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DEUXIÈME CHAMBRE
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Quatrième section
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Arrêt n° S2020-0333
Audience publique du 31 janvier 2020
Prononcé du 13 mai 2020
GRAND PORT MARITIME
DE LA GUYANE
Exercice 2017
Rapport n° R-2019-1584
République Française
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2019-17 du 21 juin 2019, par lequel la Procureure générale près la Cour
des
comptes
a
saisi
la
juridiction
d’une
charge
soulevée
à
l’encontre
de
M. X, agent comptable du grand port maritime de la Guyane (GPMG)
, au titre d’opérations
relatives
à l’exercice 2017
;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable du grand port maritime de la Guyane par
M. X
au titre de l’exercice
2017 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l
’
article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu les lois et règlements applicables aux grands ports maritimes, notamment le code des
ports maritimes, les articles L. 5311-1 à L. 5352-5 et R. 5311-1 à R. 5352-7 du code des
transports et les instructions comptables M9 et M9-5 ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du
VI de l
’
article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l
’
article 90
de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le décret n° 2012-1102 du 1
er
octobre 2012 relatif à l’organisation et au fonctionnement
des grands ports maritimes de la Guyane, de la Guadeloupe, de la Martinique et de la
Réunion ;
Vu le décret n° 2012-1105 du 1
er
octobre 2012 instituant le grand port maritime de la
Guyane ;
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Vu le rapport n° R-2019-1584 de M. Pascal BRICE, conseiller maître, magistrat chargé de
l
’
instruction ;
Vu les conclusions n° 050 du 24 janvier 2020 de la Procureure générale ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu, lors de l
’
audience publique du 31 janvier 2020, M. Pascal BRICE, conseiller maître,
en son rapport, M. Serge BARICHARD, avocat général, en les conclusions du ministère
public, les parties, informées de l
’
audience, n
’
étant ni présentes, ni représentées ;
Entendu en délibéré Mme Catherine PAILOT-BONNÉTAT, conseillère maître, réviseur,
en ses observations ;
Sur la charge unique
soulevée à l’encontre de
M. X
au titre de l’exercice 2017
:
1. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des
comptes de la responsabilité encourue par M. X
à raison de la persistance d’un solde
débiteur de 3 569,44
€ au compte 2755
« Dépôts et cautionnements versés »
, sans
justification au 31 décembre 2017
; qu’étant susceptible de
constituer un déficit ou un
manquant en monnaie ou en valeurs, ce défaut de justification serait présomptif
d’irrégularités pouvant fonder la mise en jeu de
la responsabilité personnelle et pécuniaire de
M. X ;
Sur le droit applicable
2. Attendu qu'en application du I de l'article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963,
« les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables
(…)
de la garde et
de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes
morales de droit public
(…)
, du maniement des fonds et des mouvements des comptes de
disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de
comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent
»
;
que leur responsabilité personnelle et pécuniaire «
se trouve engagée dès lors
(…)
qu'un
déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté
(…)
» ;
3.
Attendu qu’aux termes des articles 17 et 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, «
les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et
contrôles qui leur incombent » ;
que le comptable public est seul chargé, dans le poste
comptable qu’il dirige, notamment, «
de la tenue de la comptabilité générale
(…)
, de la garde
et de la conservation des fonds et valeurs
(…)
, de la conservation des pièces justificatives
des opérations transmises par les ordonnateurs et des documents de comptabilité »
;
Sur les faits
4. Attendu que le compte 2755
« Dépôts et cautionnements versés »
du grand port maritime
de la Guyane (GPMG) enregistre depuis sa création une avance intitulée
« avance sur
consommation »
(ASC) correspondant
à une pratique d’EDF dans les
départements
d’outre
-mer, introduite dans ses conditions générales de vente, visant à obtenir de ses
clients, à tout le moins s’agissant d’entreprises et de collectivités, une avance
avant toute
facturation de c
onsommation d’électricité
; que le solde débiteur au 31 décembre 2017 du
compte 2755
correspondait à cette avance mais qu’il n’était justifié par aucune pièce
;
Sur les éléments à décharge apportés par le comptable
5. Attendu
qu’il ressort de la réponse
au réquisitoire de M. X que le solde débiteur en cause
de 3 569,44
€
constitue un héritage du transfert, réalisé entre 2013 et 2015, de la gestion du
port entre la
chambre de commerce et d’industrie de la Guyane (
CCIG), à laquelle elle
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incombait jusque-là, vers le GPMG, qui a été créé par le second décret susvisé du
1
er
octobre 2012 pour en assurer désormais l’administration
, et que ce solde résultait de
deux versements de 494,54
€ et de 3
074,90
€ effectués en 1980 et 1988 par la CCIG
;
6. Attendu que le comptable a produit un
ensemble de pièces faisant apparaître, d’une part,
qu’en 2013, lors du transfert au GPMG du contrat de fourniture d’électricité que la CCIG
avait conclu avec EDF, le montant de l’avance sur consommation était passé de 3
569,44
€
à 3 371,99
€, puis qu’à la suite d’
«
une demande de modification de la puissance
le 28 juillet 2017
», il avait été augmenté de 8 302,32
€ et
,
d’autre part,
que les écritures de
régularisation de ces deux opérations ont été effectuées le 29 novembre 2019 ;
qu’à l’issue
de ces opérations, le solde débiteur du compte 2755 atteignait un montant dûment justifié de
11 674,44
€
;
Sur l’existence d’un
manquement
7. Attendu que, selon les instructions M9-5 puis M9 commune applicables aux
établissements publics industriels et commerciaux, le compte 2755 enregistre de façon
extrabudgétaire les dépôts et cautionnements versés en contrepartie de mouvements
provenant des comptes financiers (classe 5)
de l’établissement
concerné ;
8.
Attendu qu’aucune pièce justificative n’
avait été
produite à l’appui de
s deux versements
effectués par la CCIG en 1980 et 1988 et que M. X
n’a
formulé aucune réserve sur ce point
de la gestion de son prédécesseur, qui
ne s’
était pas lui-même opposé à la reprise de cette
avance dans les écritures du GPMG, alors que les contrats
de fourniture d’électricité conclus
par la CCIG et le grand port maritime de la Guyane avec EDF avaient été séparés lors de la
création du GPMG ;
9. Attendu que la cré
ation de l’avance
propre au grand port maritime de la Guyane et la
régularisation de celle de la CCIG
n’
ont été retranscrites dans les comptes du GPMG que le
29 novembre 2019 par mouvement du compte 110
« Report à nouveau créditeur »
et non
d’
un compte financier ;
qu’
à la date du 31 décembre 2017, le solde débiteur du compte 2755
correspondait à une avance non justifiée de la CCIG et que M. X a engagé de ce chef sa
responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Sur l
’existence d’un
préjudice financier
10.
Attendu que le comptable a apporté la preuve que le solde au 31 décembre 2017 du
compte 2755 correspondait à une avance qui ne concernait pas le grand port maritime de la
Guyane mais un organisme tiers ; que sa régularisation réalisée le 29 novembre 2019,
nonobsta
nt l’erreur qui l’
a affectée
et qu’il appartiendra au comptable de rectifier,
a conduit à
ce que
le manquement constaté n’a pas causé de préjudice financier au GPMG au sens des
dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article
60 susvisé de la loi du 23 février 1963 ;
11.
Attendu qu’aux termes
du même article,
« lorsque le manquement du comptable
(…)
n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut
l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice,
en tenant compte des
circonstances de l’espèce
»
; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant
maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le
poste comptable ; que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable
considéré pour l’exercice
2017 ayant fixé à 152 000
€
, le montant maximum de la somme
susceptible d’être mise à la charge de
Monsieur X
s’élève à
228
€
;
12.
Attendu qu
’
eu égard aux circonstances,
en particulier l’ampleur des difficultés
qui ont
affecté la mise en place du GPMG et le transfert à ce nouvel établissement public de la
gestion du port
, il n’y a pas lieu d’
obliger le comptable
à s’acquitter d’une somme pour le
manquement constaté ;
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Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
–
Il n’y a pas lieu d’obliger
M. X à s'acquitter d'une somme à raison du
manquement constaté.
Fait et jugé en la Cour des comptes, deuxième chambre, quatrième section.
Présents : M. Louis VALLERNAUD, président de section, président de la formation,
MM. Vincent FELLER, Gilles MILLER, Pierre ROCCA et Paul de PUYLAROQUE, conseillers
maîtres et Mme Catherine PAILOT-BONNÉTAT, conseillère maître.
En présence de Mme Stéphanie MARION, greffière de séance.
Stéphanie MARION
Louis VALLERNAUD
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux judiciaires d
’
y tenir la main, à tous commandants et officiers
de la force publique de prêter main-forte lorsqu
’
ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l
’
article R. 142-20 du code des juridictions financières, les
arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l
’
objet d
’
un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d
’
irrecevabilité, par le ministère d
’
un avocat au Conseil d
’
État dans le
délai de deux mois à compter de la notification de l
’
acte. La révision d
’
un arrêt ou d
’
une
ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce
dans les conditions prévues au I de l
’
article R. 142-19 du même code.