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QUATRIEME CHAMBRE
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Première section
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Arrêt n° S 2017-2022
Audience publique du 22 juin 2017
Prononcé du 20 juillet 2017
OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT
DE BOULOGNE-SUR-MER
(PAS-DE-CALAIS)
Appel d’un jugement de la chambre
régionale des comptes
de Nord-Pas-de-Calais, Picardie
Rapport n° 2017-0195-1
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête enregistrée le 4 février 2016 au greffe de la chambre régionale des comptes de
Nord-Pas-de-Calais, Picardie, par laquelle M. X, comptable de
l’office public de l’habitat
(OPH)
de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), a élevé appel du jugement n° 2015-0043 du
10 décembre 2015 par lequel la juridiction
l’
a déclaré débiteur envers cet établissement de la
somme de 174 745,52
;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance, et notamment le réquisitoire
du procureur financier n° 2015-0027 du 23 avril 2015 ;
Vu le code de la
construction et de l’habitation, notamment s
es articles L. 421-12 et R. 421-19
;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi
de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité
publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de
l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article
90 de
la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Olivier BREUILLY, conseiller référendaire
, chargé de l’instruction
;
Vu les conclusions n° 430 du 14 juin 2017 du Procureur général ;
Entendu, lors de l’audience publique
du 22 juin 2017, M. Olivier BREUILLY, en son rapport,
M. Bertrand DIRINGER, avocat général, en les conclusions du ministère public ; M. X,
appelant,
et l’ordonnateur,
informés
de l’audience, n’étant ni présent
s, ni représentés ;
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Après avoir entendu en délibéré M. Olivier ORTIZ, conseiller maître, réviseur, en ses
observations ;
Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes de Nord-Pas-de-
Calais, Picardie a déclaré M. X débiteur de la somme de 174 745,52
€,
augmentée des intérêts
de droit à compter du 11 mai 2015, pour avoir payé, entre novembre 2009 et juillet 2012, la
rémunération du directeur de l’office public de l’habitat de Boulogne
-sur-Mer
en l’absence du
contrat de travail rendu obligatoire par le décret n° 2009-1218 du 12 octobre 2009 relatif aux
directeurs généraux des offices publics de l’habitat
;
Attendu que l’appelant demande à la Cour d’infirme
r la décision des premiers juges au motif
qu’aucun
manquement
à
ses
obligations
de
contr
ôle
ne
lui
serait
imputable,
et subsidiairement, pour le cas où elle
retiendrait le manquement, d’admettre que celui
-
ci n’est
pas la cause direct d’un préjudice financier subi par l’office
et de fixer à minima la somme
laissée à sa charge compte tenu des circonstances de l’affaire
;
Sur le manquement du comptable de l’office
Attendu
que le directeur général de l’OPH de Boulogne
-sur-Mer a été recruté le 1
er
mai 2005
par la voie du
détachement pour une durée de trois ans renouvelable, sur le fondement d’un
arrêté du président de l’établissement
public ; que ce détachement a été ensuite renouvelé à
deux reprises par arrêtés du 1
er
juillet 2008 et du 26 avril 2011 ;
Attendu qu’à partir du 13 octobre 2009, les articles L.
421-12 et R. 421-19 du code de la
construction et de l’habitation ont prévu que le directeur général d’un OPH soit recruté par un
contrat, y compris en position de détachement, et non plus par un acte unilatéral ;
Attendu que
l’appelant
invoque, à l’appui de sa requête, la nomenclature des pièces
justificatives annexée au code général des collectivités territoriales, alors applicable,
qui prévoyait, dans sa rubrique 210, lors du premier
paiement de la rémunération d’un agent,
la production d’un acte d’engagement mentionnant notamment la référence à la délibération
créant l’emploi, les modalités de recrutement et les conditions d’emploi ainsi que le grade,
l’échelon, l’indice de traitement
ou les modalités de la rémunération de l’agent
;
Attendu que M. X
reconnaît que c’est en connaissance de cause qu’il a accepté de
maintenir,
au vu des mêmes pièces justificatives,
le paiement des rémunérations du directeur de l’office
jusqu’au 25
juillet 2012, date de la réception en sous-préfecture de la délibération autorisant
la conclusion
d’un contrat de travail avec le directeur de l’office
;
Attendu que le requérant fait valoir, en premier lieu, qu
’il a effectué
les paiements en cause en
se référant à une fiche technique de la direction générale des finances publiques du
9 novembre 2009 indiquant que «
jusqu’à la mise en conformité des actes d’engagement des
directeurs généraux d’OPH
, la rémunération de ces derniers, reste justifiée dans les conditions
antérieures (…). Ces actes, même dépourvus de base légale, demeurent néanmoins
exécutoires
» ;
Attendu, toutefois, que ce document ne constitue ni une instruction, ni une circulaire prise par
délégation expresse du pouv
oir réglementaire et n’est donc pas opposable au juge des
comptes ; que si ses termes reprennent
ceux de l’instruction n°
09.007 du 10 avril 2009
concernant les directeurs des offices publics d’aména
gement et de construction, ce dernier
texte, qui ne fait pas référence au décret du 12 octobre 2009,
n’est pas davantage opposable
au juge financier
; qu’ainsi le moyen pris en cette br
anche manque en fait comme en droit ;
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Attendu que le ministère public, dans ses conclusions susvisées, estime que la Cour pourrait
considérer que les actes antérieurs à la parution du décret du 12 octobre 2009 demeuraient
exécutoires jusqu’au terme qu’ils prévoient bien que leur base légale eût entre
-temps disparu ;
que le principe de sécurité juridique ferait incliner le ministère public à considérer que le
manquement du comptable ne serait constitué qu’à partir du renouvellement du détachement
intervenu le 26 avril 2011 ;
Attendu que l’exercice du pouvoir
réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de
modifier à tout
moment les normes qu’il définit
; que, cependant, l’autorité administrative
a
l’obligation d’édicter, pour des motifs de sécurité juridique, des mesures transitoires afin que
le changement de réglementation ne porte pas une atteinte excessive aux situations en cours ;
qu’à cet égard, l’article 3 du décret précité du 12 octobre 2009 a prévu des dispositions
transitoires destinées à assurer une rémunération des directeurs généraux en fonction à la
date dudit décret qui ne soit pas inférieure à celle
dont ils bénéficiaient sous l’ancienne
réglementation ; qu’aucune disposition transitoire ne prévoit le report de la nouvelle
réglementation à une date ou à la survenance d’un événement ultérieur
; qu’il
n’appartient pas
au juge des comptes d
e retarder l’a
pplication de dispositions dont le pouvoir réglementaire a
voulu qu’elles soient d’application immédiate
; qu’au demeurant, la substitution d’un contrat de
travail à un acte unilatéral d’engagement renforce la sécurité juridique de la rémunération du
directeur général
; qu’il en résulte que la production d’un contrat s’imposait
dès la publication
du décret du 12 octobre 2009 ;
Attendu que le requérant fait valoir, en second lieu, que le renouvellement du détachement en
2011 constituait un nouveau premier pa
iement au sens de la nomenclature et qu’il ne lui
appartenait pas d’exercer sur cet acte un contrôle de légalité
; qu’il estime ne pas avoir été en
mesure de soulever l’incohérence des pièces dès lors que les actes de nomination ne visaient
pas le code de
la construction et de l’habitation
;
Attendu, cependant
, que c’est au regard de la nature même de la pièce justificative exigible
que la chambre régionale des comptes s’est placée pour qualifier le manquement du
comptable en considérant que la production
d’un contrat s’imposait après la parution du décret
du 12 octobre 2009, soit dès le mois de novembre de cette même année ;
que, par suite, l’acte
d’engagement constitué par le renouvellement du détachement le 1
er
juillet 2008 n’était plus
alors la pièce justificative requise
; que faute d’avoir exigé un contrat et d’avoir préalablement
suspendu le paiement, le comptable a commis un manquement ;
Attendu que le manquement du comptable est constitué dès la publication du décret
du 12 octobre 2009 ;
qu’en conséquence, il y a lieu de confirmer, sur ce
point, le jugement
entrepris ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
pour
l’office
Attendu que M. X
soutient que l’office public de l’habitat n’a pas subi de préjudice financier en
faisant valoir que la rémunération du directeur était due ;
qu’il demande
, par voie de
conséquence, l’infirmation du débet prononcé et la mise à sa charge d’une somme
non rémissible ;
Attendu que les premiers juges ont déduit l’existence d’un préjudice financier de la seule
absence de la pièce justificative requise ;
Attendu que pour déterminer si la dépense est ou non indue, il convient de rechercher, outre la
réalité du service fait, la volonté expresse et préalable de l’ordonnateur
; qu’
au cas
d’
espèce,
d’une part, la réalité du service fait n’est pas contestable dès lors que le
directeur général de
l’OPH a exercé ses fonctions et que, d’autre part,
la volonté de l’ordonnateur,
matérialisée par
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les arrêtés de renouvellement du détachement de l’intéressé, est
établie ; q
u’
au demeurant, le
contrat
aurait été signé pour la partie employeur par le président de l’office, comme l’ont été
les arrêtés précités ;
Attendu
qu’en conséquence, le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice
financi
er à l’OPH
;
qu’
il y a donc lieu
d’
infirmer le débet prononcé par la chambre régionale
des comptes ;
Att
endu qu’en l’absence de préjudice financier pour l’établissement,
la somme maximale
pouvant être mise à la charge du comptable, conformément aux dispositions du deuxième
alinéa du VI de l’article 60
de la loi du 23 février 1963, est fixée à un millième et demi du
montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré ; que le cautionnement
du poste comptable était de 171 000
€ pour l’exercice
2009 et a été porté à 176 000
à compter du 1
er
janvier 2010 ;
Attendu qu
’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce
en considérant
qu’entre novem
bre 2009 et mars 2011, M. X
s’est appuyé sur la fiche technique de la direction
générale des finances publiques du 9 novembre 2009 pour ne pas suspendre les paiements
en cause
mais qu’à compter du renouvellement du détachement du directeur général en
avril
2011, aucune circonstance juridique ou matérielle ne pouvait justifier l’absence d’un
contrat de travail ;
qu’il
est ainsi mis à la charge de M. X, les sommes non rémissibles de 100
au titre de l’exercice
2009, 200
€ au titre de l’exercice
2010 et 260
au titre de chacun des
exercices 2011 et 2012 ;
DÉCIDE :
Article 1
er
Le jugement de la chambre régionale des comptes de Nord-Pas-de-Calais,
Picardie est infirmé
en ce qu’il a cons
titué M. X
débiteur de l’OPH de Boulogne
-sur-Mer de la
somme de 174 745,52
;
Article 2
M. X
devra s’acquitter d
es sommes de 100
€ (exercice
2009), 200
(exercice 2010), 260
€ (exercice
2011) et 260
€ (exercice
2012), en application du deuxième
alinéa du VI de l’article 60 de la loi n°
63-156 du 23 février 1963 ; ces sommes ne peuvent pas
faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu de l’article 60
-IX de la loi précitée.
Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Yves
ROLLAND, président de section, président de la formation ; Mme Anne FROMENT-
MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, MM. Jean-Pierre LAFAURE, Franc-
Gilbert BANQUEY, Jean-Yves BERTUCCI et Olivier ORTIZ, conseillers maîtres.
En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.
Marie-Hélène PARIS-VARIN
Yves ROLLAND
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de
la République près les tribunaux
de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et
officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R.
142-20 du code des juridictions financières, les
arrêts pr
ononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le
délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une
ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce
dans les conditions prévues à l’article R.
142-19 du même code.