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QUATRIÈME CHAMBRE
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Première section
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Arrêt n° S2019-0272
Audience publique du 31 janvier 2019
Prononcé du 21 février 2019
COMMUNE D’ARMENTIÈRES
(NORD)
Appel d’un jugement
de la chambre régionale des comptes
Hauts-de-France
Rapport n° R-2018-1400
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête enregistrée le 14 décembre 2017 au greffe de la chambre régionale
des comptes Hauts-de-France, par laquelle le procureur financier a élevé appel du jugement
n° 2017-0024 du 19 octobre 2017 par lequel la juridiction a mis à la charge de M. X, comptable
de la commune d’Armentières,
trois sommes non rémissibles de 265,50
€ pour les
exercices
2012, 2013 et 2014, pour défaut de contrôle de la validité de la créance dans le paiement
d’une
indemnité annuelle de présentéisme ;
Vu le mémoire en défense de M. X, enregistré le 20 mars 2018 au greffe de la
Cour des comptes ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance, notamment le
réquisitoire n° 2017-0016 du 22 mars 2017 du procureur financier ;
Vu le code général des collectivités territoriales, et notamment son article
D. 1617-19 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n°
63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu les lois et règlements relatifs à la comptabilité des communes et des
établissements publics locaux ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique, en vigueur au moment des faits
relatifs à l’exercice 2012
, et le décret
n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique pour
les exercices ultérieurs ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième
alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de
l'article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011
;
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Vu le rapport de M. Étienne CHAMPION, conseiller maître
, chargé de l’instruction
;
Vu les conclusions du Procureur général n° 041 du 23 janvier 2019 ;
Entendu lors de l’audience publique du
31 janvier 2019, M. Étienne CHAMPION
en son rapport, M. Serge BARICHARD, avocat général, en les conclusions du ministère public,
M. X,
informé de l’audience et présent
, ayant eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré M. Olivier ORTIZ, conseiller maître, réviseur, en ses
observations ;
1. Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes
Hauts-de-France a engagé la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X pour défaut de
contrôle de la validité de la créance
à l’occasion du
paiement d’une indemnité annuelle de
présentéisme
; qu’elle a jugé que le manquement du comptable n’avait pas causé de préjudice
financier à l
a commune d’Armentières
; qu’en co
nséquence, en tenant compte du fait que la
dépense n’
était pas dépourvue de fondement juridique, elle a prononcé, conformément aux
dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, une
somme non rémissible de 265,50
€ à l’encontre de M.
X au titre de la charge n° 1 (exercice
2012) et deux sommes de 265,50
€ au titre de la charge n°
2 (exercices 2013 et 2014) ;
2.
Attendu que l’appelant conteste le raisonnement suivi par la chambre régionale
des comptes pour écarter le préjudice financier ;
qu’il demande
à la Cour d
’infirm
er le jugement
en ce qu’il prononce
des sommes non rémissibles
et, par l’effet évolutif d’appel
, de déclarer le
comptable débiteur envers
la commune d’Armentières d’un montant de 31
282,
12 €
, au titre
de la charge n° 1 (exercice 2012) et de montants
de 32 139,68 €
(exercice 2013) et 32 788,29
(exercice 2014), au titre de la charge n° 2 ;
3.
Attendu que l’appelant
soutient que si la délibération n° 828 du 5 avril 2007 du
conseil municipal d’Ar
mentières détaille
les conditions d’octroi et les modalités d’abattement
de l’indemnité annuelle de présentéisme
et
que si elle atteste d’une volonté manifeste
d’instaurer une telle prime, elle n’en fixe pas le taux moyen (en euros)
; qu’elle est
incomplète
et ne permet pas au comptable de s’assurer de
s calculs de liquidation ; que le rapport de la
directrice des ressources humaines du 2 mars 2005 et le procès-verbal de la réunion du
20 mars 2007 du comité technique paritaire ne peuvent justifier la volonté de l’assemblée
délibérante de fixer à 100
€ net par agent le montant
nominal de la prime instituée ; que
l’existence d’un
arrêté
annuel fixant le montant des primes à verser par agent, sans qu’il soit
toutefois possible d’en contrôler les
conditions de liquidation par rapport à la délibération du 5
avril 2007
et de l’état des absences produit lors de l’instruction de
première instance dont
l’origine et la date d’établissement sont invérifiables
,
ne permet pas d’établir la volonté de
l’ordonnateur de verser ladite prime, au montant déterminé par ses soins
;
que la créance n’est
fondée sur aucun droit et que les paiements considérés constituent des dépenses indues et
ont donc causé un préjudice financier à la collectivité ;
4. Attendu que le comptable concerné, M. X, ne conteste
pas l’existence d’un
manquement
; qu’il discute
les références faites par l
’appel
ant à la jurisprudence ;
qu’il fait
valoir que l’arrêté annuel fixant le montant des primes était suffisant en lui
-même
et que s’il
avait refusé le paiement, il se serait fait juge de la légalité des décisions de la collectivité ;
qu’à
l’audience, il confirme
que s
i la délibération ne fait pas état d’un taux,
le montant des primes
en était, selon lui, parfaitement déductible ;
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5.
Attendu qu’en vertu du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, «
la
responsabilité personnelle et pécuniaire
[des comptables publics] (…)
se trouve engagée dès
lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a
pas été recouvrée, qu’une dépense a été irrégulièrement payée
(…)
» ; que le paiement de
primes sans
que les comptables détiennent une délibération du conseil municipal fixant la
nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités en contravention avec
l’annexe I de l’article D
. 1617-19 du code général des collectivités territoriales (rubrique
210223), constitue un manquement à leurs obligations de contrôle de la validité de la créance
prévues aux articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 et des articles 19 et 20 du décret
du 7 novembre 2012 susvisés qui disposent que le contrôle des comptables porte notamment
sur la production des pièces justificatives réglementairement requises ;
qu’en vertu du VI de
l’article 60 de la loi du 23 février 1963, les conditions de mise en jeu de la responsabilité
personnelle et pécuniaire des comptables sont différentes selon que le manquement a causé
un préjudice financier ou non à l’organisme public
; que pour déterminer si le paiement
irrégulier d’une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme
public concerné, il appartient a
u juge des comptes d’apprécier si la dépense
en matière de
primes et indemnités
était effectivement due et, à ce titre, de vérifier notamment qu’elle n’était
pas dépourvue de fondement juridique ;
6.
Attendu qu’en l’espèce,
la délibération n° 828 du 5 avril 2007 du conseil
municipal d’Armentières prévoit qu’une indemnité annuelle de présentéisme sera versée aux
agents en décembre et que son montant sera déterminé en fonction du nombre de jours
d’absence cumulé
s ; que des règle
s d’éligibilité et d’abattements sont
également prévues ;
que pour attribuer individuellement ce régime indemnitaire, le texte indique que le maire
utilisera, en leur appliquant des coefficients spécifiques et individualisés, les différentes
indemnités prévues par les textes en fonction des statuts des agents :
qu’aucune de
s
dispositions de cette délibération ne fixe, en revanche, de taux moyen ; que le fait que la
délibération fixe le montant
en fonction de l’intensité de la présence des agents ne suffit p
as à
permettre le calcul de ce taux moyen ; que ni les documents préparatoires à la délibération du
conseil municipal, ni les arrêtés annuels, ni l’état des
absences ne sont de nature à établir un
taux moyen ;
qu’en conséquence
, la délibération n° 828 du 5 avril 2007 était incomplète au
regard des exigences de l’annexe I précitée du code général des collectivités territoriales
( rubrique 210223) ;
7. Attendu que M. X
a procédé au paiement de l’indemnité annuelle de
présentéisme sans disposer d’un
e pièce justificative adéquate qui en établirait le fondement
juridique ; que, dès lors, le manquement du comptable à ses obligations a causé, eu égard au
caractère indu de ce paiement, un préjudice financier à la commune d’Armentières
; qu
’il en
résulte que la chambre régionale des comptes a, sur ce point, commis une erreur de droit ;
qu’il y a
donc lieu
d’accueillir la requête d
e
l’appelant
,
d’infirmer
à cet égard le jugement
entrepris et
, par l’effet dévolutif d
e l
’appel,
de constituer M. X débiteur envers la commune
d’Armentières
à hauteur des montants versés, augmentés des intérêts de droit calculés à
compter du 31 mars 2017, date de la notification du réquisitoire à M. X ;
Par ces motifs,
DECIDE
:
Article 1
er
.
Le jugement n° 2017-0024 du 19 octobre 2017 de la chambre
régionale des comptes Hauts-de-France
est infirmé en ce que qu’il
met à la charge de M. X
une somme non rémissible d’un montant de 265,50 € (exercice 2012)
, au titre de la charge
1 et deux sommes non rémissibles d’un montant de 265,50
(exercice 2013 et 2014), au
titre de la charge n° 2.
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Article 2.
M. X est constitué débiteur envers
la commune d’Armentières au titre
de l’exercice 2012
pour la somme de 31 282,12
, augmentée des intérêts de droit à compter
du 31 mars 2017 (charge n° 1).
Article 3.
M. X est constitué débiteur envers
la commune d’Armentières au titre
de l’exercice 2013 pour la somme de
32 139,68
€, et au titre de l’exercice 2014 pour la somme
de 32 788,29
€,
augmentées des intérêts de droit à compter du 31 mars 2017 (charge n°2).
Article 4.
Les paiements en cause
n’entraient pas dans une catégorie de faisant
l’objet de règles de contrôle sélectif
des dépenses.
Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section
Présents : M. Gilles ANDRÉANI, président de chambre, président de la formation,
M. Jean-Yves BERTUCCI, président de section, MM. Denis BERTHOMIER, Olivier ORTIZ,
conseillers maîtres, Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître et M. Jean-Luc GIRARDI,
conseiller maître.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE
Gilles ANDRÉANI
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de
justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux
procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous
commandants et officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront
légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142
-20 du code des juridictions
financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en
cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État
dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une
ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce
dans les conditions prévues au
I de l’article R. 142
-19 du même code.