CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES
D’AQUITAINE
Bordeaux, le 5 janvier 2007
Le Président
Références à rappeler
:
DC/RN ROD1I CCI PAU BEARN
Monsieur le Président,
A la suite de l'examen de la gestion à compter de 2001 de la Chambre de
commerce et d’industrie, je vous ai fait connaître par lettre en date du 13 février 2006 les
observations retenues à titre provisoire en vous priant d'y répondre dans le délai de deux mois.
Vous avez répondu par courrier en date du 10 avril 2006. La compagnie aérienne Ryanair, par
lettre datée du 4 mai 2006, a répondu à l’extrait qui lui avait été adressé. La chambre en a
délibéré au cours de sa séance du 19 octobre 2006 et a arrêté les observations définitives qui
vous ont été notifiées le 14 novembre 2006.
Le délai légal d’un mois imparti aux destinataires des observations définitives pour
adresser leur éventuelle réponse à la chambre régionale des comptes étant expiré, je vous prie
de bien vouloir trouver ci-joint, le rapport d’observations définitives de la chambre.
Les dépenses de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Pau-Béarn se
sont élevées en 2004 à environ 30 M€. Ses effectifs au 31 décembre 2004 étaient de
297 agents en équivalents temps plein. A l’instar des autres CCI, la chambre de commerce et
d'industrie de Pau-Béarn a une mission de service aux entreprises industrielles, commerciales
et de services de sa circonscription, qui sont près de 10 600. Elle représente
également auprès
des pouvoirs publics les intérêts de l'industrie, du commerce et des services et exerce à ce titre
une mission consultative. En sus de ces tâches, qui constituent en quelque sorte son « coeur de
métier », la CCI de Pau-Béarn intervient dans le domaine de la formation initiale par le biais
d’une école supérieure de commerce et de centres de formations des apprentis. Elle propose
également des actions de formation continue. Elle gère enfin l’aéroport de Pau-Pyrénées. La
répartition des dépenses entre ces trois grands domaines d’action est la suivante : 22 % au titre
des services généraux,
42 % au titre des activités de formation et 36 % pour la gestion de
l’aéroport. 21 % des agents travaillent pour les services généraux, 28 % pour la formation et
51 % pour l’aéroport.
Monsieur Michel BRAU
Président de la Chambre de commerce
et d’industrie de Pau-Béarn
21, rue Louis Barthou
BP 128
64001 - PAU Cedex
3, place des Grands-Hommes – CS 30059 – 33064 Bordeaux Cedex – Tél. : 05 56 56 47 00 – Fax : 05 56 56 47 77
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Le rapport de la chambre régionale des comptes abordera successivement les
points suivants :
- contrôle de régularité : occupation de locaux par des associations ; transmission
des actes de la CCI aux autorités de tutelle ; règlement intérieur ; fonctionnement de
l’assemblée générale ; composition du bureau.
- résultats atteints par rapport aux objectifs fixés : la méthodologie adoptée pour la
fixation d’une stratégie ; la volonté de gérer la CCI comme une entreprise privée ; le
redressement de l’école supérieure de commerce.
- l’aide apportée à une compagnie aérienne « à bas coût » : contrôle de la
régularité, de l’efficacité et de l’efficience de l’aide.
1 – CONTROLE DE REGULARITE
1.1. - Occupation de
locaux de la CCI par des associations régies par la loi
de 1901
Deux associations occupent sans titre des locaux de la CCI. Il appartient à celle-ci
de veiller à signer des conventions avec les associations qui utilisent ses locaux, en vérifiant,
en particulier, que les organismes concernés ont bien souscrit les polices d’assurance
nécessaires. Vous indiquez dans votre réponse que les deux associations concernées ont signé
une convention avec la CCI et qu’elles sont bien couvertes par une assurance. La chambre en
prend acte.
1.2 - Transmission des actes de la CCI aux autorités de tutelle
Le contrôle de la transmission des actes de la CCI aux autorités de tutelle n’appelle
pas d’observations. Il a toutefois été constaté que le règlement intérieur modifié en 2005 à la
demande du préfet ne lui avait pas été transmis. L’avenant à la convention initiale de
recrutement du directeur général signé en 2004 fixant son traitement annuel et la délibération
de l’assemblée générale du 24 janvier 2005 allouant des indemnités aux membres du bureau
n’avaient pas non plus été adressés aux autorités de tutelle. Dans les trois cas, la transmission
a été effectuée à la suite de l’instruction.
1.3 -Règlement intérieur
Le règlement intérieur joue un rôle fondamental dans une chambre de commerce et
d’industrie car il détermine son organisation et son fonctionnement.
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Le règlement intérieur de la CCI Pau-Béarn est sur certains points imprécis. Ainsi,
il ne prévoit pas le versement d’indemnités pour frais de mandat aux membres du bureau alors
que ces derniers en bénéficient. Cette indemnité n’est stipulée dans le règlement intérieur que
pour le président. Par ailleurs, le règlement donne un rôle trop restrictif à la commission des
finances car elle est simplement chargée « d’examiner les budgets primitifs et budgets
exécutés uniquement sur le plan comptable et financier ». Cette commission, selon la
circulaire du 30 mars 1992 fixant les règles budgétaires et comptables applicables aux CCI,
donne son avis non seulement sur les budgets primitifs, rectificatifs et exécutés, mais aussi sur
les projets de délibérations ayant une incidence financière. Toute aliénation d’immeubles
appartenant à la compagnie est également soumise à son avis.
C’est
dans le domaine des procédures budgétaires et comptables que les lacunes
du règlement intérieur actuel sont les plus flagrantes. Ce document
ne précise en effet pas que
c’est le président de la compagnie consulaire qui est chargé de l'exécution du budget. Le rôle
du trésorier n’est pas non plus défini avec
précision. Le règlement intérieur prévoit ainsi que
« le trésorier contrôle l’exécution des budgets votés par l’assemblée générale et plus
généralement les activités financières de la chambre de commerce et d’industrie ; il est
comptable des dépenses et des recettes ». Le décret du 18 juillet 1991 précité (article 53) est
plus précis et plus explicite : « le trésorier est chargé de la tenue de la comptabilité, de
l'exécution des opérations de dépenses et de recettes, ainsi que de la gestion de la trésorerie ».
Par ailleurs, aucune procédure
en matière de recettes n’est prévue par le règlement intérieur.
Sur l’ensemble des points évoqués, il
conviendra de compléter
le règlement intérieur en
s’appuyant sur le décret du 18 juillet 1991 et la circulaire du 30 mars 1992 fixant les règles
budgétaires et comptables relatives aux CCI.
Enfin, en ce qui concerne la prévention du risque pénal, par lettre en date du 9 août
1999 adressée aux présidents de chambres de commerce et d’industrie, les autorités de tutelle
avaient souhaité que des mesures de prévention du délit de prise illégale d’intérêt soient
insérées dans les règlements intérieurs des chambres. Ces dispositions
n’ont pas été
introduites par la CCI de Pau-Béarn dans son règlement intérieur car elle a considéré qu’elle
était allée au-delà de ce qui était préconisé en interdisant à tous les membres titulaires de
contracter avec la chambre. Le paragraphe 0.2.8 du préambule du règlement intérieur, modifié
en novembre 2001, stipule que « les membres titulaires ne sont pas autorisés à contracter avec
la CCI quelque soit la nature de l’affaire considérée : fournitures, services, prestations
intellectuelles, équipements, travaux et quelque soit son montant. ». Cette interdiction de
principe est toutefois en contradiction avec les dispositions de l’article 7.2.8 du règlement
intérieur, qui prévoient
que, « dans le cas où l’un des membres de la commission d’appel
d’offres serait, directement ou indirectement, concerné par un marché, au titre de responsable
dans l’entreprise concernée ou de ses responsabilités dans un organisme professionnel ou
technique, il ne participerait pas aux délibérations de la commission relatives à ce marché ».
Cette rédaction laisse sous-entendre qu’un marché peut quand même être conclu avec une
entreprise dont est responsable un membre de la commission d’appel d’offres si ce dernier ne
participe pas à la réunion de la commission d’appel d’offres. Par ailleurs,
la déclaration
d’intérêts qui doit être produite par les membres de la chambre est incomplète par rapport aux
préconisations de la lettre du 9 août 1999 précitée. En effet, cette déclaration doit également
porter sur les intérêts détenus directement ou indirectement par le conjoint et les enfants
mineurs. En outre, la notion d’«intérêt» gagnerait à être définie avec précision. Elle concerne
non seulement les fonctions de direction, d’administration, de surveillance et de conseil, mais
aussi, d’une manière générale, toute détention de valeurs mobilières.
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Dans votre réponse, vous indiquez qu’un processus de refonte du règlement
intérieur, qui tiendra compte de l’ensemble des observations de la chambre régionale des
comptes, a été engagé. Par ailleurs, la déclaration d’intérêt sera complétée.
1.4
-
Fonctionnement de l’assemblée générale
Il a
été relevé que le quorum n’avait pas été atteint à trois reprises lors des
assemblées d’avril 2000, septembre 2000 et février 2003. Aucune décision d’importance n’a
toutefois été prise durant ces réunions. Il n’en demeure pas moins qu’il appartient à la CCI de
veiller au respect du quorum. Vous apportez en réponse la précision suivante : « La CCI Pau
Béarn s’attache à réunir le plus souvent possible ses élus : 5 assemblées organisées par an au
lieu des 3 réglementaires. Nous sommes particulièrement attentifs au respect du quorum
lorsque les assemblées sont statutaires et que des décisions sont soumises aux élus ».
En ce qui concerne l’attribution des subventions, c’est à juste titre que l’assemblée
générale est, depuis le 1
er
janvier 2005, compétente en la matière, et non plus le bureau, qui ne
formule qu’un avis. Par ailleurs, il est rappelé que, selon la circulaire du 30 mars 1992, une
délibération spécifique de l’assemblée générale doit approuver les abandons de créances, sauf
si le caractère irrécouvrable de ces créances est manifeste ou si leur montant est faible. De
surcroît, l’information des membres de l’assemblée générale serait facilitée si le document
« filiales et participations » qui figure au sein du budget exécuté faisait apparaître le montant
des participations de la CCI. Ces dernières s’élèvent à près de 642 K€, dans des secteurs très
divers. Les dispositions de l’article L. 710-1 du code du commerce, inséré par la
loi
nº 2005-882 du 2 août 2005, prévoient désormais que l’accord de la tutelle est obligatoire
pour les participations à la création et au capital de sociétés. L’objet social de ces sociétés doit
entrer dans le champ des compétences des CCI.
Enfin, il est recommandé à la chambre consulaire de veiller, dans les meilleurs
délais, à la création d’un registre des délibérations. En effet, ainsi que le souligne la circulaire
du 18 juin 1992 relative au règlement intérieur des chambres de commerce et d’industrie, les
délibérations sont les actes décisionnels officiels des assemblées générales consulaires. Elles
doivent de ce fait respecter un certain formalisme quant à leur conservation. Le règlement
intérieur de la chambre prévoit d’ailleurs à juste titre que
les délibérations, ainsi que les
procès-verbaux des assemblées générales, sont consignés dans un registre. Ces dispositions
n’ont toutefois pas été appliquées.
1.5 -Composition du bureau
La composition du bureau n’est pas conforme au décret du 18 juillet 1991
modifié relatif aux chambres de commerce et d’industrie, qui dispose que le bureau est
constitué d’un président, de deux vice-présidents, d'un trésorier, d'un trésorier adjoint et d'un
ou deux secrétaires. En effet, le bureau comporte cinq vice-présidents au lieu des deux
autorisés. Le nombre de vice-présidents pouvait être augmenté avec l’autorisation du ministre
en charge de la tutelle administrative des chambres de commerce et d’industrie mais aucune
demande n’a été faite en ce sens. Depuis le décret du 21 juin 2004 qui modifie le décret du
18 juillet 1991 précité, ce pouvoir d’autorisation a été transféré au préfet. Par ailleurs, un
trésorier adjoint n’a pas été désigné.
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Il appartient à la CCI de mettre la composition de son bureau en conformité avec
la réglementation. Vous indiquez en réponse que le nécessaire sera très rapidement fait auprès
des autorités de tutelle pour mettre en conformité la composition du Bureau avec la
réglementation. La chambre en prend acte.
2 – RESULTATS ATTEINTS PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS
2.1 - La fixation des objectifs et le suivi des résultats
La CCI s’est d’abord dotée d’orientations stratégiques pour la période 2001-2003,
qui ont été prorogées jusqu’en 2004. Ces orientations stratégiques sont au nombre de six :
« mettre le pays de Béarn au coeur des actions de développement de la CCI Pau Béarn ;
affirmer l’image de la CCI Pau Béarn ; améliorer l’environnement des entreprises ;
prospecter, accueillir des investisseurs, aider les créateurs ; renforcer l’appui aux entreprises ;
former les collaborateurs des entreprises ». Certains des objectifs définis à l’intérieur de ces
grands axes stratégiques sont toutefois vagues. Que veut dire par exemple concrètement
« participer au rayonnement du Béarn sur le plan national et international par le
développement du Groupe ESC PAU et du CNPC » ? Par ailleurs, la réalisation de certains
objectifs ne relève pas seulement de la CCI. C’est notamment le cas des objectifs :
« participer à l’élaboration d’une stratégie de communication pour mieux vendre le Béarn, » ;
« renforcer la synergie entre les acteurs locaux pour favoriser le rapprochement des moyens
humains, techniques et financiers » ; « susciter une réflexion et un projet véritables sur le
Béarn, en matière de tourisme. » Il n’est donc pas possible de mesurer l’impact de l’action
propre de la CCI. A partir de ce plan global, chaque entité du « groupe CCI » devait ensuite
établir son propre plan d’action stratégique (PAS) «
en ayant le souci de déterminer des
objectifs concrets et quantifiables qui s’inscrivent dans le cadre des orientations
stratégiques ». Cela n’a pas toujours été fait. Ainsi le plan d’action stratégique de l’entité
« appui aux entreprises » ne décline pas en mesures concrètes les objectifs des orientations
stratégiques qui concernent plus particulièrement ce service. Enfin, ces PAS par entités
n’ont
pas été soumis à l’assemblée générale, qui n’a donc pas été en mesure de vérifier l’articulation
entre les stratégies des entités
et le plan stratégique global de la CCI.
Les nouvelles orientations stratégiques, qui couvrent la période 2005-2010, ont été
approuvées par l’assemblée générale du 24 octobre 2005. Sur le plan méthodologique, les
améliorations par rapport à la définition des orientations stratégiques précédentes sont
notables. Ainsi, les objectifs
sont déclinés par entités, ce qui améliore leur lisibilité et devrait
faciliter le suivi de leur réalisation. Par ailleurs, la CCI a eu le souci de formuler des objectifs
plus concrets. A titre d’exemple, les objectifs de l’aéroport sont les suivants : mettre en place
le syndicat mixte ; développer les lignes et le trafic ; rechercher des ressources extra-
aéronautiques ; adapter les infrastructures aux objectifs ; relancer le frêt ; engager une étude
de marché aérosite.
Enfin, un suivi régulier des résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés est le
corollaire indispensable de toute planification stratégique. Or, aucun bilan régulier de
l’exécution des orientations stratégiques n’a été présenté devant l’assemblée générale. De
même, aucun bilan global des orientations stratégiques précédentes n’a été établi avant
l’élaboration des orientations stratégiques 2005-2010. Il est recommandé à la CCI de veiller à
un suivi permanent de l’exécution des priorités stratégiques et de fixer des indicateurs qui
permettront de mesurer les résultats atteints par rapport aux objectifs.
6
Vous indiquez en réponse que, dans le cadre du processus de certification du
Système de Management et d’Organisation, la CCI a beaucoup progressé dans le domaine de
la fixation des objectifs et du suivi des résultats obtenus. Vous ajoutez : « tout est cependant
perfectible et que c’est le principe même d’un système qualité que la recherche continue de
son amélioration ». Votre conclusion est la suivante : « La CCI Pau Béarn est engagée dans
cette démarche constante d’amélioration et les élus seront régulièrement informés des
résultats atteints ». La chambre en prend acte.
2-2
-
La volonté de gérer la CCI comme une entreprise
Un leitmotiv apparaît souvent dans les documents qui émanent de la CCI : « gérer
la CCI comme une entreprise », « une entreprise au service des entreprises »…..Il a donc été
vérifié si cet objectif avait été atteint et si la CCI était effectivement gérée comme une
entreprise, ou tout au moins comme une entreprise devrait l’être. Trois paramètres ont été
utilisés : la situation financière, la satisfaction des « clients » et le contrôle interne.
a) la situation financière
Au total, la situation financière de la CCI entre 2001 et 2004 n’appelle pas
d’observations particulières. Le résultat global est positif d’environ 1 M€ entre 2001 et 2003.
Il se dégrade en 2004 et devient négatif (- 97 K€) en raison du provisionnement des
engagements de retraite constitué en application des nouvelles règles comptables. La capacité
d’autofinancement est nettement positive durant toute la période et s’établit en moyenne
annuelle à près de 2 M€.
Si l’on décline le résultat global par activités, il apparaît que le résultat des
activités de formation est en progression entre 2001 et 2004 : il passe de 402 K€ en 2001 à
502 K€ en 2004. Les résultats du service général et de l’aéroport, après avoir été positifs, sont
négatifs en 2004 de respectivement (- 247 K€) et (- 352 K€)
en raison de l’effort important de
provisionnement pour les charges de retraite déjà signalé.
La part des charges de personnel dans les charges d’exploitation de la CCI est,
selon les données de la centrale des
bilans de l’association des chambres françaises de
commerce et d’industrie (ACFCI) pour l’exercice 2003, supérieure à celle des CCI de taille
comparable car elle doit supporter les coûts générés par les effectifs de l’aéroport : 50 % des
charges d’exploitation contre 42% au niveau du groupe. En raison de l’aéroport et de ses
activités de formation, la CCI Pau-Béarn est moins dépendante des ressources publiques que
les autres CCI. Le chiffre d’affaires représente en effet 60 % des produits d’exploitation
contre 44 % au sein de son groupe. Sur le plan de la structure du bilan, la CCI a, dans
l’ensemble, des ratios financiers meilleurs que les autres chambres consulaires. La part des
fonds propres dans le bilan est ainsi de 70 % pour la CCI contre 53 % au niveau de son
groupe et 49 % au niveau national.
7
La CCI n’avait pas formalisé, pour la période sous revue, des objectifs précis en
matière financière. Il est toutefois à noter que les orientations stratégiques 2005-2010 de la
CCI fixent comme objectif la « modération fiscale ». La particularité des établissements
publics que sont les chambres de commerce et d’industrie,
est en effet de disposer, à la
différence de la plupart des entreprises privées, d’un marché « captif » car leurs ressortissants,
même s’ils ne font pas appel directement à leurs services, doivent s’acquitter d’un « prix » :
« l’imposition additionnelle à la taxe professionnelle » (IATP), devenue la « taxe
additionnelle à la taxe professionnelle » (TATP) . Il est donc essentiel à la fois que cet impôt
ne pèse pas trop lourdement sur les entreprises et qu’il soit destiné en priorité à financer ce
qui constitue le « coeur de métier » des chambres de commerce et d’industrie, les services aux
entreprises. La pression fiscale, qui est le rapport entre le montant de la TATP, et les bases de
taxe professionnelle, varie en Aquitaine entre 0,66 % et 2,17 %. Elle s’élève pour la CCI Pau-
Béarn en 2003 à 1,74 %. Deux CCI ont en Aquitaine un taux supérieur à celui de la CCI de
Pau-Béarn, qui est donc en 3
ème
position sur les huit CCI que compte la région. Par ailleurs, la
part de la TATP au profit de l’entité « appui aux entreprises » est restée relativement stable :
35,8 % en 2004 contre 35,2 % en 2001. Le coût réel de l’entité appui aux entreprises n’était
toutefois pas connu avant la mise en place en 2005 d’une nouvelle comptabilité analytique. La
part de la TATP versée à l’entité appui aux entreprises, si l’on tient compte de son coût réel,
est 40,5 % en 2004, et non pas de 35,8 %.
b) la satisfaction des clients
Alors que la
mesure de la satisfaction des clients est une pratique régulière des
entreprises privées, la CCI n’a pas réalisé d’enquête globale sur la satisfaction de ses
« clients ». Une étude d’image a certes été fournie au cours du contrôle mais il ne s’agit pas
véritablement d’une enquête client. L’étude a été réalisée au cours du mois de décembre 2000
auprès de trente personnes seulement, en entretien en face à face d’une durée moyenne d’une
heure. Seize entretiens ont été conduits auprès de partenaires de la CCI et d’entreprises. La
conduite d’une enquête clients en début d’année 2005 a été évoquée lors du bureau du
29 mars 2004 mais n’a toutefois pas été réalisée à ce jour. Une telle enquête permettrait
notamment d’avoir une mesure de la qualité des prestations, du degré de notoriété en fonction
de la taille des entreprises, de la notoriété de chacun des produits, prestations ou services de la
CCI et enfin de l’image globale de la CCI auprès de ses ressortissants. Il a été indiqué lors du
contrôle que, pour l’ensemble des activités de l’entité « appui aux entreprises » (fichier,
accueil et visites aux ressortissants, commissions, réunions thématiques, missions), la CCI a,
en moyenne annuelle sur les trois dernières années, des contacts avec 3 100 à 3 500
ressortissants, soit environ 30 à 33 % de ses ressortissants. Il serait intéressant de pouvoir
distinguer, parmi les ressortissants qui ont fait appel aux services de la CCI, les anciens et les
nouveaux « clients ». L’écoute et la satisfaction des clients figurent, à juste titre, parmi les
orientations stratégiques 2005-2010. Les objectifs suivants ont été fixés : « recueillir,
analyser, anticiper et répondre à leurs besoins ; mesurer leur niveau de satisfaction ».
L’ « écoute client » et l’évaluation des services rendus aux entreprises sont
d’autant plus importants que le taux de participation aux élections consulaires reste peu élevé
(28 % en 2004), même s’il est supérieur au taux national (26 %) et en progression depuis
2000. La CCI de Pau occupe, parmi les sept CCI de la région Aquitaine, une position
médiane : trois CCI ont un taux de participation supérieur, le plus élevé étant de 37 %, et trois
CCI ont un taux de participation inférieur, le plus faible étant de 21 %.
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De manière plus générale, c’est la question de l’évaluation des services apportés
aux entreprises qui est posée. A cet égard, vous précisez dans votre réponse qu’il n’existe pas
d’outils d’évaluation communs à l’ensemble du réseau consulaire. La CCI a donc dû bâtir ses
propres méthodes de mesure de la satisfaction des clients. Enfin, vous soulignez que
l’amélioration de l’écoute clients est une action qui a été retenue parmi les orientations
stratégiques de la mandature 2005-2010.
c) le contrôle interne
La confection de tableaux de bord destinés à permettre
un pilotage efficace de
l’entité est une priorité pour les dirigeants d’entreprises privées. Dans ce domaine, la CCI doit
encore progresser. L’effort récent de mise en place de tableaux de bord est
à poursuivre, en
particulier au sein de l’entité « appui aux entreprises ». Par ailleurs, l’éclatement sur plusieurs
sites géographiques d’activités aussi distinctes que la gestion d’un aéroport ou d’une école de
commerce rend nécessaire l’élaboration d’un tableau de bord global de pilotage du groupe qui
permettrait aux décideurs de la chambre consulaire d’avoir régulièrement une vue d’ensemble
de l’évolution des principaux indicateurs. C’est donc à juste titre que les orientations
stratégiques 2005-2010 fixent comme objectif l’instauration de tableaux de bord de suivi de
l’activité.
En second lieu, les entreprises privées sont soucieuses de sécuriser leurs
procédures comptables, financières et de gestion des ressources humaines. A cet égard, la
fixation d’un calendrier strict en matière de procédure de dépense est
à relever. Une
note
interne du 12 septembre 2005, signée par le trésorier, met en place le phasage suivant : entre
le 24 et le 28 : signature par le président ou son délégataire des mandats ; entre le 28 et le 31 :
visa des mandats et signature de l’ordre de virement bancaire. C’est surtout en matière de
régies d’avances et de recettes qu’une remise en ordre s’impose. La CCI dispose en effet de
régies d’avances et de recettes qui n’ont pas été régulièrement créées par décision du
président, contrairement aux dispositions du décret du 18 juillet 1991 modifié. Les décisions
de création des régies, prises avec l’accord du trésorier, doivent en définir l’objet et le
montant. Les recettes et les dépenses concernées doivent être de faible importance, urgentes
ou répétitives. Il convient donc que la CCI institue régulièrement, dans les meilleurs délais,
ces régies. Vous indiquez en réponse que la création des régies est en cours. La chambre en
prend acte. Par ailleurs, des retraits importants d’espèces sont effectués, chaque année, par
l’école supérieure de commerce, en particulier pour payer des dépenses relatives à l’accueil
des étudiants. Certaines de ces dépenses pourraient être payées sur factures. Enfin, il importe
de veiller à ce que les paiements en espèces ne financent pas l’achat de matériel, ainsi que
cela a été constaté lors du contrôle. Dans le domaine de la gestion des ressources humaines, le
redressement de 37 592 € opéré par l’URSSAF en juillet 2005 pourra utilement entraîner une
réflexion sur la sécurisation de certaines procédures.
En troisième lieu, la comptabilité analytique est un outil indispensable au sein des
entreprises privées. Or, la comptabilité analytique dont disposait la CCI n’était pas
satisfaisante car elle ne permettait pas de connaître le coût réel de chacune des grandes
activités de la chambre. En effet, les contributions internes entre services avaient été calculées
forfaitairement, sans ventilation des dépenses indirectes selon des clés de répartition. Il est
toutefois noté qu’à compter de 2006 la CCI disposera d’une comptabilité analytique rénovée.
9
2.3
-
Le redressement de l’école de commerce
Dans son rapport sur les chambres de commerce et d’industrie de mai 1999,
l’Inspection Générale des Finances avait relevé « le niveau alarmant de dépendance à l’égard
des concours publics » (60 %) de l’école supérieure de commerce et les « difficultés de
recrutement » de cette école. Le redressement est indéniable par rapport à ce constat. En
premier lieu, l’école a fortement augmenté son chiffre d’affaires. Les ressources publiques ne
représentent en 2004 que 24 % des produits d’exploitation .En second lieu, son attractivité
s’est accrue, comme en témoigne la très forte augmentation du nombre de candidats issus de
classes préparatoires : 1376 en 2005 contre 546 en 2000.
Des incertitudes existent toutefois pour l’avenir. En effet, si le nombre de
candidats aux concours d’entrée aux écoles de commerce continue à se réduire, il sera de plus
en plus difficile à l’école de commerce de maintenir sa position car la pression concurrentielle
sera accrue. Ainsi que le reconnaît le responsable de l’école dans un document remis lors du
contrôle,
« l’ESC Pau n’est plus très loin de son territoire naturel en terme de nombre de
candidats. Les progressions seront donc de plus en plus difficiles. » Il ne serait pas
souhaitable qu’une stratégie ambitieuse et coûteuse conduise de nouveau à la forte
dépendance à l’égard des concours publics dénoncée par l’Inspection des Finances à la fin des
années 1990.
3 – L’AIDE APPORTEE A UNE COMPAGNIE AERIENNE « A BAS COUT »
L’aéroport de Pau-Pyrénées, avec 721 204 passagers en 2004, occupe la troisième
place des aéroports aquitains, derrière Bordeaux (2 924 186 passagers) et Biarritz (786 373
passagers). Un nouvel aérogare a été inauguré en septembre 2002. Il a une capacité de
traitement annuelle
d’un million de passagers, ce qui est largement supérieur au trafic actuel.
Pour rentabiliser cet équipement et favoriser le développement économique du Béarn, les
autorités consulaires
ont souhaité augmenter le trafic de l’aéroport, en particulier en faisant
appel à une compagnie aérienne « à bas coût ».
3.1 - La régularité de l’aide
Une liaison aérienne quotidienne entre Pau et Londres est assurée depuis janvier
2003 par la compagnie aérienne « à bas coût » Ryanair. Pour la mise en place de cette ligne, la
chambre consulaire a signé une convention en 2003 avec la société Ryanair. Par jugement en
date du 3 mai 2005, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du président de la
CCI de signer cette convention. L’aide financière versée par la chambre consulaire à Ryanair,
qui s’est élevée en 2004 à près de 460 K€,
profite en effet à une seule compagnie aérienne
gérant une ligne de transport international. Elle est donc, par nature, susceptible d’affecter les
échanges entre les Etats membres de la Communauté européenne. Or, la CCI n’a pas,
préalablement à la mise en place de cette aide, informé la Commission des communautés
européennes.
10
La CCI a alors eu recours, pour contourner les effets de la décision de la
juridiction administrative, à un nouveau montage juridique. Le 30 juin 2005, elle a signé une
convention avec une société, Airport Marketing Services Limited, afin d’assurer la promotion
de la région de Pau et du Béarn par l’intermédiaire du site internet de Ryanair. Le coût annuel
pour la CCI est
de l’ordre de 500 K€. La chambre consulaire considère qu’il s’agit d’une
prestation de services et aucunement d’une aide financière accordée à la compagnie Ryanair.
Toutefois, la société Airport Marketing Services n’est qu’une émanation de Ryanair, dirigée
par deux cadres supérieurs de la compagnie aérienne. Par ailleurs, pour reprendre le
raisonnement utilisé par le juge administratif (TA de Strasbourg , 24 juillet 2003, société Brit
Air c/ CCI de Strasbourg et du Bas-Rhin, CAA de Strasbourg, 18 décembre 2003, CCI de
Strasbourg et du Bas-Rhin c/ société Brit Air), le déséquilibre entre les engagements des
parties à la convention est manifeste. La promotion publicitaire sur son site internet profite
également à la compagnie Ryanair et ne peut constituer une contrepartie directe aux
engagements financiers pris
par la chambre consulaire.
La CCI a demandé à un cabinet d’avocats de répondre aux observations de la
chambre. Ce cabinet souligne que le contrat conclu avec la société Airport Marketing Services
n’est pas une aide consentie à Ryanair. Il s’agit en premier lieu d’un contrat d’achat de
prestations de services marketing ayant pour objet la promotion de Pau afin de permettre le
succès de la liaison Londres/Pau. En second lieu, les critères de qualification d’aide d’Etat ne
sont pas réunis : les sommes payées par la CCI sont versées à Airport Marketing Services et
non à Ryanair ; aucun avantage n’est consenti à Airport Marketing Services car les
engagements des parties à la convention sont équilibrés. Quant à la compagnie Ryanair, dans
sa réponse, elle utilise des arguments similaires à ceux exposés par le cabinet d’avocat et
ajoute que la CCI de Pau-Béarn respecte le principe de « l’investisseur avisé ».
La chambre régionale des comptes maintient sa position. Sous réserve de
l’appréciation du juge compétent, elle considère que cette convention de prestation de services
est en réalité une aide financière à Ryanair et qu’elle est illégale car cette aide n’a pas été
préalablement notifiée à la Commission des communautés européennes.
L’autorisation accordée le 22
juin 2006 par la Commission européenne à la CCI
du Var montre qu’il est tout à fait possible pour une CCI d’allouer une aide à une compagnie
aérienne à bas coût en respectant le droit applicable
3.2 - L’efficacité de l’aide
Les retombées économiques de cette ligne aérienne pour le Béarn sont
incontestables. L’objectif de 50 000 passagers au départ de Londres qui avait été fixé en 2003
a été quasiment atteint dès la deuxième année d’exploitation. Selon une étude réalisée par la
CCI en 2005 les retombées économiques de la ligne aérienne s’élèveraient annuellement à
près de 8 millions d’euros. Un panel représentatif des activités économiques liées au tourisme
a été constitué
pour mesurer ces retombées
.
Environ 700 professionnels béarnais ont été
interrogés sur la part de la clientèle britannique dans leur chiffre d’affaires. La part de la ligne
aérienne dans la fréquentation britannique touristique totale du Béarn a été évaluée à partir
d’une enquête passagers et des données du comité départemental du tourisme.
11
3.3
-
L’efficience de l’aide
Le coût global pour la CCI en 2004 de la ligne aérienne, qui tient compte des
recettes générées par cette activité, est estimé à près de 360 K€.L’aide financière apportée à
Ryanair est supportée par le services généraux de la CCI, et non par l’aéroport. Or,
l’imposition additionnelle à la taxe professionnelle (IATP) versée par les entreprises n’a pas
vocation à financer l’activité aéroportuaire. La CCI estime toutefois que cette aide peut être
prise en charge par le service général car la ligne quotidienne Pau-Londres favorise le
développement économique du Béarn. L’excédent des recettes sur les charges générées par
cette ligne profite toutefois à l’aéroport et non au service général. Le solde d’exploitation
devrait donc être reversé au service général afin de permettre une meilleure transparence
financière dans l’utilisation de l’IATP (actuelle TATP).
Au-delà de l’efficacité indiscutable de l’aide, la question essentielle est de savoir
si la CCI n’aurait pas pu obtenir les mêmes résultats pour le développement économique du
Béarn en accordant une aide financière moindre à la compagnie aérienne Ryanair.
De ce point de vue, les lignes directrices de la Commission des communautés
européennes sont à prendre en compte. Elles ne sont que le rappel de principes de bonne
gestion des deniers publics.
La Commission autorise pour les aéroports régionaux les aides au démarrage
d’une liaison aérienne qui n’aurait pas pu être mise en place sans soutien public. La ligne doit
toutefois s’avérer rentable à terme. Les aides destinées au lancement de nouvelles liaisons ou
au renforcement de fréquences doivent donc être limitées à une durée de cinq ans. Or, une
nouvelle convention d’une durée de cinq ans ayant été signée en 2005, c’est au total pendant
huit ans que la CCI versera une aide financière à la compagnie Ryanair. L’aide doit d’autre
part être dégressive. Cela n’est pas le cas en l’espèce car le coût pour la CCI est le même
durant toute la durée de la convention. Par ailleurs, la Commission souligne que les aides
doivent être proportionnelles. Le montant de l’aide aurait donc dû être calculé par passager.
En outre, l’aide ne peut pas concerner des coûts opérationnels réguliers tels que la location ou
l’amortissement des avions, le carburant, les salaires des équipages. Ne sont éligibles que les
coûts additionnels de démarrage que l’opérateur aérien n’aurait pas à supporter en rythme de
croisière. Une couverture de 30 % à 50 % des coûts additionnels de démarrage est
normalement acceptable. La ligne aérienne Pau-Londres connaît un taux de remplissage
moyen de 74 % en 2004. Aucune donnée financière sur les coûts additionnels de démarrage et
les coûts opérationnels réguliers n’a été fournie par la compagnie aérienne Ryanair à la CCI.
La décision de la Commission en date du 22 juin 2006 apporte un éclairage
intéressant sur les modalités possibles de versement d’une aide à une compagnie aérienne à
bas coût. C’est dans un but pédagogique que la chambre donne, en complément de ses
observations provisoires, ces éléments tirés de l’actualité récente. La CCI du Var a, au
préalable, procédé à un appel d’offres pour l’attribution de la ligne aérienne Londres-Toulon.
Elle n’a conclu avec Ryanair qu’une convention d’une durée de trois ans, reconductible deux
fois un an. La subvention que la CCI verse à Ryanair est calculée en fonction du nombre de
passagers arrivés à l’aéroport de Toulon-Hyeres.
12
Elle est payée a posteriori par trimestre. Ryanair doit justifier que la subvention
qu’elle a touchée n’excède pas 50% de ses coûts nets réels de marketing liés au démarrage.
Toute perception supérieure à ces montants est reversée à la CCI du Var. A ce titre, le
transporteur doit indiquer les coûts nets de démarrage de marketing qu’il engage chaque
année pour le marketing de la ligne. Ces coûts sont validés par son commissaire au compte.
En application des dispositions de l’article L. 241-11 du code des juridictions
financières, le présent rapport d’observations définitives de la chambre doit faire l’objet d’une
inscription à l’ordre du jour de la plus proche réunion de l’assemblée délibérante. Il doit être
joint à la convocation de chacun de ses membres et doit faire l’objet d’un débat.
La chambre vous serait obligée de lui faire connaître dans quelles conditions aura
été réalisée cette communication.
En outre, j’appelle votre attention sur le fait que ce rapport deviendra
communicable à tout tiers demandeur dès qu’aura eu lieu la réunion précitée.
Je vous informe que copie du présent rapport est transmise au préfet et au
trésorier-payeur général du département, en application de l’article R. 241-23 du code des
juridictions financières.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'expression de ma considération
distinguée.
Bernard GIREL
conseiller maître
à la Cour des comptes