises de définition et de modification du périmètre des dépenses fiscales
soumises au plafond de la LPFP (recommandation maintenue).
Cette quatrième recommandation, introduite en 2015, invitait
l’administration à formaliser des règles précises de définition et de
39
Rapport public thématique : « Les finances publiques : pour une réforme du cadre
organique et de la gouvernance », novembre 2020, recommandation n°13.
56
COUR DES COMPTES
modification du périmètre des dépenses fiscales soumises au plafond de la
LPFP.
Comme pour les exercices précédents, la DLF indique partager la
recommandation de la Cour portant sur la nécessité de documenter
davantage le champ et l’évolution des dépenses fiscales. S’agissant de la
formalisation de règles précises de définition et de modification du
périmètre des dépenses fiscales, la DLF rappelle la difficulté de définir la
norme par rapport à laquelle s’apprécie le caractère dérogatoire d’une
mesure, notamment parce que cette norme n’est pas définie de façon
intangible. L’administration souligne que la norme est susceptible
d’évoluer en fonction de la législation nationale ou communautaire, qui
expliquent en grande partie les « changements de périmètre »
(classements/déclassements de dépenses fiscales). La DLF rappelle
toutefois que quelques progrès ont été réalisés en termes de formalisation
du concept de dépense fiscale et de suivi des changements de périmètre
dans le tome II des
Voies et moyens
annexé au PLF.
Pour ces raisons, les règles définies dans la charte de budgétisation
s’appliquant aux dépenses budgétaires sous norme ne sauraient être
transposées selon l’administration aux dépenses fiscales compte tenu des
difficultés existantes pour définir ces dernières.
La recommandation n’a pas été mise en
œ
uvre, ce qui conduit la
Cour à en visager de la réitérer. Une meilleure formalisation du périmètre
des dépenses fiscales serait notamment utile pour permettre le respect du
plafonnement prévu par la LPFP, le chiffrage des dépenses fiscales devrait
s’opérer non seulement en comparant l’évolution du coût PLF par PLF
mais aussi à périmètre constant dans le cadre d’exercice d’une loi de
programmation.
3.2
Récapitulatif des recommandations formulées
au titre de la gestion 2020
Au titre de l’exercice 2020, la Cour maintient trois de ses
recommandations,
dont
une
en
la
reformulant,
supprime
une
recommandation et en formule une nouvelle.
LES DÉPENSES FISCALES
57
La Cour formule ainsi quatre recommandations au titre de l’année
2020 :
Recommandation n°1
: lorsqu’une dépense fiscale n’a entraîné
aucun coût et/ou n’a concerné aucun bénéficiaire sur l’ensemble de la
période couverte par une loi de programmation des finances publiques,
étudier l’opportunité de la suppression du dispositif en question
(recommandation nouvelle).
Recommandation n°2
: à l’image de la charte de budgétisation qui
s’applique aux dépenses budgétaires sous norme, formaliser des règles
précises de définition et de modification du périmètre des dépenses fiscales
soumises au plafond de la loi de programmation des finances publiques
(recommandation réitérée).
Recommandation n°3
: à défaut d’autres sources d’information
permettant de la chiffrer, prévoir une obligation déclarative pour chaque
dépense fiscale nouvelle concernant l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les
sociétés
(recommandation réitérée).
Recommandation n°4
: accélérer la mise en
œ
uvre du programme
d’évaluation de l’efficacité et de l’efficience des dépenses fiscales les plus
significatives sur la période restant à couvrir d’ici 2022, s’assurer que les
résultats des évaluations donnent bien lieu, le cas échéant, à une
rationalisation des dispositifs concernés et préparer le programme
d’évaluation à mettre en
œ
uvre au cours de la prochaine loi de
programmation des finances publiques
(recommandation reformulée).
58
COUR DES COMPTES
Annexe n° 1 : extrait du programme d’évaluation
présenté lors de l’examen du PLF 2020
Année
d'évaluation
É
valuations à conduire
Dépenses fiscales concernées
(numéro du VMT2)
1/ Régimes zonés fiscaux : zones de revitalisation rurale (ZRR), zones franches urbaines de troisième
génération (ZFU), zones d'aide à finalité régionale (ZAFR), bassins d'emploi à redynamiser (BER),
bassins urbains à dynamiser (BUD), zones de développement prioritaire (ZDP), quartiers prioritaires
de la politique de la ville (QPV).
220102, 220104, 230602, 230606
, 230608,
230609, 040101
, 040111,
040112, 050106
,
050111,
050112
,
090101, 090111, 090113
2/ Crédit d'impôt pour l'investissement en Corse (CIIC).
210305
3/ Crédit d'impôt en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique.
210316
4/ Réduction d'impôt sur le revenu au titre des souscriptions en numéraire au capital des sociétés
anonymes de financement d'
œ
uvres cinématographiques ou audiovisuelles (SOFICA)
110244
5/ Crédit d'impôt pour dépenses d'équipements de l'habitation principale en faveur de l'aide aux
personnes
110236
6/ Aides fiscales en faveur de la forêt : réduction d'impôt sur le revenu pour les investissements et
cotisations d'assurance de bois et forêts ; crédit d'impôt sur le revenu pour travaux forestiers et
rémunérations versées pour la réalisation de contrats de gestion de bois et forêts
110226, 110262
7/ Dispositifs en faveur du logement à usage d'habitation : exonération des plus-values immobilières
en vue de leur cession à des organismes chargés du logement social ; exonération temporaire des
plus-values de cession d'un droit de surélévation ; imposition au taux réduit de 19% des plus-values
de cession sous réserve de transformation en locaux d'habitation
150119, 150406,
320141
8/ Déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse
230403
9/ Aides en faveur des entreprises : exonération temporaire des bénéfices réalisés par les sociétés
créées pour reprendre une entreprise en difficulté ; déduction exceptionnelle en faveur de
l'investissement des PME dans la robotique et la digitalisation industrielle
230102, 300111
10/ Réduction d'impôt au titre des travaux de réhabilitation (ou de confortation contre le risque
cyclonique) réalisés par une entreprise dans DOM et les COM
110210
11/ Dégrèvement de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des
associations foncières pastorales
060202
12/ Exonération des syndicats professionnels et de leurs unions pour leurs activités portant sur
l'étude et la défense des droits et des intérêts collectifs matériels ou moraux de leurs membres
300109
13/ Taux réduit d'imposition de certains revenus de capitaux mobiliers perçus par les caisses de
retraite et de prévoyance
320108
1/ Évaluation des dispositifs d'incitation à l'investissement locatif : Pinel, Denormandie et "Censi-
Bouvard"
110250, 110261, 110265
2/ Évaluation des crédits d'impôt PTZ+ et éco-PTZ
210313, 210321
3/ Déduction exceptionnelle de 40% en faveur des acquisitions de poids lourds fonctionnant au gaz
naturel, au biométhane ou à l'ED95
200402
4/ Réduction d'impôt pour mise à disposition d'une flotte de vélos
320143
5/ Réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de
presse
110263
6/ Abattement en faveur des immeubles anti-sismiques des départements d'outre-mer (DOM)
050107
7/ Crédit d'impôt famille (CIF)
210308
1/ Aides au secteur agricole : déduction pour épargne de précaution ; crédit d'impôt au titre des
dépenses engagées par les exploitants agricoles pour assurer leur remplacement
110240, 170106
2/ Régimes fiscaux zonés : exonérations d'impôts locaux dans les QPV
040109, 050110, 090109
3/ Crédits d'impôt en faveur du secteur culturel : crédit d'impôt pour la production phonographique,
crédit d'impôt pour dépenses de production d'
œ
uvres cinématographiques et audiovisuelles
engagées par des entreprises de production exécutive ; crédit d'impôt pour dépenses de production
de spectacles vivants
320142, 320140, 320128
4/ Déduction exceptionnelle (suramortissement) en faveur des entreprises investissant dans des
équipements de réfrigération et de traitement de l'aide utilisant des fluides autres que les
hydrofluorocarbures (HFC)
200403
5/ Crédit d'impôt pour le rachat des entreprises par les salariés
320134
6/ Abattement exceptionnel applicable aux plus-values de cession en vue de la construction de
logements en zones A et A
bis
150209
7/ Crédit d'impôt au titre des dépenses engagées pour la formation du chef d'entreprise
210315
8/ Crédit d'impôt en faveur de l'innovation (CII) et crédit d'impôt collection
200310
9/ Tarifs réduits de TICPE en faveur des biocarburants (non borné dans le temps)
800212, 800215, 800216, 800217
10/ Dépenses fiscales visant à soutenir la générosité des français (non borné dans le temps)
210309, 400203, 520121, 110201
11/Taux réduits de TVA (5,5% et 10%) pour le logement social (opérations de construction et
livraisons) les logements en accession sociale à la propriété dans les zones faisant l'objet de la
politique de la ville
730210, 730222, 730216
1/ Exonération du bénéfice réalisé par les entreprises créées en zone de restructuration de la défense
(ZRD)
230605
2/ Crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants
320142
3/ Exonération partielle, sous certaines conditions, de droits de mutation à titre gratuit lors de la
transmission d'entreprises exploitées sous la forme individuelle ou détenues sous forme sociale
(Pacte Dutreil DMTG)
520110
4/ Taux à 5,5% sur les travaux de rénovation énergétique
730223
2022
Dépenses fiscales actuellement bornées dans le temps :
Dépenses fiscales actuellement non bornées dans le temps :
2023
Dépenses fiscales actuellement bornées dans le temps :
Dépenses fiscales actuellement non bornées dans le temps :
Programme d'évaluation des dépenses fiscales 2020-2023
2020
Dépenses fiscales actuellement bornées dans le temps :
2021
Dépenses fiscales actuellement bornées dans le temps :
Dépenses fiscales actuellement non bornées dans le temps :