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Avis n° 2018-0062
Séance du 27 avril 2018
AVIS BUDGETAIRE
Article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales
Syndicat
d’eau
de LEZAY
(Département des Deux-Sèvres)
LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES NOUVELLE-AQUITAINE,
VU le code général des collectivités territoriales, notamment son article L.1612-15 ;
VU le code des juridictions financières, notamment son article L.232-1 ;
VU les lois et règlements relatifs aux budgets des communes ;
VU
l
’
arrêté n° 2017-54 du président de la chambre régionale des comptes Nouvelle-Aquitaine du
21 décembre 2017
fixant la composition des sections et l’arrêté n
° 2017-55 du même jour relatif aux
attributions des sections et des formations délibérantes ;
Vu la lettre du 20 mars 2018, enregistrée le même jour au greffe de la chambre, par laquelle le
secrétaire général de la préfecture des Deux-Sèvres a saisi la chambre régionale des comptes Nouvelle-
Aquitaine sur le fondement de
l’article L.
1612-15 du code général des collectivités territoriales, afin de faire
inscrire au budget du
syndicat d’
eau de LEZAY les crédits nécessaires au règlement de dépenses
susceptibles d’être qualifiées d’
obligatoires ;
Vu la lettre du président de la chambre régionale des comptes en date du 26 mars 2018 informant
le président du
syndicat d’
eau de LEZAY de la saisine de la chambre, de la désignation de M. Charles
MOYNOT, premier conseiller, en qualité de rapporteur, et du délai pour faire valoir ses observations ;
Vu les pièces complémentaires adressées par le secrétaire général de la préfecture des Deux-
Sèvres par courriers électroniques des 26 et 27 mars 2018 ;
Vu les observations et les pièces adressées par le président du s
yndicat d’eau
de LEZAY par
courriers électroniques des 26 et 29 mars 2018 ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Ensemble les pièces à l’appui ;
2
Après avoir entendu M. Charles Moynot, premier conseiller, en son rapport, et le procureur financier
en ses conclusions ;
I. SUR LA COMPETENCE DE LA CHAMBRE ET LA RECEVABILITE DE LA SAISINE
Considérant que l’article L. 1612
-15 du code général des collectivités locales dispose que : «
Ne
sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes
exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé.
«
La chambre régionale des comptes saisie, soit par le représentant de l'Etat dans le département,
soit par le comptable public concerné, soit par toute personne y ayant intérêt, constate qu'une dépense
obligatoire n'a pas été inscrite au budget ou l'a été pour une somme insuffisante. Elle opère cette
constatation dans le délai d'un mois à partir de sa saisine et adresse une mise en demeure à la collectivité
territoriale concernée.
«
Si, dans un délai d'un mois, cette mise en demeure n'est pas suivie d'effet, la chambre régionale
des comptes demande au représentant de l'Etat d'inscrire cette dépense au budget et propose, s'il y a lieu,
la création de ressources ou la diminution de dépenses facultatives destinées à couvrir la dépense
obligatoire. Le représentant de l'Etat dans le département règle et rend exécutoire le budget rectifié en
conséquence. S'il s'écarte des propositions formulées par la chambre régionale des comptes, il assortit sa
décision d'une motivation explicite.
»
Considérant que l’article L. 1612
-17 du code général des collectivités territoriales dispose que «
Les
dispositions des articles L. 1612-15 et L. 1612-16 ne sont pas applicables à l'inscription et au mandatement
des dépenses obligatoires résultant, pour les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs
établissements publics, d'une décision juridictionnelle passée en la force de la chose jugée.
» ; que cette
disposition n
’
est
pas applicable en l’espèce
;
Considérant que la chambre est en conséquence compétente pour examiner la saisine au titre de
l’
article L.1612-15 du code général des collectivités territoriales,
tendant à obtenir l’inscription d’une
dépense obligatoire au budget du s
yndicat d’eau
de LEZAY ;
Considérant
qu’en vertu de l’article R.
1612-34 du code général des collectivités territoriales : «
La
chambre régionale des comptes se prononce sur la recevabilité de la demande. Elle constate notamment
la qualité du demandeur et, s'il y a lieu, l'intérêt qu'il a à agir. »
Considérant que la saisine
tend à obtenir l’inscription au budget
du s
yndicat d’eau
de LEZAY des
crédits permettant le règlement,
au profit du syndicat mixte d’alimentation en eau potable 4B,
d
’u
ne créance
d’un montant
de 104 580 euros correspondant à la surtaxe instaurée dans le cadre de la restructuration du
périmètre du service de
production et de distribution d’eau dans le secteur sud du département des Deux
-
Sèvres, au titre des exercices 2014, 2016 et 2017 ;
Considérant que le secrétaire général de la préfecture, signataire de la saisine,
bénéficie d’une
délégation de signature du préfet des Deux-Sèvres à cette fin
en application d’un arrêté
publié du 29 août
2017,
qu’il
a dès lors qualit
é pour agir sur le fondement de l’article L. 1612
-15 du code général des
collectivités territoriales ;
3
Considérant que
l’article R. 1612
-32 du code général des collectivités territoriales dispose que : «
La
saisine de la chambre régionale des comptes pré
vue à l’article L. 1612
-15 doit être motivée, chiffrée et
appuyée de toutes justifications utiles, et notamment du budget voté et, le cas échéant, des décisions qui
l’ont modifié.
»
Considérant que la lettre de saisine, en date du 20 mars 2018,
ne comportait pas l’ensemble des
pièces requises, en l’absence de production des statuts du syndicat d’
eau de LEZAY et des délibérations
de ce syndicat en date des 13 octobre et 1
er
décembre 2014, susceptibles de fonder la créance alléguée ;
qu
’elle était dès lors
motivée mais incomplète ;
Considérant que le rapporteur a obtenu les pièces manquantes le 27 mars 2018, date à compter de
laquelle la saisine peut être considérée comme complète et recevable ;
II. SUR LE CARACTERE OBLIGATOIRE DE LA DEPENSE
Considérant que dan
s le cadre du schéma directeur d’alimentation en eau potable
du secteur sud
du département des Deux-Sèvres,
le principe d’une mutualisation
de la production et de la distribution
d’eau
a été décidé en 2003 ; que cette décision
s’est traduite par l’extension du périmètre du syndicat mixte
d’alimentation en eau potable de la Boutonne
à compter du 1
er
janvier 2004, devenant à cette date syndicat
mixte d
’alimentation en eau potable 4B
, entraînant d
’importants
travaux de mise à niveau progressive des
infrastructures de production, transport et distribution ;
Considérant que le financement desdits travaux a impliqué
l’instauration
, par le syndicat mixte
d’alimentation en eau potable 4B
,
d’une surtaxe
à la charge des abonnés au service
s’élevant à
10 euros
par abonné
pour 2004, puis augmentée progressivement jusqu’à atteindre
35 euros par abonné à partir de
2007,
sans que sa durée d’application n’ait été
initialement limitée dans le temps ;
Considérant qu
’à la suite de la décision du
syndicat
intercommunal d’alimentation en eau potable
Rom-Bouleure, membre du
syndicat mixte d’alimentation en eau potable 4B, de procéder à sa dissolution
à compter du 1
er
janvier 2014, la majorité des communes ayant appartenu au syndicat dissout a souhaité
adhérer directement au syndicat mixte d’alimentation en eau potable 4B, à l’exception de
quatre d’entre
elles, Rom, Messé, Sainte-Soline et Vanzay, qui ont souhaité rejoindre le s
yndicat d’eau
de LEZAY;
Considérant que malgré le
report de la date d’effet de la dissolution du syndicat intercommunal
d’alimentation en eau potable Rom
-Bouleure au 1
er
janvier 2015, en raison du retard pris par plusieurs
communes pour approuver cette dissolution et leur adhésion au syndicat mi
xte d’alimentation en eau
potable 4B, les communes de Rom, Messé, Sainte-Soline et Vanzay ont obtenu du préfet leur retrait du
syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable Rom
-Bouleure pour rejoindre le syndicat
d’
eau de
LEZAY à la date initialement prévue, le 1
er
janvier 2014 ; que dans le cadre de ce retrait, ces quatre
communes s’étaient engagées
par délibération à ce que le syndicat
d’
eau de LEZAY poursuive pour leur
compte le versement
de la surtaxe de 35 euros jusqu’en 2026
; que cet engagement
n’a pas été
pour autant
confirmé par ledit syndicat
, qui n’a pas délibéré sur ce point
; qu’il en résulte que l’engagement, pris par les
communes précitées, à leur seule initiative, est insusceptible de produire un effet à son encontre ;
Considérant
qu’il a en outre été décidé que
la répartition des biens et des dettes consécutives au
retrait de ces quatre communes du syndicat dissout et à leur adhésion au
syndicat d’ea
u de LEZAY serait
opérée directement entre ce dernier et le syndicat intercommunal
d’alimentation en eau potable
Rom-
Bouleure, sans passer préalablement par les comptes des quatre communes concernées ;
4
Considérant que le retrait des communes de Rom, Messé, Sainte-Soline et Vanzay a été approuvé
par un arrêté préfectoral du 26 décembre 2013, sans que ses conséquences financières aient été
définitivement fixées, en renvoyant le règlement de ce point à une date ultérieure ; que l
’article 2 de cet
arrêté préfectoral disposait ainsi que «
les conséquences financières et patrimoniales de ces retraits seront
fixées ultérieurement dans le cadre des dispositions de l’article L.5211
-25-1 du CGCT
» ;
Considérant que le
syndicat mixte d’alimentation en eau potable
4B soutient que les biens et
subventions liés au territoire des communes de Messé, Rom, Sainte-
Soline et Vanzay devaient faire l’objet
d’une cession directe au syndicat d’eau
de LEZAY, en pleine propriété et à titre gratuit, en contrepartie de
l’engagement de ce syndicat
de poursuivre le versement de la surtaxe de 35 euros par abonné et par an à
compter du 1er janvier 2014 et jusqu’au 31 décembre 2026 pour le compte de ces
quatre communes, soit
une dette totale de 453 180 euros ;
Considérant que le syndicat
d’
eau de LEZAY conteste le principe et le montant de cette somme en
faisant valoir que la créance du
syndicat mixte d’alimentation en eau potable
4B au 31 décembre 2013,
rapportée au nombre d’abonnés transférés, s’élevait à 168
385,48 euros et
qu’il a
en conséquence proposé
de prendre en charge cette somme au titre du passif transféré ;
Considérant qu’en l’absence d’accord
, le préfet a pris le 31 décembre 2014 un arrêté relatif aux
dispositions comptables et financières consécutives au retrait des communes de Messé, Rom, Sainte-
Soline et Vanzay,
sur le fondement de l’article L.5211
-25-1 du CGCT, imposant au syndicat
d’
eau de
LEZAY le versement, au syndicat
mixte d’alimentation en eau potable
4B,
du produit d’une
surtaxe de
35 euros par abonné transféré, du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2026 ;
Considérant que par jugement définitif du 7 juin 2017, le tribunal administratif de Poitiers, saisi par
le
syndicat d’eau de
LEZAY
, a annulé l’arrêté précité du 31 décembre 2014 au motif
,
d’une part
,
qu’en
l’absence de d
ésaccord explicitement exprimé par les personnes intéressées à la répartition litigieuse et
de saisine du préfet par l’une de ces personnes, l
e préfet n
’était pas compétent pour déterminer
les
modalités de cette répartition et que
, d’autre part, en mettant
à la charge du
syndicat d’eau
de LEZAY des
sommes qu’il ne devait pas, le préfet avait méconnu le champ d’application de l’article L.5211
-25-1 du
CGCT, lequel ne permet de répartir l
es biens et dettes consécutives au retrait de communes d’un syndicat
qu’entre ces communes et ce syndicat
;
Considérant qu’en l’espèce, le
choix de procéder à un transfert direct entre le syndicat
intercommunal d’alimentation en eau potable
Rom-Bouleure et le syndicat
d’
eau de LEZAY
, n’était pas
conforme à la règlementation ; que la reprise du passif lié au retrait des communes de Messé, Rom, Sainte-
Soline et Vanzay incombait à ces dernières ;
que l’engagement pris par
elles pour le compte du syndicat
d’
eau de LEZAY, qui
s’analyse en une stipulation pour autrui
, est dès lors
dépourvu d’effet juridique
;
Considérant dans ces conditions que la créance alléguée par le syndicat mixte d’alimentation en eau
potable 4B, qui ne peut être regardée comme juridiquement
fondée par l’arrêté préfectoral du 31 décembre
2014 en raison de son annulation par un jugement définitif du tribunal administratif de Poitiers et qui ne
résulte
pas davantage d’un q
uelconque engagement contractuel du
syndicat d’
eau de LEZAY
à l’égard du
syndicat mixte d’alimentation en eau potable 4B
,
n’
apparaît pas certaine dans son principe ;
5
Considérant que si la prise en charge par le syndicat
d’
eau de LEZAY
d’une partie du passif en
contrepartie des actifs transférés n’est
pas remise en cause dans son principe par ce dernier, la valorisation
de ce passif fait
également l’objet d’une contestation sérieuse
;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il a lieu de
constater que la créance alléguée, objet
de la saisine, ne constitue pas une dépense obligatoire pour le syndicat
d’
eau de LEZAY ;
PAR CES MOTIFS
I.
–
SE DECLARE
compétente pour examiner la saisine du secrétaire général de la préfecture des
Deux-Sèvres
;
II.
–
DECLARE
recevable, à compter du 27 mars 2018, la saisine de la chambre régionale des
comptes Nouvelle-Aquitaine par le secrétaire général de la préfecture des Deux-Sèvres ;
III.
–
DIT
que la créance alléguée de 104 580 euros objet de la saisine,
qui n’apparaît pas certaine
et est sérieusement contestée, ne constitue pas une dépense obligatoire pour le syndicat
d’
eau de LEZAY ;
IV.
–
DIT
qu’il n’y a pas lieu, en conséquence, de mettre en demeure l
e syndicat
d’eau
de LEZAY
d’inscrire ladite dépense à son budget ;
En application de l’article L. 1612
-19 du code général des collectivités territoriales, les assemblées
délibérantes sont tenues informées dès leur plus proche réunion des avis formulés par la Chambre
régionale des comptes.
Le présent avis sera notifié au président du
syndicat d’
eau de LEZAY et au préfet des
Deux-Sèvres ; une copie en sera adressée au comptable du syndicat mixte
d’alimentation en eau potable
4B.
Fait et délibéré à la chambre régionale des comptes Nouvelle-Aquitaine par M. Jean-Noël Gout, vice-
président, président de séance, MM. Gilles Kovarcik, Philippe Honor et Yves Roquelet, présidents de
section, M
me
Accary, M. Godard, premiers conseillers, et M. Charles Moynot, conseiller rapporteur.
Bordeaux, le vingt-sept avril deux mille dix-huit.
Le président de séance,
Jean-Noël GOUT
Voies et délais de recours
(article R. 421-1 du code de justice administrative) : la présente décision
peut être attaquée devant le tribunal administratif territorialement compétent dans un délai de deux mois
à compter de sa notification.