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Chambre
Jugement n° 2017-0016
Audience publique du 22 septembre 2017
Prononcé du 23 octobre 2017
CENTRE HOSPITALIER REGIONAL
UNIVERSITAIRE DE RENNES (Ille-et-Vilaine)
Poste comptable : Trésorerie de Rennes CHR
Exercices : 2012 à 2014 (du 2 juillet 2012 au
30 septembre 2014) et 2015
République Française
Au nom du peuple français
La chambre,
Vu le réquisitoire en date du 28 avril 2017, par lequel le procureur financier a saisi la chambre
en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X et de M. Y,
comptables du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Rennes au titre
d’opérations relatives aux exercices
2012 à 2014 (du 2 juillet 2012 au 30 septembre 2014)
et 2015, notifié le 12 mai 2017 aux comptables concernés ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptables du CHRU de Rennes par M. X, du 2 juillet
2012 au 30 septembre 2014, et par M. Y, du 1
er
janvier au 31 décembre 2015, ensemble les
comptes annexes ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu les arrêtés de délégation de la Cour des comptes du 1
er
juin 2010 et du 15 novembre 2013,
relatifs
au jugement des comptes de certaines catégories d’établissements publics de santé
par les chambres régionales des comptes ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63
-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité
publique et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du
VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90
de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Frédéric CHANLIAU et M. Fabien FILLIATRE, premiers conseillers,
magistrats chargés
de l’instruction
;
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Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendus lors de l’audience publique du 22 septembre 2017 M.
Frédéric CHANLIAU et
M. Fabien FILLIATRE, premiers conseillers en leur rapport, M. Patrick PRIOLEAUD en ses
conclusions, M. Z
, représentant l’ordonnateur,
M. X et M. Y, comptables présents ayant eu la
parole en dernier ;
Sur la présomption de charge n°1, soulevée à l’encontre d
e M. X, au titre des exercices
2012 à 2014 (du 2 juillet 2012 au 30 septembre 2014) :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des
comptes de Bretagne de la responsabilité encourue par M. X au motif que plusieurs titres émis
à l’encontre de la société ENDOTIS PHARMA pour un montant total de 19
218,22
€,
et pris en
charge entre le 7 juin 2012 et le 17 octobre 2012, ont été admis en non-valeur par mandat
n° 41090, bordereau n° 3425, émis le 11 septembre 2015, imputé au compte 654
« pertes sur
créances irrécouvrables »
; que
l’admission en non
-
valeur est une mesure d’ordre budgétaire
et comptable qui n’exonère pas le comptable de ses obligations de dil
igences en vue du
recouvrement ;
Attendu que le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de ladite
société par jugement en date du 25 octobre 2012, soit plusieurs jours après la prise en charge
de l’ensemble
des titres litigieux ; que la date de cessation des paiements de
l’entreprise a été
arrêtée au 30 septembre 2012 ; que les faits générateurs de toutes les créances sont
antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure de liquidation
judiciaire ; que ces mêmes
créances devaient ainsi
faire l’objet d’une déclaration
au liquidateur en temps opportun ; que
la publication du jugement de liquidation judiciaire au bulletin officiel des annonces civiles et
commerciales (BODACC), le 11 novembre 2012, indiquait que le délai de déclaration des
créances expirait le 11 janvier 2013, période correspondant à la gestion de M. X ;
Attendu
qu’il
revenait à M. X de se tenir informé des procédures collectives concernant les
sociétés liées au CHRU de Rennes
; qu’aucune preuve de déclaration des créances litigieuses
n’a été produite à l’
appui
du mandat d’admission en
non-valeur émis le 11 septembre 2015 ;
qu’il n’est donc pas établi q
ue M. X, comptable au moment des faits, ait déclaré les créances
dans le délai imparti
; que si l’admission en non
-valeur a pris effet sous la gestion de son
successeur, les faits qui la motivent sont antérieurs à celle-ci ; que, du fait du jugement de
liquidation judiciaire, le recouvrement des titres était compromis avant la prise de fonctions
dudit successeur
, intervenue au mois d’octobre 2014
;
Attendu qu’en
conséquence, les opérations susmentionnées seraient présomptives
d’irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire et
personnelle de M. X, pour un montant total de 19 218,22
au titre de sa gestion, comprise
entre le 2 juillet 2012 et le 30 septembre 2014, du CHRU de Rennes ;
Sur la force majeure
Attendu qu’aux termes du paragraphe V de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée :
«
Lorsque (…) le juge des comptes constate l'existence de circonsta
nces constitutives de la force
majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable
public. /
(…) / »
;
Attendu que le comptable a fait valoir les conditions de sa prise en charge du poste comptable
intervenue le 2 juillet 2012, en évoquant notamment des difficultés liées à la situation des
effectifs ;
Attendu que l’ordonnateur ne fait pas valoir d’arguments relatifs à la force majeu
re ;
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Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier fait valoir que les éléments sus
exposés par le comptable ne sauraient caractériser des circonstances de force majeure
susceptibles d’exonérer celui
-
ci de l’engagement de sa responsabilité per
sonnelle et
pécuniaire ;
Attendu que le comptable, en définitive,
n’établit pas l’existence de circonstances constitutives
de la force majeure, au sens du premier alinéa du V de l’article 60 de la
loi n° 63-156 précitée ;
Sur le manquement
Attendu que le comptable ne conteste
pas l’existence d’un manquement tout en spécifiant que
«
le suivi du BODACC, pour des créances France entière, n’est pas efficient
» ;
Attendu que
l’
ordonnateur ne fait pas valoir
d’
arguments relatifs au manquement présumé ;
Attendu que, dans ses conclusions, le procureur
financier fait valoir qu’au cas d’espèce, le
jugement de liquidation judiciaire a été publié au BODACC le 11 novembre 2012 ; que le délai
de déclaration des créances expirait le 11 janvier 2013, et donc plusieurs mois après la prise
de fonctions du comptable à qui il revenait de suivre les créances et de se tenir informé des
procédures collectives ;
Attendu que
l’arrêt de la Cour des comptes n°70762 «
commune de Saverdun
» du
18
septembre 2014 considère qu’
«
en application de l’article 11 du décret du 20 décembre
1962 susvisé, le comptable est seul chargé de la prise en charge et du recouvrement des
créances ;
que l’ouverture des procédures collectives est mentionnée au BODACC
; que la
déclaration des créances
doit intervenir en application de l’article R.622
-24 du code de
commerce dans les deux mois suivant ladite publication, à peine de forclusion
; qu’il y
a donc
lieu d’écarter les moyens tenant au défaut d’information du poste comptable…
» ; que la
décla
ration des créances est une obligation pour les créanciers d’un débiteur faisant l’objet
d’une procédure de liquidation judicaire afin de pouvoir prétendre au règlement des sommes
qui leur sont dues ;
Attendu qu’aucun élément ne démontre l’existence, avant l’ouverture de la procédure de
liquidation judiciaire, de diligences adéquates, complètes et rapides engagées par le
comptable, hormis une lettre de rappel,
dont il n’est pas établi qu’elle ait été effectivement
notifiée à la société en cause, qui apparait insuffisante pour interrompre la prescription ;
Attendu qu’au vu des éléments sus
décrits, le manquement est constitué ;
Sur le préjudice
Attendu que, le comptable produit
un certificat d’irrécouvrabilité
daté du 17 mai 2017, reçu du
mandataire judiciaire en charge de la liquidation de la société ENDOTIS PHARMA ;
qu’il
soutient que
la jurisprudence du Conseil d’Etat (
décision n°397924 «
agent comptable du
grand port maritime de Rouen
» du 22 février 2017) précise que
«
(…) lorsqu’il ressort des
pièces du dossier, et en particulier des éléments produits par le comptable, qu’à la date du
manquement, la recette était irrécouvrable en raison notamment de l’insolvabilité de la
personne qui en était redevable, le préjudice financier ne peut être regardé comme imputable
au manquement ; qu’une telle circonstance peut être établie par tous documents, y compris
postérieurs au manquement (…)
»
; que le document produit n’établit pas qu’à la date du
manquement, soit au 11 janvier 2013, les créances en cause étaient irrécouvrables en raison
de l’insolvabilité de la société ENDOTIS PHARMA
;
Attendu que
l’ordonnateur
ne fait pas valoir
d’
autres arguments concernant
l’absence ou
l’existence d’un
préjudice ;
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Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier fait valoir que le certificat
d’irrécouvrabilité daté du 17 mai 2017 ne prouve pas l’insolvabilité du redevable au moment
du manquement
; qu’au cas d’espèce, le moyen utilisé par le comptable est in
opérant ;
Attendu que la chambre estime que la perte de recettes liée au manquement du comptable
est avérée et que celle-ci constitue un dommage patrimonial pour le CHRU de Rennes
;
Attendu que le manquement du comptable et la perte de recettes qui en découle ont causé un
préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article
60 de la loi du 23 février susvisée, au CHRU de Rennes ;
Sur la décision de débet
Attendu qu’aux termes du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée
,
«
Lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme
public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers
personnels la somme correspondante
»
; qu’ainsi, il y a lieu de constituer
M. X débiteur du
CHRU de Rennes pour la somme de 19 218,22
;
Attendu
qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée,
«
les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
»
; qu’en l’espèce, cette date
est le 12 mai 2017, date de réception du réquisitoire par M. X ;
Sur la présomption de charge n°2, soulevée à l’encontre de
M. Y
, au titre de l’exercice
2015 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des
comptes de Bretagne de la responsabilité encourue par M. Y au motif que celui-ci a payé à
des agents non titulaires la prime spécifique pour un montant global de 7
060,50 € pour le
mois de décembre 2015 ;
Attendu que la prime spécifique a été institué
e par l’arrêté du 23 avril 1975
; que le décret
n°88-1083 du 30 novembre 1988 constitue la base réglementaire de cette prime qui ne
concerne que les personnels fonctionnaires et stagiaires, excluant
de facto
les agents non
titulaires ;
Attendu que le comptable devait se référer à la nomenclature des pièces justificatives listées
en annexe 1 (rubrique 2, point 22)
de l’article D.
1617-9 du code général des collectivités
territoriales
; qu’à cet effet, il apparaît que les paiements réalisés n’étaient pas appuyés par la
décision individuelle d’attribution
de la prime spécifique, prise par le directeur du CHRU de
Rennes, ni par
les contrats d’engagements indiquant la mention de ladite prime
; que l’absence
de ces deux conditions cumulatives a conduit le comptable à procéder au paiement de la prime
spécifique en méconnaissance de son obligation de contrôle de la production des pièces
justificatives,
imposée cependant par l’
article 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
Attendu qu’en conséquence, les opérations susmentionnées seraient présomptives
d’irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire et
personnelle de M. Y, pour un montant total de 7
060,50 € au titre de sa gestion, pour l’
exercice
2015, du CHRU de Rennes ;
Sur la force majeure
Attendu que l’ordonnateur ne fait pas valoir d’arguments relatifs à la force majeure
;
Attendu que le comptable n’établit pas l’existence de circonstances constitutives de la force
majeure, au sens du premier alinéa du V de l’article 60 de la loi n° 63
-156 précitée ;
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Sur le manquement
Attendu que le comptable a produit plusieurs contrats qui ne correspondent pas aux
bénéficiaires de la prime spécifique cités dans le réquisitoire susvisé ; que les décisions
individuelles d’attribution
, en outre,
n’ont pas été produites
;
Attendu que le comptable évoque le décret n°2016-33 du 20 janvier 2016 comportant la liste
des pièces justificatives prévoyant la production de la décision individuelle ou de la mention
au contrat et donc l’absence de conditions cumulatives
; que ce moyen ne peut être retenu
dans la mesure où ce texte n’était pas en vigueur
au moment des faits constatés ;
Attendu que, dans ses conclusions, le procureur
financier fait valoir qu’au cas d’espèce, le
versement constaté de la prime litigieuse aux agents contractuels revêt un caractère irrégulier
puisque non fondé sur la décision
individuelle d’attribution prise par
le directeur du CHRU de
Rennes
; qu’en l’absence des contrats, la mention explicite et précise d’octroi de ladite prime
n’a pu, en outre, être constatée
;
Attendu qu’en prenant en charge les mandats en cause et en pro
cédant à leur paiement, le
comptable a méconnu son obligation de produire les justifications nécessaires comme prévu
par l’article 20 du décret n°2012
-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique ;
Attendu qu’au vu des élé
ments sus décrits, le manquement est constitué ;
Sur le préjudice
Attendu que l’ordonnateur fait valoir l’absence d’un préjudice financier par son courrier daté
du 3 juillet 2017, adressé à la chambre ;
Attendu que, dans ses conclusions, le procureur
financier fait valoir que même si l’ordonnateur
confirme que les primes litigieuses ont été versées selon sa volonté, cette dernière aurait dû
se traduire par une décision individuelle ainsi que par une mention explicite sur les contrats de
travail ; que l
e défaut de ces pièces ne permet pas d’attester cette volonté et que le paiement
était dès lors indu ;
Attendu que le paiement de la prime spécifique à des agents non titulaires dans les
circonstances précitées constitue un dommage patrimonial pour le CHRU de Rennes ;
Attendu que le manquement du comptable et la dépense non fondée qui en découle ont causé
un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de
l’article 60 de la loi du 23 février susvisée, au CHRU de Re
nnes ;
Sur la décision de débet
Attendu qu’aux termes du même article, «
Lorsque le manquement du comptable […] a causé
un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser
immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante
» ; qu’ainsi, il y a lieu de
constituer M. Y débiteur du CHRU de Rennes pour la somme de 7 060,50
;
Attendu
qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée,
«
les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
»
; qu’en l’espèce, cette date
est le 12 mai 2017, date de réception du réquisitoire par M. Y ;
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Sur le contrôle sélectif de la dépense
Attendu qu’un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense concernait l’exercice 2015
; que
celui-ci prévoyait le contrôle mensuel du mandatement des opérations de paye ainsi que le
contrôle des nouveaux entrants ;
Attendu que ce plan de contrôle,
hormis les nouveaux entrants, n’incluait pas en son périmètre
la prime spécifique objet du réquisitoire susvisé ; que dès lors, le contrôle de ladite prime
revêtait un caractère exhaustif ;
Attendu qu’en la circonstance, la décision éventuelle de remise
gracieuse du débet précité
devrait laisser à la charge du comptable une somme
a minima
égale au double de la somme
maximale visée au deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié
;
qu’au cas d’espèce, ce montant minimal est de
729 €
;
Sur la présomption de charge n°3, soulevée à l’encontre de M.
Y
, au titre de l’exercice
2015 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des
comptes de Bretagne de la responsabilité encourue par M. Y au motif que celui-ci a payé à
des agents non titulaires la prime spéciale de début de carrière pour un montant global de
6
223,46 € pour le mois de décembre 2015
;
Attendu que la prime spéciale de début de carrière est réglementairement fondée sur le décret
n°89-
922 du 22 décembre 1989, complété par l’arrêté ministériel du 20 avril
2011; que cette
prime ne concerne pas les personnels contractuels ;
Attendu que le comptable devait se référer à la nomenclature des pièces justificatives listées
en annexe 1 (rubrique 2, point 22) de l’article D.1617
-9 du code général des collectivités
territoriales
; qu’à cet effet, il apparaît que les paiements réalisés n’étaient pas appuyés par la
déci
sion individuelle d’attribution de
la prime spéciale de début de carrière, prise par le
directeur du CHRU de Rennes, ni par les contrats d’engagement indiquant la mention de ladite
prime
; que l’absence de ces deux conditions cumulatives a conduit le compt
able à procéder
au paiement de la prime spéciale de début de carrière en méconnaissance de son obligation
de contrôle de la production des pièces justificatives, imposée cependant par l’article 20 du
décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
Attendu qu’en
conséquence, les opérations susmentionnées seraient présomptives
d’irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire et
personnelle de M. Y, pour un montant total de 6
223,46 € au titre de sa gestion, pour l’exercice
2015, du CHRU de Rennes ;
Sur la force majeure
Attendu que l’ordonnateur ne fait pas valoir d’arguments relatifs à la force majeure
;
Attendu que le comptable n’établit pas l’existence de circonstances constitutives de la force
majeure, au sens du premier al
inéa du V de l’article 60 de la loi n° 63
-156 précitée ;
Sur le manquement
Attendu que le comptable a produit plusieurs contrats qui ne visent pas de manière explicite
la prime spéciale de début de carrière et évoquent simplement «
une prime de 38,58 €
bruts
qui pourra être revalorisée par décision de portée générale de l’ordonnateur
»; que les
décisions individuelles d’attribution, pour leur part, n’ont pas été produites
;
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Attendu que le comptable évoque le décret n°2016-33 du 20 janvier 2016 comportant la liste
des pièces justificatives prévoyant la production de la décision individuelle ou de la mention
au contrat et donc l’absence de conditions cumulatives
; que ce moyen ne peut être retenu
dans la mesure où ce texte n’était pas en vigueur au moment
des faits constatés ;
Attendu que, dans ses conclusions, le procureur
financier fait valoir qu’au cas d’espèce, le
versement de la prime litigieuse aux agents contractuels revêt un caractère irrégulier puisque
non fondé sur la décision individuelle
d’attribution prise par le directeur du CHRU de Rennes
;
que
la mention explicite et précise d’octroi de ladite prime n’a pu, en outre, être constatée
;
Attendu qu’en prenant en charge les mandats en cause et en procédant à leur paiement, le
comptable a méconnu son obligation de produire les justifications nécessaires comme prévu
par l’article 20 du décret n°2012
-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique ;
Attendu qu’au vu des éléments sus décrits, le manquement est co
nstitué ;
Sur le préjudice
Attendu que l’ordonnateur fait valoir l’absence d’un préjudice financier par son courrier daté
du 3 juillet 2017, adressé à la chambre ;
Attendu que, dans ses conclusions, le procureur
financier fait valoir que même si l’ordo
nnateur
confirme que les primes litigieuses ont été versées selon sa volonté, cette dernière aurait dû
se traduire par une décision individuelle ainsi que par une mention sur les contrats de travail ;
que le défaut de ces pièces ne permet pas d’attester ce
tte volonté et que le paiement était dès
lors indu ;
Attendu que le paiement de la prime spéciale de début de carrière à des agents non titulaires
dans les circonstances précitées constitue un dommage patrimonial pour le CHRU de
Rennes ;
Attendu que le manquement du comptable et la dépense non fondée qui en découle ont causé
un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de
l’article 60 de la loi du 23 février susvisée, au CHRU de Rennes
;
Sur la décision de débet
Attendu qu’aux termes du même article, «
Lorsque le manquement du comptable […] a causé
un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser
immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante
» ; qu’a
insi, il y a lieu de
constituer M. Y débiteur du CHRU de Rennes pour la somme de 6 223,46
;
Attendu
qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée,
«
les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
»
; qu’en l’espèce, cette date
est le 12 mai 2017, date de réception du réquisitoire par M. Y ;
Sur le contrôle sélectif de la dépense
Attendu qu’un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense concernait l’exercice 2015
; que
celui-ci prévoyait le contrôle mensuel du mandatement des opérations de paye ainsi que le
contrôle des nouveaux entrants ;
Attendu que ce plan de contrôle, hormis les nouveaux entrants,
n’incluait pas en son périmètre
la prime spéciale de début de carrière objet du réquisitoire susvisé ; que dès lors, le contrôle
de ladite prime revêtait un caractère exhaustif ;
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Attendu qu’en la circonstance, la décision éventuelle de remise gracieuse du
débet précité
devrait laisser à la charge du comptable une somme
a minima
égale au double de la somme
maximale visée au deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié
;
qu’au cas d’espèce, ce montant minimal est de 729 €
;
Su
r la présomption de charge n°4, soulevée à l’encontre de M.
Y
, au titre de l’exercice
2015 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des
comptes de Bretagne de la responsabilité encourue par M. Y au motif que celui-ci a payé à
des agents non titulaires la prime de technicité pour un montant global de 73 572,18
€ pour le
mois de décembre 2015 ;
Attendu que la prime de technicité est réglementairement fondée sur l’article 1
er
du décret
n° 91-870 du 5 septembre 1991 qui précise que «
les ingénieurs hospitaliers titulaires ou
stagiaires bénéficient d’une prime de technicité payable mensuellement à terme échu
»,
excluant
de facto
les agents non titulaires ;
Attendu que le comptable devait se référer à la nomenclature des pièces justificatives listées
en annexe 1 (rubrique 2, point 22) de l’article D.1617
-9 du code général des collectivités
territoriales
; qu’à cet effet, il apparaît que les paiements réalisés
n’étaient pas appuyés par la
décision individuelle d’attribution de
la prime de technicité, prise par le directeur du CHRU de
Rennes, ni par les contrats d’engagements indiquant la mention de ladite prime
; que l’absence
de ces deux conditions cumulatives a conduit le comptable à procéder au paiement de la prime
de technicité en méconnaissance de son obligation de contrôle de la production des pièces
justificatives, imposée cependant par l’article 20 du décret n° 2012
-1246 du 7 novembre 2012 ;
Attendu qu’
en conséquence, les opérations susmentionnées seraient présomptives
d’irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire et
personnelle de M. Y, pour un montant total de 73
572,18 €
au titre de sa gestion, pour
l’exercice 2
015, du CHRU de Rennes ;
Sur la force majeure
Attendu que l’ordonnateur ne fait pas valoir d’arguments relatifs à la force majeure
;
Attendu que le comptable n’établit pas l’existence de circonstances constitutives de la force
majeure, au sens du premier alinéa du V de l’article 60 de la loi n° 63
-156 précitée ;
Sur le manquement
Attendu que le comptable a produit deux contrats ; que
le premier d’entre eux évoque de
manière explicite une prime de technicité correspondant à «
25 % du traitement de base
révisable annuellement par décision administrative
» ; que le deuxième évoque une simple
prime correspondant à «
25 % du traitement de base révisable annuellement par décision
administrative
» ;
que les décisions individuelles d’attribution, pour leur part, n’ont pas été
produites ;
Attendu que le comptable évoque le décret n°2016-33 du 20 janvier 2016 comportant la liste
des pièces justificatives prévoyant la production de la décision individuelle ou de la mention
au contrat et donc l’absence de conditions cumulatives
; que ce moyen ne peut être retenu
dans la mesure où ce texte n’était pas en vigueur au moment des faits constatés
;
Attendu que, dans ses conclusions, le procureur
financier fait valoir qu’au cas d’espèce, le
versement de la prime litigieuse aux agents contractuels revêt un caractère irrégulier puisque
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non fondé sur la décision individuelle d’attribution prise par le di
recteur du CHRU de Rennes ;
que la mention explicite et précise d’octroi de ladite prime n’a pu, en outre, être constatée
;
Attendu qu’en prenant en charge les mandats en cause et en procédant à leur paiement, le
comptable a méconnu son obligation de produire les justifications nécessaires comme prévu
par l’article 20 du décret n°2012
-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique ;
Attendu qu’au vu des éléments sus décrits, le manquement est constitué
;
Sur le préjudice
Attendu que l’ordonnateur fait valoir l’absence d’un préjudice financier par son courrier daté
du 3 juillet 2017, adressé à la chambre ;
Attendu que, dans ses conclusions, le procureur
financier fait valoir que même si l’ordonnateur
confirme que les primes litigieuses ont été versées selon sa volonté, cette dernière aurait dû
se traduire par une décision individuelle ainsi que par une mention sur les contrats de travail ;
que le défaut de ces pièces ne permet pas d’attester cette volonté et que le paiemen
t était dès
lors indu ;
Attendu que le paiement de la prime de technicité à des agents non titulaires dans les
circonstances précitées constitue un dommage patrimonial pour le CHRU de Rennes ;
Attendu que le manquement du comptable et la dépense non fondée qui en découle ont causé
un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de
l’article 60 de la loi du 23 février susvisée, au CHRU de Rennes
;
Sur la décision de débet
Attendu qu’aux termes du même article, «
Lorsque le manquement du comptable […] a causé
un préjudice financier à l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser
immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante
» ; qu’ainsi, il y a lieu de
constituer M. Y débiteur du CHRU de Rennes pour la somme de 73 572,18
;
Attendu
qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée,
«
les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
»
; qu’en l’espèce, cette date
est le 12 mai 2017, date de réception du réquisitoire par M. Y ;
Sur le contrôle sélectif de la dépense
Attendu qu’un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense concernait l’exercice 2015
; que
celui-ci prévoyait le contrôle mensuel du mandatement des opérations de paye ainsi que le
contrôle des nouveaux entrants ;
Attendu que ce plan de contrôle, hormis les nouveaux entrants, n’incluait pas en son périmètre
la prime de technicité, objet du réquisitoire susvisé ; que dès lors, le contrôle de ladite prime
revêtait un caractère exhaustif ;
Attendu qu’en la circonstanc
e, la décision éventuelle de remise gracieuse du débet précité
devrait laisser à la charge du comptable une somme
a minima
égale au double de la somme
maximale visée au deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié
;
qu’au cas
d’espèce, ce montant minimal est de 729 €
;
Par ces motifs,
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DÉCIDE :
Article 1
er
: En ce qui concerne M. X :
Au titre des exercices 2012 à 2014, du 2 juillet 2012 au 30 octobre 2014 (présomption de
charge n° 1) :
M. X est constitué débiteur du CHRU de Rennes pour la somme de 19 218,22
augmentée
des intérêts de droit à compter du 12 mai 2017.
Article 2 : En ce qui concerne M. Y :
Au titre de l’exercice
2015 (présomption de charge n° 2) :
M. Y est constitué débiteur du CHRU de Rennes pour la somme de 7 060,50
€ augmentée
des intérêts de droit à compter du 12 mai 2017.
Les paiements
n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de
contrôle sélectif.
Article 3 : En ce qui concerne M. Y :
Au titre de l’exercice 2015 (présomption de charge n° 3
) :
M. Y est constitué débiteur du CHRU de Rennes pour la somme de 6 223,46
€ augmentée
des intérêts de droit à compter du 12 mai 2017.
Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de
contrôle sélectif.
Article 4 : En ce qui concerne M. Y :
Au titre de l’exercice 2015 (présomption de charge n° 4
) :
M. Y est constitué débiteur du CHRU de Rennes pour la somme de 73 572,18
augmentée
des intérêts de droit à compter du 12 mai 2017.
Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de
contrôle sélectif.
Article 4 : La décharge de M. X et de M. Y ne pourra êtr
e donnée qu’après apurement des
débets fixés ci-dessus.
Fait et jugé par Mme Sophie BERGOGNE, présidente de séance, M. Jean-François
FORESTIER, Mme Francine DOSSEH, présidents de section et MM Pierre PERROT et Eric
THIBAULT, premiers conseillers.
En présence de Mme Annie FOURMY, greffière de séance.
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Signature du greffier de séance]
Annie FOURMY
greffière de séance
Signature du président de séance
Sophie BERGOGNE
présidente de la Chambre
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
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Catherine PELLERIN
secrétaire générale
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les
jugements prononcés par la chambre régionale des
comptes peuvent être frappés d’appel
devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon
les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé
de deux mois pour les personne
s domiciliées à l’étranger.
La révision d’un jugement peut être
demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R.
242-29 du même code.
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Sauf si uniquement non-lieu à charge