Audience publique du 17 septembre 2019
R
égie autonome d’eau et d’assainissement de
Neufchâteau (Vosges)
Jugement n° 2019-0017
N° de poste comptable : 088095
Prononcé du 18 octobre 2019
Agence comptable de la régie autonome
d'eau et d'assainissement de Neufchâteau
Exercices 2008 à 2011
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La Chambre régionale des comptes Grand Est,
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63
-156 du 23 février 1963 modifié ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité
publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963
;
Vu le jugement n° 2008-532 rendu le 11 septembre 2008 par la chambre régionale des
comptes de Lorraine sur les comptes des exercices 2004 à 2006 de la
régie
autonome d’eau
et d’assainissement de Neufchâteau
(REANE) ;
Vu l’ordonnance n° 2015
-0079 rendue le 14 décembre 2015 par la chambre régionale des
comptes Champagne-Ardenne Lorraine sur les comptes de
l’
exercice 2007 de la REANE ;
Vu le réquisitoire n° 2015-28 du 30 octobre 2015 du procureur financier près la chambre
régionale des comptes Champagne-Ardenne Lorraine, notifié par courriers du 23 novembre
2015 et du 20 juin 2016 à Mmes X et Y, agents comptables de la régie, et à MM. Z et A,
directeurs successifs de la REANE ;
Vu les observations de Mme Y, agent comptable intérimaire, enregistrées au greffe de la
chambre les 15 décembre 2015 et 23 novembre 2017 ;
Vu les observations de Mme X, agent comptable titulaire, enregistrées au greffe de la chambre
les 11 et 15 janvier 2016 puis le 23 novembre 2017 ;
Vu les observations de M. Z, ancien directeur de la REANE, enregistrées au greffe de la
chambre le 7 janvier 2016 ;
Vu les observations de M. A, directeur de la REANE, enregistrées au greffe de la chambre les
7 juin, 28 juillet et 23 novembre 2017 ;
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Vu le rapport n° 2019-0104 du 25 juin 2019 de Mme Axelle TOUPET, premier conseiller,
magistrat chargé
de l’instruction
;
Vu les conclusions n° 2019-0104 du 16 septembre 2019 de M. Benoît BOUTIN, procureur
financier ;
Vu les lettres en date du 2 septembre
2019 informant les parties de l’inscription de l’affaire à
l’audience publique ;
Vu les autres pièces du dossier, notamment celles produites
lors
de l’entretien
d’instruction
du
23 novembre 2017 avec les agents comptables et le directeur de la REANE dans ses locaux ;
Entendu, lors de
l’audience publique du
17 septembre 2019, Mme Axelle TOUPET, en son
rapport, puis M. Benoit BOUTIN, procureur financier, en ses conclusions ;
Entendu, lors de cette même audience, Mmes
X et Y, agents comptables, ainsi que M. A,
directeur de la REANE ;
Après avoir entendu en délibéré Mme Anne-Claude HANS, première conseillère, réviseur, en
ses observations et avoir délibéré, hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Sur l’uniqu
e présomption de charge relative au recouvrement des recettes et à la
justification des restes à recouvrer à la clôture de
l’
exercice 2011, à hauteur de
56 396,59
€
sur le compte 4114 du
budget de l’eau
et 37
571,56 €
sur celui du budget de
l’
assainissement (exercices 2008 à 2011)
1. Considérant que, par le réquisitoire susvisé, le ministère public a relevé
qu’au cours de
l’exercice 2011,
l’agent comptable de la
REANE
n’avait pas été en mesure de justifier l’exacte
consistance des soldes des restes à recouvrer inscrits au compte 4114 du budget
de l’
eau et
du budget de l’
assainissement ; qu
’en l’occurrence
un écart de
56 396,59 €
sur le budget de
l’eau
et de 37
571,56 €
sur le budget de l’assainissement
était constaté entre les soldes du
compte 4114 des comptes financiers et les soldes figurant sur les documents produits à titre
d’états de restes à recouvrer
de chacun desdits budgets ;
que
l’existence
au compte 4114 des
budgets de l’eau et de l’assainissement, au 31 décembre 2011, de sommes n’ayant pu être
justifiées était de nature à engager la responsabilité pécuniaire et personnelle de Mme Y,
comptable en poste à la clôture de l’exercice 2011, sans que puisse être écartée celle de son
prédécesseur Mme X, titulaire du poste entre le 1
er
janvier 2008 et le 14 septembre 2011 ;
2. Considérant que le I de
l’article 60
de la loi du 23 février 1963 susvisée dispose que «
[…]
les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du
recouvrement des recettes,
[…]
du maniement des fonds et des mouvements de comptes de
disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de
comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent […]
. /
Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles
qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les
conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité
personnelle et pécuniaire prévue ci-
dessus se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un
manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée
[…]
» ;
3. Considérant
qu’en application
de
l’article
12 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962
portant règlement général sur la comptabilité publique, alors en vigueur, «
Les comptables
sont tenus d’exercer
: A. - En matière de recettes, le contrôle :
[…]
Dans la limite des éléments
dont ils disposent, de la mise en recouvrement des créances de l’organisme public et de la
régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes »
;
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4. Considérant
qu’aux termes
du titre III
de l’instru
ction budgétaire et comptable M4, applicable
aux services publics locaux à caractère industriel et commercial : «
7.3.2.1 États des restes à
recouvrer et à payer
[…]
Les états des restes à recouvrer et à payer sur exercices antérieurs
sont arrêtés au 31
décembre de l’exercice. Les restes à recouvrer sont justifiés en solde par
un état des restes nominatifs arrêté à la clôture de l’exercice. […] Le montant des états des
restes à recouvrer et des restes à payer sur exercices antérieurs doit être égal au solde des
comptes de tiers correspondants, à la clôture de l’exercice
»
; qu’il résulte de ces dispositions
que l
orsque l’
état des restes à recouvrer présente un montant total inférieur à celui du solde
du compte correspondant de la balance générale, la différence en moins correspond à une
recette non recouvrée dont le montant doit être enregistré dans les comptes
; qu’à défaut
d’information
relative aux débiteurs concernés, ce montant qui ne peut être régularisé
constitue un manquant dans la caisse ;
5. Considérant
qu’il n’
est pas contesté que les comptes 4114 « clients - exercices antérieurs »
de la REANE présentaient,
à la clôture de l’exercice 2011
,
des soldes débiteurs
respectifs d’un
montant de 113 888,30
€ pour le budget de l’eau
et de
111 201,13 €
pour le budget de
l’
assainissement ;
que les documents faisant office d’états des restes à recouvrer
totalisaient,
à la même date, 57
491,61 € (eau) et 73
629,57 € (assainissement) soit un écart de
56 396,59
€ sur le budget de l’eau et de 37 571,56 € sur le budget de l’assainissement
;
6. Considérant que Mme Y
fait valoir qu’elle n’avait assuré l’intérim du poste qu’à compter du
15 novembre 2011, sans disposer de connaissances particulières en comptabilité ; que les
logiciels de facturation et comptable n’étaient pas interfacés,
imposant de ressaisir
manuellement chaque encaissement ; que constatant des différences le 28 février 2012, elle
avait formulé des réserves sur les restes à recouvrer arrêtés fin 2011 ; que la liste détaillée
des factures émises en 2011 et restant dues au 31 décembre de la même année
correspondaient au solde du compte 4111 « clients exercice courant »
; que la REANE n’a pas
subi de préjudice du fait de ces écarts puisque, si d
es recettes n’ont pas été saisies en
comptabilité, les encaissements afférents ont été déposés sur le compte bancaire de la
REANE ;
7. Considérant que Mme X rappelle que des écarts étaient déjà présents dans les comptes
des exercices précédents ;
qu’elle avait formulé des réserves en 2005 sur la gestion de son
prédécesseur ; que lors de la remise de service du 14 septembre 2011 à Mme Y, aucune
observation n’a été
émise sur les états de restes à recouvrer ; que la chambre régionale de
comptes de Lorraine a rendu un jugement n° 2008-0532 du 11 septembre 2008 sur les
comptes des exercices 2004 à 2006, puis la chambre régionale des comptes de de
Champagne-Ardenne Lorraine une ordonnance de décharge n° 2015-0079 du 14 décembre
2015
sur les comptes de l’exercice 2007
, sans aucune observation sur les différences entre le
solde du compte 4114 et les états de restes à recouvrer ; que les différences sont dues à des
encaissements sur le compte bancaire sans enregistrement concomitant en comptabilité ; que
le solde du compte bancaire présentait depuis 2004 un écart comparable avec le compte de
caisse de la régie ;
qu’elle a reconstitué les états de restes au vu des factures qui ont été
émises et constaté diverses régularisations intervenues entre 2014 et 2017 ; que la REANE
n’a en conséquence subi
aucun préjudice financier ;
8. Considérant que M. Z, précédent ordonnateur, a indiqué que les transferts comptables
intervenus lors de la création de la REANE en 2004 n’étaient pas fiables
;
9. Considérant que M. A, ordonnateur en fonction, précise que les différences observées
provenaient d’écritures antérieures au précéd
e
nt contrôle de la chambre, qui n’avait pas
formulé d’observation à ce sujet
; que les différents logiciels de facturation de l’eau et de
l’
assainissement
utilisés depuis 2004 n’av
aient jamais été interfacés avec les logiciels
comptables, nécessitant une ressaisie des opérations ;
qu’il a demandé à la comptable de
procéder aux écritures de régularisation et mis en place à cet effet des moyens
supplémentaires ;
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10. Considérant que, dans ses conclusions, le procureur financier relève que si une partie des
créances non soldées, à hauteur de 3
259,04 € au budget de l’eau et 11
185,26 € au budget
de l’assainissement, préexistait à la création de la REANE
et ne peut en conséquence être
imp
utable à l’inaction des deux comptables, les éléments que ces dernières apportent en
réponse ne reposent sur aucun élément précis pour justifier
l’écart ramené à 79
523,52
€
;
11. Considérant également que, selon le procureur financier, les
rapprochements d’ordre de
grandeur allégués par les comptables ne permettent pas de justifier ces soldes débiteurs
; qu’il
observe néanmoins que la comptable intérimaire, en poste du 14 septembre 2011 au
31 janvier 2012, a formulé des réserves détaillées et motivées
mais qu’en revanche
les
réserves formulées par la comptable titulaire n’étaient ni détaillées, ni motivées et qu’elles ne
se rapportaient pas à ce point ; qu
’en conséquence l’irrécouvrabilité des créances peut être
imputée à cette dernière qui
a assuré l’essentiel de
la gestion de la REANE au cours de la
période en cause ;
12. Considérant cependant q
u’il n’est pas contesté que
des soldes injustifiés apparaissaient
déjà à la clôture des exercices 2004 à 2007, pour ce dernier exercice à hauteur de 48 264,96
€
(budget eau) et de 62
314,03 € (assainissement)
; que par jugement n° 2008-0532 du
11 septembre 2008
(comptes de l’exercice 2004 à 2006)
et par ordonnance n° 2015-0079 du
14 décembre 2015
(compte de l’exercice 2007)
, Mme X a été déchargée pour sa gestion
jusqu’au 31 décembre 2007
; que selon une jurisprudence constante, un comptable ne saurait
voir sa responsabilité engagée dès lors que le fait générateur de cette responsabilité, c’est
-à-
dire l’apparition d’une différence en moins, remonte
à une période pour laquelle le comptable
a obtenu décharge de sa gestion
; qu’en accordant
ou constatant la décharge à Mme X pour
sa gestion du 1
er
juin 2004 au 31 décembre 2007, la chambre
s’est privée de la possibilité de
mettre en jeu la responsabilité de cette comptable pour des anomalies trouvant leur origine au
cours de cette période ;
13. Considérant
qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres
moyens présentés par les parties,
qu’il n’y a pas lieu d’
engager la responsabilité de Mmes X
et Y ;
Par ces motifs, décide :
Article 1
er
:
Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de
Mme X ;
Article 2
:
Mme X est déchargée de sa gestion du 1
er
janvier 2008 au 14 septembre 2011 ;
Article 3 :
Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité p
ersonnelle et pécuniaire de
Mme Y ;
Article 4 :
Mme Y est déchargée de sa gestion du 15 septembre au 31 décembre 2011 ;
Article 5 :
le présent jugement sera notifié à Mmes X et Y, agents comptables, à M. A,
directeur de la Régie autonome d’eau et d’assainissement de Neufchâteau, ainsi qu’au
ministère public près la chambre.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Grand Est, hors la présence du rapporteur et
du
procureur
financier,
le
dix-sept
septembre
deux
mille
dix-neuf,
par
M. Christophe BERTHELOT,
président
de
section
présidant
la
séance,
Mmes Anne-Claude HANS et Carol KNOLL, premières conseillères.
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La greffière,
Signé
Carine Counot
Le président de séance,
Signé
Christophe Berthelot
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le président de la chambre régionale des
comptes Grand Est et par le secrétaire général.
Le secrétaire général,
Signé
Patrick GRATESAC
Le président de la chambre,
Signé
Dominique ROGUEZ
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les
jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel
devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de leur notification selon
les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.
Collationné, certifié conforme à la minute déposée au greffe,
de la chambre régionale des comptes Grand Est, par moi
A Metz, le
Carine COUNOT, greffière