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COMMUNIQUE DE PRESSE
Le 13 décembre 2017
ENTITES ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE
DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE
Mettre fin à la fuite en avant
Le parc immobilier du ministère de la justice, valorisé à 10
Md€ pour 5,5 millions de m
2
, contribue
directement, à travers les palais de justice et les établissements pénitentiaires, à la mi
se en œuvre
du service public de la justice.
Compte tenu des besoins considérables auxquels la Chancellerie va devoir faire face et du coût
croissant des loyers des partenariats public-privé (PPP) engagés ces dernières années, le ministère
se trouve aujourd’hui confronté à une équation budgétaire délicate
.
Par ailleurs, l’analyse des
PPP
en cours d’exécution
met en évidence le caractère peu approprié de cette formule aux besoins
permanents d’adaptation d
u patrimoine immobilier du ministère.
La Cour appelle à inscrire la stratégie immobilière du ministère de la justice dans une loi de
programmation pluriannuelle et à privilégier pour la construction de nouvelles prisons le recours
aux marchés de conception-réalisation plutôt
qu’aux PPP
.
Une équation budgétaire difficile
Le parc pénitentiaire se caractérise par un fort contraste entre des établissements vétustes et des bâtiments
plus modernes issus des programmes immobiliers menés au cours des 20 dernières années. En dépit de
ces investissements, la surpopulation carcérale demeure importante et entraîne des conditions de
détention indignes. La question de la capacité du ministère à mobiliser des ressources suffisantes pour
mener à bien le vaste programme de construction de prisons annoncé et visant à
atteindre l’objectif de
l’encellulement individuel
est posée.
Le parc judiciaire constitue un ensemble composite comprenant des édifices anciens, dont la rénovation
est coûteuse, et des palais de justice construits entre 1960 et 1990, parfois fortement dégradés. Les
besoins qui lui sont liés sont mal chiffrés et devront tenir compte des conséquences immobilières des
réformes fonctionnelles en cours.
Le ministère de la justice va être confronté dans les prochaines années à des besoins immobiliers
considérables, alors que les loyers des PPP déjà engagés vont monter en charge, provoquant un important
effet d’éviction pour les autres dépenses immobilières.
Il est dès lors indispensable qu
’il se dote d’une
programmation de ses opérations à venir, en identifiant les opérations prioritaires, car le financement des
besoins recensés et des objectifs fixés
n’apparaît pas soutenable
en l’état.
Les PPP : une réponse inadaptée
Le recours aux PPP a constitué une orientation majeure de la politique immobilière du ministère de la
justice entre 2006 et 2014, essentiellement pour la construction
d’établissements pénitentiaires
, mais aussi
pour le palais de justice de Caen et
pour l’opération hors norme
du nouveau palais de justice de Paris.
Dérogatoire au droit commun de la commande publique, le PPP permettait initialement de contourner les
règles de la dette publique et
présente l’avantage
de lisser les
charges d’investissement et de financement
sur toute la durée du contrat. En revanche, il induit des coûts de financement plus élevés que la maîtrise
d’ouvrage public, mais aussi des coûts de construction substantiellement
supérieurs à ceux des
établissements réalisés en conception-réalisation. De plus, les charges de maintenance sont plus
importantes
dans le cadre d’un
PPP
que d’un marché de conception
-réalisation dont la maintenance aurait
été externalisée (marché de gestion déléguée). Enfin, les surcoûts liés aux travaux modificatifs intervenant
en cours d’exploitation
et la rigidité des PPP, qui freine les adaptations dont le service public pénitentiaire
a besoin, sont de nature à mettre en cause la pertinence du recours à ces contrats.
Au regard de ces constats, l
a Cour estime qu’il convient de renoncer à l’avenir aux PPP pour l’immobilier
de la justice.
Une opération emblématique : le nouveau palais de justice de Paris
Le tribunal de grande instance et les
tribunaux d’instance de la capitale
vont être regroupés dans un
bâtiment hors norme ayant nécessité une opération
d’une
ampleur considérable. Celle-ci représente un
coût global de 2,3
Md€
jusqu’en 2044
, dont 725,5
M€ d’investissement, 643
M€ de
financement et 960
M€
de charges de fonctionnement. Le recours au PPP, guidé par des considérations budgétaires de court
terme, implique des loyers annuels
d’un montant moyen de 86
M€ qui
pèseront fortement sur le budget du
ministère de la justice.
La mise
en œuvre de ce contrat complexe a été marquée par des vicissitudes importantes, en particulier
une interruption du chantier par le partenaire privé ayant nécessité la signature d’une transaction avec
l’État.
Livré en août 2017, huit mois après la date initialement prévue,
l’ouvrage n’était pas fini au moment
où l’État en a pris possession. Des travaux modificatifs, résultant de choix tardifs de l’État, devaient ainsi
être réalisés, tandis que des non-conformités ont été relevées ; celles-ci
n’ont pas
donné lieu à pénalités,
la signature d’un avenant renforçant en contrepartie les garanties de la personne publique.
Alors que la phase d’exploitation du bâtiment va démarrer, il convient de faire preuve de
vigilance, au vu
de l’expérience des contrats en cours
,
quant à l’appréciation d’ensemble qui pourra être portée, le moment
venu, sur la mise en œuvre de ce contrat de partenariat
de très grande ampleur.
Recommandations
La Cour
propose d’
éviter de recourir
à l’avenir
aux PPP, compte tenu de leur inadaptation au patrimoine
immobilier de la justice, et formule six recommandations consistant notamment à :
1.
inscrire la stratégie immobilière du ministère de la justice dans une loi de programmation
pluriannuelle réaliste ;
2.
privilégier le recours aux marchés de conception-réalisation pour la construction des futures prisons ;
3.
approfondir la connaissance des coûts associés à l’immobilier pénitentiaire et judiciaire
;
4.
renforcer l’accompagnement des services par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice
lors de la
prise de possession d’un établissement
;
5.
tirer les conséquences des difficultés rencontrées dans le cadre du PPP relatif au palais de justice
de Caen et arbitrer entre la résiliation et la poursuite du contrat ;
6.
se doter des compétences appropriées pour suivre les PPP en cours dans la durée.
Lire le rapport
CONTACTS PRESSE :
Ted Marx
Directeur de la communication
T
01 42 98 55 62
tmarx@ccomptes.fr
Denis Gettliffe
Responsable des relations presse
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01 42 98 55 77
dgettliffe@ccomptes.fr
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