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Chambre plénière
Jugement n° 2018-012
Audience publique du 18 septembre 2018
Prononcé du 9 octobre 2018
CAISSE DES É
COLES D’ANGERS
(Département du Maine et Loire)
Trésorerie d’
Angers municipale
Exercice : 2015
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire en date du 26 avril 2018, par lequel le procureur financier a saisi la chambre
en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M.
X…
, comptable
de la c
aisse des écoles d’Angers
,
au titre d’opérations relatives à l’
exercice 2015, notifié le
2 mai 2018 au comptable concerné ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la c
aisse des écoles d’Angers
, par M.
X…
,
du 1
er
janvier au 31 décembre 2015 ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63
-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du
VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90
de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Étienne Le Rendu, premier conseiller
, magistrat chargé de l’instruction
;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier et, notamment, les réponses du comptable en date des 7 mai et
18 juin 2018, enregistrées au greffe respectivement les 14 mai et 21 juin 2018, et du
président de la c
aisse des écoles d’Angers
, courrier non daté, enregistré au greffe le
21 juin 2018 ;
Entendu lors de l’audience publique du
18 septembre 2018, M. Étienne Le Rendu, premier
conseiller, en son rapport, M. Sébastien Heintz, procureur financier, en ses conclusions et
M.
X…
, comptable, présent, ayant eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré M. Pierre-Jean Espi, président de section-réviseur, en ses observations ;
- 2 -
Sur la présomption de charge unique
soulevée à l’encontre de
M.
X…
, au titre de
l’
exercice 2015 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des
comptes des Pays de la Loire de la responsabilité encourue par M.
X…
à raison de défaut de
contrôle de la qualité du signataire de cinq bordereaux de paiement n° 1, 7, 19, 22 et 23 pour
un montant total de 222 449,24
;
Attendu qu’au surplus, le
réquisitoire expose que le comptable devait contrôler la validité de la
créance, l’exactitude des calculs de liquidation et la production des pièces justificatives
prévu
es à l’annexe I de l’article D.
1617-19 du code général des collectivités territoriales
(CGCT) ;
Attendu qu’en application de l’
article 17 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à
la gestion budgétaire et comptable publique, applicable à com
pter de l’exercice 2013,
les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et
contrôles qui leur incombent
; qu’en application des articles 19 et 20 du même décret, les
comptables sont tenus d’exercer
le contrôle
: (…) 2°
S’agissant des ordres de payer : a)
De la
qualité de l’ordonnateur
» ; qu'en application de l'article 38 du même décret, lorsque le
comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de
l’
ordonnateur, il doit suspendre les paiements ;
Attendu que les mandats listés en annexe sont revêtus de la signature de personnes non
habilitées à signer et extérieures à l’établissement
;
Attendu que le comptable reconnait dans ses réponses du 14 mai et du 21 juin 2018 que
« les
signataires n’avaient pas la capacité de signer les bordereaux.
» ;
qu’en fait,
« la caisse des
écoles est institutionnellement et fonctionnellement rattachée à la ville et dépend de la même
direction des finances et de la même direction des ressources hum
aines. C’est à ce titre que
les bordereaux de mandats ont été présentés à la signature des élus de la ville avec des
bordereaux ville » ;
qu’i
l ajoute que
« le remboursement des salaires était liquidé sur la base
d’états établis par la direction des ressou
rces humaines » ;
Attendu qu’il convient toutefois d’écarter de sa responsabilité le paiement du mandat n°
85 du
bordereau 23,
d’un montant de 39
326,34
€,
dans la mesure où son décaissement est
intervenu le 21 janvier 2
016 alors qu’il avait cessé ses
fonctions ;
Attendu au surplus qu’une fois le contrôle de la qualité de l’ordonnateur vérifié et validé, le
comptable
devait contrôler la validité de la créance, l’exactitude des calculs de liquidation et la
production des pièces justificatives prévues à
l’annexe I de l’article D.
1617-19 du CGCT, et
qu’il ne disposait pas de la totalité des pièces requises pour la pri
se en charge et le paiement
de quatre de ces mandats (n° 6, 21, 69 et 83) ;
Attendu que, dans ces conditions, faute d’avoir suspendu les paiements, M. X…
a manqué à
ses obligations de contrôle résultant des articles 19 et 20 du décret précité n° 2012-1246 du
7 novembre 2012 ;
Attendu que les dépenses en cause ayant été irrégulièrement payées, la responsabilité
personnelle et pécuniaire de monsieur
X…
se trouve engagée au titre de l’exercice 2015, à
hauteur de 183 122,90
;
Attendu que le règlement
d’un mandat en l’absence d’ordre de payer signé par un ordonnateur
habilité constitue une dépense indue, sauf à ce que figure au dossier une pièce qui attesterait
la volonté de ce dernier d’ordonnancer la dépense (
Cour des comptes, 26 mai 2016,
direction
régionale des finances publiques de Rhône-Alpes et du département du Rhône) ;
- 3 -
Attendu
qu’il
ressort
des pièces du dossier qu’à aucun moment les représentants de la caisse
des écoles voire de ses employés
n’
ont exprimé une telle volonté ; que les signataires ne
disposa
ient d’aucune délégation de la c
aisse des écoles pour signer les mandats ; que les
signataires n’étaient ni des membres du comité d’administration ni des employés de
l’établissement
mais uniquement des conseillers ou adjoint municipaux de la mairie d’Angers
;
que les bordereaux incriminés étaient revêtus systématiquement du cachet de la mairie
d’Angers et non
de celui de la caisse des écoles ; que certaines factures étaient réceptionnées
par la «
mairie d’Angers, service éducation
-enfance (bordereau 5 du 17 février 2015, mandats
1 et 6) ;
qu’une facture a été adressée à la mairie en tant q
ue débiteur (bordereau 19 du
19 octobre 2015 mandat 66) ;
qu’
aucun des mandats ou pièces justificatives ne contient
d’informations produites par un agent ou
un représentant de la caisse des écoles
; qu’il
ressort
de ces éléments l’absence de volonté de la caisse des écoles d’ordonnancer ces dépenses
;
que le préjudice financier est constitué ;
Attendu que cette absence de volonté est confortée pour quatre de ces mandats (n° 6, 21, 69
et 83) par le fait que ceux-ci ont été payés sans délibération
du comité d’administration
autorisant la signature de conventions de mise à disposition de personnel de la commune
d’Angers
;
Attendu que ni le comptable ni l’ordonnateur en fonctions ne reconnaissent de préjud
ice
financier, ce dernier établissant un certificat administratif postérieur aux mandats incriminés
précisant que la caisse des écoles n’avait pas subi de préjudice et qu’il s’agissait d’une erreur
des services ;
Attendu que lorsque l'instance est ouverte devant le juge des comptes, le constat de l'existence
ou non d'un préjudice financier relève de l'appréciation de ce juge, lequel « n'est pas lié par
une déclaration de l’
organe délibérant indiquant que la collectivité n'aurait subi aucun
préjudice » et que lorsqu'elle existe, une telle déclaration est donc inopérante à décharge
(
Cour des comptes Communauté de communes du Saint-Affricain 10 avril 2014) ;
Attendu que le manquement du comptable a causé un préjudice financier, au sens des
dispositions du troi
sième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée,
à
la caisse des écoles d’Angers
;
Attendu qu’aux termes du VI de l’article 60 de la loi
n° 63-156 précitée
, « La responsabilité
personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable,
le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent » ;
que
« L
orsque le manquement du comptable […] n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme
public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour
chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce
(…)
. Lorsque le
manquement du comptable (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné
(…), le comptable a l’
obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme
correspondante » ;
Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60
de la loi du 23 février 1963 précitée,
« les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics »
, que ce premier acte est
constitué par le réquisitoire du procureur financier ; qu'il convient dès lors de fixer, au cas
particulier, le point de départ des intérêts au 2 mai 2018, date de réception du réquisitoire par
M.
X…
;
- 4 -
Attendu que le comptable ne fait valoir aucun autre argument valant circonstance atténuante
de sa responsabilité ;
Attendu qu’il n’est établi, ni même allégué par le comptable, aucune circonstance constitutive
de la force majeure, au sens du premier alinéa du V de l’art
icle 60 de la loi n° 63-156 précitée ;
Attendu qu’en vertu du IX de l’article 60 de la loi n°
63-156 précitée, les comptables publics
dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu, peuvent obtenir du ministre
chargé du budget, une remise gracieuse, qui peut être totale, en cas de respect des règles du
contrôle sélectif de la dépense ;
Attendu que sur le contrôle sélectif des dépenses, le comptable a produit un plan de contrôle,
signé par le comptable supérieur le 6
octobre 2015 pour l’année 2015
; que celui-ci ne peut
par conséquent pas porter sur la période du 1
er
janvier au 5 octobre 2015 conformément à la
jurisprudence (
CC 4
ème
chambre, 15 octobre 2015, 72702, Centre hospitalier Yves Le Foll)
;
que pour la période postérieure au 5 octobre 2015, les mandats n° 69, 82 et 83 devaient faire
l’objet d’un contrôle exhaustif
;
Attendu qu’en application du IX de l’article 60 de la loi n° 63
-156 précitée, les comptables
publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise jeu dans ce cadre, ne
peuvent obtenir du ministre chargé du budget une remise gracieuse totale ; que la somme
laissée à la charge de M.
X…
par le ministre ne pourra être inférieure à 3 ‰ du montant du
cautionnement du poste comptable (fixé à 243 000
€ pour 201
5), soit une somme de 729
;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
: En ce qui concerne M.
X…, au titre de l’exercice 2015
, présomption de
charge unique
M.
X…
est constitué débiteur de la c
aisse des écoles d’Angers
à hauteur de la somme de
cent quatre-vingt-trois mille cent vingt-deux euros et quatre-vingt-dix centimes (183 122,90
),
augmentée des intérêts de droit à compter du 2 mai 2018.
Compte tenu que,
-
pour la période du 1
er
janvier au 5 octobre 2015, en
l’absence de plan de contrôle
sélectif de la dépense recevable, les paiements étaient soumis à un contrôle exhaustif ;
-
p
our la période du 6 octobre au 31 décembre 2015 en présence d’un
plan de contrôle
sélectif applicable, les paiements des mandats 69, 82 et 83 étaient soumis à un
contrôle exhaustif ;
Une éventuelle remise gracieuse du ministre ne pourra être totale et la somme laissée à
charge de M.
X…
ne pourra être inférieure à sept cent vingt-neuf euros (729
€) pour 201
5.
- 5 -
Article 2 : La décharge de M.
X…
pour l’exercice 2015
ne pourra ê
tre donnée qu’après
apurement du débet, fixé ci-dessus.
Fait et jugé par M. Pierre-Jean Espi, président de section, président de séance ; MM. Thierry
Boutoute, Nicolas Renou, Cyril Andriès, premiers conseillers et Mme Violette Rosemberg,
première conseillère.
En présence de Mme Marie-Andrée Supiot, greffière de séance.
Marie-Andrée Supiot
greffière de séance
Pierre-Jean Espi
président de séance
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
- 5 -
Article 2 : La décharge de M.
X…
pour l’exercice 2015
ne pourra ê
tre donnée qu’après
apurement du débet, fixé ci-dessus.
Fait et jugé par M. Pierre-Jean Espi, président de section, président de séance ; MM. Thierry
Boutoute, Nicolas Renou, Cyril Andriès, premiers conseillers et Mme Violette Rosemberg,
première conseillère.
En présence de Mme Marie-Andrée Supiot, greffière de séance.
Signé :
Marie-Andrée Supiot, greffière de séance
Pierre-Jean Espi, président de séance
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Ampliation certifiée conforme à
l’original
Christophe GUILBAUD
secrétaire général
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les
jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel
devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon
les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé
de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger.
La révision d’un jugement pe
ut être
demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article
R. 242-29 du même code.
- 6 -
Annexe
Numéro
bordereau
Signataire du bordereau
Mention jointe au nom du
signataire sur le bordereau
N° mandat
Nature
Montant €
date de prise
en charge
Date de solde
de la pièce
1
Y…
33 750,30
« Conseiller municipal »
1
6288
150,00
24/02/2015
24/02/2015
2
6288
180,00
24/02/2015
24/02/2015
3
6288
180,00
24/02/2015
24/02/2015
4
6288
180,00
24/02/2015
24/02/2015
5
6288
653,00
24/02/2015
24/02/2015
6
6218
32 407,30
25/02/2015
26/02/2015
7
Z…
65 703,15
« Pour le Maire,
/
'adjoint
20
6218
16 808,49
02/06/2015
05/06/2015
délégué »
21
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34 729,01
02/06/2015
05/06/2015
22
6218
14 165,65
02/06/2015
05/06/2015
19
A…
31 010,08
« Conseiller municipal »
64
6067
14,44
(vide)
(vide)
65
6068
16,33
(vide)
(vide)
66
6182
49,23
19/10/2015
19/10/2015
67
6288
6,00
09/11/2015
09/11/2015
68
6288
22,08
09/11/2015
09/11/2015
69
6218
30 902,00
19/10/2015
20/10/2015
22
Y…
52 638,67
« Conseiller municipal »
78
6068
8,55
79
6288
35,70
23/12/2015
23/12/2015
80
6288
37,00
23/12/2015
23/12/2015
81
6288
19,26
23/12/2015
23/12/2015
82
6218
18 284,68
23/12/2015
31/12/2015
83
6218
34 253,48
23/12/2015
31/12/2015
23
B…
39 347,04
« Conseillère Municipale »
84
6288
20,70
21/12/2015
21/12/2015
85
6218
39 326,34
31/12/2015
21/01/2016
Total général
222 449,24
Total dépenses
constituant un préjudice (hors mandat 85. hors période)
183 122,90