Sort by *
1/6
Troisième section
Mme Amiel c/ Commune de La Saulce
(Département des Hautes-Alpes)
Article
L. 1612-15
du
code
général
des
collectivités territoriales
Rapport n° 2020-0096
Saisine n° 2020-0138
Séance du 29 juillet 2020
AVIS
La chambre régionale des comptes Provence-Alpes-
Côte d’
Azur
VU
le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 1612-15 ;
VU
le code des juridictions financières, notamment son article L. 232-1 ;
VU
les lois et règlements relatifs aux budgets des communes et des établissements publics
communaux et intercommunaux ;
VU
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
VU
l’arrêté n°
2019-11 du 2 juillet 2019
du président de la chambre fixant l’organisation des
formations de délibéré et leurs compétences ;
VU
la lettre du 12 juin 2020, enregistrée au greffe le 18 juin 2020, par laquelle Mme Amiel,
fonctionnaire titulaire de la mairie de La Saulce, a saisi la chambre en application de l'article
L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales
en vue d’établir le caractère obliga
toire
des dépenses résultant de la prise en charge par la commune de la Saulce, au titre de la protection
fonctionnelle, de
s honoraires d’avocats engagés dans le cadre d’une plainte pour harcèlement
moral la visant ;
VU
la réponse de la commune de La Saulce, enregistrée au greffe le 9 juillet 2020 ;
VU
l'ensemble des pièces du dossier ;
Sur le rapport de M. François POINT, premier conseiller ;
Après avoir entendu le rapporteur, ainsi que M. Gregory SEMET, procureur financier, en ses
conclusions écrites et orales ;
2/6
CONSIDERANT
que par la lettre du 12 juin 2020 susvisée, Mme Amiel a saisi la chambre sur
le fondement des dispositions de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités
territoriales, en vue d’obtenir son avis sur le caractère obligatoire ou non d’une dépense qu’elle
souhaite faire inscrire au budget de la commune de La Saulce ;
SUR LA COMPETENCE DE LA CHAMBRE
CONSIDERANT
qu’aux termes de l’article L. 1612
-15 du code général des collectivités
territoriales «
Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses
nécessaires à l’acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l’a
expressément décidé. La chambre régionale des comptes saisie, soit par le représentant de
l’État dans le département, soit par le comptable public concerné, soit par toute personne y
ay
ant intérêt, constate qu’une dépense obligatoire n’a pas été inscrite au budget ou l’a été pour
une somme insuffisante. Elle opère cette constatation dans le délai d’un mois à partir de sa
saisine et adresse une mise en demeure à la collectivité territoriale concernée »
;
CONSIDERANT
que la saisine de Mme Amiel concerne la prise en charge par la commune
de La Saulce de ses frais d’avocat, au titre de la protection fonctionnelle qui lui a été accordée
par décision du 18 novembre 2018 ; que la Chambre régionale des comptes est compétente pour
se prononcer sur le caractère obligatoire d’une telle dépense
;
CONSIDÉRANT
qu’
il y a lieu de considérer que les dernières pièces nécessaires à
l’instruction, à savoir le budget primitif
2019 et le compte administratif 2018 de la commune,
transmises par le préfet des Hautes-Alpes, ont été enregistrées au greffe de la chambre le 29 juin
2020 ; que la saisine peut être regardée comme complète à cette date, à laquelle le délai imparti
à la chambre pour statuer, a commencé à courir ;
SUR LA RECEVABILITE DE LA SAISINE
1.
Sur la qualité et l’intérêt à agir du demandeur
CONSIDERANT
qu’aux termes de l'article R.
1612-34 du code général des collectivités
territoriales : «
La chambre régionale des comptes se prononce sur la recevabilité de la
demande. Elle constate notamment la qualité du demandeur et, s'il y a lieu, l'intérêt qu'il a à
agir
» ;
CONSIDERANT
qu’aux termes de l’article 5 du d
écret n° 2017-97 du 26 janvier 2017 relatif
aux conditions et aux limites de la prise en charge des frais exposés dans le cadre d'instances
civiles ou pénales par l'agent public ou ses ayants droit :
«
Sans préjudice de la convention
conclue entre l'avocat et l'agent au titre de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée,
la collectivité publique peut conclure une convention avec l'avocat désigné ou accepté par le
demandeur et, le cas échéant, avec le demandeur./ La convention détermine le montant des
honoraires pris en charge selon un tarif horaire ou un forfait, déterminés notamment en
fonction des difficultés de l'affaire. Elle fixe les modalités selon lesquelles les autres frais,
débours et émoluments sont pris en charge. Elle règle le cas des sommes allouées à l'agent au
titre des frais exposés et non compris dans les dépens. / La collectivité publique règle
directement à l'avocat les frais prévus par la
convention. /La convention peut prévoir que des
frais sont pris en charge au fur et à mesure de leur engagement, à titre d'avances et sur
3/6
justificatifs. / Le règlement définitif intervient à la clôture de l'instance sur présentation du
compte détaillé prévu à l'article 12 du décret du 12 juillet 2005 susvisé.
»
; qu’aux termes de
l’article 6 du m
ême décret : «
Dans le cas où la convention prévue à l'article 5 n'a pas été
conclue, la prise en charge des frais exposés est réglée directement à l'agent sur présentation
des factures acquittées par lui. /Le montant de prise en charge des honoraires par la collectivité
publique est limité par des plafonds horaires fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de la
fonction publique, du ministre de la justice et du ministre chargé du budget. ».
qu’aux termes
de son article 7
:
«
Si la convention prévue à l'article 5 comporte une clause en ce sens ou en
l'absence de convention, la collectivité publique peut ne prendre en charge qu'une partie des
honoraires lorsque le nombre d'heures facturées ou déjà réglées apparaît manifestement
excessif./Le caractère manifestement excessif s'apprécie au regard des prestations
effectivement accomplies par le conseil pour le compte de son client, des pièces et des
justificatifs produits ou de la nature des difficultés présentées par le dossier./Lorsque la prise
en charge par la collectivité publique ne couvre pas l'intégralité des honoraires de l'avocat, le
règlement du solde incombe à l'agent dans le cadre de ses relations avec son conseil.
» ;
CONSIDERANT
que dans sa lettre de saisine enregistrée le 20 juin 2020, Mme Amiel, agent
titulaire de la commune de La Saulce,
expose qu’elle a été mise en cause pour des faits de
harcèlement moral dans le cadre de ses fonctions
; qu’elle a sollicité à ce titre la protect
ion
fonctionnelle de la commune ; que la commune de La Saulce lui a accordé la protection
fonctionnelle par décision du 13 novembre 2018 ; que le 11 avril 2019, Mme Amiel a été
entendue par les services de police dans le cadre de la plainte déposée contre elle ;
qu’à cette
occasion, elle a eu recours aux consei
ls d’un avocat
; que les frais liés à cette intervention lui
ont été facturés le 12 avril 2019, pour un montant de 886,60 euros TTC ;
que l’affai
re a été
classée sans suite par le procureur de la République le 3 août 2019 ; que Mme Amiel et son
conseil ont sollicité la commune à plusieurs reprises en 2019 et 202
0 afin d’obtenir le paiement
des frais d’avocat,
au titre de la protection fonctionnelle ; que le conseil de Mme Amiel a
notamment adressé à la commune de La Saulce une lettre recommandée avec accusé de
réception du 21 mai 2019 ; que Mme Amiel a de nouveau sollicité la commune de La Saulce
afin d’
obtenir le paiement des honoraires par courriel du 1
er
janvier 2020, auquel était joint la
facture en cause ;
qu’elle fait valoir qu’elle n’a pu obtenir le paiement des honoraires ; qu’elle
doit être regardée comme sollicitant la Chambre en vertu de
l’article L. 1612
-15 du code général
des collectivités territoriales ; que s
il ressort
des pièces du dossier que la facture n’a été
acquittée par Mme Amiel que le 5 mai 2020, cette circonstance ne fait pas obstacle à la
recevabilité de la demande de Mme Amiel, qui tend à ce que soit constaté le caractère
obligatoire de la dépense ;
CONSIDÉRANT
qu
’il résulte de ce qui précède que
la requérante, à qui les honoraires ont été
facturés et qui bénéficie de la protection fonctionnelle, a qualité et intérêt à agir ;
2.
Existence d’une saisine motivée, chiffrée et appuyée de toutes les justifications
utiles
CONSIDERANT
qu’aux termes de l’article R.
1612-32 du code général des collectivités
territoriales :
« la saisine de la chambre régionale des comptes prévue à l'article L. 1612-15
doit être motivée, chiffrée et appuyée de toutes justifications utiles, et notamment du budget
voté et, le cas échéant, des décisions qui l'ont modifié
» ;
4/6
CONSIDERANT
que dans sa saisine
, la requérante a versé une copie de la décision d’octroi
de la protection fonctionnelle en date du 18 novembre 2018
; qu’elle a également produit la
convention d’honoraires conclue avec le cabinet SELARL BGLM et la note d’honoraire
en date
du 12 avril 2019, pour un montant de 886,80 euros TTC ; que la saisine est motivée, chiffrée et
appuyée de toutes les justifications utiles ;
SUR LE CARACTERE OBLIGATOIRE DE LA DEPENSE
CONSIDERANT
qu’aux termes
de l’article
R. 1612-35 du code des juridictions financières :
«
La chambre régionale des comptes se prononce sur le caractère obligatoire de la dépense.
/Si la dépense est obligatoire et si la chambre constate l'absence ou l'insuffisance des crédits
nécessaires à sa couverture, elle met en demeure la collectivité ou l'établissement public
concerné d'ouvrir lesdits crédits par une décision modificative au budget.
»
; qu’aux termes de
l’article R. 1612
-36 du même code : «
Si la chambre régionale des comptes constate que la
dépense n'est pas obligatoire ou que les crédits inscrits sont suffisants pour sa couverture, elle
notifie sa décision, qui est motivée, à l'auteur de la demande, à la collectivité ou à
l'établissement public concerné et, s'il n'est pas l'auteur de la demande, au représentant de
l'Etat.
» ;
CONSIDERANT
qu’aux termes de l’article 1
1 de la loi du 13 juillet 1983
:
« I.-
A raison de
ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le
fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues
au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la
date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire.
(…)
III.- Lorsque
le fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère
d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit
lui accorder sa protection. Le fonctionnaire entendu en qualité de témoin assisté pour de tels
faits bénéficie de cette protection. La collectivité publique est également tenue de protéger le
fonctionnaire qui, à raison de tels faits, est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure
de composition pénale. »
;
qu’aux termes de l’article 1
er
du code de procédure pénale :
«
L’action publique
pour l’application des peines est mise en mouvement et exercée par les
magistrats ou par les fonctionnaires auxquelles elle est confiée par la loi. - Cette action peut
aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées par le présent
code.
»
; qu’aux termes de l’article 40 du même code
:
« Le procureur de la République reçoit
les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux
dispositions de l'article 40-1.
»
; qu’aux termes de son article 40
-1 : «
Lorsqu'il estime que les
faits qui ont été portés à sa connaissance en application des dispositions de l'article 40
constituent une infraction commise par une personne dont l'identité et le domicile sont connus
et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action
publique, le procureur de la République territorialement compétent décide s'il est opportun :
1° Soit d'engager des poursuites ; 2
° Soit de mettre en œuvre une procédure alternative aux
poursuites en application des dispositions des articles 41-1 ou 41-2 ; 3° Soit de classer sans
suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits
le justifient.
»
; qu’aux termes de son article 85
: «
Toute personne qui se prétend lésée par un
crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction
compétent en application des dispositions des articles 52, 52-1 et 706-42.
» ;
5/6
CONSIDERANT
qu
’il est constant que Mme Amiel avait sollicité la protection fonctionnelle
le 9 novembre 2018
dans le cadre d’une plainte pour harcèlement moral déposée contre elle
;
que si dans sa décision du 13 novembre 2018, le maire de la commune a visé le
IV de l’article
11 de la loi du 13 juillet 1983, relatif aux fonctionnaires victimes de harcèlement, Mme Amiel
n’était
pas
en l’espèce
victime de harcèlement moral, et sa situation
n’entrait
pas dans le champ
d’application
de ces dispositions ; que la situation de Mme Amiel, accusée de harcèlement
moral dans le cadre de ses fonctions, relevait dès lors des dispositions du III du même article ;
que, par suite, la protection fonctionnelle dont Mme Amiel a bénéficié par décision du
13 novembre 2018 doit être regardée comme accordée en vertu des dispositions du III de
l’article 11 du de la loi du 13 juillet 1983
;
qu’ainsi, pour la prise en charge de ses frais d’avocat
,
Mme Amiel bénéficie de la protection fonctionnelle dans les conditions définies par le III de
l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983
;
CONSIDERANT
q
ue le champ d’application de la protection fonctionnelle défini par les
dispositions précitées du III de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 s’étend aux fonctionnaires
faisant l’objet de poursuites pénales, placés en garde à vue ou se voyant proposer
une mesure
de composition pénale ; qu'un fonctionnaire doit être regardé comme faisant l'objet de
poursuites pénales au sens de ces dispositions lorsque l'action publique pour l'application des
peines a été mise en mouvement à son encontre ;
qu’il résulte
des pièces versées au dossier, en
particulier de la note d’honoraire du 12 avril 2019, que les frais d’avocat engagés par
Mme
Amiel sont relatifs à l’assistance dont elle a bénéficié lors de
son audition par les services
de
police le 11 avril 2019 et à des frais de dossier et de secrétariat ; que la procédure pour
harcèlement dans laquelle Mme Amiel
a été mise en cause a fait l’objet d’un classement sans
suite par décision du procureur de la République en date du 3 août 2019 ;
qu’une
audition par
les services de police
ne constitue pas une mise en mouvement de l’action publique
;
qu’il n’est
pas établi que Mme Amiel aurait fait l’objet d’une plainte avec constitution de partie civile
prévue à l’article 85 du code de procédure pénale
;
qu’
ainsi, il ne résulte ni des éléments fournis
à l’
app
ui de la demande, ni d’aucun
e autre pièce du dossier que des poursuites judiciaires
auraient été engagées contre Mme Amiel, ou que celle-
ci aurait fait l’objet d’une des mesures
mentionnées au III de l’article 11 de la lo
i du 13 janvier 1983 ; que, dans ces conditions, les
frais d’avocat
dont elle demande le paiement par la collectivité
n’entrent pas dans le champ de
la protection fonctionnelle
; qu’au surplus, la convention d’honoraires versée au dossier n’a pas
fait l’objet d’u
n accord par la commune de La Saulce, qui est en droit de contrôler que
l’agent
n’a pas engagé de dé
penses excessives au regard
de l’action en cause, et n’est pas tenue de
verser l’intégralité des honoraires facturés
; que, dans ces conditions, la dépense en cause ne
saurait être regardée comme certaine dans son principe et dans son montant ; que, par suite, elle
n’a pas le caractère d’une dépense obligatoire
;
6/6
PAR CES MOTIFS :
Article 1
er
:
DECLARE
recevable la saisine de Mme Amiel.
Article 2
:
CONSTATE
que la dépense dont Mme Amiel demande l’
inscription au
budget de la commune de La Saul
ce n’a pas un car
actère obligatoire.
Article 3
:
DIT
que le présent avis sera notifié au préfet du Var, au maire de la commune
de La Saulce, à Mme Amiel et au comptable de la commune.
Article 4
:
RAPPELLE
que le conseil municipal doit être tenu informé, dès sa plus
proche réunion, du présent avis conformément aux dispositions de l'article
L. 1612-19 du code général des collectivités territoriales.
Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-
Côte d’Azur
, le 29 juillet
2020.
Présents : M. Daniel Gruntz, président de section, présidant la séance, M. Jean-
François Grouillet, premier conseiller, Mme Cindy Deffin, conseillère, M. Guillaume Hermitte,
conseiller, M. François Point, premier conseiller rapporteur.
Le président de la troisième section,
Président de séance
Daniel GRUNTZ
Voies et délais de recours (article R. 421-1 du code de justice administrative) : la présente décision peut être
attaquée devant le tribunal administratif territorialement compétent dans un délai de deux mois à compter de sa
notification.