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Sections réunies
Jugement n° 2020-0018
Audience publique du 10 décembre 2020
Prononcé du 18 décembre 2020
COMMUNE DE MENDE
Poste comptable : Centre des finances publiques de
Mende
N° codique : 048013 095
Exercice 2016
La République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
VU les comptes, rendus en qualité de comptable de la commune de Mende, par M.
X…
, pour l
exercice
2016 ;
VU le réquisitoire n° 2020-0014, pris le 1
er
septembre 2020 et notifié le 2 septembre 2020, par lequel le
procureur financier près la chambre régionale des comptes a saisi la juridiction de charges présomptives
à l
encontre dudit comptable au titre d
opérations relatives à l
exercice 2016 ;
VU les justifications produites au soutien du compte ;
VU l
article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
VU le code des juridictions financières ;
VU les lois et règlements applicables aux communes ;
VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l
article
60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l
article 90 de la loi n° 2011-1978
du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
VU les observations écrites présentées par M.
X…
;
VU les observations écrites présentées par le maire de la commune de Mende ;
VU le rapport de Mme Chrystelle NAUDAN, première conseillère, magistrate chargée de l
instruction ;
VU les conclusions de M. Denys ECHENE, procureur financier près la chambre ;
VU les autres pièces du dossier ;
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ENTENDU, lors de l
audience publique du 10 décembre 2020, Mme Chrystelle NAUDAN, première
conseillère, en son rapport et M. Denys ECHENE, en ses conclusions ;
ENTENDU, lors de l
audience publique du 10 décembre 2020, M.
Y…
, ordonnateur de la commune de
Mende ;
ENTENDU, lors de l
audience publique du 10 décembre 2020, M.
X…
, comptable de la commune de
Mende ;
Après avoir délibéré hors la présence de la rapporteure et du procureur financier près la chambre ;
Considérant ce qui suit :
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l
encontre de M.
X…
, au titre de l
exercice 2016 :
Sur le réquisitoire
1.
Le réquisitoire porte sur les dépenses suivantes, imputées au compte 611 « Prestations de services »
du budget principal de la commune de Mende par M.
X…
au cours de l
exercice 2016, pour un montant
total de 11 292,50
:
Date PEC = date de prise en charge
2.
En application de l
article 60 de la loi du 23 février 1963, les comptables publics sont personnellement
et pécuniairement responsables, entres autres, du paiement des dépenses, de la conservation des pièces
justificatives des opérations et documents de comptabilité et de la tenue de la comptabilité du poste
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comptable qu
ils dirigent. Ils sont également responsables des contrôles qu
ils sont tenus d
assurer en
matière de dépenses dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique.
3.
En application des articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, les comptables sont
notamment tenus d
exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la dette portant, en
particulier, sur l
exacte imputation des dépenses au regard des règles relatives à la spécialité des crédits
et sur la production des pièces justificatives mentionnées à l
annexe 1 du code général des collectivités
territoriales. La responsabilité d
un comptable public se trouve engagée dès lors qu
une dépense a été
irrégulièrement payée, et cette responsabilité s
apprécie au moment du paiement.
4.
Les mandats listés par le réquisitoire ont porté rémunération de personnes physiques pour des
missions d
animation réalisées dans le cadre d
activités périscolaires destinées aux enfants scolarisés
dans des écoles maternelles et élémentaires de la commune, ce que permet la loi.
5.
Aux termes de l
instruction comptable M14, le compte 611 enregistre « les dépenses facturées par un
prestataire de services pour l
exécution d
un service public administratif ». Ces prestations doivent faire
l
objet d
une pièce valant contrat, précisant notamment leur nature et leur prix, engageant la collectivité et
le prestataire. Le formalisme de cette pièce varie selon la nature juridique de la commande, d
un minimum
pour les dépenses de faible montant (par exemple, bon de commande signé « bon pour accord », certificat
administratif attestant d
un contrat non écrit) jusqu
aux formalités exigées en matière de contrats ou de
marchés publics
.
Aucune pièce de la sorte ne figurait à l
appui des mandats.
6.
Huit conventions ont été produites
a posteriori
par la commune dont quatre ne couvraient pas l
année
2016. Leur rédaction présentait des incohérences manifestes en mentionnant tour à tour des associations
ou des membres d
auto-entreprises alors que les personnes physiques rémunérées par les mandats en
cause ne relevaient d
aucune de ces catégories, ce dont atteste l
absence de SIRET/SIREN sur les
factures ou mémoires produits à l
appui des mandats alors que cette information est, au terme de l
annexe
C de la nomenclature des pièces justificatives, indispensable pour que la facture ou le mémoire soient
valides. Enfin, un tel document, facture ou mémoire, faisait défaut pour le mandat n° 2273.
7.
Les dépenses en cause apparaissent ainsi avoir été payées en dehors de tout cadre juridique à des
prestataires non institutionnels et non inscrits au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des
métiers ou au répertoire national des associations, et sont également susceptibles d
avoir été imputées
de façon erronée, s
agissant probablement de vacations et non de contrats de prestation de services.
8.
Il résulte des dispositions précitées qu
il appartenait au comptable alors en fonctions de s
assurer,
d
une part, de la bonne imputation des dépenses prises en charge et, d
autre part, de la production des
pièces justificatives requises.
9.
En l
espèce, le comptable aurait dû, quand les mandats en cause lui ont été présentés, soulever la
question de leur imputation, constater qu
ils étaient insuffisamment justifiés et suspendre, pour ces motifs,
leur prise en charge.
10. Ainsi, sa responsabilité pourrait être engagée au titre de l
exercice 2016 pour manquement à ses
obligations de contrôle jusqu
à concurrence d
une somme de 11 292,50
€.
Sur l
existence d
un manquement du comptable à ses obligations
Sur le droit applicable
11. Avant de prendre en charge et de payer une dépense présentée par l
ordonnateur, le comptable
doit procéder à divers contrôles fixés par les articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre
2012, et notamment, s
agissant du contrôle de la validité de la dette, le contrôle de l
exacte imputation
des dépenses et, partant, de la production des pièces justificatives.
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Sur les faits
12. Les présomptions de charges portent sur des mandats portant rémunération de personnes physiques
de février à décembre 2016 pour des missions d
animation dans le cadre de la mise en place du temps
d
activités périscolaires, imputés au compte 611 « Prestataires de services », sans pièces justificatives à
l
appui, hormis huit conventions produites
a posteriori
par la commune, dont quatre ne couvrent pas
l
année 2016 et qui mentionnent des associations ou des auto-entreprises, ce que ne sont pas les
personnes physiques rémunérées par les mandats en cause.
Sur les éléments apportés à la charge et à la décharge du comptable
13. Le comptable confirme que les paiements en cause concernaient des vacations versées à des
intervenants extérieurs non associatifs et reconnaît le manquement relatif à leur erreur d
imputation
comptable.
14. Il fait valoir que le contrôle hiérarchisé de la dépense mis en place sur l
exercice 2016, couvrant
intégralement le compte 611, ne permettait pas un contrôle suffisamment approfondi des mandats en
cause et qu
aucune alerte n
avait été générée. Il précise que la détection d
un mandat à ce compte via le
« tirage au sort » effectué par le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense aurait pu permettre de repérer
l
erreur d
imputation et de la rectifier.
15. L
ordonnateur rappelle le contexte
de la mise en œuvre du temps d’
activités périscolaires à partir de
2013 et la complexité qui en est résultée pour les communes en général, et pour la ville de Mende en
particulier. Il certifie que la charge présumée dans le réquisitoire ne constitue pas un préjudice pour la
commune et assure être en mesure de justifier la réalité du service fait (plannings d
intervention,
conventions, commandes, fiches de présence, factures).
16. Dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir que le manquement relatif au
défaut d
exacte imputation de la dépense est confirmé par le comptable et non contesté par l
ordonnateur.
Il précise que le défaut de justification de la dépense, évoqué dans le réquisitoire, ne se justifiait que dans
le cas d
une imputation au compte 611 qui aurait été correcte. Il conclut par conséquent à l
existence d
un
manquement au regard des obligations de contrôle de l
exacte imputation de la dépense.
17. Aux termes de l
instruction comptable M14, le compte 611 enregistre « les dépenses facturées par un
prestataire de services pour l
exécution d
un service administratif ». Il ressort des pièces du dossier que
les factures et mémoires présentés à l
appui de ces mandats comportaient les noms de particuliers sans
numéro d
immatriculation. Ils ne pouvaient de ce fait constituer des facturations établies par des
prestataires de services susceptibles d
être enregistrées au compte 611.
18. Le comptable aurait donc dû relever l
erreur d
imputation de ces dépenses, ce qu
il n
a pas fait. Il a
ainsi commis un manquement au regard de ses obligations de contrôle de l
exacte imputation de la
dépense.
19. L
imputation du paiement, qui doit refléter la nature de la dépense, gouverne les justifications exigibles
et fonde donc le contrôle du caractère suffisant des pièces à l
appui des mandats. L
erreur d
imputation
permet par conséquent d
écarter le manquement au titre du défaut de justification de la dépense.
Sur l
existence d
un préjudice financier du fait du manquement du comptable
20. Le comptable indique que le manquement lié à l
inexactitude de l
imputation comptable des dépenses
n
a pas causé de préjudice financier à la commune puisque la volonté de l
ordonnateur d
exposer ces
dépenses était établie et que le service avait bien été fait.
21. L
ordonnateur estime de même que la commune n
a pas subi de préjudice financier.
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22. Dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir que conformément à la
jurisprudence du Conseil d
Etat, un manquement pour défaut de contrôle de l
exacte imputation d
une
dépense entraîne par principe l
absence de préjudice financier pour l
organisme public concerné. Il précise
en outre que les nombreuses pièces fournies par le comptable attestent le sérieux dont le recours à des
intervenants extérieurs a été entouré, et conclut à l
absence de préjudice financier.
23. En vertu des jurisprudences du Conseil d
État en date du 6 décembre 2019, lorsque le manquement
du comptable aux obligations qui lui incombent au titre du paiement d
une dépense porte seulement sur
le respect de règles formelles telle que l
exacte imputation budgétaire de la dépense, il doit être regardé
comme n
ayant pas par lui-même, sauf circonstances particulières, causé de préjudice financier à
l
organisme public concerné.
24. En l
espèce, en l
absence de circonstances particulières, le manquement du comptable, qui porte sur
l
exacte imputation budgétaire des dépenses, n
a pas causé de préjudice financier à la commune de
Mende, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l
article 60 de la loi du 23 février
1963 susvisée.
Sur la mise en œuvre de la responsabilité du comptable
25. Aux termes du deuxième alinéa du paragraphe VI de l
article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée :
«
lorsque le manquement du comptable […] n’
a pas causé de préjudice financier à l
organisme public
concerné, le juge des comptes peut l
obliger à s
acquitter d
une somme arrêtée, pour chaque exercice, en
tenant compte des circonstances de l
espèce ».
26. Le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 fixe le montant maximal de cette somme à un millième
et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable qui s
établit, au moment des faits, à
177 000
€, soit 265,50
€.
27. Dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir que les moyens présentés
tant par le comptable que par l
’ordonnateur, relatifs aux difficultés de mise en œuvre de la réforme des
rythmes scolaires, et en particulier l
urgence d
appel au renfort d
intervenants extérieurs pour pallier
localement l
essoufflement du secteur associatif et la charge des agents communaux, pourraient être pris
en compte pour moduler à la baisse la somme laissée à la charge du comptable.
28. Les circonstances de l
espèce, telles que rappelées par le procureur financier, ajoutées à l
existence
d
un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense sur l
exercice 2016, couvrant intégralement le compte
611, conduisent à ne pas obliger le comptable à s
acquitter d
une telle somme.
29. Le montant de la somme non rémissible que le juge des comptes a la faculté de laisser à la charge
du comptable est ainsi arrêté à zéro euro (0
€) pour l’
exercice 2016.
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DÉCIDE :
Article 1
er
: Sur la présomption de charge unique, au titre de l
exercice 2016 :
M.
X…
n
aura à s
acquitter d
aucune somme, en application du deuxième alinéa du paragraphe VI de
l
article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963.
Article final : M.
X…
est déchargé de sa gestion au titre de l
exercice 2016.
Délibéré le 10 décembre 2020 par Mme Valérie RENET, présidente de section, réviseure ;
M. Hervé BOURNOVILLE, président de section ; Mmes Isabelle HOUVENAGHEL, Vanina DUWOYE, et
Line MAZUIR, premières conseillères.
En présence de M. Richard GINESTE, greffier de séance.
Richard GINESTE,
greffier de séance
Valérie RENET,
présidente de séance
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Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes Occitanie,
et délivré par moi, secrétaire générale,
Pour la Secrétaire générale empêchée et par
délégation
Frédéric LACZKOWSKI
Greffier
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements
prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d
appel devant la Cour des
comptes dans un délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux
articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.
Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l
étranger.
La révision d
un jugement peut être demandée après expiration des délais d
appel, et ce dans les
conditions prévues à l
article R. 242-29 du même code.