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QUATRIÈME CHAMBRE
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Première section
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Arrêt n° S2018-3551
Audience publique du 22 novembre 2018
Prononcé du 13 décembre 2018
COMMUNE DE CARBON-BLANC
(GIRONDE)
Appel
d’un jugement de la chambre régionale
des comptes Nouvelle-Aquitaine
Rapport n° R-2018-1199
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête, enregistrée le 27 octobre 2017 au greffe de la chambre régionale des comptes
Nouvelle-Aquitaine, par laquelle M. X, comptable de la commune de Carbon-Blanc, a élevé
appel du jugement n° 2017-0017 du 25 août 2017 par lequel la juridiction
l’a
constitué débiteur
envers cette commune des sommes de 264,03
€, 3
983,18
€ et
8 602,54
€
au titre de l’exercice
2013, augmentées des intérêts de droit à compter du 1
er
décembre 2016 ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et produites en appel, notamment le
réquisitoire du procureur financier près la chambre régionale des comptes en date du
15 novembre 2016 ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article D. 1617-19 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’artic
le 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le rapport de M. Patrick SITBON, conseiller maître
, chargé de l’instruction
;
Vu les conclusions du Procureur général n° 742 du 14 novembre 2018 ;
Entendu, lors de l’audience publique du
22 novembre 2018, M. Patrick SITBON, en son rapport,
Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public, les autres
part
ies, informées de l’audience, n’
étant ni présentes ni représentées ;
Entendu en délibéré M. Olivier ORTIZ, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Sur le débet n° 1 (mandats n° 140 du 1
er
février 2013 et 160 du 7 février 2013) :
1. Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes Nouvelle-Aquitaine
a constitué M. X débiteur de la somme de 264,03
€ envers la commune de Carbon
-Blanc au
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titre d’un double pa
iement à un fournisseur, pour avoir manqué à ses obligations de contrôle de
la dépense prévues par l
es dispositions de l’
article 19 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la
gestion budgétaire et comptable publique ; que selon la juridiction, le non-mandatement par la
commune, au cours du même exercice, de
deux factures ultérieures de la même société d’un
montant total équivalent à celui indûment payé,
n’en constituait pas la régularisation
dans la
mesure où celle-ci
résultait d’
une contraction irrégulière sans titre ni mandat ; que le second
paiement constituait par nature un paiement indu ayant causé à la commune un
appauvrissement patrimonial définitif ; qu
’enfin,
le comptable
n’apportait pas les éléments
permettant de constater que les deux mandats en cause n’avaient pas à être contrôlés dans le
cadre du contrôle hiérarchisé de la dépense mis en place ;
2. Attendu que l
’appelant
demande à la Cour de
juger que, malgré son irrégularité formelle, la
régularisation, attestée par un certificat administratif du maire en date du 9 décembre 2016,
appuyé des justifications utiles, n’en
a pas moins été réelle et
qu’elle
a annulé
l’appauvrissement
patrimonial né du second paiement
; qu’à cette fin,
il précise que la dépense irrégulière a été
compensée
, avec l’accord d
u fournisseur, par la non-prise en charge de deux factures des
1
er
et 8 octobre 2013 pour des montants respectifs de 68,78
€ et 224,97
€
; qu’
il soutient, en
second lieu, que les mandats en cause
n’avaient pas
à être contrôlés dans le cadre du contrôle
hiérarchisé de la dépense mis en place pour 2013 ;
3.
Attendu qu’en l’espèce,
le commencement de preuve permettant d’établir le rétablissement
de la caisse publique avant le jugement de première instance
n’est contredit par aucun élément
du dossier ; que, dès lors, le certificat administratif produit par le comptable suffit à justifier que
le rétablissement de la caisse est intervenu, quelle que soit la contraction irrégulière des recettes
et des dépenses
qui l’entache
; q
u’il en résulte
que,
sans qu’il soit besoin d’examiner le
second
moyen
, il convient d’infirmer le jugement de la chambre régionale des comptes et de
jug
er qu’il
n’y a pas lieu à charge
;
Sur le débet n° 2 (mandats n° 344 du 19 février 2013, 971 du 26 avril 2013 et 2930 du
19 décembre 2013) :
4. Attendu que la chambre régionale des comptes a constitué M. X débiteur envers la commune
de la somme de 3 893,18
€ pour avoir pris en charge la reconstitution d’une régie d’avances
instituée dans le cadre d’une convention de
partenariat conclue entre un gr
oupement d’intérêt
public assurant, pour la France, la promotion et la gestion de plusieurs programmes européens
et la commune de Carbon-
Blanc pour la mise en œuvre d’un projet «
Ecoles maternelles
européennes écologiques
», alors que les mandats relatifs à des frais de transport (1
604,28 €
et 1
703,90 €) et d’hôtel
(675 €) n’étaient pas assortis
des pièces justificatives de la dépense
prévues par la nomenclature
annexée à l’article D.
1617-19 susvisé du code général des
collectivités territoriales en vigueur au moment des faits ;
5. Attendu que, selon le jugement entrepris
, en s’abstenant de réclamer la production des
justificatifs requis par la nomenclature, le comptable a commis un manquement à ses obligations
réglementaires de contrôle en matière de dépenses
; que ce manquement était constitutif d’un
préjudice financier pour la collectivité ; que les mandats en cause étaient,
pour chacun d’entre
eux, supérieurs aux montants prévus par le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense approuvé
l
e 23 novembre 2006, de sorte que pour l’application d
u IX de
l’article 60 de la loi du 23 f
évrier
1963,
le comptable n’a
pas respecté ses obligations afférentes au contrôle sélectif de la
dépense ;
Sur l’existence d’un manquement
6. Attendu que, selon le requérant, le juge de première instance aurait mal interprété la
nomenclature des pièces justificatives en vigueur au moment des faits ; que la rubrique 218
Indemnités et remboursements de frais relatifs aux déplacements et changements de résidence
ne pouvait s’appliquer en l’espèce car les frais concernés n’ont pas été remboursés aux
personnes, mais acquittés ensemble par le régisseur au moyen de la carte bancaire de la régie
d’avances et
que les opérations de dépenses doivent donc être considérées comme des achats
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sur facture ;
qu’au surplus, l’imputation des dépenses au compte 6247 dédié aux
dépenses
payées aux prestataires de transports collectifs confirmerait cette analyse ;
7. Attendu, cependant, que la prise en charge directe par la collectivité des frais de transport et
d’hébergement des agents en mission
n’emporte pas modification de la nature du déplacement,
pas plus qu’elle n’écarte l’application de la nomenclature des pièces justificatives appli
cable aux
frais de mission ; que la décision
d’imputation comptable prise par
le régisseur ne peut non plus
fonder une requalification des déplacements concernés
; qu’au surplus, aux termes de la
délibération municipale du 5 juillet 2012, qui approuve
le partenariat et prévoit l’ouverture des
crédits nécessaires
ainsi que leur prise en charge par la régie d’avance
s, les crédits ouverts à
cette fin au budget municipal pour 2013 le seront, en dépenses, au compte 6251 afférent aux
voyages et déplacements
; qu’il en résulte que la prise en charge par la régie d’avance
s de frais
de mission, au bénéfice de fonctionnaires ainsi que de personnes non rémunérées par la
collectivité,
ne pouvait intervenir en l’absence des pièces justificatives mentionnées par la
rubrique 2181 de la nomenclature en vigueur au moment des paiements ; que dès lors le moyen
doit être écarté ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
8.
Attendu que l’
appelant fait valoir que la commune de Carbon-Blanc a entièrement été
remboursée, conformément aux termes du partenariat conclu avec le GIP, des paiements
effectués dan
s le cadre de la régie d’avance
s
; qu’ainsi
, il ne peut être considéré que la
commune a subi un préjudice financier ;
9. Attendu, cependant, que nulle pièce produite au dossier
de l’instance n’
apporte la preuve de
la réintégration dans la caisse publique des sommes irrégulièrement payées ; qu'il ne peut, dès
lors, être soutenu que ces paiements n'auraient pas causé de préjudice financier à la
collectivité ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Sur le débet n° 3
(indemnités d’
astreinte
d’un montant
de 8
602,54 €)
:
10. Attendu que, par le jugement dont est appel, la chambre régionale des comptes a constitué
M. X débiteur envers la commune de la somme de 8 602,54
€
pour avoir payé des indemnités
d’astreinte à des agents
municipaux
en l’absence des pièces prévues
par la rubrique 210225
de la nomenclature des pièces justificatives en vigueur au moment des faits,
à savoir, d’une
part, une délibération déterminant les cas dans lesquels il est possible de recourir à des
astreintes ou à des permanences, la liste des emplois concernés, les modalités de leur
organisation et, le cas échéant, le montant des crédits budgétaires alloués à cet effet, d’autre
part, un état liquidatif
précisant l’emploi de l’agent, la période d’astreinte ou de permanence, le
taux applicable et, le cas échéant, le nombre d’heures d’intervention réalisées pendant la
période d’astreinte
;
que, du fait de l’insuffisance des pièces produites, l
e comptable aurait dû
suspendre la prise en charge des mandats en cause ;
qu’à défaut
de le faire, il a commis un
manquement à ses obligations de contrôle de la dépense
; que l’existence d’un préjudice
financier pour la collectivité résulte, selon le jugement, des paiements irréguliers consécutifs au
manquement du comptable à ses obligations de contrôle ;
11. Attendu que
l’
appelant estime, en premier lieu, que les premiers juges ont commis une
erreur de droit en exigeant que la délibération créant le régime des astreintes soit nominative ;
qu’il
soutient que
le fait que la délibération du 25 octobre 2001 était nominative n’emporte pas
la nécessité que la délibération du 9 novembre 2004 le soit ;
12. Attendu, toutefois, que cette interprétation du jugement ne peut être retenue
; qu’en effet
,
la chambre régio
nale des comptes a d’abord constaté que la délibération ne comportait pas de
liste d’emplois mais une liste de personnes, ce qui permettait donc le paiement d’indemnités à
ces personnes même en l’absence d’une liste d’emplois
; qu’elle a ensuite constaté q
ue deux
personnes aya
nt bénéficié d’astreintes ne figuraient pas sur cette liste
; qu’implicitement, la
chambre a donc bien considéré que les personnes concernées n’occupaient pas un emploi
figurant sur la liste des emplois ouvrant droit à indemnités, puis
qu’il n’y avait pas de liste et
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qu’elles
ne pouvaient se prévaloir d’une mention nominative dans la délibération
; que le moyen
de l’appelant est donc inopérant
;
13. Attendu que le comptable argue, en deuxième lieu, que la délibération du 25 octobre 2001
fixant, en autres, le dispositif d’astreinte instaure sans équivoque un dispositif pouvant
concerner sans exclusion tous les emplois du « service technique-atelier » ;
14. Attendu, cependant, que la délibération, qui met en place un dispositif
d’astreinte pour le
service technique, n’indique aucunement que tous les emplois sont concernés
; qu’elle se borne
à désigner nommément les agents susceptibles de bénéficier de l’indemnité
; que le moyen de
l’appelant manque donc en fait
;
15. Attendu qu
e l’appelant soutient, en troisième lieu, que les bulletins de paye comportaient
toutes les mentions devant figurer sur l’état liquidatif et notamment la période d’astreinte
;
16. Attendu, toutefois
, que l’examen des pièces fait
apparaître que tel n’est p
as le cas ; que ne
figurent sur le bulletin de paye que les catégories d’astreintes, ce qui permet de déterminer le
taux de l’astreinte
; qu’en revanche, il n’est pas possible de connaître précisément la période
d’astreinte, sauf pour les jours fériés puis
que le jour concerné est précisé comme le montre
l’exemple présenté par le requérant, et donc de vérifier que le nombre et le type d’astreintes
décomptés correspondent bien à la période durant laquelle l’agent a été d’astreinte
; que le
moyen manque donc en fait ;
17
. Attendu que l’appelant conteste, en quatrième lieu, le fait que les taux d’astreinte pratiqués
n’étaient pas conformes à ceux prévus par les textes en vigueur
; qu
’il indique que l’arrêté du
24 août 2006 fixant les taux des indemnités dues pour astreinte attribuées à certains agents du
ministère des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer
, applicable au moment des
faits,
prévoyait des taux identiques pour les astreintes d’exploitation et les astreintes de
sécurité ;
qu’il produ
it deux tableaux faisant apparaître le décompte et le détail des astreintes
versées faisant l’ob
jet du débet
et demande à la Cour de ne retenir qu’un manquement à
l’obligation de contrôle de l’exactitude de la liquidation pour un montant de 682,10 €
;
18. Attendu
qu’une différence n’existe dans les taux applicables aux deux types d’astreintes
qu’à compter de l’arrêté du 14 avril 2015
; que, cependant, le réquisitoire du procureur financier
près la chambre régionale des comptes a soulevé un grief relatif à un défaut de contrôle de la
production des pièces justificatives, et non
un défaut de contrôle de l’exactitude des calculs de
liquidation, de sorte que les erreurs de liquidation non décelées lors des paiements mais
admises par le comptable et invoquées par lui en appel pour solliciter la réduction de la somme
mise à sa charge sont étrangères à la présente cause ; que, dès lors, le moyen est inopérant ;
19
. Attendu qu’il résulte de ce qui précède que
le comptable a ouvert sa caisse sans disposer
de l’état liquidatif prévu au 3 de la rubrique 210225 de la liste des pièces justificatives en vig
ueur,
document transmis
par les services de l’ordonnateur et ne
se confondant pas avec les fiches de
paye
; qu’il échoit
au
comptable de respecter la nomenclature, ainsi que le rappelle l’instruction
codificatrice n° 07-024-M0 du 30 mars 2007 relative aux pièces justificatives des dépenses du
secteur public local ; qu
e le paiement d’une dépense en l’absence d’une pièce justificative
dont
la production est exigée par la nomenclature constitue un manquement au sens du I
de l’article
60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 ;
20.
Attendu qu’aux termes
du VI, 2
ème
alinéa,
de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
précitée,
«
lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice
financier à l'organisme public concerné
(…)
, le comptable a l'obligation de verser
immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante
» ;
21. Attendu que
l’appelant
demande à la Cour de prendre en considération
, d’une part
, un
sous-effectif d
u poste comptable, d’autre part,
sa situation de retraité ; que le moyen invoqué
est inopérant devant le juge des comptes mais pourra, le cas échéant, être présenté par
M. X
à l’appui d’une demande
en remise gracieuse auprès du ministre chargé du budget ;
22.
Attendu qu’
en conséquence qu
’il y a lieu de
rejeter
la requête de l’appelant en ce qui
concerne le débet n° 3 ;
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Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1
er
: Le jugement de la chambre régionale des comptes Nouvelle-Aquitaine est infirmé
en ses dispositions relatives au débet n° 1 mis à la charge de M. X.
Article 2
: Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabil
ité personnelle et pécuniaire de
M. X en ce qui concerne la charge qui a motivé le débet n° 1.
Article 3 : Le surplus de la requête est rejeté.
------------
Fait
et
jugé
en
la
Cour
des
comptes,
quatrième
chambre,
première
section.
Présents : M. Jean-Yves BERTUCCI, président de section, président de la formation,
MM. Denis BERTHOMIER, Olivier ORTIZ, Yves ROLLAND,
conseillers maîtres, Mme Isabelle
LATOURNARIE-WILLEMS,
conseillère
maître,
MM.
Jean-Luc
GIRARDI
et
Etienne
CHAMPION, conseillers maîtres.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE
Jean-Yves BERTUCCI
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce
requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous
commandants et
officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dis
positions de l’article R. 142
-20 du code des juridictions financières, les
arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai
de deux mois à compter d
e la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance
peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les
conditions pré
vues au I de l’article R. 142
-19 du même code.