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DEUXIÈME CHAMBRE
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Cinquième section
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Arrêt n° S2018-3970
Audience publique du 16 novembre 2018
Prononcé du 17 décembre 2018
CHAMBRE DEPARTEMENTALE
D’AGRICULTURE DU MORBIHAN
Exercices 2012 à 2016
Rapport n° R-2018-1111
République Française
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2018-28 RQ-DB en date du 29 juin 2018 par lequel le
Procureur général près la Cour des comptes a saisi la juridiction en vue de la mise en jeu de
la responsabilité personnelle et pécuniaire au titre des exercices 2012 à 2016, de M. X et de
Mme Y
, comptables successifs de la chambre départementale d’agriculture (CDA) du
Morbihan, notifié respectivement les 21 et 19 juillet 2018 aux intéressés ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptables de la CDA du Morbihan par
M. X pour la période du 1
er
janvier 2012 au 23 novembre 2015 et Mme Y pour la période du
24 novembre 2015 au 31 décembre 2016 et les justifications produites au soutien desdits
comptes ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n°
63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur
la comptabilité publique et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion
budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du
deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction
issue de l’article
90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative
pour 2011 ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu les lois, décrets et règlements sur la comptabilité des établissements
publics nationaux à caractère administratif et les textes spécifiques applicables aux
chambres d’agriculture, notamment l’instruction M92
;
Vu les pièces produites au cours de l’instruction, notamment les justifications
en réponse au réquisitoire et les réponses aux questions du rapporteur transmises par M. X
et Mme Y par courriers du 25 juillet 2018 ;
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Vu le courriel, en date du 3 août 2018, par lequel M. X a demandé
communication des pièces appuyant le réquisitoire, celles-ci ayant été mises à sa disposition
le 9 août suivant ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le rapport de M. Louis VALLERNAUD, conseiller maître, chargé de
l’instruction
;
Vu les conclusions du Procureur général n° 696 du 25 octobre 2018 ;
Entendu lors de l’audience publique du 16 novembre 2018 M
. Louis
VALLERNAUD, en son rapport, M. Serge BARICHARD, avocat général, en les conclusions
du ministère public, les
parties, informées de l’audience n’étant ni présentes, ni
représentées ;
Entendu en délibéré M. Pierre ROCCA, conseiller maître, réviseur, en ses
observations ;
Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du représentant du
ministère public ;
Attendu qu’aucune circonstance constitutive de la force majeure n’a été
établie ni même alléguée ;
Sur la charge n°
1, soulevée à l’encontre de Mme
Y au titre de
l’exercice
2016
En ce qui concerne le réquisitoire
1. Attendu que par son réquisitoire susvisé, le Procureur général a requis la
Cour au motif que le solde au 31 décembre 2016 du compte 26
« Participations et créances
rattachées à des participations »
,
d’un montant total de 166
731,56
€, aurait été
insuffisamment justifié ou non justifié pour un montant cumulé de 5 259,52
€
; que cette
insuffisance de justifications pouvait être constitutive de déficits ou de manquants en
monnaie ou en valeurs et que la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme Y était
susceptible d’être mise en jeu de ce chef, au titre de l’exercice
2016 ;
Sur les faits
2.
Attendu qu’en effet, aucune justification n’a été produite à l’appui du
compte financier de la CDA du Morbihan pour ce qui concerne la participation de
l’établissement public au capital des coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA)
de Mauron (2 322,57
€), de l’Entraide Bretonne (469,63
€) et de la Bignanaise (276
€) et les
participations de la chambre au capital de la coopérative Ovi Ouest (367,75
€) et de la
Société de presse professionnelle agricole de Bretagne (SOPPAB, 3 155,69
€) n’auraient été
justifiées qu’à hauteur de 348
€ et 984,12
€ respectivement
;
Sur le droit applicable
3.
Attendu qu’en application du I de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 et
des articles 17 et 18 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, les comptables publics
sont personnellement responsables de la garde et de la conservation des fonds et valeurs
appartenant aux organismes publics ainsi que de la conservation des pièces justificatives
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des opérations et des documents de comptabilité ; que leur responsabilité personnelle et
pécuniaire se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en
valeurs a été constaté ;
Sur le manquement de la comptable à ses obligations
4. Attendu que dans sa réponse au réquisitoire, Mme Y a indiqué que,
l’année
2016 ayant été
« particulièrement chargée et mouvementée avec la mise en place
de la convergence »
, elle n’avait pas
« bénéficié du temps nécessaire pour mettre à jour les
participations de la chambre d’agriculture
»
, mais que ce travail avait été réalisé depuis lors
et que ses résultats avaient été
« transmis au service financier pour la prise en compte [de]
quelques écritures de régularisation (mandats à hauteur de 4 985,12
€ et titres de recettes à
hauteur de 8 287,18
€)
»
;
5. Attendu que du tableau produit par la comptable, il ressortirait que les
participations de la chambre d’agriculture concernant les CUMA de Mauron et de l’Entraide
Bretonne auraient été
«
reprises à tort lors de la reprise de l’EDE
[Etablissement
départemental de l’élevage]
en 2005 »
et que,
«
suite à l’arrêt de la production ovine sur la
station de Mauron »
, celle concernant la coopérative Ovi Ouest ferait l’objet d’
un
remboursement à hauteur de 348
€
; que le même document fait apparaître que les
régularisations nécessaires devaient être réalisées le moment venu ;
6. Attendu que Mme Y a fait valoir par ailleurs, en ce qui concerne la
participation de la CDA du Morbihan dans la CUMA La Bignanaise, qu
’
« un justificatif [avait]
(…)
été transmis à la Cour des comptes pour 276
€
»
et, s’agissant de la participation de la
chambre au capital de la SOPPAB, qu’
« une opération de réduction [du] capital [de cette
société avait] été réalisée mais pas prise en compte au moment du contrôle par la chambre
d’agriculture
»
et que
« [ces] informations [avaient] été transmises au service financier de
l’ordonnateur pour opération de mandat
»
; qu’elle a produit en ce sens un tableau ni
daté ni
signé ;
7. Attendu que, si un processus de justification des participations de la CDA
du Morbihan a été engagé suite
au contrôle de la Cour, il n’a pas abouti à la date de
jugement
; qu’en effet, il ne ressort pas des pièces produites par la comptable à l’appui de sa
réponse au réquisitoire que les régularisations annoncées ont été réalisées et, a fortiori,
justifiées ;
8.
Attendu que l’absence ou l’insuffisance de justification des participations
visées dans le réquisitoire traduit la perte des actifs correspondants et constitue un
manquant en valeurs dans la caisse du comptable ;
qu’il y a donc lieu de mettre en jeu la
responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme Y ;
Sur le préjudice financier
9.
Attendu qu’il résulte du manquement de la comptabl
e un manquant en
valeurs qui est constitutif d’un préjudice financier pour la CDA du Morbihan
; que ces
manquants sont imputables à l’insuffisance de justifications sur participations à hauteur de
2 322,57
€ pour la
CUMA de Mauron, 469,63
€ pour l’Entraide
bretonne, 276
€ pour la
CUMA La Bignanaise, 19,75
€ pour l’OVI Ouest (soit 367,75
€ dont 348
€ justifiés) et
2 171,57
€ pour la SOPPAB (soit 3
155,69
€ dont 984,12
€ justifiés), soit 5
269,52
€ au total
;
10.
Attendu qu’aux termes des deuxième et troisième a
linéas du paragraphe
VI de l’article
60 de la loi du 23 février 1963,
« Lorsque le manquement du comptable aux
obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme concerné (…), le
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comptable a l’obligation de verser immédiatement de se
s deniers personnels la somme
correspondante (…) »
; qu’ainsi, il y a lieu de constituer Mme
Y débitrice de la chambre
départementale d’agriculture du Morbihan pour la somme de
5 259,52
€
;
11.
Attendu que le VIII de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 prévoit que
« les débets portent intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics »
; que le premier acte de la
mise en jeu de leur responsabilité correspond à la notification du réquisitoire, intervenue
le 19 juillet 2018 pour ce qui concerne Mme Y ;
Sur la charge n°
2, soulevée à l’encontre de M.
X au titre des
exercices 2012 à 2015
En ce qui concerne le réquisitoire
12. Attendu que par son réquisitoire susvisé, le Procureur général a requis
la Cour au motif qu’au titre des exercices
2012 à 2015, M. X aurait pris en charge
vingt
mandats d’admission en non
-va
leurs de créances d’un montant total hors taxes
de 16 213,17
€ sur le fondement de pièces justificatives insuffisantes
;
13. Attendu que le ministère public a relevé que ces mandats étaient
seulement appuyés de décisions d’admission en non
-valeur du bureau, et non comme le
prévoit la réglementation, des délibérations de l’assemblée des élus de la chambre
d’agriculture, dénommées
« délibérations de la session »,
autorisant l’admission en non
-
valeurs des créances irrécouvrables, et qu’il ne ressortait pas des p
ièces du dossier que la
session ait délégué à son bureau son pouvoir dans ce domaine ;
Sur les faits
14. Attendu que les créances ainsi admises en non-valeurs ont atteint
1 129,05
€ en
2012 (517,80
€ sur le fondement du mandat
n° 64 du 1
er
mars 2012, 453,25
€
sur le fondement du mandat n° 2302 du 13 novembre 2012 et 158
€ sur le fondement du
mandat n° 2610 du 14 décembre 2012), 5 925,58
€ en 2013 (2
855,58
€ sur le fondement du
mandat n° 1140 du 5 juillet 2013, 504
€ sur le fondement du mandat n°
1141 du même jour
et 2 566
€ sur le fondement du mandat n°
2874 du 31 décembre 2013), 7 053,04
€ en 2014
(252,20
€, 126
€ et 24
0,60
€ sur le fondement de trois mandats n°
360, 361 et 362 du
25 mars 2014, 3 126
€ sur le fondement du mandat n°
1693 du 23 septembre 2014,
592,20
€, 242,10
€, 533,84
€, 167,60
€, 112,50
€ et 1
660
€ sur le fondement de six mandats
n° 1944, 1946 et 1949 à 1952 du 17 octobre 2014) et 2 105,50
€ en 2015 (285
€ et 614
€ sur
le fondement de deux mandats n° 163 et 164 du 6 mars 2015, 304,50
€ et 902
€ sur le
fondement de deux mandats n° 1868 et 1869 du 19 octobre 2015) ;
Sur le droit applicable
15.
Attendu qu’en application du I de l’article 60 de la loi du 23
février 1963,
des articles 12, 13 et 37 du décret 29 décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique, applicable aux opérations réalisées jusqu’au 31
décembre 2012,
et des articles 19, 20 et 38 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique, applicable aux opérations réalisées durant les exercices 2013 et
suivants, les comptables publics sont personnellement responsables du contrôle de la
validité des dépenses qui porte notamment sur la production des pièces justificatives des
opérations ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors
qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté
;
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16. Attendu que les dis
positions relatives à la procédure d’admission en
non-
valeurs figurant dans l’instruction budgétaire et comptable M92 relative aux chambres
d’agriculture et à leur assemblée permanente prévoient que
«
l’agent comptable dresse
chaque année l’état des créances irrécouvrables dont il demande l’admission en non
-
valeurs »,
que
« cet état indique la nature des produits, le nom et le domicile des débiteurs,
les sommes dues par chacun d’eux et les motifs de non
-recouvrement »
, qu’
« au vu des
pièces qui y sont joint
es, le président propose l’admission en non
-valeur ou le rejet »
et que
«
l’assemblée des élus statue sur les propositions du
Président »
(cf. le point 4 du chapitre VI
du titre
I de l’instruction, page
50). Cette dernière disposition implique que la décision
d’admettre en non
-valeurs les créances identifiées par le comptable comme irrécouvrables
relève de l’assemblée délibérante de la chambre d’agriculture, de sorte que le comptable ne
peut régulièrement prendre en charge les mandats correspondants
s’il ne
dispose pas d’une
délibération de cette assemblée ;
Sur le manquement du comptable à ses obligations
17. Attendu que dans sa réponse au réquisitoire, M. X
s’est d’abord étonné
que le P
rocureur général ait estimé que sa responsabilité devait s’apprécier en l’espèce
« au
regard des contrôles qu’il exerce sur l
a validité de la dette »
; qu’il a fait valoir
« que la
notion de dette engendre un mouvement de trésorerie »
, alors que la prise en charge des
mandats d’annulation
« déclenche simplement des écritures permettant de solder des
créances irrécouvrables »
;
18.
Attendu toutefois que, si l’admission en non
-valeur est une mesure
d’ordre budgétaire et comptable qui a seulement pour objet de sortir de l’actif de l’organisme
public concerné une créance devenue irrécouvrable et de constater la perte en résultant, elle
se traduit à ce dernier titre par l’imputation d’une charge au compte
6714
« Créances
devenues irrécouvrables »
dont la prise en charge irrégulière constitue un manquement qui
engage la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ; que ce premier argument
invoqué par M. X doit donc être écarté ;
19. Attendu que le comptable a signalé en deuxième lieu que chacun des
mandats visés dans le réquisitoire était appuyé soit d’un procès
-verbal de carence émis par
un huissier de justice, soit d’un certificat d’irrécouvrabilité produit par un mandataire
judiciaire, dont
« la session
[n’aurait pu]
que prendre acte »
, de sorte qu’une délibération de
l’assemblée des élus de la chambre d’agricu
lture aurait été inutile ;
20.
Attendu qu’il n’appartient pas au comptable de décider de l’utilité des
décisions de l’assemblée délibérante mais de s’assurer de leur production conformément
aux textes en vigueur et notamment l’instruction comptable M92 applicable en l’espèce
;
qu’en l’absence de délégation de l’assemblée au bureau en la matière, une délibération de
l’assemblée demeurait donc nécessaire
; que cet argument doit également être écarté ;
21. Attendu que M. X a fait valoir en troisième lieu que,
« lors des
précédents contrôles, cette procédure
[avait]
toujours été validée »
par la Cour des comptes,
observant à cet égard, d’une part, que dans le relevé d’observations qu’elle a adressé au
président de l’établissement public le 23
février 2018, la juridiction avait noté que
« les modalités de recouvrement des recettes
[n’appelaient]
pas d’observation
»
et que
« la politique de recouvrement mise en place par la chambre
[était]
efficace »
et, d’autre part,
que cette politique
« reconnue comme efficace
[avait]
été mise en place et en œuvre par le
service de l’agence comptable
»
;
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22. Attendu que la mission dévolue à la Cour des comptes par
l’article
L. 111-1 du code des juridictions financières de juger les comptes des comptables
publics de l’Etat et de
ses établissements publics est distincte de celle que lui assignent les
articles L. 111-2 et 3 du même code de contrôler les comptes et la gestion des services de
l'Etat et des autres personnes morales de droit public
; qu’il s’ensuit que les observations
que
la Cour est susceptible d’adresser à ce dernier titre à l’ordonnateur d’une personne morale
de droit public relevant de sa compétence sont sans effet sur l’appréciation de la
responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable qui exerce ses fonctions auprès de ce
même organisme ; que ce moyen est donc inopérant ;
23.
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que M.
X a engagé sa
responsabilité personnelle et pécuniaire en s’abstenant de suspendre le paiement des
mandats visés dans le réquisito
ire alors qu’il ne disposait d’aucune délibération de
l’assemblée des élus de la chambre d’agriculture autorisant l’admission en non
-valeurs des
créances correspondantes ;
Sur le préjudice financier
24.
Attendu que l’examen des pièces jointes aux mandats visés
dans le
réquisitoire atteste qu’à l’exception des mandats n°
360 du 25 mars 2014 de 252,20
€, 1946
du 17 octobre 2014 de 242,10
€ et 1868 du 19
octobre 2015 de 304,50
€, ils étaient tous
appuyés d’un courrier émis par un huissier de justice attestant de l’insolvabilité du débiteur
ou de l’échec des mesures de poursuite entreprises à son encontre, d’un certificat
d’irrécouvrabilité produit par un mandataire judiciaire ou un huissier de justice ou d’autres
pièces attestant de l’impossibilité de recouvrer la
créance ;
25. Attendu que les pièces disponibles montrent que les créances admises
en non-valeurs sur le fondement des mandats n° 360 du 25 mars 2014, 1946 du
17 octobre 2014 et 1868 du 19 octobre 2015 concernaient, pour la première, une personne
étrangère ay
ant quitté la France sans laisser d’adresse et, pour les deux autres, des
débiteurs qui se sont révélés ne pas résider à l’adresse dont la chambre d’agriculture avait
connaissance ;
26.
Attendu que l’analyse des pièces du dossier montre également que
chacune
des créances visées dans le réquisitoire a fait l’objet d’un suivi précis et a donné
lieu à des diligences proportionnées aux enjeux notamment financiers qui y étaient
associés ;
27.
Attendu qu’il ressort de ces éléments que les créances en cause étaient
irré
couvrables lorsqu’elles ont été admises en non
-valeurs
; qu’en conséquence la perte qui
a résulté de ces opérations pour la CDA du Morbihan n’est pas imputable au comptable
;
28.
Attendu qu’aux termes des deuxième et troisième alinéas du paragraphe
VI de l’ar
ticle 60 de la loi du 23 février 1963,
« lorsque le manquement du comptable aux
obligations mentionnées au I n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme concerné, le
juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exer
cice, en
tenant compte des circonstances de l’espèce
»
;
29. Attendu que le montant maximal de la somme prévue au VI de
l’article
60 de la loi du 23 février 1963 a été fixé par le décret n° 2012-1386 du
10 décembre 2012 susvisé à un millième et demi du cautionnement prévu pour le poste
comptable, soit en l’espèce 299,40
€
au titre des exercices 2012 à 2014 et 352,50
€ au titre
de l’exercice
2015, le cautionnement du comptable ayant été fixé à 199 600
€ sur la période
du 1
er
août 2010 au 30 juin 2014 et à 235 000
€ à compter du 1
er
juillet 2014 ;
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30.
Attendu qu’au regard des sommes en cause et de la bonne qualité
générale du suivi des créances, il sera fait une juste appréciation des circonstances de
l’espèce en mettant à la charge de M.
X une somme de 50
€ au titre de chacun des
exercices 2012 à 2015 ;
Sur la charge n°
3, soulevée à l’encontre de M.
X et Mme Y au titre des
exercices 2012 à 2016
En ce qui concerne le réquisitoire
31. Attendu que par son réquisitoire susmentionné, le Procureur général a
requis la Cour au motif que les deux comptables successivement en fonctions au cours des
exercices 2012 à 2016 auraient procédé au remboursement de frais de déplacement sur le
fondement de pièces justificatives insuffisantes ;
32. Attendu que le représentant du ministère public a relevé, en premier
lieu, que M. X puis Mme Y avaient pris en charge des dépenses de parking, péage, bateau,
avion, métro, carburant et huile de moteur pour un montant total de 2 619,57
€ alors qu’elles
n’entraient pas dans une catégorie de dépenses pouvant faire l’objet d’un remboursement au
sens des décisions tarifaires de la commission régionale paritaire, en contradiction avec les
dispositions combinées de l’article
14 de l’a
rrêté du 27 octobre 1987 portant règlement
financier des chambres d’agriculture, de l’article
D. 511-69 du code rural et de la pêche
maritime et des articles 9 et 33 du statut du personnel administratif des chambres
d’agriculture
;
33. Attendu que le Procureur général a relevé, en second lieu, que ne
figurait pas d’ordre de mission à l’appui des mandats sur le fondement desquels Mme
Y avait
procédé en 2016 à des remboursements de frais correspondant à des déplacements
effectués hors du département du siè
ge de la chambre d’agriculture, en contradiction avec
les dispositions combinées de l’article
14 de l’arrêté susmentionné du 27
octobre 1987 et de
l’annexe de l’arrêté du 13
avril 2016 fixant la liste des pièces justificatives des dépenses des
organismes soumis au titre III du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la
gestion budgétaire et comptable publique ;
Sur les faits
34. Attendu que les dépenses réglées hors décisions tarifaires ont été
réalisées sur le fondement de trois mandats n° 218 du 15 mars 2012, 763 du 14 mai 2012 et
3036 du 31 décembre 2012 pour un montant de 297,34
€ en 2012 (dont 192,60
€ de
dépenses de parking, 25,40
€ de dépenses de péage, 37,30
€ de dépenses de bateau et
42,04
€ de dépenses de métro), deux mandats n°
1462 du 5 août 2013 et 2833 du
31 décembre 2013 pour un montant de 280,85
€ en 2013 (dont 61,50
€ de dépenses de
parking, 53
€ de dépenses de péage, 153,05
€ de dépenses de bateau et 13,30
€ de
dépenses de métro), cinq mandats n° 295 du 6 mars 2014, 953 du 6 juin 2014, 1530 du
5 septembre 2014, 1754 du 23 septembre 2014 et 2726 du 31 décembre 2014 pour un
montant de 988,02
€ en
2014 (dont 392,50
€ de dépenses de parking, 132,80
€ de dépenses
de péage, 283,65
€ de dépenses de bateau, 91,60
€ de dépenses de métro et 87,47
€ de
dépenses
de
carburant
et
d’huile
de
moteur),
quatre
mandats
n°
1578
du
10 septembre 2015, 2261 du 10 décembre 2015, 2361 du 22 décembre 2015 et 2668 du
31 décembre 2015 pour un montant de 488,37
€ en 2015 (dont 133,60
€ de dépenses de
parking, 145,90
€ de dépenses de péage, 100,20
€ de dépenses de bateau, 39
€ de
dépenses de métro et 69,67
€ de dépenses de carburant et d’huile de moteur) et quatre
mandats n° 510 du 25 avril 2016, 1394 du 19 septembre 2016, 2247 du 31 décembre 2016
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et 2499 du même jour pour un montant de 564,99
€ en 2016 (dont 216,10
€ de dépenses de
parking, 37,20
€ de dépenses de péage, 141
€ de dépenses de bateau, 117,53
€ de
dépenses d’avion et 53,16
€ de dépenses de métro)
;
35. Attendu que des dépenses effectuées sans ordre de mission
, d’un
montant total de 2 120,04
€, ont été réalisées sur le fondement des mandats
n° 1394 du
19 septembre 2016 à hauteur de 604,08
€, 2247 du 31
décembre 2016 à hauteur
de 217,62
€ et 2499 du même jour à hauteur de 1
298,34
€
; que, sur ces mêmes mandats,
ces dépenses recoupent partiellement celles, listées ci-dessus, effectuées hors décisions
tarifaires ;
Sur le droit applicable
36.
Attendu qu’en application du I de l’article
60 de la loi du 23 février 1963,
des articles 12, 13 et 37 du décret 29 décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique, applicable aux opérations réalisées jusqu’au 31
décembre 2012, et
des articles 19, 20 et 38 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique, applicable aux opérations réalisées durant les exercices 2013 et
suivants, les comptables publics sont personnellement responsables du contrôle de la
validité des dépenses qui porte notamment sur la production des pièces justificatives des
opérations ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée dès lors
qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté ;
Sur les manquements des comptables à leurs obligations
Sur le remboursement de dépenses de parking, péage, bateau, avion, métro,
carburant et huile de moteur
37. Attendu que dans leur réponse au réquisitoire, les comptables ont
soutenu que les dépenses en cause correspondaient à des
«
factures (…) réglées à titre
d’avance par les agents et pour le compte de la Chambre
»
, qu’il ne s’agirait
« en aucun cas
d’indemnités et [que] (…) l’agent comptable ne [pouvait] pas [en] suspendre le paiement
»
;
qu’à l’appui de cette thèse, M.
X a souligné que
« les frais de bateaux, [de
] trains, d’avions
ou de carburants (ce pourrait être également le cas pour les péages) [étaient] le plus souvent
facturés à la Chambre par un prestataire »
, de sorte que
«
les exemples cités (…)
s’apparente[
raient] bien à des factures classiques »
; qu’il a également observé que
« cette
pratique d’avance de frais [
était] très limitée et autorisée par mesure de simplification et
[n’avait] jamais fait l’objet d’observations lors des précédents contrôles
»
;
38.
Attendu toutefois que les deux premiers alinéas de l’article
D. 511-69
susvisé du code rural et de la pêche maritime, dont la rédaction est restée inchangée au
cours des exercices examinés, prévoient que
«
pour l’exercice de leurs activités, les
chambres d’agriculture peuvent constituer tous les services et instituer toutes les fonctions
qu’elles jugent nécessaires
à leur fonctionnement »
et qu’
« elles votent les traitements et
indemnités afférents à ces fonctions » ;
39.
Attendu que l’article
33 du statut susvisé du personnel administratif des
chambres d’agriculture, précise que
« les frais
[de déplacement]
engagés par les agents
dans l’exercice de leurs fonctions sont remboursés par l’organisme employeur selon un tarif
fixé par la Commission Régionale Paritaire »
; qu’aux termes de l’article
9 du statut, cette
instance est en effet compétente pour, notamment,
« définir les modalités de remboursement
des frais de déplacement
(…)
et fixer les indemnités de déplacement »
du personnel des
chambres d’agriculture de son ressort
;
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40. Attendu
que
conformément
à
ces
dispositions,
la
chambre
départementale
d’agriculture du Morbiha
n réunie en session ordinaire a fixé les taux de
l’indemnité kilométrique pour utilisation du véhicule personnel,
les montants de prise en
charge des dépenses d’hébergement (petit
-déjeuner compris) en province et à Paris, les
taux de remboursement des repas pris dans le département du Morbihan, en Bretagne et
hors département et région sauf Paris par quatre délibérations votées les 20 mars 2012,
5 décembre 2013, 30 juin 2014 et 25 novembre 2016 à la suite de décisions prises par la
commission régionale paritaire les 24 septembre 2004, 20 mai 2014 et 20 septembre 2016 ;
41.
Attendu qu’il résulte de ces dispositions que la commission régionale
paritaire n’ayant fixé aucun tarif pour le remboursement des dépenses de parking, péage,
bateau, avion, métro, carburant et huile de moteur exposées par les agents lors des
déplacements qu’ils effectuent dans le Morbihan, en Bretagne ou à Paris, l’assemblée des
élus de la chambre d’agriculture n’a pas prévu leur prise en charge
; que ces dépenses ne
pouvaient donc donner lieu à aucun paiement de la part du comptable ;
42.
Attendu que l’examen des pièces jointes aux mandats fait apparaître
que des dépenses de ce type, ainsi que des dépenses de train et de location de voiture qui,
à la lumière des décisions tarifaires de la commission régionale paritaire et des délibérations
correspondantes de l’assemblée des élus de la CDA, ne relevaient pas non plus du
périmètre des dépenses éligibles, ont donné lieu à remboursements pour un montant total
de 297,34
€ en 2012, 280,85
€ en 2013, 98
8,02
€ en 2014, 488,37
€ en 2015 et, dans la
limite des dépenses mentionnées au réquisitoire, 564,99
€ en 2016
;
43.
Attendu
qu’au
même
titre
que
les
dépenses
de
restauration,
d’hébergement et d’utilisation de leur véhicule personnel exposées par les agents
c
oncernés, ces dépenses ont toutes fait l’objet d’états mensuels de remboursement de frais
;
que leur gestion s’inscrivait donc bien dans le cadre défini par les dispositions
susmentionnées de l’article
14 de l’arrêté du 27
octobre 1987 portant règlement financier des
chambres d’agriculture, de l’article
D. 511-69 du code rural et de la pêche maritime et des
articles
9 et 33 du statut du personnel administratif des chambres d’agriculture
; que la
circonstance que les dépenses de bateau, de train, d’avion, de
carburant et de péage
réalisées pour les besoins des missions des agents de la CDA du Morbihan soient
« le plus
souvent facturées à la Chambre par un prestataire »
est indifférente à cet égard ; que
l’argument concernant la nature des dépenses en cause in
voqué par M. X et Mme Y doit
donc être écarté ;
44. Attendu que la mission dévolue à la Cour des comptes par
l’article
L. 111-1 du code des juridictions financières de juger les comptes des comptables
publics de l’Etat et de ses établissement
s publics est distincte de celle que lui assignent les
articles L. 111-2 et 3 du même code de contrôler les comptes et la gestion des services de
l'Etat et des autres personnes morales de droit public
; qu’il s’ensuit que les observations que
la Cour est s
usceptible d’adresser à ce dernier titre à l’ordonnateur d’une personne morale
de droit public relevant de sa compétence sont sans effet sur l’appréciation de la
responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable qui exerce ses fonctions auprès de ce
même organisme ; que ce moyen est donc inopérant ;
45.
Attendu qu’il en va de même des éléments circonstanciels mentionnés
dans leurs réponses par les comptables pour justifier l’existence de la
« pratique »
invoquée
et en souligner le caractère accessoire et la rigueur de la gestion
; qu’en effet, ces éléments
sont sans effet sur l’appréciation de leur responsabilité personnelle et pécuniaire
;
qu’ils
pourraient seulement en faire état à l’appui d’une demande de remise gracieuse d’un
débet prononcé par la Cour ;
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Sur le remboursement sans ordre de mission de dépenses exposées par des
agents de la chambre d’agriculture dans le cadre de missions effectuées hors du Morbihan
46. Attendu que Mme Y a fait valoir que «
depuis le [
1
er
avril 2016
], avec la
mise en place progressive de [
la
] convergence, les agents étant amenés à se déplacer
davantage sur le territoire breton, un ordre de mission permanent pour l’ensemble des
salariés de la chambre [
avait
] été émis pour l’ensemble des déplacements en Bretagne
», ce
qui expliquerait «
l’absence de ces justificatifs à l’appui des mandats cités dans le réquisitoire
» ;
47. Attendu que la comptable a précisé que si, «
pour les déplacements
hors Bretagne, l’ordre de mission était bien obligatoire
», ce n’était pas le cas «
pour les
salariés faisant l’objet d’un ordre de mission permanent pour une mission particulière
» et
que l’un des agents concernés se trouvait dans cette situation au titre d’une «
mission
nationale
» ;
48.
Attendu qu’elle a enfin relevé que «
tous ces déplacements [
avaient
] par
ailleurs fait l’objet de visa de la part de la hiérarchie » de sorte que « la dépense
[avait
] bien
été engagée pour une mission validée
» ;
49.
Attendu
qu’aux
termes
de
l’article
14
de
l’arrêté
susvisé
du
27 octobre 1987 portant règlement financie
r des chambres d’agriculture,
« le règlement des
frais occasionnés par le déplacement du personnel de la chambre d’agriculture est opéré
dans les conditions prévues à l’article
R. 511-69 du code rural
[devenu depuis lors
l’article
D. 511-69 du code rural et de la pêche maritime]
et, en ce qui concerne le personnel
administratif, par l’article
33 de leur statut. Ils doivent être réglés sur états appuyés de pièces
justificatives, et notamment sur production de l’ordre de mission délivré par le
président de la
chambre en cas de déplacement hors du département du siège de la chambre et sur
production d’une autorisation du
p
résident de la chambre en cas d’utilisation d’une voiture
personnelle »
;
50.
Attendu qu’il ressort de la combinaison de l’article
14 de l’arrêt
é du
27 octobre
1987
portant
règlement
financier
des
chambres
d’agriculture
et
des
rubriques
3.8.1.1 et 3.8.3 de l’annexe à l’arrêté du 13
avril 2016 fixant la liste des pièces que
la prise en charge des frais de transport, d’hébergement et de restauration
exposés par les
agents de ces établissements publics au titre de missions réalisées en dehors du
département de leur siège est subordonnée à la production d’un ordre de mission par le
président de l’établissement public, qui peut être
« permanent et/ou collectif »
;
51.
Attendu qu’une partie des remboursements susmentionnés correspond
à des déplacements réalisés en 2016 hors du département du Morbihan et ont été pris en
charge en l’absence d’ordre de mission
; qu’à ces dépenses, d’un montant total de 512,46
€
s’ajoutent 1
427,80
€ de dépenses entrant dans le périmètre retenu par la commission
régionale paritaire et l’assemblée des élus de la CDA mais qui ont été remboursées en
l’absence d’ordre de mission alors qu’elles aussi ont été exposées par des agents de
la CDA
dans le cadre de missions réalisées hors du département du Morbihan ; que ces dépenses
ont concerné :
-
697,82
€ de frais de repas (128,50
€), indemnités kilométriques (269,32
€) et
frais d’hébergement (300
€) remboursés en septembre 2016 à Mme
A ;
-
534,26
€ de frais de repas (54,26
€) et frais d’hébergement (480
€)
remboursés en mai, juin et décembre 2016 à M. B ;
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-
98,26
€ de frais de repas (59,06
€) et indemnités kilométriques (39,20
€)
remboursés en septembre et octobre 2016 à Mme C ;
-
85,46
€ de frai
s de repas (21,56
€) et indemnités kilométriques (63,90
€)
remboursés en novembre 2016 à Mme D ;
-
12
€ de frais de repas remboursés en juin 2016 à M.
ou Mme E ;
52. Attendu que si, par courriel du 11 mars 2016, dont Mme Y a transmis la
copie à l’appui de sa réponse, le service chargé de l’administration et des finances a
effectivement signifié à l’ensemble des agents de la CDA du Morbihan qu’à compter du
1
er
avril 2016,
« par mesure de simplification
(…)
des ordres de mission permanents
[allaient
être émis]
pour l’ensemble des agents concernant les déplacements en Bretagne »
et que
«
dorénavant, seuls les déplacements « hors Bretagne »
[devraient]
faire l’objet d’un OM »
, la
comptable n’a pas produit copie de ces ordres de mission permanents
; qu’en conséqu
ence
l’argument de Mme
Y selon lequel tous les déplacements effectués en Bretagne par les
salariés de la chambre à compter du 1
er
avril 2016 étaient autorisés par un ordre de mission
permanent n’est pas justifié
;
53.
Attendu qu’en revanche, l’affirmati
on de la comptable selon laquelle,
pour les déplacements effectués hors de Bretagne par Mme A au titre de
« sa mission
nationale »
, l’intéressée bénéficiait d’un ordre de mission
ad hoc
permanent, apparaît
fondée
; qu’en effet, Mme
Y
l’a étayée en produisant copie d’un ordre de mission, signé le
1
er
janvier 2016 par un chef de service ayant reçu délégation du président de la chambre
d’agriculture, autorisant Mme
A à
« se rendre à Paris dans le cadre de sa mission »
durant la
période du 1
er
janvier au 31 décembre
2016, et qu’il ne ressort pas des justificatifs joints
à
l’état de frais que les dépenses susmentionnées, d’un montant total de 697,82
€, n’auraient
pas été réalisées dans ce cadre ;
54.
Attendu en conséquence que la comptable n’a pas pu justifier de
l’existence d’un
ordre de mission pour des remboursements de frais à hauteur de 729,98
€
(534,26
€ à
M. B, 98,26
€ à Mme C, 85,46
€ à Mme D, 12
€ à M ou Mme E)
;
Sur les responsabilités respectives des deux comptables concernés
55. Attendu que M. X et Mme Y ont engagé leur responsabilité personnelle
et pécuniaire en procédant au remboursement des dépenses de parking, péage, bateau,
avion, métro, train, location de voiture, carburant et huile de moteur susmentionnées, à
hauteur de 297,34
€ en 2012, 280,85
€ en 2013, 988,02
€ en 2014, 488,37
€ en 2015 et
746,62
€ en 2016,
alors que les pièces dont ils disposaient faisaient apparaître qu
’elles ne se
rattachaient à aucune des trois catégories de dépenses (indemnités kilométriques, frais
d’hébergement et frais de restauration) dont les décisions tarifaires de la commission
régionale paritaire et les délibérations correspondantes de l’assemb
lée des élus de la
chambre d’agriculture prévoyaient la prise en charge
;
56. Attendu que M. X
est concerné par l’ensemble des paiements réalisés
en 2012, 2013 et 2014 et par ceux intervenus en 2015 pour la somme de 112,50
€
(dépenses payées sur le fondement du mandat n° 1578 du 10 septembre 2015) et que
Mme Y est concernée par les paiements réalisés en 2015 à hauteur de 375,87
€ (dépenses
payées sur le fondement des mandats n° 2261 du 10 décembre 2015, 2361 du
22 décembre 2015 et 2668 du 31 décembre
2015) et par l’ensemble de ceux réalisés
en 2016, dans la limite toutefois de 564,99
€
; qu’en effet, pour ce qui concerne ces
paiements, la Cour est liée par le périmètre et le montant des dépenses retenus par le
représentant du ministère public et ne peut donc mettre en jeu la responsabilité du
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comptable au titre de remboursements de dépenses dont le P
rocureur général n’a pas fait
mention dans son réquisitoire ;
57. Attendu que cette somme de 564,99
€ intègre des dépenses d’un
montant total de 124,20
€ au titre desquelles Mme
Y a également engagé sa responsabilité
personn
elle et pécuniaire en acceptant de les rembourser alors que, s’agissant de dépenses
réalisées par les agents concernés dans le cadre de missions effectuées hors du
département du
Morbihan, les mandats correspondants auraient dû être accompagnés d’un
ordre
de mission du président de la chambre d’agriculture
;
58.
Attendu qu’au même titre, il y a également lieu de mettre en jeu la
responsabilité de Mme Y pour avoir pris en charge le remboursement en 2016 de 729,98
€
d’indemnités kilométriques, frais d’héber
gement et frais de repas au profit de plusieurs
bénéficiaires
; qu’en effet ces dépenses ont également été exposées par les intéressés dans
le cadre de missions réalisées hors du département du siège de la chambre d’agriculture en
l’absence d’ordre de mission du président de l’établissement public
;
59. Attendu que M. X et Mme Y ont ainsi engagé leur responsabilité
personnelle et pécuniaire pour n’avoir pas exigé dans le cadre de leur obligation de contrôle
de la validité de la dépense, les piè
ces justificatives suffisantes à l’appui des paiements
;
Sur le préjudice financier
60.
Attendu qu’il résulte des décisions prises par l’instance compétente pour
déterminer le tarif de remboursement des frais de déplacement engagés par les agents de la
chambre
d’agriculture que seules les dépenses de restauration, d’hébergement et
d’utilisation de leur véhicule personnel pouvaient donner lieu à remboursement
; que dans la
mesure où elles n’ont fait l’objet d’aucune tarification, la prise en charge de dépenses d’une
autre nature était implicitement mais nécessairement exclue
; qu’en conséquence le
remboursement des dépenses de parking, péage, bateau, avion, métro, carburant et huile de
moteur ci-dessus répertoriées présentait un caractère indu et a donc constitué un préjudice
financier pour la chambre départementale d’agriculture
du Morbihan ;
61.
Attendu qu’il en va de même des indemnités kilométriques, frais de
restauration et frais d’hébergement qui ont été remboursés en l’absence d’ordre de mission
alors que les dépenses correspondantes avaient été exposées par les agents concernés
dans le cadre de missions effectuées hors du département du Morbihan
; qu’en effet, l’ordre
de mission du président de la chambre d’agriculture constitue la décision de la seule autorit
é
compétente pour autoriser ce type de déplacement
; qu’il en résulte que, même si leur réalité
semble établie, le remboursement des dépenses réalisées dans le cadre de ces missions
présente un caractère indu ;
62.
Attendu
qu’aux
termes
des
deuxième
et
troisi
ème alinéas du
paragraphe
VI de l’article
60 de la loi du 23 février 1963,
« Lorsque le manquement du
comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l’organisme
concerné (…), le comptable a l’obligation de verser immédiatement
de ses deniers
personnels la somme correspondante (…) »
;
63.
Attendu qu’il peut être fait masse de l’ensemble de ces irrégularités
;
que, pour l’ensemble des paiements irrégulièrement intervenus en 2016, c’est
-à-dire tous les
paiements visés dans le réquisit
oire à l’exception des remboursements à Mme
A pour un
montant de 697,82
€ justifiés par un ordre de mission permanent, il s’agit d’un seul et même
manquement
; qu’ainsi il y a lieu de prononcer à l’encontre de M.
X quatre débets de
297,34
€, 280
,85
€, 988,02
€ et 112,50
€ au titre des exercices respectifs
de 2012, 2013,
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2014 et 2015 et à l’encontre de Mme
Y
deux débets de 375,87 € et 1
294,97 € au titre des
exercices respectifs de 2015 et 2016 ;
64.
Attendu que le VIII de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 prévoit que
« les débets portent intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics »
; que le premier acte de la
mise en jeu de leur responsabilité correspond à la notification du réquisitoire, intervenue
le 19 juillet 2018 pour ce qui concerne Mme Y et le 21 juillet 2018 pour ce qui concerne
M. X ;
Sur le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense
65. Attendu que le deuxième alinéa du paragraphe
IX de l’article
60 de la loi
du 23 février 1963 prévoit que les comptables publics dont la responsabilité personnelle et
pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du paragraphe VI
peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse totale des sommes mises
à leur charge s’ils ont respecté les règles de contrôle sélectif des dépenses
et que cette
condition est déterminée «
sous l’appréciation du juge des comptes
» ;
66.
Attendu que l’instruction a m
ontré que la chambre départementale
d’agriculture du
Morbihan n’était dotée d’aucun plan de contrôle hiérarchisé de la dépense
au cours des exercices 2012 à 2016 ;
67.
Attendu qu’en conséquence, M.
X et Mme Y ne peuvent se prévaloir des
dispo
sitions susmentionnées du deuxième alinéa du IX de l’article
60 de la loi du
23 février 1963 ;
Par ces motifs,
DÉCIDE
:
En ce qui concerne M. X
Au titre de l’exercice
2012 (charges n° 2 et 3)
Article 1
er
-
M. X devra
s’acquitter d’une somme de 50
€, au titre de la
charge n°
2, en application du deuxième alinéa du VI de l’article
60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963
; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de
l’article
60 précité ;
Article 2 -
M. X est constitué débiteur de la chambre départementale
d’agriculture du Morbihan au titre de la charge n°
3, pour la somme de 297,34
€, augmentée
des intérêts de droit à compter du 21 juillet 2018 ;
Les paiements correspo
ndants n’entraient pas dans une catégorie de
dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.
Au titre de l’exercice
2013 (charges n° 2 et 3)
Article 3 -
M. X
devra s’acquitter d’une somme de 50
€ au titre de la charge
n° 2, en
application du deuxième alinéa du VI de l’article
60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963
; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de
l’article
60 précité ;
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Article 4 -
M. X est constitué débiteur de la chambre départementale
d’agriculture du Morbihan au titre de la charge n°
3 pour la somme de 280,85
€, augmentée
des intérêts de droit à compter du 21 juillet 2018 ;
Les paiements correspondants n’entraient pas dans une catégorie de
dépenses faisant l’ob
jet de règles de contrôle sélectif.
Au titre de l’exercice
2014 (charges n° 2 et 3)
Article 5 -
M. X
devra s’acquitter d’une somme de 50
€ au titre de la charge
n°
2, en application du deuxième alinéa du VI de l’article
60 de la loi n° 63-156
du 23 février 1963
; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du
IX
de l’article
60 précité ;
Article 6 -
M. X est constitué débiteur de la chambre départementale
d’agriculture du Morbihan au titre de la
charge n° 3, pour la somme de 988,02
€, augmentée
des intérêts de droit à compter du 21 juillet 2018 ;
Les paiements correspondants n’entraient pas dans une catégorie de
dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.
Au titre de l’exercice
2015 (charges n° 2 et 3)
Article 7 -
M. X
devra s’acquitter d’une somme de 50
€ au titre de la charge
n°
2, en application du deuxième alinéa du VI de l’article
60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963
; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de
l’article
60 précité ;
Article 8 -
M. X est constitué débiteur de la chambre départementale
d’agriculture du Morbihan au titre de la charge n°
3, pour la somme de 112,50
€, augmentée
des intérêts de droit à compter du 21 juillet 2018 ;
Les paiements correspondants n’entraient pas dans une catégorie de
dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.
En ce qui concerne Mme Y
Au titre de l’exercice
2015 (charge n° 3)
Article 9 -
Mme Y est constituée débitrice de la chambre départementale
d’agriculture du Morbihan pour la somme de 375,87
€, augmentée des intérêts de droit
à compter du 19 juillet 2018 ;
Les paiements correspondants n’entraient pas dans une catégorie de
dé
penses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.
Au titre de l’exercice
2016 (charges n° 1 et 3)
Article 10 -
Mme Y est constituée débitrice de la chambre départementale
d’agriculture du Morbihan au titre de la charge n°
1, pour la somme de 5 259,52
€,
augmentée des intérêts de droit à compter du 19 juillet 2018 ;
Les paiements correspondants n’entraient pas dans une catégorie de
dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.
S2018-3970
15
/
15
13 rue Cambon - 75100 PARIS CEDEX 01 - T +33 1 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Article 11 -
Mme Y est constituée débitrice de la chambre départementale
d’agriculture du Morbihan au titre de la charge n°
3 pour la somme de 1 294,97
€,
augmentée des intérêts de droit à compter du 19 juillet 2018 ;
Les paiements correspondants n’entraient pas dans une catégorie de
dépenses fais
ant l’objet de règles de contrôle sélectif.
Article 12 -
Il est sursis à la décharge de M. X pour sa gestion au titre des
exercices 2012 à 2015, au 23 novembre, et de Mme Y pour sa gestion au titre des
exercices 2015, du 24
novembre, et 2016, dans l’attente de l’apurement des débets et
sommes non rémissibles mentionnés aux articles 1 à 11.
Fait et jugé en la Cour des comptes, deuxième chambre, cinquième section.
Présents : Mme Annie PODEUR, présidente de section, présidente de la formation ;
M. Gilles MILLER, M. Pierre ROCCA, conseillers maîtres ; Mmes Mireille RIOU-CANALS et
Mme Catherine PAILOT-BONNETAT, conseillères maîtres.
En présence de Mme Stéphanie MARION, greffière de séance.
Stéphanie MARION
Annie PODEUR
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers
de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux
procureurs de la
République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à t
ous
commandants et officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront
légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R.
142-20 du code des
juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent f
aire l’objet
d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat
au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La
révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée ap
rès expiration des délais de
pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R.
142-19 du même
code.