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Plénière
Jugement n° 2020-0046
Audience publique du 30 juin 2020
Prononcé du 31 juillet 2020
COMMUNAUTÉ DE COMMUNES
"BRESSE NORD INTERCOM'"
(Département de Saône-et-Loire)
CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES
DE
PIERRE
-
DE
-
BRESSE
E
XERCICE
2017
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES BOURGOGNE-FRANCHE-COMTE,
Vu
le courrier en date du 14 juin 2019, enregistré au greffe le 17 juin 2019,
par lequel la directrice départementale
des finances publiques de Saône-et-Loire a demandé à la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-
Comté d’engager une procédure d’amende pour retard dans la production des comptes de gestion 2017 à
l'encontre du comptable public du centre des finances publiques de Pierre-de-Bresse (Saône-et-Loire), M. X ..., en
application de l'article L. 231-10 du code des juridictions financières ;
Vu
le réquisitoire n° 2019-0093 du 17 juin 2019 par lequel le procureur financier près la chambre régionale des
comptes Bourgogne-Franche-Comté a saisi la juridiction en vue de l'ouverture d'une procédure contentieuse à
l’encontre de M. X ... au titre des griefs susvisés ;
Vu
l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu
le code des juridictions financières et notamment ses articles L. 231-8, L. 231-10 ;
Vu
le code général des collectivités territoriales ;
Vu
l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de
l'ordre administratif ;
Vu
le décret n° 2003-187 du 5 mars 2003 relatif à la production des comptes de gestion des comptables des
collectivités locales et établissements publics locaux ;
Vu
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, notamment
son article 21 ;
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Vu
l’instruction du 13 septembre 2012 de la direction générale des finances publiques relative aux comptes de
gestion et financier des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des établissements publics de
santé ;
Vu
le rapport n° 20-058 en date du 19 février 2020 de M. Thierry Farenc, président de section, magistrat chargé
de l’instruction ;
Vu
les conclusions n° 2020-058 en date du 9 mars 2020 du procureur financier par intérim ;
Ensemble
les pièces au dossier ;
Après avoir entendu
en audience publique du 30 juin 2020 M. Thierry Farenc, président de section, en son
rapport, Mme Valérie Bigot, procureure financière, en ses conclusions ; M. X ..., comptable, et M. le président de
la communauté de communes Bresse Nord Intercom', ordonnateur, dûment informés de la tenue de l’audience
publique, n’étant ni présents ni représentés ;
Après avoir entendu
en délibéré hors la présence du rapporteur et de la procureure financière Mme Milada
Pantic, première conseillère, réviseure, en ses observations ;
Sur la matérialité des faits relatifs au retard dans la production des comptes de l’exercice 2017
:
Attendu
que les comptes de l’exercice 2017 de la communauté de communes "Bresse Nord Intercom'" (Saône-
et-Loire) n’ont pas été produits par M. X ..., chef du centre des finances publiques (CFP) de Pierre-de-Bresse
(Saône-et-Loire), à la directrice départementale des finances publiques de Saône-et-Loire, avant le 31 décembre
2018 conformément à la réglementation en vigueur ;
Attendu
que les dispositions de l’article D. 231-8 du code des juridictions financières énoncent que : «
Les
comptes faisant l'objet de l'apurement administratif prévu par l'article L. 211-2 sont produits à l'autorité
compétente de l'Etat, au plus tard le 31 décembre qui suit la clôture de l'exercice auquel ils se rapportent » ;
Attendu
que l’instruction de la direction générale des finances publiques du 13 septembre 2012 précise que les
liasses de documents papier des comptes soumis à l’apurement juridictionnel doivent être déposées à la chambre
régionale des comptes et celles des comptes soumis à l’apurement administratif au comptable supérieur avant
le 31 décembre de l’année suivant l’exercice auquel il se rapporte ;
Attendu
qu'en l'espèce, les comptes de l’exercice 2017 de l’organisme susmentionné devaient être déposés au
comptable supérieur au plus tard le 31 décembre 2018 ; qu’ainsi, en l’absence de production des comptes avant
cette date, les dispositions réglementaires précitées ont été méconnues ;
Attendu
qu’aux termes de l’article L. 131-6 du code des juridictions financières, «
le comptable passible de
l’amende pour retard dans la production des comptes, est celui en fonctions à la date réglementaire de dépôt des
comptes
» et qu’à la date réglementaire de dépôt des comptes, le comptable public en fonctions était M. X ... ;
Attendu
qu'il ressort des différents éléments recueillis au cours de l’instruction, notamment des éléments
communiqués par le Pôle national d’apurement administratif (PNAA) et par la direction départementale des
finances publiques de Saône-et-Loire et confirmés par le comptable, que les comptes de la communauté de
communes "Bresse Nord Intercom'" ont été remis au service public local (SPL) de la direction départementale
des finances publiques de Saône-et-Loire le 27 janvier 2020 ;
Sur les circonstances de l’espèce :
Attendu
que la production des comptes publics étant d’ordre public, le manquement du comptable à cette
obligation doit être sanctionné ;
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Attendu
que pour prononcer une amende pour retard dans la production des comptes le juge financier doit tenir
compte des circonstances qui peuvent être aggravantes, atténuantes, voire exonératoires de responsabilité ; que
l’appréciation de l’amende devant être prononcée se fait
in concreto
au regard des éléments de fait de chaque
espèce ;
Attendu
qu’au cours de l’instruction M. X ... a produit en réponse à la chambre des éléments relatifs au contexte
de fonctionnement du poste comptable en vue d’expliquer le retard intervenu dans la production des comptes de
la communauté de communes "Bresse Nord Intercom'" ;
Attendu
qu’à la suite de la réception du réquisitoire le 29 août 2019 M. X ... n’a produit les comptes de la
communauté de communes "Bresse Nord Intercom'" au service public local de la direction départementale des
finances publiques de Saône-et-Loire que le 27 janvier 2020 ;
Attendu
qu’à ce titre M. X ... a indiqué notamment que, depuis 18 mois, les effectifs réels du poste ne permettaient
pas de faire face aux missions imparties ; que, dans ce contexte, il a fait le choix de prioriser les missions à savoir,
dans l’ordre, « garantir la tenue de la comptabilité au sens large »,
« essayer d'améliorer divers processus
internes ou méthodes pour accroître notre productivité » et « autres tâches, dont la reddition des comptes de
gestion »
;
Attendu
que M. X ... a également précisé que la valeur du ratio « nombre de pièces par agent 2018 » pour
l’activité secteur public local (SPL) du poste comptable de Pierre-de-Bresse était nettement supérieure à celle
des autres CFP du département de Saône-et-Loire de taille comparable ; que ce poste comptable présentait
également pour l’année 2018 des délais de traitement de titres et mandats et de paiement plus courts par rapport
à ceux des CFP de taille comparable ;
Attendu
que M. X ... a aussi souligné, dans sa réponse du 30 septembre 2019, la situation de sous-effectif du
CFP de Pierre-de-Bresse à laquelle il a été confronté pendant l’année 2018 ; qu’il a également produit le support
de dialogue de gestion 2019 selon lequel il évalue le déficit cumulé de moyens humains de 2016 à 2018 à hauteur
de 2 500 heures travaillées, et ce, de façon croissante ; qu’en particulier, la seule année 2018 se caractérisait
selon lui par un déficit de 1 000 heures environ, alors même que, selon les éléments communiqués, la charge de
travail dans ce poste aurait été supérieure à celle constatée dans des postes équivalents ;
Attendu
que la direction départementale des finances publiques de Saône-et-Loire a confirmé la situation de
sous-effectif dans laquelle se trouvait le CFP de Pierre-de-Bresse en 2018 sans infirmer ou valider le déficit de
2 500 heures exposé par le comptable et précisément évoqué dans le questionnaire adressé en cours
d’instruction ; qu’elle a indiqué qu’un renfort de 52 journées avait été attribué à ce CFP à compter du 13 mars
2018 ; qu’elle a enfin qualifié les résultats du poste comptable comme étant très satisfaisants au regard des
indicateurs et des repères d’activité, mais qu’ils sont comparables à ce qui peut être communément constaté
dans les trésoreries du département également confrontées à des problèmes d’effectifs équivalents ;
Attendu
que si la direction départementale des finances publiques de Saône-et-Loire considère, dans une note
adressée au comptable en date du 20 février 2019, que M. X ... « n’a mis en
œ
uvre qu’imparfaitement le contrôle
hiérarchisé de la dépense et la phase comminatoire amiable susceptibles de générer des gains de productivité »,
la chambre relève que cette évaluation est intervenue tardivement pour avoir un effet sur la production des
comptes objet de l’instance ;
Attendu
que les comptes de la communauté de communes "Bresse Nord Intercom'" à produire auprès du service
SPL de la direction départementale des finances publiques de Saône-et-Loire étaient destinés à l’archivage, sans
contrôle préalable en vue d’apurement par le PNAA ; qu’à ce titre, M. X ... a décidé d’attendre la collecte dans le
poste comptable des comptes 2018 qui est intervenue le 27 janvier 2020 ; que, par conséquent, le comptable n’a
manifestement pas considéré que le dépôt des comptes 2017 de la communauté de communes "Bresse Nord
Intercom'" revêtait un caractère prioritaire au regard de priorités qu’il indique avoir assignées au poste comptable
placé sous sa responsabilité ;
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Attendu
,
a contrario
, qu’à la suite de la réception du réquisitoire le 29 août 2019 M. X ... a produit dans les plus
brefs délais les comptes de 11 collectivités
en vue d’apurement par le PNAA, qui les a réceptionnés le
5 septembre 2019 ;
Attendu
que la production des comptes ne saurait constituer une priorité secondaire pour les postes comptables
mais constitue une obligation essentielle du comptable ; que, néanmoins, la priorisation des missions telle que
fixée par M. X ...
ne relègue pas la réddition des comptes au statut de mission secondaire dans la mesure où les
priorités de rang 1 et 2
(« garantir la tenue de la comptabilité au sens large »,
« essayer d'améliorer divers
processus internes ou méthodes pour accroître notre productivité ») impliquent de donner la priorité à la passation
d’opérations courantes et, par conséquent, de réunir les conditions indispensables à la production des comptes ;
que la priorisation des tâches par le comptable résulte d’un sous-effectif etayé par l’intéressé et sa hiérarchie, et
a permis la préservation des performances du poste comptable ;
Attendu
, par conséquent, que le retard pris par M. X ... ne résulte manifestement pas d’une désorganisation du
poste comptable ayant pour conséquence de retarder la reddition des comptes puis leur production, mais d’un
choix délibéré du comptable de privilégier la passation des opérations courantes par le centre des finances
publiques placé sous sa responsabilité, dont le bon fonctionnement est confirmé par son supérieur hiérarchique ;
Attendu,
cependant, que si les explications produites par M. X ... doivent être prises en compte, elles ne sauraient
être exonératoires ; que les circonstances de l’espèce doivent être prises en considération dans la fixation du
quantum de l'amende qu'il encourt en application des dispositions rappelées ci-dessus ; qu’en particulier, le
comptable a été en mesure de produire dans les plus brefs délais, à la suite de la réception du réquisitoire, les
comptes de 11 collectivités destinés à l’apurement par le PNAA, mais a fait le choix, par commodité, de produire
les comptes 2017 de la communauté de communes "Bresse Nord Intercom'" à l’occasion de la collecte des
comptes 2018 intervenue le 27 janvier 2020 ;
Attendu
que la production des comptes aurait dû être effective au 31 décembre 2018 ; que les retards, qui
doivent s’exprimer en mois entiers, sont en l'espèce de 12 mois entiers (janvier 2019 à décembre 2019) ;
Sur le montant de l'amende encourue par M. X ... :
Attendu
qu'aux termes de l’article L. 131-7 du code des juridictions financières, «
Le taux maximum de l'amende
pouvant être infligée à un comptable qui n'a pas produit ses comptes dans le délai réglementaire ou dans le délai
imparti par la Cour des comptes est fixé par voie réglementaire dans la limite, pour les comptes d'un même
exercice, du montant mensuel du traitement brut afférent à l'indice nouveau majoré 500 de la fonction publique
» ;
que l’article D. 131-27 du même code dispose que : «
Dans la limite fixée pour les comptes d'un même exercice
par l'article L. 131-7, le taux maximum de l'amende pouvant être infligée à un comptable public dont les comptes
sont arrêtés par les directeurs départementaux ou, le cas échéant, régionaux des finances publiques pour retard
dans la production de ses comptes, est fixé à 10 euros par compte et par mois de retard
» ;
Attendu
qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en arrêtant le montant de l’amende,
pour un montant total de 365 euros pour l’ensemble des comptes de l'exercice 2017 produits au-delà du délai
règlementaire relevant du centre des finances publiques de Pierre-de-Bresse et visés par le réquisitoire du
procureur financier, soit pour les comptes de la communauté de communes "Bresse Nord Intercom'" 10 euros
pour la totalité des 12 mois de retard, et ce, dans le respect de la limite fixée par l’article L. 131-7 du code des
juridictions financières ;
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PAR CES MOTIFS
DÉCIDE :
Article 1
er
:
M. X ... est déclaré responsable du retard dans la production auprès du comptable supérieur des
comptes de l'exercice 2017 de la communauté de communes "Bresse Nord Intercom'", laquelle devait intervenir
au 31 décembre 2018 ;
Article 2 :
Le montant de l’amende est fixé à 10 euros pour la totalité des douze mois entiers de retard constatés
par le présent jugement.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté réunie en formation plénière.
M. Pierre Van Herzele, président,
M. Vladimir Dolique, premier conseiller,
Mme Carol Knoll, première conseillère,
Mme Milada Pantic, première conseillère, réviseure,
Mme Audrey Cavaillier, première conseillère.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre
ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux
judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en
seront légalement requis
.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par :
Jean-Michel Perrin, greffier et Pierre Van Herzele, président de la chambre régionale des comptes Bourgogne-
Franche-Comté.
Collationné, certifié conforme à la minute déposée au greffe de la chambre régionale des comptes Bourgogne-
Franche-Comté.
Le secrétaire général,
Stéphane PELTIER
Voies et délais de recours
La présente décision juridictionnelle peut être déférée en appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de la
date de sa notification (articles L. 242-6 et R. 242-19 à 28 du code des juridictions financières).