QUATRIÈME CHAMBRE
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Première section
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Arrêt n° S2019-1036
Audience publique du 28 mars 2019
Prononcé du 11 avril 2019
CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE
L’ACCÈS AU DROIT
DU NORD
Exercices 2008, 2010, 2011, 2012, 2013 et
2014
Rapport n° R-2018-1680-1
République Française
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2016-26-RQ-DB du 30 mars 2016, par lequel le Procureur
général près la Cour des comptes a saisi la juridiction en lui demandant de statuer avant-dire
droit sur la production des comptes du conseil départemental de l’accès au droit (CD
AD) du
Nord, au titre des exercices 2008, 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, ensemble les pièces
relatives à la notification dudit réquisitoire ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable du CDAD du Nord par M. X au
2 avril 2008, par Mme Y du 3 avril 2008 au 9 septembre 2013 et par M. Z du 10 septembre
2013 au 31 décembre 2014 ;
Vu le code des juridictions financières, dans sa rédaction applicable à la date
des faits, et notamment ses articles L. 111-1, L. 131-1, R. 112-8, R. 131-2, R. 142-4,
R. 142-5 ;
Vu les autres pièces du dossier, notamment celles transmises le 8 novembre
2016 par
Mme Y ;
Vu le rapport n° 2018-1680-1 de M. Olivier ORTIZ, conseiller maître, chargé de
l’instruction ;
Vu les conclusions n° 184 du Procureur général du 22 mars 2019 ;
Entendu lors de l’audience publique du 28 mars 201
9, M. Olivier ORTIZ en son
rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public, les
autres parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes, ni représentées
Après avoir entendu en délibéré Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître,
réviseure, en ses observations ;
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1. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général demande à la
Cour, préalablement à la poursuite de l’apurement juridictionnel, de statue
r sur la production
des comptes 2008, 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014 du conseil départemental de l’accès au
droit du Nord ; qu’il relève, à cet égard, que les comptes de ce groupement d’intérêt public
(GIP) ont été déposés, au titre des exercices 2010 à 2
014, sans qu’y soient joints la situation
du compte « dépôts de fonds au Trésor » (DFT), l’état de rapprochement bancaire et le rapport
de présentation de l’agent comptable ; que la délibération du conseil d’administration portant
affectation des résultats
n’a pas été produite pour l’exercice 2010, ni la balance générale des
comptes pour l’exercice 2014 ; qu’en outre, Mme
Y, nommée le 3 avril 2008 agent comptable
du groupement, n’avait transmis à la juridiction, à l’appui des comptes 2008 et 2010 à 2014,
ni procès-verbal de remise de service, ni preuve de sa prestation de serment, ni certificat de
cautionnement ; qu’il invoque à l’appui de son réquisitoire les articles L.
111.1, R. 112-8, R.
142-4 et R. 142-5 du code des juridictions financières ;
2. Attend
u que, selon l’article L.
111-1 dudit code, la Cour juge les comptes des
comptables publics ; que, selon l’article L.
131-1 du même code, les comptables publics qui
relèvent de sa juridiction sont tenus de lui produire leurs comptes dans les délais fixés par
décret en Conseil d'Etat ; que, selon l’article R.131
-
2 dans sa rédaction applicable à l’époque
des faits, lesdits comptes sont produits annuellement à la Cour, appuyés des pièces générales
et justificatives, requises par la réglementation et que « La Cour procède à la vérification de
ces pièces pour préparer le jugement des comptes des comptables » ; que cette vérification
peut tout d’abord être faite lors de la réception des comptes par le greffe, service qui est partie
intégrante de la Cour ; qu’elle peut ensuite s’effectuer dans le cadre du contrôle juridictionnel
des comptes confié à un magistrat, ou encore à l’occasion
des suites données à un réquisitoire
du ministère public à fin d’infliction à un comptable d’une amende pour producti
on tardive
d’un
compte ou enfin, dans le cadre de la procédure contentieuse ouverte par un réquisitoire du
ministère public tendant à ce que la responsabilité personnelle et pécuniaire d’un comptable
soit mise en jeu ; que c’est donc lorsqu’elle statue, par la voie d’une décision juridictionnelle
sur la situation d’un comptable que la Cour des comptes est conduite à apprécier la date à
laquelle les comptes en cause ont valablement été produits à la juridiction et les conséquences
juridiques qu’il y a lieu d’en tirer ;
3.
Attendu qu’il résulte de l’article
R. 112-8 du code des juridictions financières
que le Procureur général «
veille à l'application de la loi
»
, ainsi qu’
«
à la production des
comptes dans les délais
réglementaires et, en cas de retard, requiert l'application de l'amende
prévue par la loi
»
; que pour exercer ces attributions et en particulier requérir l’application de
l’amende précitée, il appartient nécessairement au Procureur général de déterminer si, à son
estime, un compte a ou non été valablement produit, notamment dans le cas où ce compte
est parvenu au greffe de la Cour mais où font défaut des pièces ou des mentions qui peuvent
apparaître substantielles
; qu’en l’espèce, le réquisitoire du Procureur général vise l’article R.
112-8 mais sans
pour autant demander à la Cour l’application de l’amende prévue par la loi
;
4.
Attendu que l’article R.
142-4 du code des juridictions financières également
visé par le réquisitoire du Procureur général organise la procédure prévue dans le cadre d’une
instance ouverte dans les conditions prévues au III de l'article L. 142-1 du même code, lequel
prévoit la saisine de la juridiction par le ministère public aux fins de mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable
; mais que tel n’est pas le cas du
présent réquisitoire qui ne soulève aucune charge
à l’égard des comptables ;
5. Attendu
que l’article R.
142-5 du code des juridictions financières qui est enfin
visé par le réquisitoire est relatif à l’instruction conduite par le magistrat chargé d’examiner les
suites à donner à un réquisitoire tendant à la mise en jeu de la responsabilité
d’un comptable,
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réquisitoire pris dans les conditions prévues par l’article L.
142-1 précité
; qu’il ne peut donc
trouver à s’appliquer en l’espèce
;
6.
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que la Cour excèderait sa compétence
si elle se prononçait sur la production des comptes des exercices 2008 et 2010 à 2014 du
CDAD du Nord alors qu’elle n’est ni saisie par son ministère public pour prononcer l’amende
pour retard dans la production des comptes prévue par la loi, ni saisie par ce même ministère
public de charges susceptibles de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle
et pécuniaire d’un comptable public
;
Par ces motifs,
DECIDE :
Article unique :
La Cour des comptes est incompétente pour statuer sur le
réquisitoire n° 2016-26-RQ-DB du Procureur général.
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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section.
Présents : M. Jean-Yves BERTUCCI, président de section, président de séance,
MM. Denis BERTHOMIER, Yves ROLLAND, conseillers maîtres, Mmes Dominique DUJOLS
Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillères maîtres, et M. Étienne CHAMPION,
conseiller maître.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE
Jean-Yves BERTUCCI
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers
de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et au
procureur
s de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous
commandants et officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront
légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142
-20 du code des juridictions
financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en
cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’Etat
dans le délai de deux mois à compter de la notific
ation de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une
ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce
dans les conditions prévues au I de l’article R. 142
-19 du même code.