Formation plénière
Centre de gestion de la fonction publique
territoriale du Calvados
(département du Calvados)
014 090 996
Paierie départementale du Calvados
Exercice 2014
Jugement n° 2019-22
Audience publique du 12 novembre 2019
Prononcé du jugement le 3 décembre 2019
JUGEMENT
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA CHAMBRE,
Vu le réquisitoire n° 2019-23 du 10 mai 2019 du procureur financier près la chambre régionale des
comptes Normandie, enregistré au greffe le même jour ;
Vu le compte rendu en qualité de comptable du centre de gestion de la fonction publique territoriale
du Calvados pour l
’
exercice 2014 par M. Jean X..., du 1
er
janvier au 31 décembre ;
Vu les justifications produites au soutien du
compte ou recueillies au cours de l’instruction
;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63
-156 du 23 février 1963 modifié ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu l’arrêté du 25 juillet 2013 portant application du premier alinéa de l’article 42 du décret n° 2012
-
1386 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable et encadrant le contrôle sélectif
de la dépense ;
Vu le courrier de la Procureure générale près la Cour des comptes du 16 juillet 2019 portant
organisation de l’intérim du ministère public et désignant le ministère public près la chambre régionale
des comptes Hauts-de-
France pour exercer l’intérim du ministère public près la chambre régionale
des comptes Normandie, à compter du 1er septembre 2019 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le rapport n° 2019-200 de M. Emmanuel Martin, premier conseiller, magistrat chargé de
l’instruction
;
Vu les conclusions n° 2019-200 du procureur financier du 30 octobre 2019 ;
Entendu, lors de l’
audience publique du 12 novembre 2019, M. Martin en son rapport, M. Fabrice
Navez, procureur financier par intérim, en les conclusions du ministère public, le comptable et
l’ordonnateur, informé
s
de l’audience, n’étant ni présent
s ni représentés ;
Entendu en délibéré M. Philippe Boëton, premier conseiller, en ses observations ;
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ORDONNE CE QUI SUIT
Charge unique :
Sur le manquement présumé du comptable
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le ministère public fait grief à M. Jean X..., comptable du centre
de gestion de la fonction publique territoriale du Calvados, d’avoir payé en 2014 une somme de
21 496,33 euros correspondant au solde de marchés de travaux (lots n° 1, 7, 12, 13, et 15) relatifs à la
construction du siège social de l’organisme, passés en procédure adaptée
, sans avoir procédé au
contrôle de la validité de la dette ;
Att
endu qu’aux termes de l’article 7.1 du cahier des clauses administratives particulière
s, la durée
d’exécution des prestations étai
t
fixée à dix mois à compter de l’ordre de service, avant d’être portée à
douze mois par un avenant qui a fixé la date de réception des travaux au 9 mars 2013 ; que la réception
des travaux, figurant au procès-verbal de réception, a été fixée au 20 mars 2013, soit avec un retard de
onze jours ;
Attendu que l'article 7.4 du cahier des clauses administratives particulières, en possession du comptable,
prévoyait l'application de pénalités journalières de retard ;
qu’en ap
plication des clauses du contrat, les
titulaires des marchés en cause auraient dû se voir appliquer lesdites pénalités ;
Attendu que le comptable a indiqué,
au cours de l’instruction
, que les archives du centre de gestion
avaient été détruites en août 2016 lors du transfert de la paierie départementale
; qu’il ne dispose
d'aucune pièce se rapportant à cet organisme ; que dès lors, il n'est pas en mesure d'apporter des
explications en réponse au réquisitoire ;
Attendu qu’une
telle situation, pour
regrettable qu’elle soit, n’est pas
de nature à exonérer le comptable
de sa responsabilité ;
Attendu que face à un ordre de payer, le comptable public doit vérifier que les pièces requises par la
nomenclature applicable lui ont été produites par l'ordonnateur, qu'elles sont complètes et précises et
qu'elles sont régulières en la forme et cohérentes, sans toutefois se faire juge de leur légalité interne ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que le comptable disposait, lors des paiements, des contrats relatifs aux
différents marchés, conformément à la rubrique 423 « Prestations fixées par contrat »,
ainsi que d’
une
décision de réception prise par l'autorité compétente, un décompte général et définitif et un relevé
justifiant le décompte
; qu’il ne disposait
en revanche d'aucun document exonérant les titulaires des
pénalités de retard encourues, à savoir une délibération motivée de l'autorité compétente ;
Attendu
qu’en présence de l’
ensemble des pièces précitées, il appartenait au comptable de s'assurer
que les dispositions de l'article 7.4 du cahier des clauses administratives particulières trouvaient à
s'appliquer ; que le comptable aurait alors constaté que la réception des travaux, prévue au 9 mars 2013,
avait eu lieu, en se référant au procès-verbal de réception, le 20 mars 2013
; qu’il en est résulté un
dépassement de 11 jours par rapport aux engagements contractuels ;
Attendu que sauf décision motivée d'exonération transmise au comptable, il en résultait l'application de
pénalités de retard aux entreprises ; que faute de disposer d'un état liquidatif des pénalités de retard ou
d'une décision d'exonération, le comptable aurait dû suspendre les paiements et en informer
l'ordonnateur, conformément à l'article 38 du décret du 7 novembre 2012 susvisé
; qu’en s’en
abstenant,
M. X... a manqué à ses obligations de contrôle
de l’exacte
liquidation de la dépense, et engagé sa
responsabilité personnelle et pécuniaire pour sa gestion au titre de l'exercice 2014 ;
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Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que l’article 60, VI, de la loi du 23 février 1963 susvisée prévoit que «
lorsque le manquement
du comptable aux obligations mentionnées au I
n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme
public
concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice,
en tenant compte des circonstances de l’espèce
[…]
.
Lorsque que le manquement du comptable aux
obligations mentionnées au I a causé un préjudice financie
r à l’organisme public concerné
[…]
le
comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme
correspondante
» ;
Attendu qu’il appartient en conséquence au juge des comptes d’apprécier si la dépense,
quoique
irrégulière, était effectivement due ;
Attendu que, dans sa réponse au réquisitoire, l'ordonnateur a indiqué considérer que le centre de gestion
n'avait subi aucun préjudice financier
; qu’il a précisé que son prédécesseur n'aurait pas souhaité
«
exécuter les pénalités de retard
» et que si cette volonté avait dû être matérialisée par une décision, le
conseil d'administration aurait certainement délibéré en ce sens «
afin de ne pas pénaliser les
entreprises
» ;
Attendu que le constat de l'existence d'un préjudice financier relève de la seule appréciation du juge des
comptes
; qu’ainsi, au regard du caractère contradictoire de la procédure, ledit juge doit
tenir compte,
pour cette appréciation, des dires et actes éventuels de l'organisme figurant au dossier, sans être lié par
une déclaration du comptable ou de I 'ordonnateur ;
Attendu que, de son côté, le comptable a répondu que «
le paiement des mandats
(...)
n'a pu être effectué
qu'au vu des pièces qui garantissaient le service fait, ce qui, à
[son]
sens, n'a pas engendré de préjudice
pour le centre de gestion
» ;
Attendu que la réalité du service fait ou l'existence d'une contrepartie
, qu’il n’appartient pas au juge des
comptes d’apprécier,
ne constitue pas un élément décisif pour caractériser l'absence de préjudice ;
Attendu que le comptable ne pouvait ignorer que lesdits paiements constituaient le règlement du solde
des marchés ;
qu’en l’absence de décompte des pénalités de retard contractuellement dues, ces
dépenses ont entraîné un trop-payé au profit des entreprises ;
qu’en conséquence, les paiements ont
causé un préjudice à l'établissement à hauteur des pénalités non décomptées ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de déclarer M.
X... débiteur de la somme de 4 982,28
€ au titre de l’exercice
2014, cette somme portant intérêt à compter de la notification au comptable du
réquisitoire, soit le 16 mai 2019 ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
Attendu que l’article 60 de la loi du 23 février 1963 prévoit qu’aucune
remise gracieuse totale ne peut
être accordée au comptable si celui-
ci ne s’est pas conformé aux règles du contrôle sélectif des
dépenses
; que ce respect est soumis à l’appréciation du juge des comptes
;
Attendu qu’aucun plan de contrôle sélectif de la dépense signé et validé n’a été produit par M.
X... pour
l’exercice 2014
; que, dans ces conditions, il ne pourra recevoir remise gracieuse totale du débet
prononcé ;
PAR CES MOTIFS,
Article 1 :
M. X...
est constitué débiteur du centre de gestion de la fonction publique territoriale du
Calvados pour la somme de quatre mille neuf cent quatre-vingt-deux euros vingt-huit centimes
(4 982,28
€), augmentée des intérêts de droit à compter du
16 mai 2019 ;
Article 2 :
M. X... ne pourra recevoir de remise totale du débet précité ;
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Article 3 :
M. X... ne pourra être déchargé de sa gestion au titre de
l’exercice 2014 qu’après apurement
de la somme mentionnée
à l’article 1
.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Normandie par M. Christian Michaut, président,
M. Rémy Janner, président de section, M. Philippe Boëton, Mme Anne Robert et M. Frédéric Lelaquet,
premiers conseillers.
La greffière-adjointe,
Le président,
Stéphanie LANGLOIS
Christian MICHAUT
Collationné, certifié conforme à la minute étant au Greffe
de la chambre et délivré par moi secrétaire général
Pascale DAYGUE
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit
jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux
de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter
main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
CONDITIONS D'APPEL :
Code des juridictions financières
–
article R. 242-19 et suivants : «
Les jugements rendus par les
chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives par la
voie de l'appel devant la Cour des comptes
» (…) –
article R. 242-23
«
L’appel doit être formé dans
le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
»