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QUATRIÈME CHAMBRE
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Première section
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Arrêt n° S2019-0214
Audience publique du 24 janvier 2019
Prononcé du 14 février 2019
SYNDICAT MIXTE DE L’ORCHESTRE
NATIONAL DES PAYS DE LA LOIRE
(MAINE-ET-LOIRE)
Appel d’un jugement de la chambre
régionale Pays de la Loire
Rapport n° R-2018-1324-1
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête enregistrée le 19 décembre 2017 au greffe de la chambre régionale des
comptes Pays de la Loire, par laquelle le procureur financier près cette chambre a interjeté appel
contre le jugement n° 2017-018 du 31 octobre 2017 prononcé par ladite chambre ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance, notamment le réquisitoire
n° 2017-08 du 24 avril 2017 du procureur financier près la chambre régionale des comptes ;
Vu le mémoire en défense et la note complémentaire établis par M. X, comptable du
syndicat au cours des exercices 2011 à 2014, adressés le 30 avril 2018 et le 11 janvier 2019 au
greffe de la Cour des comptes ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n°
63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire
et comptable publique ;
Vu le rapport de Mme Catherine DÉMIER
, conseillère maître, chargée de l’
instruction ;
Vu les conclusions du Procureur général n° 024 du 17 janvier 2019 ;
Entendu lors de l’audience publique du 24
janvier 2019, Mme Catherine DÉMIER,
conseillère maître en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions
du ministère public ;
les autres parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni
représentées ;
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Entendu en délibéré M. Jean-Luc GIRARDI, conseiller maître, réviseur, en ses
observations ;
1. Attendu que, par le réquisitoire susvisé du 24 avril 2017, le procureur financier faisait
grief à M. X
de ne pas avoir procédé au contrôle de l’exacte liquidation de la dépense lors de la
prise en charge de mandats et qu’ainsi des opérations apparaissaient susceptibles de fonder la
mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire comme comptable du syndicat mixte
de l’orchestre national des Pays de la Loire, au titre de sa gestion pour les exercices 2011 à 2014,
à hauteur de 17 065,56
€ par exercice
;
2.
Attendu qu’en premier lieu, l’appelant demande à la Cour l’annulation du jugement
entrepris p
our vice de forme et l’évocation de l’affaire au fond
; qu’en second lieu, il demande à
défaut, l’infirmation du jugement en tant qu’il n’a pas engagé la responsabilité du comptable pour
manquement de ce dernier à ses obligations de contrôle de l’exacte li
quidation de
l’indemnité de
fonction du président du syndicat mixte ;
Sur la régularité
3.
Attendu que l’appelant invoque les dispositions de l’article R.
242-13 du code des
juridictions financières selon lequel le jugement, motivé, statue sur chacun des griefs du
réquisitoire et sur les observations des parties auxquelles il a été notifié
; qu’il fait valoir qu’un
jugement ne peut valablement statuer de manière implicite sur tout ou partie d’une charge
et que
le simple exposé des arguments n’est pas de nature, en l’absence de leur discussion, à répondre
aux conditions de motivation posées par les textes ; que ces dispositions ne lui apparaissent pas
avoir été respectées
; qu’il est constant que le défaut de motivation ou de discussion des
arguments, y comp
ris du ministère public, conduit à l’annulation du jugement
;
4.
Attendu que l’appelant estime que le jugement statue sans discuter la conformité aux
statuts du taux applicable à l’indemnité objet de la délibération du syndicat mixte et la volonté
réelle
de l’assemblée délibérante de déroger aux textes applicables en connaissance de cause
;
qu’ainsi il ne statue pas sur la question de savoir si l’assemblée délibérante entendait bien
attribuer une indemnité dans le respect des textes ou non
; qu’il fait gri
ef au jugement de ne pas
avoir discuté de la responsabilité du comptable sur l’appréciation juridique qu’il aurait dû porter
sur les actes administratifs à l’origine de la créance au titre de son contrôle de l’exactitude de la
liquidation ;
5. Attendu qu
e, dans ses conclusions susvisées, le Procureur général a estimé qu’il y
aurait lieu de retenir le moyen relatif au fait que rien ne permet de connaître le raisonnement suivi
par le juge de première instance pour écarter l’argument du comptable s’agissant
de la conformité
avec le droit applicable du taux prévu par la délibération justifiant les paiements ;
6.
Attendu que les dispositions de l’article R.
242-13 du code des juridictions financières
invoquées par l’appelant ont pour objet de permettre aux
parties de savoir si leurs arguments et
ceux des autres parties ont été pris en compte ou la raison pour laquelle ils n’ont pas été discutés
;
7. Attendu que le jugement entrepris ne rappelle pas les observations des parties
; qu’en
l’état, il n’est donc
pas possible de savoir si leurs arguments ont ou non été pris en compte ; que,
même si certains motifs peuvent être considérés comme se rattachant à certains des arguments
invoqués à charge ou à décharge, il n’est pas dit pourquoi d’autres n’ont pas été év
oqués ; que
ce faisant, les dispositions précitées relatives à la rédaction des jugements n’ont pas été
respectées
; que leur méconnaissance constitue un moyen d’annulation à soulever d’office, sans
qu’il soit besoin d’examiner en détail les moyens invoqués par l’appelant
; qu’ainsi, le jugement
n° 2017-018 du 31 octobre 2017 doit donc être annulé ;
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8.
Attendu que l’affaire est en état d’être jugée
; qu’il y a lieu de l’évoquer et de statuer
sur le réquisitoire du procureur financier susvisé du 24 avril 2017 ;
Sur le fond
9. Attendu que, comme dans le réquisitoire précité, le requérant fait valoir que la
délibération du syndicat fixant l’indemnité de fonction du président a été prise en méconnaissance
de la réglementation applicable
; que l’ind
emnité servie correspond à la réglementation des
syndicats de communes et non à celle des syndicats mixtes ; que dès lors cette ignorance
n’exprimerait pas la volonté nette du syndicat de déroger aux textes applicables en choisissant
un taux excédant le taux plafond résultant des textes ; que le comptable, exerçant son contrôle
sur le taux retenu, aurait dû refuser de payer ;
10.
Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23
février 1963 susvisé, la
responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable est engagée par un paiement irrégulier et
que «
les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles
qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les
conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique
» ; que le comptable était
donc tenu de procéder aux contrôles prévus par les articles 12B et 13 du décret du
29 décembre 1962 susvisé et par les articles 19-2° et 20 du décret du 7 novembre 2012 ;
11.
Attendu qu’il résulte des dispositions précitées que, pour apprécier la validité des
créances, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des
justifications
; qu’à ce titre, il leur revient d’apprécier si les pièces fourni
es présentent un caractère
suffisant pour justifier la dépense engagée ; que si ce contrôle peut les conduire à porter une
appréciation juridique sur les actes administratifs à l’origine de la créance et s’il leur appartient
alors d’en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n’ont pas le
pouvoir de se faire juges de leur légalité ;
12.
Attendu qu’en l’occurrence, le comptable fait valoir que la vérification de l’exactitude
des calculs de liquidation était possible puisque la
délibération indiquait le taux et l’indice à retenir
;
qu’il ne lui appartenait pas de relever que le taux retenu par la délibération n’était pas celui
applicable aux syndicats mixtes dès lors que le comité avait délibérément décidé de s’en écarter,
faute
de quoi il aurait procédé au contrôle de la légalité de l’acte, ce qui ne relève pas de son
office
; que l’incohérence entre les taux de rémunération est interne à la délibération elle
-même
et ne résulte pas de la cohérence entre deux pièces ; que, comme le reconnaît le Procureur
général, ces moyens sont recevables ;
13. Attendu, en effet, que la délibération jugée insuffisante par le procureur financier fixe
les éléments de calcul de liquidation, à savoir le taux et le montant auquel il s’applique
; que le
comptable n’avait pas à vérifier la régularité de ce taux, sauf à exercer indûment un contrôle de
légalité sur les pièces fournies par l’ordonnateur
;
14.
Attendu, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens présentés, qu’en
l’absence de manquement imputable au comptable, il n’y a pas lieu à charge au titre du grief
formulé par le procureur financier ;
Par ces motifs,
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DÉCIDE
:
Article 1
er
.
Le jugement n° 2017-018 du 31 octobre 2017 de la chambre régionale des
comptes Pays de la Loire est annulé.
Article 2.
Il n’y a pas lieu d’engager la responsabilité de M.
X
au titre de l’unique charge
du réquisitoire n° 2017-08 du 24 avril 2017 du procureur financier près la chambre régionale des
comptes Pays de la Loire.
Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents :
M. Jean-Yves BERTUCCI, président de section, président de séance, MM. Denis
BERTHOMIER, Olivier ORTIZ, Yves ROLLAND, conseillers maîtres, Mmes Dominique
DUJOLS, Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS conseillères maîtres, MM. Jean-Luc GIRARDI
et Étienne CHAMPION, conseillers maîtres.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE
Jean-Yves BERTUCCI
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de
justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux
procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous
commandants et officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront
légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142
-20 du code des juridictions
financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en
cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État
dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une
ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce
dans les conditions prévues au
I de l’article R. 142
-19 du même code.