Sort by *
25, rue Paul Bellamy B.P. 14119 - 44041 Nantes Cedex 01 - www.ccomptes.fr
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec
les destinataires concernés,
a été délibéré par la chambre le 6 novembre 2018.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
ET SES RÉPONSES
Société par actions simplifiée unipersonnelle
(SASU) Fontevraud Resort
(Département de Maine-et-Loire)
Exercices 2013-2017
SASU FONTEVRAUD RESORT
1
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
...............................................................................................................................
3
RECOMMANDATIONS
...........................................................................................................
5
INTRODUCTION
......................................................................................................................
6
1
LES STATUTS ET LA GOUVERNANCE
..........................................................................
9
1.1
Les statuts
........................................................................................................................
9
1.1.1
L’autorisation de la région Pays de la Loire
.....................................................................
9
1.1.2
La régularité de l’objet de la filiale
.................................................................................
10
1.1.3 La décision de création
...................................................................................................
11
1.2
La gouvernance
.............................................................................................................
13
2
LE CADRE CONVENTIONNEL
.......................................................................................
14
2.1
L’AOT État
-région
........................................................................................................
15
2.2
L’encadrement juridique des relations SASU
-région
...................................................
16
2.3
L’encadrement juridique des relations SASU
- SOPRAF
.............................................
17
2.4
L’encadrement juridique des relations SASU
-GIE
.......................................................
19
3
LA SITUATION FINANCIERE
.........................................................................................
22
3.1
Régularité des comptes
.................................................................................................
22
3.1.1 Approbation des comptes
...............................................................................................
22
3.1.2 Inventaire
........................................................................................................................
22
3.1.3 Certification des comptes
...............................................................................................
23
3.2
La sous-estimation des dépenses de la SASU
...............................................................
23
3.2.1 La redevance
...................................................................................................................
23
3.2.2 Les dépenses de fonctionnement omises
........................................................................
27
3.2.3
Les dépenses d’équipement omises
................................................................................
27
3.3
Le compte de résultat
....................................................................................................
28
3.4
Le bilan
.........................................................................................................................
30
3.4.1
L’évolution du capital
.....................................................................................................
30
3.4.2 Les dettes
........................................................................................................................
31
3.4.3 Les montants et la nature des immobilisations
...............................................................
32
3.5
Les soldes intermédiaires de gestion
.............................................................................
33
4
L’ACTIVITE
.......................................................................................................................
34
4.1
Les travaux de rénovation de l’hôtel
.............................................................................
34
4.2
Les études prévisionnelles de 2013 et leur utilisation
..................................................
34
4.3
Le suivi de l’activité
......................................................................................................
37
4.3.1 Les outils de pilotage 2014-2016
....................................................................................
37
4.3.2
Le pilotage de l’activité en 2017
.....................................................................................
38
4.4
Les activités portées
......................................................................................................
39
4.5
Le suivi de la satisfaction de la clientèle
......................................................................
39
4.6
Les achats
......................................................................................................................
40
4.7
L’information du conseil d’administration de la SEM sur l’activité de la filiale
.........
41
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
2
5
LE PERSONNEL
................................................................................................................
44
5.1
Les effectifs
...................................................................................................................
44
5.2
La situation de M. X…
.................................................................................................
44
5.3
La situation de Mme Y…
.............................................................................................
46
SASU FONTEVRAUD RESORT
3
SYNTHÈSE
L’abbaye de Fontevraud est un monument historique appartenant à l’État. La région
Pays de la Loire en assure la gestion par le biais de quatre structures juridiques dont la chambre
régionale des comptes examine les comptes et la gestion. Le présent rapport est la troisième
publication de cette série de quatre contrôles.
En 2012, la région Pays de la Loire a dépensé plus de 15
M€ pour restaurer et aménager
l’hôtel
-
restaurant situé au sein de l’abbaye.
Au printemps 2013, pour exploiter cet ensemble, il a été décidé de créer une société
(dite « Fontevraud Resort »
), dont l’actionnaire unique est la société d’économie mixte (SE
M)
régionale. Cette décision a été prise sans que ne soient examinées sérieusement d’autres options,
en particulier la gestion par une chaîne hôtelière privée. La chambre estime que les élus du
conseil régional et les membres du conseil d’administration de
la SEM régionale n’ont pas
disposé des informations utiles et nécessaires, notamment juridiques et financières, pour décider
en toute connaissance de cause sur ce dossier.
Depuis 2014, la société Fontevraud Resort gère cet hôtel haut de gamme (4 étoiles,
50 chambres), un restaurant gastronomique (1 étoile Michelin en 2017, environ 60 couverts),
deux lieux de petite restauration et organise des activités d’événementiel (mariages, séminaires
d’entreprise, etc.). Son chiffre d’affaires
annuel
est de l’ordre
de 3,6
M€ et elle emploie
40 personnes.
En 2017, le taux d’occupation de l’hôtel est en moyenne d
e 49,2 %
1
. Le prix moyen par
chambre louée est de 136
€, le prix moyen par
couvert au restaurant est de 93
€.
Dès l’origine et en raison de la nature de son
activité, cette filiale a été très fragile sur le
plan juridique. En effet, son activité n’entre pas aisément dans les catégories de service public
ou d’intérêt général. De plus, la rédaction des actes encadrant son activité opérationnelle
présente d’imp
ortantes lacunes. Par exemple, les clients, le personnel et les fournisseurs de
l’hôtel
-restaurant utilisent tous les jours des espaces pour lesquels il est impossible de
déterminer qui serait responsable en cas d’accident. Cette carence doit faire l’objet d’un
correctif immédiat.
1
Le taux moyen en France, en 2015, pour les hôtels 4 étoiles est de 59,4 %. En Anjou, tous hôtels
confondus, le taux moyen d’occupation
était de 55 % en 2016.
S’agissant des hôtels 4 et 5 étoiles, le faible taux
de réponse ne permet pas d’obtenir une statistique pertinente.
anjou-2/
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
4
En raison de retards dans la livraison des travaux en 2014, de choix de gestion peu avisés
et d’un contexte touristique difficile
, Fon
tevraud Resort a perdu plus d’un million d’euros
entre
2014 et 2016. Pour faire face à ces graves difficultés financières et éviter la liquidation de la
société, la région a dû faire un apport en capital de 1,1
M€ fin 2016, qui s’est ajou
té au
versement initial de 850 000
en 2014.
Le montant des pertes aurait été plus important encore si les comptes avaient été
réguliers. Par divers mécanismes, toute une série de dépenses qui auraient dû être à la charge
de Fontevraud Resort ont été payées en réalité soit par la région directement, soit par des
organismes financés par la région. Dès lors, une partie de ces aides publiques irrégulières
pourraient être à rembourser.
La chambre relève également de lourdes défaillances dans le pilotage de l’activité et
l’information
très
lacunaire du conseil d’administration de la SEM régionale.
Des correctifs et un plan de relance ont été mis en place en 2017 mais il reste beaucoup
de régularisations de gestion et de pilotage à effectuer dans cette structure. La chambre engage
la société à s’assurer qu’elle dispose bien d’une vision complète et actualisée de ses cha
rges, ce
qui n’est toujours pas le cas actuellement en raison de relations financières peu lisibles entre les
différentes structures œuvrant sur le site de l’abbaye.
SASU FONTEVRAUD RESORT
5
RECOMMANDATIONS
Recommandation n°
1
:
Régulariser l’objet social de la SASU afin de respecter les
dispositions de l’article L. 1521
-1 du CGCT.
Recommandation n°
2
: Revoir avec toutes les parties prenantes le cadre juridique
d’occupation du site et d’intervention de la société.
Recommandation n°
3 :
Après analyse de la couverture assurantielle des clients, des
fournisseurs et des employés de la SASU dans leurs activités, régulariser le cadre juridique
d’intervention et d’exploitation sur les espaces hors AOT St Lazare.
Recommandation n°
4 :
Se rapprocher du GIE afin d’obtenir une définition précise des
services rendus et des tarifications en regard, conformément au contrat constitutif et au
règlement intérieur du GIE.
Recommandation n°
5
: Acquitter les sommes dues en application du contrat constitutif et du
règlement intérieur du GIE, en respectant les délais prescrits.
Recommandation n°
6
: Analyser le bénéfice coût-
avantage de l’adhésion d
e la SASU au GIE
et arbitrer à brève échéance (au plus tard au 1
er
juin 2020) quant au maintien ou non de la SASU
au sein du groupement.
Recommandation n°
7
:
Se conformer à l’article R. 123
-177 du code de commerce et effectuer
un inventaire complet et régulier des biens pr
ésents sur le site de l’hôtel
-restaurant.
Recommandation n°
8
:
Conformément à l’article 8 de l’AOT et en application de l’article
107 du TFUE, réviser les conditions financières de l’AOT.
Recommandation n°
9
:
S’acquitter de la redevance à verser à la région aux dates et pour un
montant cor
rects conformément aux dispositions conventionnelles de l’AOT et aux articles
L. 2125-4 et s. et R. 2125-1 et s. du CG3P.
Recommandation n°
10
: Renforcer le suivi de la satisfaction de la clientèle.
Recommandation n°
11
: Conformément au mandat social du directeur général, fournir au
consei
l d’administration de la SEM l’ensemble les éléments nécessaires pour décider de
manière éclairée sur le présent et l’avenir de sa filiale.
Recommandation n°
12
: Verser les primes individuelles conformément aux dispositions
contractuelles entre employeur et employé.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
6
INTRODUCTION
Éléments de contexte
Fondée au XIIème siècle, l'abbaye royale de Fontevraud est l'un des plus vastes
ensembles monastiques d'Europe. Au cours de la révolution française, cet ensemble devient
bien national, puis est transformé en 1804 par Napoléon Ier en établissement pénitentiaire. Le
site a pu accueillir jusqu’à 1 500 prisonniers dans les années 1940. Le centre de rétention a été
fermé en 1963 mais les derniers prisonniers (contribuant à l'entretien du site) ne quitteront
Fontevraud qu’en 1985.
En
1975, l’association Centre culturel de l'Ouest (CCO) est créée sous l’impulsion de
l’État afin d’assurer l'animation et la promotion de l’abbaye. Jusqu’à la fin des années 2000, le
C
entre des monuments nationaux perçoit les droits d’entrée sur le site. La
gestion est alors
conjointe avec le CCO.
En 2009, l'État et la région Pays de la Loire, estimant que ce mode de gestion était
insuffisant pour assurer le développement touristique, économique et culturel du site, ont
convenu de le modifier. Un schéma directeur des usages et vocations des espaces et des
bâtiments est arrêté. Plusieurs conventions sont alors signées organisant les rapports entre
l’État, la région, l’association CCO et une société publique locale, créée en 2010 et dont la
région est le principal actionnaire :
la SOPRAF (société publique régionale de l’abbaye de
Fontevraud).
L’État reste toujours propriétaire du sol comme des bâtiments. Cependant, la région
s’est vue confier la gestion opérationnelle du site par une première convention pour
les années
2009 à 2014 puis, par une seconde convention pour les années 2014 à 2032. Sur certaines parties
du site (dont l’hôtel), l’État octroie à la région des autorisations d’occupation temporaire (AOT)
d’une durée de 30 ans. Ces AOT permettent à la rég
ion de conduire des travaux sur ces espaces,
et d’y être dotée de pouvoirs de quasi
-propriétaire.
En 2012-
2013, la région a conduit des travaux majeurs pour restaurer l’ancien hôtel de
l’abbaye
et créer une chaufferie
pour un coût de l’ordre de 20 M€. Fin
2013, le conseil régional
a autorisé la société d’économie mixte régionale (SEM régionale) à créer une filiale dont elle
est l’unique actionnaire, la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU)
« Fontevraud
Resort »
, pour gérer l’hôtel et le rest
aurant.
Le nouveau cadre de la gestion du site étant fixé, l’association CCO se recentre
progressivement sur la stricte animation culturelle de l’abbaye alors que la SOPRAF monte
progressivement en charge. Cette société est d’abord chargée de conduire, po
ur la région, des
actions de promotion touristique, de communication, de développement culturel (par exemple
sur le monde souterrain saumurois) ou de développement numérique. Elle assure la gestion des
espaces sous AOT (et donc le suivi de travaux). En 2014, elle prend en charge tout le volet
touristique de l’abbaye
:
c’est désormais elle qui est en charge de la billetterie, de l’accueil des
touristes, de l’entretien du site, de la location d’espaces pour des séminaires.
Enfin, pour fournir à toutes ces structures des services support, il a été décidé, en 2013,
de créer un groupement d’intérêt économique (GIE), qui assure ces services au bénéfice de
l’association CCO, de la SOPRAF et de Fontevraud Resort.
SASU FONTEVRAUD RESORT
7
Au cours de l’année 2016, 130 personnes ont travaillé à l’abbaye pour les différentes
structures ci-dessus nommées (hors intérim et contrats avec des autoentreprises).
Enfin, le sol et les bâtiments appartenant toujours à l’État et le site étant reconnu
monument historique depuis le XIXème siècle, les gros travaux de restauration sont cofinancés
par l’État et la région et inscrits dans le contrat de plan État
-Région. Ils sont effectués sous le
contrôle du conservateur des monuments historiques de Maine-et-Loire. Sur le contrat de plan
2008-
2014, 8 M€ de tr
avaux de restauration ont été payés (66 %, État, 33 % région). Sur le
contrat de plan 2015-
2020, 4,8 M€ sont prévus (2,8 M€ apportés par l’État, 1,9 M€ financés
par la région, soit 60 % État, 40 % région).
Toutes les structures liées à la gestion de l’abba
ye sont financées directement ou
indirectement par la région Pays de la Loire. À l’exclusion de la SEM régionale, elles sont
examinées conjointement par la chambre régionale des comptes. Elles font l’objet de rapports
spécifiques.
Afin de visualiser le
montage institutionnel, les services administratifs de l’abbaye ont
produit le schéma suivant.
Schéma d’organisation des différentes structures, selon les services administratifs de
l’abbaye (état en mai 2017)
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
8
La SASU Fontevraud Resort
La société Fontevraud Resort a été créée par décision du 19 avril 2013 de la société
d’économie mixte
(SEM) régionale sous forme de société par actions simplifiée unipersonnelle
(SASU). Elle emploie actuellement une quarantaine de salariés et a un chiffre d’affaire de
l’ordre de 3,6
M€ en 2017.
Le capital de la SASU Fontevraud Resort est possédé par la SEM de la région Pays de
la Loire, qui a été présidée, sur la période :
- par M. Jacques Auxiette (du 31 mai 2010 au 25 février 2016) ;
- par M. Bruno Retailleau (du 25 février 2016 au 17 novembre 2017) ;
- par Mme Christelle Morançais (du
17 novembre 2017 à aujourd’hui).
Les représentants permanent de la SEM chargés de présider la SASU (nommés en
conseil d’administration de la SEM)
sont :
- du 19 avril 2013 au 19 sept 2016 : M. Denis Caille ;
- du 19 sept 2016 à
aujourd’hui
: M. Dominique Mariani.
Pendant la période sous contrôle (2013-2017), les directeurs généraux de la SASU ont
été :
- du 19 avril 2013 au 20 juin 2013 : pas de directeur général nommé ;
- du 20 juin 2013 au 30 septembre 2016 : M. David Martin, directeur général ;
- du 1er octobre 2016 au 6 décembre 2016 : pas de directeur général nommé ;
- du 6 décembre 2016 au 9 juin 2018 : M. Antoine Godbert, directeur général ;
- du 9
juin 2018 à aujourd’hui
: pas de directeur général nommé.
En vertu de l’article L.
211-8 du code des juridictions financières, la chambre régionale
des comptes peut assurer la vérification des comptes des établissements, sociétés, groupements
et organismes, quel que soit leur sta
tut juridique, auxquels les collectivités territoriales (…)
apportent un concours financier supérieur à 1 500
€ ou dans lesquelles ils détiennent,
séparément ou ensemble, plus de la moitié du capital ou des voix dans les organes délibérants,
ou exercent un
pouvoir de gestion. Par ailleurs, l’article L.
211-9 prévoit, notamment, que la
chambre régionale des comptes examine la gestion de ces mêmes établissements.
Le contrôle des comptes et de la gestion de la SASU Fontevraud Resort a été inscrit au
programme de la chambre régionale des comptes Pays de la Loire par arrêté n° 2017-11 du
23 février 2017. Le contrôle a été ouvert par lettres adressées le 13 mars 2017 à
M. David Martin et M. Antoine Godbert et le 12 avril 2018 à M. Denis Caille et
M. Dominique Mariani. Les entretiens de clôture ont été réalisés les 3 et 4 mai 2018 avec
M. Antoine Godbert, M. David Martin, M. Dominique Mariani, M. Denis Caille.
La chambre a arrêté ses observations provisoires le 24 mai 2018. Les réponses aux
observations provisoires ont été reçues entre le 24 et le 30 juillet 2018. La chambre a arrêté ses
observations définitives le 6 novembre 2018.
SASU FONTEVRAUD RESORT
9
1
LES STATUTS ET LA GOUVERNANCE
1.1
Les statuts
La société Fontevraud Resort a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés
de Nantes le 23 mai 2013.
La société a pour objet «
l’exploitation et la gestion des activités hôtelières, de
restauration et événementielles (congrès, séminaires, événements privés), et, généralement,
toutes opérations financières, commerciales, industrielles, mobilières et immobilières, pouvant
se rattacher directement ou indirectement à l’objet ci
-dessus ou tous objets similaires ou
connexes, de nature à favoriser son extension ou son développement ».
En pratique, la société exploite un hôtel 4 étoiles, un restaurant doté d’une étoile
Michelin depuis 2017 et deux lieux de restauration rapide l’été. Elle organise également des
séminaires, des événements d’entreprise e
t des mariages.
Elle a son siège social à l’abbaye de Fontevraud, et a été créée pour 99 ans.
1.1.1
L’autorisation de la région Pays de la Loire
Les
sociétés d’économie mixte
locales peuvent prendre des participations dans des
sociétés ou créer des filiales.
C
ependant, l’article L. 1524
-5 alinéa 16 du code général des collectivités territoriales
(CGCT) dispose que «
toute prise de participation d’une société d’économie mixte locale dans
le capital d’une société commerciale fait préalablement l’objet d’un accord
express de la ou des
collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires disposant d’un siège au conseil
d’administration
».
La commission permanente du conseil régional a donné son accord pour la création de
la SASU le 8 avril 2013. Cet accord limitait le capital social de la filiale à 500 000
€. Cette
condition n’a pas été respectée. Dès l’automne 2013, le capital de la société a connu une
augmentation de 750 000
€. Une deuxième augmentation de capital d
e 1,1
M€ a été décidée fin
2016
2
.
2
L
’augmentation du capita
l du 22 décembre 2016 aurait pu être
estimée par le représentant de l’Etat
comme «
une délibération du conseil d'administration (…) de nature à augmenter gravement la charge financière
d'une ou plusieurs des collectivités territoriales ou de leurs groupeme
nts actionnaires » au sens de l’article
L. 1524-2 du CGCT, et entraîner la saisine pour avis de la chambre régionale des comptes.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
10
1.1.2
La
régularité de l’objet de la filiale
Aux termes de l’article L.
1521-1 du CGCT : « Les communes, les départements, les
régions et leurs groupements peuvent, dans le cadre des compétences qui leur sont reconnues
par la loi, créer des sociétés d'économie mixte locales qui les associent à une ou plusieurs
personnes privées et, éventuellement, à d'autres personnes publiques pour réaliser des
opérations d'aménagement, de construction, pour exploiter des services publics à caractère
industriel ou commercial, ou pour toute autre activité d'intérêt général; lorsque l'objet de
sociétés d'économie mixte locales inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être
complémentaires. »
La prise de participation dans une autre société ou la création d’une filiale ne doit
donc
pas conduire la SEM à s’intéresser à des activités que l’article L.
1521-
1 du CGCT n’admettrait
pas dans l’objet social de la SEM elle
-même ou que cet objet social ne comprendrait pas. La
création de filiale ou les prises de participation ne doivent pas avoir pour objet ou pour effet le
contournement de la limitation de l’objet social de la SEM.
L’exploitation d’un hôtel par une société d’économie mixte locale ou une de ses filiales
n’est donc possible que si deux conditions sont remplies
:
d’une p
art, la SEM (et sa filiale) doit rester strictement dans le cadre des compétences
de son actionnaire public (en l’occurrence les compétences de la région)
;
d’autre part, la SEM (et sa filiale) doit exploiter soit un service public à caractère
industriel
et commercial (SPIC), soit une activité d’intérêt général.
À cet égard, le libellé de l’objet statutaire de la SASU est excessivement large
:
«
l’exploitation et la gestion des activités hôtelières, de restauration et événementielles et
généralement toute
s opérations (…) pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet
ci-
dessus ou (…) de nature à favoriser son extension ou son développement
». Il ne se rattache
pas explicitement à la politique de développement économique du territoire, objet statutaire de
la SEM actionnaire, et compétence de la région Pays de la Loire.
De plus, la SASU exploite l’hôtel dans le cadre d’une autorisation d’occupation
temporaire (AOT) et non d’une délégation de service public (DSP). Le choix d’une AOT exclut
l’existence d’un service public et requiert donc la démonstration du caractère d’intérêt général
de l’activité exercée pour permettre la réalisation des objectifs de développement économique
,
qui ne saurait se présumer.
Le juge administratif exerce un contrôle vi
gilant de l’intérêt général et en particulier de
l’existence d’un intérêt public local justifiant une intervention dans un secteur d’initiative
privée. Le Conseil d’État a admis qu’une SEM peut prendre en charge une mission d’intérêt
général et exercer une
activité commerciale même en l’absence de carence ou d’insuffisance de
l’activité privée, si cette activité commerciale est complémentaire de son activité d’intérêt
général
3
.
3
CE 5 juillet 2010 n° 30 85 64 Syndicat national des agences de voyage. En réponse aux observations
provisoires, la président
e de la région s’est appuyée sur l’arrêt CE 12 mars 1999 Ville de Paris, n°
186 085 et les
conclusions du commissaire du gouvernement pour affirmer qu’il y avait service public et par conséquent intérêt
général dès lors que «
les activités d’hôtellerie et
restauration fonctionnent dans un service public ». La chambre
SASU FONTEVRAUD RESORT
11
En l’occurrence, ce lien de complémentarité semble très difficile à établir. L’activité de
la filiale devrait au moins être complémentaire à l’objet social de la société d’économie mixte
.
De ce fait, et sous réserve de l’appréciation du juge compétent, la SEM régionale paraît
avoir créé une filiale hors de son champ de compétence. La chambre souligne par conséquent
la fragilité juridique intrinsèque de ladite filiale.
Recommandation n° 1 :
Régulariser l’objet social de la SASU afin de respecter les
dispositions de l’article L. 1521
-1 du CGCT.
En réponse aux observations provisoires, la présidente du conseil régional a fait valoir
que cette modification statutaire ne lui semblait pas s’imposer car
«
le champ d’intervention la
SASU reste bien encadré par les principes d’ordre public
». Quand bien même il va de soi que
les dispositions statutaires de la SASU ne sauraient déroger à des principes juridiques
supérieurs,
la chambre maintient qu’
une clarification des statuts de la SASU ne pourrait être
que profitable.
1.1.3
La décision de création
La décision de créer une filiale de la SEM
régionale pour porter les activités d’hôtellerie
-
restauration et d’événementiel a été prise en avril 2013, soit trois ans après la décision de la
commission permanente du conseil régional de lancer les travaux de rénovation de l’hôtel
restaurant et de créer une chaufferie (17 mai 2010). Ces travaux portaient sur un montant total
de l’ordre de 21 M€
HT.
L’organisme n’a pas été en mesure de présenter sur quelles études
précises antérieures
à 2013
avait été prise la décision de s’engager dans la gestion d’un
hôtel-restaurant en interne.
Les documents présentés en réponse aux observations provisoires demeurent flous quant aux
avantages et inconvénients des deux modes de gestion (en interne ou externalisé).
La décision de créer cette société a été prise en deux étapes : en premier lieu par la
commission permanente du conseil régional, puis par le conseil d’administration de la SEM
régionale. Les deux organes étaient alors (en 2013) présidés par M. Jacques Auxiette.
La décision de créer une société a été présenté
e au conseil d’administration de la SEM
le 14 janvier 2013 comme un « choix retenu »
, avant même que ne soient analysées d’autres
options et en particulier la possibilité de confier la gestion de l’hôtel à un groupe privé
spécialiste du secteur. Or, c’était au conseil d’administration de la SEM seul de décider s’il
créait ou non une filiale.
Parallèlement, la décision de créer une société a été présentée à la commission
permanente du conseil régional du 8 avril 2013 comme « prise ». Ce point est également
irrégulier car, en application de l’article L.
1524-
5 du CGCT, c’était à la commission
permanente de décider de créer la filiale.
considère qu’il s’agit d’une lecture erronée de cet arrêt, la localisation de l’hôtel au sein de l’abbaye n’entraine
nullement la qualification automatique de l’activité comme de service public
ou d’intérêt général.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
12
Ce choix a été validé par la commission permanente sans que celle-ci ne dispose
d’information quant aux perspectives financiè
res de la structure, aux éventuels risques pris, ni
à la possibilité d’options alternatives.
Une étude «
sur l’internalisation ou l’externalisation de l’hôtel
» a certes été présentée
au conseil d’administration de la SEM le 19 avril 2013, mais c’était 11 jours après la décision
de la commission permanente du conseil régional en faveur de la création de la SASU.
L’étude présentée au conseil d’administration du 1
9 avril 2013 ne comporte pas
d’éléments précis quant aux échanges qui auraient été menés avec des représentants de groupes
hôteliers. Il n’y a pas eu d’analyse approfondie des avantages et inconvénients des différentes
options.
M. David Martin a indiqué a
u conseil d’administration que
« les opérateurs privés
indiquaient ne pouvoir verser qu’un loyer proche de zéro
», que « les groupes hôteliers sont
intéressés pour apposer une franchise, mais non pas forcément pour gérer le lieu parce que ceci
est compliqu
é et n’apporte pas suffisamment de garanties pour reverser un loyer qui devrait être
plutôt de 10 à 15 % du chiffre d’affaires. Ils sont d’accord pour se positionner, mais à leurs
conditions uniquement ».
En réponse aux observations provisoires, il a indi
qué qu’il n’avait
personnellement
rencontré que deux groupes et que les autres échanges (dont la nature reste indéterminée après
instruction de la chambre),
ont été le fait d’un cabinet de conseil.
Aucun élément plus précis n’a été fourni aux membres du conseil d’administration de
la SEM. La question du niveau de loyer que verseraient les hôteliers à la région n’a donc pas
été débattue. L’hypothèse d’un loyer, même bas, n’a pas été explorée. Il s’agit pourtant d’un
point essentiel qui aurait permis au conse
il d’administration de la SEM d’opter pour la création
d’une filiale en toute connaissance de cause.
L’argumentation en faveur de la gestion de l’hôtel
-restaurant par une filiale de la SEM
repose donc avant tout sur l’argument de la
« spécificité du site ». Cet argument ne parait pas
suffisamment solide pour emporter la décision de confier à une structure à créer la gestion d’un
équipement public sur lequel la région venait de réaliser plus de 16
M€ de travaux.
De la même manière, il n’y a pas non plus eu d’échanges sur le choix de créer un
restaurant gastronomique, activité qui, par nature, trouve difficilement son équilibre
économique, ni de débats sur le niveau de qualité choisi pour l’hôtel (4 étoiles), option qui
emporte pourtant des conséquences sérieuses en termes de charges de personnel, ni
d’information du conseil d’administration sur le choix du cadre juridique d’intervention de la
filiale (en l’occurrence une autorisation d’occupation temporaire).
Le 19 avril 2013, un membre
du conseil d’admini
stration a pourtant formulé des
inquiétudes : «
Aucun opérateur privé ne s’est positionné. Le modèle économique sur le lequel
(le projet) est fondé n’est pas viable. Aucun élément financier précis ne montre quel va être
l’engagement de la région, l’engagement financier annuel qu’il va falloir assumer puisque,
manifestement, l’exploitation ne permettra pas d’équilibrer les comptes
». Aucun élément
concret n’a été apporté pour répondre à ces interrogations.
SASU FONTEVRAUD RESORT
13
Lors de cette même réunion, un autre membre du con
seil d’administration a soulevé le
risque de commercialisation lié au fait pour l’hôtel de ne pas appartenir aux réseaux
traditionnels de l’hôtellerie. Il a été répondu que la société à créer
«
s’intègrerait dans ces
réseaux » sans élément plus précis.
La
Caisse des dépôts, actionnaire de la SEM, s’est abstenue lors du vote.
Enfin, contrairement à ce que recommande la fédération des entreprises publiques
locales avant toute décision portant sur la création d’une filiale, il n’y a eu aucun débat quant
au n
iveau de capitalisation de la future société, aucun élément chiffré sur l’équilibre, le chiffrage
des investissements de départ, le compte prévisionnel sur trois ans, le plan de trésorerie mensuel
des 12 premiers mois. Aucun élément sur la rentabilité intr
insèque du projet n’a été présenté.
En dépit de cette information très lacunaire, le conseil d’administration de la SEM donne
son accord sur la création et les statuts de la filiale. Ainsi, la décision de créer une filiale de la
SEM a été prise sans que ni la commission permanente du conseil régional, ni le conseil
d’administration de la SEM ne disposent des éléments nécessaires pour prendre une décision
éclairée.
Au-delà des aspects de régularité, ces conditions de création ont eu pour effet de priver
la SASU de bases juridiques et financières solides pour exercer son activité.
1.2
La gouvernance
La SAS a un actionnaire unique, la SEM régionale, personne morale qui la préside. Le
conseil d’administration de la SEM régionale nomme un représentant permanent.
Les
représentants permanents successifs chargés de présider la SASU ont été, du 19 avril 2013 au
19 septembre 2016
4
,
M. Denis Caille
et
du
19 septembre
2016
à
aujourd’hui
M. Dominique Mariani.
Ces nominations de représentants permanents n’appellent pas d’observation.
4
En réponse aux observations provisoires, M. Denis Caille a indiqué que son contrat de travail avec la
Scet portant mise à disposition de la Sem régionale avait pris fin au 31 mai 2016. Cependant, la qualité de
« représentant permanent de la Sem régionale présidente de la SASU » étant un mandat social, bénévole, attribué
par décision du conseil d’administration de la Sem régionale du 19 avril 2013, cette qualité est distincte de celle
de directeur général de la Sem. Ce mandat n
’est donc
pas affecté par le départ de M. Denis Caille de la Sem le
31
mai 2016. Par conséquent, et en l’absence de toute décision contraire du conseil d’administration avant cette
date, M. Denis Caille était bien représentant permanent de la Sem régionale au sein de la SASU
jusqu’au
19 septembre 2016.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
14
L’article 13 des statuts prévoit que
«
la société est gérée et administrée par l’associé
unique qui en assure la présidence ». Le président peut «
être assisté d’un ou plusieurs
directeurs
généraux »
, nommés sur proposition du président en conseil d’administration de la SEM
régionale. S’il reste subordonné au président, le directeur dispose d’une large autonomie de
gestion. Il doit suivre et rendre compte au conseil d’administration de la SEM de l’activité de
la SASU.
Pendant la période sous contrôle (2013-
2017), il n’y a pas eu de directeur nommé du
19 avril au 20 juin 2013 et du 1er octobre au 6 décembre 2016. Sur le reste de la période,
M. David Martin a été directeur général du 20 juin 2013 au 30 septembre 2016, et
M. Antoine Godbert du 6 décembre 2016 au 31 décembre 2017.
Les nominations des directeurs généraux successifs et la définition de leurs mandats
n’appellent pas d’observations.
2
LE CADRE CONVENTIONNEL
L’abbaye de Fontevraud est la propriété de l’État. Plusieurs structures interviennent
directement ou indirectement dans sa gestion et son exploitation : la région Pays de la Loire,
l’association Fontevraud Centre Culturel de l’Ouest, la société publique locale SOPRAF, le
groupement d’intérêt économique Fontevraud.
Sur le plan suivant, il faut distinguer «
l’AOT St Lazare
», au sein duquel est situé le
bâtiment principal de l’hôtel
-restaurant, des autres espaces, dits « hors AOT St Lazare »
(entourés de rouge). Les clients
de l’hôtel se garent sur l’espace du
« couvent de la Madeleine ».
Pour organiser l’exploitation de l’hôtel
-restaurant et des activités de séminaires sur cet espace
en relation avec les autres structures intervenant sur le site, plusieurs actes et conventions ont
été établis.
SASU FONTEVRAUD RESORT
15
2.1
L’AOT État
-région
Le 24 décembre 2009, l’État a consenti à la région Pays de la Loire une autorisation
d’occupation temporaire du domaine public, constitutive de droits réels (dite
« AOT
St Lazare ») à partir du 1er janvier 2010 et pour une période de 30 ans, en vue de la
réhabilitation des parties restauration hôtellerie du prieuré St Lazare et du pavillon du Liban.
La parcelle est de 8 577 m², soit environ un hectare. Elle comprend des bâtiments et des
jardins.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
16
La région s’est engagée par cet acte à effectuer des travaux sur les bâtiments visant à
améliorer le confort, mettre aux normes, « maintenir autant que possible le nombre de
chambres », « créer un espace bien être » et améliorer la performance énergétique des
bâtiments.
L’AOT prévoit la possibilité pour la région
«
d’accorder des droits de jouissance
précaires et révocables sur tout ou partie du domaine »
. L’AOT ne confère aucun droit au
maintien dans les lieux, ni aucun droit reconnu au locataire d’immeub
les à usage commercial,
industriel ou artisanal. L’État peut à tout moment et pour quelque motif que ce soit retirer
l’autorisation avant le terme fixé.
En 2039, à l’issue de l’AOT, les constructions et installations réalisées par la région ne
seront pas
détruites, l’État en deviendra propriétaire.
Cet acte encadre régulièrement l’intervention de la région Pays de la Loire sur l’espace
de l’hôtel
-restaurant et ses abords.
2.2
L’encadrement juridique des relations SASU
-région
Par arrêté du 17 juin 2014, la rég
ion a décidé de consentir une autorisation d’occupation
du domaine public au bénéfice de la SASU Fontevraud Resort. Le signataire de l’arrêté est le
président du conseil régional, M. Jacques Auxiette. Cette autorisation ne comprend pas de droits
réels sur
le bien. L’autorisation comprend un article prévoyant la conclusion d’une
« convention
d’occupation du domaine public pour une durée de 6 ans
».
Cette autorisation comporte tout d’abord une fragilité substantielle
:
l’arrêté ne vise pas
l’autorisation de l’État, alors même que celle
-ci est obligatoire avant tout octroi de droits de
jouissance précaires supérieur à six mois (AOT État-région, art 6).
Cette autorisation d’occupation du domaine public pose de nombreuses difficultés
:
-
il y a une ambigüité sur la nature de l’autorisation entre un acte unilatéral et une convention
;
-
le périmètre de l’autorisation mentionné dans l’arrêté est contradictoire avec le périmètre
mentionné dans la convention ;
-
il existe une contradiction en
tre la mention de l’arrêté et celle de la convention sur les conditions
financières de l’autorisation
;
-
à la date de signature de l’arrêté et de la convention (17 juin 2014), les dispositions des articles
L. 2124-32-1 et s. du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) introduites par
l’article 72 de la loi n° 2014
-
626 du 18 juin 2014 (publié au JO le 19 juin) n’étaient pas entrées en
vigueur : un fonds de commerce ne pouvait pas, alors, être exploité sur le domaine public.
Par ailleurs,
l’article 9 de la convention (clause de résiliation pour motif d’intérêt
général) prévoit l’indemnisation de la SASU du préjudice direct, matériel et certain né de
l'éviction anticipée, par application du 3e alinéa de l’article L. 2122
-9 du CG3P, alors que ces
dispositions ne sont applicables qu’à l’État et à ses établissements publics. Si cette résiliation
devait survenir, la SASU ne serait donc pas assurée de pouvoir bénéficier de ces dispositions.
Enfin, à la date de l’arrêté et de la convention, les dispositions de l’article L. 2122
-1-1
du CG3P n’étaient pas entrées en vigueur. Celles
-ci exigent une mise en concurrence lorsque
l’autorisation d’occuper le domaine public est en vue d'une exploitation économique. Elles ne
s’appliqueront qu’au terme de l’ar
rêté, en 2020. Toutefois, la SASU doit intégrer dès
SASU FONTEVRAUD RESORT
17
aujourd’hui ce facteur d’incertitude dans sa vision pluriannuelle de la continuité de son
exploitation.
Au-delà des problèmes de régularité, la chambre note le caractère très problématique de
l’écart entre le périmètre de l’arrêté et celui de la convention. La responsabilité juridique sur les
espaces verts qui entourent l’hôtel
-
restaurant n’est pas clairement établie. Clients, fournisseurs,
visiteurs et salariés utilisent tous les jours ces espaces. Le problème en terme de responsabilité
est patent et doit être réglé dans les meilleurs délais.
Par ailleurs, la convention n’a pas été mise en œuvre de manière régulière
:
-
contrairement à l’article 2 de la convention, aucune liste du matériel et mobilier m
is à disposition
de la SASU par la région n’a été établie
;
-
contrairement à l’article 2 de la convention, aucun état des lieux d’entrée n’a été établi
;
-
contrairement au préambule, à l’article 5.1 et
à
l’article 8.3 de la convention, les conventions
prévues pour sécuriser les relations entre la SASU et la SOPRAF n’ont pas été mises en place
;
-
contrairement à l’article 8 de la convention qui prévoit un réexamen des conditions financières en
2017, aucun
réexamen de ces conditions n’a eu lieu
;
-
contrairement à l’article 8 de la convention, la redevance n’est pas payée d’avance et
annuellement.
En réponse aux observations provisoires, la présidence de la SASU
s’est engagé
e à
revoir le cadre juridique d’o
ccupation du site de la société au cours des années 2018 et 2019.
Recommandation n° 2 : Revoir avec toutes les parties prenantes le cadre juridique
d’occupation du site et d’intervention de la société.
2.3
L’encadrement juridique des relations SASU
- SOPRAF
La
SOPRAF, qui est en charge de la gestion de l’essentiel du site de Fontevraud par
délégation de service public de la région, met à disposition de la SASU de très nombreux
espaces :
-
les clients de l’hôtel
-restaurant peuvent librement visiter le site, tant de jour que de nuit, ce qui
constitue un avantage fondamental pour l’hôtel
;
-
la SOPRAF met à disposition de la SASU un important ensemble de salles de séminaires et
d’événements (y compris dans l’abbatiale) pour permettre l’organisation de séminaires,
évén
ements, mariages, etc. L’ensemble du matériel est également mis à disposition (tables, chaises,
appareils audio et vidéo, chariots, etc.) ;
-
les clients, les fournisseurs et le personnel de la SASU traversent quotidiennement et
obligatoirement des espaces g
érés par la SOPRAF pour accéder à l’hôtel
-restaurant ;
-
les clients, fournisseurs et le personnel de la SASU se garent sur un parking géré par la SOPRAF.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
18
Il existe deux conventions pour organiser les relations entre la SASU et la SOPRAF :
-
convention n° 1 «
de mise à disposition des locaux et des moyens de l’abbaye de Fontevraud
» du
18 décembre 2014 pour un montant de 10 000 € par an, portant sur les espaces suivants
: Anjou 1,
Anjou 2, celliers, Parloirs 1, Parloirs 2, Bas dortoir, Haut dortoir, Grand dortoir, Réfectoire,
Abbatiale, Chapelle St Benoit Cloitre Grand Moutier, Chevet, Terrasse d’Arbrissel, Pelouse du
réfectoire, Parc du logis Bourbon ;
-
convention n° 2 «
de mise à disposition des locaux du café d’Aliénor et l’Orangerie
» du
18
décembre 2014 pour un montant de 15 000 € par an.
Ces conventions sont insuffisantes pour les motifs suivants :
-
il n’existe aucun plan permettant d’identifier précisément le périmètre des locaux loués
;
-
plusieurs espaces utilisés par les clients, le pe
rsonnel ou les fournisseurs de l’hôtel ont été oubliés
et ne relèvent donc pas d’une responsabilité juridique identifiée
;
-
les conventions prévoient la mise à disposition de « prestations » par la SOPRAF au profit de la
SASU sans qu’il soit possible d’identifier précisément ce que recouvre ce terme
;
-
il n’existe pas de liste des éléments (mobilier, matériel) mis à disposition de la SASU par la
SOPRAF ;
-
à la lecture de l’article 5.2 et de l’article 2.2 de la convention n°1, il est impossible de savoir quelle
structure doit entretenir les biens immobiliers concernés ;
-
l’article 6 concernant l’assurance des espaces concernés, en particulier pour la cuisine de
production et les réserves, est obscur ;
-
l’article 8.3 prévoit des engagements de la part du GIE alors même que cette structure juridique
n’est pas signataire de la convention
;
-
rien n’est prévu concernant le paiement des charges des bâtiments mis à disposition (en particulier
électricité, chauffage et ménage).
Concernant les loyers, la chambre constate :
-
l’article 8.1 de la convention n° 1 prévoit le versement d’un loyer annuel de 10 000 €
HT, ce qui
n’est proportionné ni aux surfaces et biens à disposition, ni au chiffre d’affaires
effectué sur
l’activité de séminaire et réception par la SASU (en 2016, chiffre d’affaires du tourisme d’affaire
s :
838 465 €). De plus la mise à disposition de l’ensemble du site de l’abbaye tant la journée que la
nuit constitue un atout majeur pour l’hôt
el.
-
le loyer de 25 000 €
HT pour les espaces « Alienor et Orangerie » ainsi que leurs équipements
parait également faible par rapport au chiffre d’affaires restauration effectué dans ces deux espaces,
supérieur à 150 000 € sur tous les exercices sauf 2015
.
Ces loyers paraissent donc sous-
estimés par rapport à l’importance des services fournis
par la SOPRAF à la SASU.
Enfin et surtout, au vu des conventions, de leurs lacunes et des modalités d’exploitation
de la SASU, il n’est pas possible en l’état de dé
terminer la responsabilité respective de chacune
des personnes morales (région, SASU, GIE, SOPRAF, CCO) intervenant sur le site et partant
les conditions d’assurance induites.
SASU FONTEVRAUD RESORT
19
Par exemple, la convention n° 1 indique que la SOPRAF met à disposition de la SASU
(art 5.1) «
des parkings, locaux d’accueil du public situés à la billetterie et de tout autre usage
commun (mobilier extérieur, signalétique) utilisés par les hôtes de la SASU dans le cadre de
ses activités ».
Cette formule est floue : elle ne comprend pas, par exemple, les jardins autour des
bâtiments, ni les espaces d’exposition nord
-ouest du cloitre Ste Marie ou la salle capitulaire.
Elle ne comprend pas non plus des espaces non utilisés par les clients de la SASU mais utilisés
par les fournisseurs ou le personnel de la SASU comme les réserves situées au niveau du pôle
énergétique ou la cuisine de production.
Il n’y a pas non plus de dispositions prévoyant les modalités d’usage lorsque le site est
fermé à la visite. Le simple fait que les clients de
l’hôtel puissent se promener librement dans
l’abbaye de nuit n’est encadré par aucune disposition claire.
Par conséquent, l’identification imprécise des biens et espaces effectivement mis à
disposition de la SASU porte un risque majeur en terme de responsabilité civile et pénale.
En réponse aux observations provisoires, la présidence de la SASU
s’est engagé
e à
réaliser un audit des contrats d’assurance relatif aux activités de la SASU Fontevraud Resort
avant fin 2018 et de mettre en œuvre de
s mesures correctrices en 2019.
Recommandation n°
3 : Après analyse de la couverture assurantielle des clients, des
fournisseurs et des employés de la SASU dans leurs activités, régulariser le cadre
juridique d’intervention et d’exploitation sur les espaces hors AOT St Lazare.
2.4
L’encadrement juridique des relations SASU
-GIE
Le conseil d’administration de la SEM a autorisé l’adhésion de la SASU au GIE
Fontevraud le 30 septembre 2013. Le contrat constitutif du GIE a été signé le 20 novembre
2013. Sur tout ou partie des exercices examinés, le GIE a effectué de nombreuses tâches au
bénéfice de la SASU :
-
entretien et gestion des bâtiments ;
-
entretien et gestion des espaces verts ;
-
communication ;
-
action commerciale ;
-
en partie, ménage et accueil au sein du bar ;
-
comptabilité et gestion des ressources humaines ;
-
administration générale ;
-
gestion des stocks ;
-
direction.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
20
Conformément à l’article L. 251
-
1 du code du commerce, il s’agit d’activités annexes
pour la société Fontevraud Resort dans la mesure où son cœur de métier est l’activité
d’hôtellerie, de restauration ainsi que l’organisation de séminaires et événements.
Le 30 septembre 2016, soit près de trois ans après la création du groupement, les
adhérents du GIE ont adopté un règlement intérieur qui fixe les modalités de financement du
groupement et le niveau des appels de redevance.
Les versements effectifs ne respectent nullement le calendrier fixé. Ainsi, ce n’est qu’en
décembre 2015 que la SASU a versé ses quotes-parts 2014. Pendant ce temps, ce sont donc les
autres structures membres du GIE (en particulier SOPRAF et CCO) qui ont assuré la trésorerie
de l’hôtel.
Par ailleurs le GIE peut augmenter librement la redevance de la SASU pour assurer son
propre équilibre économique. Cela constitue un risque financier significatif pour la SASU en
particulier au vu des dysfonctionnements notés par ailleurs dans la gouvernance du GIE.
Il n’existe pas de définition claire des services rendus par le GIE à la SASU.
Les sommes versées par la SASU au GIE sont très variables sans que ces variations
s’expliquent par une évolution significative du service rendu par le GIE à son adhérent. Ainsi,
suivant les exercices, la SASU verse entre 250 000 € et 450 000 € au GIE.
Montants versés par les adhérents au GIE
En €
Exercice
SOPRAF
CCO
SA Fontevraud
Resort
Total
2014
1 373 520
402 424
135 155
1 911 099
2015
1 811 417
196 473
321 427
2 329 317
2016
1 779 574
213 620
250 654
2 243 848
2017
1 580 724
139 553
448 075
2 168 353
En pourcentage
2014
71,87
21,06
7,07
100
2015
77,77
8,43
13,80
100
2016
79,31
9,52
11,17
100
2017
72.89
6.43
20.66
100
Source : Tableau des clés 2014, 2015, 2016, 2017
De manière répétée sur plusieurs exercices, comme l’a établi la chambre dans son
rapport portant sur le GIE, les clés de répartition de la redevance au GIE ont été construites
pour minimiser les charges supportées par l’hôtel
-restaurant. En 2017, suite notamment aux
recommandations de la chambre de régulariser la situation, la quote-part versée a augmenté de
79 % par rapport au niveau de 2016.
SASU FONTEVRAUD RESORT
21
Recommandation n° 4 :
Se rapprocher du GIE afin d’obtenir une définition précise des
services rendus et des tarifications en regard, conformément au contrat constitutif et au
règlement intérieur du GIE.
Recommandation n° 5 : Acquitter les sommes dues en application du contrat constitutif
et du règlement intérieur du GIE, en respectant les délais prescrits.
Enfin, plusieurs activités portées par le GIE ont un caractère stratégique pour la SASU.
C’est le cas en particulier de l’action
commerciale
(à l’exception du poste de la responsable de
ce secteur)
, de la communication, de la gestion des stocks, de l’entretien ainsi que de la fonction
financière et des ressources humaines dans un contexte où la SASU a de manière récurrente des
difficultés à équilibrer et suivre son activité.
Cette situation fragilise la capacité de la SASU à piloter effectivement son activité. La
SASU n’est en particulier pas en mesure d’avoir une vision claire et en temps réel des charges
qu’elle doit supporter.
Pa
r conséquent, la chambre invite la SASU à s’interroger sur les bénéfices que lui
apporte l’adhésion au GIE au regard des difficultés que cette adhésion entraîne en terme de
gestion opérationnelle et financière.
Recommandation n° 6 : Analyser le bénéfice coût-
avantage de l’adhésion de la SASU
au GIE et arbitrer à brève échéance (au plus tard au 1
er
juin 2020) quant au maintien
ou non de la SASU au sein du groupement.
En réponse aux observations provisoires, la présidence de la SASU a indiqué « avoir
pris
note de la nécessité d’assurer une constru
ction plus rigoureuse de la clé de répartition de la
redevance due au GIE
(…) et la nécessité de renforcer les outils de pilotage par la SASU des
prestations assurées par le GIE ». Elle
s’est engagé
e à « soumettre
au conseil d’administration
de la Sem régionale et à l’assemblée générale du GIE un budget prévisionnel du GIE détaillant
la nature, le niveau et la clé de répartition entre les membres » et à « définir une clé de répartition
plus précise ».
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
22
3
LA SITUATION FINANCIERE
3.1
Régularité des comptes
3.1.1
Approbation des comptes
Par deux fois, pour les exercices 2014 et 2015, la SASU n’a pas approuvé ses comptes
avant le 30 juin. Elle a dû demander un délai au tribunal de commerce. Ces délais,
jusqu’au
31 octobre, lui ont été accordés le 8 juillet 2015 et le 6 juillet 2016. Cette situation est
symptomatique de défaillances dans
l’administration de la société.
3.1.2
Inventaire
L’article R. 123
-177 du code de commerce prévoit : « L'inventaire est le contrôle annuel
de l'existence et de la valeur de tous les éléments d'actif et de passif à la date de clôture. Les
données d'inventaire sont conservées dans les conditions prévues à l'article L. 123-22 et
organisées de manière à justifier le contenu et le mode d'évaluation de chacun des postes du
bilan ».
Il n’existe pas trace d’inventaire physique annuel pour les années 2014, 2015, 2016 et
2017. En l’absence d’inventaire physique annuel, on ne dispose pas de réconciliation entre
l’inventaire théorique et l’inventaire physique, p
our aucun des exercices, en contradiction avec
l’article précité du code de commerce.
Concernant les stocks, aucun élément n’a été fourni à la chambre sur les exercices 2014
à 2016. Au cours de l’année 2017 un suivi mensuel a été mis en place comportant n
otamment
les comestibles, les boissons et l’épicerie.
En réponse aux observations provisoires, M. David Martin a indiqué que « chaque
année (au moins pour 2014, 2015 et 2016) un inventaire annuel complet a été réalisé » et que
«
dès 2015, à l’occasion
des situations mensuelles qui étaient réalisées, un inventaire mensuel
sur les principales rotations est effectué »
. Aucun élément probant n’est
venu soutenir ces
affirmations.
SASU FONTEVRAUD RESORT
23
Il est nécessaire d’effectuer, à brève échéance, un inventaire complet des bien
s situés au
sein de l’hôtel
-restaurant afin de distinguer notamment ceux appartenant à la région de ceux
appartenant à la SASU.
En réponse aux observations provisoires, la présidence de la SASU a indiqué que « une
consultation a été lancée début juin 2018
pour finaliser l’inventaire des immobilisations
» et
s’est engagé à réaliser par la suite une mise à jour annuelle.
Recommandation n° 7 :
Se conformer à l’article R. 123
-177 du code de commerce et
effectuer un inventaire complet et régulier des biens prés
ents sur le site de l’hôtel
restaurant
3.1.3
Certification des comptes
Les comptes sont certifiés pour l’ensemble des exercices sous contrôle.
L’évènement principal mentionné par le commissaire aux comptes est la persistance de
résultats négatifs sur les exerc
ices 2014 à 2016 et la recapitalisation d’un montant de 1,1 M€
effectuée fin 2016 par l’actionnaire unique, de manière à permettre la poursuite de l’activité.
3.2
La sous-estimation des dépenses de la SASU
La chambre constate que, de manière répétée, les dépenses portées par la société ont été
sous-
estimées. De ce fait, la région, la SOPRAF ou l’association CCO, organismes et structures
financées en tout ou partie par le contribuable, apportent de manière répétée des aides
financières ou matérielles à l’entrepr
ise privée Fontevraud Resort.
3.2.1
La redevance
Dans la mesure où la SASU exerce son activité d’exploitation dans le simple cadre d’une
autorisation d’occupation temporaire, sans identification de contraintes de service public
particulières, la redevance qu’ell
e verse devrait être conforme a
ux dispositions de l’article
L. 2125-3 du CG3P. Celui-ci prévoit que « la redevance due pour l'occupation ou l'utilisation
du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de
l'autorisation ».
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
24
Le montant de la redevance ne peut être arbitraire et doit être fonction de critères
objectifs
5
. Le juge administratif opère un contrôle entier sur les éléments pris en compte pour
calculer la redevance et un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation sur le montant de cette
dernière
6
.
Dans ces conditions, toute sous-évaluation par rapport aux conditions du marché ne peut
être justifiée que par des contraintes de service public précisément établies et quantifiées. Ce
n’est nullement le cas ici.
Les doc
uments fournis à la chambre n’ont pas permis d’identifier
très précisément quels
ont été les critères objectifs présidant à la fixation d’une redevance d’un montant de
200 000
TTC par an.
L’autorisation d’occupation du domaine public prévoit en effet le
verseme
nt d’une
redevance de 200 000
TTC, soit 166 667
HT
, c’est
-à-
dire 2,6 € mensuel par m².
Cette redevance est fortement sous-estimée au vu :
-
de l’importance des travaux d’investissement fait par la région sur l’hôtel
-restaurant en 2013
(15
M€
HT) ;
-
de la durée maximale usuelle des emprunts « travaux » que peut contracter une collectivité
(30 ans) ;
-
du prix au m² pratiqué dans le logement très s
ocial (4,8 € / m² SU en PLAI).
Ainsi, le retour sur investissement pour la région atteint le chiffre atypique de 100 ans.
La redevance ne représente que 4,6 % du chiffre d’affaires.
En réponse aux observations provisoires, la présidence de la SASU et la présidente de
la région Pays de la Loire ont reconnu que «
le loyer initial a été fixé en fonction d’
un compte
d’exploitation prévisionnel ne supportant pas, sauf à placer la SASU dans une situation
financière tendue (ce qui fut d’ailleurs le cas), une redevance élevée
». La chambre rappelle que
conformément à L 2125-3 du CG3P, la redevance doit être fixée par la puissance publique pour
préserver les intérêts de la puissance publique, pas en fonction de la situation financière de
l’entreprise privée à qui est accordée l’AOT.
Cette situation, très bénéfique à court terme pour la société,
a permis d’amélior
er
significativement sa situation financière depuis 2014.
Cependant, en application des articles 107 et suivants du Traité sur le fonctionnement
de l’Union européenne (TFUE), les aides qui faussent ou menacent de fausser la concurrence,
en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, sont interdites
7
.
Une circulaire du Premier ministre du 26 avril 2017 rappelle les grands principes de la
réglementation européenne sur les aides aux acteurs économiques dites «
aides d’État
». La
5
CJCE, 6e chambre, 24 octobre 2002, aff. C-82/01 P, Aéroports de Paris.
6
CE 1
er
février 2012, SA RTE EDF Transport, n° 338665
7
Il est bien sûr possible de déroger à cette interdiction en application du règlement de minimis 1407/2013
qui prévoit que le montant plafond d’aide autorisée
sans notification auprès de la C
ommission s’établit à 200
000
sur une période de trois exercices fiscaux, toutes aides publiques confondues. Ce plafond semble largement excédé
au cas d’espèce.
SASU FONTEVRAUD RESORT
25
compétence pou
r apprécier si les projets d’aides notifiés par les États peuvent être autorisés au
regard des exceptions prévues
8
appartient exclusivement à la Commission européenne sous le
contrôle du juge communautaire et ne saurait être présumée.
Si la question peut s
e poser de savoir dans quelle mesure l’aide attribuée de facto à la
SASU est susceptible d’affecter les échanges entre les États
-
membres, autrement dit si l’activité
en cause est « purement locale »
, la réponse n’apparaît pas manifeste, au vu de l’ambition
d’hôtel et de restauration de luxe dont le rayonnement visé est clairement au
-delà de la sphère
seulement locale. Dans le doute, une notification apparaît nécessaire.
Dans la mesure où le juge national est compétent pour sanctionner le défaut de
notifica
tion des aides, le simple défaut de notification suffit pour entacher d’illégalité les actes
nationaux de « mise à exécution » de ces aides et donc pour donner lieu à du contentieux
administratif.
Dans le cas où l’aide ne serait pas déclarée compatible, ce
qui ne peut en l’état être
totalement exclu, l'État membre concerné doit prendre toutes les mesures nécessaires pour
récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire. La situation financière ainsi que le risque de
liquidation judiciaire du bénéficiaire ne suffisent pas à la non application de la décision de
récupération. En application des dispositions de l'article L. 1511-1-1 du CGCT, toute
collectivité territoriale ayant accordé une aide faisant l’objet
d’une décision négative de la
Commission européenne est tenue de procéder sans délai à sa récupération.
Même en cas de décision de compatibilité prise par la Commission européenne, lorsque
l’aide n’a pas été notifiée, le juge national doit condamner l’entreprise au minimum à verser
des intérêts pour la période
comprise entre la date d’octroi de l’aide et la décision de la
Commission.
Une telle décision aurait naturellement un impact très significatif sur l’activité de la
filiale.
En réponse aux observations provisoires, la présidente de la région Pays de la Lo
ire s’est
appuyée sur une décision récente de la Commission européenne
sur le cas d’un musée
situé en
Crête
9
pour contester la position de la chambre. Or, l
e cas cité n’est nullement comparable à
celui d’un hôtel
-restaurant 4 étoiles, accueillant des touri
stes étrangers, bénéficiant d’une
publicité dans des pays membres de l’Union, dans une zone facile d’accès, dotée d’autres
équipements touristiques notables et adéquats.
Ainsi, cette aide ne semble constituer ni une compensation de charge de service public,
ni une aide pouvant entrer dans le cadre « de minimis ». Par conséquent, elle pourrait être
8
Règlement d’exemption par catégorie d’aide ou règlement d’exemption pour service d’intérêt
économique général, ce que n’est pas le service au cas présent, faute de définition de contraintes de service public.
9
Commission européenne, Communication du 19 juillet 2016 sur la notion d’aides d’Etat au sens de
l’article 107 du paragraphe 1 du TFUE, paragraphes 195 et 196, citant la décision aide d’Etat n°
36381,
Grèce-construction Musée archéologique Messaro, JOC 353 du 3 décembre 2013). La Commission dit clairement
qu’elle se prononce
compte tenu des faits d’espèce
propres à chaque affaire et qu’il ne s’agit nullement d’une
position de principe.
Le cas du musée n’est en rien comparable à l’activité d’hôtellerie
-restauration-séminaire de
la SASU Fontevraud Resort
: il s’agit d’une aide à un musée, situé dans un espace rural peu peuplé difficile d’accès
et manquant de toute infrastructure touristique notable ou adéquate, dont le nombre de visiteurs sera de l’ordre de
55 000, non situé sur un site UNESCO, dont les revenus prévisionnels sont estimés à 2
M€
pour une période totale
de 15 ans et qui ne fera pas de publicité hors de la région.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
26
considérée comme faussant la concurrence et favorisant une entreprise sans motifs, ce qui est
interdit. La SASU pourrait donc avoir à rembourser tout ou partie de cette aide.
Recommandation n° 8 :
Conformément à l’article 8 de l’AOT et en application de
l’article 107 du TFUE, réviser les conditions financières de l’AOT
De surcroît, pour aider l’entreprise dans son démarrage, la région lui a acco
rdé en 2014
un rabais de 41 666
HT sur le montant de la redevance.
La convention prend effet au 1er juin 2014. En application de l’article R. 2125
-2 du
CG3P, la redevance commence à courir soit à compter de la date de notification de
l'autorisation, soit à compter de la date de l'occupation du domaine public si elle est antérieure.
La redevance à payer pour l’année 2014 ne pouvait donc déroger au montant
conventionnellement établi (97 221
HT
). L’avoir constaté
dans les comptes de 41 666
HT
est ainsi dépourvu de tout fondement juridique.
Sur le plan comptable et donc de la fiabilité des comptes, la SASU n’aurait pas dû
constater une telle atténuation de charge non justifiée pour 2014 (crédit du compte 614)
tout
au plus aurait-elle pu constater en 2015 le versement
d’une subvention d’exploitation (crédit du
compte 75) correspondant d’ailleurs à l’imputation régionale (compte 6574) prévue à l’arrêté
n° 2015-
04880 du 4 juin 2015, étant observé que cette subvention n’est pas motivée par ailleurs
(cf. point précédent sur les aides économiques).
Enfin, le code de la propriété des personnes publiques (art. L. 2125-4) prévoit : « La
redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public par le bénéficiaire d'une
autorisation est payable d'avance et annuellement ». Il est possible de déroger à cette règle par
convention, ce qui est le cas ici.
La SASU a réglé avec six mois de retard en moyenne les sommes dues en 2014 et 2015.
Elle est ainsi susceptible de se voir réclamer « les intérêts moratoires au taux légal » résultant
de l’article L. 2125
-5 du CG3P, applicables de droit et constituant dès lors une charge prévisible
qui aurait dû être intégrée dans les comptes quand bien même elle n’était pas facturée à la
SASU.
Recommandation n° 9 :
S’acquitter de la redevan
ce à verser à la région aux dates et
pour un montant corrects conformément aux dispositions conventionnelles de l’AOT et
aux articles L. 2125-4 et s. et R. 2125-1 et suivants du CG3P.
SASU FONTEVRAUD RESORT
27
3.2.2
Les dépenses de fonctionnement omises
Fontevraud Resort verse 36 743
€ à la SOPRAF pour sa consommation de chauffage.
Ce chiffre correspond à sa consommation pour l’hôtel et le restaurant. Cependant, ce montant
ne prend pas en compte le chauffage des salles de réunion ainsi que des salles de restauration.
Fontevraud Resort ne paie pas non plus de participation à la maintenance de la
chaudière, ni ne rembourse à la SOPRAF une partie de la redevance que celle-ci verse à la
région au titre de la chaufferie, soit 170 000
TTC (article 12 de la délégation de service public
Région-SOPRAF).
Ainsi, sans même prendre en considération le chauffage des salles louées pour les
séminaires, la chambre estime à 83 601
HT supplémentaires par an la charge que la SASU
devrait prendre à son compte pour payer correctement ses charges de chauffage.
Par ailleurs, comme établi par la chambre dans le rapport portant sur le GIE, les clés de
répartition des charges de celui-
ci sont, au moins jusqu’en 2016, établies au bénéfice de la
SASU Fontevraud Resort. Les charges d’entretien, de jardinage, d’ac
cueil, de ménage, de
gestion des stocks, de commercialisation, de communication et d’administration générale
supportées par la SASU apparaissent sous-estimées.
Au vu du niveau et de la composition de la quote-part 2017 (réalisée après une partie
des correctifs demandés par la chambre), la sous-estimation de la quote-part 2016 peut être
estimée à un montant supérieur à 200 000
TTC.
3.2.3
Les dépenses d’équipement omises
Des dépenses d’équipement importantes n’ont pas été portées par la SASU, mais par les
autres
structures de l’abbaye ou la région, en particulier en 2014.
Tous les travaux de création et rénovation des salles de réunions ont été financés par la
région et portés par l’association CCO ou la SOPRAF
10
.
La région a pris en charge non seulement la rénov
ation de l’hôtel
-restaurant, mais
également de nombreux aménagements intérieurs (par exemple tables et chaises du bar, de la
salle de restaurant, etc.).
Concernant le bar de l’hôtel, l’ensemble des équipements, y compris numériques et
logiciels, a été pris en charge par la SOPRAF au motif que cet espace serait ouvert aux visiteurs
de
l’abbaye (de l’ordre de 30
000
HT sur 2014-
2015). Ce point n’a aucune base juridique.
Le parking utilisé par les clients de l’hôtel (Madeleine) a été payé entièrement par le
CCO (76 970 €
HT).
L’infrastructure Wifi de l’hôtel a été prise
en charge par la SOPRAF (38 981
HT).
Des meubles et divers équipements ont été payés par la SOPRAF.
10
Les travaux pris en charge par des tiers (CCO et SPORAF) au bénéfice directe de l
a SASU l’ont été,
au vu des documents comptables, y compris après création de la SASU contrairement à ce que soutient l’ancien
directeur en réponse aux observations provisoires.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
28
Des dépenses promotionnelles de l’hôtel ont é
té payées par la SOPRAF (14 238
HT).
La plupart de ces équipements auraient dû être portés par Fontevraud Resort et amortis
dans ses comptes.
Au-
delà de la question de la régularité comptable, la chambre attire l’attention de la
structure sur la nécessité d’anticiper le nécessaire renouvellement d
e ses équipements au cours
des prochains exercices.
Au total, si des rectificatifs ont commencé à être effectués sur l’exercice 2017, le
montant des charges omises dans les comptes de la SASU en 2016 pourrait donc s’établir à un
niveau compris entre 400 0
00 et 500 000 €
HT
. Le correctif nécessaire n’atteindrait plus
« que »
200 000 à 300 000 €
HT en 2017.
Au-
delà de la question de la régularité des comptes, le pilotage d’une structure soumise
à de telles incertitudes quant au périmètre de ses charges n’est
pas possible.
Par conséquent, la chambre recommande de s’assurer par un contrôle de gestion
resserré, un examen des affectations du personnel et un suivi des imputations comptables que
toutes les charges et les dépenses d’investissement de la SASU sont bi
en inscrites dans les
comptes de la SASU.
3.3
Le compte de résultat
Avec toutes les réserves mentionnées ci-dessus, les éléments fournis sont ceux certifiés
par le commissaire aux comptes.
Principaux agrégats financiers
En
2014
2015
2016
2017
Chiffre d'affaires net
1 618 479
3 130 693
3 027 231
3 623 040
Total produits d'exploitation
1 681 428
3 201 839
3 123 112
3 706 720
Total charges d'exploitation
2 516 587
3 340 335
3 313 290
3 484 045
Résultat d'exploitation
- 835 159
- 138 496
- 190 177
222 675
Résultat financier
-
7 641
-
13 241
-
11 170
-
5 474
Résultat exceptionnel
-
99
-
934
1 710
-
1 979
Résultat de l'exercice
- 842 899
- 152 671
- 199 637
215 222
Source : CAC, comptes certifiés
SASU FONTEVRAUD RESORT
29
La montée en puissance de l’activité a lieu au cours de l’année 2014, les années 2015 et
2016 sont quasiment équivalentes au regard du chiffre d’affaires avant une progression
significative en 2017.
Sur les exercices 2014 à 2016, l
e résultat d’exploitation est systématiquement négatif.
Par conséquent, la SASU détruit de la valeur sur son cœur de métier sur ces trois
exercices. Elle a perdu au total, sur ces trois exercices, 1 163 832
€.
La situation s’améliore en 2017, en raison d’une progression significative du chiffre
d’affaires net de près de 20 % par rapport à l’année 2016 et d’une hausse moindre des charges
(+ 5 % sur 2016-2017).
En réponse aux observations provisoires et pour expliquer les difficultés financières de
la SASU, M. David Martin a indiqué que des résultats négatifs sur les 3 premières années sont
habituels sur ce type de projet hôtelier, que le contexte touristique était « relativement
dégradé »
, et que l’amélioration de 2017 correspond à
« des actions commerciales menées dès
2014/2015 et contractuellement conclues en 2016 ».
Le montant versé par la SASU au GIE progresse de près de 200 000
€ en 2017 (+ 80 %)
en raison d’une évaluation plus exacte du servi
ce rendu par le GIE à la SASU.
Montant versé par la SASU au GIE
2014
2015
2016
2017
Montant versé par la
SASU au GIE (en
)
135 155
321 427
250 654
448 075
Source : GIE, tableaux des clés
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
30
3.4
Le bilan
Principaux postes du bilan
Bilan (en €)
2013
2014
2015
2016
2017
immobilisations incorporelles nettes
6 100
171 709
106 625
41 540
12 324
immobilisations corporelles nettes
684 598
614 427
522 609
421 961
immobilisations financières nettes
0
0
0
0
stocks
53 280
83 970
68 553
62 383
créances
4 889
588 697
674 245
492 152
265 368
disponibilités
76 718
279 483
328 083
903 385
1 032 548
VMP
5000
0
500 000
CCA
20 850
6932
9 386
7 574
10 011
total actif
108 558
1 789 699
1 816 735
2 035 812
2 309 438
fonds propres
75 520
-17 379
-170 050
730 313
945 536
dont capital social
100 000
850 000
850 000
1 950 000
750 000
dont réserves
0
0
0
0
dont report à nouveau
-24 480
-867 379
-1 020 050
-19 687
dont subventions d'investissement
0
0
provisions RC
5 300
0
dettes
33 037
1 805 484
1 986 785
1 300 199
1 363 902
dont emprunts
728 398
584 849
437 657
286 896
PCA
1 594
0
0
total passif
108 558
1 789 699
1 816 735
2 035 812
2 309 438
Sources : CAC, comptes certifiés
3.4.1
L’évolution du capital
Au cours des exercices sous contrôle, l’évolution du capital de la
SASU se présente
ainsi :
Évolution du capital de la SASU
2013
2014
2015
2016
2017
Capital au 31/12
100 000
850 000
850 000
1 950 000
750 000
Report à nouveau
-
24 480
-
867 379
-
1 020 050
-
19 687
Résultat de l'exercice
-
24 480
-
842 899
-
152 671
-
199 637
215 222
Total capitaux propres
75 520
-
17 379
-
170 050
730 313
945 536
Source : CAC, comptes certifiés
SASU FONTEVRAUD RESORT
31
Lors de la création de la société en 2013, la région, via la SEM régionale, a apporté une
somme de 100
000 € de capital. Par décision du 21
octobre 2014, la SEM régionale a décidé
d'augmenter le capital social et de le porter à 850
000 €. Une telle augmentation est habituelle
en période de montée en charge de l’activité.
En raison
de l’exploitation déficitaire, les capitaux propres de la SASU sont devenus
négatifs, inférieurs à la moitié du capital social dès la clôture de l'exercice 2014. Cette situation
est demeurée inchangée jusqu’en 2016.
Conformément à l'article L. 225-248 du c
ode de commerce, le conseil d’administration
de la SEM a décidé de maintenir l'activité dans l'attente de la reconstitution des fonds propres
pour une valeur égale au moins à la moitié du capital social et ce dans un délai de deux ans.
Fin 2016, pour évite
r un arrêt strict de l’activité, la SEM régionale a dû apporter une
avance en compte courant d’associés à la SASU Fontevraud Resort pour un montant de
1 100
000 €. Cette avance en compte courant a été transformée en capital par décision du
22 décembre 2016. En conséquence de cet apport, le capital social de la SASU a atteint
1 950 000
€.
Or, en raison des pertes cumulées depuis l'origine de la société pour un montant de
1 219 687
€, les éléments comptables et financiers de la SASU Fontevraud faisaient appar
aître,
au 31 décembre
2016, des capitaux propres d’un montant de 730
313
€ au lieu de ce montant
de 1 950 000
€.
La SEM a donc pris acte de cette situation et procédé à une réduction de capital par
imputation sur le report à nouveau débiteur. Ainsi, 1 200
000 € de titres ont été annulés. À
l'issue de cette réduction de capital, celui-ci a été ramené à la somme de 750
000 € au
1
er
janvier 2017.
Les 1 100
000 € apportés fin 2016 pour rétablir la situation de la SASU ont été supportés
par le contribuable régional.
En réponse aux observations provisoires, M. David Martin a indiqué que « la sous-
capitalisation de la SASU était connue dès sa création » et que «
les déficits d’exploitation des
premières années ont rendu plus problématique cette sous-capitalisation ». Sans apporter
d’élément probant, il a affirmé
avoir informé au printemps 2016 le directeur général des
services de la région Pays de la Loire de la nécessité de faire évoluer la forme juridique de la
SASU et
d’une recapitalisation au plus tard à l’automne 2016, afin d’éviter une situation
critique de trésorerie.
3.4.2
Les dettes
Deux emprunts ont été contractés en 2014 pour un montant total de 750 000
€. Ces
emprunts ont notamment contribué à financer 363 615
€ au titre de l’équipement multimédia
de l’hôtel.
S’agissant des dettes fournisseur, leur montant est particulièrement élevé en 201
5.
Celles-ci atteignent 641 182
€, à comparer aux charges de gestio
n (hors personnel) de
1 724 026
€, soit 37 %.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
32
Fin 2016, les dettes fournisseurs ont diminué à 135 460
€.
Elles remontent
significativement en 2017 pour atteindre 300 130
€ (dont 82
250
€ restant à payer au profit du
GIE).
Des acomptes clients significatifs (ou avances au titre de « box »
) d’un montant de
402 466
€ apparaissent en 2015. En raison d’une action
volontariste en faveur de la perception
d’acomptes, ce compte atteint 536
535
€ en 2017.
3.4.3
Les montants et la nature des immobilisations
Fontevraud Resort est locataire des bâtiments qu’elle utilise. Cela explique le montant
peu élevé de ses immobilisations. Cette location comprend de très nombreux équipements
intérieurs. Ainsi, il faut souligner que, outre la restauration du bâtiment, la région a pris en
charge l’ensemble des
« agencements »
de l’hôtel, c’est
-à-dire par exemple les équipements de
cuisine, l
es tables et chaises du restaurant, l’ensemble des sanitaires, les cadres de lit, etc.
Par conséquent
, on retrouve dans les immobilisations de la SASU, concernant l’hôtel,
quasiment uniquement du linge, des machines à café, des chariots de nettoyage ainsi que des
matelas et sommiers.
De ce fait, la SASU n’effectue des amortissements que sur une partie réduite des
équipements qui permettent effectivement son activité. Cela a un effet positif sur sa situation
financière.
Cette situation est régulière juridiquement et comptablement, mais fait porter un risque
de gestion à la SASU qui doit être anticipé :
c’est elle seule qui sera en charge du
renouvellement de tous ces équipements (convention d’occupation, article 2).
Les investissements sont de l’ordre de
1
M€ depuis la création de la société. La plupart
des biens ont été achetés lors de l’ouverture de l’hôtel, en 2014. Ils portent, outre les frais
d’établissement (film promotionnel, publicité dans les médias, inauguration) et le matériel
classique d’hôtel
lerie-restauration (vaisselle, linge, etc.) significativement sur des achats de
nature numérique.
L’équipement numérique de l’hôtel (achat de 77 Ipad mini + chargeurs et étuis, TV
interne, télévisions des chambres, etc.) s’élève à un montant de l’ordre de
370 000
HT, dont
285 000
HT
auprès d’une seule société.
Concernant les chambres, outre le moniteur de télévision, chaque chambre est dotée
d’un Mac mini. Le matériel numérique de chaque chambre a coûté entre 2
000 et 2 500
€.
Concernant les amortissements de ces biens, il faut noter que :
-
les Ipad et accessoires sont amortis sur cinq ans ;
-
les équipements numériques, hors Ipad, sont amortis sur six ans et demi.
Ces durées sont régulières, mais peuvent apparaître élevées pour ce type de matériel
rapidement obsolète.
En particulier, il faut noter que des défaillances significatives et répétées sur les Ipad, le
téléphone et les télévisions de l’hôtel ont été constatées pendant les années 2017 et 2018, soit à
SASU FONTEVRAUD RESORT
33
peine trois ans après l’achat. Des défail
lances répétées sont également constatées par la clientèle
sur l’équipement Wifi alors même que les qualités
« numériques »
de l’hôtel devaient être
l’un
de ses principaux atouts.
3.5
Les soldes intermédiaires de gestion
L’excédent brut d’exploitation comme la
capacité d’autofinancement sont négatifs sur
toute la période (sauf en 2015 pour la CAF).
Les soldes intermédiaires de gestion
En €
2 014
2 015
2 016
01 - produits de gestion
1 618 579
3 130 855
3 027 231
02 - charges de gestion
-2 326 820
-3 173 493
-3 127 754
EBE
-708 241
-42 638
-100 523
03 - produits financiers
1 069
1 493
389
04 - charges financières
-8 710
-14 733
-11 559
05 -produits exceptionnels (CAF)
188
4 269
06 charges exceptionnelles (CAF)
-99
-1 122
-2 559
07 - transferts de charges
62 849
70 983
95 882
Capacité
d’autofinancement
(CAF)
-653 132
14 171
-14 101
Source : Grand livre sous Excel
Le fonds de roulement redevient positif en 2016 grâc
e à l’augmentation de capital.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
34
4
L’ACTIVITE
4.1
Les travaux de rénovation de l’hôtel
Dans le
cadre et conformément à l’autorisation d’occupation temporaire
du
24 décembre 2009, la région a effectué des travaux importants de rénovation sur les bâtiments
destinés à accueillir l'hôtel-restaurant (Prieuré Saint Lazare et Pavillon du Liban) pour plus de
16 M€
HT
toutes dépenses confondues (environ 2,8 M€ pour études, 11 M€ pour les travaux et
2 M€ pour agencements).
Ces travaux ont été conduits principalement entre le printemps 2013 et le printemps
2014.
A ces travaux s’est ajouté
e
la création d’une chaufferie pour 5,5 M€. Des travaux ont
également été menés hors AOT pour créer la cuisine de production.
La réception des travaux a eu lieu en deux étapes, pour la première tranche le
21 mai 2014, pour la seconde tranche le 16 décembre 2014.
Comme cela est fréquemment le cas pour des travaux de cette importance, la réception
a été un peu plus tardive que prévue (retard d’un mois et demi) et différents problèmes sont
apparus après la réception. Les malfaçons ont été estimées à plus de 350 000 €
.
Les principaux problèmes ont concerné : la mauvaise évacuation des eaux pluviales
générant des dégâts des eaux et une désagrégation des pierres du mur du réfectoire, des
problèmes d’évacuation dans les cinq chambres pour personnes à mobilité réduite, ainsi qu’une
inadéquation des revêtements de sol, très sensibles aux tâches.
Ces difficultés ont eu un impact direct sur l’activité de la SASU d’une part par une
ouverture retardée en mai 2014, d’autre part par une fermeture imposée de deux semaines en
février 2017 pour que la région puisse effectuer certains travaux correctifs. Enfin, la clientèle
critique régulièrement le problème des revêtements de sol.
4.2
Les études prévisionnelles de 2013 et leur utilisation
En 2013, deux cabinets de conseil ont effectué des études prévisionnelles sur
l’hôtel
-restaurant.
La première étude porte principalement sur l’environnement concurrentiel de l’hôtel. La
deuxième étude réalisée en septembre 2013 comporte des éléments financiers précis. Elle
prévoit un résultat négatif
en 2014 de l’ordre de 370
000
€ suivi d’exercices faiblement
rentables pour les exercices suivants.
SASU FONTEVRAUD RESORT
35
Prévisionnel établi en 2013
(en
constants 2014)
2014
2015
2016
2017
2018
Chiffre d’affaires
HT
1 787 191
2 950 798
3 265 288
3 552 612
3 650 953
Marge brute
1 454 646
2 728 079
2 704 060
2 956 601
3 044 913
Valeur ajoutée
897 186
1 817 272
1 695 121
1 855 321
1 895 425
Excédent brut d’exploitation
-138 318
437 744
263 940
292 427
315 136
Résultat
courant
avant
impôt.
-373 746
207 341
36 398
62 434
88 293
Capacité
d’auto
-
financement.
-161 946
419 141
248 198
278 834
304 693
Remboursement
capital
emprunté
86 652
89 425
92 286
95 239
98 287
Autofinancement net
-248 598
329 716
155 912
183 594
206 406
Autofinancement cumulé
-248 598
81 118
237 030
420 624
627 030
Source : Étude prévisionnelle 2013
Cependant, il faut souligner que ce prévisionnel ne prend pas correctement en compte
l’activité séminaire (en particulier ses charges) et inclut une activité de beauté /spa qui n’a pas
été créée, ce qui rend
difficile des comparaisons simples avec l’activité effectivement réalisée.
S’il est impossible de réaliser un comparatif global, il est cependant patent que sur la
restauration (restaurant, bar et restauration légère) comme sur l’hébergement, le réalisé e
st
souvent de l’ordre de 50 à 70 % de ce qui était envisagé dans les é
tudes prévisionnelles de 2013.
Ecart entre le c
hiffre d’affaires prévisionnel établi en 2
013 et le réalisé
en €
2014
2015
2016
2017
Hébergement (prévisionnel)
834 331
1 473 128
1 628 491
1 698 492
Hébergement (réalisé)
369 469
1 220 379
1 150 103
1 324 029
Réalisé/prévisionnel
44%
82%
70%
77%
Restauration(prévisionnel)
918 697
1 418 675
1 571 140
1 638 332
Restauration (réalisé)
486 932
800 923
865 359
1 200 171
Réalisé/prévisionnel
53%
56%
55%
73%
Source : Étude prévisionnelle 2013, grands tableaux internes
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
36
En raison de l’écart très significatif entre le prévisionnel et le réalisé, ces études
prévisionnelles n’ont pas pu être utilisées par les équipes de l’abbay
e comme outil de gestion
au quotidien.
Parallèlement, bien qu’il soit difficile de faire coïncider les périmètres des différentes
études, les charges de gestion effectives apparaissent supérieures aux prévisions.
En particulier, les charges de personnel se révèlent 20 % plus élevées que prévu. Chaque
année, et sans préjudice des charges portées par le GIE qui devraient être imputées à la SASU,
les frais de personnel sont supérieurs de 200 000 à 300 000
€ à ce qui avait été prévu en 2013.
Ce point peut s’e
xpliquer à la fois par une sous-estimation du prévisionnel (en particulier sur le
personnel de salle et d’entretien) et par une difficulté à piloter les coûts salariaux, en raison du
manque de visibilité et d’outils notamment.
Le taux de fréquentation réa
lisé de l’hôtel se répartit ainsi sur l’année
:
Taux
de fréquentation de l’hôtel 2015
-2017
janv.
fév.
mars
avril
mai
juin
juil.
aout
sept.
oct.
nov.
déc.
2015
23%
26%
28%
41%
54%
43%
55%
64%
54%
60%
36%
40%
2016
23%
28%
34%
44%
49%
60%
66%
61%
65%
46%
36%
36%
2017
14%
21%
38%
54%
57%
69%
69%
78%
66%
54%
43%
28%
Source : Grands tableaux internes
En 2017, le taux cumulé d’occupation sur l’année est de l’ordre de 49,2 %, contre 44,5
%
en 2016 (taux moyen France 2015 pour les hôtels 4 étoiles = 59,4 %). Tous hôtels confondus,
le taux moyen d’occupation était
de 55 % en Anjou en 2016
11
.
En 2017, le prix moyen par chambre louée est de 136 €, le prix moyen par couv
ert au
restaurant est de
93 €.
11
touristique/hotels/en-anjou-2/ Cependant, s
’agissa
nt des hôtels 4 et 5 étoiles, le faible taux de réponse ne permet
pas d’obtenir une statistique pertinente.
SASU FONTEVRAUD RESORT
37
4.3
Le suivi de l’activité
4.3.1
Les outils de pilotage 2014-2016
Sur la période 2014-
2016, l’ensemble des tableaux et modes de
« reporting » ne
permettaient pas un suivi effectif et adapté de l’activité.
Le suivi portait essentiellement sur le chiffre
d’affaire
s et la trésorerie. Le suivi des
charges était très insuffisant. Il n’existait pas de suivi des engagements.
Même en prenant en compte le caractère aléatoire de l’activité d’événementiel, le
pilotage budgétaire apparait très déficient en raison notamment de sa trop faible fréquence.
Le suivi des marges de chaque activité n’était pas effectué correctement.
Les différents « reportings »
n’étaient pas coordonnés et apportaient ainsi des visions de
la situation qui ne sont pas cohérentes.
Ainsi, les
sources divergentes et non cohérentes (logiciel de l’hôtel et logiciel de
comptabilité), la fréquence et la nature même des indicateurs présents, le flou dans la répartition
des charges entre structures juridiques et activités, empêchaient un pilotage correct de la
structure.
La chambre constate :
-
qu’il n’existait pas, sur la période 2014
-2017, de tableaux de bords permettant un suivi resserré et
efficace de l’activité visant à prendre rapidement des mesures correctrices au besoin
;
-
que la direction de
Fontevraud Resort n’a pas mis en place d’outils de suivi lui permettant d’avoir
une visibilité cohérente et complète sur l’activité de la structure
;
-
que le suivi était très défaillant sur la période 2014-2016 (ce qui se matérialise notamment par des
résultats négatifs de manière répétée).
En réponses aux observations provisoires, M. David Martin a indiqué que de nombreux
indicateurs étaient suivis, que des réunions se tenaient régulièrement pour adopter des mesures
correctrices au vu des difficultés, qu’
une analyse des marges de chaque activité a été mise en
place au 2ème semestre 2015, que le prestataire du logiciel de l’hôtel n’avait pas tenu ses
engagements, que de nombreuses difficultés techniques avaient été rencontrées, qu’il existait
des tableaux de bords qui «
n’ont cessé de s’affiner et de s’enrichir
»
, qu’une situation
comptable et financière à mi-
année avait été effectuée en 2015 par l’expert
-comptable.
La
SASU n’a produit aucune trace écrite permettant d’attester de ce suivi, de l’analyse
fine
des marges de chaque activité ou des réunions alléguées, à l’exception de l’état comptable
de mi-2015 qui a été produit.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
38
4.3.2
Le pilotage de l’activité en 2017
Dans un rapport daté de décembre 2015 effectué à la demande du commissaire aux
comptes, un cabinet de conseil pointe les éléments suivants :
-
absence de pilotage et de suivi de la performance ;
-
aucun tableau de bord existant pour connaître de façon fiable et consolidée le chiffre d’affaires, le
taux de marge, la répartition analytique notamment sur
l’hôtellerie (tourisme d’affaire, restaurant,
hôtel) ;
-
inadéquation entre le reporting du logiciel de l’hôtel (Winner) et l’activité et la nomenclature finale
du budget ;
-
manque de transparence concernant les modalités de refacturation entre les sociétés ;
-
absence d’adéquation entre la répartition des charges et des effectifs entre les activités et les
structures juridiques.
-
Il recommande notamment de :
-
créer un tableau de bord de performance ;
-
mettre en place les outils adaptés : « reportings »
budgétaires, indicateurs de suivi d’activité
;
-
développer des « reportings » cohérents et fiables.
Plus d’un an après ce rapport et en raison de la situation financière très dégradée
imposant une recapitalisation, certaines de ces mesures sont mises en place.
En 2017, de nouveaux outils de suivi de l’activité de Fontevraud Resort ont été mis en
œuvre. Des outils de
« reporting »
permettent de suivre, dès le début de l’année, l’écart entre le
prévisionnel et le réalisé ainsi que les taux de marges sur cha
que activité, l’ensemble des
indicateurs classiques de suivi hôtelier, les dépenses de ressources humaines.
Un tableau de bord mensuel est désormais produit à destination du directeur de la SASU
ainsi que de l’actionnaire.
Il reste cependant des chantiers à engager pour :
-
intégrer correctement les charges dans la structure ;
-
mettre en place une comptabilité analytique fiable avec rattachement correct des charges à chacune
des activités ;
-
supprimer les refacturations de personnel sans base juridique ;
-
suivre complètement les coûts matières ;
-
sécuriser les échanges d’information entre service commercial, service opérationnel et service
administratif et comptable ;
-
mettre en place un système de suivi des engagements ;
-
rendre plus transparentes les refacturations entre structures.
Par conséquent, la chambre constate une amélioration sensible des conditions de
pilotage de la structure tout en relevant plusieurs difficultés persistantes auxquelles la direction
doit apporter des correctifs à court terme.
SASU FONTEVRAUD RESORT
39
4.4
Les activités portées
Sur les années 2015-2017, et sous réserve de la fiabilité des chiffres produits par la
SASU
, les chiffres d’affaires des différentes activités s
ont de cet ordre de grandeur :
Chiffre d’affaire
s des différentes activités
En €
2015
2016
2017
Moyenne
Pourcentage
Hébergement
1 220 379
1 150 103
1 324 029
1 231 503
39%
Restaurant
696 194
724 020
1 028 693
816 302
26 %
Petite restauration
104 729
141 339
171 478
139 182
4 %
Séminaires
et
événements
982 200
838 465
981 694
934 119
30%
Source : Grands tableaux internes
Sur ces trois exercices, on constate en grande tendance :
-
une forte évolution positive sur la restauration, due à deux facteurs principaux :
d’une part
l’obtention d’une étoile au guide Michelin, d’autre part des mesures volontaristes visant à
augmenter le chiffre d’affaires prises en 2017
;
-
des évolutions moins marquées tant sur l’activité hôtelière stricte que sur l’activité séminaires et
événements.
En l’absence d’éléments fiables quant au suivi de l’activité et de comptabilité analytique
précise, il est impossible de se prononcer sur la rentabilité des différentes activités.
À partir de fin 2016, un plan de redressement a été mis en place visant à préserver le
résultat et limiter les pertes. Il comprend, outre une meilleure organisation du temps sur l’année
(fermeture en janvier), la limitation du recours à l’intérim et un plan d’action commerciale. Il
vise à développer le volume d’activi
té, revaloriser la politique prix, réduire les coûts matières
et les frais de personnel, optimiser la gestion opérationnelle et améliorer le pilotage de l’activité.
Ces mesures, conjuguées avec l’étoile au guide Michelin, commencent à porter
sensiblement leu
rs fruits sur l’exercice 2017.
4.5
Le suivi de la satisfaction de la clientèle
Le suivi de la satisfaction des clients de l’hôtel et du restaurant est effectué tout d’abord
sur place, en face à face, et accompagné le cas échéant de gestes commerciaux pour désamorcer
les éventuels c
onflits. Un carnet d’échange a été
mis en place pour assurer un suivi des
problèmes et anomalies et y apporter des correctifs.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
40
Le suivi de la satisfaction passe également par les commentaires clients sur les sites
Internet. Un effort est fait pour répondre à chacune des réactions de manière personnalisée, y
compris en cas de critiques sévères. Cet effort est constant depuis 2014.
Cependant, la chambre constate des critiques récurrentes portant notamment sur les
défaillances des systèmes informatiques et numériques ou le transport des bagages auxquelles
il n’a pas été apporté de correctif.
Enfin, concernant le tourisme d’affaire et les groupes un questionnaire de satisfaction a
été mis en place en 2018. Il n’y a pas encore eu de bil
an formel sur ce point
12
.
Recommandation n° 10 : Renforcer le suivi de la satisfaction de la clientèle
4.6
Les achats
La SASU n’est pas à ce jour un pouvoir adjudicateur en raison du montage juridique
choisi (AOT) et de son activité industrielle et commerciale
13
. Elle n’est donc pas soumise aux
règles de la commande publique. Elle s’est cependant fixé des règles de bonnes pratiques en
matière d’achat par une décision du 3 septembre 2013 concernant les procédures d’achats à
l’Abbaye de Fontevraud.
Les règles sont les suivantes :
publication sur le site internet d’un cahier des charges et
existence d’une mise en concurrence et négociation attestée par une fiche achat, pour tout achat
excédant 15 000
€.
Ces règles n’ont pas été respectées. En 2014, un marché porta
nt sur la fourniture et
l’installation d’équipements audiovisuels dans l’hôtel et le restaurant a été accepté par le
directeur de la SASU pour un montant total de 285 000 €
HT et a été conclu sans publicité, sans
mise en concurrence et sans négociation.
Ceci apparaît comme une mauvaise pratique de gestion au vu tant du montant que de la
nature de l’achat (téléviseurs, ordinateurs, écrans tactiles, infrastructures de réception TV).
En réponse aux observations provisoires, M. David Martin a indiqué avoir interrogé un
autre fournisseur, sans apporter de pièce en appui de cette affirmation.
Cette absence de comparaison des offres est également constatée par exemple pour la
mise en place d’infrastructures de réseau (24
111
HT).
12
Si, en réponse aux observations provisoires,
l’ancien directeur soutient que des question
naires de
satisfaction, limités par ailleurs aux seuls organisateurs d’évènement
s, auraient été mis en place dès 2014 et
exploités en conséquence, aucun élément n’est venu étayer cette assertion
.
13
ches-techniques/champs-application/pouvoirs-adjudicateurs-et-entites-adjudicatrices-2016.pdf
SASU FONTEVRAUD RESORT
41
Au-delà des règles de la commande publique, la chambre invite la SASU à définir son
besoin, rechercher activement plusieurs offres et à comparer celles-ci, ce qui constitue des
pratiques de bonne gestion.
4.7
L’information du conseil d’administration de la SEM sur l’activité de
la filiale
Le directeur général de la SASU (M. David Martin, puis M. Antoine Godbert) a pour
mandat de suivre et rendre compte au conseil d’administration de la SEM des travaux effectués
dans le cadre de l’activité de la société. En contradiction avec ce mandat,
et de manière répétée,
le conseil d’administration de la SEM a été, soit peu informé, soit mal informé quant aux
difficultés rencontrées par la filiale.
Les directeurs généraux de la SASU ne sont intervenus que deux fois au conseil
d’administration de la
SEM, en 2013 et en 2016, ce qui est insuffisant pour mettre en œuvre
effectivement leur mandat.
Les rapports de gestion sont très lacunaires et ne sont pas présentés au conseil
d’administration de la SEM. L’instruction a permis de constater que les compt
es présentés en
annexe du rapport de gestion 2016 n’étaient pas concordants avec les comptes certifiés par le
commissaire aux comptes. De plus, ces rapports ne présentent que trois indicateurs distincts de
ce qui est présent dans les comptes certifiés : le
nombre de nuitées, le taux d’occupation de
l’hôtel, le chiffre d’affaires restauration. Il n’y a pas d’explication littéraire de ces différents
éléments.
Ces éléments sont trop lacunaires pour constituer une information correcte sur la gestion
de la société.
Plus généralement, la chambre constate une information déficiente du conseil
d’administration, comme l’indiquent les éléments ci
-dessous.
En réponse aux observations provisoires M. David Martin a indiqué avoir correctement
informé la direction générale de la Sem et avoir honoré toutes les demandes de documents. Il a
apporté une présentation en appui de ses affirmations probablement réalisée au printemps 2016.
Ce document,
d’une
tonalité positive en dépit des pertes répétées de la société, ne comprend
pas des indicateurs de suivi permettant de disposer d’une vision claire de la situation de la
société : il manque par exemple une analyse des coûts de personnel, des coûts matières.
En 2014
Lors du conseil d’administration
de la Sem régionale du 16 décembre 2013, il a été
indiqué aux membres du conseil d’administration que le recrutement du directeur de l’hôtel
« doit être finalisé en janvier »
et que l’ouverture de l’hôtel
« est prévue en avril ». Ce délai
anormalement court au vu des pratiques
du secteur n’est pas questionné, ni explicité.
Lors du conseil d’administration du 19
mai
2014, la date prochaine de l’inauguration
est présentée (23 mai). Le retard pris par rapport au calendrier évoqué fin décembre 2013,
« ouverture en avril »
n’est pa
s mentionné.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
42
Lors du conseil d’administration du 20
octobre 2014, alors que les résultats de la saison
sont très inférieurs à ce qu’avaient prévu les cabinets de conseil et que les charges sont quasi
équivalentes, il est indiqué que : « le début de
l’activité est un peu inférieur à ce qui était
envisagé pour le mois de juin et plutôt inférieur aux prévisions pour juillet et août. Ceci
s’explique par un léger retard sur les travaux. Et également par le fait que la clientèle
individuelle qui est la cli
entèle principale en été n’a pas été suffisamment mobilisée pour
réserver par manque de communication en amont »
. L’ensemble des autres informations sont
positives et ne laissent nullement présager un résultat déficitaire à hauteur de 870 000
€ à la fin
de
l’exercice.
Enfin, afin d’acquérir du matériel, la SASU contracte un prêt de 350
000
€ et demande
à la SEM de se porter caution. L’un des membres du conseil d’administration rappelle que la
SEM n’a pas pour rôle d’être caution des banquiers, et que cette
caution peut être analysée
comme une aide directe à une entreprise. Il estime que cette garantie bancaire hypothèque des
fonds qu’il serait préférable de consacrer au développement économique de la région. La
caution est néanmoins octroyée.
En 2015
Lors
du conseil d’administration
de la Sem du 4 mai 2015, qui doit permettre
l’approbation des comptes 2014, la perte de 842
899
€ est expliquée par
« quelques difficultés
de démarrage lié à des travaux qui restaient à terminer » et « par une difficulté de
communiquer »
. Seul le chiffre d’affaires de la structure est présenté, pas les charges, ni les
indicateurs de rentabilité des différentes activités.
Ces éléments ne permettent pas au conseil d’administration d’analyser correctement les
causes de la perte. Celle-ci tient notamment au choix de commencer la commercialisation
tardivement (recrutement très tardif de la personne chargée d’effectuer la commercialisation, le
18 août 2014), en contradiction avec les normes du secteur en la matière ainsi qu’au choix de
positionner l’hôtel sur la clientèle d’affaire, segment de marché qui nécessite de longues
périodes préalables de commercialisation. Aucun de ces points n’est abordé.
Lors du conseil d’administration du 28 septembre 2015, la présentation de l’activité
20
15 est très favorable. Un résultat bénéficiaire est anticipé pour 2016. Sur l’ensemble des
exercices, le chiffre d’affaires est le principal indicateur présenté au conseil d’administration.
Les éléments de charges sont absents. Ce n’est qu’après 18 mois d’
activité que « le travail de
rationalisation des charges commence à s’engager
».
À la suite de ces éléments, une délibération doit pourtant être prise pour assurer la
continuité de l’exploitation de l’hôtel
-restaurant en raison de la persistance de résultats négatifs
et de la réduction forte des fonds propres.
Le conseil d’administration n’est pas non plus informé de la baisse sensible du nombre
maximal de couverts au restaurant par rapport au prévisionnel en raison de la configuration
imparfaite du mobili
er (écart trop petit entre les sièges et les tables pour pouvoir s’asseoir et
fixation du mobilier au sol) :
ce n’est plus que 50 couverts en individuel qui peuvent être utilisés
et non plus 70 couverts comme prévu en 2013.
Enfin, le 28 septembre 2015, la
direction de la SEM évoque une sortie de l’opération et
la nécessité de trouver «
un modèle sans doute différent en terme d’ouverture capitalistique, de
SASU FONTEVRAUD RESORT
43
partenariat divers et varié, afin que la SEM ne soit plus l’opérateur principal de l’hôtel
restaurant,
après avoir plutôt servi de véhicule temporaire d’accompagnement du projet.
» La
décision est repoussée au lendemain des élections régionales.
En 2016 et 2017
Lors du conseil d’administration du 19 septembre 2016, le directeur de la SASU indique
à la nouvelle majorité que «
2014 a été difficile notamment en raison d’un retard de livraison
de l’hôtel qui a entraîné 5 mois d’exploitation au lieu de 9 à charge équivalente
». Ce point
oublie que la livraison n’avait que 1,5 mois de retard, et masque toujours
la responsabilité de la
direction d’alors en matière de choix de gestion.
En réponse aux observations provisoires,
M. David Martin a indiqué que le retard de livraison était bien supérieur, sans apporter de pièce
probante.
Par ailleurs, en réponse au président de la SEM qui indique « que le déficit constaté en
2015 est de 152 000
€ et estimé à moins 500
000
€ en 2016
», le directeur de la SASU
« confirme que ce sera beaucoup moins, le tout étant de savoir dans quelles proportions ». Une
telle réponse est d’une précision très insuffisante pour permettre à un conseil d’administration
d’arbitrer.
En réponse aux observations provisoires, M. David Martin a indiqué que « il doit y avoir
une erreur de retranscription de ses propos
(…) Il est évident que le chiffre annoncé en conseil
d’administration de la Sem régionale ne pouvait être
de
500 000 euros ». La chambre note
que les procès-
verbaux de cette séance du 19 septembre 2016 n’ont pas été contestés par la
vingtaine de membres
du conseil d’administration de la Sem.
Par ailleurs, ce 19 septembre 2016, le commissaire aux comptes se dit « surpris » par
les mauvais résultats présentés. Il confirme que les mauvais résultats persistants imposent à la
SEM d’apporter 1,1
M€ pour éviter la liquidation de l’entreprise.
Lors du conseil d’administration du 16 décembre 2016, le commissaire aux comptes
souligne «
que le modèle économique n’est absolument pas stabilisé sur Fontevraud, (…), qu’il
faudra rester attentif sur 2017 car le modèle économique est encore générateur de perte. Il
expose la région à une problématique de continuité d’exploitation et au
-delà de cela à la notion
de soutien abusif. »
En effet, en raison du soutien répété à la SASU, sous l’impulsion de la région, la SEM
lèse ses autres actionnaires.
Selon une jurisprudence classique définissant la notion de « soutien abusif », tout auteur
conscient qu’il finance une activité sans viabilité s’expose à voir sa responsabilité civile
engagée sur le fondement de l’article 1240 du c
ode civil et dans les conditions encadrées par
l’article L. 650
-1 du code de commerce. En particulier, le critère « d'immixtion caractérisée
dans la gestion du débiteur »
permettant d’écarter l’irresponsabilité de la SEM ne peut être
rejeté par principe au
cas d’espèce. Par ailleurs, au
-delà de la notion de soutien abusif, il a aussi
été jugé que les avances disproportionnées accordées à une filiale constituent un acte anormal
de gestion (CE, 23 janvier 2015 req n° 365525).
Enfin, le contribuable est naturellement le seul financeur des apports successifs en
capital de la région.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
44
Le 31 mars 2017, le conseil d’administration de la SEM est informé qu’un plan d’action
a été mis en place pour redresser la situation de Fontevraud Resort. Les principales mesures
ad
optées sont présentées. Conformément à ce qui est indiqué au conseil d’administration, ce
plan a été mis en place et a porté ses premiers fruits au cours de l’année 2017.
Recommandation n° 11 : Conformément au mandat social du directeur général, fournir
au
conseil d’administration de la SEM l’ensemble les éléments nécessaires pour décider
de manière éclairée sur le présent et l’avenir de sa filiale.
5
LE PERSONNEL
5.1
Les effectifs
Les effectifs de la SASU sont de l’ordre de 40 personnes.
Les coûts salariaux
chargés sont stables et de l’ordre de 1,4
M€ en 2017. L’ensemble du
personnel est employé sous contrat de droit privé en CDI, CDD ou apprentissage.
L’intérim est utilisé sans qu’il soit possible d’isoler ses coûts en raison de l’imprécision
de l’affectati
on dans les différentes structures et du pilotage insuffisant.
Sur les exercices 2014 à 2017, deux cadres ont bénéficié de primes d’un montant
significatif et octroyées irrégulièrement, alors même que la société connaissait des difficultés
financières répétées.
5.2
La situation de M.
X…
M.
X…
a été employé du 8 janvier 2014 au 31 août 2017 par Fontevraud Resort comme
directeur hospitalité.
Son contrat à durée indéterminée prévoit une rémunération brute annuelle de 65 000
à laquelle peut s’ajouter
« une prime annuelle sur objectifs » dont le montant maximum est fixé
ainsi pour 2014 et 2015 : «
jusqu’à 18 % du salaire brut en 2014, 25 % du salaire brut en 2015
».
En vertu de l’article 5 de son CDI, les critères permettant
«
d’apprécier si les objectifs
sont atteints ou pas seront précisés dans une lettre de mission, qui sera rédigée et transmise à
M. X…
. À partir de 2016, la lettre de mission précisera également le montant de la prime
annuelle ».
SASU FONTEVRAUD RESORT
45
M. X…
a reçu les rémunérations et primes suivantes :
Montants v
ersés à M. X…
2014-2017
En €
2014
2015
2016
2017
(8 mois/12)
Rémunération brute
64 335,01
74 614,32
74 929,32
57 834,04
dont primes
0
8 685
(pour l’année
2014)
9 000
(pour l’année
2015)
5 687,50
(pour l’année
2016
Existence d’une lettre de
mission
Non
Non
Non
Non
Existence d’un compte
-rendu
d’entretien annuel
Non
Oui
Non
Non
Source : Tableau masse salariale et entretien annuel.
En contradiction avec le contrat de travail, aucune lettre de mission définissant les
objectifs d
e M. X…
n’a été produite. Un seul compte
-
rendu d’entretien d’évaluation a été
fourni. Il ne permet pas d’attester de l’atteinte d’objectifs et n’explique pas le versement de tel
ou tel montant.
Par conséquent, toutes les primes versées (23 372,50
€) sont contest
ables.
La rupture conventionnelle, demandée le 29 juin 2017 et effective le 31 août 2017, est
régulière.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
46
5.3
La situation de Mme
Y…
Mme Y…
a été employée du 18 août 2014 au 31 mars 2017 par Fontevraud Resort en
tant que directrice commerciale. Son contrat à durée indéterminée daté du 18 août 2014 prévoit
une rémunération brute annuelle de 38 000
€ et la possibilité d’une prime annuelle.
Le montant de celle-ci est fixé sur «
l'atteinte d'objectifs quantitatifs (taux d’occupation
hébergement + volume d'affaires et nouveaux clients MICE) et qualitatifs pouvant représenter
jusqu'à 20 000
€ bruts pour la période 2014 –
2015 et jusqu'à 23 000
€ br
uts pour l'année 2016.
Les critères permettant d'apprécier si les objectifs sont atteints ou pas seront précisés dans une
lettre de mission. À partir de 2016, la lettre de mission précisera également le montant de la
prime annuelle. » (art. 5 du contrat à durée indéterminée).
Mont
ant versés à Mme Y…
2014-2017
En €
2014 (4
mois et 10 jrs)
2015
2016
2017
(8 mois/12)
Rémunération brute
14 377,59
38 929,32
58 929,32
33 320,15
dont primes
0
0
20 000
(prime pour
2014-2015)
19 000,00
(prime pour
2016
Existence d’une
lettre
d’intéressement
Sans
objet
Oui
Oui
Sans
objet
Entretien annuel
Non
Oui
Non
Non
Source : tableau masse salariale et entretien annuel
Il existe des lettres d’intéressement pour 2014
-
2015 et 2016. Cependant, en l’absence
d’évaluation des objectifs fixés dans ces lettres, toutes les primes versées (39
000
€) sont
également contestables.
Le 21 février 2017 une démarche de rupture conventionnelle a été engagée pour un
départ le 31 mars 2017. Les modalités financières décidées par la direction sont les suivantes :
versement d’une
indemnité de rupture de 10 000
€ et octroi d’un ordinateur.
Recommandation n° 12 : Verser les primes individuelles conformément aux dispositions
contractuelles entre employeur et employé.
En réponse à la recommandation, la direction de la SASU indique avoir engagé un
travail de redéfinition des contrats de travail.
Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire
25 rue Paul Bellamy
BP 14119
44041 Nantes cedex 01
Adresse mél.
crcpdl@pl.ccomptes.fr
Les publications de la chambre régionale des comptes
des Pays de la Loire
sont disponibles sur le site :
www.ccomptes.fr/Nos-activites/Chambres-regionales-des-comptes-CRC/Pays-de-la-Loire