COMMUNIQUE DE PRESSE
Le 7 octobre 2020
FINANCES ET COMPTES PUBLICS
LA SÉCURITÉ SOCIALE
La crise sanitaire a entraîné un creusement inédit du déficit de la sécurité sociale,
résultant d’une chute des recettes et d’une augmentation des dépenses engagées
pour répondre à l’urgence. Il en résulte un accroissement considérable de la dette
sociale.
Afin de sauvegarder dans la durée le système de sécurité sociale et d’éviter
une nouvelle aggravation de son endettement, il paraît essentiel de reconstruire
dès à présent une nouvelle trajectoire de retour à l’équilibre des comptes
sociaux.
A cette fin, la Cour recommande d’agir sur les ressorts structurels de la dépense
d’assurance maladie sans pour autant réduire la qualité de prise en charge
des patients, de mieux cibler certaines prestations de solidarité pour mieux
protéger les plus défavorisés et de poursuivre les efforts d’amélioration
de la gestion des organismes de sécurité sociale.
Une trajectoire de retour à l’équilibre à reconstruire
Sous l’effet de la crise sanitaire, le déficit cumulé du régime général de la sécurité sociale
et du fonds de solidarité vieillesse devrait atteindre 44,4 Md
€
en 2020 (contre 1,9 Md
€
en
2019 et 28 Md
€
en 2010, à la suite de la crise financière).
Ce creusement inédit résulte
d’une chute des recettes de la sécurité sociale liée aux conséquences du confinement
(-27,3 Md
€
) et, dans une moindre mesure, de dépenses supplémentaires (+11,5 Md
€
),
essentiellement au titre de l’assurance maladie, l’objectif national des dépenses
d’assurance maladie (Ondam) progressant de 7,6 % en 2020.
Cette situation a conduit à
une reprise de dette par la caisse d’amortissement de la dette sociale, d’un montant tout
aussi inédit de 136 Md
€
. La crise sanitaire pourrait avoir une empreinte durable sur les
comptes sociaux en affectant à moyen terme le niveau et la croissance des recettes de
la sécurité sociale.
Face à la hausse des dépenses, une augmentation des recettes affectées au
financement de la sécurité sociale apparaît peu envisageable. Il n’apparaît pas non plus
souhaitable, compte tenu de la trajectoire budgétaire dégradée des finances publiques,
d’affecter à la sécurité sociale des recettes de l’État. Éviter l’augmentation de la dette
sociale suppose donc d’agir sur les dépenses.
Des progrès contrastés dans la maîtrise des dépenses entre 2010
et 2019
Les résultats obtenus ces dernières années par les différentes branches de la sécurité
sociale sont globalement positifs, mais encore insuffisants et hétérogènes.
Dans la branche famille, la maîtrise des dépenses a été facilitée par l’inflexion de la
natalité depuis 2014, mais aussi par un ensemble de mesures d’équité, visant à aider en
priorité les familles les moins favorisées.
Le système de retraite a quant à lui connu cinq réformes d’ampleur entre 1993 et 2014.
En plus des hausses de cotisations, ces réformes ont agi sur l’âge de départ à la retraite,
la durée de cotisations et le niveau des pensions. L’indexation sur l’inflation des pensions
et des droits acquis pendant la carrière professionnelle des assurés a également joué un
rôle substantiel. Si ces réformes ne suffiront pas à assurer l’équilibre du système à
l’horizon 2030, elles ont néanmoins ramené, ces dernières années, l’évolution des
dépenses à un rythme proche de celui du PIB.
Les dépenses d’assurance maladie ont vu, jusqu’en 2019, leur progression
significativement ralentie. L’Ondam rapporté au PIB a en effet été stabilisé autour de
8,3 % au cours des dernières années. Au plus bas en 2016 (+1,8 %), l’Ondam a toutefois
été ensuite desserré : après une évolution constatée de +2,2 % en 2017 et 2018, puis de
+2,6 % en 2019, il avait été fixé à +2,45 % pour 2020, avant même le déclenchement de
l’épidémie de Covid-19. Ces évolutions soulignent les limites d’une maîtrise des
dépenses de santé reposant uniquement sur le dispositif financier que constitue l’Ondam.
Une action à approfondir pour rendre le système de santé
plus efficace
Le retour sur un chemin d’équilibre de l’assurance maladie nécessite des mesures
structurelles. Le rapport en présente, dans le droit fil des années précédentes, trois
nouvelles illustrations.
Les groupements hospitaliers de territoires
(GHT) : la réforme de la coopération
hospitalière de 2016, visant à améliorer l’accès à des soins de qualité et à rechercher
une gestion plus économe, doit être poursuivie. Certains GHT réunissent un nombre
trop faible d’établissements sanitaires pour être en capacité d’atteindre les objectifs
de la réforme. Par ailleurs, un nombre significatif de GHT n’offrent pas certains types
de prises en charge, comme par exemple
la pose de stents ou le traitement des AVC,
et ne permettent pas de réduire les effets de la pénurie de spécialités médicales sur
certains territoires ;
Le système de financement
par dotation des activités hospitalières
: en plus des
financements reçus sur la base de tarifs au séjour, les établissements de santé publics
et privés reçoivent des financements spécifiques pour des missions d’intérêt général
et d’aides à la contractualisation, et pour des actions de santé publique d’intérêt
régional financées par les fonds d’intervention régionaux. Ces deux sources de
financement représentaient en 2019 un total de près de 11 Md
€
. L’existence de
chevauchements entre les différentes enveloppes financières et un empilement
croissant de lignes budgétaires, difficilement compréhensibles par les établissements
de santé, appellent une simplification de ces financements et une répartition plus
claire des responsabilités dans leur attribution entre administration centrale et
agences régionales de santé ;
Les dispositifs médicaux
: utilisés dans un nombre croissant de maladies, ils
représentent une dépense évaluée à 15 Md
€
, en progression d’environ 4 % chaque
année. Jusqu’à présent, les mesures de maîtrise ont principalement porté sur leurs
prix. Il apparaît nécessaire d’agir en parallèle sur l’actualisation des listes de
remboursement, la pertinence et l’observance des prescriptions, et l’optimisation des
achats par les établissements de santé.
Des prestations de solidarité à mieux cibler
L’exigence de solidarité implique de mieux cibler certaines prestations.
Les minima de pensions de retraite
: des mesures comme l’indexation sur les prix
des salaires utilisés pour le calcul de la retraite favorisent les assurés à carrière pleine
et ascendante, et peuvent pénaliser ceux ayant connu des périodes de chômage ou
touché des salaires plus faibles. Pour les très petites retraites, le dispositif de
minimum doit faire l’objet d’une clarification : conçu pour augmenter la retraite de
salariés ayant une carrière complète, il bénéficie principalement à des personnes
ayant des carrières à temps partiel ou incomplètes. De plus, la complexité des
dispositifs conduit à ce que près d’un demi-million de personnes ayant pris leur retraite
voient leur dossier rester durablement en attente de règlement définitif.
L’action sociale de la branche famille
: la branche famille n’a pas pu atteindre les
objectifs fixés de création de places en crèche, avec un taux de réalisation de 63 %,
et les inégalités territoriales demeurent. Au vu de l’importance des financements
publics mobilisés (5,8 Md
€
en 2019), il est nécessaire d’apporter à ces dispositifs les
améliorations indispensables pour offrir aux familles un service de qualité sur
l’ensemble du territoire.
Des progrès encore possibles en matière de gestion
L’effort de maîtrise des dépenses implique aussi de faire progresser la qualité et
l’efficience de la gestion des organismes de sécurité sociale.
Le versement à bon droit des prestations sociales
: il apparaît nécessaire de
réduire le nombre d’erreurs affectant le versement des prestations sociales, qu’elles
soient au détriment des finances sociales ou des bénéficiaires. Toutes branches
confondues, ces erreurs se sont élevées à au moins 5 Md
€
en 2019 et sont en nette
augmentation, en nombre comme en volume, ces dernières années. L’automatisation
des processus de gestion, la dématérialisation des déclarations pour éviter les erreurs
de saisie et le renforcement des contrôles a posteriori sur pièces et sur place
permettraient de limiter ce phénomène.
L’organisation des caisses de sécurité sociale et des Urssaf
: l’adaptation de
l’organisation des branches de prestations du régime général de sécurité sociale et la
modernisation de la gestion du recouvrement par le réseau des Urssaf apparaissent
essentielles pour améliorer la qualité du service et réduire les coûts.
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