LE
DIRECTEUR
GéNéRAL
~
Monsieur le Premier
Prés
ident,
Paris,
le
1 0
1
KCC
A1700934
KZZ
14/02/2017
201
Monsieur Didier Mlgaud
Premier Président
Cour
des
comptes
13,
rue Cambon
75100
Paris
Cedex
01
Par
courrier
en
date
du
20
décembre dernier, vous
avez
souhaité appeler mon attention sur les
observations formulées par
la
Cour suite
à
l'examen de
la
gestion du
Fonds
d'épargne pour
les
exercices 2012
à
2015.
En
premier lleu,
la
communication
de
la
Cour réduit pour ressentie!
la
doctrine
et
les justifications de
l'Intervention du
Fonds
d'épargne
à
«
rexlstence
d'une
carence
de
financement
prlv~
•
et propose
en
recommandation n• 1 l'obligation
«
d'~tobllr
l'existence
d'une
d~joilfonce
de
marché
[avant)
un
nouvel emploi
du
fonds
d'~porgne
ou
le
renouvellement
d'un
dispositif
existant,
comme
l'enveloppe
de
20
Md€ pour
le
secteur
public
local•.
Or d'une part, le
cad
re de gestion résulte d'une convention
passée
entre l'Etat
et
la
cai
sse
des
Dé~ts
qui par elle-même ne peut être qu'un document
d'application de
la
loi qui
ne
fait aucune référence
à
cette notion contestable. D'autre part, cette
vision me paraft particulièrement restrictive,
dans
la
mesure où le cadre
de
gestion du
Fonds
d'épargne évoque en première motivation d'Intervention
l'lntér!t
général
et
développe
la
notion de
«bénéfice particulier
que
le
marché
n'est
pas
en
mesure
d'apporter •,
notion qui
ne
saurait être
réduite
à
la
seule défaillance de marché.
Elle
Inclut
à
révldence d'autres types de
«bénéfices
particuliers
•
que
le
marché,
sans
être nécessairement
«
défaillant
»,
n'apporte
pas,
tels que
notamment·l'exlstence d'un taux unique non discriminant quelle que soft
la
contrepartie, des
phases
de mobilisation
et
des maturités particulièrement
longues.
Sur ce point, s'agissant des financements aux collectivités
locales,
je souhaiterais
tout
d'abord
signaler un paradoxe dans l'analyse.
La
Cour note que
«les prlts
du
fonds
d'~porgne
deviennent
moins
compétitifs
dans
un
univers
de
toux
bos
•,
tout
en
notant un
«risque
d'éviction
du
secteur
priv~
»
et
de
distorsion
en
rabsence d'une carence de marché. Or,
si
les
taux des prêts du
Fonds
d'épargne sont moins compétitifs mals que
ce
dernier conserve
des
parts
de
marché
dans
le
financement
des
collectivités territoriales,
cela
signifie nécessairement que
ses
intervent
io
ns
complètent utilement celles du marché.
Calaae
des
d6p&ts
et
consignations
56,
rue
de
Ulle
-
75356
Parla
07
SP
1
Ainsi,
la
part
des
petites
communes
et
les
maturités
des
prêts
du
Fonds
d'épargne
augmentent
au
fur
et à
mesure
que
le
marché
revient
sur
des
maturités
plus
longues:
les
prêts
supérieurs
il
30
ans
sont
ainsi
passés
de
32,5%
des
nouveaux
prêts
en
2014
à
48
%en
2015.
Le
pos
itionnement
du
Fonds
d'épargne
évolue
donc
avec
les
besoins
non
ou
mal
couverts
par
le
marché.
Il
est
à noter d'ailleurs
que
contrairement,
peut~tre,
à l'intuition, cette
évo
lution
se
fait
sans
concrétisation
d'•
un
risque
de
s~l~dlon
des
contreparties
~s
moins
bien
notées
•:
la qualité
des
expositions collectivités
locales
du
Fonds
d'épargne
s'est
ainsi
nettement
amét.orée
entre
2010
et
2015,
alors
même
que
leur montant
passait
de
8 à
20,5
Md€.
Par
ailleurs,
la
défaillance
de
marché
doit être
évaluée
de
façon
dynamique
et
systémique,
la
situation
des
marchés
pouvant
évoluer
très
vite
comme
on
a
pu
le
voir
en
2008
et
de
nouveau
en
2011.
Il parait
en
effet délicat d'adapter
en
temps
rée
l l'intervention
du
Fonds
d'épargne
à
l'observation
de
telles carences:
le
•
stop
and
go
•
qui
en
résu
lterait serait
de
nature
à déstabiliser
le
marché,
à
ralentir
les
projets d'Investissement- et pourrait
se
révéler
plus
coOteux
et
Inefficace.
C'est
pourquoi
la
pérennisation
de
la
présence
de
la
Caisse
des
Dépôts
sur
le
financement à
long
terme
des
collectivités
locales
me
parart
nécessaire,
notamment pour
assurer
aux
collectivités,
en
cas
de
nouvelles
tensions,
une
source
de
financement alternative
aux
marchés
, que
procure
justement
le
Livret
A.
La
tarification
décidée
en
accord
avec
le Ministère
de
l'économie
et
des
finances
ainsi
que
le
principe d'intervention
en
cofinancement
avec
d'autres
établissements
sont
des
remparts
qui
permettent
de
répondre
aux
craintes
exprimées
par
la
Cour
des
comptes
sur
ces
interventions et
de
prévenir efficacement tout
risque
d'éviction
des
banques
commerciales.
Ces
points doivent être
pris
en
considération pour
évaluer
les
recommandations
2 et 3
de
la
communication,
au
moment
où
la
Caisse
des
Dépôts,
répondant
aux
sollicitations
des
collectivités
locales
s'est
engagée
à
mettre
en
cohérence
au
niveau
régional
son
offre
en
mati~re
de
fonds
propres,
d'
ingénierie
mais
aussi
de
prêts
adaptés
pour jouer
à
nouveau
le
rôle attendu d'elle
auprès
des
territoires.
Enfin,
au-delà
même
des
«
bénéfices
particuliers •
évoqués
précédemment,
la
seule
notion
de
défaillance
de
marché
semble
insuffisante
à
couvrir toutes
les
justifications d'Intervention.
Ainsi,
l'orientation par
les
pouvoirs
publics
des
financements
publics
vers
les
Investissements
les
plus
utiles
a
une
légitimité
Incontestable
comme
c'est
le
cas
depuis
longtemps
de
la
politique
de
la
ville.
Même
sans
défaillance
spécifique
du
marché,
l'
existence
de
financement particulier sur
un
type
de
projets
est
de
nature à
en
favoriser
l'essor,
comme
c'est par
exemple
le
cas
actuellement
dans
le
domaine
de
la
transition énergétique et
écologique.
De
nombreux
pays
sont
conduits
à mettre
en
place
des
financements
publics
spécifiques
pour
accélérer
cette transition,
sans
que
leur
marché
soit jugé
défaillant.
2
Si
une
doctrine publique et
opposable
d'intervention
du
Fonds
d'épargne,
souhaitée
par
la
Cour
en
première
recommandation,
peut être
envisagée,
elle
devrait rester
un
cadre
général
assez
souple
pour permettre
de
s'adapter à révolution
des
diverses
politiques
publiques.
Sa
rédaction
devrait
par
ailleurs
associer
les
différents
Ministères
concernés
par
les
financements
du
Fonds
d'épargne
et
avoir
recueilli
l'accord
de
la
Commission
de
Surveillance
de
la
Caisse.
En
second
lieu,
deux
aspects
du
modèle
économique
du
Fonds
d'épargne
appellent
également
des
commentaires.
Tout d'abord,
la
question
du
taux
du
livret A
est
effectivement
centrale
dans
l'équilibre
du
modèle.
Sa
fixation doit
donc
être
aussi
proche
que
possible
de
sa
formule
de
calcul
théorique et notamment
éviter
une
«
déconnexion
trop forte
~ntre
le
toux
du
livret A et
les
taux
de
marché».
A
cet
égard,
la
réforme
de
la
formule
du
calcul
de
ce
taux,
Intervenue
en
fin d'année dernière, doit permettre
de
les
rapprocher
sans
remettre
en
cause
la
protection contre l'inflation
de
l'
éparsne
populaire. •
La
stabilité
du
cadre
réglementaire
»
souhaitée
par
la
Cour
doit autoriser
ces
adaptations,
qui
ne
sont
pas
nécessairement
«
préjudiciables
~
une
gestion
optimale
du
fonds
d'épargne
»
comme
l'Illustrent
cette réfonne
de
la
formule
du
taux
de
calcul
ou
celle
des
mécanismes
de
surcentralisatfon,
protectrice
des
équilibres
du
Fonds
d'épargne
.
Ensuite,
la
question
de
la
marge
des
prêts
est
particulièrement
sensible.
En
effet,
la
part
des
prêts
déficitaires
dépend
essentiellement
des
flux
de
prêts
PLAI,
qui financent
les
logements
les
plus
sociaux
et dont
le
nombre
est
fixé
par
le
Ministère
du
logement.
Il
ne
faudrait
pas
qu'une
approche
par
ces
seuls
prêts déficitaires
amène
à
trop limiter
les
volumes
de
construction
les
plus
sociaux,
ce
qui pourrait être
en
contradiction
avec
les
objectifs
de
politique
publique
et d'Intérêt
général
assignés
au
logement
social.
Néanmoins,
la
Ca
i
sse
des
Dépôts
est
naturellement
sensible
à
cet
enjeu
de
marge
moyenne
et
de
rentabilité
des
prêts
que
souligne
la
Cour.
Les
leviers
Identifiés
reposent
avant
tout sur
la
diversification
des
emplois
et la
recherche
d'une augmentation
du
financement
des
logements
moins
sociaux
(Prêt
au
Logement
lntenn~dialre
et part
Caisse
des
Dépôts
des
Prêts
locatifs
sociaux),
dont reffet
est
plus
Important
«
qu'à
la
marge
».
Concernant
enfln l'
économie
généra
le
de
l
'épargne
réglementée,
la
communication
évoque,
suite
au
relèvement
des
plafonds,
un
«[accroissement structurel
du)
coOt
net
de
l'épargne
r~glemenMe
pour
les
finances
publiques».
Il conviendrait tout d'abord de remarquer
que
la
rémunération
de
la
garantie
de
l'
Etat
compense
en
partie
ce
coQt
Ai
nsi,
alors
que
la
quote-part
de
l'épargne
centralisée
représente
S9,S
%
des
encours
et
donc
du
coOt
fiscal
brut, cette part
est
ramenée
sur l
es
trots
dernières
années
après
rémunération
de
la
gara
ntie
de
l'
Etat,
à, à
pe
i
ne,
un
tiers
du
ecOt
fisca
l et
social
net
du
dispositif.
3
De
plus,
la
notion
de
coOt
budgétaire
gagnerait
à
être
substituée
à
celle
de
coOt
fiscal,
car
elle
permettrait d'Intégrer l'économie
budgétaire
réalisée
par
l'Etat
grâce
à
l'équivalent
subvention
que
représente,
sur
le
lons
tenne,
l'avantase
de
taux
sur
les
prêts
au
logement
social.
Cette
analyse
avait
été,
par
exemple,
adoptée
par
l'Inspection
Générale
des
Finances
dans
son
rapport
de
2011
sur
la
dépense
fiscale,
qui
estimait l'équivalent
subvention
à
630
M€
en
2008.
SI
cet
équivalent
est
difficile
à
estimer
très
précisément
à
chaque
Instant,
Il
doit
rester
Important puisqu'entre
baisse
de
taux
et
augmentation
du
volume
des
p~ts,
l'avantage
de
taux
calculé
dans
«
Les
Comptes
du
Logement»
a
fortement
augmenté
depuis
2008.
En
Intégrant
au
coOt
budgétaire
l'équivalent
subvent
i
on
et
la
rémunération
de
la
ga
rantie,
stable
depuis
10
ans
hors
deux
exercices
de
crise
financière,
I'IGF
condualt
à
un
«
Impact
direct
et
Indirect
positif
pour
les
comptes
de
l'Etat
•
et
à
des
«
objectifs
des
dépenses
flscales
[et)
sociales[
...
] atteints
»,
«l'efficacité
et
l'efficience
du
dispositif
étant
établies
».
J'ajoute
que
les
efforts conduits
depuis
la
crise
financière
et
la
baisse
des
taux
d'
'lntérêt
à
des
niveaux
particulièrement
bas,
pour
mobiliser
la
gestion
d'actifs,
ouvrir
la
voie
à
des
financements
complémentaires
comme
ceux
de
la
BEl,
tout
en
maintenant
un
volume
significatif
de
prêts
dans
le
respect
du
cadre
prudentlel contrôlé
par
la
commission
de
surveillance
avec
le
concours
de
l'Autorité
de
Contrôle
Prudentlel
et
de
Résolution
(ACPR)
démontrent
la
robustesse
du
modèle
dans
un
contexte
diffici
le
plutOt
que
sa
fragilité.
La
Caisse
des
Dépôts
ne
peut qu'appeler
de
ses
voeux
un
e
stabilisation
du
dispositif
réglementaire
qui
y
contribuerait.
Enfin
je
ne
puis
qu'être
favorable
à
la
rationalisation
des
outils
publics
de
financements
des
collectivités
locales
bien
que
leur
redondance
ne
soit
pas
démontrée
mals
qui
tous mobilisent
à
un
titre
ou
à
un
autre
les
financements
de
la
caisse
des
Dépôts.
Je
vous
prie
d'agréer,
Monsieur
le
Premier
Président,
l'expression
de
ma
haute
considération.
C\wl
Pierre-René
LEMAS
4