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REPUBLIQUE FRANÇAISE
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LYCEE DE BELLEVUE – FORT-DE-FRANCE
Poste comptable : lycée de Bellevue
Exercices 2010 et 2011
Jugement n°2016-0017
Séance plénière et publique du 8 décembre 2016
Prononcé le 22 décembre 2016
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES DE LA MARTIINIQUE
,
Vu
le code des juridictions financières ;
Vu
le code général des collectivités territoriales ;
Vu
l’article 60 de la loi n°63-156 du 23 février 1963 modifiée portant loi de finances
pour 1963 notamment par l’article 90 de la loi de finances rectificative n° 2011-
1978 du 28 décembre 2011 ;
Vu
le décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique, alors applicable ;
Vu
le décret n°2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du VI de
l’article 60 de la loi de finances pour 1963 modifiée ;
Vu
les réquisitoires n°2011-0024 du 10 octobre 2011 et n°2012-0008-0133 du 23 août
2012 ;
Vu
la notification des réquisitoires à Mmes W, X, Y et à M. Z, les 24, 8, et 17 novembre
2011 ;
Vu
le jugement de la chambre régionale des comptes de la Martinique n°2013-0005
du 26 mars 2013 ;
Vu
la lettre en date du 13 juin 2013 de Mme W, enregistrée au greffe de la chambre
le 17 juin 2013, transmettant les pièces justificatives en sa possession et les
délibérations CA.2013.28.1 et CA.2013.28.2 en date du 28 mai du conseil
d’administration du lycée ;
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Vu
la signature et la certification du compte unique de la gestion de fait, le 31 mai
2013, par Mmes W, Y et X, enregistré au greffe de la chambre le 17 juin 2013 ;
Vu
les lettres de M. Z, comptable de l’établissement, des 5 et 8 juin 2013 courriers
enregistrés au greffe de la chambre respectivement les 6 et 10 juin 2013 ;
Vu
la relance réalisée par le greffe de la chambre le 29 avril 2014 pour obtenir une
signature du compte unique de gestion de fait par l’ancien comptable du lycée
Bellevue, M. Z, et l’absence de réponse de l’intéressé ;
Vu
la décision n°1/2016 du président de la chambre régionale des comptes chargeant
M. Serge MOGUÉROU, président de section, de l’instruction de la gestion de fait
du lycée Bellevue de Fort-de-France, décision portée à la connaissance des
comptables de fait par lettres du 18 juillet 2016, du 3 et du 20 octobre 2016 ;
Vu
les échanges du magistrat rapporteur avec les comptables de fait et les réponses
apportées par les responsables de l’association BELLANGUES-ECHANGES le 8
août 2016, enregistrées au greffe de la chambre le 9 août 2016 ;
Vu
le rapport du magistrat instructeur en date du 12 août 2016 ;
Vu
la notification aux parties, le 17 août 2016, de la clôture de l’instruction, dont ils ont
accusé réception les 19 août et 1
er
septembre 2016 ;
Vu
le récépissé de déclaration de dissolution de l’association BELLANGUES-
ECHANGES en date du 20 avril 2016, délivré par la préfecture de l’Ariège ;
Vu
l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu
les conclusions n°2016-148-CJU-122 du procureur financier en date du
15 novembre 2016 ;
Entendus en audience publique du 8 décembre 2016 :
-
M. Serge MOGUÉROU, président de section, en son rapport ;
-
M. Fabrice LANDAIS, procureur financier, en ses conclusions ;
En l’absence des autres parties ;
Délibéré le 8 décembre 2016 hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Prononcé le 22 décembre 2016 ;
ORDONNE CE QUI SUIT :
Sur les comptes de la gestion de fait
Sur les comptes produits
Attendu
que, par jugement n°2013-0005 du 26 mars 2013, la chambre régionale des
comptes de la Martinique a déclaré solidairement comptables de fait du lycée Bellevue
à Fort-de-France Mme W, proviseure du lycée Bellevue, l’association BELLANGUES-
ECHANGES et, à titre personnel, Mmes
Y et X, respectivement présidente et trésorière
de l’association, ainsi que M. Z, ancien agent-comptable dudit lycée, pour avoir indûment
détenu ou manié des fonds provenant de familles d’élèves puis réalisé des dépenses
dans le cadre de deux voyages organisés aux Etats Unis en mars 2010 et avril 2011 ;
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Attendu
que, par le même jugement, la chambre a demandé aux comptables de fait de
produire, dans le délai de deux mois, un compte unique, dûment signé par eux, des
opérations relatives à ladite gestion présentant, en recettes, l’ensemble des sommes
encaissées par eux et, en dépenses, l’emploi qu’ils en ont fait, les dépenses devant être
appuyées de toutes les précisions et justifications utiles, le tout étant accompagné de la
preuve d’une demande de délibération sur l’utilité générale desdites dépenses, adressée
à la commune dans les meilleurs délais ;
Attendu
que l’association BELLANGES-ECHANGES s’est dissoute par décision du
20 février 2016 mais que les conditions de sa liquidation n’ont pas été présentées à la
chambre ;
Attendu
que Mme W, proviseure du lycée, Mme Yet Mme X, présidente et trésorière de
l’association, ont certifié sincère et véritable le compte de la gestion de fait, le 31 mai
2011 ; que, si M. Z, ancien agent-comptable dudit lycée, ne l’a ni certifié ni signé, il a eu
connaissance des sous-comptes produits et a été mis en mesure de contester les
charges résultant de l’examen de ce compte ; qu’ainsi, le compte présenté est en état
d’être examiné ;
Attendu
qu’en application de l’article L. 231-3 du code des juridictions financières, «
La
chambre régionale
des
comptes juge les comptes que lui rendent les personnes qu'elle
a déclarées comptables de fait
» ;
Sur la reconnaissance de l’utilité publique des dépenses
Attendu
qu’en application de l’article L. 1612-19-1 du code général des collectivités
territoriales, l’autorité budgétaire, en l’espèce le conseil d’administration du lycée dans
la caisse de laquelle les comptables de fait se sont immiscés, doit se prononcer, au vu
du compte de gestion de fait, sur le caractère d’utilité publique des dépenses qu’il
retrace ;
Attendu
que le conseil d’administration du lycée Bellevue a accepté, par ses
délibérations CA.2013.28.1 et CA.2013.28.2 du 28 mai 2013, le caractère d’utilité
publique des dépenses retracées dans le compte de la gestion de fait ;
Sur la fixation des recettes et des dépenses
Attendu
que le jugement du 26 mars 2013 précité définit les recettes comme
l’encaissement par l’association BELLANGUES-ECHANGES de la participation des
familles des élèves pour chacun des voyages organisés en 2010 et 2011, soit,
respectivement, 60 335,00 € et 89 600,00 € ; qu’ainsi, le total des recettes du compte
est fixé à 149 935,00 € pour les deux exercices ;
Attendu
qu’il appartient à la chambre de définir les sommes qui peuvent être allouées
en dépenses afin d’établir la ligne de compte ; que le juge des comptes ne peut allouer
des dépenses dont l’autorité budgétaire n’a pas reconnu l’utilité publique, la
reconnaissance de l’utilité publique des dépenses de la gestion de fait équivalant à une
ouverture à titre rétroactif de crédits pour des opérations d’utilité publique ; que, par
exception à cette règle, les dépenses qui ont été la condition même des recettes et en
sont inséparables ou les dépenses qui ont un caractère obligatoire et les dépenses en
corrélation étroite avec la recette peuvent être allouées par le juge du compte ; que le
juge des comptes ne peut allouer d’autres dépenses, mêmes justifiées par les
gestionnaires de fait ;
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Attendu
qu’aucune somme n’a été reversée dans la caisse du comptable public du
lycée ; que le conseil d’administration du lycée a reconnu le caractère d’utilité publique
des dépenses à hauteur de 58 629,46 € pour l’exercice 2010 et de 84 610,69 € pour
l’exercice 2011 ; qu’ainsi, la somme globale retenue par le conseil d’administration en
dépense est de 143 240,15 € pour les deux exercices ;
Attendu
qu’il ressort de l’examen des pièces justificatives des dépenses que 118,21 €
pour l’exercice 2010 et 3 344,04 € pour l’exercice 2011 ne sont pas appuyés par des
justificatifs suffisants pour être allouées ;
Attendu
que les dépenses pouvant être allouées s’élèvent à 58 511,25 € pour l’exercice
2010 et à 81 266,65 € pour l’exercice 2011 ; qu’ainsi, la somme globale retenue en
dépense s’élève à 139 777,90 € ;
Sur la fixation de la ligne de compte et le montant du débet
Attendu
que la ligne de compte de la gestion de fait est arrêtée à 149 935,00 € en
recettes admises et à 139 777,90 € en dépenses allouées ; qu’elle fait apparaître un
excédent des recettes sur les dépenses de 10 157,10 € ; que l’excédent s’analyse
comme un manquant dans la caisse du lycée, imputable conjointement et solidairement
aux quatre comptables de fait subsistants ; qu’il convient en conséquence de constituer
Mmes W, Y, X et M. Z, conjointement et solidairement, débiteurs de la somme de
10 157,10 € envers le lycée Bellevue de Fort-de-France ;
Sur le point de départ des intérêts du débet
Attendu
qu’aux termes de l’article 60-VIII de la loi n°63-156 du 23 février 1963, «
Les
débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
» ;
Attendu
que, si le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité de Mmes X et Yest
intervenu le 24 novembre 2011, date de leurs accusés de réception du réquisitoire initial
du procureur financier, l’ensemble des quatre comptables de fait n’ont réellement été
informés conjointement de la mise en jeu de leur responsabilité personnelle que par le
second réquisitoire, n°2012-0008-0133 du 23 août 2012, notifié le 7 septembre 2012 ;
qu’il convient en conséquence de retenir cette dernière date comme date de départ des
intérêts des débets ;
Sur l’imputation du débet
Attendu
que les comptables de fait ont été solidairement déclarés comptables de fait
par le jugement précité du 26 mars 2013 ; qu’ils doivent donc être déclarés débiteurs
conjoints et solidaires du principal et des intérêts du débet envers le lycée Bellevue de
Fort-de-France, tel que calculés ci-dessus, la répartition finale de la dette entre eux se
faisant par part virile ;
Attendu
qu’en cas de remise gracieuse par le ministre chargé du budget, après avis du
lycée, celle-ci ne pourra être totale et devra maintenir un laissé à charge des comptables
de fait de 3/1000
e
du cautionnement fixé pour le poste comptable du lycée de Bellevue,
sur le fondement de l’article 60, XI, de la loi n°63-156 du 23 février 1963 modifiée,
susvisée, et du décret n°2012-1386 du 10 décembre 2012 ;
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Sur la condamnation à l’amende
Attendu
qu’en application des articles L. 231-11 et L. 131-11 du code des juridictions
financières, la chambre peut condamner les comptables de fait à une amende, en raison
de leur immixtion dans les fonctions de comptable public, dans le cas où ils n'ont pas fait
l'objet pour les mêmes opérations des poursuites prévues à l'article 433-12 du code
pénal ; que le montant de l’amende tient compte de l’importance et de la durée de la
détention ou du maniement des deniers, des circonstances dans lesquelles l’immixtion
dans les fonctions de comptable public s’est produite, ainsi que du comportement et de
la situation matérielle du comptable de fait, le montant de l’amende ne pouvant dépasser
le total des sommes indûment détenues ou maniées ;
Attendu
que Mmes W, X, Y et M. Z ne font pas l’objet, à ce jour, de poursuites au titre
de l’article 433-12 du code pénal ;
Attendu
que l’immixtion irrégulière porte sur un montant de plus de 140 000 € ; qu’elle
a duré plusieurs années entre la date de création de l’association en juin 2008 et le
signalement au directeur régional des finances publiques, le 24 mai 2011, par le
comptable du lycée ; que les maniements occultes n’ont pas cessé à la suite de la
réception du premier réquisitoire du procureur financier en octobre 2011 ;
Attendu
que les circonstances de l’immixtion doivent être considérées en distinguant la
position de chacun des quatre comptables de fait, en fonction, notamment, du
comportement plus ou moins collaboratif de chacun d’eux à l’établissement du compte ;
Attendu
que le signalement opéré par M. Z au directeur régional des finances publiques
sur des faits éventuellement constitutifs d’une gestion de fait concernant les voyages de
mars 2010 et d’avril 2011 ne saurait suffire pour l’exonérer de sa responsabilité, en tant
que professionnel de la comptabilité publique et comptable patent, alors qu’il a réglé
parallèlement des dépenses liées aux voyages sur la comptabilité du lycée ; qu’il doit en
être tenu compte dans la fixation du montant de l’amende ; qu’il n’a pas exercé son rôle
de conseil auprès du conseil d’administration du lycée, de son proviseur et des
responsables de l’association ; qu’il était informé des actions irrégulières opérées dans
le cadre de ces voyages ; qu’il n’a pas souhaité apporter son concours à la production
des pièces justificatives de la dépense et qu’il a refusé de signer le compte de gestion
de fait produit ;
Attendu
que Mmes W, Y, X n’ont pas bénéficié de l’expertise avisée du comptable mais
qu’elles ont continué une pratique qu’elles savaient contestable après communication
des réquisitoires et notification du jugement de 2013 ; que s’il n’a pas été démontré de
détournement de fonds, l’absence de compte rendu financier des opérations et le non
reversement des trop versés aux familles ou à la caisse du lycée et la présence de
dépenses non justifiées sont relevées ;
Attendu
que Mme W, proviseur du lycée, n’a pas manié directement les fonds litigieux,
à la différence de Mmes X et Y ;
Attendu
qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en
condamnant M. Z à une amende de 2 000 €, Mme Y à une amende de 900 €, Mme X à
une amende de 900 € et Mme W à une amende de 400 € ;
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Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1 :
La ligne de compte de la gestion de fait des deniers publics du lycée Bellevue
de la commune de Fort-de-France est arrêtée à 149 935,00 € en recettes
admises et à 139 777,90 € en dépenses allouées, soit un excédent des
recettes sur les dépenses de 10 157,10 €.
Article 2 :
Mmes W, Y, X et M. Z sont constitués, conjointement et solidairement,
débiteurs de la somme de 10 157,10 € envers le lycée Bellevue de la
commune de Fort-de-France, augmentée des intérêts au taux légal à
compter du 7 septembre 2012.
Article 3 :
Le débet, augmenté des intérêts, sera imputé aux comptables de fait par part
virile. En cas de remise gracieuse par le ministre chargé du budget, celle-ci
ne pourra pas porter sur la totalité du débet ; une somme correspondant à
3/1000
e
du cautionnement du poste comptable du lycée Bellevue sera,
a minima
, laissée à la charge des comptables de fait.
Article 4 :
M. Z est condamné à une amende de deux mille euros (2 000 €), Mme Y et
Mme X à une amende de neuf-cents euros (900 €), et Mme W à une amende
de quatre-cents euros (400 €) en raison de leur immixtion dans la gestion
des comptes du lycée de Bellevue de Fort-de-France.
Article 7 :
Il est sursis à décharge de Mmes W, X, Y et M. Z jusqu’à preuve de
l’apurement du débet et de leur amende respective.
Fait et jugé par M. COLCOMBET, président de séance, Mme DELATTRE, MM. LANDI,
RAUD et ABOU, premiers conseillers ;
Ont signé : Mme Martine AZARES, greffière, M. Yves COLCOMBET, président.
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Chambre régionale des
comptes de la Martinique et délivré par moi, secrétaire général.
Pour le secrétaire général
et par délégation
La greffière
Martine AZARES
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce
requis, de mettre le présent jugement à exécution ; aux procureurs généraux et aux procureurs de
la République près les tribunaux de grande instance, d’y tenir la main ; à tous commandants et
officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-14 et R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements
prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des
comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, selon les modalités prévues aux
articles R. 242-17 et R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes
domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais
d’appel, et ce, dans les conditions prévues à l’article R. 242-26 du même code.