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QUATRIÈME CHAMBRE
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Première section
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Arrêt n° S2020-1973
Audience publique du 19 novembre 2020
Prononcé du 17 décembre 2020
COMMUNE DE RANGIROA
(POLYNÉSIE FRANCAISE)
EXERCICE 2013
Appel d’un jugement de la chambre territoriale
des comptes de la Polynésie française
Rapport n° R-2020-0840-1
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2020 au greffe de la chambre territoriale des comptes
de la Polynésie française, par laquelle Mme X, comptable de la commune de Rangiroa, a
élevé appel du jugement n° 2019-0006 du 19 décembre 2019 rendu par ladite juridiction qui
l’a constituée débitrice envers cette commune
, pour défaut de diligences dans le
recouvrement de deux titres de recettes pris en charge en 2009
, à hauteur d’
un montant
global de 220 000 francs
CFP
;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment les dispositions combinées des
articles L. 1617-5 et L. 1874-
1 relatives à la prescription quadriennale de l’action en
recouvrement des comptables publics applicables en Polynésie française à compter
du 1
er
mars 2008 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi
n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, dans sa rédaction antérieure à
la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité
publique ;
Vu le rapport de M. Yves ROLLAND, conseiller maître
, chargé de l’instruction
;
Vu les conclusions de la Procureure générale n° 532 du 13 novembre 2020 ;
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Entendu, lors de l’audience publique du 19 novembre 2020, M. Yves ROLLAND, en son
rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public, les
autres parties, dûment informées de l’audience, n’étant ni présentes ni représentées
;
Entendu, en délibéré, M. Patrick BONNAUD, conseiller maître, réviseur, en ses
observations ;
1. Attendu que par le jugement entrepris, la chambre territoriale des comptes a constitué
Mme X débitrice envers la commune de Rangiroa
d’un montant global de
220 000 francs
CFP
pour n’avoir pas apporté la preuve de diligences adéquates, complètes et rapides
en
vue du recouvrement de deux titres de recettes pris en charge en 2009 ;
2.
Attendu que la requérante sollicite l’infirmation dudit jugement en ce qu’il aurait, à tort, mis
en jeu sa responsabilité personnelle et pécuniaire
et l’infirmation de l’ordonnance de
décharge de son successeur ; qu’elle
invoque à l’appui de ces demandes les conditions
d’exercice de ses fonctions
, ses productions effectuées au cours de la procédure de
première instance, les 29 mai et 6
décembre 2019, l’ir
recevabilité des réserves effectuées
par son successeur, M. Y, qui ne seraient ni détaillées ni, motivées ;
qu’en conséquence, elle
demande à la Cour de prononcer à son bénéfice un non-lieu à charge et de la décharger de
sa gestion pour l’exercice 2013 ;
3.
Attendu que la demande d’infirmation de l’ordonnance déchargeant le
successeur de
Mme X est irrecevable comme étrangère à la présente instance qui porte sur le seul
jugement n° 2019-0006 du 19 décembre 2019 susvisé ;
4. Attendu que les considérations
relatives aux conditions d’exercice des fonctions
de Mme X
, à défaut qu’il
soit établi, ni même allégu
é, qu’elles seraient révélatric
es de
l’existence de
circonstances de force majeure, sont inopérantes devant le juge des comptes
qui
apprécie s’il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du
comptable au vu des seuls éléments matériels du compte ;
5.
Attendu qu’
en se référant sans autre précision à ses productions de première instance,
Mme X ne spécifie pas en quoi la chambre les aurait ignorées ou mal appréciées
; qu’
il
appartient à l’appelant
d’exposer e
n sa requête les faits,
moyens et conclusions qu’il élève
contre la décision qu’il attaque
; qu’i
l
n’incombe
pas au juge
d’appel
de se substituer, à cet
égard, au requérant,
exception faite des moyens d’o
rdre public éventuels ; que, dans ces
conditions, la référence faite par Mme X à ses moyens de première instance est inopérante ;
6. Attendu
que, selon l’appelante
, les réserves de son successeur ne sont ni précises ni
détaillées dans la mesure où elles se résumeraient à un rapport sur la situation du
recouvrement des recettes en Polynésie à sa prise de fonctions
; que l’appelante
conteste
ainsi le jugement de la chambre territoriale des comptes en ce que celui-ci considère que les
réserves de son successeur "
sont motivées et que compte tenu des sommes figurant sur les
comptes d'imputation provisoire, elles ne pouvaient être plus précises et qu'enfin les
réserves en question ne portaient pas sur des créances dont le recouvrement n'était pas
compromis à la date à laquelle les réserves ont été faites
"
; qu’e
lle établit un parallèle entre
cet attendu et la position adopté par la même chambre dans deux jugements de 2015 et de
2017 concernant la gestion de
l’appelante
dans d’autres collectivités territoriales
: "
Attendu
que Mme X met en cause la fiabilité des états de développement des soldes issus
d'applications informatiques obsolètes (DDPAC/CLARA) et non mises à jour de sommes en
instance dans des comptes d'imputation provisoire ; mais que seuls font foi devant le juge
des comptes, les comptes et les état justificatifs produits par le comptable indépendamment
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de leur établissement
", ce qui, selon elle, ne permet pas de savoir si le recouvrement des
créances concernées par ces réserves étaient compromis ou non
; qu’e
lle rappelle que la
Cour des comptes exige que les réserves remplissent trois conditions : être précises, être
motivées et ne pas porter sur des créances dont le recouvrement est compromis à la date à
laquelle les réserves sont formulées ; que la Cour estime en particulier que les réserves ne
peuvent pas être générales mais doivent concerner des opérations précises ; que pour
l'appelante, dès lors que les trois conditions ne sont pas réunies, le juge doit considérer que
son successeur n'a pas émis de réserves et ne saurait écarter la responsabilité personnelle
et pécuniaire de ce dernier dans la mesure où le comptable entrant assure seul la
responsabilité des opérations de recouvrement prises en charge sans qu'aient été formulées
des réserves ;
7. Attendu que
la responsabilité du successeur de l’appelante n’es
t pas mise en cause dans
le réquisitoire n° 2019-0001 du 29 mars 2019 du procureur financier
qui a en l’espèce saisi la
chambre territoriale d’une charge visant exclusivement Mme
X ; que la chambre territoriale
des comptes était liée par le champ délimité par ce réquisitoire ; que, par ailleurs, le
jugement attaqué a fondé la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
l’appelante non pas sur la précision et la motivation des réserves formulées par son
successeur mais sur le seul motif que les créances visées par le réquisitoire ont été
définitivement compromises au terme de sa propre gestion ;
8. Attendu que le
jugement entrepris n’évoque
les réserves du comptable successeur que
pour répondre à un moyen développé
par l’appelante en première
instance ; que, par
ailleurs, celle-ci ne présente aucun élément
de nature à prouver qu’elle aurait pris des
mesures de nature à interrompre la prescription des créances incriminées
; qu’il convient
donc d’écarter ce moyen comme inopérant
;
9.
Attendu
qu’il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter la requête
de Mme X ;
Par ces motifs,
DECIDE :
Article unique
–
La requête de Mme X est rejetée.
.
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Fait
et
jugé
en
la
Cour
des
comptes, quatrième
chambre,
première
section.
Présents : Jean-Yves BERTUCCI, président de section, président de la formation,
M. Denis BERTHOMIER, conseiller maître, Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS,
conseillère maître, M. Patrick BONNAUD, conseiller maître.
En présence de Mme Stéphanie MARION, greffière de séance.
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux judiciaires
d’y tenir la main, à tous co
mmandants et officiers
de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Stéphanie MARION
Jean-Yves BERTUCCI
Conformément aux dispositions de l’article R. 142
-20 du code des juridictions financières, les
arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le
délai de deux mois à compter de la no
tification de l’acte. La révision d’un arrêt peut être
demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions
prévues au I de l’article R. 142
-19 du même code.