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PREMIERE CHAMBRE
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Première section
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Arrêt n° S 2019-0683
Audience publique du 20 février 2019
Prononcé du 19 mars 2019
DIRECTION REGIONALE DES FINANCES
PUBLIQUES DE MIDI-PYRENEES ET DU
DEPARTEMENT DE HAUTE-GARONNE
Exercices 2011 à 2013
Rapport n° R-2018-0747-2
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2017-26 RQ-DB du 22 mai 2017, par lequel le Procureur
général près la Cour des comptes a saisi ladite Cour en vue de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, en sa qualité de trésorier-payeur général de
la Haute-Garonne du 1
er
février 2004 au 20 décembre 2009, puis de directeur régional des
finances
publiques
de
Midi-Pyrénées
et
du
département
de
Haute-Garonne
du
21 décembre
2009 au 25 octobre 2013, à raison d’opérations relatives aux exercices
2011 à
2013, notifié au comptable le 21 juin 2017 lequel en a accusé réception le 26 juin 2017, ainsi
qu'au directeur départemental des finances publiques de Haute-Garonne en fonctions et au
directeur général des finances publiques, qui en ont également accusé réception pour leur
part, le 26 juin 2017 ;
Vu les comptes rendus en ces mêmes qualités par M. X, du 1
er
février 2004 au
24 octobre 2013 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes susvisés, ensemble les
pièces recueillies au cours de l’instruction ;
Vu les décisions fixant le cautionnement de M. X, initialement à 732 754
€,
puis à
750 000
€ en 2007
, puis à 837 000
€ en 2013 ;
Vu les observations présentées par courriels des 27 juillet 2017 et 12 septembre
2017 par M. X ;
Vu le code civil, ensemble la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la
prescription en matière civile ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63
-156 du 23 février 1963 ;
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Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique, en vigueur
jusqu’au 10 novembre 2012
, et le décret n° 2012-1246 du
7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, applicable à compter
du 11 novembre 2012 ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième
alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de
l’article 90 de la loi n° 2011
-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le changement de magistrat instructeur intervenu en cours d'instruction, notifié
aux parties le 31 janvier 2018 ;
Vu les rapports
à fin d’arrêt n
° R-2018-0747-1 et n° R-2018-0747-2 de
M. Guillaume VALETTE-VALLA, conseiller référendaire, magistrat chargé de l'instruction ;
Vu les conclusions n° 426 du 26 juin 2018 et n° 081 du 11 février 2019 du
Procureur général ;
Vu l’arrêt
de la Cour des comptes n° S-2018-2285 du 30 juillet 2018 ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du
20 février 2019, M. VALETTE-VALLA, en
son rapport, M. Gabriel FERRIOL, avocat général, en les conclusions du ministère public, les
parties,
informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées
;
Entendu en délibéré M. Vincent FELLER, conseiller maître, réviseur, en ses
observations ;
Sur la charge n° 5, soulevée à
l’
encontre de M. X au titre des exercice 2011 à
2013 :
1. Attendu que par le réquisitoire susvisé le Procureur général a estimé que la
responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X pourrait être mise en jeu à hauteur de
105 511,04
€ au titre des exercices 2011 à 2013
, au motif que divers produits à recevoir, non
recouvrés et aujourd’hui admis en non
-valeur, avaient
fait l’objet de diligences i
nsuffisantes ou
non traçables ;
2. Attendu que par l’arrêt
du 30 juillet 2018 susvisé
, la Cour a estimé qu’en l’état
de l’instruction au jour de l’audience elle n’était pas en mesure de statuer sur la responsabilité
personnelle et pécuniaire de M. X à raison de la charge n° 5 soulevée dans le réquisitoire
susvisé
; qu’il y avait lieu à surseoir à statuer sur les éléments présentés et de rouvrir
l’instruction en vue d’un rapport complémentaire
;
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
Sur le droit applicable
3. Attendu qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 60 de la loi du 23 février
1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables
du recouvrement des recettes et des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de
recettes, dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique
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susvisé ; que le troisième alinéa du I prévoit que leur responsabilité personnelle et pécuniaire
se trouve engagée dès lors qu'une recette n’a pas été recouvré
e ; que la responsabilité
personnelle et pécuniaire des comptables publics en matière de recouvrement des recettes
s'apprécie au regard de leurs diligences, celles-ci devant être adéquates, complètes et
rapides ;
4.
Attendu qu’aux termes de l’ancien artic
le 2262 du code civil, « les actions, tant
réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (…)
»
; qu’
aux termes de l'article 2224
du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 susvisée, « les actions
personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un
droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ;
Sur les faits
5. Attendu qu’au 31 décembre 2013 figuraient dans les écritures du comptable en
fonctions les
titres de recettes non fiscales émis à l’encontre de divers redevables (personnes
physiques et morales), dont :
quatre titres émis,
en récupération d’indus
au titre du revenu minimum
d’insertion (
RMI), les 6 juillet 1999, 28 novembre 2003, 5 décembre 2000,
4 juillet 1996 pour les montants respectifs de 5 739,87
€, 5
825,88
€,
6 101,47
€ et 7
359,48
€
(titres A à D),
un autre titre émis sans autre précision le 12 novembre 2001 pour un montant
de 9 210,52
€
(titre E),
un titre émis le 21 novembre 2007 relatif à des indus divers pour un montant
de 14 018,77
€
(titre F),
un titre émis le 26 septembre 2011 s’élevant à 7
328
€ d’indus de taxes
parafiscales (titre G),
un titre émis le 15 octobre 1996 correspondant à 31 328,27
€ de fonds de
concours (titre H),
un titre émis le 26 novembre 2008 relatif à des indus sur fonds structurels
européens d’un montant de 18
598,78
€
(titre I) ;
6. Attendu que ces créances ont été ultérieurement admises en non-valeur ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
7. Attendu que le comptable ne conteste pas la prescription des neuf créances en
cause et n’apporte ni précision
ni justification à leur endroit
; qu’il fait
toutefois valoir que les
pièces relatives à ces créances ont été déposées auprès du prestataire de stockage de la
Cour des comptes et accessibles uniquement par celle-ci
; qu’il n’est plus en capacité de
répondre précisément sur le caractère insuffisant ou non traçable des diligences ;
Sur l’application au cas d’espèce
Titre I
8. Attendu qu’il ressor
t du dossier, concernant le titre I émis le 26 novembre 2008
pour 18 598,78
€ à l’encontre d’une entité mise en liquidation judici
aire par décision publiée le
29 janvier 2009, que le comptable
n’a pas
déclaré cette créance au liquidateur dans les délais
requis, soit avant le 29 mars 2009
; que la créance s’est alors trouvée perdue ; que l’année
2009 se trouve hors de la période sous jugement
; qu’en conséquence de ce qui précède, il
n’y a pas lieu à charge
à ce motif ;
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Titres A à H
9.
Attendu que le comptable n’a pas répondu
au fond quant au défaut de diligences
adéquates, complètes et rapides dans le recouvrement des créances en cause ;
10. Attendu que
l’article D.
142-27 du code des juridictions financières dispose que
«
la communication des pièces justificatives détenues par la Cour des comptes peut être
demandée au secrétariat général de la juridiction par les comptables
»
; qu’il n
e ressort pas
de l’instruction
que le comptable ait fait usage de cette possibilité ;
qu’il ne soutient ni même
n’allègue qu’il en aurait été empêché
;
qu’
au surplus
, dans le cadre de l’instruction
complémentaire, les recherches menées dans les liasses susceptibles de contenir les pièces
justificatives des admissions en non-valeur correspon
dantes n’ont pas permis d’identifier des
diligences qui auraient été de nature à recouvrer, à tout le moins de préserver, les créances
en question ;
11. Attendu ainsi, concernant la créance de 7 328
€
(titre G émis le 26 septembre
2011
à l’encontre d’une société placée en redressement judiciaire par décision publiée le
10 juin 2011 puis en liquidation judiciaire le 4 octobre 2012),
que le comptable n’a pas produit
de pièces démontrant qu’il avait dûment déclaré cette créance auprès du r
eprésentant des
créanciers
; qu’il était donc forclos
pour tenter de recouvrer ladite créance le 10 août 2011 ;
12. Attendu également,
que par l’effet
des dispositions rappelées au point 4.
ci-dessus, les six titres émis les 6 juillet 1999, 28 novembre 2003, 5 décembre 2000, 4 juillet
1996, 12 novembre 2001 et 21 novembre 2007 (titres A à F) pour les montants respectifs de
5 739,87
€, 5
825,88
€, 6
101,47
€, 7
359,48
€
, 9 210,52
€
et 14 018,77
€, sont
réputés, en
l’absence de preuve de diligences,
s’être
prescrits au 19 juin 2013, alors que M. X était encore
en fonctions ;
13.
Attendu enfin que le titre H a été émis pour 31 328,27
€ le 15 octobre 1996,
soit
près d’un an après la mise en redressement
judiciaire
du redevable ; qu’il ne ressort pas
du dossier que la créance ait été déclarée dans cette procédure
; que l’issue de celle
-
ci n’est
au demeurant pas connue ; qu’en l’absence de toute information sur la nature de la créance
et de toute preuve de
diligence, cette créance est également réputée s’être prescrite le 19 juin
2013 ;
14. Attendu
qu’il y a donc lieu d’engager
la responsabilité de M. X pour recettes
non recouvrées en l’abse
nce de preuve de diligences adéquates, complètes et rapides, au
titre des exercices 2011 et 2013 ;
qu’il n’y a pas lieu à charge au titre de l’exercice 2012
;
Sur l’existence d’un préjudice financier
15. Attendu qu'aux termes des dispositions du troisième alinéa du VI de l'article 60
de la loi du 23 février 1963 précitée, lorsque le manquement du comptable aux obligations
mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, le comptable
a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante ;
16. Attendu que le défaut de recouvrement d'une créance cause en principe un
préjudice financier à la collectivité publique créancière ; que toutefois le préjudice est absent
dans l'hypothèse où la collectivité publique créancière n’aurait pas pu être désintéressée,
quand bien même le comptable aurait satisfait à ses obligations en matière de recouvrement
de la créance ; qu'au cas d'espèce, cette preuve n’est pas apportée
; que, dès lors, le
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manquement de M. X à ses obligations a causé à l'État un préjudice dont le montant est égal
à celui des recettes non recouvrées ;
17. Attendu qu'il y a lieu ainsi de constituer M. X débiteur envers l'État des sommes
de 7 328
€ sur l’exercice 2011 et
de 79 584,26
€ sur l’exercice 2013
, augmentées des intérêts
au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et
pécuniaire, soit à compter du 26 juin 2017, date de sa réception du réquisitoire susvisé ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Charge n° 5.
Exercice 2011
Article 1
er
.
–
M. X est constitué débiteur
envers l’
État pour la somme de 7 328
€
,
augmentée des intérêts de droit à compter du 26 juin 2017.
Exercice 2012
Article 2.
–
Il n’y a pas lieu à charge.
Exercice 2013
Article 3.
–
M. X
est constitué débiteur envers l’
État pour la somme de 79 584,26
€,
augmentée des intérêts de droit à compter du 26 juin 2017.
Article 4.
–
La décharge de M. X
ne pourra être donnée qu’après apurement des
débets fixés ci-dessus.
Fait et jugé par M. Philippe GEOFFROY, président de section, président la
séance ; MM. Daniel-Georges COURTOIS, Vincent FELLER, Yves PERRIN et Guy FIALON,
conseillers maîtres.
En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.
Marie-Hélène PARIS-VARIN
Philippe GEOFFROY
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de
justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux
procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous
commandants et officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront
légalement requis.
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Conformément aux dispositions de l’article R.
142-20 du code des juridictions
financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en
c
assation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État
dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une
ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce
dans les conditions prévues au I de l’article R.
142-19 du même code.