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PREMIERE CHAMBRE
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Première section
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Arrêt n° S 2018-3538
Audience publique du 13 novembre 2018
Prononcé du 11 décembre 2018
DIRECTION
DEPARTEMENTALE
DES
FINANCES PUBLIQUES DE
L’ARD
ÈCHE
Exercices 2012 et 2013
Rapport n° R- 2018-1220
République Française,
Au nom du Peuple Français,
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2018-21 RQ-DB du 28 mai 2018, par lequel le Procureur général près la
Cour des comptes a saisi ladite Cour en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle
et pécuniaire de M. X et Mme Y, successivement directeurs départementaux des finances
publiques de
l’Ardèche
,
à raison d’opérations relatives
aux exercices 2012 et 2013, notifié le
31 mai 2018 auxdits comptables qui en ont accusé réception le 2 juin et 31 mai 2018 ;
Vu les comptes rendus en qualité de directeurs départementaux des finances publiques de
l’Ardèche
par M. X, pour les exercices 2012 et 2013,
jusqu’au
28 février, Mme Y, comptable
intérimaire,
pour l’exercice 201
3, du 1
er
mars au 2 juin, et Mme Z à compter du 3 juin 2013 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes susvisés, ensemble les pièces
recueillies au cours de l’instruction
;
Vu le code civil ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63
-156 du 23 février 1963 ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat,
les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité
publique et
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de
la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de Mme Karine Turpin, conseillère référendaire, magistrate chargée de
l’instruction
;
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Vu les conclusions n° 713 du Procureur général du 31 octobre 2018;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu,
lors de l’audience publique du
13 novembre 2018, Mme Turpin, conseillère
référendaire, en son rapport, M. Bertrand Diringer, avocat général, en les conclusions du
ministère public
, les autres parties, informées de l’audience n’étant ni présentes, ni
représentées ;
Entendu en délibéré M. Christian Carcagno, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Sur la charge n° 1 soulevée à l’encontre de
M. X sur les exercices 2012 et 2013 ou de
Mme Y
sur l’exercice 2013
1. Attendu que par le réquisitoire susvisé le Procureur général a estimé que la responsabilité
personnelle et pécuniaire de M. X , au titre de 2012 et 2013, ou à défaut celle de Mme Y sur
la gestion 2013, pouvait être mise en jeu au motif
de la perte de deux titres de recettes d’un
montant total de 3
185,93 €, révélant un déficit ou un manquant ainsi que la non justif
ication
du compte concerné, ou au motif de diligences de recouvrement insuffisantes ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
:
Sur le droit applicable
2. A
ttendu qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, «
les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement
des recettes (…)
de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de
comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent (…) la
responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'un
déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été
recouvrée (…)
» ;
3.
Attendu qu’aux termes du III de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics ne peut être mise en jeu à
raison de la gestion de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans
réserve lors de la remise de service ou qui n’auraient pas été contestées par le comptable
entrant dans les délais réglementaires ;
4.
Attendu qu’aux termes de
l’article 11 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, applicable
jusqu’au 10 novembre 2012, et de l’article 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé,
applicable ensuite, les comptables publics sont notamment chargés de la prise en charge et
du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances
constatées par un contrat, un titre de propriété ou un autre titre, ainsi que de l'encaissement
des droits au comptant et des recettes, de la conservation des pièces justificatives des
opérations transmises par les ordonnateurs et des documents de comptabilité ;
Sur les faits
5. A
ttendu qu’à la clôture de l’exercice 2015, deux titres de perception émis à l’encontre de
personnes physiques restaient à recouvrer pour un montant total de 3 185,93
€
; que ces titres
n’
ont pas pu être produits à la Cour ;
6. Attendu que le comptable entrant le 3 juin 2013 a formulé des réserves sur la gestion de
ses prédécesseurs, au motif que les titres précités
n’avaient pas été
retrouvés ;
Sur les éléments apportés à décharge par les comptables
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7. Attendu que, dans ses observations susvisées, M. X fait part des difficultés rencontrées par
la cellule en charge des produits divers lors de sa prise de fonctions, dues notamment à un
fort absentéisme da
ns ce service en 2011 et 2012, ainsi qu’à la mobilisation des équipes
pour
faire face au déploiement en 2012 de l’outil Chorus
;
8. Attendu que, dans ses observations susvisées, Mme Y
fait valoir qu’elle n’a assuré l’intérim
du poste comptable que sur une période de trois mois, soit une durée trop courte pour formuler
d’éventuelles réserves sur la gestion de son prédécesseur, qu’ainsi sa responsabilité
personnelle et pécuniaire ne saurait être engagée au motif du défaut de recouvrement de
créances antérieures à son entrée en fonctions ;
Sur l’application au cas d’espèce
9.
Attendu que les créances concernées sont devenues irrécouvrables, vu l’impossibilité de
l’État de faire valoir ses droits à l’égard des tiers
;
10. Attendu qu
’eu égard à la brièveté de la durée
des fonctions de Mme Y,
il n’y a pas lieu
d’engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire,
aux motifs poursuivis, pour sa gestion
du 1
er
mars au 2 juin 2013
en qualité d’intérimaire
;
11. Attendu que les circonstances dans lesquelles deux titres ont été perdus ne relèvent pas
de la force majeure, au demeurant non alléguée
; qu’il n’est pas allégué
, ni a fortiori établi, que
le recouvrement des titres en cause ait été compromis dès avant la prise de fonctions de M. X ;
12. Attendu que M. X
n’a pas formulé de réserves sur la gestion de
ses prédécesseurs ; que,
le juge statuant à partir des éléments matériels du compte, les arguments de contexte tenant
notamment aux effectifs du poste et à la mise en place de
l’application Chorus ne peuvent
venir utilement à décharge ;
qu’il y a donc lieu d’engager la responsabilité de ce comptable
pour défaut de tenue de la comptabilité ayant entraîné un manquant en monnaie ou en valeurs,
au titre de l’exercice 2013, pour un
montant total de 3 185,93
€
;
Sur l’existence d’un préjudice
financier
13. A
ttendu qu’un manquant en monnaie ou en valeur constitue, par principe, un préjudice
financier pour les organismes publics concernés ;
14.
Attendu qu’aux termes des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié de
la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable aux obligations
mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concer
né (…), le
comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme
correspondante » ;
15.
Attendu qu’il y a lieu, en conséquence, de constituer
M. X
débiteur envers l’Etat
, au titre
de l’exercice 2013,
de la somme de 3 185,93
€, augmentée des intérêts de droit à compter du
2 juin 2018, date de la réception par celui-ci du réquisitoire susvisé ;
Sur la charge n° 2 soulevée
sur l’exercice 2013
à l’encontre de
M. X ou Mme Y
16. Attendu que par le réquisitoire susvisé le Procureur général a estimé que la responsabilité
personnelle et pécuniaire de M. X, au titre de 2012 et 2013, ou à défaut celle de Mme Y,
pouvait être mise en jeu, au titre de la gestion 2013, au motif de l
’absence
de diligences
complètes, rapides et adéquates en vue du recouvrement de 12 titres de recettes restant à
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recouvrer au 31 décembre
2015 ou ayant fait l’objet d’admissions en non
-valeur, et au motif
de la perte de titres matérialisant les créances pouvant révéler un déficit ou un manquant ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
:
Sur le droit applicable
17. A
ttendu qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée,
« les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du
recouvrement des recettes (…)
de la conservation des pièces justificatives des opérations et
documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils
dirigent (…) la resp
onsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée
dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette
n'a pas été recouvrée (…)
» ;
18.
Attendu qu’aux termes du III de l’article 60 modifié de
la loi du 23 février 1963 susvisée, la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics ne peut être mise en jeu à
raison de la gestion de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans
réserve lors de la remise de servic
e ou qui n’auraient pas été contestées par le comptable
entrant dans les délais réglementaires ;
19.
Attendu qu’aux termes de l’article 11 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, applicable
jusqu’au 10 novembre 2012, et de l’article 18 du décret du 7 novem
bre 2012 susvisé,
applicable ensuite, les comptables publics sont notamment chargés de la prise en charge et
du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances
constatées par un contrat, un titre de propriété ou un autre titre, ainsi que de l'encaissement
des droits au comptant et des recettes, de la conservation des pièces justificatives des
opérations transmises par les ordonnateurs et des documents de comptabilité ;
20.
Attendu qu’aux termes de l’article 2262 d
u code civil, dans sa version
antérieure à l’entrée
en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, « Toutes les actions, tant réelles que
personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit
obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise
foi »
; qu’aux termes de l’article 2224 du code civil,
dans sa rédaction résultant de la loi
précitée : « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du
jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû conna
ître les faits lui permettant de
l’exercer
» ;
qu’en application de l’article 2222 du code civil
, modifié par la loi précitée « En
cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau
délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale
puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure » ;
Sur les faits
21. Attendu que 12 créances relatives à des titres de recettes émis sur des personnes
physiques, pour un montant total de 36 779,89
€
, restaient à recouvrer au 31 décembre 2012
pour l’une d’entre elles, au 31 décembre 2014 pour trois autres
, et au 31 décembre 2015 pour
les huit dernières ;
22. Attendu que le comptable entrant le 3 juin 2013 a formulé des réserves sur la gestion de
son prédécesseur au motif que 12
titres de recettes n’avaient fait l’objet d’aucun acte de
poursuites en vue de leur recouvrement, et que de surcroît quatre de ces titres avaient été
perdus ; que ces faits ont été établis
par l’instruction ;
Sur les éléments apportés à décharge par les comptables
23. Attendu que, dans ses observations susvisées, M. X fait part des difficultés rencontrées
par la cellule en charge des produits divers lors de sa prise de fonctions, dues notamment à
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un fort absentéisme dans ce service en 2011 et 2012, ainsi qu’à la mobilisation des équipes
pour
faire face au déploiement en 2012 de l’outil Chorus
;
24. Attendu que, dans ses observations susvisées, Mme Y
fait valoir qu’elle n’a assuré l’intérim
du poste comptable que sur une période de trois mois, soit une durée trop courte pour formuler
d’éventuelles réserves sur la gestion de son prédécesseur, qu’ainsi
sa responsabilité
personnelle et pécuniare ne saurait être engagée au motif du défaut de recouvrement de
créances antérieures à son entrée en fonctions ;
Sur l’application au cas d’espèce
25. A
ttendu qu’eu égard à la brièveté de la durée de
s fonctions de Mme Y
, il n’y a pas lieu
d’engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire, aux motifs poursuivis, pour sa gestion
du 1
er
mars au 2 juin 2013
en qualité d’intérimaire ;
26. A
ttendu qu’en application de
s dispositions de
l’article 2222 du code civil
rappelées au point
20 ci-dessus, le recouvrement du titre n° 1 du 3 avril 1981,
d’un montant de 6
398,05
€, s’est
trouvé prescrit le 4 avril 2011, soit sous un exercice non visé par le réquisitoire, et dont le
jugement est de surcroît prescrit ;
qu’en con
séquence
il n’y a pas lieu à charge
à ce motif ;
27. Attendu que les titres n° 1002951 du 19 juillet 1993, n° 26 du 19 février 1996, n° 97 du
5 février 1998 et n°
2332 du 10 novembre 2005 n’ont pu être produits
; que les créances
concernées sont devenues
irrécouvrables, vu l’impossibilité de l’
Etat de faire valoir ses droits
à l’égard des tiers
; que les circonstances dans lesquelles les titres ont été perdus ne relèvent
pas de la force majeure, au demeurant non alléguée ;
28.
Attendu qu’en application des dispositions de l’article 2224 du code civil
rappelées au point
20 ci-dessus, la prescription a été acquise aux débiteurs le 19 juin 2013 pour les titres n° 1 du
10 mai 1989, n° 9500704 du 2 février 1998, n° 64 du 4 septembre 2002, n° 1 du 29 avril 2004,
n° 3 du 18 avril 2005, et le 14 août 2013 pour le titre n° 64 du 13 août 2008, faute de diligences
adéquates, complètes et rapides ;
29.
Attendu qu’il n’est pas allégué, ni a fortiori établi, que le recouvrement des titres en cause
ait été compromis dès avant la prise de fonctions de M. X ;
30. Attendu que M. X
n’a pas formulé de réserves sur la gestion de ses
prédécesseurs ; que,
le juge statuant à partir des éléments matériels du compte, les arguments de contexte tenant
notamment aux effectifs du poste et à la mise en place de l’application Chorus ne peuvent
venir utilement à décharge ; que la circonstance que plusieurs de ces titres aient été admis en
non-valeur est sans effet sur la responsabilité du comptable ;
qu’il y a donc lieu d’engager la
responsabilité de ce comptable
au titre de l’exercice 2013,
pour défaut de tenue de la
comptabilité ayant entraîné un manquant en monnaie ou en valeurs,
s’agissant des titres
perdus, et pour défaut de diligences s’agissant des au
tres titres, pour un montant total de
30 381,84
€ ;
Sur l’existence d’un préjudice
financier
31. A
ttendu qu’un manquant en monnaie ou en valeur
constitue, par principe, un préjudice
financier pour les organismes publics concernés ;
qu’il en va de même d’une recette non
recouvrée pour défaut de diligences
, sauf s’il est établi que l
a cré
ance n’aurait pu
en toute
hypothèse être recouvrée
; qu’en l’espèce cette circonstance n’est ni établie, ni
même
alléguée ;
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32.
Attendu qu’aux termes des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié de
la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable aux obligations
mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné (…), le
comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme
correspondante » ;
33.
Attendu qu’en conséquence, il y a lieu de constituer
M. X
débiteur envers l’Etat, au titre de
l’exercice 2013, de la somme de 30
381,84
€
, augmentée des intérêts de droit à compter du 2
juin 2018, date de la réception par celui-ci du réquisitoire susvisé ;
Sur la charge n° 3
soulevée à l’encontre de
M. X au titre de
l’exercice 201
2
34. Attendu que par le réquisitoire susvisé le Procureur général a estimé que la responsabilité
personnelle et pécuniaire de M. X pouvait être mise en jeu, au titre de la gestion 2012, au motif
de l’absence de diligences complètes, rapides et adéquates en vue d
u recouvrement de cinq
titres de recettes émis sur des débiteurs publics, et qui restaient à recouvrer au 31 décembre
2015 ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable à ses obligations
:
Sur le droit applicable
35. A
ttendu qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée,
« les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du
recouvrement des recettes (…)
de la conservation des pièces justificatives des opérations et
documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils
dirigent (…) la responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci
-dessus se trouve engagée
dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette
n'a pas été recouvrée (…)
» ;
36.
Attendu qu’aux termes du III de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics ne peut être mise en jeu à
raison de la gestion de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans
réserve lors de la remise de service ou qui n’auraient pas été contestées par le comptable
entrant dans les délais réglementaires ;
37.
Attendu qu’aux termes du IV de l’article 60 modifié de la loi du
23 février 1963 susvisée, le
premier acte de la mise en jeu de la responsabilité ne peut plus intervenir au-delà du
31 décembre de la cinquième année suivant celle au cours de laquelle le comptable a produit
ses comptes au juge des comptes ou, lorsqu’il n’est pas tenu à cette obligation, celle au cours
de laquelle il a produit les justifications de ses opérations ;
38.
Attendu qu’aux termes de l’article 11 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, applicable
jusqu’au 10 novembre 2012, et de l’article 18 du
décret du 7 novembre 2012 susvisé,
applicable ensuite, les comptables publics sont notamment chargés de la prise en charge et
du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances
constatées par un contrat, un titre de propriété ou un autre titre, ainsi que de l'encaissement
des droits au comptant et des recettes, de la conservation des pièces justificatives des
opérations transmises par les ordonnateurs et des documents de comptabilité ;
39.
Attendu qu’aux termes de
l’article 1
er
de la loi du 31 décembre 1968 susvisée, « sont
prescrites, au profit de l’Etat, des départements et de communes, sans préjudice des
déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente
loi, toutes cré
ances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier
jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (…)
» ;
que l’article
2 de cette même loi dispose, « la prescription est interrompue par toute demande de paiement
ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l’autorité administrative (…) un
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nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l’année suivant celle au cours
de laquelle a eu lieu l’interruption (…)
» ;
Sur les faits
40. Attendu que cinq créances relatives à des titres de recettes émis
à l’encontre de plusieurs
communes entre 2004 et 2007, pour montant total de 33 260,56
€
, restaient à recouvrer au
31 décembre 2015 ;
41. Attendu que le comptable entrant le 3 juin 2013 a formulé des réserves sur la gestion de
ses prédécesseurs
, au motif que cinq titres de recettes auraient fait l’objet de lettres de
rappels
adressées aux débiteurs en 2008, mais
qu’aucune preuve de réception des actes in
terruptifs
de la prescription n’a
urait été retrouvée ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
42. Attendu que, dans ses observations susvisées, M. X fait part des difficultés rencontrées
par la cellule en charge des produits divers lors de sa prise de fonctions, dues notamment à
un fort absentéisme dans ce service en 2011 et 2012, ainsi qu’à la mobilisation des équipes
pour
faire face au déploiement en 2012 de l’outil Chorus
;
Sur l’application au cas d’espèce
43. Attendu qu
e s’agissant des titres n°
115, n° 116, n° 126 et n° 83, pris en charge en 2006
et 2007, une lettre de rappel aurait été adressée aux débiteurs, selon le cas, en 2007 ou en
2008, mais que
faute d’éléments probants quant à leur réception par les débiteurs,
le cours de
la prescription est réputé ne pas avoir été interrompu ; qu
’ainsi ces créances se sont trouvées
prescrites, selon les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 susvisée, rappelées au point
39 ci-dessus, faute de diligences exercées au plus tard le
31 décembre 2010 pour l’une d’entre
elles et le 31 décembre 2011 pour les trois autres, soit sous des exercices non visés par le
réquisitoire, et dont le jugement est de surcroît prescrit ;
qu’il n’y a donc pas lieu à charge à ce
motif ;
44. Attendu que
s’agissant du titre n° 1, d’un montant de 7
492,74
€
, émis le
28 janvier 2004, il ressort du dossier,
d’une part que l
a commune concernée a reçu une lettre
de rappel le 26 mars 2008,
d’autre part que le comptable s’est vu opposer
par ladite commune,
en réponse à une nouvelle relance du 22 janvier 2013, la déchéance de cette créance au
1
er
janvier 2013 ;
45. Attendu que, que, faute de diligences adéquates, complètes et rapides, la prescription a
effectivement été acquise au débiteur le 1
er
janvier 2013 pour le titre susmentionné, en
application des dispositions de la loi du 31 décembre 1968 susvisée, rappelées au point 39 ci-
dessus ; que M. X, e
n fonctions jusqu’au 28
février 2013, pouvait utilement agir en vue du
recouvrement de cette créance
jusqu’au 31
décembre 2012 inclus ; que, le juge statuant à
partir des éléments matériels du compte, les arguments de contexte tenant notamment aux
effectifs du poste et à la mise en place de l’
application Chorus ne peuvent venir utilement à
décharge ; qu
’il y a donc lieu d’engager
la responsabilité de M. X,
sur l’exercice 201
2, du fait
d’un
défaut de diligences en vue du recouvrement du titre de recettes n° 1
d’un
montant de
7 492,74
€
;
Sur
l’existence d’un préjudice financier
46. Attendu
qu’
une recette non recouvrée pour défaut de diligences constitue, par principe, un
préjudice financier pour les organismes publics concernés, sauf s’il est établi que la créance
n’aurait pu en toute hypothèse être recouvrée
; qu’en l’espèce cette circonstance n’est ni
établie, ni même alléguée
; qu’au contrai
re le redevable, personne publique, était notoirement
solvable ;
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47.
Attendu qu’aux termes des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 modifié de
la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable aux obligations
menti
onnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné (…), le
comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme
correspondante » ;
48.
Attendu qu’en conséquence, il y a lieu de constituer
M. X débiteur
envers l’Etat, au titre de
l’exercice 2012, de la somme de
7 492,74
€
, augmentée des intérêts de droit à compter du 2
juin 2018, date de la réception par celui-ci du réquisitoire susvisé ;
Par ces motifs,
DECIDE :
En ce qui concerne Mme Y :
Exercice 2013. Charges n° 1 et n° 2.
Article 1
er
.
–
Il n’y a pas lieu
à charge.
En ce qui concerne M. X :
Exercice 2012. Charge n° 3
Article
2.
–
M.
X
est
constitué
débiteur
envers
l’Etat
de
la
somme
de
7 492,74
€
, augmentée des intérêts de droit à compter du 2 juin 2018.
Il n’y a pas lieu à charge pour le surplus.
Exercice 2013. Charge n° 1
Article
3.
–
M.
X
est
constitué
débiteur
envers
l’Etat
de
la
somme
de
3 185,93
€
, augmentée des intérêts de droit à compter du 2 juin 2018
Exercice 2013. Charge n° 2
Article
4.
–
M.
X
est
constitué
débiteur
envers
l’Etat
de
la
somme
de
30 381,84
€
, augmentée des intérêts de droit à compter du 2 juin 2018.
Il n’y a pas lieu à charge pour le surplus.
Article 5.
–
M. X ne pourra être déchargé de sa gestion pendant les années 2012 et 2013, au
28 février
, qu’après apurement des débets ci
-dessus fixés.
Fait et jugé par M. Philippe Geoffroy, président de section, présidant la formation de délibéré,
MM. Daniel-Georges Courtois, Vincent Feller, Yves Perrin, Guy Fialon, Alain Levionnois,
Christian Carcagno et Hervé Boullanger, conseillers maîtres.
En présence de Mme Marie-Hélène Paris-Varin, greffière de séance.
S 2018-3538
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13 rue Cambon - 75100 PARIS CEDEX 01 - T +33 1 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Marie-Hélène Paris-Varin
Philippe Geoffroy
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux de grande instance
d’y tenir la main, à tous commandants et
officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142
-20 du code des juridictions financières, les
arrêts prononcés par la
Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le
délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une
ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce
dans les conditions prévues au I de l’article R. 142
-19 du même code.