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Sections réunies
Jugement n° 2020-0012
Audience publique du 25 novembre 2020
Prononcé du 23 décembre 2020
COMMUNE DE MANDUEL
Poste comptable : Centre des finances publiques de
Nîmes Agglomération
N° codique : 030018 155
Exercice 2014
(jusqu’au
12 novembre)
La République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
VU les comptes, rendus en qualité de comptable de la commune de Manduel, par M. X..., du 1
er
janvier
2014 au 12 novembre 2014 ;
VU le réquisitoire n° 2020-0018, pris le 1
er
septembre 2020 et notifié le 10 septembre 2020, par lequel le
procureur financier près la chambre régionale des comptes a saisi la juridiction de charges présomptives
à l’encontre dudit comptable au titre d’opérations relatives à l’exercice 2014
(jusqu’au 12 novembre)
;
VU les justifications produites au soutien du compte ;
VU l’article 60 modifié de la loi de finances
n° 63-156 du 23 février 1963 ;
VU le code des juridictions financières ;
VU le code général des collectivités territoriales et notamment son article D. 1617-19 ;
VU les lois et règlements applicables aux communes ;
VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article
60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n° 2011-1978
du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
VU les observations écrites présentées par M. X... ;
VU les observations écrites présentées par le maire de Manduel et le mémoire adressé par le cabinet
CGCB Avocats & Associés ;
VU le rapport de Mme Valérie RENET, présidente de section, magistrate
chargée de l’instruction
;
Vu les lettres du 9 novembre 2020
informant les parties de la clôture de l’instruction et de l’inscription de
l’affaire à l’audience publique
;
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VU les conclusions de M. Denys ECHENE, procureur financier près la chambre ;
VU les pièces du dossier ;
ENTENDU, lors de l’audience publique du
25 novembre 2020, Mme Valérie RENET, présidente de
section, en son rapport et M. Denys ECHENE, en ses conclusions ;
ENTENDU, lors de l’audience publique du
25 novembre 2020,
l’
ordonnateur de la commune de Manduel
représenté par son conseil, Me
Y…
du cabinet CGCB Avocats & Associés ;
Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier près la chambre, le
comptable
n’étant ni
présent ni représenté
à l’audience publique
;
Considérant ce qui suit :
Sur la présomption de charge unique,
soulevée à l’encontre de M. X…
, au
titre de l’exercice 2014
(jusqu’au 12 novembre)
:
Sur le réquisitoire
1.
Le réquisitoire porte sur des indemnités de fonction versées au cours du premier quadrimestre
2014 à un élu local, premier adjoint au maire, par mandats ci-après présentés, imputés au compte
6531 « Indemnités » pour un montant total de 1 770,80
:
Janvier
Février
Mars
Avril (jusqu’au 5)
Montant brut de
l’indemnité
559,20
559,20
559,20
93,20
N° de bordereau
1
25
50
71
N° de mandat
14
245
415
558
Date de prise en
charge
17/01/2014
18/02/2014
18/03/2014
17/04/2014
2.
En application des articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion
budgétaire et comptable publique, les comptables sont notamment tenus d’exercer, en matière de
dépenses, le contrôle de la validité de la dette portant, en particulier, sur l’exactitude des calculs de
liquidation et la pr
oduction des pièces justificatives mentionnées à l’annexe 1 du code général des
collectivités territoriales.
3.
Ainsi, les justifications exigibles à l’appui des paiements d’une indemnité de fonction à un élu,
mentionnées à la sous-rubrique 311 « Indemnité d
e fonction d’un élu local
», sont principalement :
une délibération fixant les conditions d’octroi et le montant de l’indemnité au premier paiement et, pour
les paiements ultérieurs, un état liquidatif de l’indemnité.
4.
En l’espèce, le versement de ces inde
mnités en 2014 ne constituaient pas un premier paiement ;
cependant, pour exercer le contrôle de l’exacte liquidation
de la dépense, le comptable devait
disposer, à la date de prise en charge des mandats, de la délibération susmentionnée.
5.
Deux décisions du conseil municipal des 31 mars 2008 et 26 mai 2008 fixent successivement les
conditions d’octroi et le montant de l’indemnité de fonction
des élus ainsi qu’un arrêté du maire
en
date du 31 octobre 2011
.
6.
La délibération du 31 mars 2008 fixe
l’indemnité des adjoints délégués à 14,71
%
de l’indice de
traitement brut 1515, équivalant à une indemnisation mensuelle de 550,34
, soit, pour le 1
er
adjoint,
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un montant total de 1 770,80
sur les mois de janvier à avril 2014 correspondant à la somme
effectivement payée.
7.
Cependant, la délibération du 26 mai 2008 a réduit le taux de l’indemnisation à 7
%, soit 261,89
brut par mois, ce qui portait, en conséquence, le montant total des indemnités de fonctions attribuables
au premier adjoint de janvier à avril 2014 à 842,65
.
8.
L’arrêté du maire du 31 octobre 2011 a rétabli le taux de l’indemnité
du premier adjoint à 14,71 %
et c’est sur cette base qu’il a été indemnisé
de janvier à avril 2014.
9.
Aux termes de l’article L.
2123-24 du code général des collectivités territoriales, les indemnités
pour l’exercice effectif de fonctions d’adjoint au maire sont votées par les conseil
s municipaux. Par
conséquent, le taux de l’indemnité de
premier adjoint au maire de Manduel ne pouvait être fixé par un
arrêté de cette autorité locale et le comptable aurait dû relever que l’arrêté du maire ne pouvait se
substituer à une délibération du conseil municipal et était donc insuffisant pour justifier la dépense.
10.
En outre, les bases de liquidation de la dépense en cause telles que définies par l’arrêté du maire
sont supérieures au taux fixé par la délibération du 26 mai 2008, dernière décision adoptée par le
conseil municipal sur ce sujet à la date de prise en charge des mandats concernés.
11. Dès lors, en prenant en charge ces mandats liquidés sur des bases dépourvues de fondement
juridique valide, le comptable apparaît avoir manqué à son obligation de contrôle de la validité de la
créance, notamment au regard de l’exactitude des calculs de liquidation et de la production des
justifications qui doivent être complètes, précises et cohérentes au regard de la catégorie, de la nature
et de l’objet de l
a dépense mandatée.
12. Ainsi, la responsabilité de M. X..., comptable en fonctions à la date des paiements en cause,
pourrait être engagée jusqu’à concurrence de 1
770,80
au titre de l’exercice 2014
, du fait de
dépenses irrégulièrement payées, sur la base
de l’article 60 de la loi modifiée du
23 février 1963.
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
Sur le droit applicable
13. Aux termes des articles L. 2122-18, L. 2123-20 et suivants et L. 2123-24 du code général des
collectivités territoriales
, le maire est seul chargé de l’administration mais il peut déléguer, par arrêté,
une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints,
les indemnités maximales pour l’exercice
effectif des fonctions d’adjoint au maire, votées par les
conseils municipaux, sont fixées par référence
au montant du t
raitement correspondant à l’indice brut terminal de l’échelle indiciaire de la fonction
publique
auquel est appliqué un barème, qui varie selon le nombre d’habitants
de la commune.
14. Avant de pr
endre en charge et de payer une dépense présentée par l’ordonnateur, le comptable
doit procéder à divers contrôles fixés par les article 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre
2012 et notamment, s’agissant du contrôle de la validité de la dette, le
contrôle de la production des
pièces justificatives et de
l’exactitude de la liquidation.
15.
La nomenclature des pièces justificatives des dépenses du secteur public local, prévue par l’article
D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et figurant en annexe I du code, applicable
durant la période considérée, requiert, à la rubrique 311 « I
ndemnité de fonction d’un élu local
», la
présence à l’appui du premier paiement d’une délibération fixant les conditions d’octroi de l’indemnité
et son montant, ainsi que, le cas échéant, un arrêté de délégation de fonction. Un état liquidatif
précisant le montant brut, les précomptes et le montant net de l’indemnité doit être également joint au
premier paiement, comme aux paiements ultérieurs.
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16. Selon la jurisprudence constante, le comptable doit apprécier si les pièces fournies présentent un
caractère suffisant pour justifier la dépense et pour cela, le comptable doit vérifier si l’ensemble des
pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable lui a été fourni et si ces pièces sont
complètes, précises et cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la
nomenclature applicable et de la nature et de l’objet de la dépense telle qu’elle a été mandatée. Si les
pièces fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la créance, le comptable doit suspendre le
paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur lui ait produit les justifications nécessaires.
Sur les faits
17. Les présomptions de charges portent sur des indemnités de fonction versées de janvier à avril
2014 à un élu, premier adjoint au maire.
18. En effet, p
ar délibération du 31 mars 2008, le conseil municipal a fixé l’indemnité des adjoints
délégués à 14,71 %
de l’indice 1015, soit 550,34
brut par mois.
19. Le taux a cependant été ramené à 7 % (soit 261,89
brut par mois) pour le premier adjoint par
délibération du 26 mai 2008.
20. S
uite à un arrêté du maire en date du 31 octobre 2011, le taux de l’indemnité a
été à nouveau
porté à 14,71 % pour ce qui concerne le premier adjoint et cette indemnité lui a ainsi été versée à ce
taux du 1
er
novembre 2011 au 5 avril 2014.
21.
Pour l’exercice 2014, le total des sommes versées de janvier au 5 avril s’élève à 1
770,80
,
comme indiqué dans le réquisitoire.
22.
Au cas d’espèce, même si en 2014 il ne s’agissait plus du premier paiement, le comptable devait
détenir la délibération fixant le taux des indemnités versées aux élus titulaires d’une délégation, afin
de procéder au contrôle de la liquidation.
Sur les éléments apportés à la charge et à la décharge du comptable
23. M. X...
ne conteste pas l’insuffisance de pièces j
ustificatives et précise que, par jugement du 25
juin 2019, le tribunal administratif de Nîmes a constaté l’illégalité de l’arrêté du maire en date du 31
octobre 2011 mais aussi de son retrait, intervenu tardivement et, par voie de conséquence, a annulé
le titre de recettes émis le 28 juin 2017, pour un montant de 7 019,55
€, à l’encontre du bénéficiaire des
indemnités indues.
24. Le comptable fait valoir que le montant du débet qui pourrait être mis à sa charge doit être
déterminé non sur le cumul des mandats de paiement de l’indemnité entre
janvier et avril 2014 mais
sur la différence entre la liquidation au taux de 14,71 % et au taux de 7 %, soit 928,15
.
25. M. X... fait également valoir que le volume important de mandats émis au regard du personnel
disponible ne permettait pas un contrôle e
xhaustif. Cet argument, s’il peut être ultérieurement pris en
compte par le ministre chargé d’instruire une éventuelle demande en remise gracieuse, n’est pas de
nature à dégager le comptable de sa responsabilité.
26.
L’ordonnateur estime que les décaissements d’une partie des indemnités de fonction versées au
premier adjoint au-delà des autorisations du conseil municipal, sans que ce dernier en soit informé, ainsi
qu’il en ressort de comptes rendus de réunions ultérieures de cette instance, et
fondés sur un simple arrêté
municipal ont constitué un manquement du comptable à ses obligations de contrôle. I
l rappelle qu’il a
alerté, en mars 2017, le trésorier de Nîmes Agglomération et le Procureur de la République sur le caractère
indu de l’augment
ation des indemnités consta
tée jusqu’au mois d’avril 2014
et
qu’il a émis
un titre
exécutoire le
28 juin 2017, d’un montant de 7
019,55
,
à l’encontre du bénéficiaire de ces indemnités
indues mais que ce titre de recettes a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Nîmes en
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date du 5 juillet 2019, au motif
que l’illégalité du retrait de l’arrêté du
31 octobre 2011 le prive de base
légale.
27. Dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre considère que
l’arrêté du maire ne peut
se substituer à une délibération du conseil municipal et que cet acte est donc insuffisant pour justifier le
versement d’une indemnité de fonction à un élu local. Il rappelle que les bases de liquidation de ces
dépenses, même si e
lles ne dépassent pas le plafond de taux maximal d’indemnités instauré par l’article
L. 2123-24 du code général des collectivités territoriales sont supérieures au taux fixé par la délibération
du 26 mai 2008, dernière décision adoptée par le conseil municipal sur ce sujet.
28.
Le procureur financier près la chambre estime, en conséquence, qu’il appartenait au comptable, au
moment de la prise en charge des mandats litigieux, d’exercer son contrôle sur la validité de
la créance,
notamment
de l’exactitude des ca
lculs de liquidation et de la production des justifications qui doivent être
complètes, précises et cohérentes au regard de la catégorie, de la nature et de l’objet de la dépense
mandatée et, constatant que tel n’était pas le cas, de suspendre les paiement
s correspondants et de
demander à l’ordonnateur de justifier ou de corriger les anomalies.
29. Le procureur financier près la chambre conclut donc
à l’existence d’un manquement commis, au titre
de l’exercices 2014, par le comptable mis en cause
, au regard de ses obligations de contrôle de la validité
de la créance et de la production des justifications.
30. La chambre constate que, lors de la prise en charge des mandats de paiements n° 14, 245, 415
et 558 de 2014 à fin de paiement, de janvier à avril,
d’une indemnité de fonction au
premier adjoint de
la commune de Manduel, le comptable disposait
d’un arrêté du
maire de Manduel en date du
31 octobre 2011 fixant le montant de cette indemnité à 14,71 %
de l’
indice brut 1015. Si
l’article
D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales et la liste des pièces jointes figurant en
annexe I du code général des collectivités territoriales, applicable durant la période considérée, ne
requiert, à la rubrique 311 « I
ndemnité de fonction d’un élu local
»,
la présence d’une délibération
fixant les conditions d’octroi de l’indemnité et son montant qu’à l’appui du premier paiement
, le
comptable devait, néanmoins,
exercer le contrôle de la liquidation sur le fondement d’une
décision du
conseil municipal. Or il
s’avère que la délibération du conseil municipal de Manduel, en date du 26
mai 2008, et fixant le taux de cette indemnité à 7 %
de l’indice brut 1015, était toujours en vigueur.
31. Dans ces conditions et en application des articles 19, 20 et 38 du décret du 7 novembre 2012
précités, le comptable aurait dû rel
ever les incohérences affectant les justificatifs produits à l’appui de
la dépense, soulever, en conséquence
, l’inexactitude des calculs de liquidation et suspendre le
paiement.
32.
Pour ne l’avoir pas fait
, M. X..., comptable alors en fonctions, a commis un manquement à ses
obligations en matière de contrôle de la validité de la dette, de nature à engager sa responsabilité
personnelle et pécuniaire,
au titre de l’exercice 2014, sur la base de l’article 60
de la loi du 23 février
1963.
33. Par ailleurs, si
aux termes du V de l’article 60 de la loi
n° 63-156 du 23 février 1963 de finances,
«
Lorsque […] le juge des comptes constate l'existence de circonstances constitutives de la force majeure,
il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public
», en l’espèce,
M. X...
n
’a fait valoir aucun élément constitutif de la force majeure, à savoir un événement imprévisible, irrésistible
et extérieur.
Sur l’existence d’un préjudice financier du fait du manquement du comptable
34.
Le comptable indique que le paiement de cette dépense n’a pas causé de préjudice financier à la
collectivité, dans la mesure où la volonté de la collectivité, par la voix de son maire, était de remettre, à
son niveau antérieur
, l’indemnité du 1
er
adjoint, du fait de l’élargissement de ses délégations
.
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35.
L’ordonnateur
considère que le décaissement d’indemnités de fonction au bénéfice du 1
er
adjoint,
pour un montant supérieur aux éléments ressortant de la délibération du conseil municipal en vigueur, en
l’occurrence celle du 26 mai 2008, sans que le comptable n’ait procédé aux contrôles auxquels il était
astreint, ont conduit à un appauvrissement du patrimoine de la collectivité et ainsi à un préjudice financier
justifiant le prononcé d’un débet de 1
770,80
€, augmenté des intérêts de droit, à l’encontre de M.
X...,
comptable alors en fonctions.
36. Dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre rappelle que, selon une jurisprudence
absolument constante, le fait que le comptable n’estime pas
qu’un préjudice financier a été causé à la
commune et que l’ordonnateur développe une position contraire, ne sont pas opposables au juge des
comptes dans son examen de l’existence éventuelle d’un tel préjudice.
37. Le procureur financier près la chambre rappelle également que, dans deux décisions récentes, le
Conseil d’É
tat a considéré que
la volonté d’exposer la dépense constituait un moyen susceptible de lever
le préjudice financier dans le cas d’un manquement aux obligations de contrôle en matière de produ
ction
des justifications de dépenses.
38.
Toutefois, en l’espèce, le procureur financier relève qu’aucune pièce du dossier ne
permet d’affirmer
la volonté de l’assemblée délibérante de la commune de Manduel de ramener le taux de l’indemnité pour
l'exercice effectif des fonctions d'adjoint au maire et de membre de délégation spéciale faisant fonction
d'adjoint au maire, et en particulier celles exercées par le 1
er
adjoint, à 14,71 %. Il rappelle que la dernière
délibération adoptée par cette assemblée sur ce sujet date du 26 mai 2008 et réduit ce taux
d’indemnisation à 7
%
, que seul l’arrêté du maire fait état d’un taux
à 14,71 %
et qu’
une décision de cette
autorité ne peut se substituer à une délibération du conseil municipal et est donc insuffisant pour justifier
lesdites dépenses. Il considère, en revanche, que les procédures enclenchées par le maire actuellement
en fonctions, tant auprès du trésorier de Nîmes Agglomération, que du procureur de la République, les
alertant sur le caractère indu de l’augmentation des indemnités constatée, ainsi que l’émission du titre
exécutoire n° 192 du 28 juin 2017, même si ce dernier a fait l
’objet d’une annulation par le t
ribunal
administratif de Nîmes le 5 juillet 2019, démontrent la volonté de la commune d’obtenir le rem
boursement
du trop-
perçu d’indemnités et le fait qu’elle estime avoir subi un préjudice financier.
39.
Pour déterminer si les paiements en cause ont entrainé un préjudice financier à l’organisme public
concerné, il appartient au juge des comptes d’apprécier,
au vu des éléments qui lui sont soumis à la
date à laquelle il statue, si la correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait
permis d’éviter que soit payée une dépense qui n’était pas effectivement due. Lorsque le manquement
du com
ptable porte sur l’exactitude de la liquidation de la dépense et qu’il en est résulté un trop
-payé,
il doit être regardé comme ayant par lui-même, sauf circonstances particulières, causé un préjudice
financier. Lorsque le manquement porte sur la production des pièces justificatives, le préjudice
financier est constitué si la dépense est dépourvue de fondement juridique, qu
’il n’est pas établi que
l’ordonnateur a voulu exposer la dépense
ou
qu’il est avéré que
le service
n’
a pas été fait.
40.
En
l’espèce,
le
fondement
juridique
du
paiement
des
indemnités
ne
peut
reposer,
réglementairement, que sur la délibération du 26 mai 2008, laquelle fixe un taux différent de celui qui
a effectivement été appliqué aux paiements en cause.
41. Par ailleurs, si
l’arrêté du maire en date du 31 octobre 2011
traduit la volonté de ce dernier
d’engager la dépense,
il ne lui appartenait
ni d’en décider du principe, ni
d’en déterminer le taux
, ainsi
que l’a constaté le tribunal administratif de Nîmes
dans son jugement du 5 juillet 2019 en considérant
que l’arrêté était illégal en ce qu’il avait été pris par une autorité incompétente pour fixer les indemnités du
maire et des adjoints.
42. Les indemnités de fonction payées au premier adjoint en 2014 sont donc, pour la part de trop-
payé qui résulte de la différence entre le taux, injustifié mais effectivement appliqué, de 14,71
% et
celui de 7 %
dûment arrêté, qui était alors en vigueur, constitutives d’un préjudice financier pour la
commune, dont le
montant s’élève à la différence
entre les deux taux appliqués
à l’indice 1015,
pendant une période de quatre mois, soit 1 770,80
- 842,65
= 928,15
.
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Indemnité de fonction versée
en 2014
Janvier
Février
Mars
Avril
(jusqu’au 5)
Montant brut versé au 1
er
adjoint
559,20
559,20
559,20
93,20
Total : 1 770,80
Montant de l’indemnité au taux de
7 %
:
266,10
266,10
266,10
44,35
Total : 842,65
Sur la mise en œuvre de la responsabilité du comptable
43. Aux termes du troisième alinéa du
paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée
:
«
Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné
[…], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la
somme
correspondante ».
44. Ainsi, il y a lieu de constituer M. X... débiteur de la commune de Manduel pour la somme de neuf
cent vingt-huit euros et quinze centimes (928,15
€) au titre de l’exercice 2014.
45.
Aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la
loi du 23 février 1963 précitée : « les débets portent
intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et
pécuniaire des comptables publics ». E
n l’espèce, cette date est le 10 septembre 2020.
46. Aux termes du deuxième alinéa du IX
de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, «
les
comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas
mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise
gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-
ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles du contrôle sélectif des dépenses, aucune remise
gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et
pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l’obligation
de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au
deuxième alinéa dudit VI ».
47. En 2014, aucun contrôle sélectif de la dépens
e n’avait été mis en place
.
48. Par conséquent la somme laissée, en cas de remise gracieuse, à la charge de M. X... par le ministre
chargé du budget ne pourra être inférieure à 3
‰ du montant du cautionnement prévu pour le poste
comptable, lequel s’élève à
234 000
pour l’exercice 2014
.
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Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
: Sur la présomption de charge unique, au
titre de l’exercice 2014
:
M. X... est constitué débiteur de la commune de Manduel pour la somme de neuf cent vingt-huit euros et
quinze centimes (928,15
), augmentée des intérêts de droit à compter du 10 septembre 2020.
Pour l’application des dispositions du second alinéa du paragraphe IX de l’article 60 de la loi du 23 février
1963 susvisée, le montant de la remise gracieuse qui pourra être accordée à M. X... au titre du débet
prononcé ci-dessus devra comporter un laissé à charge qui ne pourra être inférieur à
3 ‰ du montant du
cautionnement du poste comptable, fixé à 234 000
pour l’exercice 2014.
Article final
: La décharge de M. X... ne pourra être donnée
qu’après apurement
du débet, fixé ci-dessus.
Délibéré le 25 novembre 2020 par Mme Paule GUILLOT, vice-présidente, réviseure ; M. Alain LE BRIS,
premier conseiller, Mmes Marjorie MERLIAUD-HUBERT et Vanina DUWOYE, premières conseillères, M.
Jean-François BRUNET, premier conseiller.
En présence de Mme Clarisse GOUILLOUX, greffière de séance.
Clarisse GOUILLOUX,
greffière de séance
Paule GUILLOT,
présidente de séance
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de
mettre les dispositions dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la
force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront
légalement requis.
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Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes d’Occitanie,
et délivré par moi, secrétaire générale,
Pour la secrétaire générale empêchée, et par
délégation, le greffier,
Frédéric LACZKOWSKI
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements
prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la
Cour des
comptes dans un délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux
articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.
Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger.
La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les
conditions prévues à l’article R.
242-29 du même code.