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Quatrième section
Jugement n° 2020-0005
Audience publique du 17 juillet 2020
Prononcé du 10 septembre 2020
DÉPARTEMENT DU TARN
Poste comptable : Paierie départementale du Tarn
N° codique : 081090999
Exercice 2016
La République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
VU les comptes, rendus en qualité de comptable du département du Tarn, par M.
X…
, du 1
er
janvier
2016 au 31 décembre 2016 ;
VU le réquisitoire n° 2020-007, pris le 3 février 2020 et notifié le 10 février 2020, par lequel le procureur
financier près la chambre régionale des comptes a saisi la juridiction d
’
une charge présomptive à
l
’
encontre dudit comptable au titre d
’
opérations relatives à l
’
exercice 2016 ;
VU les justifications produites au soutien du compte ;
VU l
’
article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
VU le code des juridictions financières ;
VU les lois et règlements applicables au département du Tarn ;
VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l
’
article
60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l
’
article 90 de la loi n° 2011-1978
du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
VU le rapport de M. Jérôme HENRI-ROUSSEAU, premier conseiller, magistrat chargé de l
’
instruction ;
VU les conclusions de M. Denys ECHENE, procureur financier près la chambre ;
VU les pièces du dossier ;
ENTENDU, lors de l
’
audience publique du 17 juillet 2020, M. Jérôme HENRI-ROUSSEAU, en son rapport,
et M. Denys ECHENE, en ses conclusions ;
Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier près la chambre, M.
Y…
,
ordonnateur, et M.
X…
, comptable, n
’
étant ni présents ni représentés à l
’
audience publique ;
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Considérant ce qui suit :
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l
’
encontre de M.
X…
, au titre de l
’
exercice 2016 :
Sur le réquisitoire
1.
Le réquisitoire susvisé porte sur le paiement par le comptable d
’
indemnités horaires pour travaux
supplémentaires (IHTS), payées au-delà du plafond mensuel de 25 heures fixé par
l’article 6 du décret
n° 2002-60 du 14 janvier 2002, à quatre agents du département du Tarn, au titre de l
’
exercice 2016, pour
un montant total de 16 237,07
€
et sans que le comptable ait disposé, au moment des paiements, des
pièces nécessaires pour s
’
acquitter de ses obligations de contrôle de la validité de la dette, que ce soit en
termes de justifications ou de liquidation.
2.
Le procureur financier relève également d
’
autres singularités de liquidation qui auraient dû alerter le
comptable : apparente interversion des colonnes « base » et « taux », gains marginaux d
’
IHTS sans
mention de base ni de taux, montants inhabituels des quotités retenues.
3.
En application de l
’
article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont
personnellement et pécuniairement responsables, entre autres, du paiement des dépenses, de la
conservation des pièces justificatives et de la tenue de la comptabilité. Ils sont également responsables
des contrôles qu
’
ils sont tenus d
’
assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les
conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. Enfin, leur responsabilité se
trouve engagée dès lors que, notamment, une dépense a été irrégulièrement payée.
4.
L
’
article 19 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique dispose que les comptables sont notamment tenus d
’
exercer, en matière de
dépenses, le contrôle de la validité de la dette. Son article 20 précise que ce contrôle s
’
exerce en
particulier au regard de l
’
exactitude des calculs de liquidation et de la production des justifications requises
à l
’
appui de la dépense.
5.
Les dispositions combinées de l
’
article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et de
l
’
annexe 1 du même code fixent la liste des pièces justificatives qui doivent figurer à l
’
appui des dépenses.
Dans ce cadre, il y a lieu d
’
appliquer aux dépenses relatives aux IHTS allouées au personnel d
’
une
collectivité territoriale telle que le département du Tarn la nomenclature des pièces justificatives de la
rubrique 2102, et plus particulièrement de la sous-rubrique 210224 de ladite annexe 1. Cette sous-
rubrique prévoit que le comptable doit disposer, pour pouvoir prendre en charge à bon droit les mandats
portant paiement de telles indemnités, de « la délibération fixant la liste des emplois dont les missions
impliquent la réalisation effective d
’heures supplémentaires
» et, le cas échéant, de la « décision justifiant
le dépassement du contingent mensuel autorisé », ces exigences étant identiques que l
’
on se réfère à la
nomenclature issue du décret n° 2007-450 du 25 mars 2007 ou à celle du décret n° 2016-33 du 20 janvier
2016.
6.
Sur ces fondements et par réquisitoire susvisé, le procureur financier près la chambre régionale des
comptes a requis la juridiction au motif que de telles pièces ne figuraient pas à l
’
appui des mandats en
cause, ceux-ci ne présentant comme seules justifications que des états de décompte et les bulletins de
paye. Or, ces mêmes pièces portaient mention explicite du paiement d
’
IHTS à quatre agents titulaires du
département du Tarn, selon des quotités dépassant largement le contingent mensuel fixé, en 2016 comme
aujourd
’
hui, à un plafond mensuel de 25 heures. Les dépenses correspondantes apparaissaient donc
comme insuffisamment justifiées et d
’
une liquidation incertaine.
7.
Le contrôle de la validité de la dette relevant de la responsabilité du comptable, celui-ci aurait dû
soulever le caractère incomplet des justifications à l
’
appui de la dépense, un manquement présomptif à
ces obligations étant caractérisé dès lors qu
’
il manquait dans les liasses, fussent-elles dématérialisées,
des pièces justificatives exigibles à l
’
appui des paiements d
’
IHTS.
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8.
Il en résultait que la responsabilité de M.
X…
, comptable public du département du Tarn en fonctions
à la date des paiements en cause, était susceptible d
’
être engagée jusqu
’
à concurrence de 16 237,07
€,
au titre de l
’
exercice 2016.
Sur l
’
existence d
’
un manquement du comptable à ses obligations
9.
Le comptable a produit l
’
ensemble des arrêtés de recrutement des quatre agents concernés avec les
fiches de paye et les états de décompte des heures effectuées pour l
’
ensemble de l
’
exercice 2016, en
démontrant qu
’
il ne s
’
agissait pas d
’
IHTS mais d
’
heures complémentaires, les quatre agents en question
étant à temps non complet, même si les contraintes techniques du logiciel de la paye obligent à libeller le
paiement de ces heures complémentaires sous le titre « IHTS Heures normales », ce qui correspond à la
seule rubrique accessible du logiciel (rubrique 410). S
’
agissant non pas d
’
IHTS mais d
’
heures
complémentaires versées à des agents travaillant à temps non complet, il n
’
y avait donc pas lieu, selon
lui, de disposer, à l
’
appui de ces dépenses, des décisions requises par la nomenclature pour les IHTS,
mais uniquement des états des heures complémentaires signés.
10. Dans ses observations, le président du département du Tarn fait valoir qu
’
après vérification
approfondie par ses services, il apparaît que l
’
intitulé utilisé dans le logiciel de paye correspond au
paiement des heures complémentaires des personnels à temps non complet et que la colonne « taux »
évoquée dans le réquisitoire correspond au nombre d
’
heures payées tandis que la colonne « base »
correspond au taux. Au vu de ce qui précède et des documents transmis au comptable au cours de
l
’
exercice 2016, il s
’
avère donc, selon lui, qu
’
aucun paiement irrégulier n
’
a été réalisé.
11. Dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre retient qu
’
au travers de ses réponses
très documentées, le comptable public a apporté la preuve, pièces à l
’
appui, que les heures
supplémentaires mentionnées au réquisitoire relevaient en fait d
’
heures complémentaires non assujetties
à la même réglementation et aux mêmes exigences de justification que les IHTS et que cette
requalification les extrait du champ des poursuites. Les arrêtés de recrutement des quatre agents
concernés attestent qu
’
ils travaillaient à temps non complet. Des heures supplémentaires (IHTS) n
’
étaient
donc susceptibles de leur être payées qu
’
une fois atteinte, au moyen d
’
heures complémentaires, la quotité
d
’
un temps plein. Par ailleurs, un plafond d
’
heures complémentaires a été, pour les agents du
département, fixé à 51 heures par décision du 26 mars 2013. Après vérification des fiches de paye en
corrélation avec les états de décompte des heures complémentaires réalisées, ce plafond a été dépassé
d
’
au plus 2 heures lors de quatre payes mensuelles sur quarante-huit. Il en résulte que le maximum
réglementaire de 25 heures supplémentaires par mois fixé par le décret du 14 janvier 2002 n
’
a, quant à
lui et au cas d
’
espèce, jamais été dépassé.
12. Le réquisitoire du procureur financier près la chambre vise limitativement les IHTS réputées avoir, en
2016, été payées à quatre agents au-delà du seuil de 25 heures mensuelles fixé par le décret n° 2002-60
du 14 janvier 2002. Dès lors qu
’
il est avéré que les paiements en cause sont relatifs au règlement d
’
heures
complémentaires et qu
’
il en résulte que le plafond précité n
’
a pas été dépassé, le comptable public n
’
avait
pas à produire à l
’
appui des mandats les pièces justificatives exigées pour le paiement d
’
IHTS en
dépassement dudit seuil mensuel.
13. Les autres anomalies de liquidation relevées au réquisitoire ont été soit reconnues par les parties
(interversion des colonnes « base » et « taux » dans les bulletins de paye), soit justifiées par les réponses
et les pièces produites (quotités inhabituelles, gains minimes sans bases de liquidation). Aucune n
’
a eu
de conséquence préjudiciable sur les calculs de liquidation et le contrôle que le comptable est tenu
d
’
assurer.
14. Le comptable n
’
a dès lors pas commis de manquement susceptible d
’
engager sa responsabilité
personnelle et pécuniaire au regard de ses obligations de diligence dans le contrôle de la validité de la
dette, notamment en ce qui concerne la production des pièces justificatives et l
’
exacte liquidation de la
dépense.
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Sur la mise en œuvre de la responsabi
lité du comptable
15. M.
X…
n
’
ayant pas commis de manquement, sa responsabilité n
’
est pas engagée au titre de la
présomption de charge relevée par le réquisitoire n° 2020-0007 susvisé.
DÉCIDE :
Article 1 : Sur la présomption de charge unique, au titre de l
’
exercice 2016 ;
Il n
’
y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de M.
X…
à raison des
paiements attraits aux poursuites.
Article final : M.
X…
est déchargé de sa gestion pour la période du 1
er
janvier 2016 au 31 décembre 2016.
Délibéré le 17 juillet 2020 par M. Didier GORY, président de section, président de séance ; M. Hervé
BOURNOVILLE, président de section, M. Bertrand HUBY, premier conseiller, réviseur ; M. Jérémy
HEBERT, premier conseiller et Mme Line MAZUIR, première conseillère.
En présence de Mme Marie-Pascale HEMAMOUCHE, greffière de séance.
Marie-Pascale HEMAMOUCHE,
greffière de séance
Didier GORY,
président de séance
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Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes Occitanie,
et délivré par moi, secrétaire générale,
Brigitte VIOLETTE,
secrétaire générale
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements
prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des
comptes dans un délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux
articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.
Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées
à l’étranger.
La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les
conditions prévues à l’article R.
242-29 du même code.