15, rue d'Escures
BP 2425
45032 ORLÉANS CEDEX 1
T
+33 2 38 78 96 00
F
+33 2 77 41 05 91
centre-val-de-loire@crtc.ccomptes.fr
Site internet www.ccomptes.fr
Jugement n° 2019-0004
Audience publique du 14 février 2019
Jugement prononcé le 14 mars 2019
Commune de Beaugency
Loiret
045 003 028
Exercice 2015
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA CHAMBRE,
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l'article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;
Vu les textes législatifs et réglementaires relatifs à la comptabilité des communes ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié
;
Vu le réquisitoire du ministère public R/18/057/REQ en date du 28 septembre 2018
;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Beaugency par M. X du
1
er
janvier 2015 au 31 décembre 2015 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes ou communiquées au cours de
l’instruction
;
Vu l’ensemble des pièces du dossier
;
Vu la décision du Procureur général près la Cour des comptes du 22 janvier 2019 par laquelle
le ministère public près la chambre régionale des comptes
d’
Ile-de-France est désigné pour
exercer l’intérim du ministère public près la chambre régionale des comptes
Centre-Val de
Loire
en application des dispositions de l’article R. 212
-19 du code des juridictions financières ;
Vu le rapport n° 2018-0115 de M. Vincent Sivré, président de section, communiqué au
ministère public le 10 décembre 2018 ;
2 / 10
Jugement n° 2019-0004
–
Commune de Beaugency (Loiret)
Vu les conclusions n° C/18/109/JAFJ du 21 décembre 2018 du procureur financier ;
Après avoir entendu,
lors de l’audience publique du
14 février 2019, M. Vincent Sivré,
président de section, en son rapport, Mme Cécile Daussin Charpantier, procureur financier de
la chambre régionale des comptes d’Ile
-de-France exerçant par intérim les fonctions du
ministère public près la chambre régionale des comptes Centre-Val de Loire, en ses
conclusions, les autres parties, dûment avisées de la tenue de l’audience n’
étant ni présentes ni
représentées ;
Après avoir entendu, en délibéré, Mme Morgane Coguic, conseillère, réviseure, en ses
observations ;
1.
Sur la présomption de charge n° 1 soulevée à l’encontre de
M. X
au titre de l’exercice
2015
1.1.
Sur la responsabilité du comptable
ATTENDU que, par réquisitoire susvisé du 28 septembre 2018, le procureur financier ayant
saisi la chambre régionale des comptes aux fins de statuer sur la responsabilité encourue par
M. X, comptable de la commune de Beaugency, a estimé que sa responsabilité personnelle et
pécuniaire pouvait être mise en jeu à hauteur de 6 806,96
€
au titre de l’année 2015 pour
avoir
procédé, durant cet exercice, au paiement
d’astreintes à plusieurs agents de la commune
, en
l’absence de l’ensemble des pièces prévues
par la nomenclature des pièces justificatives ;
ATTENDU qu’en application de l’article 19 du décret n° 2012
-1246 du 7 novembre 2012 relatif
à la gestion budgétaire et comptable publique,
«
le comptable est tenu d’exercer le contrôle (...)
de la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20 (…)
»
; que l’article 20 du
même décret précise que
« le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte
sur : (…) 2° L’exactitude de la liquidation (…) 5° La production des pièces justificatives (…)
» ;
ATTENDU qu’en application de l'article
60 de la loi du 23 février 1963 susvisé, les comptables
publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, de
la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que
de la tenu
e de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent ; que leur responsabilité
personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement
payée ;
ATTENDU qu’en application de la rubrique 210225
« Astreintes et permanences » de la
nomenclature annexée à l’article
D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales
(CGCT) dans sa version issue du décret n° 2007-450 du 25 mars 2007, les pièces justificatives
requises pour le paiement
d’astreintes
sont «
1. la délibération déterminant les cas dans lesquels
il est possible de recourir à des astreintes ou à des permanences, la liste des emplois concernés,
les modalités de leur organisation et, le cas échant, le montant des crédits budgétaires alloué
à cet effet ; 2. le cas échéant,
l’
état des crédits alloués aux astreintes ou permanences
consommés ; 3. l
’état liquidatif, précisant l’emploi de l’agent, la période d’astreinte ou de
permanence, le taux applicable et, le cas échéant, le nombre d’heures d’intervention réalisées
pendant la période d’astreinte
» ;
3 / 10
Jugement n° 2019-0004
–
Commune de Beaugency (Loiret)
ATTENDU que l’attribution
d'indemnités d'astreintes résulte des dispositions du décret
n° 2001-623 du 12 juillet 2001, pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du
26 janvier 1984 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction
publique territoriale, notamment son article 5 qui dispose que
« l'organe délibérant de la
collectivité ou de l'établissement détermine, après avis du comité technique compétent, les cas
dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes, les modalités de leur organisation et
la liste des emplois concernés
» et de celles du décret n° 2005-542 du 19 mai 2005, relatif aux
modalités de la rémunération ou de la compensation des astreintes et des permanences dans la
fonction publique territoriale ;
1.2.
Sur le manquement du comptable à ses obligations
ATTENDU que la commune de Beaugency a, par mandats détaillés ci-dessous, procédé en
2015 au versement
d’astreintes au profit de plusieurs agents de la collectivité
:
Astreintes versées (en €)
Mois
N°
mandat
N°
bordereau
Date de
PEC
M. Y
M. Z
M. A
M. B
Janvier
15
3
23/01/2015
296,00
109,28
109,28
300,52
Février
185
17
20/02/2015
296,00
300,52
300,52
218,56
Mars
505
48
20/03/2015
296,00
109,28
109,28
-
Avril
842
84
21/04/2015
296,00
109,28
109,28
109,28
Mai
1143
123
22/05/2015
296,00
205,83
163,92
-
Juin
1496
166
22/06/2015
296,00
205,83
-
163,92
Juillet
1889
215
20/07/2015
302,50
116,20
-
10,38
Août
2286
259
20/08/2015
302,50
-
-
-
Septembre
2634
302
22/09/2015
302,50
-
-
116,20
Octobre
3021
344
21/10/2015
302,50
-
-
-
Novembre
3471
380
20/11/2015
302,50
116,20
-
-
Décembre
3895
417
21/12/2015
302,50
-
116,20
116,20
Sous-totaux par agent
3 591,00
1 272,42
908,48
1 035,06
Total sur l'exercice 2015 :
6 806,96 €
ATTENDU que
l’instruction du réquisitoire n’a permis de recevoir aucune pièce justificative
hormis celles déjà produites, à savoir trois délibérations de la commune : une délibération du
28 février
2003 qui, d’une part, met à jou
r les modalités de rémunération des travaux
supplémentaires au regard des évolutions réglementaires et, d’autre part, met en place un
nouveau régime indemnitaire ; une deuxième délibération du 30 mai 2005 réactualisant le
régime indemnitaire ; une troisième délibération du 29 juillet 2011 mettant en place la prime de
fonctions et de résultats pour les attachés territoriaux ;
ATTENDU toutefois qu’aucune de ces délibérations ne fait mention d’une quelconque
indemnité d’astreintes
;
ATTENDU qu’en outre, aucun état
liquidatif relatif au versement des indemnités d’astreinte
n’a été produit
;
qu’en tout état de cause, les seuls éléments portés sur les fiches de paie des
différents agents ne peuvent se substituer aux pièces justificatives requises ;
4 / 10
Jugement n° 2019-0004
–
Commune de Beaugency (Loiret)
ATTENDU qu’ainsi,
au moment du paiement des astreintes litigieuses, la comptable ne
disposait d’aucune pièce permettant de justifier, d’une part, le bienfondé de la dépense et,
d’autre part, son montant
;
qu’en l’absence des pièces exigées par les textes lui permettant
d’assurer les contrôles qui lui incombaient, elle devait, conformément à l’article 38 du décret
n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, suspendre le paiement des mandats concernés ;
qu’elle a
dès lors commis un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et
pécuniaire ;
ATTENDU qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité du
comptable à raison de la présomption de charge n° 1
à l’encontre de
M. X, comptable de la
commune de Beaugency au titre de sa gestion des comptes de 2015 ;
2.
Sur la présomption de charge n°
2 soulevée à l’encontre de
M. X
au titre de l’exercice
2015
2.1.
Sur la responsabilité du comptable
ATTENDU que par réquisitoire susvisé du 28 septembre 2018, le procureur financier ayant
saisi la chambre régionale des comptes aux fins de statuer sur la responsabilité encourue par
M. X, comptable de la commune de Beaugency, a estimé que sa responsabilité personnelle et
pécuniaire pouvait être mise en jeu à hauteur de 6 588,96
€
au titre de l’année 2015 pour
avoir
procédé durant cet exercice au versement
d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires
(IHTS) à M. Y, technicien principal de première classe, sans avoir disposé des pièces requises
par la nomenclature des pièces justificatives ;
ATTENDU qu’en application de l’article 19 du décret n° 2012
-1246 du 7 novembre 2012 relatif
à la gestion budgétaire et comptable publique, «
le comptable est tenu d’exercer le contrôle (...)
de la validité de la dette
dans les conditions prévues à l’article 20 (…)
» ; que l’article 20 du
même décret précise que
« le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte
sur : (…) 2° L’exactitude de la liquidation (…) 5° La production des pièces justificatives
(…)
»
;
ATTENDU qu’en application de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé, les comptables
publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, de
la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que
de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent
; que leur responsabilité
personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors qu'une dépense a été irrégulièrement
payée ;
ATTENDU qu’en application d
e la rubrique 210224 « Indemnités horaires pour travaux
supplémentaires
» de la nomenclature annexée à l’article D.
1617-19 du CGCT dans sa version
issue du décret n° 2007-450 du 25 mars 2007, les pièces justificatives requises pour le paiement
d’astreintes sont
« 1. la délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la
réalisation effective d'heures supplémentaires ; 2. le décompte indiquant par agent et par taux
d'indemnisation le nombre d'heures effectuées ; 3. le cas échéant, la décision justifiant le
dépassement du contingent mensuel autorisé » ;
5 / 10
Jugement n° 2019-0004
–
Commune de Beaugency (Loiret)
ATTENDU que l’attribution d’
IHTS résulte des dispositions du décret n° 91-875 du
6 septembre 1991
, pris pour l’application du premier alinéa de l’article 88 de la loi du
26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et du
décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 modifié, relatif aux indemnités horaires pour travaux
supplémentaires, notamment son article 2 qui dispose que «
I. - 1° Les indemnités horaires pour
travaux supplémentaires peuvent être versées, dès lors qu'ils exercent des fonctions ou
appartiennent à des corps, grades ou emplois dont les missions impliquent la réalisation
effective d'heures supplémentaires, aux fonctionnaires de catégorie C et aux fonctionnaires de
catégorie B. […]
» ;
2.2.
Sur le manquement du comptable à ses obligations
ATTENDU que la commune de Beaugency a,
au cours de l’exercice 2015,
par mandats détaillés
ci-dessous, procédé
au versement d’une
IHTS au profit de M. Y, technicien principal de
première classe appartenant à la catégorie B de la fonction publique territoriale ;
Indemnités horaires pour travaux supplémentaires
versées (en €)
Mois
N° mandat
N° bordereau
Date de PEC
IHTS versées à M. Y
Janvier
15
3
23/01/2015
549,08
Février
185
17
20/02/2015
549,08
Mars
505
48
20/03/2015
549,08
Avril
842
84
21/04/2015
549,08
Mai
1143
123
22/05/2015
549,08
Juin
1496
166
22/06/2015
549,08
Juillet
1889
215
20/07/2015
549,08
Août
2286
259
20/08/2015
549,08
Septembre
2634
302
22/09/2015
549,08
Octobre
3021
344
21/10/2015
549,08
Novembre
3471
380
20/11/2015
549,08
Décembre
3895
417
21/12/2015
549,08
Total sur l’exercice 2015
: 6
588, 96 €
ATTENDU que les seules pièces produites par M. X, comptable mise en cause, sont les
délibérations mentionnées à la charge précédente ; que,
s’agissant des heures supplémentaires,
la délibération du 28 février 2003 se borne à rappeler les dispositions réglementaires en vigueur
et notamment que l’
« indemnité horaire pour travaux supplémentaires peut être versée à tous
les fonctionnaires de catégorie C et aux fonctionnaires de catégorie B lorsque la rémunération
est égale ou inférieure à celle correspondant à l’indice brut 380, dès lors qu’ils appartiennent
à des grades dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaire
s » ;
ATTENDU que la délibération du 30 mai 2005 liste dans un tableau les agents pouvant
bénéficier de l’IHTS
; que, pour la filière technique, la délibération mentionne le chef de garage,
les agents techniques, les agents d’entretien et les conducteurs
; que les agents techniques ont
été reclassés au 1
er
janvier 2007 dans le grade d’adjoints techniques
; que tous les emplois
énumérés par la délibération de 2005 concernent des agents de catégories C et ne peuvent
inclure l’emploi de
M. Y, technicien principal de catégorie B exerçant des fonctions
d’encadrement
;
ATTENDU que la comptable mise en cause a également produit une convention conclue le
4 août 2014 entre la commune de Beaugency et le syndicat intercommunal à vocation unique
6 / 10
Jugement n° 2019-0004
–
Commune de Beaugency (Loiret)
(SIVU) assainissement de Beaugency, Tavers et Villorceau ayant pour objet la mise à
disposition de M. Y à compter du 1
er
janvier 2015, pour une durée de trois
ans soit jusqu’au
31 décembre 2017 ;
ATTENDU
qu’en application de l’article D. 1617
-19 du CGCT,
« avant de procéder au
paiement d’une dépense, […] les comptables des collectivités territoriales […] ne doivent
exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie
à l’annexe I du présent code et établie conformémen
t à celle-
ci […]
»
; que la production par
M. X de la convention susmentionnée ne peut donc, quelles que soient les informations qui y
figurent, pallier l’absence de la pièce prévue
à la nomenclature ;
ATTENDU qu’ainsi, au moment du paiement des
IHTS litigieuses, la comptable ne disposait
d’aucune pièce permettant de justifier, d’une part, le bienfondé de la dépense et, d’autre part,
son montant
; qu’en l’absence des pièces exigées par les textes lui permettant d’assurer les
contrôles qui lui incombai
ent, elle devait, conformément à l’article 38 du décret n°
2012-1246
du 7 novembre 2012, suspendre le paiement des mandats concernés
; qu’elle a dès lors commis
un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
ATTENDU qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité du
comptable à raison de la présomption de charge n° 2
à l’encontre de
M. X, comptable de la
commune de Beaugency au titre de sa gestion des comptes de 2015 ;
3.
Sur l
’
e
xistence d’un
préjudice financier pour chacune des deux charges
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
susvisée :
«
(…) lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé
un préjudice financier à
l’organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public,
l’organisme public a dû procéder à l’indemnisation d’un autre organisme public ou d’un tiers
ou a dû rétribuer un commis d’office pour produire les comptes, le comptable a l’obligation de
verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante »
;
ATTENDU qu’un préjudice financier résulte d'une perte provoquée par une opération de
décaissement ou un défaut de recouvrement d'une recette, donnant lieu à une constatation dans
la comptabilité de l'organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la
personne publique non recherché par cette dernière ;
ATTENDU que ni la comptable mise en cause ni le maire de la commune ne reconnaissent
l’existence d’un préjudice financier s’agissant des deux charges
; que, toutefois,
le juge n’est
pas tenu par l’appréciation des parties
;
ATTENDU que dans sa réponse, M. X indique,
d’une part
, qu
’
«
il apparaît que la commune
doit être regardée comme ayant explicitement
décidé d’octroyer astreintes et indemnités pour
travaux supplémentaires pas nécessairement formalisées par écrit mais qui apparaissent sur le
bulletin de paye (cf. bulletin de salaire de M. Y).
En effet, le versement d’éléments de
rémunération figurant sur le bulletin de paie et qui correspond à un service fait naître une
présomption de décision
» ; que cependant la seule justification du service fait ne permet pas
d’établir l’absence de préjudic
e financier ; qu
’
en outre si
la volonté de l’ordonnateur d’attribuer
une indemnité est une condition nécessaire
, elle n’est pas
suffisante pour conclure à l’absence
de préjudice financier pour la collectivité ;
7 / 10
Jugement n° 2019-0004
–
Commune de Beaugency (Loiret)
ATTENDU que M. X invoque,
d’autre part
,
l’absence d’application par la commune de
Beaugency des dispositions de
l’article 94 de la loi de finances rectificative n°
2011-1978 du
28 décembre 2011 selon lesquelles les créances résultant de paiements indus en matière de
rémunération au profit des agents peuvent être recouvrées dans un délai de deux ans à compter
du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y
compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière
devenue définitive, soit une décision prise depuis plus de quatre mois
; que l’absence de
sollicitation par la commune du remboursement des sommes versées aux agents concernés ne
suffit pas à établir l’absence de préjudice financier
;
ATTENDU
qu’en
l’espèce, pour être juridiquement fondée, l’indemnisation des astreintes et
IHTS était subordonnée, en application de la nomenclature des pièces justificatives prévues à
l’annexe I du CGCT, à la production d’une délibération
; que, toutefois, aucune délibération en
ce sens n’a été prise par le conseil municipal de Beaugency au titre de l’exercice 2015
; qu’en
conséquence, le versement de telles astreintes et heures supplémentaires était dépourvu de
fondement juridique, et donc, indu ; que le caractère indu de ces versements est
constitutif d’un
préjudice financier pour la commune au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe
VI de l’article 60 de la loi du 23 février
1963 susvisée ;
4.
Sur le montant total du débet
ATTENDU que lorsque le juge des comptes estime que le comptable a méconnu les obligations
qui lui incombent, il lui appartient de déterminer si ce manquement a causé un préjudice
financier à l’organisme public concerné et d’évaluer l’ampleur du préjudice subi
; qu’il doit, à
cette fi
n, d’une part, rechercher s’il existait un lien de causalité entre le préjudice et le
manquement, à la date où ce dernier a été commis et, d’autre part, apprécier l’existence et le
montant du préjudice à la date à laquelle il statue en prenant en compte, le cas échéant, des faits
postérieurs au manquement tel qu’un éventuel reversement dans la caisse du comptable de
sommes correspondant à des dépenses irrégulièrement payées ou à des recettes non recouvrées ;
ATTENDU que si la comptable n’avait pas manqué à
son obligation de contrôle, le paiement
des astreintes et IHTS indues aurait été suspendu
; qu’il existe donc un lien de causalité entre
son manquement et le préjudice financier subi par la commune ;
ATTENDU que, concernant la charge n° 1, les mandats litigieux susmentionnés émis en 2015
sont relatifs notamment au paiement des astreintes en faveur de MM. Y, Z, A et B ; que le débet
s’applique, pour
M. X, à la partie indue desdits mandats relevée dans le réquisitoire, soit à la
somme de 6 806,96
€
;
ATTENDU que, concernant la charge n°
2 relative au paiement d’IHTS à
M. Y, il ressort de la
convention de mise à disposition susmentionnée en son article 2 un temps de travail mensuel
de cet agent mis à disposition de 12 heures 20 minutes ; que,
d’après l’
article 3, la commune de
Beaugency verse à cet agent la rémunération correspondant à son grade d’origine, en particulier
les indemnités et primes liées à l'emploi ; que,
selon l’article
4 de la convention, le SIVU
assainissement de Beaugency, Tavers et Villorceau rembourse à la commune de Beaugency le
montant de la rémunération et des charges sociales afférentes à cet agent mis à disposition ;
qu’il est fait à cette fin application d'un remboursement annuel ;
ATTENDU que,
d’après la pièce jointe au titr
e de recette n° 853 émis par la commune de
Beaugency envers le syndicat d’assainissement pour l’exercice 2015, les heures facturées au
8 / 10
Jugement n° 2019-0004
–
Commune de Beaugency (Loiret)
syndicat d’assainissement correspondent à des
IHTS accomplies par M. Y et rémunérées au
titre des dimanches et jours fériés ; que le titre de recette précité a été émis pour un montant de
4 616,04
€ pour l’année 2015 et représente le paiement d’
IHTS sur 12 mois à hauteur de 384,67
€ par mois
; que, par mandat n° 16 émis le 18 décembre 2015, le SIVU assainissement de
Beaugency, Tavers et Villorceau a remboursé à la commune de Beaugency la somme de
4 616,04
€ au titre des heures effectuées par
M. Y au sein du syndicat ;
ATTENDU qu’il résulte de ce qui précède que
, relativement à la charge n° 2,
l’
évaluation du
préjudice financier causé par le paiement des IHTS doit
tenir compte du remboursement d’un
montant de 4 616,04 € effectué par le SIVU assainissement de Beaugency, Tavers et Villorceau
en application de la convention de mise à disposition de M. Y ; qu
e le préjudice financier s’élève
ainsi à 1 972,92
€
;
ATTENDU que les deux charges mentionnées ci-dessus sont de même nature et portent sur le
même exercice comptable ; que la chambre est dès lors fondée à prononcer un débet unique ;
ATTENDU, en conséquence, qu’il y a lieu de constituer
M. X débitrice de la commune de
Beaugency pour un montant total de 8 779,88
€
au titre de l’exercice 2015
;
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
précitée, «
les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu
de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
»
; qu’en l’espèce, cette
date est le 15 octobre 2018, date de la réception par la comptable, M. X, de la notification du
réquisitoire du ministère public ;
5.
Sur le contrôle hiérarchisé de la dépense :
ATTENDU qu’aux termes du paragraphe IX de l’article 60 de la loi n° 63
-156 du
23 février 1963, «
les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été
mise en jeu peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises
à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou du respect par celui-ci, sous
l’appréciation du juge des comptes, des règles
de contrôle sélectif des dépenses, une remise
gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle
et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans
l’obligation de la
isser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la
somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI
(…)
» ;
ATTENDU qu’appelée à produire le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense (CHD) pour les
comptes de la commune de Beaugency de
l’exercice 2015,
M. X, comptable mise en cause, a
transmis pour cet exercice un plan de CHD
extrait de l’application Hélios
et applicable à cette
commune en 2015
; que ce plan de contrôle n’apparaît cependant pas validé par le comptable
supérieur ;
ATTENDU que, dans sa réponse, M. X
précise qu’elle ne dispose pas de plan de CHD
validé
par le comptable supérieur pour l’exercice 2015
; qu’elle ajoute
«
(…) je vous communique ci
-
jointe la copie d’un courrier du 27 juillet 2018 adressé par M.
le Directeur régional des
finances publiques à Mme la Présidente de la CRC Centre Val de Loire. Ce courrier précise
que la validation par la DRFIP est devenue obligatoire à compter de 2016 pour tout
changement significatif d’un plan. Le CHD 2015 n’était que l
a reconduction du plan validé par
la Direction en 2008
» ;
9 / 10
Jugement n° 2019-0004
–
Commune de Beaugency (Loiret)
ATTENDU que, pour pouvoir prétendre à une éventuelle remise gracieuse totale, dérogatoire
du régime de droit commun, le comptable doit établir que la dépense litigieuse n’avait pas à
faire l’objet
d
’un contrôle en application d’un plan de contrôle hiérarchisé valid
e au moment de
ladite dépense ;
ATTENDU que, en outre,
d’après l’article 11 de l’arrêté du 25 juillet 2013 porta
nt application
du premier alinéa de l'article 42 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion
budgétaire et comptable publique et encadrant le contrôle sélectif de la dépense
, « le comptable
sollicite, selon des modalités définies par le directeur général des finances publiques,
l'approbation par son supérieur hiérarchique de son plan de contrôle hiérarchisé des
dépenses. »
;
qu’en application de ces dispositions réglementaires, la validation hiérarchique
des plans de CHD était obligatoire à compter de 2014 et applicable en 2015 ;
ATTENDU que, par ailleurs, la comptable
n’établit pas que le plan de contrôle établi pour 2008
était applicable dans les mêmes dispositions en 2015
; qu’e
n effet, ni le plan de 2008, qui au
demeurant n’indique pas être applicable sur plusieurs exercices, ni l’extraction Helios de ce
plan fournie pour 2015 ne précisent le calendrier et les échantillons de contrôle de la paie ; que
c
es deux documents se bornent à indiquer, pour le plan de 2008, qu’un contrôle des thématiques
(SFT, primes et indemnités, catégo
ries de personnel, NBI…) sera effectué selon un échantillon
de 5 %, et pour l’extraction 2015,
« contrôle indicatif par sondage a priori et/ou a postériori,
sur des thèmes »
;
ATTENDU qu’enfin, à supposer qu’un plan valide ait prévu le contrôle par échan
tillonnage des
astreintes, la comptable n’a pas apporté d’éléments permettant d’établir que les mandats en
cause ne faisaient pas partie de l’échantillon sélectionné et n’a donc pas démontré que les
mandats
n’avaient pas à être contrôlés
;
ATTENDU que, par voie de conséquence,
l’éventuelle remise gracieuse
du débet prononcé
devra laisser à la charge du comptable une somme au minimum égale au double de la somme
maximale visée au deuxième alinéa du IX de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié,
soit 453
€
;
PAR CES MOTIFS,
ORDONNE CE QUI SUIT :
Article 1
er
:
M. X est constituée débitrice de la commune de Beaugency pour la somme unique
de huit mille sept cent soixante-dix-neuf euros et quatre-vingt-huit centimes (8 779,88
€
) au
titre de l’exercice 2015,
augmentée des intérêts de droit à compter du 15 octobre 2018.
Article 2 :
Pour l’application des dispositions du second alinéa du paragraphe IX de l’article
60
de la loi du 23 février 1963 susvisée, le montant du cautionnement constitué par M. X au titre
de l’exercice 201
5 pour laquelle elle est constituée débitrice
par l’article
1
er
du présent jugement
s’élève à
cent cinquante-et-un mille euros (151 000
€). En conséquence, le montant de la remise
gracieuse qui pourra être accordée à M. X au titre du débet
prononcé à l’article
1
er
ci-dessus
devra comporter un laissé à charge qui ne pourra être inférieur à quatre cent cinquante-trois
euros (453
€) correspon
dant à trois millièmes de son cautionnement.
10 / 10
Jugement n° 2019-0004
–
Commune de Beaugency (Loiret)
Article 3 :
Il est sursis à la décharge de M. X pour sa gestion du 1
er
janvier 2015 au 31 décembre
2015 jusqu’à la constatation de l’apurement d
u débet prononcé à son encontre.
Après avoir délibéré, hors la présence du rapporteur et du procureur financier par intérim.
Fait et jugé par Mme Brigitte Beaucourt, présidente de section, présidente de séance,
MM. Bertrand Volpette, Olivier Cuny et Jacques Prentout premiers conseillers, et
Mme Morgane Coguic, conseillère.
En présence de Mme Besma Blel, greffière de séance.
La greffière
Besma Blel
La présidente de séance, présidente de section
de la chambre régionale des comptes
Centre-Val de Loire
Brigitte Beaucourt
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement
à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y
tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront
légalement requis.
Voies et délais de recours :
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements prononcés
par la chambre régionale des
comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de
deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du
même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personn
es domiciliées à l’étranger.
La révision d’un
jugement peut être demandée après expiration des délais.