Liberté
•
Ésalité
•
Frate
rnit
é
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
MINISTÈRE
DE
LA
DÉFENSE
Paris, le
2 7 0
CT.
16
-
0101
'71
Le ministre de la défense
à
Monsieur le Premier
pr
ésident de la
Cour des comptes
·
OBJET
: Référé sur le Centre national des sports de la défense de Fontainebleau.
REFERENCE
: Votre lettre S2016-284 7
du
1
er
septembre 2016.
Par lettre citée en référence, vous
m'avez
transmis un référé sur le Centrn national des sports de
la défense (CNSD) de Fontainebleau.
Dans ce référé, la Cour considère que le projet a été mal conçu et
qu'à
un mode de financement
inapproprié,
s'est
ajoutée une gestion de projet insuffisante.
1.
Les conditions de recours à
un
partenariat public-privé
La
Cour considère que les conditions de recours au contrat de partenariat posées par le
législateur n'étaient pas remplies. Cette affi1mation appelle les commentaires suivants.
Lors du lancem
en
t du projet du CNSD, l'aiticle 2 de l
'or
donnance n°2004-559 du
17
juin
2004
sur les contrats de partenariat, disposait, dans
sa
rédaction alors en vigueur, que
«
Les contrats
de
partenariat
ne
peuvent être conclus que pour la réalisation
de
projets pour lesquels une
évaluation,
à
laquelle la personne publique procède avant
le
lancement
de
la procédure de
passation:
a) montre ou bien
que,
compte tenu
de
la complexité
du
projet, la personne publique n'est pas
objectivement
en
mesure
de
définir seule et
à
l'avance les moyens techniques pouvant
répondre
à
ses besoins ou d'établir
le
montage financier ou juridique du projet, ou bien que le
projet présente
un
caractère d'urgence;
14
, rue Saint-Dominique 75700 PARIS SP 07
-Té
l.
: 01 42
19
30
11
- Fax: 0
14
705
40
91
2
b)
Expose avec preczszon les motifs
de
caractère économique, financier, juridique
et
administratif, qui l'ont conduite, après une analyse comparative, notamment en termes de coût
global, de performance
et
de partage des risques, de différentes options, à retenir le projet
envisagé et à décider de lancer une procédure de passation d'un contrat de partenariat. En cas
d'urgence, cet exposé
peut
être succinct
».
Ainsi,
pour
pouvoir recourir à un contrat de partenariat, le projet envisagé doit répondre à deux
conditions cumulatives, la complexité ou l'urgence
d'une
part
et
un
bi
lan
coût-avantage
favorable du contrat de partenariat par rapport aux autres modes de gestion envisagés d'autre
part.
L'éva
luation préalable
du
contrat de paiienariat relatif
au
CNSD démontre que les deux
conditions cumulatives sont remplies tant au regard de la complexité juridique
et
financière
qu'à
l'avantage économique
du
contrat de partenariat
par
rapp01i aux autres modes
de
gestion
envisagés.
En effet, confo1mément à une jurisprudence récente,
la
complexité technique
d'un
projet lancé
par une personne publique doit être appréciée
à
«
la date à laquelle elle décide de recourir au
contrat de partenariat»
(CAA Bordeaux,
4ème
chambre, 31/05/2016, 15BX01638).
Or
en
l'espèce, le dimensionnement du projet a été établi dans l'optique
de
ressetTer le lien aimée-
nation dans
un
cadre interministériel ainsi que
par
une recherche de paiienai·iat
pour
augmenter
le taux d'utilisation des équipements sportifs militaires (protocole établi en avril 2003
et
modifié
en avril 2005, entre le ministère de la défense
et
le ministère des
sp011s).
Par conséquent, lorsque
le
ministère de la défense a décidé de recourir
à
un
contrat de
partenariat, les conditions de recours imposées
par
le législateur étaient remplies.
2.
L'éva
luation des risques des travaux
Pour
la
Cour,
un
concours plus soutenu du service
d'
infrastructure de la défense (SID) aurait
pe1mis de mieux appréhender plusieurs enjeux (traitement des eaux, p01iance des planchers,
risque amiante,
par
exemple) qui ont conduit à
un
paiiage des risques défavorable au ministère
ou à des avenants renchérissant le coût
du
contrat.
Ce
n'est
pas la position
du
ministère, qui considère
au
contraire que l'intervention du SID était
suffisante, ou n'aurait pas permis d'éviter des aléas ultérieurs.
Le
SID a désigné à l'automne
2010
de
nombreux experts techniques répartis au sein des différentes sous-commissions.
En phase d'analyse des offres,
en
201 1, ces
expe11s
ont été renforcés
par
ceux du centre
d'expertise technique
de
l'infrastructure de la défense (CETID) pour permettre
de
compléter
l
'ana
lyse technique effectuée
par
le prestataire EGIS et d'apporter
à
l'état-major des aimées
toutes les informations nécessaires. Pour
la
phase de réalisation, l'établissement du SID (ESID)
Ile de France, compétent sur Fontainebleau a même consacré
à
temps plein une füchitecte sur le
site.
3
Pour le risque amiante,
l'
évaluation complète du risque nécessitait
la
réalisation de diagnostics
ava
nt
travaux et donc
l'
évacuation des locaux concernés ; ceci
n'a
été possible
qu'au
moment
des déménagements, pendant
la
phase des travaux. Il convient de rappel
er
également que la
règlementation sur le risque amiante
et
la protection des travailleurs a profondément évolué en
2012
quelques mois après la signature
du
contrat
1
•
Cette évolution règlementaire a pour
conséquence d'augmenter le coût et les délais nécessaires aux travaux de désamiantage. Les
clauses du contrat prévoyaie
nt
que
le
ministère de la défense prenne
à
son compte les
conséquences budgétaires dues aux délais
et
aux travaux. Les représentants du ministère, dont
ceux du SID, avaient toutefois obtenu
d'être
étroitement associés au contrat de travaux avec
l'entreprise de manière
à
limit
er
l'impact calendaire
et
budgétaire.
En
phase des travaux,
il
est apparu que
la
portance des planchers des bâtiments d'hébergements
réhabilités
par
la société QSD n'était pas suffisante puisque le nombre des armatures dans
le
béton
et
leur positionnement n'étaient pas confo1mes aux règles de l
'ai
t.
Or, ces bâtiments
avaient été construits une vingtaine d'années auparavant et avaient fait
l'objet
d'une
mise aux
normes ERP partielle. Il convient de rappeler que l
'a
rticle
14.1
stipulait que la société était
réputée avoir effectué tous les diagnostics nécessai
re
s d'autant plus que le proj
et
retenu prévoyait
la réhabilitation des ouvrages. Une assistance renforcée du SID n'aurait pas pe1mis de déceler de
telles malfaçons.
La mise
en
confo1mité
du
captage d
'e
au
avait nécessité qu'une étude géologique soit diligentée
avant le début de la procédure du contrat de paitenariat. Le programme fonctionnel remis aux
candidats faisait état de
la
distribution mixte exist
an
te (eau forage / eau de ville)
et
des difficultés
rencontrées sur le réseau
de
la ville
2
.
Le service d'infrastructure avait donc conseillé l
'é
tat-ma
jor
des armées pour l'adduction en eau
en
amont
de
la procédure mais
la
procédure
de
régularisation
du captage
d'eau
avait été conduite en même temps que
la
procédure du contrat
de
partenariat
et
n'avait pas permis de
me
surer toutes les sujétions techniques, notamment s
ur
le château d'eau.
3.
La
question fiscale
Pour
la Cour, un appui de
la
direction des affaires financières (DAF) aurait
pu
conduire
à
une
meilleure perception
et
à
un
e plus grande maîtrise des ris
qu
es financiers et
du
statut des
prestations au regard des r
èg
les fiscales qui affectent le résultat économique
du
projet.
Cette question avait été identifiée en octobre
2011
lors de l
'éva
luation finale sur
la
base de
l
'o
ffre finale du groupement conduit par
GTM
, ainsi que le risque que les impôts et taxes induits
pal' l'exploitation commerciale du site soient supérieurs aux recettes annexes générées
par
le
prestataire. Les estimations faites alors montrai
ent
que ces impôts
et
taxes
se
raient en tout état de
cause supérieurs aux recettes annexes garanties.
Après
la
signature du contrat, de nombreuses démarches ont été entreprises
par
la DAF auprès de
la direction généra
le
des finances publiques (DGPIP) afin de minimiser l'impact de la
fi
scalité.
Ces démarches se sont traduites
par
une réduction significative de
la
ta
xe
foncière, actuellement
estimée à
190
k€, à comparer à une estimati
on
initiale de
340
k€ au moment de l
'éva
luation
finale.
1
Décre
t2012
-
639 du 4 mars 2012 modifiant le code du travail
2
La pression
di
sponible n
'é
tait pas suffisant notamment pour le réseau
in
cendie.
4
Aujourd'hui, le montant des dépenses fiscales induites par la commercialisation du site est
néanmoins supérieur au minimum garanti versé par le prestataire
au
titre des recettes
commerciales.
Cependant, l
'examen
approfondi des règles fiscales montre que
la
fiscalité foncière
n'est
pas
spécifiquement liée à la commercialisation mais bien à l'existence d'un flux financier avec des
utilisateurs externes à
l'Etat
dans le cadre de l'utilisation des infrastructures
du
CNSD.
De
fait, si
le ministère de la défense devait reprendre à son compte l'exploitation
du
site pour l'accueil d'un
public extérieur, il serait toujours assujetti à la fiscalité foncière dès lors
qu'il
percevrait un
subside de
la
pait
de ces utilisateurs, ne serait-ce que pour leur pa1ticipation aux consommations
des fluides.
La
seule voie permettant de sortir de
la
problématique
du
sujet de la fiscalité foncière
serait
ce
lle de l'utilisation exclusive du site par le ministère de
la
défense, pour ses propres
missions, exceptions faites des collaborations qui pounaient exister avec d'autres départements
ministériels (Intérieur, par exemple).
4. Le partage des recettes commerciales
Le paitage des recettes commerciales faisait partie intégrante de l'offre de l'attributaire pressenti,
et, à ce titre, ne pouvait plus faire l'objet
d'une
renégociation lors de
la
mise au point
du
contrat.
De
surcroît, le pourcentage de chiffres d'affaires restitué au ministère de
la
défense au titre des
recettes annexes était
un
élément d'appréciation des offres comptant pour 10
%
de
la
note finale;
les trois offres ont donc été notées sur ce point.
Le démarrage,
en
20
15
, a été délicat, du fait d'un dispositif marqué pour sa première année
d'exploitation
par
des contraintes f01tes : mise
en
place du plan Vigipirate, attentats dès le début
janvier
et
fermeture du site la seconde quinzaine de novembre
à
la
suite des nouveaux attentats et
de
la
déclaration de l'état d'urgence.
5.
Les prochains rendez-vous
La
Cour recommande, dans la perspective des prochains rendez-vous prévus par le point 2.5 du
contrat de partenai·iat, soit six années après la mise
en
service
du
CNSD, inauguré
en
2014, que
le
ministère se mette en position de rechercher un meilleur équilibre contractuel.
Sans attendre la clause de rendez-vous de 2020 prévue au contrat, des discussions entre le
ministère
et
le prestataire sont d'ores et déjà
en
cours afin de mettre en place
un
plan d'actions
destiné à améliorer les revenus tiers, avoir une meilleure visibilité sur les projections
commerciales ainsi que sur le périmètre de
la
fiscalité.
Des pistes d'optimisation de deux natures sont envisageables :
•
Renégociation
du
mécanisme de rétribution
Cette proposition concerne les activités d'escalade
et
de piscine.
En
effet,
on
constate que si la
société d'exploitation Cai'ilis et
la
Fédération française de montagne
et
d'escalade captent
la
pait
la
plus importante du chiffre d'affaires dégagé par l'exploitation commerciale, ce sont elles qui
in fine
contribuent proportionnellement le moins à la génération de recettes annexes
en
raison
des formules d'application des rétributions
à
la
personne publique.
5
• Redéfinition de la
li
ste des activités proposées
Etant donné le taux d'occupation des installations et leur potentiel,
il
est envisagé l
'ex
clusion de
certaines activités du champ des revenus tiers afin de diminuer le niveau de la taxe foncière : les
comts de tennis, le dojo et la sa
ll
e de boxe de la halle Serandour, la halle multisp01is Coube
1ii
n,
les tenains de sp01i extérieurs.
w
U,b(ïlV'<'
~
Jean-Yves LE DRIAN