Sort by *
CONSEIL DES IMPÔTS
LA CONCURRENCE FISCALE
ET L'ENTREPRISE
Vingt-deuxième rapport
au Président de la République
2004
CONSEIL DES IMPÔTS
3
Le Conseil des impôts est présidé par le premier président de la Cour
des comptes.
Il comprend :
M. Gabriel MIGNOT, président de chambre à la Cour des comptes,
représentant le premier président de la Cour des comptes,
M. Gilles BACHELIER, maître des requêtes au
Conseil d’Etat,
M. André BARILARI, inspecteur général des finances,
M. Michel BOUVIER, professeur agrégé des universités
M. Patrice CAHART, conseiller en service extraordinaire à la Cour
de cassation,
M. François CAILLETEAU, inspecteur général des finances,
M. Bernard CHALLE, conseiller à la Cour de cassation,
M. Philippe DOMERGUE, inspecteur général de l’INSEE,
M. Denis MORIN, conseiller maître à la Cour des comptes,
M. Pierre PAUGAM, conseiller maître à la Cour des comptes,
M. Jean-François de VULPILLIÈRES, conseiller d’Etat,
Membres du Conseil des impôts.
Le présent rapport, présenté par le rapporteur général,
M. Arnaud OSEREDCZUK, conseiller référendaire à la Cour des
comptes,
a été délibéré et arrêté au cours de la séance du 8 juillet 2004.
Les études dont le rapport constitue la synthèse, ont été effectuées
par :
M. Stéphane ISRAËL, conseiller référendaire à la Cour des comptes,
M. Bertrand du MARAIS, maître des requêtes au Conseil d’Etat,
M. Gilles MENTRÉ, inspecteur des finances,
M. Sébastien RASPILLER,
administrateur de l’INSEE,
M. Daniel TURQUETY, administrateur de l’INSEE,
Rapporteurs,
M. Manuel VAZQUEZ, administrateur des services du Sénat,
chargé d’études.
Le secrétariat du Conseil des impôts a été assuré par :
M. Jean-Pierre COSSIN, conseiller maître à la Cour des comptes,
secrétaire général du Conseil des impôts,
Mme Madeleine GALLO, attachée au secrétariat général du Conseil
des impôts.
CONSEIL DES IMPÔTS
5
INTRODUCTION
Alors que la liberté de circulation des capitaux, des biens,
des prestations de service et des travailleurs s'accroît sous l'effet
de la globalisation de l'économie, les Etats maintiennent des
systèmes fiscaux nationaux différents condamnés à coexister.
S'ils
sont
rationnels,
les
agents
économiques
cherchent,
lorsqu'ils en ont la possibilité, à être taxés dans les zones où la
fiscalité est la plus faible. Tout se passe alors comme si les
systèmes fiscaux des Etats étaient plus ou moins directement
mis en concurrence par les acteurs qui cherchent à minimiser
leur impôt : entreprises, salariés, détenteurs de capitaux. Pour
éviter la fuite vers d'autres pays des éléments sur lesquels est
assis l'impôt, les Etats seraient contraints de réagir, soit en
coordonnant davantage leurs politiques fiscales, soit en
modifiant unilatéralement leur système fiscal afin d'attirer ou
de retenir ces bases imposables. Dès lors, les choix des Etats en
matière d'imposition, à l'origine souverains, sont aujourd'hui
mutuellement contraints.
Telle est, résumée à grands traits, la problématique de la
concurrence fiscale telle qu'elle est présentée à l'ordinaire. Elle a
donné lieu à de nombreux travaux, qui se sont efforcés de
préciser le poids comparé de certains aspects de la fiscalité en
France par rapport à d'autres pays, ou de caractériser le lien
entre la pression fiscale et certains indicateurs de la localisation
CONSEIL DES IMPÔTS
6
des bases imposables
1
. A l'occasion de son XXIIème rapport, le
Conseil des impôts a souhaité contribuer à ce débat. Il s'agit
d'étendre et d'approfondir l’analyse à la fois en amont et en
aval des questions les plus fréquemment soulevées.
En
amont,
il
apparaît
nécessaire
d'identifier
plus
précisément les mécanismes de la concurrence fiscale et
l'ampleur de leurs manifestations. Quels sont concrètement les
acteurs concernés par la concurrence fiscale ? Quelles sont les
opérations économiques réellement affectées par la disparité
des systèmes fiscaux nationaux, et quels sont les paramètres de
la fiscalité qui pèsent véritablement sur ces décisions ? Avec
quels Etats la France est-elle véritablement en situation de
concurrence fiscale ?
S'agissant du coeur du sujet, il convient de bien distinguer
la problématique du rôle de la fiscalité dans l'attractivité d'un
territoire, et celle, plus large, de la concurrence fiscale. Le débat
est compliqué par le fait que les décisions de localisation
influençables par la concurrence fiscale peuvent affecter soit les
activités économiques elles-mêmes, notamment l'investissement
et la production, soit les bases d'imposition, dès lors que la
localisation de ces dernières peut être différente de celle des
activités économiques qui les produisent. (On entend par base
d'imposition les grandeurs utilisées pour l'établissement de
l'impôt, et qui tentent d'appréhender le revenu ou le patrimoine
des entreprises ou des individus). En effet, l’impact de la
coexistence
des
systèmes
fiscaux
nationaux
est
tel
que
l'imposition peut être légalement localisée dans un autre Etat
que celui où se forme le revenu et où se trouve le capital. Cette
distinction commande l'examen du sujet et amène à considérer :
1
Rapport du Sénat "La concurrence fiscale en Europe : une contribution au
débat", sénateur Philippe MARINI, 1999
Rapport de l'inspection générale des Finances, "L'entreprise et l'hexagone",
2000
Rapport du député Michel Charzat sur l'attractivité du territoire français, 2001
Rapport du Conseil d'Analyse Economique sur la compétitivité des
entreprises françaises, 2003
CONSEIL DES IMPÔTS
7
- la concurrence sur la localisation des activités et de
l'emploi : c'est la problématique de l'attractivité du
territoire, qui a déjà donné lieu à de nombreux travaux,
- la concurrence sur la localisation de l'imposition,
indépendamment de l'activité : c'est la problématique de
l'optimisation et de l'évasion fiscale internationales.
L'optimisation
internationale
est
précisément
l'utilisation des possibilités offertes par la coexistence
des systèmes d'imposition nationaux pour minimiser
l'imposition,
sans
nécessairement
modifier
le
lieu
d'exercice des activités réelles.
Il importe de bien distinguer les notions. Initialement, la
préoccupation était de connaître - et d'utiliser le cas échéant -
l'impact de la fiscalité sur la compétitivité des entreprises
nationales.
Puis,
lorsqu'il
est
apparu
que
du
fait
de
l'élargissement des marchés le niveau de l'emploi dans un pays
n'était plus directement dépendant de la prospérité des
entreprises nationales, on s'est intéressé à l'impact de la fiscalité
sur l'attractivité des territoires. L'existence d'une possible
différence entre la localisation des activités et celle des bases
imposables invite à dépasser ce stade.
En aval, il s'agit, une fois connue l'ampleur des
phénomènes,
de
progresser
dans
la
connaissance
des
possibilités des Etats pour les réguler. Comment peut-on
caractériser la stratégie suivie jusque-là par la France et par ses
partenaires ? Quelles sont les options possibles au niveau
national ? Quelles sont les contraintes et les opportunités
suscitées par le système international, en particulier au niveau
communautaire ?
Il convient de délimiter le champ de l'étude. En premier
lieu, la concurrence fiscale n'affecte que les bases d'imposition
mobiles. C'est bien la mobilité de certaines bases d'imposition
qui peut permettre aux entreprises de choisir l'Etat dans lequel
elles seront imposées de manière à maximiser leur profit.
Plusieurs types d'assiette fiscale sont ainsi en mesure de faire
jouer la concurrence fiscale entre les Etats. Les entreprises
nationales peuvent être en mesure de localiser à l'étranger soit
leur production, soit, par le biais de leur organisation en
CONSEIL DES IMPÔTS
8
groupes, filiales et holdings, une partie de leur bénéfice. Les
individus peuvent choisir de localiser à l'étranger leur épargne
et d'autres éléments de leur patrimoine. Ils peuvent également
élire domicile à l'étranger dans la mesure où la fiscalité des
revenus et du patrimoine leur serait plus favorable.
L'ordre de grandeur et l'impact de la mobilité des bases
imposables des entreprises sont beaucoup plus importants que
ceux
des
phénomènes
de
délocalisation
concernant
les
personnes. Et ce, d'autant plus que les décisions de localisation
des
individus
sont
souvent
liées
à
une
problématique
d'entreprise. S'agissant des détenteurs de capital, on observe
ainsi que les plus importants d'entre eux ont un patrimoine
constitué de manière prépondérante de parts d'entreprise.
Quant aux salariés à hauts revenus, leur mobilité géographique
traduit rarement une décision purement personnelle mais
s'inscrit dans le cadre de la stratégie de l'entreprise qui les
emploie. Dès lors, ce rapport se concentrera sur les mécanismes
où l'entreprise est impliquée à un titre ou à un autre, mais
traitera aussi de quelques dispositions fiscales intéressant les
particuliers. Par ailleurs, l’étude de la concurrence fiscale sera
limitée au niveau inter-étatique. Les effets de la concurrence
entre collectivités territoriales, s'ils présentent un intérêt certain,
font intervenir les mécanismes très spécifiques des impositions
locales, qui appellent une étude particulière, même si, comme
on le verra à propos de la taxe professionnelle, la fiscalité locale
peut jouer un rôle dans la concurrence fiscale entre Etats.
CONSEIL DES IMPÔTS
9
SOMMAIRE
INTRODUCTION
.......................................................................................
5
SOMMAIRE
.................................................................................................
9
CHAPITRE INTRODUCTIF - L'ANALYSE ÉCONOMIQUE
..........
11
I. -
S
ELON LA THÉORIE ÉCONOMIQUE
,
LA CONCURRENCE FISCALE PEUT
ENGENDRER DES EFFETS NON SOUHAITÉS PAR CERTAINS AGENTS
..........
13
II. -
L
ES EFFETS EMPIRIQUES DE LA CONCURRENCE FISCALE SONT
NUANCÉS
..................................................................................................
21
PARTIE I : LES PRÉLÈVEMENTS SUR LES BASES FISCALES
MOBILES EN FRANCE ET À L'ÉTRANGER
......................................
39
I. -
L
ES PRÉLÈVEMENTS SUR L
'
ENTREPRISE ET LES DÉTENTEURS DE SON
CAPITAL
....................................................................................................
41
II. -
L
A PRESSION FISCALE GLOBALE SUR LES ENTREPRISES
....................
81
PARTIE II : L'EFFET DE LA FISCALITÉ SUR LA LOCALISATION
DES ACTIVITÉS
.......................................................................................
94
I. -
L
A FISCALITÉ SEMBLE JOUER UN RÔLE RÉDUIT DANS LA
PROBLÉMATIQUE D
'
ENSEMBLE DE L
'
IMPLANTATION DES ENTREPRISES
... 97
II. -
L
A FISCALITÉ DE L
'
ENTREPRISE PEUT S
'
AVÉRER DÉFAVORABLE À
L
'
IMPLANTATION D
'
ENTREPRISES EN FRANCE DANS DES CAS D
'
ESPÈCE
107
III. -
L'
INFLUENCE DE LA FISCALITÉ DES PERSONNES PHYSIQUES EN
F
RANCE SUR LA LOCALISATION DES ACTIVITÉS
.....................................
133
PARTIE III : CONCURRENCE FISCALE ET OPTIMISATION
....
167
I. -
LES ENTREPRISES ET L
'
OPTIMISATION FISCALE
.................................
169
II. -
L'
ÉVASION FISCALE DUE AUX PERSONNES PHYSIQUES EST UN ENJEU
PLUS SIGNIFICATIF QUE CELUI DE LEUR EXPATRIATION
.........................
203
CONSEIL DES IMPÔTS
10
PARTIE IV : QUELLE POLITIQUE POUR LES ÉTATS
CONFRONTÉS À LA CONCURRENCE FISCALE ?
.......................
219
I. -
L
ES
É
TATS SONT CONFRONTÉS AUX PARADOXES DE LA RÉGULATION
INTERNATIONALE DE LA CONCURRENCE FISCALE
.................................
221
II. -
LA STRATÉGIE DE LA
F
RANCE FACE À LA CONCURRENCE FISCALE
DEPUIS DIX ANS
.......................................................................................
257
III. -
L
A
F
RANCE NE DISPOSE QUE D
'
UNE MARGE DE MANOEUVRE ÉTROITE
................................................................................................................
277
CONCLUSION
........................................................................................
295
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE CONSEIL DES
IMPÔTS
....................................................................................................
299
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES PAR LES
RAPPORTEURS
......................................................................................
301
LISTE DES TABLEAUX
.........................................................................
307
GLOSSAIRE
............................................................................................
313
LISTE DES ANNEXES
...........................................................................
319
TABLE DES MATIÈRES
........................................................................
357
CONSEIL DES IMPÔTS
11
CHAPITRE INTRODUCTIF
L'ANALYSE ECONOMIQUE
La concurrence fiscale constitue une forme particulière de
concurrence, notion centrale de l'analyse économique. Les
travaux d'analyse économique consacrés à la concurrence
fiscale sont relativement nombreux. Les raisonnements qu'ils
développent
fondent
directement
ou
indirectement
les
appréciations portées par les agents économiques et les
pouvoirs publics. Mais comme on le verra, le domaine
considéré
se
prête
assez
difficilement
aux
vérifications
empiriques des raisonnements formels. C'est pourquoi on
examinera successivement deux questions : quels sont les effets
théoriques de la concurrence fiscale et quelle appréciation
appellent-ils ? Ces effets sont-ils empiriquement observés ?
CONSEIL DES IMPÔTS
13
I. - S
ELON LA THÉORIE ÉCONOMIQUE
,
LA CONCURRENCE FISCALE PEUT
ENGENDRER DES EFFETS NON
SOUHAITÉS PAR CERTAINS AGENTS
L'analyse économique établit que la concurrence fiscale
peut fausser l'allocation des ressources, réduire la portée des
décisions des Etats, et modifier la répartition de la charge fiscale
entre les contribuables.
A. - Le cadre d'analyse
Il
faut
observer
tout
d'abord
que
la
notion
de
"concurrence fiscale" désigne à la fois, de manière statique, la
situation dans laquelle certains acteurs mettent en compétition
les systèmes fiscaux de différents Etats et, de manière
dynamique, les réactions des Etats pour améliorer leur position
dans cette compétition. La concurrence fiscale est perçue
différemment par les entreprises et par les Etats. Pour les
entreprises,
elle
offre
une
possibilité
supplémentaire
de
réduction de leurs charges. Pour les Etats, elle constitue un
cadre contraignant, qui limite la portée de la souveraineté
nationale, et peut obliger à arbitrer entre le souci de conserver
les activités présentes sur le territoire et celui de préserver le
niveau des recettes fiscales perçues sur les différentes catégories
de contribuables. Elle peut cependant dans certains cas
apparaître comme une opportunité, lorsque des dispositions
fiscales favorables permettent d'attirer sur le territoire national
une telle quantité d'assiettes mobiles supplémentaires qu'elle
assure l'équilibre budgétaire de l'opération.
Pour
l'analyse
économique,
les
phénomènes
de
concurrence fiscale constituent un exemple de la théorie des
externalités, c'est-à-dire des effets qu'une décision prise par un
agent peut avoir sur le comportement d'autres agents. En effet,
lorsque certaines activités ou certains patrimoines sont mobiles,
CONSEIL DES IMPÔTS
14
une décision prise par un Etat en matière de fiscalité modifie la
situation des agents situés à l'intérieur et à l'extérieur du
territoire où elle s'applique. Leurs réactions peuvent modifier
l'équilibre budgétaire et le niveau d'activité dans ces autres
Etats.
Si la mobilité des assiettes imposables était parfaite au
sein d'une zone, et si tous les Etats garantissaient le même
rendement des activités avant impôt, un Etat qui afficherait un
taux d'imposition plus bas attirerait à lui toutes les bases
taxables.
La mobilité des différentes bases d'imposition est donc au
coeur du sujet, mais elle ne peut être évaluée avec précision. Elle
n'est
totale
pour
aucune
des
assiettes.
Le
capital
est
généralement décrit par les économistes comme plus mobile
que le travail. Il faudrait ensuite distinguer entre le capital
financier, le plus mobile, et le capital physique, moins mobile.
De même, la mobilité du travail augmente avec sa qualification
et sa rémunération.
Un consensus existe pour considérer que les assiettes les
plus mobiles sont les bases taxables des entreprises (capitaux et
bénéfices), ainsi que les revenus et les patrimoines financiers
des personnes physiques les plus fortunées.
L'épargne
des
individus,
par
l'intermédiaire
des
institutions financières, est sans doute la matière imposable
(tout au moins en ce qui concerne les revenus qu'elle procure) la
plus mobile. La notion de concurrence fiscale s'est d'ailleurs un
temps polarisée autour des questions liées aux transferts
d'épargne entre pays. Pour autant, cet aspect du sujet n'a pas de
réel impact sur la localisation des activités des entreprises, car
la
localisation
des
activités
est
aujourd'hui
largement
déconnectée de celle de l'épargne
2
. La fiscalité de l'épargne et le
sort des actionnaires finaux ne seront que marginalement
évoqués dans le présent rapport.
2
Une fiche en annexe 1 développe ce point
CONSEIL DES IMPÔTS
15
B. - La concurrence fiscale peut être
la cause de pertes d'efficience
La théorie économique évalue les effets de la concurrence
fiscale
à
l’aune
de trois
critères
normatifs :
l’efficience,
l’efficacité et l’équité. Si elle livre des conclusions claires sur le
premier et le troisième de ces critères, elle demeure ambiguë
sur le deuxième.
Un système d’imposition est par définition efficient s’il est
neutre par rapport à la
prise de décision économique. La
fiscalité introduit une distorsion si elle modifie les décisions
économiques dans le sens d'une rentabilité globale plus faible
au niveau de la collectivité. Cela concerne en particulier les
choix de localisation des investissements productifs.
La perte d'efficience économique est un argument majeur
contre certaines formes de concurrence fiscale. Soient deux pays
A et B, A étant plus productif que B, mais pratiquant une
imposition plus lourde. Un investissement de 100 dans le pays
A procure un bénéfice avant impôt de 20, taxé à 50% ;
l'entreprise retire donc un bénéfice après impôt de 10. Le même
investissement ne rapporte que 15 avant impôt dans le pays B,
mais ce bénéfice sera taxé à 20% seulement : l'entreprise retire
alors un bénéfice de 12. L'entreprise, se fondant sur le
rendement après impôt, choisira d'investir dans le pays B. Elle
maximise
ainsi
son
profit.
Pour
autant,
ce
n'est
pas
nécessairement l'investissement le plus productif qui a été
choisi.
C. - L'effet de la concurrence fiscale
sur le bien-être collectif dépend
de l'efficacité de la dépense publique
Dans l'exemple cité ci-dessus, la concurrence fiscale est
cause d'une perte d'efficience économique dès lors qu'un taux
d'imposition plus faible peut convaincre un acteur de localiser
une assiette mobile là où elle est moins productive avant impôt.
Mais l'appréciation en termes d'efficacité d'ensemble dépend du
jugement porté sur la capacité de l'impôt levé à engendrer au
CONSEIL DES IMPÔTS
16
total, compte tenu des dépenses publiques qu'il permet de
financer, une amélioration du bien-être de la collectivité.
Il faut d'abord rappeler que l'impôt finance un ensemble
de biens collectifs dont certains sont utiles aux assiettes mêmes
sur lesquelles l'impôt est levé. Dans l'exemple ci-dessus, si le
pays A est plus productif, c'est peut-être justement en raison de
sa fiscalité plus lourde qui lui permet de financer une meilleure
offre de biens publics tels que l'éducation ou les infrastructures.
A cet égard, dans son article fondateur sur la concurrence
fiscale (1956), Tiebout
3
estime que la concurrence fiscale ne doit
pas être régulée : chaque Etat offre un paquet de biens collectifs
et d'impôts pour les financer ; si les acteurs sont parfaitement
mobiles, ils choisissent la localisation de leur assiette en
fonction de leur arbitrage personnel. Mais ce raisonnement se
fonde sur une hypothèse de parfaite connaissance de l'offre de
services collectifs et de son financement d'une part, de mobilité
parfaite d'autre part, hypothèses rarement vérifiées ; il fait par
ailleurs l'impasse sur la fonction redistributrice de l'impôt.
Le jugement relatif à la concurrence fiscale dépend de
celui porté sur l'efficacité de la dépense publique : si l'on part de
l'hypothèse selon laquelle la dépense publique est efficace, alors
la concurrence fiscale engendre bien une perte de bien-être
pour la collectivité ; si cette dépense est inefficace, alors la
concurrence fiscale exerce au contraire un effet salutaire en
s'opposant à l'appétit de croissance des Etats. Il n'existe donc
pas de consensus théorique. On retiendra en faveur de la
concurrence fiscale l'argument selon lequel elle exerce une
pression sur les Etats pour accroître l’efficacité de la dépense
publique.
En tout état de cause, ces théories ne rendent pas compte
de l'une des difficultés soulevées par la concurrence fiscale : la
possibilité qu'elle offre à certains agents de localiser leurs
opérations économiques là où le revenu avant impôt est le plus
important, tout en acquittant l'impôt là où il est le plus réduit,
3
Tiebout C. "A pure theory of local expenditures", Journal of Political
economics n°64
CONSEIL DES IMPÔTS
17
agents que les économistes désignent alors sous le nom de
"passagers clandestins".
D. - Des conséquences défavorables
en termes d'équité
Si l'appréciation des effets de la concurrence fiscale en
termes de bien-être collectif est controversée, ses effets en
termes d'équité sont clairement identifiés comme défavorables.
1. - Le tarissement des recettes
fiscales ou le déplacement
de la charge fiscale vers les
assiettes les moins mobiles
Un système d’imposition est équitable s’il répartit la
pression fiscale entre les agents économiques en fonction de
leur capacité contributive. Or, la concurrence fiscale tend à
entraîner une réduction de l'imposition des assiettes les plus
mobiles et un alourdissement de celle des assiettes les moins
mobiles. En effet, en l'absence de coordination, un Etat
confronté à la fuite des assiettes les plus mobiles vers les pays
où elles sont le moins taxées, est conduit, soit à accepter un
tarissement de ses recettes, soit à baisser le taux d'imposition
sur les bases mobiles. Dès lors, s'il ne parvient pas à réduire ses
dépenses du même montant, il est conduit, pour se financer, à
alourdir l’imposition des assiettes les moins mobiles.
La théorie économique s'est ainsi focalisée sur les effets
comparés de la concurrence fiscale sur le travail, supposé peu
mobile, et le capital, supposé très mobile. Elle indique que le
taux de l’impôt sur le capital tend vers zéro lorsque le nombre
d'Etats en concurrence devient très grand. A la limite, seul le
travail supporte alors le fardeau fiscal. Les modèles théoriques
tendent à montrer que l’impôt sur le capital est prélevé - en
CONSEIL DES IMPÔTS
18
l’absence de coopération - à un taux nettement plus faible que
celui sur le travail
4
.
2. - La modification dans l'offre de
biens publics et la remise en
cause du caractère redistributif de
l'impôt
Si, conformément au modèle de Tiebout, les assiettes les
plus mobiles se localisent non seulement en fonction de l'impôt
payé mais aussi du rendement global du "paquet" constitué par
l'offre de biens publics et par l'impôt, les Etats sont alors incités
à financer en priorité les biens directement utiles aux
contribuables les plus mobiles. Il peut en résulter une
déformation de l'offre de biens publics par rapport au souhait
de l'ensemble de la collectivité.
En outre, si l’impôt versé par les détenteurs d'assiettes
mobiles s’assimile ainsi à une "redevance pour services rendus",
il ne reste plus de place pour une contribution de l'impôt à des
mécanismes de redistribution. En effet, la redistribution ne
profite généralement guère aux détenteurs des assiettes les plus
mobiles. Elle se traduit pour eux par un coût sans contrepartie ;
ils sont dès lors incités à se localiser en priorité là où le système
fiscal est le moins redistributif. La concurrence fiscale peut donc
conduire à remettre en question une des fonctions principales
de l'impôt et les politiques qui caractérisent "l'Etat providence".
Bien évidemment, il convient de mesurer l'ampleur réelle
de ces différents mécanismes avant de porter un jugement sur
la concurrence fiscale. Il y a lieu sans doute de rechercher le
point d'équilibre permettant à la concurrence fiscale d'exercer
une pression pour plus d'efficacité des dépenses publiques des
Etats, sans pour autant conduire à une mauvaise allocation des
4
La concurrence fiscale, par conséquent, diminue le coût du capital et accroît
celui du travail ; elle fausse, autrement dit, l’équilibre entre les facteurs de
production. Les entreprises réduisent alors leur demande de travail ; le
remplacement de ce dernier par le capital s’effectue à un rythme plus rapide
que celui dicté par le seul changement technologique. In fine, la concurrence
fiscale peut créer ainsi du chômage.
CONSEIL DES IMPÔTS
19
ressources ou à des déformations dans la répartition de la
charge fiscale ou de l'offre de biens publics.
Au-delà des divergences évoquées plus haut, ces théories
économiques débouchent sur un consensus sur deux points : du
point de vue des Etats, la concurrence fiscale peut constituer un
danger. Du point de vue des agents économiques en revanche,
elle peut être favorable ou défavorable selon leur situation dans
le jeu de la concurrence et selon leur aptitude à modifier la
localisation des assiettes imposables.
CONSEIL DES IMPÔTS
21
II. - L
ES EFFETS EMPIRIQUES DE LA
CONCURRENCE FISCALE SONT
NUANCÉS
A. - Le contexte est de plus en plus
favorable à la concurrence fiscale
Plusieurs constats suggèrent que les bases d'imposition
sont de plus en plus mobiles, et que la concurrence fiscale
devient dès lors de plus en plus intense. En particulier, le
phénomène de globalisation, défini comme l’émergence et la
réalisation d’une économie dont les modes de fonctionnement
et
l’organisation
dépassent
les
territoires
des
Etats,
s'accompagne d'une plus grande capacité des acteurs à arbitrer
sur la localisation de leurs bases imposables entre différents
Etats. De nombreux indicateurs témoignent de ce processus
qu'il n'est pas nécessaire de détailler ici : développement de la
mobilité
des
capitaux,
du
commerce
international,
internationalisation
des
grandes
entreprises
;
toutes
ces
manifestations de la globalisation accroissent les possibilités de
concurrence fiscale, notamment en Europe où la mobilité des
assiettes
a
été
volontairement
recherchée.
L'observation
empirique
devrait
permettre
dès
lors
de
repérer
les
manifestations de la concurrence fiscale telles que l'analyse
économique les prévoit. Pour autant, le diagnostic est plus
nuancé.
B. - Une tendance claire à la baisse
des taux nominaux sur les assiettes
supposées mobiles
La théorie économique met en évidence la probabilité, en
l'absence de coordination, de baisse du niveau de prélèvement
sur les assiettes les plus mobiles que sont le bénéfice des
sociétés, le patrimoine des individus, les revenus des salariés les
CONSEIL DES IMPÔTS
22
mieux rémunérés. Comme cela a été indiqué, l'épargne, assiette
particulièrement mobile, n'est pas prise en compte dans le
présent rapport car sa localisation n'est pas directement liée à
celle de l'entreprise et de l'activité.
1. - L'imposition du bénéfice
des sociétés
Le
tableau
suivant
présente
l'évolution
du
taux
d'imposition sur les bénéfices des sociétés, en ajoutant au taux
national, lorsqu'il existe, le taux de l'impôt local assis sur le
bénéfice des sociétés. Il n'a donc pas vocation à classer les
différents pays (puisque le classement serait altéré par le type
d'assiette retenu pour l'imposition locale des entreprises), mais
il est le plus pertinent pour mesurer l'évolution de l’imposition
du bénéfice.
CONSEIL DES IMPÔTS
23
Tableau n°1 :
Taux nominaux d’imposition des bénéfices
(fiscalité locale et nationale)
(En %)
1982
1985
1988
1991
1994
1997
2000
2003
Allemagne
62
63
63
59
54
57
52
40
Australie
50
50
39
39
33
36
34
30
Autriche
61
61
61
39
34
34
34
34
Belgique
45
45
43
39
40
40
40
34
Canada
45
45
39
36
34
36
36
36
Espagne
33
35
35
35
35
35
35
35
U.S.A.
50
50
38
38
39
39
39
39
Finlande
60
60
50
40
25
28
29
29
France
50
50
42
34
33
42
38
35
Grèce
43
44
44
40
40
40
40
35
Irlande
5
10
10
10
10
10
10
10
13
Italie
39
46
46
48
52
53
41
38
Japon
55
56
55
51
50
50
41
41
Norvège
51
51
51
51
28
28
28
28
Pays-Bas
48
43
42
35
35
35
35
35
Portugal
55
55
46
40
40
40
35
33
R-U
52
40
35
33
33
31
30
30
Suède
60
60
52
30
28
28
28
28
Suisse
35
35
35
35
35
35
34
34
Notes : Les éventuels impôts locaux assis sur les bénéfices des
entreprises sont inclus, à travers leur moyenne sur les régions. Les
autres impôts assis sur les bénéfices des entreprises ne sont pris en
compte que s’ils sont appliqués de manière générale.
Source :
Devereux (2004)
Entre 1982 et 2003, les taux nominaux d’imposition ont
suivi un mouvement généralisé à la baisse : ils ont diminué en
moyenne de 14 points, passant de 47% à 33%. Ce mouvement
s’accompagne d’un resserrement des écarts de taux nominaux.
Si l’on écarte le cas de l’Irlande, l’amplitude des différences de
taux nominaux en 2003 (13 points) est inférieure de 16 points à
celle en 1982 (29 points).
On observe bien dans l'échantillon une convergence à la
baisse des taux nominaux d'imposition.
5
En 1981, l’Irlande a réduit de 45 à 10% le taux nominal d’imposition des
activités manufacturières. Le taux actuel est applicable à toutes les activités.
CONSEIL DES IMPÔTS
24
2. - L'imposition du patrimoine
L’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) a été supprimé
en 1993 par l'Autriche, en 1995 par l'Allemagne, en 1997 par le
Danemark, et en 2001 aux Pays-Bas, (où il a été en réalité
remplacé par un impôt qui n’en porte plus le nom, mais en
conserve les caractéristiques).
3. - L'imposition des revenus
élevés
Le tableau suivant donne l'évolution entre 1997 et 2003
des taux marginaux supérieurs d'imposition. Là encore, il
convient de préciser que comme ces taux ne tiennent compte ni
des divers abattements sur la base imposable, ni des tranches à
partir desquels ils s'appliquent, et que, le cas échéant
(Danemark, Suède, Finlande), ils agrègent des taxes locales sur
le revenu, ce tableau n'a pas pour but de classer les différents
pays mais d'examiner quelle est l'évolution apparente des
systèmes fiscaux.
CONSEIL DES IMPÔTS
25
Tableau n°2 :
Evolution des taux marginaux supérieurs
d'imposition sur le revenu (1997-2003)
Taux marginal supérieur
1997
Taux marginal supérieur
2003
Allemagne
53
48,5
Autriche
50
50
Belgique
58
50
Danemark
63
59
Espagne
56
45
Finlande
58
58
France
54
49,58
Grèce
45
40
Irlande
48
42
Italie
51
45
Luxembour
g
50
38
Pays-Bas
60
52
Portugal
40
40
R-U
40
40
Suède
56
56
Source : Dictionnaire fiscal permanent
Le taux supérieur a baissé dans de nombreux pays et se
réduit en moyenne de 51,1% à 47,5%.
Ainsi, l'évolution constatée sur les taux nominaux des
trois assiettes considérées (bénéfices des sociétés, revenus des
contribuables imposés à la tranche supérieure, patrimoines
imposables à l'ISF) est bien orientée à la baisse. On peut en
conclure qu'en termes d'affichage, les pays semblent se livrer
effectivement à une concurrence fiscale sur les assiettes
réputées les plus mobiles. Toutefois, l'évolution de la pression
fiscale effective, compte tenu non seulement des variations de
taux, mais des effets d'assiette, est moins nette.
CONSEIL DES IMPÔTS
26
C. - Le constat fragile d'une tendance
à la baisse de certains indicateurs
de pression fiscale globale
Pour apprécier la charge fiscale d'ensemble pesant sur tel
ou tel facteur de production, il est nécessaire de construire des
indicateurs qui tiennent à la fois compte des différences
d'assiette et des différences de taux nominal. C'est en matière
d'imposition des sociétés que les travaux sont les plus
nombreux. Deux indicateurs ont été définis : les taux implicites
(également appelés apparents) et les taux effectifs.
1. - Les taux implicites
d'imposition
D’un point de vue macro-économique, la méthode la plus
directe d’évaluation de la pression fiscale subie par les
entreprises
consiste à
exprimer
les
recettes
des
impôts
appliqués aux entreprises en pourcentage du PIB. Néanmoins,
cet indicateur de pression fiscale est sensible au partage de la
valeur ajoutée : un partage favorable aux salariés réduit
mécaniquement l'excédent des entreprises et par suite le
montant de l'impôt payé, en valeur absolue comme en
pourcentage du PIB. Il est donc préférable de rapporter les
recettes des impôts payés par les entreprises à un indicateur de
leur revenu.
Le taux implicite est défini par le rapport du montant de
l'impôt effectivement payé sur un indicateur de revenu avant
impôt des entreprises
. L’excédent net d’exploitation (ENE) est
l'indicateur le plus souvent employé. Un tel taux peut être
calculé pour la totalité des entreprises à partir des comptes
nationaux (il est alors dit taux implicite macroéconomique), ou
à partir de bases de données sur les états financiers d'un
échantillon
(il
s'agit
alors
d'un
taux
implicite
microéconomique). Il peut intégrer tous les impôts acquittés par
l'entreprise, ou seulement certains d'entre eux, tels que l'IS
(impôt sur les sociétés) ou la TP (taxe professionnelle).
CONSEIL DES IMPÔTS
27
Il présente l’intérêt de la simplicité et de la généralité et
détermine
précisément
la
charge
fiscale
pesant
sur
les
entreprises. Les effets - souvent complexes - des règles de
fixation
de
l’assiette
sont
entièrement
incorporés
dans
l’évaluation du montant final des recettes fiscales. Ainsi, le taux
implicite peut incorporer tous les impôts et taxes acquittés, et
tient compte de l’incidence des allégements spécifiques : crédits
d’impôt, dotations aux provisions, dispositions dérogatoires en
matière d’amortissement, etc. Surtout, il intègre l'effet de
l'optimisation fiscale puisqu'il mesure l'impôt véritablement
acquitté. Toutefois, les calculs sont opérés sur les seules sociétés
non financières, leur méthodologie n'étant pas adaptée à la
formation du résultat des sociétés financières. En outre, compte
tenu de ses difficultés de construction, cet indicateur vaut
davantage par son évolution que par son niveau absolu.
Selon Guimbert (2002), sur une longue période (1968-
1995), le taux implicite d'imposition des entreprises dans les
différents pays de l'Union européenne n'a pas évolué de
manière uniforme. A une phase de hausse sensible, de 25% à
40% (1968-1982), a succédé une phase de baisse pour atteindre
un taux de 30% environ en 1995. La réduction de la pression
fiscale depuis 20 ans serait particulièrement sensible dans un
groupe de six pays, dont la France, l'Italie, l'Allemagne, et les
pays du Benelux.
Cependant,
selon
d'autres
calculs
effectués
par
la
Commission Européenne
6
, les chiffres de la période récente
indiqueraient une rupture de cette tendance dans les pays de
l’Union européenne, où le taux implicite aurait augmenté de 4
points entre 1995 et 2001.
L'interprétation de ces évolutions n'est pas aisée. La
Commission Européenne en fournit plusieurs explications.
Ainsi, sur la période la plus récente, il faut concilier la baisse
des taux nominaux d'imposition sur les bénéfices et la hausse
de la pression fiscale globale. Cette conjonction suggère que les
Etats ont, d'une part compensé en partie la perte constatée du
fait de la baisse des taux nominaux d'imposition des bénéfices
6
"Structure of taxation systems in
the EU", 2003
CONSEIL DES IMPÔTS
28
par des élargissements d'assiette, d'autre part alourdi d'autres
impositions acquittées par les entreprises mais ne portant pas
directement sur leur bénéfice.
Par ailleurs, les évolutions de la période récente reflètent
vraisemblablement, mais pour une part inconnue, la meilleure
profitabilité des entreprises
7
. Enfin, des modifications dans la
structure de financement des entreprises, davantage par
recours
au
marché
que
par
endettement,
ont
pu
mécaniquement contribuer à un accroissement.
Cependant, selon Schmidt-Faber
8
, qui a analysé pour la
Commission les résultats précités, le calcul du taux implicite est
très sensible aux spécifications comptables. D'autres procédés
de construction du numérateur et du dénominateur que ceux
fondés sur les comptes nationaux, utilisant à titre exclusif ou
complémentaire des données micro-économiques
9
montrent
que l'évolution à la hausse repérée par l'une des méthodes de
mesure n'est pas très robuste. Or, Schmidt-Faber relève
qu'aucune des différentes méthodes n'est plus légitime que les
autres.
En réalité, les taux implicites construits sur données
micro-économiques donnent plus de poids aux grandes
entreprises. Dès lors, le fait qu'une évolution à la hausse sur la
période 1995-2001 soit repérée lorsque le taux implicite est
7
En effet, les conditions économiques ont été dans l'ensemble très favorables
aux entreprises qui ont dégagé des profits importants. En théorie, le taux
d'imposition appliqué à ces profits est, dans la plupart des pays,
proportionnel ou faiblement progressif, et la conjoncture ne devrait pas
modifier le taux implicite. En pratique, la succession d'exercices bénéficiaires
conduit les entreprises à consommer leurs déficits antérieurs, de sorte que la
partie de leur EBE qui est effectivement taxée à l'IS est de plus en plus forte à
mesure que se succèdent ces exercices.
8
An implicit tax rate for non-financial corporations : definition and
comparison with other indicators, Schmidt-Faber, 2003
9
Il s'agit d'une base de données (la base BACH) tenue par la Commission,
détaillant de manière fine les états comptables d'un vaste échantillon de
sociétés, principalement des grandes entreprises. Dans le cas de la France, 30
000 entreprises sont recensées. L'échantillon n'est pas représentatif car les
grandes entreprises y sont surreprésentées, ainsi que les entreprises du
secteur manufacturier. On peut cependant penser que ces acteurs sont
précisément les plus sensibles à la concurrence fiscale.
CONSEIL DES IMPÔTS
29
construit sur les données de toutes les entreprises, mais pas sur
un échantillon significatif de grandes entreprises, peut indiquer
que l'optimisation fiscale a permis aux sociétés qui peuvent y
avoir recours de ne pas ressentir la hausse tendancielle du taux
implicite.
Au total, cette analyse des fluctuations par période ne
permet pas d'identifier de manière certaine une tendance de
fond. Si l'on remonte loin dans le temps, à partir de 1965,
aucune tendance ne se dessine, puisque la baisse observée
aujourd'hui a succédé à une hausse.
Toutefois,
si
l'on
admet
que
le
contexte
n'est
véritablement favorable à la concurrence fiscale en Europe que
depuis que la réalisation du marché intérieur a atteint un stade
suffisamment avancé, donc davantage depuis 1980 que depuis
1965, on observe bien que la pression fiscale globale se relâche
sur les entreprises depuis cette date, comme le prévoyaient les
modèles de concurrence fiscale. Dans la période récente (depuis
1995), les effets de la conjoncture et la nécessité de garantir un
niveau de recettes fiscales dans le cadre de la mise en place de
l'euro sont venus contrarier cette tendance de fond et ont
conduit plutôt à une stabilisation.
2. - Les taux effectifs d'imposition
simulés sur le revenu
d'un investissement
Les taux implicites sont rétrospectifs : ils ne peuvent pas
prédire la réaction des entreprises à des modifications du
système d’imposition. C'est pour permettre une telle prédiction
qu'ont été construits des taux effectifs d'imposition.
Les taux effectifs d'imposition sont calculés en simulant, de manière
fictive, l'imposition qui frappe au cours de son cycle de vie un même
investissement standard, lorsqu'on lui applique le système fiscal des
différents pays, et en la rapportant au revenu économique net avant impôt
10
dégagé sur la période.
10
Lorsqu'un investissement physique est réalisé par une entreprise, il fournit
un revenu brut, qui ne tient pas compte du fait que le capital se déprécie au
CONSEIL DES IMPÔTS
30
Le calcul des taux effectifs d'imposition nécessite donc de
définir un cas type d'investissement, en précisant sa nature
(machines, bâtiments, stocks, actifs incorporels…), sa durée de
vie économique, le secteur d'activité considéré (manufacturier
ou non), les modalités de financement (autofinancement,
émission
d'actions,
emprunt),
son
pays
d'origine
et
de
destination (l’imposition des investissements transfrontières
dépend à la fois des régimes fiscaux du pays de résidence de la
société-mère et du pays d’implantation de la filiale, en
particulier, ces deux régimes peuvent être liés par une
convention). Il nécessite également de définir les hypothèses
d'inflation et de taux d'intérêt.
Une fois les paramètres de l'investissement définis, on
applique aux revenus générés par celui-ci le système fiscal de
chacun des Etats que l'on souhaite comparer, avec ses
caractéristiques propres en matière de taux et d'assiette, y
compris les dispositions fiscales spécifiques à chacun en matière
d'amortissements. La plupart du temps, ces taux ne sont
calculés qu'à partir des impositions pesant sur le bénéfice des
sociétés.
Les
résultats
dépendent
donc
directement
des
paramètres retenus pour le cas type choisi. La différence entre
les amortissements économiques et fiscaux explique notamment
que les taux effectifs calculés diffèrent des taux nominaux d'IS.
Les taux effectifs n'intègrent pas l'effet de l'optimisation
fiscale. Ils sont relativement sensibles à leurs nombreuses
hypothèses et, de ce fait, valent plus par les écarts qu'ils
révèlent entre pays ou les tendances chronologiques qu'ils
indiquent, que par leur niveau absolu.
cours du temps. Le revenu brut doit être corrigé de cette dépréciation, qui
n'est autre que l'amortissement économique, conduisant ainsi à un revenu
économique net avant impôt. L'impôt est quant à lui calculé à partir d'un
revenu fiscal net. Les paramètres d'amortissement fiscal varient suivant les
pays, et diffèrent généralement de ceux des amortissements économiques.
Afin d'obtenir un revenu fiscal net avant impôt, la dépréciation économique
du capital est réintégrée dans le revenu économique net avant impôt, et les
dotations fiscales aux amortissements en sont déduites.
CONSEIL DES IMPÔTS
31
Deux catégories d’indicateurs prospectifs doivent être
distinguées : les taux marginaux et les taux moyens. Si ces taux
effectifs
reposent
sur
des
méthodologies
similaires,
ils
répondent à des questions différentes.
Les taux marginaux
effectifs d’imposition s'appliquent à
un investissement marginal. Le rendement après impôt d’un tel
investissement est théoriquement au moins égal à son coût
marginal. A titre d’exemple, un groupe multinational possède
des filiales de production dans plusieurs pays et souhaite
investir davantage - « à la marge » - dans l’une d’elles. Le critère
fiscal intervenant dans le choix de la filiale est alors le taux
marginal effectif.
Les taux moyens
effectifs d’imposition s'appliquent à un
investissement
incluant
les
coûts
fixes
d'installation.
Le
rendement après impôt d’un tel investissement doit être
supérieur à son coût marginal. A titre d’exemple, un groupe
multinational souhaite créer une nouvelle filiale et hésite entre
plusieurs
pays
pour
son
implantation.
Le
critère
fiscal
intervenant dans le choix de localisation de la filiale est alors le
taux moyen effectif.
Les taux fournis dans ce paragraphe ont été calculés par
Devereux (2004) pour la Commission européenne. Ils prennent
en compte l'ensemble des impôts sur le bénéfice des entreprises,
au niveau local ou national.
2.1. Taux marginaux
Entre
1982
et
2003,
les
taux
marginaux
effectifs
d’imposition ont connu un mouvement généralisé de baisse. Ils
ont diminué en moyenne de 8 points. Le maximum, atteint par
l’Allemagne en 2003 (30%) est bien moindre que celui atteint
par le Portugal en 1982 (48%). Ce mouvement s’accompagne
d’une convergence des taux. Si le cas particulier de l’Irlande est
écarté, l’amplitude des différences de taux marginaux effectifs
en 2003 (17 points) est inférieure de 22 points à celle observée
en 1982 (39 points) - (source Devereux, 2004).
CONSEIL DES IMPÔTS
32
2.2. Taux moyens
Un investisseur peut devoir choisir entre plusieurs projets
susceptibles d’offrir un rendement supérieur au coût marginal
du capital. Seul le taux moyen effectif d’imposition est ici
pertinent.
Comme les taux marginaux, les taux moyens ont connu
une convergence à la baisse. Entre 1982 et 2003, ils ont diminué
en moyenne de 12 points. Le maximum atteint par le Japon en
2003 (36%) est bien moindre que celui atteint par l’Allemagne
en
1982
(56%).
Ce
mouvement
s’accompagne
d’une
convergence des taux. Si le cas particulier de l’Irlande est écarté,
l’amplitude des différences de taux moyens effectifs en 2003 (13
points) est inférieure de 14 points à celle de 1982 (27 points).
A ce stade, il apparaît qu'un mouvement de convergence
à la baisse affecte les taux effectifs d'imposition sur le bénéfice
des entreprises, qu'ils soient moyens ou marginaux.
D. - Des écarts entre groupes de pays
On peut comparer un premier groupe de pays (France,
Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas) au reste de l'Union.
Tableau n°3 :
Taux nominaux d’imposition des bénéfices
(fiscalité locale et nationale)
(en %)
1982
1985
1988
1991
1994
1997
2000
2003
Moyenne du
groupe F, It,
All, Benelux
48,8
49,4
47,2
43
42,8
45,4
41,2
36,4
Moyenne
des autres
pays de
l'UE
11
46,7
45,6
41,6
33,4
30,6
30,7
30,1
29,6
Source : À partir de Devereux (2004). Moyennes non pondérées
11
Ont été pris en compte les pays suivants : Autriche, Espagne, Finlande,
Grèce, Irlande, Portugal, Royaume-Uni, Suède
CONSEIL DES IMPÔTS
33
S'agissant des taux nominaux appliqués aux bénéfices des
entreprises (IS + fiscalité locale éventuellement assise sur le
bénéfice des entreprises), on constate que la moyenne des pays
du premier groupe [Italie, Allemagne, France, Benelux] est de
36,4, supérieure à la moyenne des taux nominaux dans les
autres
pays
(29,6).
Les
chiffres
ne
sont
pas
modifiés
significativement si la Grande-Bretagne est basculée du 2
è
groupe dans le premier.
Si l'on observe les taux implicites d'imposition, les taux
du premier groupe de pays demeurent nettement supérieurs à
ceux du second groupe.
L'examen des taux d'imposition sur le bénéfice des
sociétés des nouveaux pays entrés dans l'Union européenne
montre qu'ils sont souvent relativement faibles.
Tableau n°4 :
Taux nominaux d'IS des nouveaux adhérents à
l'UE (2004)
Pays
Taux nominal d'IS
Chypre
10%
12
Estonie
0% sur bénéfices réinvestis
35,15% sur montant net distribué
Hongrie
18%
Lettonie
19% (2003 : 22%)
Lituanie
15% (2003 : 19%)
Malte
35%
Pologne
19% (2003 : 27%)
République Tchèque
28%
Slovaquie
19% (2003 : 25%)
Slovénie
25%
Source : DLF
E. - La concurrence fiscale n'a pas eu
d'effet observable sur la structure
ou sur le niveau des recettes fiscales
La théorie économique indique que, confrontés à la fuite
des assiettes fiscales les plus mobiles, les Etats ont le choix entre
12
Surtaxe de 5% au-delà de 1,71 M€
CONSEIL DES IMPÔTS
34
alléger la pression fiscale globale sur ces assiettes, et ne rien
faire, dans les deux cas, ils doivent se résigner à une perte de
recettes fiscales. Dès lors, pour équilibrer leur budget, ils
doivent réduire leurs dépenses, ou reporter la charge sur les
assiettes les moins mobiles. On devrait donc observer soit une
baisse des recettes fiscales, soit un transfert de la charge des
assiettes mobiles vers les assiettes qui ne le sont pas. Or, ni l'un
ni l'autre ne peuvent être mis en évidence.
1. - L'absence de tarissement
des recettes
Le poids des prélèvements obligatoires dans le PIB sur
longue période a eu tendance à augmenter régulièrement tant
en France que dans l'UE et l'OCDE.
Tableau n°5 :
Evolution du montant total des prélèvements
obligatoires
(en % du PIB)
1980-1985
1986-1990
1991-1997
2000
France
43,2
43,5
43,9
45,3
Moyenne UE
38,6
40,4
40,9
41,6
Moyenne
OCDE
33,8
35,5
36,1
37,4
Source :
Carey et Tchilinguirian (2000) et OCDE
Il est dès lors patent que la concurrence fiscale n'a pas eu
pour effet jusque-là de réduire les ressources publiques.
2. - Les éventuels transferts
de charge sont difficiles à
apprécier
2.1. La répartition ménages / entreprises
Si les Etats se sont livrés à une concurrence fiscale et s'ils
n'ont pas réduit leur prélèvement global, la théorie économique
considère que c'est par un transfert de charges entre assiettes
mobiles et assiettes peu mobiles que l'équilibre a pu être atteint.
CONSEIL DES IMPÔTS
35
Il convient dès lors d’analyser l’évolution de la structure
des systèmes d’imposition. En premier lieu, les recettes
prélevées sur le revenu, les bénéfices et les gains en capital
représentent en 1965 et 2003 une part identique - au niveau de
l’ensemble
de
l’O.C.D.E.
-
du
total
des
prélèvements
obligatoires : Une étude récente
13
montre ainsi
que la part
respective de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu
n’a pas varié au niveau de l’ensemble de l’OCDE. En revanche,
on constate une baisse des impôts sur la consommation
compensée par une hausse des cotisations sociales.
Tableau n°6 :
La structure des recettes fiscales, moyenne OCDE
1965
2003
Impôt sur les sociétés
9 %
9 %
Impôt sur le revenu
26 %
26 %
Impôts sur la
consommation
36 %
29 %
Cotisations sociales
18 %
25 %
Impôts sur la propriété
8 %
5 %
Autres impôts
3 %
6 %
Source : OCDE (2003)
En fait, la baisse des impôts sur la consommation
observée sur cette période a été entièrement compensée par la
hausse des cotisations sociales. Dès lors, il est difficile de
conclure quant à la répartition des prélèvements entre
personnes physiques et entreprises, car il faudrait être en
mesure de connaître l'incidence fiscale comparée - c'est-à-dire le
type d'agent sur lequel pèsent ces deux prélèvements. On peut
cependant relever que le transfert semble s'être opéré entre
deux impôts dont on estime qu'ils sont supportés in fine par les
ménages. Ainsi, au niveau de l'ensemble de l'OCDE, il n'y
aurait pas eu de transfert de charges avéré entre ménages et
entreprises. En particulier, dans de nombreux Etats, le part des
impôts sur les sociétés dans les recettes fiscales n'aurait pas
varié significativement.
13
OCDE,
Tax policies in OECD countries
, 17 octobre 2003
CONSEIL DES IMPÔTS
36
Tableau n°7 :
Part des recettes d’IS dans les recettes fiscales
totales de plusieurs pays européens
IS/Ttal
1970
1980
1990
2000
Allemagne
5,7%
5,5%
4,8%
4,8%
France
6,3%
5,1%
5,3%
6,9%
Belgique
5,7%
5,1%
5,5%
8,0%
Pays Bas
6,7%
6,6%
7,5%
10,1%
Royaume Uni
8,7%
8,4%
11,2%
9,8%
Irlande
8,9%
4,5%
5,0%
12,1%
Suisse
7,6%
5,8%
7,6%
9,0%
Etats-Unis
12,8%
10,1%
7,7%
8,5%
Source : OCDE (2003)
2.2. La répartition travail / capital
L’analyse précédente devrait pouvoir être complétée par
l’observation des taux implicites d’imposition des principaux
facteurs de production, construits en répartissant chaque impôt
entre les facteurs de production sur lesquels ils pèsent.
Toutefois, les difficultés de méthode sont considérables. Une
étude commandée par l’O.C.D.E. (2002) souligne ainsi l’extrême
sensibilité des estimations aux hypothèses de calcul et livre une
conclusion dénuée d’ambiguïté : « dans un certain nombre de
cas,
les
taux
implicites
d’imposition
sont
de
mauvais
indicateurs de la pression fiscale exercée sur les facteurs de
production ». A titre d'exemple, le taux d'imposition implicite
sur le capital tient compte au numérateur à la fois des impôts
payés sur les revenus du capital et sur le stock détenu, alors
qu'au dénominateur seul le revenu est pris en compte.
En outre, à ce jour, les données ne permettent pas de
repérer une tendance de longue période. D'un côté, le
commissaire européen Mario Monti a présenté, à l'appui de ses
propositions de "paquet fiscal" qui ont donné lieu à l'adoption
de mesures au Conseil Ecofin du 1
er
mars 1997, les chiffres
suivants résultant de calculs de la Commission : entre 1981 et
1995, le taux implicite d'imposition sur les revenus du travail a
crû du 34,9% à 42%, tandis que ce taux passait, pour les autres
facteurs, de 45,5% à 35%. D'un autre côté, sur les années
suivantes, d'autres calculs de la Commission, avec une méthode
CONSEIL DES IMPÔTS
37
différente, font état sur la période 1995-2001 d'une stabilité de la
taxation du facteur travail à un niveau estimé désormais à 37%,
alors que le taux implicite de taxation du facteur capital aurait
augmenté, passant de 24,5% à 29,8% (tableau détaillé en annexe
3).
Enfin, selon les derniers éléments disponibles (Taxation
Structures in the EU, juin 2004), les taux d'imposition sur les
deux facteurs de production, mesurés sur la période 1998-2002,
auraient en définitive tous deux baissé.
Le taux d'imposition implicite sur le travail dans l'UE15 a
baissé de 37,7% en 1998 à 36,3% en 2002. Le taux d'imposition
implicite sur le capital a quant à lui diminué par rapport à 2001
pour atteindre 28,4% en 2002. La Commission confirme à cet
égard que "
l'augmentation observée jusqu'en 2000 s’inscrivait
dans un contexte marqué par la réduction des taux légaux
d'imposition sur les sociétés et l'élargissement simultané de
l'assiette
fiscale.
Toutefois,
une
part
importante
de
l’augmentation du taux d'imposition implicite sur le capital est
imputable à des facteurs cycliques et à l'expansion économique
jusqu'en 2000. Le recul constaté en 2001 et en 2002 est lié au
ralentissement de la croissance économique et à l'impact des
mesures prises pour réduire les taux d'imposition
".
F. - Conclusion
Un mécanisme de concurrence fiscale est à l'oeuvre,
entraînant d'abord une baisse des taux nominaux de taxation
du bénéfice des entreprises, des hauts revenus et du
patrimoine.
S'agissant du bénéfice des entreprises, ce phénomène
est observable sur les taux nominaux d'imposition sur les
bénéfices depuis le début des années 90. Les indicateurs de
l'imposition des entreprises qui tentent d'incorporer les effets
d'assiette et ceux des autres impôts (taux implicite et taux
effectif
d'imposition)
semblent
indiquer
une
tendance
analogue. Leur étude suggère que cette baisse serait plus
ancienne, et masquée dans la période récente par des effets de
CONSEIL DES IMPÔTS
38
conjoncture (pour le taux implicite) et de modification dans la
structure du financement des entreprises (pour les deux
indicateurs). Ces résultats sont cependant fragiles.
La baisse des taux n'a pas entraîné de tarissement des
recettes fiscales pour les Etats ni, en l'état actuel des
indicateurs, de modification de la répartition de la charge
fiscale entre contribuables.
Dès lors, au regard de l'équité fiscale, les jugements sur
l'évolution passée divergent selon le critère retenu. Si l'on
considère que l'équité fiscale consiste à assurer la permanence
de la part de chaque contribuable dans les ressources, il est
possible de conclure que la concurrence fiscale n'a eu aucun
effet en termes d'équité, sauf, le cas échéant, dans certains
pays tels que l'Allemagne où la part de l'IS dans les recettes a
chuté.
En revanche, si l'on considère que l'équité fiscale doit
maintenir constant le taux de prélèvement sur chacun des
contribuables, quitte à modifier la part de chacun dans le
financement de l'Etat si l'effet de la conjoncture sur les
revenus des différents acteurs n'est pas uniforme, le jugement
sera plus négatif. En effet, certains indicateurs suggèrent qu'il
existe une tendance de long terme à la baisse du taux de
pression fiscale sur les facteurs les plus mobiles, mais que
comme ces taux se sont appliqués à des gains plus importants,
la part de ces facteurs dans les recettes est restée constante.
Ces
deux
approches
contribuent
à
expliquer
les
appréciations
divergentes
des
différents
gouvernements
quant aux effets de la concurrence fiscale en termes d'équité.
CONSEIL DES IMPÔTS
39
PARTIE I : LES PRÉLÈVEMENTS
SUR LES BASES FISCALES MOBILES
EN FRANCE ET À L'ÉTRANGER
Avant d'étudier les répercussions des différences entre les
systèmes d'imposition sur la localisation des activités et des
bases imposables, il importe de dresser un tableau comparé de
la fiscalité française et de son évolution par rapport à celle des
autres pays. Conformément à la démarche d'ensemble de ce
rapport, seront étudiés non seulement les prélèvements sur les
entreprises stricto sensu, mais également les prélèvements sur
les assiettes mobiles qui peuvent être indirectement concernées
: patrimoine des détenteurs de capitaux d'entreprises, revenus
des salariés internationalement mobiles. A ce stade, on ne parle
pas
encore
de
handicaps
ou
d'avantages,
mais
de
caractéristiques alourdissant ou allégeant l'imposition par
rapport aux autres pays.
Il convient par ailleurs d'évoquer certains cas dans
lesquels les comportements sont directement déterminés par la
fiscalité : il s'agit de comportements de consommation de
certains biens faisant l'objet de droits spécifiques, comme les
alcools, les tabacs ou les carburants ; ou de biens d'équipement
dont le prix est suffisamment élevé pour justifier la recherche
du taux de TVA le plus faible (véhicules). En particulier, dans
les zones frontalières au sein de l'Union européenne, les
consommateurs se déplacent pour acquérir ces biens là où ils
CONSEIL DES IMPÔTS
40
sont le moins taxés, parfois au bénéfice des entreprises situées
en France, parfois à leur détriment selon les biens et les
frontières
concernés.
Il
s'agit
bien
de
phénomènes
de
concurrence fiscale, mais leur lien avec la problématique de la
localisation des emplois et des activités est spécifique, puisqu'il
est limité au secteur de la distribution de ces biens, notamment
aux détaillants. Ces cas ne seront donc pas examinés en détail
dans le présent rapport.
CONSEIL DES IMPÔTS
41
I. - L
ES PRÉLÈVEMENTS
SUR L
'
ENTREPRISE ET LES DÉTENTEURS
DE SON CAPITAL
Après un rappel des montants des principaux impôts
acquittés, seront présentées les principales caractéristiques de
l'imposition des assiettes mobiles en France. Les différentes
dispositions sont classées en plusieurs catégories selon que la
France apparaît bien positionnée ou non. Au sein de chaque
catégorie, on évoque tout d'abord les prélèvements acquittés
par les entreprises, puis ceux acquittés par les particuliers.
A. - Les impôts acquittés
par les assiettes mobiles en France
Le tableau suivant indique les produits des principales
impositions en cause, par ordre décroissant de montant
acquitté.
CONSEIL DES IMPÔTS
42
Tableau n°8 :
Principales
14
impositions acquittées par les
entreprises
Impôt
Montant 2003
(Md€)
IS net
37,5
TP (part effectivement acquittée par les
entreprises)
20,5
IR (part entreprises
15
)
10
TIPP (part acquittée par les entreprises)
16
8
Taxe sur le foncier bâti (part entreprises)
6,9
IS recouvré par voie de rôle
17
3,7
Taxe d'enlèvement des ordures ménagères
3,4
Taxe sur les salaires
18
3,4
Précompte mobilier
1,7
Taxe sur les véhicules de société
1,5
Total des principaux impôts sur les entreprises
96,6
Pour mémoire : Cotisations sociales employeur
171
TVA restant à la charge des entreprises
19
18
ISF
2,5
B. - Les dispositions concourant
à alourdir l'imposition en France
par rapport aux autres pays
14
Montant supérieur à 1 Md€
15
Selon les estimations fournies par la direction de la prévision, les
entreprises relevant de l’IR représentent environ 20% du produit total.
16
D'après un ratio fourni par la Direction de la prévision et de l’analyse
économique
17
Cette ligne agrège l'IS recouvré suite à contrôle fiscal, mais aussi les
impositions locales acquittées par France Telecom et la Poste.
18
Part acquittée par les entreprises d'après ventilation sectorielle fournie par
le Minefi
19
Il est rappelé que le Conseil des impôts avait estimé dans son XVIIIème
rapport la part de la TVA restant à la charge des entreprises, du fait des
rémanences de TVA, à 16% du produit total de cet impôt, soit environ 18 Md€
en 2003.
CONSEIL DES IMPÔTS
43
1. - Les cotisations sociales
Les entreprises ne distinguent pas, dans les processus de
décision prenant en compte le coût des prélèvements publics,
selon la nature juridique de ceux-ci - impositions ou cotisations
sociales. Dans la mesure où les cotisations sociales sont la
contrepartie directe d’une prestation ou d’une assurance, la
comparaison des coûts entre les différents Etats impliquerait
également celle des systèmes de protection sociale. Une telle
étude dépasse largement les limites du présent rapport,
d'autant qu'elle serait en dehors du champ de compétences du
Conseil des impôts. Elle supposerait également de tenir compte
du coût des systèmes assurantiels privés.
On rappelle néanmoins que la France présente, en
comparaison avec ses principaux partenaires, des taux de
cotisations sociales élevés. La part des cotisations de sécurité
sociale, en pourcentage du PIB, est de 16,3% en France en 2001,
chiffre le plus élevé des Etats de l’OCDE, après celui de la
République tchèque (17,1%). Viennent ensuite la Suède (15,3%),
l’Autriche (14,9%), l’Allemagne (14,6%) et les Pays-Bas (14,2%).
Toutefois, la France connaît une diminution de ce taux entre
1990 (18,9%) et 2001 (16,3%), due aux allégements de charges
sur les bas salaires.
L'indicateur le plus pertinent est peut-être la part des
cotisations sociales dans les coûts de la main-d'oeuvre. Un
tableau présenté en annexe 4 confirme que la France est parmi
les pays où le poids des cotisations sociales est le plus élevé, et
ce malgré les allégements de charges sociales consentis.
2. - Le taux nominal d'imposition
des bénéfices des sociétés
La difficulté à comparer a priori le taux effectif
d'imposition des entreprises et des capitaux, compte tenu des
caractéristiques propres de chaque système, de ses règles
d'assiette et du cumul de plusieurs prélèvements, conduit
vraisemblablement
de
nombreux
acteurs
à
fonder
leurs
décisions sur les taux nominaux.
CONSEIL DES IMPÔTS
44
En
outre,
comme
on
le
verra,
les
entreprises
multinationales, si elles tentent de transférer des bénéfices
d'une filiale à l'autre par le biais de la fixation des prix de
transferts ou par le choix des modes de financement, fondent
leurs décisions sur les écarts de taux nominaux d'imposition.
Or, la France présente un taux nominal parmi les plus
élevés :
Tableau n°9 :
Taux nominaux de l'IS, 2004
2004
Allemagne
26,37
Autriche
34
Belgique
34,5
Danemark
30
Espagne
35
Finlande
29
France
35,4
Grèce
35
Irlande
12,5
Italie
33
Luxembourg
22
Pays-Bas
34,5
Portugal
27,5
Royaume-Uni
30
Suède
28
Moyenne UE
29,8
EU
35
Japon
30
Source :
DLF. Moyenne UE non pondérée. Taux du gouvernement
central pour les fédérations. Taux maximal des grandes entreprises en
cas de progressivité du barème ou de barèmes différents pour les
PME et les grandes entreprises. Un tableau plus détaillé est fourni en
annexe 2.
La France est en dernière position en Europe en 2004.
Toutefois, si l'on conserve l'idée selon laquelle il est plus
judicieux de situer la France au sein de pays comparables, tels
que l'Italie, l'Espagne, le Royaume-Uni et l'Allemagne, l'écart
entre la France et ces pays est relativement réduit. Ainsi, il
CONSEIL DES IMPÔTS
45
suffirait qu'elle revienne au taux de 33 1/3 pour ne plus se
singulariser parmi ces pays.
3. - L’imposition des plus-values
de cession d’actifs détenus
par les entreprises
L’imposition des plus-values de cession d’actifs réalisées
par les personnes morales relevant de l’IS s’opère en France
selon les modalités suivantes : un taux réduit de 19%
20
s’applique à la fraction du bénéfice qui provient de la cession
des titres de participation détenus depuis plus de deux ans
(régime spécial des plus-values à long terme) par des
entreprises soumises à l’IS détenant plus de 5% du capital de la
société dont elles cèdent les titres. Ce taux réduit implique la
dotation à la réserve spéciale des plus-values à long terme
21
. La
concession de licences d’exploitation de brevets fait l’objet
d’une même réduction. En revanche, les plus-values réalisées à
l’occasion de la cession d’autres éléments de l’actif immobilisé
quelle que soit la durée de détention, sont taxées au taux
normal d’IS. De même, il n’existe pas de taux réduit d’IS pour
les plus-values réinvesties dans l’entreprise, dites « plus-values
de remploi ».
Chez nos principaux partenaires, du fait de réformes
fiscales récentes :
- les plus values qui proviennent de la cession de titres de
participation peuvent faire l’objet d’une exonération totale
d’imposition ; c’est notamment le cas en Allemagne, au
Royaume-Uni, en Belgique et au Luxembourg ;
- les autres plus-values sont taxées au taux normal d’IS,
comme en France, mais ce dernier est, comme on l'a vu, moins
élevé chez la plupart de nos partenaires ;
20
Auquel s’ajoute la contribution additionnelle de 3%, soit un taux effectif de
19,57%
21
Lorsque ces sommes font l'objet d'une distribution, elles sont frappées par
un complément d'imposition de 14,3%.
CONSEIL DES IMPÔTS
46
- un taux réduit ou une exonération totale et / ou un
report sont prévus pour les plus-values réinvesties dans
l’entreprise ; la Suède et l’Italie sont, avec la France, les seuls
Etats de l’Union européenne à ne pas avoir de dispositif
spécifique pour limiter l’imposition ou exonérer les plus-values
de remploi.
4. - La taxe professionnelle
Les
difficultés
méthodologiques
de
tout
exercice
comparatif en matière de finances locales européennes sont
réelles. Il faut en effet prendre en compte les spécificités liées à
la répartition des compétences entre les différents niveaux
d’administration et à la plus ou moins grande autonomie fiscale
des collectivités territoriales.
Cependant, la taxe professionnelle française apparaît
singulière, lourde et complexe. Le Conseil des impôts rejoint à
cet égard le diagnostic effectué dans le rapport d'étape de la
Commission de réforme de la taxe professionnelle. Singulière,
parce que le choix des immobilisations comme seule assiette est
sans
équivalent
(Allemagne,
Portugal
et
Luxembourg
perçoivent un complément à l'IS, l'Italie retient la valeur
ajoutée). Lourde, car le rendement de l'impôt français apparaît
bien supérieur à celui observé dans des pays comparables, à
l'exception de l'Italie :
CONSEIL DES IMPÔTS
47
Tableau n°10 :
L’imposition locale des activités productives des
entreprises dans les autres pays de l’Union européenne
Etat
Assiette
Rendements
(Mds€)
Allemagne
Bénéfice fiscal ajusté
10,5 (2000)
Espagne
22
Tarif forfaitaire par nature
d’activité sur la superficie des
locaux professionnels
1,8 (2002)
Italie
23
Valeur ajoutée nette
22,18 (2000)
Luxembourg
Bénéfice économique
0,46
Portugal
Supplément à l’IS
0,29
France
Immobilisations
22,3
24
(2002)
Source : MINEFI (2003)
Ces données de rendement peuvent être complétées par
les résultats d'une analyse par cas-types, effectuée dans cinq
pays (Allemagne, France, Italie, Grande-Bretagne, Etats-Unis)
par la direction de la prévision et de l’analyse économique pour
le
compte
de
la
Commission
de
réforme
de
la
taxe
professionnelle. Selon cette analyse, les entreprises actives en
France supportent des prélèvements locaux comparables à ceux
observés en Italie, mais plus lourds que ceux observés en
Allemagne, Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis.
Tableau n°11 :
Poids des taxes locales dans 5 pays en % de la
valeur ajoutée
Taxes
locales
25
/
VA
Allemagne
R-U
Etats-Unis
Italie
France
Entreprises
bénéficiaires
2,6%
0,5%
1,4%
4,3%
2,6%
22
Le Parlement espagnol a adopté début 2003 un projet de loi portant
réforme du financement des communes. En application de ce texte, la TP
espagnole a été supprimée pour les entreprises dont le chiffre d’affaires
n’excède pas un 1M€. En revanche, la taxe a été alourdie pour les entreprises
dépassant ce seuil.
23
Des pistes de réforme de cet impôt sont à l’étude en Italie.
24
Il s’agit du montant budgétaire de la TP et non de ce qui est uniquement à
la charge des entreprises.
25
Taxe professionnelle et taxes foncières
CONSEIL DES IMPÔTS
48
Entreprises
déficitaires
0,6%
1%
0,6%
4,3%
3,7%
Source : DP, étude sur cas type pour la Commission de réforme de la
TP
Encore
faut-il
distinguer
selon
les
secteurs
:
très
naturellement, les entreprises des secteurs à forte intensité
capitalistique
apparaissent
particulièrement
pénalisées
en
France, alors que les entreprises du secteur tertiaire ne
paraissent pas désavantagées dans notre pays. De plus, il se
confirme
que
la
surimposition
observée
en
France
est
relativement réduite pour les entreprises bénéficiaires, mais très
significative en ce qui concerne les entreprises françaises
déficitaires.
Enfin, la complexité de cet impôt, (compte tenu du
plafond en fonction de la valeur ajoutée,
de l'existence d'une
cotisation minimale et des fortes disparités de taux selon les
territoires)
en
fait
sans
aucun
doute
un
élément
particulièrement peu lisible du système fiscal français.
5. - La taxe sur les salaires
La taxe sur les salaires constitue l’une des spécificités du
régime fiscal français du secteur financier. Elle a été introduite
en 1948 sous forme d'un versement forfaitaire qui, depuis la
généralisation de la TVA en 1968, n'est plus perçu sur les
employeurs soumis à la TVA sur 90% au moins de leur chiffre
d'affaires. Ceci visait à ne pas pénaliser les entreprises
exportatrices. On considère généralement qu'elle s'applique à
certaines entreprises en compensation du fait que celles-ci ne
relèvent pas du régime de TVA
26
.
La taxe sur les salaires constitue un enjeu pour les
secteurs de la banque et de l’assurance, qui en acquittent près
du quart du produit total, et qui sont plus exposés à la
26
En réalité, ceci n'est pas tout à fait exact, puisqu'elles restent soumises à la
TVA sur une partie de leur chiffre d'affaires qui peut être significative ; or, la
TVA n'est qu'en partie seulement récupérée, et selon certaines analyses, les
secteurs soumis à la taxe sur les salaires supportent précisément de fortes
rémanences de TVA.
CONSEIL DES IMPÔTS
49
concurrence internationale que les autres assujettis (activités
hospitalières et administration). Elle renchérit le coût de la
main-d'oeuvre française pour les banques et les assurances
actives en France.
De plus, le secteur financier est assujetti à d'autres
contributions
spécifiques :
la
taxe
sur
les
conventions
d’assurance (2,8 Mds€ en 2003), la taxe sur les excédents de
provisions assurances et l’impôt sur les opérations de bourse.
L'analyse doit s'étendre aux impôts supportés par les
détenteurs du capital des entreprises, notamment l'ISF et
l'imposition
des
plus-values
de
cession
des
personnes
physiques.
6. - L'ISF
A cet égard, un impôt sur la fortune n'existe plus que
dans 5 pays, où il est généralement moins lourd qu'en France
compte tenu des règles d'assiette et de plafonnement.
Tableau n°12 :
L’imposition sur la fortune dans les Etats de l’Union européenne en 2002
Etats
ISF
Principales caractéristiques de cet impôt
Allemagne
NON
Supprimé en 1995
Autriche
NON
Supprimé en 1993
Belgique
NON
Danemark
NON
Supprimé en 1997
Grèce
NON
Irlande
NON
Italie
NON
Portugal
NON
Royaume-
Uni
NON
Pays-Bas
?
Création, en contrepartie de la suppression de l’ISF en 2001, d’un impôt annuel de 30 % s’appliquant à un revenu forfaitaire
égal au moins à 4 % de la valeur de marché du patrimoine (à l’exception de la résidence principale, des forêts, des oeuvres
d’art, et, sous plafonds, de certains placements financiers, ainsi que des dividendes et plus-values de participations, imposés
séparément).
France
OUI
Taux maximum de 1,8% pour un patrimoine supérieur à 15 M€ ; plafonnement à 85 % du revenu imposable à l’IR, lui-même
plafonné dans certains cas à 50 % de l’ISF dû. Exonération des biens professionnels et des oeuvres d'art, abattement sur la
valeur de la résidence principale.
Espagne
OUI
Taux : de 0,2 % à 2,5 % (pour un patrimoine supérieur à 10 M€) ; plafonnement du cumul IR+ISF à 60 % du revenu
imposable à l’IR ; la réduction résultant du plafonnement ne peut toutefois excéder 80 % de l’impôt dû. La plupart des biens
meubles, les oeuvres d’art d’une valeur inférieure à certains seuils et les participations supérieures à 15 % dans des sociétés
non cotées sont exonérées.
Finlande
OUI
Droit fixe de 170 euros jusqu’à une base taxable de 187.000 euros, puis droit fixe + taux de 0,9 % ; plafonnement du cumul
IR+ISF à 70 % du revenu imposable à l’IR ; sont exonérés les meubles meublants, les effets personnels, les dépôts bancaires
et les obligations ; abattement de 70 % sur les entreprises individuelles et les participations supérieures à 10 % dans les
sociétés non cotées ou cotées à la bourse de Helsinki.
Luxembourg
OUI
Taux fixe de 0,5 %. Aucun plafonnement. Très peu d’exonérations, mais des abattements, notamment de 50 % sur les
entreprises individuelles et les parts de sociétés de personnes.
Suède
OUI
Taux fixe de 1,5 % à partir de 1.000.000 de SEK (environ 110 000 euros) pour une personne seule (1.500.000 pour un couple
marié) ; plafonnement du cumul ISF+IR à 60 % du revenu imposable ; exonération des titres non cotés, ainsi que des titres
cotés pour des participations supérieures à 25 % ; abattement de 20 % de la valeur au 31 décembre des valeurs mobilières
CONSEIL DES IMPÔTS
45
cotées.
Source : Dictionnaire permanent de gestion fiscale, hors-série 2003.
CONSEIL DES IMPÔTS
52
Bien qu'il soit le plus élevé en France (de l'ordre de 2,5
Md€), le rendement de l'impôt sur la fortune n'est pas
négligeable dans certains autres pays où il existe. Ainsi, il est de
1 187 M€ en Espagne (2001), de 987 M€ au Luxembourg
27
(1999), de 947 M€ en Suède (1999).
7. - L'imposition des plus-values
de cession réalisées
par les personnes physiques
On ne considère ici que les plus-values privées, c'est-à-
dire réalisées par des contribuables à titre personnel dans le
cadre de la gestion d’un patrimoine, et particulièrement celles
réalisées lors des cessions de valeurs mobilières et de droits
sociaux et soumises au taux proportionnel de 26% (16 %+ 2 %
de prélèvements sociaux + 7,5 % de CSG + 0,5 % de CRDS),
quelle que soit leur durée de détention.
Dans de nombreux pays (Allemagne, Benelux, Suisse), ces
plus-values ne sont pas imposées ; dans d'autres, elles le sont à
des taux inférieurs (12,5% en Italie, 20% en Espagne). En outre,
en France, l’absence de prise en compte de l’érosion monétaire
pour le calcul de ces plus-values peut conduire à faire
apparaître une plus-value taxable alors même qu'il n'y a aucune
plus-value réelle
28
.
27
Le cas du Luxembourg est en outre particulier puisque les personnes
morales sont imposables. Les personnes morales résidentes sont imposables
sur leur patrimoine net mondial tandis que celles qui sont non résidentes sont
taxables à raison de leur patrimoine luxembourgeois. Pour les premières,
l’impôt est assis sur le capital d’exploitation net : les éléments corporels ou
incorporels de l’actif immobilisé plus le fonds de roulement et les stocks
moins les dettes. Le taux de l’impôt est fixé à 0,5 % dans les deux cas.
28
Cela étant, il convient de souligner que les cessions de titres par des
dirigeants d’entreprises peuvent bénéficier de divers régimes de faveur ou
d’exonération, parmi lesquels :
- l’exonération des cessions de droits sociaux à l’intérieur d’un
groupe familial sous certaines conditions,
- le sursis d’imposition en cas d’échange de titres résultant
notamment d’une opération d’offre publique, d’une fusion, d’une scission,
d’une absorption ou d’un apport à une société soumise à l’IS,
CONSEIL DES IMPÔTS
53
De plus, la France est l’un des rares Etats de l’Union
européenne à appliquer un taux uniforme pour l’imposition des
plus-values. En effet, certains Etats distinguent différents types
de plus-values, selon deux critères : le caractère spéculatif de la
plus-value, apprécié notamment à l’aune de la durée de
détention des titres, d’une part ; le montant de participation, les
plus-values substantielles étant dans certains cas davantage
taxées, d’autre part.
C. - Les dispositions concourant
à réduire l'imposition
des assiettes mobiles en France
par rapport à d'autres pays
1. - Le régime d'amortissement
dans le calcul du bénéfice fiscal
des sociétés
D’une manière générale, le régime d’amortissement
français est assez largement considéré comme un instrument
d'incitation fiscale à l'investissement. Mais l’évaluation des
avantages est très difficile à chiffrer : en effet, à comportement
d’investissement
inchangé
pour
les
entreprises,
les
amortissements dérogatoires ne leur procurent en définitive
qu’un avantage de trésorerie. La seule mesure dérogatoire
chiffrée est l'amortissement dégressif, pour un montant réduit
et très fluctuant. Ainsi, il convient avant tout de comparer le
droit commun de l'amortissement dans les différents Etats et
non les mesures dérogatoires.
L'évaluation des avantages comparatifs du régime de
droit commun de l'amortissement en France par rapport aux
régimes étrangers n'est pas aisée. En effet, chaque régime
d'amortissement distingue, parfois de manière assez fine, selon
les catégories de biens, et selon des classifications qui ne se
- depuis la loi de finances pour 2004, l’exonération des plus-values
de cession des parts de jeunes entreprises innovantes (JEI) sous certaines
conditions.
CONSEIL DES IMPÔTS
54
recoupent que partiellement d'un pays à l'autre. Le tableau
suivant présente les données relatives aux biens d'équipement
de type outillage. Globalement, il semblerait que la France ait
un régime fiscal favorable, puisque le champ des biens éligibles
à l’amortissement dégressif est plus vaste, et que les taux
dégressifs utilisés sont plus élevés qu’à l’étranger.
Tableau n°13 :
Amortissement des acquisitions de machines-
outils
en Europe
Durée
Possibilité
d'amortisseme
nt dégressif
Taux maximum
légal
Allemagne
13-15 ans
Oui
20%
Autriche
5-10 ans
Non
10%
Belgique
3-10 ans
Oui
40%
Danemark
Nc
Oui
30%
Espagne
10
Non
10%
Finlande
Nc
Oui
25%
France
5-10 ans
Oui
Non
Grèce
5-10 ans
Oui
Non
Irlande
8 ans
Non
12,50%
Italie
8-10 ans
Non
12,50%
Luxembourg
5-10 ans
Oui
30%
Pays-Bas
5-10 ans
Oui
Non
Portugal
4-8 ans
Oui
Non
R.U.
Nc
Oui
25%
Suède
Nc
Oui
30%
Source : Conseil des impôts et Dictionnaire fiscal permanent
On observe que les durées fiscales retenues par les autres
pays se situent entre 5 et 10 ans, l'Allemagne retenant la durée
la plus longue (donc les possibilités d'amortissement rapide les
plus
réduites),
proche
de
la
durée
de
vie
réelle
des
équipements.
4
pays
ne
pratiquent
pas
l'amortissement
dégressif (Espagne, Irlande, Italie, Autriche). Dans la dizaine de
pays qui ont un amortissement dégressif, il existe généralement
un taux maximum légal. Ce taux, qui limite l'avantage consenti,
est dans la plupart des cas inférieur aux taux maximum que
l’on peut appliquer en France. Ainsi, en France, le jeu des
CONSEIL DES IMPÔTS
55
coefficients de dégressivité porte le taux d'amortissement à 33
1/3 x 1,25 = 41,66% pour une durée de 3 ans, à 20x1,75=35%
pour une durée de 5 ans, à 16,66 x 2,25=37,5% pour une durée
de 6 ans. Seuls la Belgique, les Pays-Bas et le Portugal
proposent des régimes aussi attrayants.
La Commission, qui s’est livrée à des estimations de taux
d’amortissement moyens, tentant de prendre en compte les
diversités
des
régimes
nationaux,
confirme
l'orientation
générale du tableau ci-dessus. Le régime français apparaît très
favorable, puisque le taux moyen est parmi les plus élevés (2°
place) pour les équipements et machines. La position française
en matière de brevets la classe dans la moyenne européenne.
Elle est en revanche moins favorable pour les amortissements
d’immeubles.
Si le chiffrage de l'avantage constitué par le régime
français d'amortissements est malaisé, sa logique est toutefois
particulièrement
adaptée
au
processus
décisionnel
de
l'entrepreneur.
En
effet,
celui-ci
ne
raisonne
pas
systématiquement
en
termes
de
rendement
final
de
l'investissement, comme le supposent les simulations de taux
effectif d'imposition. Ce rendement dépend en effet d'un grand
nombre de paramètres non maîtrisés, tels que la demande de
produit par les clients. Dans un tel contexte d'incertitude, la
possibilité de financer indirectement à court ou moyen terme
un investissement par une réduction d'impôts est appréciable.
Et même si l'amortissement plus rapide n'a qu'un effet de
trésorerie, celui-ci demeure avantageux à l'horizon de trois ou
cinq ans qui est celui de la décision économique.
2. - La déductibilité
des intérêts d’emprunt
En
France,
les
charges
financières
engagées
pour
l’acquisition de titres de participation dans des sociétés
résidentes ou non-résidentes sont déductibles sans limitation
sous réserve de la normalité des conditions d’emprunt et,
accessoirement,
de
l’application
des
règles
de
sous-
capitalisation (voir infra, p 156).
CONSEIL DES IMPÔTS
56
Cette possibilité constitue l’un des attraits du système
fiscal français. Cet avantage comparatif est, d'une certaine
manière, le symétrique du traitement relativement sévère des
plus-values de cession de titres de participation. Dans la
plupart des pays de l’OCDE, les intérêts d’un prêt accordé en
vue d’une acquisition ne sont pas déductibles du bénéfice
imposable, tandis que les plus-values de participation ne sont
pas taxées. En France, c’est le principe inverse qui prévaut : les
plus-values sont imposables, et les intérêts des emprunts
contractés sont déductibles.
La France est ainsi le pivot d'une forme d’optimisation
fiscale pour les multinationales, qui y localisent fréquemment
leurs dettes afférentes à de nouvelles acquisitions de sociétés
françaises ou étrangères.
3. - Le régime d'intégration
Le régime d’intégration fiscale, introduit en 1988, est
prévu par les articles 223A à 223Q du CGI. Il s’applique sur
option à tout groupe de sociétés françaises. Ce sont les sociétés
elles-mêmes qui déterminent le périmètre d’intégration : les
règles
fiscales
se
cantonnent
à
définir
un
périmètre
d’intégration maximal
29
.
Une fois son périmètre défini, c’est le groupe qui est
redevable de l’IS, et non les sociétés qui le constituent. L’assiette
de l’IS est alors égale à la somme algébrique des bénéfices (ou
déficits) réalisés par chacune des sociétés du groupe, avec des
retraitements spécifiques qui peuvent encore réduire cette
assiette. Le régime d'intégration assure donc la neutralité de la
fiscalité au regard des choix d'organisation du groupe, sous
29
Par définition, la société intégrante appartient au groupe fiscal, sous réserve
qu’elle ne soit pas elle-même détenue à plus de 95% par une personne morale
redevable de l’IS. Ses filiales détenues à plus de 95% sont intégrées dans le
groupe. Une fois une filiale intégrée, elle est considérée comme faisant partie
du groupe à part entière. Les filiales détenues à plus de 95% par des sociétés
faisant partie du groupe sont elles aussi intégrées au groupe, mais le régime
ne permet pas l’intégration fiscale de certaines filiales détenues indirectement
à plus de 95%. Le périmètre d’intégration est révisable annuellement.
CONSEIL DES IMPÔTS
57
réserve que la société mère, tête de groupe, soit bien détentrice
de la quasi-totalité du capital de ses filiales.
On peut faire plusieurs constats tendant à illustrer le
caractère favorable de ce régime. D'une part, son succès : en
2001, le nombre d’entreprises appartenant à une intégration
fiscale est d'environ 48 700 dont 13 377 têtes de groupe. En 1991,
quelques années seulement après l'introduction du régime, on
comptait seulement 5 092 sociétés-mères et 12 526 filiales
intégrées. Le régime s'est donc très nettement diffusé.
L'analyse montre par ailleurs que le seuil de participation
élevé dans les filiales (95%) n'est guère une réelle contrainte.
Une simulation a été réalisée par l’INSEE pour estimer le
nombre de sociétés qui pouvaient en principe bénéficier de
l’intégration fiscale, et leur importance en termes économiques.
Elle révèle que les groupes fiscalement intégrés représentent
77% des groupes potentiellement intégrables : le régime
d’intégration fiscale tel qu’il existe actuellement semble donc
convenir à une grande majorité des groupes de sociétés
30
. Le
pourcentage de détention de 95% actuellement retenu semble
donc réaliser un bon arbitrage entre les deux objectifs
poursuivis par l’intégration fiscale : celui de proposer un
mécanisme adapté aux groupes réellement présents sur le
territoire, et celui de ne pas créer de situation qui serait
dommageable aux actionnaires minoritaires et pourrait créer
une rupture de l’égalité devant l’impôt.
Les éléments de comparaison internationale suggèrent
que le régime d'intégration français est avantageux par rapport
aux régimes des autres pays. Comme en France, ce régime est
dans tous les cas (sauf au Danemark) réservé aux filiales
nationales. Mais ces régimes présentent assez souvent des
contraintes plus fortes qu'en droit français, par exemple la
nécessité de respecter un engagement sur plusieurs années à
périmètre constant. Ils n'offrent par ailleurs pas les possibilités
30
Ainsi, le seuil d’intégration de 95% semble adapté à la réalité économique :
un taux de 100% serait trop fort, et priverait le régime de 44% de ses
bénéficiaires potentiels. Le passage à 90%, et même à 70%, n’apporterait pas
de changement majeur en termes économiques (seulement 1,5% d’effectifs
salariés et 0,2% d’EBE supplémentaires).
CONSEIL DES IMPÔTS
58
de neutralisation des opérations en groupe aussi étendues qu'en
France.
Tableau n°14 :
Quelques régimes d'intégration en Europe
Pays
Principales différences avec le régime français
Allemagne
(Organschaf
t)
Signature d'un contrat de 5 ans entre les sociétés du
groupe
Espagne
Les sociétés mères et filiales ne doivent pas être des
sociétés inactives, ou patrimoniales, ou faisant l'objet
d'un redressement fiscal. Les fonds propres des
sociétés ne doivent pas être inférieurs à la moitié du
capital social
Danemark
Nécessité de détention à 100%. Le déficit
correspondant à l'acquisition d'une filiale du groupe
n'est pas compensable avec les profits de la filiale
acquise
Luxembour
g
Autorisation administrative pour 5 ans minimum. Les
plus-values de cession internes sans contrepartie sont
taxées à l'IS de droit commun
Royaume-
Uni (Group
relief)
Accord de l'administration fiscale. Uniquement
possibilité de transferts des pertes dues aux
amortissements.
Portugal
La consolidation des pertes et profits ne peut conduire
à un résultat imposable inférieur de plus de 35% au
résultat imposable en l'absence de consolidation
Source : Dictionnaire fiscal permanent (2003)
Surtout, c'est la combinaison de ce régime et de la
possibilité de déduire les frais d'acquisition qui rend très
attractif le système fiscal français applicable à des acquisitions
de sociétés. A titre d'illustration, le régime espagnol ne
concerne pour l'année 2002 que 363 groupes fiscaux (soit 15 fois
moins qu'en France) correspondant à 3 879 filiales (source :
DLF).
CONSEIL DES IMPÔTS
59
4. - Le régime du bénéfice
consolidé
Deux régimes particuliers d'imposition des bénéfices
constituent une exception au principe de territorialité français
31
,
en permettant une compensation des bénéfices et des pertes des
filiales au niveau mondial : il s’agit du régime du bénéfice
mondial
32
et du régime du bénéfice consolidé. Ce dernier est
prévu par l’article 209 quinquies du CGI, précisé par un
décret
33
et commenté par plusieurs instructions.
Ce
régime
est
accordé
uniquement
par
agrément
discrétionnaire
34
du Ministre, initialement pour cinq ans et
renouvelable par période de trois ans. Il permet à une
entreprise française d’être imposée sur la somme algébrique des
bénéfices réalisés par ses exploitations directes
35
et indirectes
dans le monde entier. Seules les filiales détenues à 50% au
moins sont concernées. Les impôts déjà acquittés à l’étranger
forment des crédits d’impôt, au prorata de la participation de la
société agréée dans les filiales étrangères. Ils sont ensuite
imputables sur le montant d’IS consolidé.
Seules huit entreprises sont actuellement concernées par
ce régime : la plus ancienne en bénéficie depuis 1966, deux
nouvelles entreprises pourraient y être admises en 2004.
Un tableau présenté en annexe 5 résume les gains
procurés par le régime du bénéfice consolidé pour l’ensemble
des sociétés concernées. Les montants d’IS payés apparaissent
faibles au regard des avantages consentis aux entreprises
36
. Sur
31
Ce régime sera détaillé infra.
32
Il n’est pas nécessaire de décrire le fonctionnement du régime du bénéfice
mondial : en théorie, ce régime existe toujours, mais il est tombé en désuétude
depuis plus de 20 ans. Sa dernière mise en application remonte à 1979. On se
bornera donc à exposer le régime du bénéfice consolidé.
33
n° 97-1227 du 26/12/1997, JO du 28/12/1997.
34
Après avis du comité des investissements à caractère économique et social,
cf. CGI Annexe II article 130.
35
ie. établissements stables : succursales, bureaux, comptoirs, usines etc…
n’ayant pas de personnalité juridique et distincte.
36
Le détail de l'avantage octroyé aux entreprises est donné en annexe 5.
CONSEIL DES IMPÔTS
60
la période 1998-2001, l'IS payé a été de 1 Md€ ; en l'absence du
régime consolidé, il aurait été de 2 Md€, auquels se seraient
ajoutés 2,3 Md€ de précompte mobilier. La suppression du
précompte mobilier va comparativement réduire l'avantage lié
au régime consolidé.
Ce régime a été mis en place dans l’intention de favoriser
les
grandes
entreprises
françaises
qui
réalisent
des
investissements importants à l’étranger, pour lesquelles il est
effectivement attractif. En effet, une implantation hors de
France n’est que rarement rentable immédiatement : les filiales
étrangères des sociétés agréées dégagent dans un premier
temps des pertes, que ce régime permet de compenser
partiellement avec les résultats positifs dégagés en France. Lors
du retour sur investissement, les filiales étrangères deviennent
bénéficiaires. C’est à ce moment que le régime peut s’avérer
moins intéressant pour les sociétés agréées, car il leur impose
de payer la différence entre l’IS supporté à l’étranger et celui
calculé au taux français, généralement supérieur. Cela explique
la désaffection récente pour le bénéfice consolidé de quelques
très grands groupes qui pourraient ne pas solliciter le
renouvellement de l’agrément.
Ce dispositif s’inscrit dans le cadre de la concurrence
fiscale de manière très spécifique : en effet, la procédure
d’agrément discrétionnaire est très sélective, et très peu de
groupes sont concernés. Il n'est pas destiné à favoriser
l'implantation en France d'activités nouvelles par des groupes
internationaux étrangers. En revanche, il est probable que ce
régime encourage quelques très grandes sociétés françaises à ne
pas délocaliser certaines activités à l’étranger. En effet, une
attention toute particulière est portée à la structure de l’emploi
dans le groupe lors de l'examen de sa demande d’agrément.
S'agissant de la fiscalité des personnes physiques, un
nouveau régime concourant à réduire l'imposition en France
impliquant des entreprises peut être mentionné, celui des
impatriés :
CONSEIL DES IMPÔTS
61
5. - Le nouveau régime
des impatriés
La France a mis en place fin 2003 un régime spécial
d’imposition des "impatriés" : on désigne ainsi les cadres
étrangers que leur entreprise expatrie de leur pays d'origine
vers la France.
Cette mesure avait été réclamée dans de nombreux
rapports depuis 2001
37
. A l’appui de cette demande est
fréquemment avancé le fait qu’un tel régime existe, sous une
forme ou une autre, chez la plupart de nos partenaires. Le
raisonnement qui légitime généralement un régime spécifique
en direction des impatriés part du modèle implicite, qui reste à
expertiser,
selon
lequel
ces
personnes
sont
des
cadres
dirigeants. Dès lors, leur présence en France a un caractère
stratégique, puisqu’elle est le plus souvent liée à l’implantation
d’activités jugées elles-mêmes stratégiques -- comme les
quartiers généraux, les centres de décision et la finance ; en
outre, ces personnes peuvent aisément comparer les avantages
et les inconvénients existant entre les fiscalités des différents
pays.
La mesure mise en place permet aux impatriés de déduire
de leur revenu imposable le surcroît de rémunération perçu du
fait de l'expatriation
38
et certaines cotisations sociales. Elle place
désormais la France parmi les pays les plus attractifs au regard
de la fiscalité des impatriés, avec la Belgique, les Pays-Bas et la
Grande-Bretagne, tout au moins pour un revenu brut inférieur
37
Par exemple, le rapport précité du député Michel Charzat ; plus récemment
par le rapport du député Sébastien Huyghe sur l'attractivité du territoire pour
les sièges sociaux des grands groupes internationaux (2003)
38
CGI Art. 81 B. - I. - Les salariés et les personnes mentionnées aux 1°, 2° et 3°
du b de l'article 80 ter appelés par une entreprise établie dans un autre Etat à
occuper un emploi dans une entreprise établie en France pendant une période
limitée ne sont pas soumis à l'impôt à raison des éléments de leur
rémunération directement liés à cette situation. Cette disposition s'applique
jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de leur prise de
fonctions et à la condition que les personnes concernées n'aient pas été
fiscalement domiciliées en France au cours des dix années civiles précédant
celle de cette prise de fonctions.
CONSEIL DES IMPÔTS
62
à 100 000 euros. L'avantage du régime français se réduit en
revanche pour un revenu brut supérieur à 200 000 euros.
Le régime belge est particulièrement attractif : les cadres
non-résidents exerçant leur activité en Belgique bénéficient
d’un double avantage fiscal :
- d’une
part,
l’exonération
du
remboursement,
par
l’employeur,
des
frais
initiaux
et
répétitifs
liés
à
l’expatriation (déménagement, logement, enseignement,
etc.) par référence, dans le cas des dépenses répétitives,
aux coûts supportés dans le pays d’origine ;
- d’autre part, l’exonération d'une partie du salaire perçu
proportionnellement
au
nombre
de
voyages
professionnels effectués en dehors de la Belgique
39
.
D. - Les caractéristiques dont l'effet
sur le niveau d'imposition comparé
de la France est incertain
1. - La territorialité de l'imposition
des bénéfices
L’IS frappe les bénéfices "réalisés dans les entreprises
exploitées en France ainsi que ceux dont l’imposition est
attribuée à la France par une convention internationale relative
aux doubles impositions" (art 209 CGI).
S'agissant des filiales, dotées de la personnalité morale, le
régime français n'est pas une exception : leur bénéfice est taxé
dans le pays de résidence de la filiale dans tous les systèmes
fiscaux, et leurs pertes ne sont pas davantage consolidées avec
celles de la société-mère. La singularité du régime français
concerne donc les succursales, qui n'ont pas la personnalité
39
Ce régime résulte de la circulaire du 8 août 1983, qui interprète dans un
sens large les dispositions du code des impôts sur le revenu belge :
l’article 31 du CIR exonère les traitements obtenus en remboursement de
dépenses propres à l’employeur ;
l’article 228, paragraphe 1er, du CIR dispose que les non-résidents ne sont
imposés en Belgique qu’à hauteur des revenus qu’ils y ont tiré de leur activité.
CONSEIL DES IMPÔTS
63
morale : dans la plupart des pays, les bénéfices et les pertes des
succursales étrangères sont réintégrés dans le bénéfice de la
société mère qui n'est pas considérée comme une entité
distincte. La France fait donc figure d’exception en n'imposant
pas les bénéfices des succursales étrangères.
Cependant,
l'impact
de
ce
régime
sur
le
niveau
d'imposition des entreprises est tout à la fois ambigu et
modeste. D'une part, les entreprises optent dans plus de 90%
des cas pour une organisation en filiales et non en succursales,
une
activité
significative
sur
un
territoire
nécessitant
rapidement de disposer de la personnalité morale (seul le
secteur bancaire international est organisé massivement en
succursales).
D'autre part, les modalités d’application (notamment les
possibilités d'abandons de créances vis-à-vis des filiales) et les
conventions fiscales bilatérales atténuent dans certains Etats la
portée du principe de territorialité mondiale. La remontée des
pertes des succursales étrangères ne s’effectue en Belgique, au
Luxembourg et aux Pays-Bas qu’après compensation avec les
bénéfices étrangers. En Allemagne, seules les pertes résultant de
certaines activités étrangères qualifiées de réelles (fabrication
ou vente de biens, exploitation de ressources minérales,
prestations de services autres que les locations ou les services
CONSEIL DES IMPÔTS
64
touristiques) sont imputables sur les résultats du siège
allemand
40
.
Par ailleurs, du fait du taux comparativement élevé de l'IS
français, le régime s'avère plutôt favorable pour les entreprises
françaises disposant de succursales bénéficiaires (ces bénéfices
étant imposés au taux local, généralement inférieur). En
contrepartie, il ne permet pas d'imputer des pertes de
succursales à l'étranger sur des bénéfices réalisés en France. Dès
lors, le régime français est avantageux dans certains cas,
défavorable dans d'autres.
Dans ces conditions, l'impact de ce régime en termes de
concurrence fiscale est vraisemblablement réduit dans le cas
général et n'est sensible que dans certaines configurations.
Cependant, du point de vue de l'Etat, ce régime peut s'avérer
plus défavorable pour l'appréhension de la base fiscale. En
effet, la France pratiquant un taux d'IS élevé, le système
fonctionne comme une incitation à pratiquer l'optimisation
fiscale au bénéfice de succursales situées à l'étranger. Cette
possibilité qui est offerte dans tous les régimes aux entreprises
disposant de filiales (puisque celles-ci sont toujours imposées
selon la règle du pays de résidence) s'étend en France aux
succursales.
40
D'autres dispositions pourraient être mentionnées : un crédit d’impôt est
accordé dans la plupart des cas pour éliminer la double imposition. C’est le
cas en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Espagne, en Finlande, en
Grèce, en Italie, au Portugal, au Royaume-Uni et en Suède. Il est calculé en
général par pays et limité à la fraction de l’impôt sur les sociétés
correspondant aux bénéfices étrangers. La Belgique accordait un crédit égal à
75 % de l’impôt belge sur les sociétés portant sur les bénéfices étrangers quel
que soit le niveau de l’imposition étrangère. Ce dispositif est supprimé depuis
le 1er janvier dernier. Désormais, les bénéfices des succursales étrangères
diminués, le cas échéant, des impôts étrangers y afférents sont soumis à
l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun. Les Pays-Bas
exonèrent les bénéfices en proportion de l’importance des revenus étrangers
dans les revenus totaux des sociétés néerlandaises. Les bénéfices en
provenance d’une succursale située à l’étranger dont l’activité principale
consiste en des placements financiers bénéficient d’un crédit d’impôt plafonné
à la moitié de l’impôt néerlandais afférent à ces revenus. Par ailleurs, l’Irlande
(de plein droit), l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède (sur option)
admettent en charges déductibles le montant de l’impôt étranger payé par les
succursales étrangères.
CONSEIL DES IMPÔTS
65
2. - La territorialité
de l'imposition des dividendes :
le régime mère-filiale
Le régime des sociétés mère et filiale (RSMF)
41
s’applique
sur option à toute société mère soumise à l’IS au taux normal
dès lors qu’elle détient au moins 5% de ses filiales. Tous les
produits versés à la mère par sa filiale française ou étrangère
sont exonérés d’IS, sauf une quote-part de frais et charges. Ce
régime est considéré, sans doute à tort, comme une dépense
fiscale que l’administration évalue à 7,1 Mds€ en 2002, 7,8 Mds€
en 2003 et 7,8 Mds€ en 2004. Le nombre de bénéficiaires du
régime est d’environ 25 700 entreprises. Il ne s’agit en réalité
que d’un moyen d’éviter la double imposition des revenus qui
remontent de la filiale à sa société mère. C’est bien dans cet
esprit qu’a été adoptée la directive européenne
42
dont le RSMF
est l’application.
La quote-part pour frais et charges est appliquée en vertu
du principe selon lequel un revenu exonéré est toujours net : la
réintégration d'une telle quote-part dans le bénéfice est censée
représenter les charges que la société mère supporte pour
percevoir les dividendes de sa filiale. Initialement de 5%, cette
quote-part avait été supprimée en 1993 puis fixée à 2,5% en
1999, et restaurée à 5% en 2000
43
. La quote-part représentait une
recette de 640 M€ en 2000.
Pour apprécier la compétitivité du régime fiscal français
des dividendes mères-filiales, il faut évaluer l'effet combiné de
41
Prévu par les articles 145, 146 et 216 du CGI.
42
Directive n° 90/435/CEE du 23/07/1990, JOCE L225 du 20/08/1990
43
La suppression de 1993 était liée à l’abaissement du taux d’IS, qui
conduisait mécaniquement à ce que le régime de droit commun d’imposition
des dividendes devienne plus favorable que le régime des sociétés mères et
filles. Du fait des contributions additionnelles intervenues depuis, la
réintroduction de la quote-part de frais et charges a laissé le régime mère et
fille plus favorable que le régime de droit commun. Il faut préciser que le
montant de la quote-part sera mécaniquement diminué par la réforme du
régime des distributions intervenu en LFR 2003, la suppression de l’avoir
fiscal ayant pour conséquence de diminuer la base de calcul de la quote-part
de frais et charges.
CONSEIL DES IMPÔTS
66
plusieurs éléments : le montant de l’exonération, l'effet de la
nationalité de la filiale, les conditions de participation et de
durée de détention pour bénéficier du régime.
Ces données sont présentées dans un tableau fourni en
annexe 6 pour les 15 Etats de l’Union européenne. Il apparaît
que le régime fiscal des dividendes mères-filiales fait la plupart
du temps l’objet d’une exonération à 100%. Le régime français
peut dès lors paraître peu avantageux au regard de ce seul
critère.
Cependant,
certains
Etats
introduisent
une
discrimination entre les sociétés résidentes ou implantées au
sein de l’UE, qui bénéficient d’un régime plus favorable, et les
autres ; d'autres instaurent une condition de détention plus
contraignante que la France (avec un seuil de participation bien
supérieur à 5%). La France ne pratique pas une telle
discrimination entre les sociétés, ce qui peut compenser, vis-à-
vis de certains pays, l'existence de l’imposition d'une quote-
part.
Toutefois, l’Allemagne, l’Autriche, la Grèce, l’Irlande, la
Norvège
ne
posent
aucune
condition
de
hauteur
de
participation ni de durée de détention pour l’accès au régime
mère-fille et exonèrent à 100% les dividendes reçus. Le régime
français est incontestablement moins avantageux que celui de
ces pays ; par rapport aux autres pays, le diagnostic est plus
nuancé.
Il convient en outre de relever que la France pratique un
régime d'exonération des dividendes provenant de filiales
étrangères qui remontent à la société-mère, plus favorable que
le
régime
d'imputation
(dans
lequel
un
complément
d'imposition correspondant à la différence entre le taux
supporté dans le pays de résidence de la filiale et celui pratiqué
dans le pays de résidence de la mère), en vigueur notamment
en Grande-Bretagne.
CONSEIL DES IMPÔTS
67
3. - Les implantations spécialisées
: holdings, quartiers généraux,
centres de logistique
Les grands groupes internationaux ont des implantations
spécialisées,
qui
sont
généralement
considérées
comme
stratégiques pour les pays qui les accueillent, en raison des
effets d’agglomération qu’ils induisent et de leur contenu en
emplois très qualifiés. Elles bénéficient donc souvent de
dispositions fiscales dérogatoires. Le positionnement de la
France à cet égard ne peut être qualifié sans une étude
approfondie.
Il convient d’abord de préciser les contours de ces
différentes activités et les enjeux qui s’y attachent, selon la
définition qu'en donne le CGI français.
Le quartier général
est
une entité qui dépend d’un groupe international contrôlé
depuis la France ou l’étranger, et qui exerce au seul profit de ce
groupe des fonctions de direction, de gestion, de coordination
ou de contrôle.
Un centre logistique
est également défini selon
les prestations qu’il réalise pour les autres entités de l’ensemble
: ses activités doivent revêtir pour l’essentiel un caractère
préparatoire ou auxiliaire et ne pas constituer des fonctions
directement productives. Il s’agit principalement des fonctions
de
stockage,
de
conditionnement,
d’étiquetage
et
de
distribution de produit et des activités administratives liées à
ces fonctions. Une
holding
est une société chargée de détenir et
de gérer les participations d'un groupe de sociétés. En
revanche, la notion de siège social n'est pas une notion fiscale,
mais juridique : c'est le lieu du domicile légal de la société. Il
peut aussi bien concentrer les fonctions de holding et de
quartier général, ou n'être une simple boîte aux lettres.
Pour chacune de ces fonctions, une évaluation du
positionnement relatif de la France au plan fiscal peut être
proposée :
-S’agissant des holdings
. Il n’existe pas de régime fiscal
spécifique des holdings, mais la localisation de ces dernières est
influencée notamment par les conditions de la gestion des titres
de participation. A cet égard, la fiscalité des plus-values de
CONSEIL DES IMPÔTS
68
cession de titres et le niveau du taux de l’IS pénalisent les
holdings situées en France (voir supra). D'autres pays, en
particulier le Luxembourg, proposent une fiscalité des holdings
et des sociétés de financement bien plus attrayante.
Cependant,
une
holding
française
est
un
relais
fréquemment utilisé par les entreprises pour les acquisitions de
sociétés, du fait de la déductibilité des intérêts d'emprunt. En
outre, si la holding exerce aussi des fonctions de quartier
général, elle bénéficie des avantages accordés à ces dernières
fonctions. Au total, l'effet de la fiscalité française sur une
holding dépend du type d'activité de celle-ci.
-S’agissant des quartiers généraux.
On trouve un régime
fiscal spécifique aux quartiers généraux, dans la plupart des 15
Etats de l’Union européenne à l’exception de l’Italie
44
. La
France se trouvait à cet égard en situation très favorable,
puisqu'elle a dû, à la demande de la Commission, revenir en
août 2003 sur certaines modalités accessoires du régime, jugées
incompatibles avec le marché commun. Il convient d’ailleurs de
relever
que
l'instruction
qui
régit
la
fiscalité
de
ces
implantations accorde aux salariés des quartiers généraux et
des centres logistiques, non domiciliés en France et dont la
durée d’emploi n’excède pas 6 ans, des conditions d’imposition
avantageuses. Toutefois, le régime belge est plus avantageux
encore.
-S'agissant des centres de recherche et développement
: ils
constituent un cas particulier des quartiers généraux et des
centres
de
logistique.
Les
activités
de
recherche
et
développement bénéficient du système de crédit d'impôt,
récemment étendu. Déjà jugé favorable par le Conseil des
44
Selon une note DGI / DLF (2003), « l’examen comparatif des régimes
d’imposition des quartiers généraux dans onze Etats européens permet de
constater une certaine homogénéité. Une très large majorité d’Etats a adopté
un système d’imposition forfaitaire. Le bénéfice forfaitaire est égal à un
pourcentage de tout ou partie des dépenses d’exploitation du quartier général
(Belgique, Espagne, Irlande, Pays-Bas et Royaume-Uni). Il varie entre 5% et
15%. (…) Les Etats qui assujettissent les quartiers généraux à l’impôt, quelle
qu’en soit la méthode, appliquent les barèmes ou les taux d’imposition
applicables aux personnes morales ou, le cas échéant, le taux prévu pour les
établissements stables ».
CONSEIL DES IMPÔTS
69
impôts dans son XXIème rapport, le nouveau régime est
considéré comme l'un des plus attractifs, il est d'ailleurs depuis
peu mis en question par la Commission.
S'agissant enfin des éléments de fiscalité des personnes
physiques pouvant avoir des conséquences sur la localisation
des bases imposables de l'entreprise, les droits de succession et
l'imposition des hauts revenus ne font pas apparaître de
singularité française marquée, même si la France n'apparaît pas
comme le pays offrant le plus d’avantages.
4. - Les droits de mutation
Les droits de mutation à acquitter lors de la transmission
d'une entreprise peuvent être l'un des paramètres pris en
compte par les détenteurs de sociétés pour leur localisation, non
pas tant lors du choix de leur implantation initiale mais
lorsqu'ils souhaitent préparer leur succession ou céder leur
entreprise.
De nombreuses mesures ont été prises dans la période
récente qui permettent de réduire l'impôt acquitté lors de la
mutation d'une entreprise, tant à titre onéreux qu'à titre
gratuit
45
.
Ainsi, la donation en pleine propriété d’une entreprise
effectuée
dans
le
cadre
d’un
engagement
collectif
de
conservation de titres est exonérée à 75 % des droits de
mutation à titre gratuit et, ce, jusqu’au 30 juin 2005, quel que
soit l’âge du donateur. A titre d’illustration
46
, la donation en
45
A titre d'exemple, depuis le 1
er
janvier 2004, l’article 726-III du CGI prévoit,
pour la liquidation du droit de 4,80% (ramené à cette valeur en 2000 alors qu'il
était auparavant de 11%) exigible lors de cessions de parts sociales dans les
sociétés dont le capital n’est pas divisé en actions, l’application sur la valeur
de chaque part sociale d’une société qui n’est pas à prépondérance
immobilière, d’un abattement égal au rapport entre la somme de 23 000 € et le
nombre total de parts sociales de la société.
46
Cf. l’adaptation en fonction des évolutions intervenues en LFI pour 2004
des données du MINEFI reproduites dans le rapport de Gilles Carrez au nom
de la commission spéciale de l’Assemblée nationale sur les articles fiscaux du
projet de loi pour l’initiative économique, rapport de l’Assemblée nationale n°
572, tome II,
XII
ème
législature.
CONSEIL DES IMPÔTS
70
ligne directe, en pleine propriété, d’une entreprise d’une valeur
de 3 M€ subirait ainsi en 2004 une imposition au taux effectif de
7 %. Ce taux serait porté à 9% pour une entreprise d'une valeur
de 15 M€ et à 10% pour une entreprise de 1 Md€. A ce régime
de faveur s’ajoutent les possibilités de paiement différé ou
fractionné
bénéficiant
de
taux
d’intérêt
particulièrement
avantageux au regard des taux usuels de financement
47
.
Au total, et compte tenu de ces mesures récentes qui
semblent rencontrer un certain succès, la fiscalité française
applicable aux transmissions d'entreprises préparées ne paraît
pas excessive. Les cas de successions obligeant les héritiers à
vendre tout ou partie de l'entreprise pour acquitter les droits de
succession sont réduits ; une confusion est parfois faite à ce
sujet avec les cas, nombreux, où une cession totale où partielle
est effectuée afin de verser leur part aux différents héritiers
48
.
C'est alors le Code civil et la nécessité d'un partage entre
héritiers qui conduit à la cession de l'entreprise, et non le
système fiscal.
Malgré
cela,
lorsqu'il
s'agit
de
la
transmission
d'entreprises d'une certaine importance, les droits de mutation
apparaissent considérables (1,4 M€ pour la transmission d'une
entreprise de 15 M€) et semblent plus élevés que dans plusieurs
pays voisins.
47
Le paiement des droits dus à raison des transmissions d’entreprise par
succession ou par donation peut être différé pendant cinq ans, à compter de la
date d’exigibilité des droits puis fractionné sur dix ans en vingt versements à
intervalle de six mois.
48
En revanche, la fiscalité des transmissions non préparées peut être très
pénalisante. Toutefois, un acteur capable de mettre en concurrence différents
systèmes fiscaux pour choisir sa localisation dans la perspective de sa
succession est à l'évidence dans une perspective de succession préparée ; le
caractère défavorable des successions non préparées n'entre donc guère dans
le champ des mécanismes réels de la concurrence fiscale.
CONSEIL DES IMPÔTS
71
Tableau n°15 :
L’imposition de la transmission d’une entreprise
d’une valeur de 15 millions d’euros dans certains pays
européens
Allemagn
e
GB
Italie
Belgique
49
Espagne
Coût fiscal
total
1,5 M€
0
0
0,5 M€
0,1 M€
Patrimoine
net
transmis
13,5 M€
15 M€
15 M€
14,5 M€ €
14,9 M€
Taux global
d'impositio
n
10,2%
0%
0%
3%
0,7%
Exemple d’un couple marié sous le régime légal avec deux enfants
majeurs dont le patrimoine de 15 M€ est composé exclusivement de
biens professionnels (société non cotée). Au jour du décès, le conjoint
survivant a 62 ans. Application du régime de faveur prévu en matière
de transmission d’entreprise selon le pays de résidence en l’absence
de préparation de la succession et de dispositions testamentaires
Source : Commission des finances du Sénat, 2002
Il convient en effet de rappeler que la quasi-totalité des
pays
de
l’Union
européenne
ont
des
taux
marginaux
d’imposition des successions et des donations en ligne directe
plus faibles que la France et que tous les pays européens où les
taux marginaux des droits de mutation à titre gratuit sont
49
Il convient de noter que la succession serait totalement exonérée de droits
en Flandre.
CONSEIL DES IMPÔTS
72
supérieurs à 25 % disposent de régimes de faveur en matière de
donations et / ou de transmission d’entreprise
50
.
Cela étant, une étude comparative effectuée en 2002 pour
la commission des finances du Sénat
51
montre que la France est
l'un des rares pays européens étudiés où la transmission d’une
entreprise en « purge » les plus-values latentes, avec l’Espagne
et le Royaume-Uni. En outre, en France, cet avantage s'étend au
cas des donations.
50
- L’Italie a supprimé les droits de mutation à titre gratuit à compter
du 25 octobre 2001 ;
- les taux marginaux des droits de mutation à titre gratuit en ligne directe sont
de 0 % à 11 % au Luxembourg (selon la présence ou non de testament et, pour
les successions entre époux, la présence ou non de descendance), de 15 % en
Autriche et au Danemark, de 16 % en Finlande ; de 20 % en Grèce et en
Irlande, de 24 % au Portugal, de 27 % aux Pays-Bas, de 27 % à 30 % selon les
Communautés en Belgique, de 30 % en Allemagne et en Suède, de 40 % au
Royaume-Uni et de 40,8 % en Espagne en principe (taux modulable par les
Communautés), contre 40 % en France ;
- le Royaume-Uni exonère les donations en l’absence de décès du donateur
dans les sept ans, et accorde des exonérations partielles pour les donations en
cas de décès du donateur entre trois et sept ans après la donation. De même,
la Belgique exonère les donations en l’absence de décès dans les trois ans ;
- et certains pays consentent des exonérations importantes sur les actifs
professionnels, comme l’Allemagne (abattement de 60 % sous condition
d’exploitation pendant cinq années après la transmission), la Belgique
(imposition à 0 % ou à 3 % selon les Communautés), l’Espagne (abattement de
95 % pour les entreprises individuelles et des participations de plus de 15 %
dans des sociétés commerciales, sous conditions, notamment, de maintien de
l’entreprise pendant dix ans), l’Irlande (abattement de 90 % pour les
entreprises individuelles et les participations substantielles dans des sociétés
non cotées, sous condition de détention deux ans avant et six ans après le fait
générateur), les Pays-Bas (abattement de 25 % pour les entreprises
individuelles et les participations supérieures à 5 % conservées pendant au
moins cinq ans), le Royaume-Uni (abattement de 100 % pour les entreprises
individuelles et les participations de plus de 25 % dans des sociétés non cotées
détenues depuis plus de deux ans et abattement de 50 % dans les
participations de moins de 25 % dans des sociétés non cotées ou assurant le
contrôle de sociétés cotées), la Suède (évaluation des actions à 75 % de leur
valeur pour les sociétés cotées et à 30 % de leur valeur pour les sociétés non
cotées).
51
Cf.
Philippe Marini, «
Successions et donations : des mutations
nécessaires
», rapport d’information du Sénat n°65, 2002-2003.
CONSEIL DES IMPÔTS
73
Au total, la France ne se singularise pas par un taux
d’imposition
effectif
des
transmissions
d’entreprises
particulièrement élevé, pour autant qu'elles aient pu être
préparées.
5. - L'imposition des hauts
revenus et des "stock-options"
5.1. Le point de vue des salariés
Le rapport précité de l'Inspection générale des finances
"L'Entreprise et l'Hexagone" (2000) s'appuyait sur les données
suivantes :
Tableau n°16 :
Imposition d'un contribuable célibataire au revenu
brut annuel de 183 000 euros (2000)
En k€
Fr
All
US
RU
Belgique
P-B
Coût total employeur
(1)
262
193
190
203
247
208
Cotisations patronales
(2)
79
10
7
22
64
25
Revenu brut
(3) = (1)-(2)
183
183
183
183
183
183
Cotisations salariales (4)
33
10
7
4
25
3
Revenu net
(5) = (3) - (4)
150
173
176
179
158
180
Impôt sur le revenu (6)
60
88
63
63
81
99
Il apparaît que la France est le pays où l'impôt sur le
revenu acquitté est le moins élevé. Dans le cas d'un
contribuable marié avec deux enfants, l'avantage relatif du
système fiscal français pour le contribuable est plus important
encore. La seule prise en considération du taux marginal de la
tranche supérieure, sans tenir compte des abattements de 10%
et 20%, conduit souvent à une appréciation erronée du poids de
l'impôt sur le revenu en France. Dans un contexte de
concurrence fiscale, le maintien de taux apparemment élevés et
d'un
mécanisme
d'abattement
est
pénalisant
en
termes
d'affichage.
CONSEIL DES IMPÔTS
74
En outre, il est rappelé que ces calculs ne prennent pas en
compte la possibilité de bénéficier d'un éventail d'avantages
fiscaux dont le Conseil des impôts a déjà montré qu'ils étaient
plus étendus que dans la plupart des autres pays. L'imposition
des revenus apparaît donc plutôt moins lourde en France que
dans les pays comparables.
Toutefois, certains salariés à hauts revenus seraient
sensibles non seulement à l'imposition des revenus, mais aussi
au niveau des cotisations sociales salariales. Le rapport Lavenir
précité calculait ainsi un taux de prélèvement global en
proportion du salaire brut, et montrait que ce taux était plus
élevé, pour des hauts salaires, que dans des pays comparables à
la France.
Tout
en
reconnaissant
que
ces
cotisations
sociales
financent des prestations sociales, ce rapport concluait que ces
prestations peuvent ne pas être prises en considération par
certains profils particulièrement mobiles tels que les jeunes
cadres supérieurs célibataires et sans enfant.
5.2. Le point de vue de l'entreprise
Si l'on se place du point de vue d'une entreprise étrangère
choisissant la localisation d'une activité impliquant l'embauche
de nombreux salariés, le total des prélèvements sociaux exerce
un effet dissuasif, du fait du poids sans équivalent des
cotisations
salariales
patronales.
Ce
phénomène
est
particulièrement prononcé s'il s'agit de salariés dont les
rémunérations
sont
élevées,
les
cotisations
n'étant
que
partiellement plafonnées.
5.3. La fiscalité des stock-options
Par ailleurs, le débat sur la fiscalité des stock-options a été
largement traité par les réformes déjà effectuées (loi du 28 avril
2000) et ne fait plus apparaître de handicap de la France, bien
au contraire. Au terme d'une revue des systèmes étrangers, on
CONSEIL DES IMPÔTS
75
peut conclure
52
que le traitement fiscal proposé désormais en
France est dans la moyenne des pays de l'OCDE, et qu'il est
dans notre pays particulièrement avantageux par rapport à
celui des salaires. En outre, l'intérêt pour ce type de
rémunération, très important à la fin des années 1990 du fait de
l'appréciation du cours des actions, s'est depuis lors quelque
peu estompé.
E. - Les autres caractéristiques
de la fiscalité pouvant influer
sur les choix des acteurs
Les règles de taux et d'assiette ne sont pas les seules
caractéristiques
des
systèmes
d'imposition
susceptibles
d'influer sur les choix de localisation des acteurs. La clarté, la
stabilité de la norme fiscale, ainsi que la qualité du dialogue
avec l'administration fiscale peuvent jouer un rôle significatif.
1. - Clarté et stabilité
de la norme fiscale
Les comparaisons internationales en matière de stabilité
de la norme fiscale sont malaisées. On peut toutefois penser à la
lumière notamment de quelques exemples étrangers, que la
situation en France est perfectible.
Le XXème rapport du Conseil des impôts, qui était
consacré aux relations entre les contribuables et l'administration
fiscale, a traité des principaux enjeux attachés à la stabilité et à
la clarté de la norme fiscale. Il a relevé que la norme fiscale
française est caractérisée par une grande complexité et une
certaine obscurité, alors que certains Etats comme le Royaume-
Uni ont entrepris une refonte de la rédaction de leur loi fiscale,
que d'autres comme l'Italie ont encadré par une loi les
conditions de rédaction de loi fiscale censées garantir sa qualité
(loi du 27 juillet 2000). Par ailleurs, le Conseil avait jugé
excessive l'instabilité qui caractérise certaines dispositions
52
S.Guimbert et J.C. Viallat, "La fiscalité des stock-options : une perspective
internationale", Economie et Statistique n°344, 2001
CONSEIL DES IMPÔTS
76
fiscales, parfois modifiées chaque année. Il s'avère qu'elles
touchent particulièrement les entreprises, puisqu'il s'agit du
régime des groupes de sociétés, du crédit d'impôt recherche et
du régime des stock-options. Enfin, la rétroactivité de la loi
fiscale était jugée excessive.
La possibilité d'un accord préalable de l'administration
sur le traitement fiscal d'une opération est un facteur de sécurité
juridique important pour les contribuables, notamment pour les
entreprises qui recourent parfois à des montages complexes. A
cet égard, certains pays (Etats-Unis, Pays-Bas) pratiquent le
rescrit ou l'accord préalable de manière beaucoup plus
développée qu'en France. Les possibilités ouvertes en France à
cet égard par la loi sont peu utilisées, pour des raisons
culturelles
partagées
par
l'administration
et
par
les
contribuables.
2. - Qualité de l'administration
de l’impôt
La nature et la qualité des relations entre l'administration
fiscale et les contribuables peuvent être un élément pris en
compte dans les décisions de localisation des bases imposables.
L'administration fiscale française a entrepris une mutation
saluée par le Conseil des impôts dans son XXème rapport. Elle
s’est traduite par la mise en place et le suivi d'indicateurs de
qualité de service, et par des réformes organisationnelles
destinées
à
faciliter
les
démarches
des
contribuables,
notamment celles des entreprises, telles que la mise en place de
l'interlocuteur fiscal unique. Il s'agit d'un élément très positif de
modernisation du dialogue entre l’Etat et les entreprises ; la
France ne faisant cependant que tempérer un niveau de
complexité du système fiscal rarement atteint dans les autres
pays.
Par ailleurs, il est évident que la plus ou moins grande
rigueur du contrôle fiscal peut constituer une forme d'avantage
comparatif pour la localisation des assiettes mobiles. Un pays
pratiquant en apparence une fiscalité lourde, mais sans se
CONSEIL DES IMPÔTS
77
donner les moyens d'en faire respecter les dispositions, est dans
les faits comparable à un pays à fiscalité plus faible.
En
termes
purement
quantitatifs,
les
éléments
de
comparaison disponibles suggèrent que le nombre d'entreprises
par agent réalisant le contrôle fiscal externe se situe, en France,
dans la moyenne. Ce constat est fait sous réserve de la
comparabilité des données (le poids des micro-entreprises
n'étant pas le même dans les différents pays), et en l'absence
d'informations détaillées sur le type de vérification opérée. On
ne peut donc a priori conclure à une pression du contrôle fiscal
plus importante en France du fait d'effectifs plus importants.
Tableau n°17 :
Effectifs comparés du contrôle fiscal
Pays
Effectif dédié au
contrôle fiscal
externe
Nombre
d'entreprise
s
Nombre
d'entreprises
par agent
réalisant le
contrôle fiscal
externe
Allemagne
17 258
6 486 000
375
Canada
4 500
3 500 000
777
Espagne
4 219
1 925 800
456
France
5 366
3 400 000
633
Irlande
720
300 000
417
Italie
11 052
5 000 000
452
Japon
10 748
2 820 000
262
Pays-Bas
2 400
810 600
338
Royaume-Uni
3 357
1 600 000
477
Suède
1 215
800 000
658
Moyenne
619
Source : analyse comparative du contrôle fiscal dans 10 pays, DGI,
2001
Toutefois,
ceci
ne
renseigne
pas
sur
d'éventuelles
disparités des pratiques. Peu d'éléments sont disponibles à cet
égard, les Etats ne faisant pas de publicité sur leur éventuel
laxisme dans le contrôle fiscal.
CONSEIL DES IMPÔTS
78
F. - Synthèse de la comparaison
des dispositions fiscales
S'agissant des entreprises, il est particulièrement délicat
de tirer des conclusions d'ensemble à partir de la comparaison
de dispositions fiscales isolées. Dans la plupart des pays, les
systèmes fiscaux présentent des aspects contrastés, certains
alourdissant l'imposition par rapport à d'autres Etats, d'autres
la réduisant. En outre, dans de nombreux cas, un petit nombre
de pays offrent des dispositions qui paraissent nettement plus
favorables que les autres ; cependant, ces pays ne sont pas
toujours les mêmes. Qu'il existe dans chaque domaine des
dispositions plus favorables ailleurs ne permet pas pour autant
une comparaison globale. De plus, certaines dispositions ne
concernent que certains types d'entreprises, certains secteurs,
certaines opérations, de sorte que les observations générales
sont fondées en fait sur une moyenne de situations diverses qui
ne renvoie à aucune réalité d'ensemble. Enfin, il conviendrait de
pondérer les disparités observées par leur poids économique
réel : les écarts sur les caractéristiques fondamentales du
système de prélèvements ont de manière évidente plus
d'impact que les autres : on pense à l'IS, à l'imposition locale des
entreprises, aux cotisations sociales.
Le système fiscal français d'imposition des entreprises
présente ainsi des aspects attractifs : le régime d'amortissement,
le régime de déductibilité des intérêts d'emprunt, le régime
d'intégration fiscale. Il présente aussi des aspects moins
avantageux : le taux nominal de l'IS, l'imposition des plus-
values de cession de titres détenus par les entreprises, la taxe
professionnelle. Le caractère avantageux ou non de l'ensemble
par rapport à ce qui serait observé dans un autre pays dépend
du secteur d'activité et des opérations réalisées par chaque
entreprise.
S'agissant des personnes physiques, la France n'est pas
dans une position défavorable en matière d'impôt sur le revenu,
même s'il demeure toujours possible de trouver dans certains
autres Etats de meilleures conditions. En revanche, l'existence et
les caractéristiques de l'ISF, ainsi que l'imposition des plus-
values de cession des parts d'entreprise détenues par des
CONSEIL DES IMPÔTS
79
personnes physiques, ne sont pas favorables aux détenteurs de
patrimoine.
Comme cela a été dit, la juxtaposition des comparaisons
terme à terme de systèmes fiscaux nationaux ne permet guère
d'appréhender la pression fiscale d'ensemble qui s'exerce sur les
entreprises.
Il
convient
donc
à
présent
d'examiner
les
indicateurs construits à cet effet.
CONSEIL DES IMPÔTS
81
II. - L
A PRESSION FISCALE GLOBALE
SUR LES ENTREPRISES
Plusieurs indicateurs tentent d'appréhender la pression
fiscale globale sur les entreprises. Ils ont déjà été présentés pour
tenter de caractériser l'évolution dans le temps de cette pression
fiscale au niveau agrégé. Mais leur utilisation pour comparer les
niveaux d'imposition requiert des précautions méthodologiques
supplémentaires.
A. - Les taux implicites d'imposition
des entreprises
On rappelle que le taux implicite d'imposition est le
quotient, calculé a posteriori, entre un ou plusieurs impôts
payés par les entreprises et un indicateur de revenu avant
impôt tel que l'excédent net d'exploitation. Ce taux a l'avantage
de tenir compte non seulement des effets combinés de l'assiette
et du taux nominal, mais aussi de toutes les possibilités
d'optimisation offertes aux entreprises Il présente en revanche
l'inconvénient d'être très sensible aux spécifications comptables,
ce qui le rend peu fiable pour la comparaison entre pays. Il ne
cherche pas à prévoir le comportement futur des acteurs.
1. - Le poids du seul IS français
apparaît relativement modéré
Le produit de l'IS est parfois rapporté au PIB dans une
approche comparative. Or, ce produit intérieur brut est la
somme des valeurs ajoutées, alors que l'IS ne pèse pas sur la
valeur ajoutée d'une entreprise, mais sur son profit : il est par
conséquent plus pertinent de rapporter l'IS à l'excédent net
d'exploitation (ENE).
Au regard de cet indicateur, la position de la France est
médiane dans l'Union européenne, alors que son taux légal d'IS
CONSEIL DES IMPÔTS
82
est parmi les plus élevés
53
. Ainsi, les recettes de l'IS
représentent 20% de l'excédent net d'exploitation, contre 26,3%
en Suède, où le taux légal de l'IS n'est que de 28%. Ce contraste
pourrait s'expliquer par l'étroitesse de l'assiette de l'IS en
France, comme on le verra dans la suite.
Au regard de l'indicateur IS/ENE, la pression fiscale
serait restée relativement plus basse en France que dans les
autres pays européens au cours de huit dernières années.
L'indicateur IS/ENE reste relativement fragile du fait
notamment de sa volatilité. Pour ce qui concerne la France, il
montre un accroissement constant de la pression fiscale sur les
sociétés non-financières de 1996 à 2001. La baisse observée en
2002 pourrait s'expliquer par celle du taux légal d'IS
54
, passé de
36,43% en 2001 à 35,43% en 2002. Dans la période récente, la
position de la France est restée relativement stable et
compétitive par rapport aux autres pays considérés.
Ces données sont confirmées par une étude de la
Commission (Nicodème, 2001), fondée sur le rapport IS/EBE,
qui situe l'IS français dans la moyenne basse en terme de
pression globale.
Il semble donc que les effets d'assiette permettent à la
France de compenser son taux nominal comparativement plus
élevé, s'agissant du seul IS.
2. - Les taux implicites globaux
Le taux implicite global rapporte tous les impôts payés
par les entreprises à une mesure de leur revenu, le plus souvent
l'excédent net d'exploitation. Le tableau ci-dessous fournit les
valeurs des taux implicites micro-économiques, calculés sur
l'ensemble des sociétés non financières à partir des comptes
nationaux.
Compte
tenu
des
problèmes
de
cohérence
53
Source DP, détail des calculs en annexe 8
54
Incluant l'ensemble des contributions additionnelles.
CONSEIL DES IMPÔTS
83
temporelle et de volatilité attachés aux taux implicites
55
, il a
paru nécessaire de lisser les résultats obtenus sur trois ans.
Tableau n°18 :
Taux implicites macro-économiques d'imposition
des entreprises, 1995-2001
1995-97 1996-98 1997-99 1998-00 1999-01
France
8,4
11,0
11,7
12,6
13,6
Allemagne
20,2
22,1
20,4
17,5
13,0
Autriche
5,6
6,0
5,9
6,0
6,9
Belgique
8,7
10,3
9,9
10,3
10,1
Danemark
13,5
13,0
13,0
14,3
13,9
Espagne
7,7
8,5
9,2
8,7
7,7
Finlande
6,1
7,2
8,3
11,7
12,7
Grèce
5,7
6,3
8,1
9,8
9,9
Italie
14,8
16,1
16,3
16,4
16,0
Pays-Bas
9,2
9,8
9,4
9,2
8,9
Portugal
5,3
6,1
6,9
7,4
7,6
Royaume-Uni
5,1
8,3
12,4
13,4
13,8
Moyenne
9,2
10,4
11,0
11,4
11,2
Source :
Commission européenne, Schmidt-Faber, 2003
La France, qui se situait dans la moyenne en 1995, s'en est
écartée pour se rapprocher des pays où le taux implicite
d'imposition est le plus élevé (Allemagne, Italie, Royaume-Uni).
On remarque cependant que l'écart avec la moyenne demeure
réduit, et que le taux observé en France demeure analogue à
celui observé dans les autres grands pays d'Europe.
Cependant, ces analyses sont extrêmement fragiles. En
effet, comme cela a été dit, les calculs de taux implicites sont
très sensibles aux spécifications comptables, et sont affectés par
les effets de la conjoncture. Des calculs faisant intervenir des
données micro-économiques et divers retraitements conduisent
à des résultats différents.
55
En effet, certains impôts acquittés sont assis sur le résultat de l’exercice
précédent. Surtout, des déficits peuvent être reportés d’une période sur
l’autre. L’évolution du taux implicite peut, dès lors, ne pas refléter celle de la
charge fiscale : une baisse de ce taux peut ainsi traduire une hausse des
bénéfices ou du report des déficits.
CONSEIL DES IMPÔTS
84
Tableau n°19 :
Rang de la France selon différents calculs
de taux apparents
Rang de la France parmi un
échantillon de 11 pays d'Europe
(celui qui est au 1
er
rang a le taux
implicite le plus élevé). Moyenne
1998-2000
Comptes nationaux
8
ème
Base de données réelles
d'entreprise
56
4
ème
Base de données réelles
d'entreprises, retraitements
comptables analogues à ceux
opérés par les comptes
nationaux
6
ème
Source :
Schmidt-Faber (2003)
Les écarts de classement selon les méthodes retenues sont
importants et ne font d'ailleurs pas apparaître au total une
mauvaise position de la France. Le mauvais classement constaté
à une certaine date et selon une certaine méthode est donc
largement dénué de pertinence.
Le rapport d'étape de la Commission de réforme de la
taxe professionnelle a fourni d'autres données, qui reposent sur
une démarche spécifique : il s'agit de calculer le rapport de la
charge fiscale mesurée par la somme de l'IS et des impositions
locales sur l'entreprise, sur la valeur ajoutée qu'elle dégage, à
partir d'une étude sur cas types d'entreprises dans cinq pays
(France, Italie, Allemagne, Grande-Bretagne, Etats-Unis). Les
résultats sont rappelés dans le tableau suivant.
56
Il s'agit de la base BACH de la Commission européenne évoquée ci-dessus
CONSEIL DES IMPÔTS
85
Tableau n°20 :
Rapport de la charge fiscale globale sur la valeur
ajoutée dans 5 pays, étude sur cas types
Allemagn
e
Royaume-
Uni
Etats-
Unis
Italie
France
Entreprises bénéficiaires
IS / VA
5,3%
6,3%
6,7%
6,2%
6,6%
Taxes locales / VA
2,6%
0,5%
1,4%
4,3%
2,6%
Charge fiscale globale /
VA
7,9%
6,8%
8,2%
10,6%
9,2%
Entreprises déficitaires
IS / VA
0,2%
0,2%
0,2%
0,3%
0,2%
Taxes locales / VA
0,6%
1%
0,6%
4,3%
3,7%
Charge fiscale globale /
VA
0,8%
1,2%
0,8%
4,6%
3,8%
Source :
Direction de la prévision et de l’analyse économique pour la
Commission de réforme de la taxe professionnelle
Du fait du poids des taxes locales, la France et l'Italie
taxent davantage les entreprises que les trois autres pays de
l'échantillon.
Relativement
faible
pour
les
entreprises
bénéficiaires, l'écart est très net pour les entreprises déficitaires.
B. - L'assiette de l'IS apparaît
relativement étroite en France
Le rapport entre taux effectif et taux nominal de l'IS peut
être considéré comme un indicateur de largeur d'assiette : plus
il est faible, plus les règles d'assiette peuvent être considérées
comme avantageuses pour l'entreprise. Ce calcul peut être
réalisé en considérant le taux effectif moyen ou le taux effectif
dit marginal. Dans les deux cas, cet indice de réduction
d'assiette apparaît plus faible en France, en Belgique et au
Portugal que dans les autres pays. Le détail des calculs est
donné en annexe 9.
Cette assiette relativement étroite en France résulte des
dispositions favorables en matière de déductibilité des intérêts
d'emprunt relatifs à l'acquisition de participations, et surtout
d'amortissements. Elle compense dans une certaine mesure le
fait que le taux nominal soit plus élevé en France.
CONSEIL DES IMPÔTS
86
C. - Les taux effectifs d'imposition
Ce sont des calculs de taux effectifs d'imposition limités à
l'IS qui ont été utilisés pour évaluer les différences d'assiette. Il
existe d'autres évaluations, limitées ou non à l'IS, qu'il convient
de préciser maintenant.
Selon Devereux
57
(2004), si l'on ne tient compte que de
l'imposition sur les bénéfices des entreprises, la France occupe
une position médiane en termes de taux marginaux effectifs au
sein de 19 pays parmi ceux de l'OCDE, devançant les Etats-
Unis, le Japon, les Pays-Bas, l'Allemagne. En 2003, son taux
marginal effectif (22%) serait supérieur d’un point à la moyenne
(21%).
Cependant, ce résultat est déformé en faveur de la France
puisque les calculs agrègent, pour certains pays (notamment
l'Allemagne), un impôt local assis sur les bénéfices des
entreprises, alors qu'ils ne prennent pas en compte la taxe
professionnelle pour la France.
Si l'on s'en tient à l'IS seul en ne tenant pas compte des
impôts locaux assis ou non sur les bénéfices, la position de la
France est confirmée par des études de la direction de la
prévision et de l’analyse économique
58
, selon lesquelles elle se
classe au 3
ème
ou 4
ème
rang sur un panel de 12 pays d'Europe au
regard du taux marginal effectif. Elle a très significativement
amélioré son rang depuis 1998 (11
ème
sur 15, classement cité
notamment dans le rapport précité du Conseil d'analyse
économique de 2003). Ce résultat tend à confirmer celui obtenu
au regard des taux implicites selon lequel le poids de l'IS seul,
compte tenu des effets d'assiette et de taux, est relativement
modéré en France.
57
Réalisé par une entreprise du secteur manufacturier, l'investissement
marginal consiste en l'achat de matériel et est financé par émission d'actions
ou autofinancement ; le taux de dépréciation économique du matériel est fixé
à 12,25%, l'inflation à 3,5% et le taux d'intérêt réel à 10%.
58
L'investissement de référence réalisé par une entreprise du secteur
manufacturier consiste en l'achat de matériel (à 50%), de bâtiments (à 28%), de
stocks (à 22%) ; le taux de dépréciation économique du matériel est fixé à
12,25%, celui du bâtiment à 3,61%, l'inflation à 2% et le taux d'intérêt réel à
5%.
CONSEIL DES IMPÔTS
87
En
revanche,
selon
les
analyses
menées
par
la
Commission (La fiscalité des entreprises dans le marché
intérieur, 2001), qui intègrent la plupart des impositions, et
notamment la taxe professionnelle française, la position de la
France est en réalité beaucoup moins favorable. S'agissant des
taux
effectifs
marginaux
comme
des
taux
moyens,
la
Commission européenne a classé la France en dernière position
en 2001 au sein de l'Europe à 15. Certes, les résultats sont très
dépendants du type de bien financé et du mode de financement
; les taux présentés constituent soit des cas particuliers dont la
représentativité n'est pas établie, soit des moyennes de
plusieurs cas-types. Toutefois, la Commission présente une
série de données suggérant que le classement défavorable de la
France n'est pas affecté par la modification de ces hypothèses.
Ce
résultat
est
particulièrement
préoccupant
puisque
l'entreprise est en principe attentive à l'intégralité de sa charge
fiscale
59
.
Néanmoins, les calculs de taux effectifs ne prennent pas
en compte les possibilités d'optimisation des entreprises, ni la
possibilité de bénéficier de certains mécanismes dérogatoires.
Ils présentent donc un caractère purement théorique qui ne
tient pas compte des pratiques réelles
60
. Leur pertinence pour
décrire les choix d'une multinationale sélectionnant un projet
d'investissement, et disposant de facultés d'optimisation, n'est
donc pas assurée.
Précisément, il est rappelé que le calcul des taux
implicites, fondés sur la charge fiscale effectivement acquittée
compte tenu de l'optimisation, place au contraire la France en
59
Certains calculs de taux effectifs ont également été réalisés en tenant
compte de l'imposition des personnes. Comme cela a été dit, cette donnée ne
paraît pas pertinente pour les choix d'implantation des entreprises, qui, dans
un contexte d'accès à un marché mondial des capitaux, ne se préoccupent pas
de maximiser le revenu après impôt des différents actionnaires selon leur
nationalité.
60
Un seul exemple en donnera la mesure : l'étude de la Commission contient
une annexe où les calculs ont été refaits en prenant en compte, pour chaque
pays, une dérogation fiscale incitative à l'investissement choisie par le pays
lui-même. La France a retenu un mécanisme de crédit d'impôt accordé dans la
région Nord-Pas-de-Calais. Les résultats sont alors inversés, la France
affichant alors un taux effectif d'imposition parmi les plus faibles (3
ème
sur 15).
CONSEIL DES IMPÔTS
88
position médiane, lorsque le calcul est fait sur un échantillon de
30
000
entreprises
parmi
les
plus
importantes,
actives
notamment dans le secteur manufacturier, et donc les acteurs
les plus probables de la concurrence fiscale. Cet écart entre les
enseignements du taux implicite microéconomique et ceux du
taux effectif suggèrent qu'une optimisation particulièrement
marquée permet aux entreprises de ramener en pratique vers la
moyenne une charge fiscale théoriquement plus élevée.
D. - Aspects sectoriels
Les différents secteurs d'activité ne sont pas tous soumis à
la même pression fiscale du fait de l'existence d'impôts
spécifiques à certains secteurs, de l'assiette de certains impôts,
de la nature des dispositions incitatives. Dès lors, une
comparaison de la pression fiscale d'un pays à l'autre devrait
prendre en compte ces variations sectorielles pour être
véritablement pertinente. Un tel exercice a été réalisé en ne
tenant compte que de l'IS, mais apparaît trop complexe pour
être effectué à l'échelle de l'ensemble du système fiscal.
1. - Les taux implicites de l'IS
par secteurs
L'étude précitée utilisant des données micro-économiques
de
la
base
BACH
(Nicodème,
2001)
recueillies
par
la
Commission, permet de préciser le poids relatif, selon les pays,
de l'IS seul dans les différents secteurs. L'IS français se situe à
un niveau intermédiaire pour les secteurs du commerce, de la
construction, de l’industrie manufacturière et des services. Il
semble par ailleurs inférieur à la moyenne européenne pour les
secteurs de l’énergie et du transport.
CONSEIL DES IMPÔTS
89
L’utilisation des fichiers administratifs développés et
maintenus par l’I.N.S.E.E. permet l’étude fine de la structure en
France du système d’imposition des entreprises
61
.
L’analyse sectorielle confirme les principaux résultats
mentionnés ci-dessus. L’énergie et le transport semblent bien
bénéficier d’une faible pression de l’IS ; l’industrie automobile
et les services aux particuliers également. A l’opposé, le
commerce et les industries des biens de consommation et des
biens d’équipement sont les plus lourdement imposés sur leurs
bénéfices, du fait de leur moindre accès à des règles
d'amortissement favorables.
2. - Les taux implicites globaux
par secteurs
Il n'existe pas d'étude comparative de la pression fiscale
globale qui distingue de manière fine entre les secteurs
d'activité. Cependant, un aperçu du cas français permet de
montrer que les comparaisons faites tous secteurs confondus
masquent vraisemblablement de fortes disparités.
Selon les calculs effectués à partir des montants acquittés
non seulement en impôt sur les sociétés, mais aussi en taxe
professionnelle,
les
entreprises
industrielles
semblent
pénalisées par rapport aux entreprises de services. Parmi les
entreprises industrielles, le secteur du transport se situe à un
niveau intermédiaire de pression fiscale, les secteurs de
l’industrie des biens d’équipement et des biens intermédiaires à
un niveau plus élevé, le secteur de l'énergie et celui de
l'automobile apparaissent favorisés
62
. Ces résultats reflètent le
poids variable de la taxe professionnelle selon que les secteurs
nécessitent ou non d’importantes immobilisations.
61
En effet, les comptes sociaux des entreprises implantées en France et
imposées selon le régime des bénéfices réels normaux (BRN) sont recensés de
manière exhaustive. Les fichiers BRN permettent dès lors de dresser des
typologies fiscales robustes en fonction de l’appartenance sectorielle ou de la
taille des entreprises.
62
Le détail des calculs est donné en annexe.
CONSEIL DES IMPÔTS
90
On rappelle par ailleurs que les sociétés financières
supportent une pression fiscale spécifique en France, qui les
place au total dans une position plutôt défavorable. Selon une
étude de la direction de la prévision (2001), la charge fiscale
exprimée en part de la valeur ajoutée est, dans ce secteur,
nettement plus élevée que dans le reste de l'économie (23%
contre 13%).
Ces disparités sectorielles peuvent aussi avoir pour
origine des différences dans la taille des entreprises selon les
secteurs considérés. Ceux-ci sont en effet plus ou moins
concentrés : l’industrie et les services le sont par exemple
davantage que le commerce et la construction. Les effets de
concentration peuvent en outre être démultipliés par l'accès
éventuel des quelques très grandes entreprises du secteur au
régime du bénéfice consolidé ; le faible taux observé dans le
secteur de l'énergie en constitue une illustration. En outre, la
volatilité extrême des données suggère que l'interprétation des
écarts entre secteurs pour une année donnée est sujette à
caution. Enfin, la pression fiscale implicite dépend de la
profitabilité des secteurs. Au total, ces écarts sont à interpréter
avec les plus grandes précautions.
Il n'en reste pas moins que l'ampleur de ces écarts
sectoriels confirme les limites d'une approche comparative de la
pression
fiscale
subie
par
les
entreprises
tous
secteurs
confondus d'un pays à l'autre : raisonner sur des moyennes
risque de masquer les écarts d'un secteur à l'autre.
CONSEIL DES IMPÔTS
91
E. - Tableau d'ensemble
1. - Le jugement sur la place
de la France dans la concurrence
fiscale peut difficilement
être formulé de manière globale
De
grosses
difficultés
de
méthode
empêchent
la
formulation de conclusions définitives et générales. En premier
lieu, soit l'analyse se concentre sur la comparaison de
dispositions fiscales isolées, et s'avère impuissante à agréger ces
observations éparses en un classement global, faute de pouvoir
pondérer les différents facteurs. Soit elle construit au contraire
des indicateurs agrégés, mais ceux-ci renvoient alors à une
situation moyenne qui masque des réalités très différentes. Il
faut ainsi distinguer selon les entreprises et le type de décisions
qu'elles sont amenées à prendre, et dès lors prendre aussi en
compte les autres paramètres que la fiscalité pouvant peser sur
ces décisions.
Ensuite, les écarts constatés sur certains indicateurs selon
qu'ils incorporent ou non les possibilités d'optimisation des
entreprises suggèrent qu'il n'est pas suffisant de comparer
uniquement les critères d'implantation, et en particulier les
systèmes fiscaux, au seul plan national, pour se prononcer sur
l'attractivité de tel ou tel pays, mais que les interactions entre
les
dispositions
fiscales
au
niveau
international,
et
les
possibilités
qu'elles
offrent
de
minorer
l'impôt,
peuvent
infléchir les choix.
En second lieu, la question du référentiel de comparaison
est primordiale. La France doit-elle être comparée aux pays
offrant les meilleures conditions fiscales, ou seulement à la
moyenne ? Le périmètre de comparaison doit-il être l'OCDE,
l'UE à 15, voire à 25 pays, ou les grands pays au sein de ces
ensembles, ou encore les pays voisins géographiquement ? En
effet, si la décision considérée est la création d'une nouvelle
implantation occupant une position géographique centrale, ou
concerne le choix de la localisation d'une holding dont l'objet
essentiel sera de gérer des participations, les pays auxquels il
CONSEIL DES IMPÔTS
92
serait pertinent de comparer la France ne sont évidemment pas
les mêmes.
La réponse à ces questions, qui sont liées entre elles, est
inséparable d'une analyse plus approfondie des déterminants
de la localisation des activités d'une part (c'est la question de
l'attractivité du territoire), et des bases imposables d’autre part
(il s'agit là des possibilités d'optimisation fiscale). Il importe
également de mieux appréhender leur mobilité réelle, des écarts
de fiscalité toutes choses égales par ailleurs ne pouvant avoir un
effet que si les bases imposables sont réellement mobiles.
Ainsi, les écarts de fiscalité identifiés ici ne sont pas, par
eux-mêmes, des handicaps ou des avantages, parce qu'il ne
peuvent être analysés indépendamment de l'ensemble du
système fiscal et des prestations qu'il finance. A ce stade, le
jugement sur le positionnement de la France parmi les pays
taxant le plus certaines assiettes mobiles n'emporte aucune
conséquence sur la localisation effective des activités et des
bases d'imposition. Ces points font l'objet des développements
suivants et ce n'est qu'après un détour par l'examen des
logiques réelles d'implantation et d'optimisation qu'il sera
possible de formuler un diagnostic sur le rôle de la fiscalité
française.
2. - La singularité française est
plus marquée sur les taux
nominaux
que pour l'imposition globale
Plusieurs indicateurs montrent que la France est parmi les
pays qui taxent le plus les entreprises, mais ces résultats ne sont
guère robustes :
- La France apparaît ainsi au rang le moins favorable en
Europe en matière de taux nominaux, avec le taux le plus élevé
(2004). Mais cette dernière place ne doit pas occulter le fait que
l'écart réel reste mesuré avec les autres grands pays d'Europe. En
outre, la France offre des conditions d'assiette relativement
favorables dans l'ensemble, bien que dépendant beaucoup des
opérations effectuées et des secteurs concernés, de sorte que le
CONSEIL DES IMPÔTS
93
taux implicite de l'IS seul (constaté ex-post), comme le taux
effectif d'imposition des seuls bénéfices (simulé sur un cas-type
d'investissement) ne sont en réalité pas particulièrement élevés.
- Si l'on se réfère à l'imposition globale, mesurée par le taux
implicite calculé sur les données de l'ensemble des entreprises du
secteur non financier en comptabilité nationale, la France fait
partie des pays où cet indicateur était le plus élevé en 2002, date
des dernières comparaisons établies. Le niveau français reste
toutefois très proche de celui constaté dans les autres grands pays
de l'Union. Mais la France affiche une dégradation récente de sa
position par rapport à la moyenne. Toutefois, ce résultat est très
fragile : d'autres approches du taux implicite d'imposition
fondées sur des données micro-économiques, peut-être plus
pertinentes au regard des acteurs de la concurrence fiscale,
accordent au contraire une place médiane à la France.
- La France se trouve parmi les derniers pays du classement
en matière de taux effectif, tous impôts confondus (d'après les
impôts qui seraient supportés en théorie lors d'un investissement
fictif, y compris la taxe professionnelle pour la France, et selon
une étude de la Commission), mais ce résultat théorique ne tient
pas compte de l'optimisation fiscale, qui, comme on le verra, est
une
donnée
majeure
des
processus
d'investissement
internationaux.
Si les indicateurs purement fiscaux ne conduisent pas à
un diagnostic très tranché, il reste que la prise en compte des
cotisations sociales entraînerait une nette dégradation de la
position de la France.
S'agissant des éléments de l'imposition des personnes
physiques qui peuvent avoir un effet en matière de concurrence
fiscale, on rappelle que la France ne pratique pas, après les
mesures de baisse successives, un taux d'imposition des
tranches marginales supérieures particulièrement élevé. Elle ne
peut toutefois présenter un taux aussi favorable que certains
pays. Elle applique par ailleurs une imposition du patrimoine
parmi les plus lourdes.
CONSEIL DES IMPÔTS
94
PARTIE II : L'EFFET DE LA FISCALITÉ
SUR LA LOCALISATION DES
ACTIVITÉS
Le présent rapport entend montrer que la concurrence
fiscale a d'autres implications que la seule compétition entre
différents pays pour attirer les activités productives. Il n'en
reste pas moins que cette compétition constitue un des enjeux
principaux du sujet. La thématique de l'attractivité du territoire
est ainsi devenue dominante dans le débat depuis quelques
années.
Elle
a
progressivement
supplanté
celle
de
la
compétitivité des grandes entreprises nationales à mesure que
le chômage s'installait durablement dans notre pays, et qu'il
devenait évident que des politiques fondées sur le soutien au
développement international des "champions nationaux" ne
garantissaient pas le maintien du niveau d'emploi au niveau
national.
Parmi les facteurs pris en compte par les entreprises dans
leurs décisions d'implantation, la plupart sont soit des données
géographiques, soit le résultat de politiques de long terme
(qualité des infrastructures, de la formation). Les seuls leviers
de court terme à la disposition des gouvernements sont la
modification
de
la
régulation
(droit
du
travail,
droit
commercial) et celle de la fiscalité, sans oublier les efforts
d'accompagnement et de suivi des projets étrangers. En
dernière analyse, c'est bien la fiscalité qui semble la moins
malaisée à modifier, et c'est ainsi que le débat s'est polarisé sur
CONSEIL DES IMPÔTS
95
le rôle de celle-ci dans l'attractivité du territoire national. On
étudiera successivement la problématique générale de la
localisation des investissements productifs au regard de la
pression fiscale pesant sur l'entreprise, à partir d'indicateurs
d'ensemble
puis
de
quelques
exemples
concrets,
avant
d'examiner l'effet de certains aspects de la fiscalité des
personnes physiques.
CONSEIL DES IMPÔTS
97
I. - L
A FISCALITÉ SEMBLE JOUER UN
RÔLE RÉDUIT DANS LA
PROBLÉMATIQUE D
'
ENSEMBLE DE
L
'
IMPLANTATION
DES ENTREPRISES
Le débat sur les facteurs de l'attractivité a donné lieu a de
nombreux travaux, déjà mentionnés. Le présent rapport du
Conseil n'a pas pour ambition d'en reprendre toute la
démarche, mais de se concentrer sur le poids supposé de la
fiscalité. Il ne pourra cependant éviter de faire référence aux
autres déterminants.
A. - La fiscalité, un paramètre de la
localisation des activités parmi
d'autres
Le consensus des économistes conduit à modéliser le
compor-tement
d'un
investisseur
comme
un
processus
séquentiel. La décision d'investir à l'étranger serait peu affectée
par la fiscalité ; en revanche, une fois cette décision prise et la
zone géographique pertinente identifiée, la fiscalité ferait partie
des paramètres examinés pour la mise au point du projet.
Les
déterminants
de
l'implantation
des
activités
internatio-nalement mobiles recensés sont nombreux, et mêlent
des facteurs de coût de production (parmi lesquels la fiscalité,
mais aussi la protection sociale et plus généralement le coût de
la main-d'oeuvre), des facteurs de qualité de l'environnement de
production (qualité des réseaux et des infrastructures, qualité
de la formation de la main-d'oeuvre), des facteurs juridiques,
géographiques,
etc.
La
difficulté
est
que
ces
éléments
constituent un tout indissociable, dans lequel des aspects jugés
défavorables par les entreprises, en tant qu'éléments de coût,
CONSEIL DES IMPÔTS
98
tels que le poids de la fiscalité et des charges sociales, sont en
fait la condition d'existence de certains aspects jugés favorables,
tels que la productivité de la main-d'oeuvre ou l'offre
d'infrastructures publiques.
Dès lors, les activités internationalement mobiles sont
conduites à effectuer un bilan coûts-avantages du "paquet"
offert par chaque Etat pouvant les accueillir : la question se
superpose à celle de l'efficacité comparée de la dépense
publique. La décision est aussi influencée par des facteurs
extérieurs, propres à la logique d'implantation de chaque
entreprise, tels que l'accès à telle ou telle zone géographique.
Pour
apprécier
l’importance
relative
des
différents
paramètres aux yeux des chefs d’entreprise, un baromètre
63
classe leurs attentes respectives à l’égard du site d’implantation,
lorsque celui-ci est susceptible d'être choisi n'importe où dans le
monde.
Le résultat, par ordre décroissant d’importance, en est le
suivant : se rapprocher d’un marché cible (1) ; bénéficier de
bonnes infrastructures de transport et de logistique (2) ;
bénéficier de bonnes infrastructures de télécommunications (3) ;
disposer d’un environnement et d’un climat social stables (4) ;
bénéficier d’une zone monétaire stable (5) ; disposer d’un droit
du travail flexible (6) ; se rapprocher d’une main d’oeuvre
qualifiée (7) ; abaisser les charges fiscales de l’entreprise
(8) ;
avoir un environnement administratif et législatif clair et stable
(9) ; abaisser les coûts salariaux
(10) ; faciliter la communication
avec les autres implantations et les marchés de l’entreprise (11) ;
offrir une bonne qualité de vie aux salariés (12)
; bénéficier
d’aides ou de subventions des pouvoirs publics (13) ; se
rapprocher de pôles régionaux d’excellence (14) ; baisser les
charges sociales des expatriés
(15) ; être au contact d’une place
financière de 1
er
plan (16) ; bénéficier d’une faible fiscalité des
stock-options
(17).
Ainsi, la fiscalité n'apparaît pas parmi les principales
préoccupations dans les décisions d'implantation. Toutefois, les
résultats de ce type d'enquêtes doivent être interprétés avec
63
Etabli par le cabinet Ernst and Young Law
CONSEIL DES IMPÔTS
99
précautions. D'autres formulations des questions donnent le
sentiment que la fiscalité est au contraire un paramètre plus
important. Par ailleurs, on peut penser que certains critères cités
parmi les plus importants (par exemple les quatre premiers)
sont
peu
discriminants
s'il
s'agit
de
choisir
un
pays
d'implantation, non plus dans le monde entier, mais au sein de
l'Europe : dans un tel cas de figure, le critère fiscal prendrait
alors plus de poids.
Face à ce foisonnement de paramètres et à la difficulté de
tirer des conclusions de l'agrégation de décisions individuelles
aux motivations disparates, les tentatives de constructions
d'indicateurs synthétiques de l'attractivité, réalisés en affectant
des coefficients de pondération à un grand nombre de
paramètres, puis en calculant une moyenne, souffrent de biais
majeurs.
Pour mémoire, sont indiqués ci-dessous les résultats de
trois classements : celui du forum économique mondial (WEF),
indicateur de compétitivité macro-économique ; celui de
l’Institut pour le développement du management (IMD) ; celui
de la firme de conseil AT Kearney. Pour l’année 2002, le
classement de la France oscille entre la 13
ème
et la 30
ème
position.
CONSEIL DES IMPÔTS
100
Tableau n°21 :
Classement par pays du G7 + 4 selon les différents
indices composites
WEF
2001
WEF
2002
IMD
2001
IMD
2002
ATK
2002
ATK
2003
France
20
30
22
12
13
12
Etats-Unis
2
1
1
1
12
11
Japon
21
13
30
35
38
35
Allemagne
17
14
15
17
14
17
R-U
12
11
16
9
10
9
Italie
26
39
32
24
24
24
Canada
3
8
8
9
7
7
Espagne
22
22
23
23
17
20
Irlande
11
24
10
7
1
1
Pays-Bas
8
15
4
5
4
5
Source : Coeuré et Rabaud (2003)
Ces travaux sont très contestés, dans la mesure où ce
classement est le résultat d’une pondération qui ne peut être
qu’arbitraire. A cet égard, les indicateurs ci-dessus avantagent
le plus souvent les petites économies ouvertes. En particulier,
ces enquêtes attribuent le plus souvent par construction une
pondération très défavorable au poids des dépenses publiques
(et, donc, par voie de conséquence, à celui de la fiscalité), sans
attribuer une pondération symétrique aux divers résultats de
l'action publique financée par ces dépenses. Ils se fondent
ensuite parfois sur des critères subjectifs, tels que "l'attitude
devant la mondialisation".
En outre, les indicateurs ainsi construits sont très instables
dans le temps, induisant une perte de cohérence temporelle des
classements : des pays enregistrent d'une année sur l'autre des
variations importantes de leur position relative sans que ceci ne
reflète aucune modification profonde de leur offre structurelle,
ôtant ainsi beaucoup de crédibilité au classement constaté à une
date donnée. Enfin, ils comparent des pays qui ne sont pas
toujours comparables, en raison des écarts démographiques et
de développement qui les séparent. Ces indicateurs tendent
ainsi à placer dans les premières positions, loin devant les
grands pays occidentaux, des pays dynamiques en rattrapage
qui ne jouent pourtant pas un rôle comparable dans les
CONSEIL DES IMPÔTS
101
échanges. Leur utilisation ne paraît pas de nature à éclairer le
débat.
B. - La France passe pour
relativement attractive malgré sa
fiscalité
1. - Les paramètres : place
de la France et de sa fiscalité
La position de la France sur l'ensemble des paramètres de
décision ne paraît pas défavorable. Qu'il s'agisse de sondages
auprès des entreprises
64
ou de classements établis sur des
critères objectifs
65
, la France dispose d'un certain nombre
d'atouts reconnus (la taille et le dynamisme à moyen terme de
son marché, la qualité et la productivité de sa main d’oeuvre, la
densité
et
l’efficacité
de
ses
infrastructures).
Seuls
les
indicateurs résumés rappelés ci-dessus attribuent une faible
attractivité à la France, mais leur caractère discutable interdit de
leur accorder beaucoup de poids. Le tableau ci-dessous
récapitule les 18 indicateurs d’attractivité et la place de la
France, par ordre décroissant d’attractivité, pour chacun d’entre
eux. Les pays du panel de comparaison ont été choisis à la fois
du fait de leur importance économique et de leur place dans les
échanges avec notre pays.
64
Tel que celui réalisé par le cabinet Ernst and Young
65
Tel que le baromètre de l'attractivité du territoire réalisé par l'AFII
CONSEIL DES IMPÔTS
102
Tableau n°22 :
Tableau de bord de l'attractivité de la France
dans un ensemble de 10 pays
66
Indicateur
Rang
de la France
Etat leader parmi
les 10 référencés
Infrastructures ferroviaires : densité des
voies ferrées à grande vitesse
1
France
Productivité horaire du travail
2
Belgique
Démographie : croissance de la population
3
Etats-Unis
Compétences linguistiques
4
Pays-Bas
Dépenses de R et D / PIB
4
Japon
Coût horaire du travail manufacturier
4
Pologne
Dynamisme endogène : croissance de
l’investissement des entreprises sur le
marché domestique
5
Espagne
Accessibilité des marchés : mesure du
potentiel marchand
5
Belgique
Niveau d’éducation atteint par les 25-34 ans
5
Japon
Infrastructures routières : densité des
autoroutes
5
Belgique
Absence de contraintes administratives
5
Royaume-Uni
Marché domestique : croissance PIB sur
moyenne période (1990-2003)
6
Espagne
Nombres de jours de grève, hors fonction
publique
6
Japon
Internet : nombre d’abonnés ADSL et câble
pour 100 habitants
7
Belgique
Capital-risque levé en % du PIB
8
Etats-Unis
Fiscalité des personnes : taux d’imposition
des hauts revenus (cas d’un célibataire
sans enfant)
4
Royaume-Uni
Fiscalité des personnes : imposition des
impatriés
6
Royaume-Uni
Fiscalité des entreprises : taux effectif
moyen d’imposition
6
ème
sur 7
67
Royaume-Uni
Source :
Tableau de bord de l’attractivité, AFII, 2004
66
France, Belgique, Espagne, Italie, Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas,
Pologne, Etats-Unis, Japon,
67
D'après des données de taux effectif de la Commission, non disponibles
pour Japon, Etats-Unis, Pologne
CONSEIL DES IMPÔTS
103
Selon ce tableau, les atouts de la France sont la qualité et
la productivité de sa main d’oeuvre, la densité et l’efficacité de
ses infrastructures. Le classement obtenu en matière de fiscalité
est a priori peu enviable. Cependant, le seul indicateur
apparaissant véritablement défavorable en matière de fiscalité
est le taux effectif moyen d'imposition des entreprises, dont on
a
vu
que
l'emploi
devait
s'accompagner
d'importantes
précautions et qui n'est pas nécessairement le seul pertinent. En
effet, le classement proposé en matière de taux d'imposition des
hauts revenus confirme le diagnostic opéré ci-dessus ; quant au
classement fourni en matière de taux d'imposition des
impatriés, il se fonde en réalité sur le cas peu fréquent des
revenus très élevés (200 000 euros bruts), et serait plus favorable
si des revenus plus représentatifs de la population impatriée
étaient pris en compte.
Toutefois, si l'on se remet à la perception du système
fiscal français, il apparaît que les sondages ne placent que très
rarement la France comme proposant un régime fiscal favorable
aux entreprises (3%), par rapport au Royaume-Uni (33%) et à
l'Irlande (22%)
68
.
Il ne suffit pas d'examiner les critères de la localisation
des entreprises, mais il faut aussi évaluer les indicateurs
témoignant de leur comportement effectif. Le plus couramment
utilisé est le flux d'investissement étranger ; ce rapport
s'attardera également sur les données, moins répandues,
relatives
aux
emplois
internationalement
mobiles.
Les
indicateurs utilisés se concentrent sur l'Union européenne, à la
fois pour des raisons de comparabilité des données et pour tenir
compte du fait que dans de nombreux cas, les emplois
internationalement mobiles susceptibles de s'orienter vers la
France ont déjà retenu l'Europe comme zone géographique de
comparaison.
68
Source : Baromètre « attractivité du site France », Ernst and Young, 2003
CONSEIL DES IMPÔTS
104
2. - Les indicateurs d'attractivité :
investissements étrangers
Suite aux recommandations internationales - notamment
du F.M.I., de l’O.C.D.E., d’Eurostat et de la B.C.E. - les
investissements directs étrangers (IDE) sont définis comme
étant
des
opérations
transfrontières
réalisées
par
des
investisseurs afin d’acquérir, d’accroître (ou de liquider dans le
cas d’un désinvestissement) un intérêt durable dans une
entreprise et de détenir (ou de liquider) une influence dans sa
gestion.
La notion d’investissement direct est plus large que celle
de contrôle. Par convention, un investissement direct est réalisé
dès lors qu’une entreprise (ou une personne physique) acquiert
au moins 10% des droits de vote lors des assemblées générales
d’une autre entreprise ou à défaut 10% du capital social. Ce
dernier critère, d’identification plus aisée, est le plus souvent
utilisé dans la pratique Lorsque ce seuil de participation est
atteint, les deux entreprises sont considérées comme affiliées.
L’ensemble des opérations financières entre entreprises affiliées
est alors enregistré en investissements directs. Les statistiques
d’IDE concernent par conséquent des mouvements de capitaux.
Le niveau des investissements directs entrants est souvent
considéré comme un indicateur d'attractivité d'une économie.
La France apparaît à la fois comme l'un des pays attirant
le plus d'investissements, et investissant le plus à l'étranger :
Concernant
les
investissements
en
provenance
de
l’étranger, elle ne cesse de progresser : septième en 2000,
quatrième en 2001 et enfin deuxième en 2002 (derrière le
Luxembourg). Les investissements directs étrangers en France
ont en effet connu en 2002 un recul limité à 11% ; ils avaient
pourtant atteint un niveau sans précédent en 2001. Ils
proviennent pour plus des trois quarts de la zone euro et du
Royaume-Uni. Le recul pourrait être toutefois plus important
en 2003, les dernières données n'étant pas disponibles à la date
de rédaction de ce rapport.
Concernant les investissements à l’étranger, elle se classe
troisième en 2000 (derrière l’Union belgo-luxembourgeoise et le
CONSEIL DES IMPÔTS
105
Royaume-Uni), en 2001 (derrière les Etats-Unis et l’Union
belgo-luxembourgeoise) et en 2002 (derrière le Luxembourg et
les
Etats-Unis)
69
.
Les
investissements
directs
français
à
l’étranger se sont repliés de 36% en 2002. Ils ont été effectués à
hauteur de 39% dans la zone euro (49% en 2001), 18% au
Royaume-Uni (14% en 2001) et 27% aux Etats-Unis (19% en
2001). La France a compté pour 25% des investissements directs
de la zone euro à l’étranger (18% en 2001).
Pour la France, la séquence des entrées et sorties d'IDE se
présente ainsi sur longue période :
Tableau n°23 :
Investissements directs étrangers à destination ou
en provenance de la France, 1991-2002
Investissements
entrants
Investissements sortants
1991
13 046
21 617
1992
14 405
24 539
1993
14 193
17 036
1994
13 182
20 629
1995
18 016
11 989
1996
17 126
23 724
1997
20 620
31 663
1998
27 886
43 720
1999
43 688
119 070
2000
46 945
192 603
2001
61 674
103 899
2002
70
54 727
66 459
Source :Banque de France et Minefi
Si les IDE entrants sont interprétés comme un indicateur
d'attractivité, avec des limites qui seront précisées ci-dessous,
les IDE sortants ont une signification ambiguë. Certes, de même
que les IDE entrants agrègent une part inconnue de créations
69
Les balances des paiements de la Belgique et du Luxembourg sont publiées
séparément depuis 2002 ; pour les années antérieures, les données sont celles
de l’Union belgo-luxembourgeoise.
70
Selon l'OCDE qui comptabilise une partie des IDE, le niveau de ceux-ci se
maintiendrait en France en 2003, tant en entrée qu'en sortie, dans un contexte
de baisse générale (-28%). Le statistiques définitives de la Balance des
paiements ne sont pas disponibles à la date de ce rapport.
CONSEIL DES IMPÔTS
106
d'emplois
nouveaux,
les
délocalisations
d'emplois
sont
contenues dans les IDE sortants de France
71
. Mais ces
investissements sortants reflètent également des opérations
internes à des groupes multinationaux à partir d'une filiale
française, ainsi que des prises de contrôle et des créations à
l'étranger qui entrent dans le cadre normal du développement
des grands groupes français et ne sont pas forcément
accompagnés de destructions d'emplois. Le solde entre les IDE
entrants et les IDE sortants est difficile à interpréter.
3. - Les indicateurs d'attractivité :
les emplois créés
par des investissements étrangers
L'Agence
française
pour
les
investissements
internationaux effectue un travail de veille sur les projets
d'investissement des pays du monde entier à destination des
pays européens depuis 3 ans. Elle recense les annonces faites
par voie de presse, qui permettent le plus souvent d'évaluer les
créations d'emploi nettes, en faisant la distinction des simples
rachats. Elle recherche l'origine effective de l'investissement
indépendamment du circuit de financement. Ces données
permettent donc de progresser dans la caractérisation de l'effet
comparé des investissements étrangers sur l'emploi dans les
différents pays et de s'affranchir de la plupart des difficultés
que posent les IDE pour caractériser l'implantation de l'activité
de source étrangère (voir infra). Elles conservent néanmoins
plusieurs limites :
71
Selon la MIME (mission interministérielle sur les mutations économiques),
les délocalisations au sens strict représenteraient globalement autour de 10%
du montant des investissements directs français à l'étranger. Cette évaluation
recoupe celles mentionnées par S.Raspiller (entre 8% et 20% selon les études).
Selon la DATAR (La France, puissance industrielle, 2004), cette proportion
tomberait à 5% sur les marchés proches (pays d'Europe centrale et orientale,
Maghreb), et à moins de 1% des investissements directs étrangers vers des
marchés lointains. Un rapport du Plan belge (Délocalisation, Mondialisation,
P. Bernard, H Van Sebroek, H. Spinnewyn, P. Vandenhove, B. Van Den
Cruyce, Bureau fédéral du Plan) retient le même ordre de grandeur, mais
suggère une ampleur du phénomène distincte selon les secteurs, plus
importante pour les investissements dans l'industrie et à destination des
PECOs.
CONSEIL DES IMPÔTS
107
Il ne s'agit pas de données statistiques rigoureuses telles
que celles recensées en balance des paiements au titre des IDE.
En particulier, un aléa existe sur le niveau d'emploi
effectivement créé par rapport aux annonces. Cependant, le
biais introduit par une surestimation diffère sans doute peu
d'un pays à l'autre, on peut donc supposer que les données
conservent une pertinence en termes de comparaison d'un pays
à l'autre. En outre, les données de l'AFII présentent peu d'écart
avec les données réunies par ailleurs de manière indépendante
par un cabinet privé.
Ces données ne recensent que les créations d'emplois. Les
projets de délocalisation ne font pas l'objet d'un tel suivi. Les
créations d'emploi enregistrées ont parfois une contrepartie en
termes de destruction d'emplois qui n'est pas connue.
Ces données permettent de constater que les créations
d'emplois se font massivement en Europe de l'Est, mais que la
France demeure attractive par rapport aux pays comparables.
Sur 3 ans, la France se classe au troisième rang en Europe en
termes d'emplois créés avec plus de 40 000. Parmi les
principaux bénéficiaires des créations d'emplois par des
sociétés étrangères, les pays d'Europe centrale et orientale ont à
eux seuls attiré 53% des emplois internationalement mobiles en
Europe. En Europe de l'Ouest, les trois principaux grands pays
d'accueil sont La France, l'Espagne le Royaume-Uni : ils attirent
près de deux fois plus d'emplois que l'Allemagne et cinq fois
plus que l'Italie.
Si l'on pondère les créations d'emplois par un indicateur
de taille du marché de l'emploi (la population active), le fossé
entre les pays d'Europe de l'Est et l'Irlande d'une part, et les
pays d'Europe occidentale d'autre part, se creuse de manière
très accusée. Parmi les premiers, ce ratio est fréquemment à
deux chiffres, alors qu'il est de l'ordre de 1 à 2 pour 1000 parmi
les seconds. Au sein de ce deuxième groupe, la France se classe
correctement parmi les grands pays.
CONSEIL DES IMPÔTS
108
Tableau n°24 :
Emplois créés par des sociétés étrangères en
Europe (projets 2001-2004)
Emplois
créés
Populatio
n active
Emplois
créés sur 3
ans pour
1000 actifs
Emplois créés
sur 3 ans pour
1000 habitants
Rép. Tchèque
83895
4,8
17,5
8,2
RU
52549
29,5
1,8
0,9
France
41361
24,9
1,7
0,7
Pologne
40191
13,8
2,9
1,0
Hongrie
39537
3,9
10,1
3,9
Espagne
35180
16,3
2,2
0,9
Roumanie
34568
7,7
4,5
1,6
Slovaquie
28200
2,1
13,4
5,2
Irlande
23004
1,8
12,8
5,9
Allemagne
19710
38,7
0,5
0,2
Bulgarie
12817
3
4,3
1,6
Belgique
10344
4,1
2,5
1,0
Italie
6790
23,9
0,3
0,1
Ukraine
5170
Autriche
5005
4
1,3
0,6
Suède
4519
4,4
1,0
0,5
Pays-Bas
4453
8,3
0,5
0,3
Portugal
3548
5,1
0,7
0,3
Finlande
3025
2,3
1,3
0,6
Danemark
2824
2,8
1,0
0,5
Suisse
2323
Lituanie
2291
0,7
Estonie
2193
1,6
Slovénie
1373
0,9
1,5
0,7
Croatie
1155
Grèce
1145
3,9
0,3
0,1
Luxembourg
970
0,3
3,2
2,2
Lettonie
295
0,1
Norvège
35
0,0
Total
468 470
Source : AFII, Eurostat
Les données de l'AFII autorisent aussi une analyse des
secteurs d'activité dans lesquels les emplois internationalement
CONSEIL DES IMPÔTS
109
mobiles sont créés au sein de l'Europe. Un tableau détaillé est
présenté à ce sujet en annexe 11.
On
constate
que
les
créations
d'emplois
sont
principalement concentrées dans deux secteurs : la construction
automobile et les équipements électriques ou électroniques. A
eux seuls ces deux secteurs représentent la moitié des emplois
créés, le secteur automobile en constituant le tiers.
Par rapport à la structure moyenne par secteurs des
emplois créés par des sociétés étrangères en Europe, la
structure observée en France fait apparaître les singularités
suivantes :
Une
sous-pondération
de
la
plupart
des
secteurs
classiques de l'industrie de masse : construction automobile,
matériels aéronautiques, navals et ferroviaires, métaux, et
habillement.
Un positionnement moyen dans un certain nombre de
secteurs
intermédiaires
:
textile,
verre-bois-papier,
ameublement, autres activités de services commerciales ou
financières
Une sur-pondération dans les secteurs de pointe : conseil,
médicaments,
logiciels,
opérateurs
télécoms,
équipements
électriques ou électroniques, composants électroniques, ainsi
que sur certains points forts historiques (chimie, BTP, agro-
alimentaire)
Ainsi, le positionnement sectoriel de la France en termes
d'activité pour l'emploi créé par des sociétés étrangères apparaît
plutôt
bien
orienté
au
plan
qualitatif,
avec
une
part
relativement plus importante dans les secteurs de pointe ou à
forte valeur ajoutée. Sur ces créneaux, le principal compétiteur
de la France est le Royaume-Uni, dans une moindre mesure
l'Irlande, l'Espagne, l'Italie. En revanche la France, ainsi que la
plupart des grands pays occidentaux, est moins attractive que
les pays de l'Est pour l'industrie classique de masse ; or, ce sont
précisément
dans
certains
de
ces
secteurs
(notamment
l'automobile) que de nombreux emplois ont été créés par des
sociétés étrangères.
CONSEIL DES IMPÔTS
110
Enfin, on constate que la France est peu présente sur les
très grands projets (elle n'a accueilli pratiquement aucun
investissement internationalement mobile de plus de 1000
emplois parmi une dizaine ayant eu lieu), et qu'elle est en
majorité concernée par des extensions d'unités existantes plutôt
que par des implantations entièrement nouvelles. La tendance
est inverse dans les pays de l'Est de l'Europe.
L'apparente contradiction entre le jugement souvent porté
sur la fiscalité française et son attractivité satisfaisante au
regard des emplois créés par des sociétés étrangères s'explique
par le fait que :
- la fiscalité finance entre autres des politiques influant
positivement sur les déterminants de l'attractivité ;
- le jugement sur le niveau élevé de la fiscalité de
l'entreprise en France doit être tempéré selon les secteurs, la
taille des entreprises et la nature des opérations.
C'est pourquoi il faut d'ailleurs poursuivre l'analyse. En
effet, les indicateurs utilisés et leur éventuelle corrélation avec
la fiscalité doivent être examinés de plus près.
C. - Les indicateurs de l'attractivité
sont peu pertinents
ou bien non corrélés avec la fiscalité
L'indicateur le plus souvent employé est le flux entrant
d'investissement direct étranger. Il apparaît bien affecté par la
pression fiscale sur les entreprises dans un sens négatif, mais sa
pertinence est en réalité très réduite pour mesurer l'attractivité
d'un territoire pour la création d'emplois. Et si l'on se penche
précisément sur un indicateur qui semble plus pertinent, celui
des
emplois
supplémentaires
créés
par
des
activités
internationalement mobiles, toute corrélation avec la fiscalité
disparaît.
1. - Les investissements directs
étrangers, une corrélation avec
CONSEIL DES IMPÔTS
111
la fiscalité faible et peu
concluante
Pour rechercher un lien entre fiscalité et attractivité, les
travaux macro-économiques ont, de manière quasi exclusive,
utilisé les flux d'investissements directs étrangers. Cette donnée
a été privilégiée parce qu'elle est la seule pour laquelle il existe
des séries pluriannuelles établies selon des règles comparables
d'un pays à l'autre.
L’étude effectuée pour le compte du C.E.P.I.I
72
, en
raisonnant par couple de pays (parmi 11 pays de l’O.C.D.E),
indique un impact négatif d’une fiscalité plus élevée sur le
volume des IDE accueillis. Cet impact négatif demeure même
en tenant compte des effets d’agglomération. Toutefois, l’effet
n’est pas symétrique. Un taux d’imposition relativement plus
bas n’attire pas systématiquement les IDE. En revanche, un taux
relativement plus élevé tend à les décourager.
Ederveen et De Mooij (2002) ont fait une analyse des
résultats de 25 études : le flux d’IDE est en moyenne réduit de
3,3% lorsque le taux d'imposition augmente d’un point.
Il existerait bien ainsi une corrélation entre le niveau de la
fiscalité et les IDE. Cependant, en réalité, les IDE ne constituent
pas un indicateur pertinent si l'on souhaite évaluer ce qui est au
coeur du débat : la capacité d'un territoire national à attirer des
capitaux étrangers pour créer des emplois nouveaux, ou à
retenir les emplois existants. En effet, ils présentent un certain
nombre de caractéristiques qui empêchent de les utiliser à cette
fin. Ces précautions méthodologiques ont la plupart du temps
été rappelées dans les travaux utilisant les IDE, mais il convient
d'insister sur leur portée.
La principale difficulté est que les IDE recensent des flux
très différents, tant par leur nature que par la logique dans
laquelle ils s’inscrivent. En principe, les statistiques permettent
de
différencier
les
opérations
en
capital
(les
créations,
acquisitions et extensions d’entreprises réalisées sous forme
d’achat de titres ou d’actifs productifs), des opérations qui ne
72
Bénassy-Quéré et al. (2003)
CONSEIL DES IMPÔTS
112
représentent
que
des
prêts
internes
aux
groupes
multinationaux, à court ou long terme. Mais les conventions
comptables des différents Etats ne sont pas suffisamment
homogènes pour garantir le caractère comparable de ces
distinctions ; dès lors, les études économiques sur l'influence de
la fiscalité unifiées ne se fondent que sur le montant global.
Elles agrègent ainsi des prêts internes aux groupes qui entrent
fréquemment dans des montages d'optimisation fiscale.
En outre, à supposer que les opérations en capital
puissent être distinguées de manière homogène, elles ne font
pas la différence entre une création nette d'activités et d'emplois
et
un
rachat
pur
et
simple
d'activités
existantes.
Or,
l'interprétation en termes d'attractivité n'est pas la même : le
passage sous contrôle étranger d'une entreprise, s'il peut
témoigner du caractère attractif d'une activité en France pour
des capitaux étrangers, n'est pas un objectif en soi, s'il ne crée
pas d'emplois supplémentaires.
Dès lors, la corrélation observée mesure, dans des
proportions
inconnues,
l'effet
de
la
fiscalité
sur
les
implantations
d'entreprises,
les
simples
rachats,
et
les
mécanismes d'optimisation qui prennent la voie de prêts
internes.
Par ailleurs, la ventilation géographique des flux d’IDE
s’effectue en fonction de la première contrepartie identifiée.
Ainsi, un investissement en France effectué par la filiale
néerlandaise d’une société américaine est considéré comme un
investissement direct des Pays-Bas vers la France. De même, un
investissement en Espagne utilisant comme relais une holding
en France afin de bénéficier des conditions de déductibilité des
frais financiers d'acquisition fera apparaître dans un premier
temps un flux vers la France. Dès lors, l'appréciation des pays
d'origine et de destination des IDE est faussée.
Enfin, les rachats d'entreprise occupent une telle place
dans les IDE que certaines grandes opérations de fusion-
CONSEIL DES IMPÔTS
113
acquisition suffisent à expliquer une grande partie des
variations
73
.
A cet égard, le cas du Luxembourg est emblématique. Les
investissements directs étrangers entrants et sortants du
Luxembourg se sont élevés respectivement à 134,3 et 162,2
milliards d’euros en 2002. Ainsi, le plus petit pays de l’Union
européenne est à la fois le premier pays de destination (19% du
total mondial) et le premier pays de provenance (24% du total
mondial) des IDE. Ces montants sont sans rapport avec celui de
la formation brute de capital fixe (FBCF) au sens de la
comptabilité nationale (de l’ordre de 4 milliards d’euros en
2002). Principalement pour des raisons fiscales, le Luxembourg
accueille de nombreux quartiers généraux et holdings qui
reçoivent des fonds versés par des sociétés-mères et les
redistribuent dans l’ensemble de l’Europe. La Banque centrale
du Luxembourg évalue ainsi à environ 80% du total des IDE en
2002 les fonds qui n’ont fait que transiter par le Luxembourg.
Dès lors, la corrélation que la plupart des auteurs décèlent entre
niveau de pression fiscale sur les entreprises et flux (ou stock)
d'investissements directs étrangers est d'une interprétation malaisée.
Elle n'est en aucun cas une corrélation entre un niveau d'activité
supplémentaire financé par des capitaux étrangers, et le niveau de la
fiscalité. Elle met bien autant en évidence les pratiques d'optimisation
fiscale des entreprises qui conduisent à des flux de capitaux sans
contrepartie réelle.
Enfin, l'influence de la fiscalité sur les IDE doit être
évaluée non seulement de manière isolée, mais en concurrence
avec celle des autres paramètres. Or, selon une étude de l'OCDE
sur
les
déterminants
de
la
localisation
des
stocks
d’investissements directs étrangers, les écarts de taxation
n'expliqueraient
qu'environ
3%
des
écarts
de
stocks
d'investissement direct étranger.
Ainsi, la fiscalité semble donc bien peser sur les flux
d’IDE, mais avec un effet sur l'activité assez réduit. A titre
d'illustration,
un
calcul
très
grossier
peut
être
réalisé.
73
En 2000, une dizaine d'opérations de rachat constituaient 50% des IDE en
France. Le détail est donné en annexe.
CONSEIL DES IMPÔTS
114
Supposons que l'élasticité moyenne observée par l'étude citée
précédemment
74
soit valable en France,
75
cela signifie qu'en
moyenne, pour un point de variation de l'IS (avec un coût pour
les finances publiques de l'ordre de 1 à 1,2 Md€), on crée en
France un surplus d'investissement étranger de l'ordre de 1,5
M€. Seule une partie minime de cet investissement est
susceptible de créer des bénéfices taxables : si 10% des IDE
correspondent effectivement à de l'investissement productif
supplémentaire (ordre de grandeur retenu habituellement) et
que cet investissement a une rentabilité avant impôt de 20%,
seuls 2% de ces 1,5 Md€ seront taxés au taux de l'IS : la recette
sera donc hors de proportion avec le coût pour l'Etat. Une telle
mesure n'est donc pas équilibrée, du point de vue des recettes
fiscales d'IS
76
: l'effet d'aubaine sur les activités déjà présentes
est bien plus coûteux que le surplus de recettes généré par la
baisse du taux.
Il convient cependant de souligner que ce calcul ne tient pas
compte des autres recettes que peut procurer aux administrations
publiques l'activité supplémentaire engendrée par une telle mesure. En
particulier, une baisse du taux de l'IS peut avoir un impact favorable
sur l'activité domestique en incitant les entreprises déjà présentes à
accroître leur activité, dans des proportions qui ne font pas l'objet de ce
rapport. Le développement précédent a pour seul objet de montrer que
pour un pays tel que la France, le surplus de recettes d'IS procuré par
les investissements nouveaux induits par une baisse de cet impôt serait
négligeable par rapport à la perte budgétaire.
Au contraire, dans un petit pays, une telle stratégie peut
en revanche s'avérer budgétairement équilibrée. Ainsi, l'Irlande
a attiré de nombreux emplois avec sa fiscalité réduite, tout en
74
Ederveen et de Mooij, "Taxation and Foreign Direct Investment : a meta -
analysis", CPB report 1.
75
En réalité, elle est vraisemblablement inférieure, car la valeur donnée est
une moyenne et que l'élasticité des IDE à la fiscalité est plus importante dans
les petits pays.
76
Ainsi, si une baisse du taux de l'IS peut avoir un impact favorable sur
l'emploi permettant d'en équilibrer le coût pour la collectivité, cela ne
tiendrait pas au surplus d'investissement étranger, mais à une stimulation de
l'activité domestique, ce qui reste à démontrer et n'est pas l'objet de la présent
étude.
CONSEIL DES IMPÔTS
115
enregistrant
une
hausse
sensible
de
ses
recettes
d'IS.
L'Allemagne, qui a réduit massivement le taux de son IS et n'a
compensé que partiellement cette baisse par des élargissements
d'assiette, a au contraire vu la part de l'IS dans ses recettes
diminuer considérablement.
2. - Les créations d'emplois
internationalement mobiles
par des sociétés étrangères
Il est également possible de rapprocher les données de
création d'emplois par des sociétés étrangères d'un indicateur
de pression fiscale sur les entreprises. Ces données, malgré leur
absence de rigueur statistique, mesurent davantage que les IDE
ce qui est en jeu. Or, le rapprochement avec des indicateurs
synthétiques de pression fiscale ne s'avère guère concluant :
CONSEIL DES IMPÔTS
116
Tableau n°25 :
Ratio d'emplois créés par des sociétés étrangères
et taux nominal d'IS
Ratio d'emplois créés / population active 2001-
2004
Taux nominaux 2003
Rép.
Tchèque
17,5
31
RU
1,8
30
France
1,7
35,4
Pologne
2,9
27
Hongrie
10,1
18
Espagne
2,2
35
Slovaquie
13,4
25
Irlande
12,8
12,5
Allemagne
0,5
28
Belgique
2,5
40,2
Italie
0,3
34
Autriche
1,3
34
Suède
1,0
28
Pays-Bas
0,5
34,5
Portugal
0,7
30
Finlande
1,3
29
Danemark
1,0
30
Slovénie
1,5
25
Grèce
0,3
35
Luxembourg
3,2
22
Source : AFII, DLF
Le ratio d'emplois créés et la fiscalité apparaissent peu
corrélés. De nombreux exemples en témoignent : parmi les pays
d'Europe centrale et orientale, la République tchèque, qui a le plus
haut ratio d'emplois créés par des sociétés étrangères par rapport à
la population active, a cependant un taux nominal d'IS qui n'est
pas particulièrement bas (31%), et en tout cas bien plus élevé que
la Slovénie (25%) qui attire comparativement dix fois moins
d'emplois. Parmi les grands pays d'Europe occidentale, le ratio
affiché par l'Allemagne est trois à quatre fois inférieur à celui
constaté en France pour un taux d'IS pourtant plus réduit.
Cependant, les cas opposés de la Hongrie et de la Belgique
pourraient accréditer l’idée d’une certaine corrélation entre le ratio
d’emplois créés par des sociétés étrangères et le taux légal d’IS.
Un indicateur de taux de pression fiscale effective (le taux
implicite qui rapporte le montant de l'ensemble des impôts
CONSEIL DES IMPÔTS
117
payés par les entreprises à un indicateur de revenu des
entreprises) ne donne pas une meilleure corrélation en ce qui
concerne les principaux pays de l'Union. Ainsi, si un effet de la
fiscalité existe, il est masqué par les autres déterminants de la
localisation.
En outre, ces données permettent également de montrer une
nouvelle fois la fragilité du lien entre flux d'IDE entrants et
emplois créés. Ainsi, les flux d'IDE entrants sur 2001 pour
l'ensemble des pays d'Europe centrale et orientale ainsi que ceux
de la Confédération des Etats indépendants sont évalués par la
CNUCED à 30,77 Md$, contre 52 Md$ pour la France la même
année. La France aurait donc attiré davantage d'IDE cette année-là
que tous ces pays réunis. Mais si l'on considère les statistiques
d'emplois créés de l'AFII, plus de 60 000 emplois auraient été créés
cette année là dans ces pays d'Europe de l'Est par des
investissements étrangers, contre 11 400 seulement en France.
3. - Les données sectorielles ne
permettent pas davantage de
déceler une influence de la
fiscalité
au niveau macro-économique
Les analyses précédentes ont permis d'établir que la
pression fiscale pouvait varier assez fortement en France d'un
secteur à l'autre. Selon Nicodème (2001), en ne considérant que
l'impôt sur les sociétés, le taux implicite de pression fiscale
(IS/EBE) paraissait comparativement plus faible en France sur
les secteurs de l'énergie, du transport et du commerce. Les
calculs effectués en prenant en compte la taxe professionnelle
modifiaient
les
classements.
Le
secteur
de
l'industrie
automobile apparaissait au total relativement favorisé sur la
période 1995-2001, et dans une moindre mesure celui du
transport.
Il peut paraître tentant de rechercher si une corrélation peut
être trouvée entre les secteurs pour lesquels le taux implicite est
faible en France, et ceux dans lesquels la France est parvenue à
attirer les emplois internationalement mobiles. Une telle analyse
CONSEIL DES IMPÔTS
118
semble pourtant peu concluante. En admettant que le secteur
automobile bénéficie réellement d'une imposition plus réduite (ce
qui reste à prouver dans la mesure où les taux implicites
dépendent du niveau de profitabilité du secteur), on observe que,
sur la période 2001-2003, les emplois dans ce secteur ont plutôt été
créés en Europe de l'Est qu'en France.
Ainsi, là encore, l'effet potentiel de la fiscalité semble
masqué par celui des autres déterminants de la localisation des
emplois.
D. - Au total, les logiques
d'implantation à l'oeuvre demeurent
principalement non fiscales
L'analyse des emplois créés par des sociétés étrangères en
Europe montre que la majorité d'entre eux sont créés dans des
pays de l'Est, sans lien particulier avec des écarts de fiscalité.
Ces choix d'implantation relèvent à la fois de stratégies de
développement sur des nouveaux marchés en pleine croissance,
et de la présence d'une main-d'oeuvre relativement productive
et à faible coût.
La comparaison de l'effet relatif du coût du travail et de la
fiscalité en offre une première approche. Le poids respectif du
coût du travail et des deux principaux impôts dans la valeur
ajoutée se présentait en effet ainsi en France :
Montant 2002
(Mds euros)
Valeur ajoutée (hors
taxes)
861
Salaires bruts
408,8 (47% de la VA)
Cotisation sociales
employeur
141,3 (16,5% de la VA)
IS + TP
58 (7% de la VA)
Un calcul fin demanderait de distinguer la formation du
revenu des sociétés financières et non financières, et de
considérer également les autres revenus des entreprises que la
valeur ajoutée (notamment les produits financiers). Mais ce
tableau n'a d'autre ambition que de fournir des ordres de
CONSEIL DES IMPÔTS
119
grandeur. Ainsi, les cotisations sociales représentent plus du
double du montant des deux principaux impôts. Surtout, les
deux principaux impôts pèsent dix fois moins que le coût du
travail total.
Or, les disparités de coût du travail entre pays sont bien
plus accusées que les disparités de coûts fiscaux. Au sein de
l'Union européenne, les coûts horaires moyens du travail
varient de 1 à 5 entre la Pologne et l'Allemagne. Par rapport aux
pays à bas coût, le différentiel est de 1 à 15 ou 20 entre les
principaux pays européens et l'Inde.
Ces ordres de grandeur suffisent à montrer qu'une
entreprise qui cherche à optimiser ses coûts est beaucoup plus
sensible au coût du travail qu'à la fiscalité. Ainsi, en s'installant
en Pologne, une entreprise profitera d'un taux de 27% d'IS au
lieu de 35,4% en France. L'ordre de grandeur de l'économie
réalisée (sans tenir compte des différences d'assiette) est de
l'ordre de 1,5% de la valeur ajoutée dégagée en France toutes
choses égales par ailleurs. L'ordre de grandeur de l'économie
réalisée sur le coût du travail est en revanche de l'ordre de 50%
de cette valeur ajoutée. Il apparaît avec évidence que l'ordre de
grandeur des enjeux fiscaux est très inférieur à celui des enjeux
de coût du travail
77
. L'écart de coût du travail avec les pays en
voie de développement ou des pays accédant à l'Europe est tel
qu'il est illusoire de chercher à le combler par des mesures
fiscales.
En outre, si l'on retient l'idée selon laquelle les écarts de
fiscalité deviennent plus déterminants lorsque les autres
caractéristiques sont proches, il faut restreindre l'analyse à un
petit
groupe
de
pays
comparables
à
la
France
et
géographiquement proches. Or, par rapport à ces pays, la
France apparaît relativement bien placée en termes de coût et
77
Certes, ce calcul toutes choses égales par ailleurs méconnaît les différences
de productivité du travail entre les pays, qui peuvent être considérables.
L'utilisation de statistiques de productivité du travail dans des pays à bas coût
de main-d'oeuvre est pourtant délicate, soit du fait de la faiblesse de l'appareil
statistique de ces pays, soit du fait d'un écart important entre la productivité
du travail constatée dans l'économie et celle observée précisément dans une
implantation dans ce même pays d'une entreprise d'origine occidentale.
CONSEIL DES IMPÔTS
120
de productivité du travail. Selon l'OCDE
78
, elle se place parmi
les pays où le coût salarial unitaire, qui semble l'indicateur le
plus pertinent car il tient compte à la fois des coûts horaires, de
la productivité et de la durée du travail, est le plus bas. Un tel
avantage
est
largement
susceptible
de
compenser
un
différentiel de fiscalité au désavantage de la France dont il a été
établi qu'il n'était d'ailleurs pas considérable.
Ensuite, le nombre et la localisation des emplois créés par
des sociétés étrangères appellent deux commentaires. D'une
part, l'accès aux consommateurs de ces pays est sans doute une
raison tout aussi forte que le faible coût du travail (lequel doit
être pondéré par la productivité) de la polarisation de ces
nouveaux emplois en Europe de l'Est.
D'autre part, les volumes d'emplois en cause ne paraissent
pas considérables, puisqu'il ne s'agit que de quelques dizaines
de milliers d'emplois, soit pour la France une proportion d'un
peu moins de 1 pour mille de la population active chaque
année. Le cas le plus emblématique, celui de l'Irlande, ne
représenterait
en
définitive
que
20 000
emplois
internationalement mobiles sur la période 2001-2004, ce qui est
beaucoup à son échelle mais relativement peu à celle de
l'Union
79
. Au total, la contribution des projets des sociétés
étrangères à la création de nouveaux emplois dans les grands
pays de l'Union semble, au vu de ces chiffres, d'un ordre de
grandeur assez réduit.
Certes, ces données ne suffisent pas pour appréhender
l'ensemble de la problématique de la localisation des emplois.
En particulier, la mesure des emplois délocalisés pose des
problèmes de méthode tels qu'aucune donnée fiable n'est
78
Index of Relative Unit Labour Cost Manufacturing Sector, Common
Currency (Overall Competitiveness), OCDE 2003
79
Les chiffres de l'AFII sous-estiment dans une certaine mesure la réalité dans
la mesure où les projets qui ne sont pas annoncés dans la presse
n'apparaissent pas. Il peuvent aussi la surestimer dans la mesure où ils se
fondent sur les emplois annoncés et non sur ceux effectivement créés. On peut
penser qu'ils fournissent au moins un ordre de grandeur des phénomènes.
CONSEIL DES IMPÔTS
121
disponible
80
. Dans ce contexte, sur des données et des concepts
non stabilisés, il est illusoire de chercher à mettre en évidence
de manière rigoureuse un éventuel impact de la fiscalité. Mais
les économistes concluent en tout état de cause à un effet limité
de
la
globalisation
sur
l'emploi,
soit
qu'ils
considèrent
l'évolution de la nationalité des effectifs des entreprises
françaises
81
, soit qu'ils mesurent l'effet de la mondialisation sur
le travail national
82
. Dès lors, la polarisation du débat sur la
mobilité internationale des emplois, et a fortiori sur un éventuel
rôle de la fiscalité à cet égard, paraît excessive.
Il n'en demeure pas moins que la fiscalité est un
paramètre qui peut être décisif lorsqu'une entreprise est à
même de mettre le site France en concurrence avec d'autres
pays comportant des caractéristiques suffisamment proches. Ce
type de schéma est noyé dans les statistiques d'ensemble dans
la grande masse des projets pour lesquels d'autres facteurs ont
été déterminants dans le choix de l'implantation. Il a cependant
80
En effet, faire une différence entre les cas où des emplois sont détruits en
France et recrées à l'étranger d'une part, et les cas où des emplois sont
purement et simplement détruits sans que l'entreprise en cause soit en mesure
de poursuivre ailleurs sa production, mais est purement et simplement
conduite à la faillite, est tout à fait arbitraire. Derrière ces deux types de cas, le
même phénomène de concurrence des pays à bas coûts de production est à
l'oeuvre. Enfin, d'autres types de cas devraient être considérés : par exemple,
une
entreprise
peut
licencier
en
France
sans
pour
autant
créer
symétriquement d'emplois à l'étranger en son nom propre, mais procéder par
sous-traitance avec des fournisseurs étrangers. De même, la pression des pays
à bas coûts peut conduire une entreprise française à réduire son effectif salarié
en France et à recourir davantage à des sous-traitants français ; l'effet sur
l'emploi est alors quantitativement limité, mais se traduit par un déplacement
qualitatif en faveur du travail plus précaire.
81
Une étude menée sur les effectifs des sociétés françaises du CAC 40
(Derveux, INSEE, 2004) tend à montrer que ces sociétés ont accru
significativement leurs effectifs à l'étranger (de 1,3 à 2,2 millions entre 1997 et
2002), mais maintenu leurs effectifs en France autour de 1,5 million. L'idée
d'un transfert net n'est donc pas confirmée, du moins pour ce type
d'entreprises.
82
Selon S.Jean (OCDE, 2001), auteur d'une revue des études empiriques sur le
sujet, un consensus s'est formé pour évaluer au maximum à 1% de la
population active la proportion concernée par la concurrence des pays à bas
coût de production.
CONSEIL DES IMPÔTS
122
une réalité que l'on peut appréhender à partir de certains
exemples concrets.
CONSEIL DES IMPÔTS
123
II. - L
A FISCALITÉ DE L
'
ENTREPRISE
PEUT S
'
AVÉRER DÉFAVORABLE
À L
'
IMPLANTATION D
'
ENTREPRISES
EN
F
RANCE DANS DES CAS D
'
ESPÈCE
A. - L'examen de la démarche
concrète de l'investisseur souligne
l'impact défavorable de la taxe
professionnelle
1.1. Quelques exemples de projets d'implantation
n'ayant pas abouti en France du fait de la fiscalité
Sauf quelques rares exceptions, l'impact de la fiscalité sur
le sort de tel ou tel dossier suivi par l'AFII (Agence française
pour les investissements internationaux) ne peut pas être isolé
des autres paramètres. L'AFII a néanmoins communiqué
quelques
exemples
de
grands
projets
pour
lesquels
la
négociation a permis explicitement de mettre en évidence un
effet dissuasif de la fiscalité française.
1999
Projet A
Il s'agissait d'une usine de fabrication de vaccins qui prévoyait un
investissement de 200 M$ et la création de 500 emplois dont 150 postes de
chercheurs.
Ce projet a été implanté en Irlande avant même tout examen des
incidences du coût de la TP , simplement en comparant les taux d'impôt
sur les sociétés.
2001
Projet B
Usine de production de vaccins également, 250 emplois, 170M$
d'investissement qui s'est finalement implantée en Autriche.
CONSEIL DES IMPÔTS
124
Outre les raisons de coût fiscal, il est apparu que la société avait en
cours un contrôle fiscal qui se passait mal sur une de ses filiales françaises.
Sur ce projet, la société a également évoqué la difficulté de licencier des
salariés en cas de problème économique.
2001
Le groupe pétrolier américain X, coté en bourse (16 000 salariés
CA
27 Md€) avait pour projet d’implanter en Europe deux unités de fabrication
de produits plastiques à destination de l’industrie. Le projet qui prévoyait
un investissement de 250 à 300 M$ et la création de 260 emplois directs
était suivi par deux consultants. Les consultants ont effectué des recherches
et identifié des possibilités de location sur 25 sites dans 7 pays européens.
La France a présenté 7 sites dans 5 régions (Alsace, Lorraine, Basse-
Normandie
Picardie
et
Nord-Pas-de-Calais).
Après
les
premières
sélections, deux sites français sont restés en compétition avec des sites
allemands, néerlandais et britanniques. Dans le choix final, Le HAVRE est
arrivé en 3
ème
position après LEIPZIG et ROTTERDAM.
Les éléments qui ont amené l’investisseur à préférer LEIPZIG au
final sont, outre le montant des aides (15% de l’investissement en
Allemagne contre 10% en France), la charge fiscale et essentiellement la
taxe professionnelle ainsi que l’impossibilité de négocier le moindre ruling
pendant
la
période
d’implantation
et
les
premières
années
de
fonctionnement de l’usine.
2001
Le groupe Y a décidé l’implantation d’une usine pétrochimique en
Europe (production de PTA).
L’investissement est de 300 M$
avec la
création d’une centaine d’emplois directs. Le site de LAVERA, où le groupe
dispose de terrains était en compétition avec ROTTERDAM, GEEL
(Belgique ), un site turc et deux sites britanniques. Les deux localisations
restant dans la phase de sélection finale ont été ROTTERDAM et GEEL. Les
points forts du site français étaient les coûts variables de production, les
coûts logistiques de sortie, les points faibles sont les coûts d’importation
des matières premières et l’environnement fiscal.
Le site est sur une commune en zone éligible à la prime pour
l’aménagement du territoire (PAT industrie) où le Conseil Municipal refuse
de prendre des délibérations tendant à exonérer temporairement les
entreprises de taxe professionnelle. L’implantation se fera à Rotterdam.
2002/2003
Le groupe britannique Z a pour projet l’implantation d’une unité de
fabrication de papier ondulé recyclé pour un investissement de 280M€ et
230 emplois directs sur site. Sur ce projet, la France était en compétition
avec l’Allemagne (Est) et la Grande-Bretagne.
La localisation britannique a été retenue. L’évaluation du surcoût lié
à la taxe professionnelle a dissuadé l’investisseur de localiser son projet en
CONSEIL DES IMPÔTS
125
France, alors que d’autres éléments tels que l’accessibilité à la matière
(papier à recycler) étaient favorables à une implantation française. Sur ce
projet la TP sur la période 2004/2011 avait été évaluée à 41 M€, ramenée à
31,2 M€ dans l’hypothèse d’un plafonnement de la valeur ajoutée.
On observe que les logiques en cause sont assez
différentes. Dans le projet A, il s'agit d'un des quelques cas où
l'entreprise cherchait un site de production mondial, et non une
implantation dans une zone géographique donnée, et pouvait
virtuellement opter pour une implantation quasiment n'importe
où dans le monde, indépendamment d'effets de proximité de tel
ou tel marché ou fournisseur. Le site était censé approvisionner
par la suite les filiales commerciales dans le monde entier. Dès
lors, le taux nominal d'IS et la possibilité de jouer sur les prix de
transfert présentaient un intérêt déterminant. Localiser la
production en Irlande, où par ailleurs une main-d'oeuvre de
niveau convenable est disponible, est à cet égard tout à fait
cohérent.
Les trois autres projets (entreprises X, Y et Z) présentent
plutôt des cas où un investisseur recherche une implantation
dans le coeur de l'Europe, et met en compétition plusieurs sites.
1.2. La taxe professionnelle semble jouer
un rôle particulièrement pénalisant
Dans les trois cas soulevés, c'est la taxe professionnelle
qui apparaît comme le principal obstacle. Cette fréquence n'a
pas de valeur statistique et ne saurait suffire à prouver que la
taxe professionnelle est le handicap majeur. En outre, il faut
rappeler que la pression fiscale globale mesurée en proportion
de la valeur ajoutée n'apparaît nettement plus lourde en France
que pour des activités déficitaires, l'écart étant plus réduit pour
les activités bénéficiaires. Ceci tendrait à minorer l'impact de
cette différence en matière de concurrence fiscale, puisque les
entreprises ne prévoient pas, en principe, de s'implanter dans
un pays pour réaliser une activité déficitaire.
Toutefois,
il
convient
de
souligner
que
la
taxe
professionnelle est prise en compte d'une manière très
spécifique
par
les
investisseurs,
comme
une
charge
CONSEIL DES IMPÔTS
126
d'exploitation certaine. En effet, à la différence des impositions
sur les bénéfices, elle apparaît comme un coût fixe et certain,
indépendant du résultat de l'entreprise, et relativement plus
aisé à calculer que l'impôt sur les sociétés. Aussi, les
investisseurs y sont particulièrement sensibles, comme l'a
souligné le rapport d'étape de la Commission de réforme de la
taxe professionnelle.
Dans la logique des investisseurs internationaux, qui ne
repose pas seulement sur un calcul de rentabilité, mais d'abord
de viabilité à moyen terme dans un contexte incertain, elle
paraît donc particulièrement pénalisante. La Commission de
réforme de la taxe professionnelle a également observé que le
choix de localisation, non pas d'une implantation nouvelle,
mais d'un site existant pour assurer la production d'une
nouvelle ligne de produits, pouvait se faire au vu de la marge
brute dégagée par les différents sites : dans ce schéma,
l'imposition sur les bénéfices n'est pas prise en compte, mais la
taxe professionnelle handicape nettement le choix de la France.
Cet effet a été invoqué à l'appui d'autres cas concrets, non
pas de localisation de nouvelles implantations, mais de
menaces de délocalisation. Ainsi, un constructeur automobile
implanté à Strasbourg estime que sa cotisation de TP annuelle
de 9 M€ ne lui laisse pas d'autre choix que de partir en Hongrie.
Par ailleurs, l'un des projets mentionnés ci-dessus fait
apparaître une thématique nouvelle, celle de la possibilité
d'alléger le poids de la taxe professionnelle par des mesures
d'exonération locales, dans un cadre communautaire.
B. - Les mesures dérogatoires à
caractère local influent sur les
décisions
1. - La plupart des grands
investissements
internationalement mobiles
CONSEIL DES IMPÔTS
127
obtiennent
des dérogations fiscales locales
1.1. Les grands projets reçoivent des aides ad hoc,
encadrées par la Commission
La plupart des comparaisons effectuées prennent en
compte le niveau de pression fiscale sur l'entreprise résultant de
l'application des dispositions du droit commun national et des
dérogations à caractère automatique. Or, la réalité des grands
projets d'implantation créateurs d'emplois est toute différente.
Les collectivités locales et l'Etat, sous le contrôle de la
Commission, disposent de plusieurs moyens pour réduire les
coûts d'implantation. Des aménagements de nature fiscale font
partie de ces leviers, ainsi que des aides directes (sous forme de
subvention, de dons ou de prêts de terrains et de locaux) ou des
aménagements spécifiques d'infrastructures. Une analyse de ces
pratiques, ou tout au moins de leur volet fiscal, présente un
intérêt direct pour la compréhension des mécanismes qui
conduisent les entreprises à retenir tel ou tel site d'implantation.
L'AFII a répertorié les projets internationalement mobiles
créateurs de plus de 200 emplois de 2000 au début de 2004, ce
qui représente environ 20 projets par an. Dans trois cas sur
quatre, les projets avaient obtenu une aide à finalité régionale
pouvant atteindre jusqu'à 50% du coût de l'investissement.
Ces
aides
sont
encadrées
par
la
réglementation
communautaire qui dispose (art 87-3 du TICE) :
"Peuvent être
considérées comme compatibles avec le marché commun:
A) les aides destinées à favoriser le développement
économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est
anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-
emploi, […]
C) les aides destinées à faciliter le développement de
certaines activités ou de certaines régions économiques, quand
elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure
contraire à l'intérêt commun"
.
CONSEIL DES IMPÔTS
128
1.2. Les possibilités d'aide contribuent à améliorer encore
la situation des nouveaux pays adhérents
En pratique, sont éligibles aux aides au sens de l'article
87-3 A les zones dans lesquelles le PIB est inférieur à 75% de la
moyenne communautaire. Ceci concerne une partie de l'Irlande,
du Portugal, de l'Espagne, de la Grèce, et l'Allemagne de l'Est.
Les aides exprimées en équivalent subvention nette peuvent
atteindre jusqu'à 35% ou 50% du montant de l'investissement
(ce qui représente jusqu'à 80% en montant brut compte tenu de
l'effet de la fiscalité).
Au surplus, la Commission encadre depuis 2000 les aides
distribuées par les pays en voie d'adhésion. Elle autorise là
encore des taux cumulés très élevés, jusqu'à 50% du montant de
l'investissement. De fait l'examen des grands projets accueillis
par les pays en voie d'adhésion fait fréquemment apparaître un
taux de contribution de l'Etat au projet de cet ordre de
grandeur, en grande partie du fait d'exemptions fiscales
d'impôt sur les sociétés ou d'impôts locaux.
Sont éligibles aux aides au sens de l'article 87-3 C les
zones dans lesquelles le PIB est inférieur à la moyenne
nationale. Dans le cas français, ceci concerne les zones éligibles
à la prime d'aménagement du territoire. Le total des aides
versées à l'entreprise pour l'investissement en cause ne doit pas
dépasser certains taux, calculés sur l'assiette éligible des aides,
qui comprend le terrain, le bâtiment, et les machines et dans
certains cas, les dépenses immatérielles. Dans le cas des grandes
entreprises, il existe trois zones avec un taux cumulé d'aide de
11,5%, 17% ou même 23% selon les cas.
1.3. Les possibilités d'aide sont au contraire réduites
pour la France
Les taux d'aides admissibles dans le cas français sont
nettement plus bas que ceux constatés dans les Etats où
certaines régions relevant de l'article 87-3 A. La seule possibilité
d'aides massives, sans contraintes de zonage, concerne les
investissements dans le secteur de la recherche et du
développement ; le niveau d'aide peut alors atteindre 50%.
CONSEIL DES IMPÔTS
129
En outre, la Commission projette dans le cadre de la
refonte du système d'aides de ne plus autoriser les aides visant
à combler un retard de développement par rapport à la
moyenne nationale (actuel article 87-3-C) pour se limiter aux
régions en retard de développement par rapport à la moyenne
de l'UE. Ceci limiterait encore davantage les possibilités pour la
France d'améliorer l'attractivité du territoire par des aides
locales.
Dès lors, une certaine contradiction se fait jour dans le
système communautaire. D'une part, la Commission, au nom
de la souveraineté des Etats, refuse de soutenir l'idée d'un
encadrement des taux d'imposition sur les sociétés. Elle ne
s'alarme donc pas du faible taux constaté en Irlande, lequel a
pourtant
été
mis
en
place
afin
d'attirer
des
activités
internationalement mobiles. D'autre part, elle établit avec
précision le barème des aides qui peuvent être accordées,
parfois de nature fiscale, alors même que ces aides fonctionnent
de la même manière qu'un taux bas, en attirant une partie de
l'investissement productif étranger.
Au demeurant, avec des aides d'une telle ampleur,
accordées aussi systématiquement, la comparaison des taux
nominaux ou des taux effectifs calculés sur la base du système
fiscal de droit commun n'a plus grand sens pour comprendre
les mécanismes qui sont à l'oeuvre. Si un facteur fiscal a pu
jouer dans le choix massif de certains pays de l'Est pour des
projets créateurs d'emplois, il réside bien davantage dans la
capacité octroyée par la Commission à ces pays pour accorder
des aides fiscales, que dans la comparaison des dispositions de
systèmes fiscaux de référence. Si cette distorsion peut être
admise afin de permettre à ces pays de rattraper un retard de
développement, on ne saurait considérer que le défaut
d'attractivité relative qui en découle pour d'autres pays, dont la
France, doive être imputé à leur propre système fiscal.
CONSEIL DES IMPÔTS
130
2. - En France, les aides sont
utilisées pour compenser
le poids de la taxe professionnelle
En pratique, les collectivités locales, qui ont la possibilité
d'octroyer des aides dans le cadre des articles L 1511-1 à L1511-
7 du Code général des collectivités territoriales, acceptent de
compenser
l'effet
de
la
taxe
professionnelle
par
des
subventions. Elles ne renoncent pas à la perception de la TP,
mais la restituent sous forme de subventions avec un horizon
de calcul de quelques années. Ce mode de fonctionnement,
identifié dans plusieurs grands projets, montre le caractère
dissuasif de la TP pour les grandes implantations. Un montage
complexe est nécessaire, qui fait intervenir l'Etat et les différents
acteurs locaux concernés, afin d'effacer l'effet de cette taxe.
L'AFII a fourni plusieurs exemples de grands projets où
un site français a été choisi et où l'utilisation des dispositions
fiscales dans le cadre tracé par la Commission, notamment en
matière d'investissement en recherche et développement, a été
décisive.
Tableau n°26 :
Projets français où les aides ont compensé
la taxe professionnelle
Emplois
créés
Montant de
l'investisseme
nt (M€)
Montant d'aides
(subventions Etat
et
CL,exonérations
fiscales)
Pilkington/Interpane
en Lorraine en 2000
(verre plat).
245
164
21
Sevelnord en 2002
(automobile)
408
358
6,3
STMicroelectronics à
Rousset en 2003
(électronique)
566
582
120
Crolles 2 en 2003
(centre de r&d en
électronique)
1200
1350
293
Source : AFII
CONSEIL DES IMPÔTS
131
D'autres aides ont été octroyées pour emporter les
décisions de créer des centres de recherche en électronique, par
exemple, de Philips à Caen, d'Altis à Corbeil, d'Atmel à Rousset
(Bouches-du-Rhône). Elles sont en cours d'examen par la
Commission européenne.
Le cas de l'investissement en R & D de Crolles (Isère)
mérite d'être un peu développé en ce qu'il fait bien apparaître
les logiques différentes qui sont à l'oeuvre, notamment les
logiques d'extension et d'agglomération. Il s'agissait de choisir
un site de recherche et développement pour le monde entier
dans une technologie de pointe avec plusieurs associés dont ST
Microelectronics et Motorola. ST Microelectronics disposait déjà
d'une unité à Crolles, ce qui plaidait pour le site français.
Motorola disposait d'usines acquises avec des aides diverses en
Ecosse et en Sicile, mais qui n'étaient plus utilisées, et allait être
amenée à déménager un laboratoire de dizaines de chercheurs
situé au Texas. L'effet d'agglomération avec ST Microelectronics
et le montant des aides consenties a permis d'emporter la
décision.
Toutefois, cet exemple est aussi révélateur de la difficulté
à fonder un diagnostic sur l'attractivité en se fondant
uniquement sur les nouvelles localisations et sans disposer de
données relatives à la délocalisation. En effet, la même
entreprise ST Microelectronics a annoncé qu'elle supprimerait
450
emplois à Rennes.
Si de telles aides permettent ponctuellement à la France
de
limiter
l'effet
éventuellement
dissuasif
de
la
taxe
professionnelle, ce mode de fonctionnement n'apparaît guère
satisfaisant, puisqu'il consiste d'une certaine manière à rompre
au cas par cas l'égalité devant l'impôt.
Au total, l'examen des critères et des indicateurs macro
économiques de l'attractivité de la France ne fait pas
apparaître que la fiscalité soit l'élément prépondérant.
L'examen au niveau micro-économique montre que la fiscalité
est un paramètre pris en compte au même titre que les autres,
dont l'effet n'est souvent pas explicité, d'autant que la
pertinence de la comparaison des dispositions fiscales
nationales s'efface dans les faits devant les possibilités
CONSEIL DES IMPÔTS
132
dérogatoires offertes lors de négociations ad hoc au niveau
local. Il demeure que, dans certains cas d'espèce, la fiscalité
peut devenir un paramètre décisif
; à cet égard, la taxe
professionnelle, en tant que charge d'exploitation certaine,
peut jouer un rôle particulièrement dissuasif.
CONSEIL DES IMPÔTS
133
III. - L'
INFLUENCE DE LA FISCALITÉ
DES PERSONNES PHYSIQUES EN
F
RANCE
SUR LA LOCALISATION DES ACTIVITÉS
Le débat sur l'effet de la fiscalité sur l'implantation des
entreprises ne se limite pas à l'examen des dispositions fiscales
portant directement sur l'imposition des sociétés. L'argument
selon lequel la fiscalité des dirigeants d'entreprise, des salariés
les mieux rémunérés et plus généralement des détenteurs de
capitaux d'entreprises influerait sur la localisation des activités
est de plus en plus fréquemment avancé. Mais une confusion
est faite à cet égard entre la localisation des capitaux, celle de
leurs détenteurs et celle des activités qu'ils financent.
Ainsi, plusieurs profils doivent être pris en compte. Dans
certains cas, tels que celui du dirigeant de PME détenteur des
capitaux de l'entreprise, ou du cadre dirigeant d'une entreprise
internationale, une relation directe existe entre la localisation de
l'entreprise et celle de la personne physique considérée. Dans
d'autres cas, tels que celui d'une personne physique détenant
un patrimoine important de diverses actions de sociétés cotées,
ou celui de l'actionnaire non dirigeant d'une grosse PME, le lien
est inexistant.
A. - La problématique des
délocalisations de personnes
physiques pour des motifs fiscaux
En préambule, il importe de rappeler que, pour les
personnes physiques en situation de choisir la localisation de
leurs activités comme pour les entreprises, le paramètre fiscal
n'est qu'un élément de coût dans un arbitrage complexe. Celui-
ci
peut
faire
intervenir
l'offre
de
services
publics,
les
mécanismes de protection sociale, le coût de la vie, et surtout,
pour des personnes physiques disposant d'un haut niveau de
CONSEIL DES IMPÔTS
134
rémunération, le salaire offert dans les autres pays pour des
fonctions analogues.
Quant aux impôts en cause, il convient de retenir l'impôt
sur le revenu, l'ISF, les droits de mutation et l'imposition des
plus-values des particuliers.
1. - Un risque limité par le coût
et la perte de bien-être
d'une délocalisation
Une
expatriation,
avant
d'engendrer
d'éventuelles
économies, est en soi un facteur de coût. Ainsi, le coût du
transfert des valeurs mobilières serait au minimum de l’ordre
de 0,5 % à 1 % du montant du capital transféré. Par ailleurs, la
vente de l’ancienne résidence principale en France et l’achat
d’une nouvelle dans le pays de délocalisation, opérations
souvent préconisées par les conseillers fiscaux pour éviter des
redomiciliations
par
l’administration
fiscale
française,
entraînent des coûts (droits de mutation + commissions
d’intermédiaire) de l’ordre de 10 % de leur valeur. Enfin, il
convient de rappeler que les personnes physiques domiciliées
hors de France demeurent assujetties aux impôts fonciers
comme à l’ISF à raison de leurs biens immobiliers situés en
France.
Par ailleurs, il est évident qu'une expatriation implique
une coupure des relations personnelles qui n'est supportée que
si les avantages financiers afférents sont considérables.
A ce sujet, une enquête
83
réalisée en 1996 auprès de 600
patrons de PME suggérait aussi que sept dirigeants sur dix
originaires de province sont restés dans leur province d’origine,
ce qui suggère un ancrage local fort. De même les héritiers de
petites et moyennes entreprises ont le plus souvent un fort
enracinement local : entrés jeunes dans l’entreprise, ils ont tissé
des liens de longue date avec les autres dirigeants d’entreprise
83
«
Les dirigeants de PME : enquête, chiffres, analyses pour mieux les
connaître
», P. Duchénéaut, éditions Maxima, 1996.
CONSEIL DES IMPÔTS
135
et
les
responsables
publics
locaux
84
.
Enfin,
nombre
de
dirigeants d’entreprises sont des notables, investis dans la vie
culturelle, sociale et politique locale et qui ne sauraient se
délocaliser. De même, le risque de délocalisation des détenteurs
de capitaux de certaines grandes entreprises dépendantes de la
commande publique nationale est sans doute tempéré.
Parmi les dirigeants et détenteurs de capitaux proches
d'une frontière, il apparaît une différence de comportement très
importante entre les dirigeants d’entreprise rhônalpins et ceux
du Nord. En effet, quitter Grenoble ou Lyon pour la Suisse ou
l’Italie se traduit par une coupure des liens sociaux. En
revanche, les personnes fortunées du Nord peuvent changer du
tout au tout de statut fiscal en se déplaçant de quelques
kilomètres, notamment en s’installant dans la ville frontalière
de Mouscron (où se situe la « rue des milliardaires » [français]),
sans remettre en cause leur mode de vie.
2. - Parmi les paramètres fiscaux,
le niveau de la pression fiscale
n'est pas le seul à prendre en
compte
2.1. Les relations avec l'administration fiscale
Il convient ainsi de souligner le hiatus entre les
perceptions réciproques de la direction générale des impôts et
des contribuables susceptibles de s’expatrier :
-
les
contribuables
susceptibles
de
s’expatrier,
notamment les dirigeants d’entreprises, estiment que la Nation
leur est redevable de leur contribution à la croissance, à
l’emploi et au budget de l’Etat, et attendent de ce fait des égards
particuliers de la part de l’administration fiscale ;
- à l’inverse, ces contribuables sont labellisés par la DGI
comme des «
dossiers à forts enjeux
», et appellent de ce fait une
attention particulière en termes de contrôle fiscal.
84
Cf. «
LES PMI et leurs dirigeants
», R. Ardenti et P. Vrain, Dossier n° 17,
Centre d’études sur l’emploi (CEE), 2000.
CONSEIL DES IMPÔTS
136
D'une manière générale, la qualité des relations entre
l’administration fiscale et les contribuables peut contribuer au
choix de localisation de ceux qui sont mobiles, ce qui plaide
pour la poursuite de la mise en oeuvre des préconisations du
20
ème
rapport du Conseil des impôts, notamment l’amélioration
des conditions du dialogue entre l’administration et le
contribuable contrôlé.
Le régime suisse d’imposition forfaitaire des résidents
étrangers inactifs constitue d’ailleurs un exemple extrême de
mise en application de ce constat. Il convient en effet de
rappeler que la Suisse prévoit, pour les non-résidents qui
veulent s’installer dans la Confédération pour la première fois
(ou après une absence de dix ans), sans y exercer d’activités
lucratives, un régime d’imposition forfaitaire dont le montant
est négocié à l’avance avec les autorités fédérales et avec les
autorités cantonales. Ce régime consiste à déterminer un revenu
imposable forfaitaire, qui ne peut être en pratique inférieur au
minimum du double des dépenses courantes en Suisse, ou du
quintuple de la valeur locative du logement en Suisse, puis à
l’imposer ensuite au taux normal de l’impôt sur le revenu en
Suisse
85
. Certains cantons suisses (comme celui du Valais) ont
mis en place des services de prospection et de démarchage de
fortunes étrangères assurant notamment la négociation du
forfait imposable, ainsi que l’obtention du permis de séjour.
A contrario
, il convient d’observer que la Belgique n’a pas
une stratégie délibérée d’attraction des capitaux étrangers (le
patrimoine des étrangers résidant en Belgique étant d’ailleurs
souvent géré depuis le Luxembourg), mais une structure
d’imposition
qui,
pour
des
raisons
historiques
et
socioculturelles, est plus favorable aux revenus du patrimoine
par rapport aux revenus d’activité.
85
L’impôt fédéral dû ne peut pas non plus être inférieur à celui qui frapperait
normalement les revenus du patrimoine mobilier et immobilier situé en Suisse
et aux pensions de source suisse perçues par le contribuable.
CONSEIL DES IMPÔTS
137
2.2. L'érosion du consentement à l'ISF
Le Conseil des impôts soulignait en exergue de son 20
ème
rapport relatif aux relations entre l’administration fiscale et les
contribuables qu’il «
revient aux pouvoirs publics d’assurer la
permanence du consentement à l’impôt des citoyens
». Cette
appréciation prend ainsi tout son sens dans le contexte de la
présente étude. En effet, les décisions de délocalisation pour des
motifs principalement fiscaux sont étroitement corrélées à la
disparition du consentement à l’impôt, notamment du fait d’un
sentiment d’injustice ou d’illégitimité de l’impôt.
Contrairement à l’impôt sur le revenu, dont le principe est
relativement peu contesté, l’ISF apparaît de ce point de vue
particulièrement mal accepté. En effet, l’ISF est contesté dans
son principe même par une partie de la doctrine, et, comme cela
a
été
rappelé,
plusieurs
pays
européens
ont
supprimé
l’imposition de la fortune au cours de la décennie écoulée
(l’Autriche en 1993, l’Allemagne
de facto
en 1995
86
, le
Danemark en 1997).
En outre, le taux et les modalités de plafonnement de l’ISF
sont parfois perçus comme confiscatoires (notamment pour
ceux des contribuables dont le plafonnement à l’ISF est lui
même plafonné) à la lumière du considérant de la décision du
Conseil constitutionnel n° 98-405 DC du 29 décembre 1998
selon lequel l’ISF «
est appelé normalement à être acquitté sur
les revenus des biens imposables
», dont l'interprétation est
toutefois sujette à controverse. En effet, si le revenu courant des
biens détenus est parfois du même ordre de grandeur que
l'impôt exigé, le revenu net incluant les plus-values apparaît
bien supérieur.
De surcroît, les assujettis souffrent d’être soumis à des
obligations déclaratives détaillées, qui les conduisent parfois à
exposer très largement leur vie personnelle à l’administration
fiscale (notamment pour les concubins soumis de ce fait à une
imposition commune).
86
A la suite d’une décision du Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe du 22
juin 1995 (cf. les annexes du 16
ème
rapport du Conseil des impôts).
CONSEIL DES IMPÔTS
138
Enfin, la tentation de frauder est grande, du fait de la
nature déclarative de l'impôt. La fraude peut prendre la forme
d'une sous-évaluation des biens immobiliers ou des titres de
sociétés
non
cotées ;
elle
peut
aussi
passer
par
une
dissimulation d'éléments de patrimoine tels que les biens
détenus à l'étranger.
2.3. Les effets d'entraînement et d'imitation
L'expatriation de personnes pour des raisons fiscales
repose aussi sur des effets d’entraînement et d’imitation.
En effet, les dirigeants d’entreprises d’un même bassin
d’emploi se connaissent très fréquemment
87
. L’expatriation de
l’un d’entre eux pour des raisons fiscales est ainsi rapidement
connue et suscite des effets d'entraînement, d'autant que :
- les premiers départs créent des filières pratiques
d’expatriation et réduisent l’incertitude pour les suivants, qui
peuvent plus facilement recueillir de l’information sur le pays
d’accueil ;
- l’expatriation de quelques précurseurs crée un « effet de
club » qui réduit la perte de bien-être pour les suivants, dont les
enfants peuvent par exemple retrouver des amis francophones ;
-
des
montages
sont
proposés
à
l'identique
aux
contribuables potentiellement intéressés.
87
Les mécanismes sont exactement les mêmes pour certains segments de
main d’oeuvre salariés, comme les cadres de la finance ou les sportifs de haut
niveau.
CONSEIL DES IMPÔTS
139
B. - L'imposition des hauts revenus
et des droits de mutation
n'incite que marginalement
à la délocalisation des activités
1. - Les droits de mutation
Il a été rappelé que les droits de mutation à titre gratuit
ont été nettement réduits en cas de succession préparée. Une
difficulté demeure pour les successions non préparées, mais
sans influence sur l'attractivité. Il a par ailleurs été souligné que
si certaines successions de chefs d'entreprise ont parfois des
conséquences économiques fâcheuses, conduisant à la vente de
tout ou partie des parts à l'extérieur du groupe familial, c'est en
raison des modalités de partage entre les héritiers et plus
marginalement du fait de l’importance des droits de succession.
Surtout, il convient de rappeler que les droits de mutation
permettent de "purger" les plus-values : la présentation du
système français d'imposition des personnes comme taxant de
manière cumulative le revenu, mais aussi le patrimoine, les
plus-values réalisées sur celui-ci et la mutation est erronée.
Comme on l'a vu, des droits de mutation moins élevés dans
certains pays existent bien, mais la configuration dans laquelle
le détenteur d'un patrimoine changerait d'Etat de résidence à
seule fin d'échapper au paiement des droits de mutation en
France est peu vraisemblable. Dès lors qu'un patrimoine
suffisamment important est en jeu pour que la question d'un
changement de résidence se pose en matière de droits de
mutation, c'est qu'il s'agit d'un important patrimoine déjà taxé à
l'ISF, pour lequel la question de la localisation du détenteur
s'est en principe déjà posée en tant que telle.
CONSEIL DES IMPÔTS
140
2. - L'impôt sur le revenu
n'est pas déterminant,
sauf dans certains cas très limités
2.1. Les délocalisations pour échapper à l'impôt sur le revenu
sont potentiellement peu intéressantes et ne concerneraient
en tout état de cause qu'un nombre restreint de personnes
parmi les actifs
Les analyses précédentes ont montré que, du point de vue
du contribuable lui-même, l'impôt sur le revenu acquitté en
France était loin d'être élevé en comparaison de celui existant
dans d’autres pays, y compris dans des pays présentés
habituellement comme les plus accueillants pour les hauts
revenus, tels que le Royaume-Uni. Ceci est vrai si l'on considère
comme référence les pays comparables en termes de poids
économique,
de
qualité
de
la
main-d'oeuvre
et
de
l'environnement, avec l'idée que le revenu considéré est un
revenu salarial, et que la localisation de la personne est analysée
en liaison avec celle de l'entreprise qui l'emploie. Ceci n'est plus
vrai si l'on considère une personne sans activité dont les
revenus sont en majorité des revenus du patrimoine, mais un
tel cas relève la plupart du temps surtout de la problématique
de l'ISF. De ce point de vue, des pays à la fois proches de la
France et présentant certaines caractéristiques des paradis
fiscaux, tels que Monaco ou la Suisse, demeurent beaucoup
plus attractifs. La problématique n'est toutefois plus celle de
l'emploi et de l'activité.
Dès
lors,
l'expatriation
pour
des
raisons
liées
à
l'imposition des revenus de personnes exerçant une activité est
sans doute peu significative parce qu'elle est peu intéressante
dans le cas général. En tout état de cause, elle ne pourrait
concerner qu’un nombre de contribuables très réduit. D'une
part, les coûts et les pertes de bien-être associés à une
délocalisation sont tels que, à supposer qu'un autre système
fiscal conduise à un impôt sur le revenu plus faible, seules les
personnes disposant de revenus salariaux très élevés sont
susceptibles de se délocaliser. Il faut à cet égard rappeler deux
éléments de contexte. Tout d'abord, les flux de départs
CONSEIL DES IMPÔTS
141
représentent 1/800
ème
de la population active (hors fonction
publique), et parmi ceux-ci, seule une petite minorité se
délocalise pour des raisons liées à l’impôt sur le revenu. L'effet
sur le débat public est toutefois démultiplié par le caractère
médiatique de certains des intéressés. Ensuite, il faut rappeler la
distribution des hauts revenus en France : environ 0,2% des
salariés (soit 36 500) gagneraient plus de 12 500 euros nets par
mois, environ 0,03% des salariés (soit 4 700) gagneraient plus de
30 000 euros nets par mois.
Parmi ces salariés bénéficiant de hautes rémunérations,
tous ne sont pas en position d'arbitrer en matière de lieu
d'affectation. Ceux qui le peuvent sont actifs dans des métiers
très spécifiques où leur excellence leur permet d'être en quelque
sorte leur propre capital et leur propre entreprise. Il s'agit avant
tout de mannequins, de sportifs, de personnes actives dans
certaines fonctions de la finance. Or, l'offre de travail dans
certaines de ces fonctions se fait dans des pays où l'IR n'est pas
plus avantageux (Royaume-Uni, Etats-Unis, Italie… ) qu'en
France, sauf pour une élite très restreinte dont le mode de vie
est totalement international, et appelée à exercer ses talents
dans des pays très différents au cours de l'année.
Pour ces agents, le lieu de résidence n'est guère qu'un
port d'attache non lié au lieu d'activité. Ils sont naturellement
enclins à choisir de résider dans un paradis fiscal. En réalité, si
de telles expatriations ont aussi eu lieu dans des pays qui
n'affichent pourtant pas un IR moins lourd que la France
(Royaume-Uni notamment), c'est le plus souvent, comme on le
verra, parce que les intéressés ont bénéficié, en s'expatriant, de
conditions fiscales qui ne sont pas les conditions de droit
commun dans les Etats considérés, soit du fait de l'existence
d'un régime pour les impatriés dans ces Etats, soit du fait de
lacunes dans les conventions fiscales.
Ainsi, compte tenu des forces qui s'y opposent (cf. ci-
dessus), la délocalisation de salariés à hauts revenus pour des
motifs liés à l'impôt sur le revenu n'est susceptible de concerner
qu'un nombre très réduit d'actifs, et pour des raisons qui ne
tiennent pas à des écarts sur le droit commun de l'impôt sur le
revenu.
CONSEIL DES IMPÔTS
142
L'argument est parfois avancé selon lequel les individus
pourraient être sensibles au poids des cotisations salariales. Le
rapport Lavenir précité relève ainsi que si l'on prend comme
indicateur non pas le poids du seul impôt sur le revenu, mais
de l'agrégat impôt sur le revenu +cotisations salariales, le
prélèvement subi apparaît cette fois plus lourd par rapport au
Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. Pour un coût égal supporté
par l'employeur, la rémunération nette obtenue par le salarié est
en effet significativement plus importante dans ces Etats qu'en
France. Des salariés qui n'accorderaient pas d'importance aux
prestations sociales qui sont la contrepartie de ces cotisations,
ou qui estimeraient qu'une assurance privée pourrait leur offrir
les mêmes prestations à moindre coût, pourraient être incités à
quitter le territoire. Pour des raisons d'âge et de situation
familiale, ces salariés seraient aussi les plus mobiles.
Cependant, recommander par exemple une baisse des
tranches marginales supérieures de l'impôt sur le revenu ou
une remise en question du mode de financement de la
protection sociale, uniquement pour tenter de retenir une très
petite minorité de personnes qui choisissent une autre
localisation parce que leur arbitrage personnel ne prend pas en
compte à une date donnée la couverture mutualisée des risques,
ne semble pas une mesure efficace ni équitable. Une telle
mesure aurait par ailleurs un formidable effet d'aubaine.
2.2. Les données concernant l'expatriation des redevables
de l'impôt sur le revenu ne permettent pas d'apprécier
leurs motivations
Le nombre de délocalisations au regard de l’IR peut être
évalué grâce aux dossiers de redevables de cet impôt transmis
au centre des impôts des non-résidents (soit 33.000, hors
fonctionnaires, en 1999), mais une étude
88
à partir du fichier
d’identification des personnes (FIP), avec comme critère «
la
dernière adresse connue à l’étranger
», donne une évaluation
plus fine des départs en suggérant que 25.000 contribuables
88
Effectuée par le bureau CS4 de la DGI
CONSEIL DES IMPÔTS
143
(hors fonctionnaires partis en poste à l’étranger) s’étaient
délocalisés en 1998.
Cet ordre de grandeur d’environ 25 000 délocalisations de
contribuables à l’IR par an, remarquablement stable d’une
année sur l’autre, est celui qui est désormais le plus souvent
admis,
notamment
dans
les
synthèses
occasionnellement
transmises aux commissions des finances des assemblées
parlementaires.
Ce chiffre conduit toutefois vraisemblablement à sous-
estimer légèrement les flux de départ, car certains d'entre eux se
produisent sans que l'administration en soit informée
89
, et parce
que ce chiffrage ne recouvre pas, par construction, les jeunes
qui prennent leur premier emploi à l'étranger, le plus souvent
d'ailleurs pour des raisons non fiscales.
Les statistiques exposées dans la note transmise au
Parlement en 2001 relative aux délocalisations de contribuables
personnes physiques de 1997 à 1999 suggèrent que la plupart
de
ces
départs
ont
des
motifs
d’ordre
principalement
professionnel : en effet, les pays de destination sont davantage
corrélés avec la structure du commerce extérieur, qu'avec celle
des pays à fiscalité favorable. Tout au plus observe-t-on une
surpondération de la Suisse, ce qui pourrait être un indice de
délocalisation pour des motifs fiscaux.
89
Ce n'est généralement pas le cas des contribuables à hauts revenus, qui sont
normalement connus des services fiscaux.
CONSEIL DES IMPÔTS
144
Tableau n°27 :
Destination des redevables de l’IR ayant quitté
la France et structure des exportations françaises en 1999
Zone
Destination des
redevables à l’IR
délocalisés
Structure des exportations
Europe
67 %
75 %
Royaume-
Uni
14 %
10 %
Espagne
9 %
9 %
Allemagne
8 %
16 %
Belgique
8 %
8 %
Suisse
6%
4%
Portugal
6 %
1 %
Italie
5 %
9 %
Amérique
du Nord
16 %
9%
Etats-Unis
11 %
8%
Canada
4 %
1%
Afrique
8 %
5 %
Asie
7 %
8 %
Source : Douanes et DGI, 2001.
C. - Du point de vue de l'entreprise,
le poids des cotisations sociales
sur les salariés à hauts revenus
a des effets plus préoccupants
Le niveau des cotisations sociales entre dans le coût du
travail global et les analyses précédentes montrent que, par
rapport à des pays comparables, le coût moyen du travail en
France n'est pas particulièrement élevé. Mais ceci n'est pas vrai
pour des salaires élevés, pour lesquels il apparaît jusqu'à 50%
plus élevé.
Cette spécificité pourrait jouer contre le choix, par des
sociétés étrangères, de la France pour l'implantation d'unités
comportant de nombreux salariés bien rémunérés, tels que des
centres de décision, certains métiers de la banque et de la
finance ou des centres de recherche et développement.
CONSEIL DES IMPÔTS
145
A cet égard, le nouveau statut des impatriés, en
permettant la déductibilité du revenu imposable d'une partie
des cotisations, devrait réduire significativement le handicap de
la France.
En revanche, le poids des cotisations sociales sur les hauts
salaires
90
peut exercer un effet dissuasif dans d'autre cas, peut-
être plus fréquents : celui où une société étrangère envisage
d'implanter une unité employant du personnel très qualifié
qu'elle souhaite recruter sur place ou celui d'une société
française qui met en balance le site France avec des sites
étrangers pour le même type d'implantation. La récente réforme
du statut des impatriés n'a en rien amélioré la situation de la
France à cet égard. La problématique du niveau des cotisations
sociales sur les plus hauts revenus a toutefois des implications
qui excèdent le champ de ce rapport.
D. - L'imposition des plus-values
et l'ISF peuvent inciter à
l'expatriation des personnes, avec des
conséquences toutefois limitées sur
l'activité
La problématique de l'ISF est complexe et exige d'abord
d'approfondir l'effet de l'ensemble des dispositions sur les
redevables avant de conclure sur l'impact en termes d'emploi et
d'activité. Il convient de préciser d’emblée que, dans la plupart
des cas, l'exonération des biens professionnels permet d'éviter
les éventuelles répercussions de l'ISF sur les choix de
localisation des détenteurs des sociétés. Dès lors, l'impact
éventuel de l'ISF sur la localisation des entreprises ne peut être
que résiduel en ne concernant que ceux qui ne bénéficient pas
d'une telle exonération.
90
Au-delà d’un certain montant, le plafond des cotisations, les rémunérations
ne sont plus prises en compte pour le calcul d’une partie des cotisations
vieillesse. Contrairement à ces cotisations, dites plafonnées, les cotisations
d’assurance maladie, maternité, invalidité, décès, d’allocations familiales,
d’accident de travail et d’assurance veuvage sont dues sur la totalité des
rémunérations.
CONSEIL DES IMPÔTS
146
1. - Les redevables de l’ISF
les plus imposés
peuvent être tentés d'échapper
à une imposition jugée lourde
1.1. L'ISF est très concentré sur un petit nombre de
redevables, dont des détenteurs de parts d'entreprise
Le tableau suivant indique que l’ISF est un impôt très
concentré, puisque 0,5% des redevables acquittent 23% de son
produit
et 6% en acquittent plus de la moitié.
Tableau n°28 :
Ventilation de l’ISF en 2001 par tranche de patrimoine imposable
Tranches d’actif
Patrimoine imposable
Produit de l’ISF
Net imposable
(en M€)
Nombre de
redevables
Montant
(en M€)
Pourcentage
Montant
(en M €)
Pourcenta
ge
de
0,72 M€
à
1,16 M€
124 594
46,4%
116 979
24,3%
147
6,1%
de
1,16 M€ à
2,3 M€
105 474
39,3%
164 679
34,3%
567
23,7%
de
2,3 M€
à
3,6 M€
22 148
8,3%
62 252
13,0%
351
14,7%
de
3,6 M€
à
6,9 M€
11 401
4,2%
53 818
11,2%
426
17,8%
de
6,9 M€
à 15 M€
3 530
1,3%
33 919
7,1%
353
14,7%
supérieure
à 15 M€
1 301
0,5%
48 396
10,1%
551
23,0%
Ensemble
268 448
100,0%
480 044
100,0%
2 395
100,0%
Source : DGI
CONSEIL DES IMPÔTS
127
CONSEIL DES IMPÔTS
148
Le patrimoine est composé à 70% de valeurs mobilières et
autres
biens
meubles.
Les
redevables
les
plus
imposés
disposent principalement (à 75% pour les plus imposés) de
revenus du patrimoine.
En fait, d’un côté, près de 125 000 redevables acquittaient
en 2001 une cotisation moyenne de 1 180 euros, soit au total 147
millions d’euros. L’ISF est généralement pour ces redevables
principalement un impôt foncier, notamment sur l’immobilier
parisien. Leur situation n’est pas du ressort de cette étude. De
l’autre côté, 4 831 redevables acquittaient en 2001 une cotisation
moyenne de plus de 187 000 euros, soit au total 904 millions
d’euros ou 37,7 % du produit de l’impôt. Cette cotisation est
proportionnellement
davantage
assise
sur
des
valeurs
mobilières, qui constituent la source principale de revenu des
personnes concernées.
Il convient de rappeler que les contribuables « plafonnés »
acquittent au moins 85 % de leur revenu imposable sous la
forme d’impôt sur le revenu et d’ISF. En d’autres termes,
compte tenu du taux marginal de l’impôt sur le revenu en 2001
(soit 52,75 %), cela signifie que leur cotisation d’ISF représentait
près du tiers de leurs revenus. Comme l'indique le tableau
suivant, une grande partie des
redevables disposant d’un très
important patrimoine bénéficie du plafonnement.
CONSEIL DES IMPÔTS
149
Tableau n°29 :
Le plafonnement de l’ISF en 2001
Tranches d’actif
net imposable
Nbre de
redevable
s
Part des
plafonn
és dans
l’effectif
de la
tranche
Répartition
des
plafonnés
en %
Pourcentage de
plafonnés dont
le
plafonnement
est limité
de 0,72 M€ à 1,16
M€
124 594
0,2%
6,3%
0,0%
de
1,16 M€ à 2,3
M€
105 474
0,4%
13,4%
0,0%
de
2,3 M€ à
3,6 M€
22 148
1,9%
11,9%
13,2%
de
3,6 M€ à
6,9 M€
11 401
7,2%
23,5%
23,7%
de
6,9 M€ à 15 M€
3 530
24,2%
24,3%
26,5%
de 15 M€ à 30 M€
853
50,8%
12,3%
21,4%
de 30 M€ à 75M€
332
59,9%
5,7%
10,1%
> 75 M€
116
77,6%
2,6%
5,1%
TOTAL
268 448
1,3%
100,0%
100,0%
Source :
DGI
Ainsi, ces mêmes 4 831 redevables disposant d’un
patrimoine
taxable
supérieur
à
6,9 millions
d’euros
représentaient en 2001 46% des contribuables plafonnés. Mais il
faut
ajouter
que
pour
63%
d'entre
eux,
les
effets
du
plafonnement étaient limités.
Au total, ces tableaux mettent en évidence l’existence
d’un groupe d’un peu moins de 5 000 redevables, assujettis à
l’ISF au taux marginal de 1,5 % ou de 1,8 %, plafonnés pour 40
% d’entre eux en 2001, et dont le bénéfice du plafonnement est
le plus souvent limité. Pour cette petite minorité de redevables,
souvent détenteurs de parts d'entreprise, l'impôt acquitté
apparaît lourd et il peut leur paraître profitable de quitter le
territoire pour s'y soustraire, sans que l'on puisse à ce stade se
prononcer sur les conséquences économiques de ces décisions.
CONSEIL DES IMPÔTS
150
1.2. L'exonération des biens professionnels
L'exonération des biens professionnels, entendus comme
les titres détenus par les actionnaires possédant plus de 25% des
parts d'une entreprise et exerçant une fonction de direction
dans celle-ci, est censée apporter un correctif aux effets
dommageables
pour
l'économie
que
l'ISF
pourrait
éventuellement exercer.
Mais à son tour, ce correctif suscite des contentieux, des
injustices et effets pervers. Il convient notamment de souligner
que :
- le critère de l'activité principale dans la société rend
difficile les transmissions des fonctions de direction dans les
entreprises ;
- cette difficulté incite à mettre en place des stratégies de
transmission qui conduisent à l'exercice de certaines fonctions
quelquefois fictives,
- le critère de détention de 25 % du capital rend difficiles
certaines restructurations d’entreprises qui impliquent la
dilution du capital détenu par les dirigeants, et peut freiner
l'ouverture du capital de petites sociétés en forte croissance
(start-up), qui auraient besoin de tels financements ;
- ces conditions peuvent inciter certains redevables à
tenter
de
« requalifier »
des
biens
personnels
en
biens
professionnels, ce qui se traduit par un contentieux abondant,
en particulier concernant les actifs immobiliers et la trésorerie
des entreprises (notamment les comptes courants d’associés).
Le Conseil des impôts avait ainsi appelé, lors d’un
précédent rapport portant sur l'imposition du patrimoine, à une
baisse significative des taux de l'ISF qui s'accompagnait de la
suppression de l'exonération des biens professionnels. Le
Conseil fondait son diagnostic à la fois sur les effets pervers
rappelés ci-dessus, et sur le caractère discutable de la
distinction introduite entre les biens professionnels et les autres
biens, par exemple le patrimoine immobilier ; les différents
biens jouant tous un rôle dans l'économie.
CONSEIL DES IMPÔTS
151
Depuis ce rapport, le taux de l'ISF n'a pas été diminué,
mais augmenté ; par la suite, l'atténuation des effets pervers de
la notion de biens professionnels a emprunté la voie d'une
extension de cette notion. La récente réforme de l'ISF a ainsi
attribué un abattement de 50 % sur la valeur des actions qui
font l’objet d’un engagement collectif de conservation de titres
d’une durée d’au moins six ans par des associés qui n'exercent
pas d'activité dans la société. Cette situation remédie à un
certain nombre des effets pervers identifiés ci-dessus, au prix
d'une discrimination de plus en plus grande entre les diverses
catégories de patrimoine.
2. - L'effet de la taxation
des plus-values peut
s'additionner
à celui de l'ISF
La deuxième moitié des années 90 a été marquée par une
appréciation forte de la valeur des titres. Elle s'est aussi
caractérisée
par
une
vague
d’internationalisation
des
entreprises françaises et par une accélération de l’ouverture de
leur capital à des investisseurs étrangers. L'opportunité de
réaliser une plus-value s'en est trouvée accrue. Dans ce
contexte, la fiscalité plus lourde existant en France a pu entrer
en ligne de compte dans certaines décisions d'expatriation.
Il faut cependant rappeler que l’évasion fiscale liée à
l’épargne est sans doute limitée en France par le fait que les
revenus de l’épargne sont fréquemment exonérés d’imposition :
la commission des finances du Sénat estimait ainsi en 2003 que
près des trois-quarts de l’épargne longue n’étaient pas taxés. De
même, l’intensité de la concurrence fiscale en matière de plus-
values de cession de titres est sans doute fortement limitée par
l’ampleur des exonérations afférentes, qui constituent parfois le
décalque de celles relatives aux revenus de l’épargne. On peut
d’ailleurs observer que le montant total des plus-values de
cession de valeurs mobilières de placement imposables est
relativement faible (en moyenne 6,5 milliards d’euros par an
CONSEIL DES IMPÔTS
152
sur la période 1991-2000
91
, alors que le patrimoine des ménages
en actions et titres d’OPCVM s’établissait à 645 milliards
d’euros à la fin de 1995 et à 1,276 milliards d’euros à la fin de
2001
92
). Il s'agit là essentiellement de plus-values boursières.
Un cas particulier est constitué par l'imposition à 26% des
plus-values réalisées sur la cession de droits sociaux lorsque le
cédant détient solidairement avec sa famille plus de 25% des
parts. Dans un tel cas, l'imposition apparaît particulièrement
lourde par rapport à d'autres Etats.
Cependant, on peut observer que le montant moyen des
plus-values de cession de titres appréhendées par application
de la procédure prévue à l'article 167 bis du CGI est
de 760 000 euros, de sorte que le gain correspondant à une
économie d’imposition au taux de 26 % sur une plus-value
latente de 760 000 euros est de 197 600 euros. Ce montant ne
semble pas suffire à justifier, une expatriation qui implique des
coûts et une perte de bien-être, sauf pour des frontaliers.
En revanche, l’imposition des plus-values et l'ISF peuvent
dans certains cas rendre une expatriation profitable.
Le cas général mêle à la fois la question des plus-values et
celle de l'ISF, par exemple lorsqu'un chef d'entreprise détenteur
de plus de 25% des parts, exonéré d'ISF au titre des biens
professionnels, souhaite se retirer en cédant ou en donnant ses
parts.
Cas 1 : il vend ses parts en réalisant une plus-value. Celle-
ci est imposable à 26%. La somme perçue, nette d'impôt, entre
dans son patrimoine personnel et devient alors le cas échéant
assujettie à l'ISF. Le cessionnaire paie un droit de mutation de
4,80% pour des parts de SARL ou de 1% limité à 3000 euros s'il
s'agit d'actions. Un patrimoine exonéré d'une valeur de 10 M€,
dégageant une plus-value de cession de 5 M€, se traduit ainsi
lors de la cession par une imposition de 1,3 M€, puis par une
cotisation d'ISF de 180 000 euros par an.
91
Source DGI, cf. les tableaux ci-avant.
92
Source : INSEE.
CONSEIL DES IMPÔTS
153
Cas 2 : il donne ses parts à ses héritiers. Il n'acquitte pas
d'imposition sur la plus-value, le donataire non plus. Il n'est pas
assujetti à l'ISF puisqu'il n'y a pas de produit de cession. Le
donataire est ou non redevable de l'ISF selon qu'il reprend ou
non l'activité dans l'entreprise. Il supporte les droits de
mutation à titre gratuit. Ultérieurement, s'il cède ses parts, la
plus-value sera calculée à partir de la valeur transmise lors de la
donation. La plus-value constatée au moment de la donation
sera donc purgée. Ce régime est tellement favorable par rapport
à la cession à titre onéreux que des montages tendant à réaliser
des fausses donations préalablement à des cessions ont été
soumis au comité de répression des abus de droit (voir infra).
Dans le premier cas, il peut paraître avantageux d'arbitrer
en faveur d'une expatriation. Afin de s'y opposer, un
mécanisme avait été institué pour éviter que des contribuables
se délocalisent juste avant de réaliser leur plus-value, mais ce
dispositif a été récemment invalidé par la CJCE. Ce point sera
détaillé plus loin dans le rapport.
3. - Un petit nombre de
redevables de l'ISF se délocalise
pour des raisons fiscales
3.1. Des flux réduits en nombre d'individus
Dans son 16
e
rapport, relatif à l’imposition du patrimoine,
le Conseil des impôts concluait que «
quelques délocalisations
d’ampleur encore limitée apparaissent comme un signal
d’alarme
»
du niveau relativement élevé de l’imposition du
patrimoine en France.
CONSEIL DES IMPÔTS
154
Depuis lors, au sein de la DGI a été créé un observatoire
chargé de suivre les délocalisations de personnes physiques
93
.
Les flux annuels d'expatriations de redevables de l’ISF recensés
par cet observatoire sont les suivants :
Tableau n°30 :
Flux de délocalisations de redevables à l’ISF
Année de
délocalisation N
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Délocalisés non
redevables à l’ISF
en N+1
199
196
215
224
184
Nd
94
Délocalisés
redevables à l’ISF en
N+1
95
171
187
135
135
146
Nd
Total des
délocalisations
de redevables à l’ISF
en année N
370
383
350
359
330
Nd
Source :
DGI, résultats actualisés en février 2003
96
Ces données montrent en première analyse qu’environ
350 1redevables de l’ISF quittent chaque année le territoire
national. Certes, ces chiffres ne sont pas exhaustifs. En
particulier, l’observatoire ne peut recenser ni les délocalisations
93
Le fonctionnement de cet observatoire est le suivant : dès qu’il a
connaissance du transfert de son domicile fiscal hors de France par un
redevable à l’ISF, le service territorial des impôts compétent est censé
informer l’observatoire,
via
le Centre des impôts des non résidents (CINR).
Concrètement, en cas de réception d’une déclaration d’IR provisoire en cours
d’année de la part d’un redevable à l’ISF, le service territorial est chargé de
transmettre la copie de la dernière déclaration d’ISF souscrite avant le départ
à l’étranger, la profession du contribuable et l’année de délocalisation. En
l’absence de déclaration provisoire déposée lors du départ, l’attention du
service est en principe appelée sur les déclarations de revenus préidentifiées
déposées, l’année suivante, par les redevables à l’ISF et révélant un transfert
fiscal à l’étranger. La procédure précédente s’applique alors.
94
Les données provisoires afférentes à 2002 n’ont pas encore été transmises
par la DGI.
95
Il s’agit là de personnes qui conservent des biens imposables en France
(principalement immobiliers).
96
La DGI n’a pas encore transmis de chiffrages plus récents.
CONSEIL DES IMPÔTS
155
de personnes physiques qui éludaient l’ISF alors qu’elles
auraient dû l’acquitter, ni les délocalisations de personnes
physiques qui s’expatrient juste avant de devenir redevables à
l’ISF
97
. Ce dernier cas a pu toutefois être appréhendé par
l'intermédiaire du dispositif d'imposition des plus-values
latentes lors de l'expatriation (art 167 bis du CGI), et sa prise en
compte ne modifie pas l'ordre de grandeur des délocalisations.
L’impact de la concurrence fiscale internationale sur la
localisation des contribuables les plus fortunés peut a priori
également s’apprécier à l’aune du différentiel entre les flux de
départs et les flux de retour.
Ces retours ont été décomptés pour la première fois pour
l’année 2001.
Ce décompte ne faisait apparaître que 130 retours en 2001,
contre 330 départs. Ce nombre de retours est peut-être
légèrement sous-estimé
98
. L’Inspection générale des Finances
concluait d’ailleurs de l’examen de 60 dossiers de contribuables
redevenus résidents en l’an 2000 qu’il s’agissait surtout de
salariés du privé et du public (cadres expatriés, diplomates et
fonctionnaires internationaux), les chefs d’entreprises étant a
contrario fort rares.
De
même,
l’évolution
des
flux
de
départs
est
d’interprétation difficile. En particulier, compte tenu des
incertitudes afférentes aux données produites par l’observatoire
des
délocalisations,
commenter
l’évolution
du
nombre
97
Par exemple, les données précédentes ne recouvrent pas le cas du
fondateur d’une « jeune pousse » qui s’expatrie juste avant de commencer à
retirer des revenus importants de son activité ou bien de vendre son
entreprise. De même, ces données ne recouvrent pas le cas du dirigeant de
petite entreprise dont le patrimoine taxable était inférieur au seuil de
déclenchement de l’ISF, et qui s’expatrie juste avant de perdre le bénéfice de
l’exonération
de
ses
biens
professionnels.
Cela
étant,
ces
dernières
configurations sont en principe appréhendées depuis l’introduction, par la loi
de finances initiale pour 1999, de l’obligation pour les contribuables
s’expatriant de déclarer leurs plus-values latentes de cessions titres.
98
Les chiffres ne tiennent pas compte des primo-arrivées d’étrangers
redevables à l’ISF. De plus les procédures de domiciliation engagées par la
DNEF à l’encontre de personnes physiques étrangères suggèrent que celles-ci
sont souvent réticentes à se reconnaître fiscalement résidentes en France.
CONSEIL DES IMPÔTS
156
d'expatriations d’une année sur l’autre semble d’une pertinence
réduite.
Tableau n°31 :
Evolution du nombre de
redevables personnes
physiques délocalisées
et de leur patrimoine imposable à l’ISF
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Nombre de
délocalisations
de redevables à
l’ISF
370
383
350
359
330
nd
Niveau des bases
imposables (M€)
2 299
2 301
1 448
1 264
1 002
nd
Dont mobilier
99
2 205
2 200
1 271
1 145
942
nd
Pour mémoire,
moyenne annuelle
de l’indice CAC 40
2 756
3 698
4 544
6 265
5 015 3 792
Pour mémoire,
moyenne annuelle
de l’indice SBF 250
1 819
2 380
2 904
3 982
3 220 2 520
Source : DGI, résultats actualisés en février 2003
100
, Banque de
France pour les indices boursiers
En revanche, le tableau ci-dessus confirme la conclusion
développée supra selon laquelle les délocalisations se seraient
diffusées au cours de ces dernières années vers des personnes
de moins en moins fortunées. En effet, le montant moyen des
bases imposables des redevables à l’ISF se délocalisant a été
divisé par deux entre les années 1997-1998 et les années 2000-
2001, alors même que les cours boursiers moyens doublaient au
cours de la même période.
Cette observation se prête d’ailleurs à deux lectures :
Une lecture optimiste, selon laquelle les principales
fortunes susceptibles de se délocaliser seraient d’ores et déjà
parties, de sorte que le gros de la vague serait derrière nous et
que le maintien d’un flux de délocalisations serait notamment
lié
au
mouvement
d’internationalisation
des
entreprises
99
Il s’agit là des actifs
mobiliers : les bases sont égales aux actifs mobiliers +
les actifs immobiliers -- les passifs.
100
La DGI n’a pas encore transmis de chiffrages plus récents.
CONSEIL DES IMPÔTS
157
françaises de la fin des années 1990, qui a conduit à
l’expatriation de nombreux cadres supérieurs ;
Une lecture pessimiste, selon laquelle les délocalisations
de personnes physiques pour des raisons fiscales seraient
devenues un phénomène endémique susceptible de toucher un
nombre de personnes de plus en plus élevé.
3.2. Des destinations et des comportements qui suggèrent
un départ pour des raisons fiscales
Les destinations ne laissent aucun doute quant au fait
qu’une
partie
de
ces
délocalisations
ont
un
motif
principalement fiscal, puisque près d’un tiers des départs
bénéficient à deux pays (la Belgique et la Suisse) qui sont, pour
différentes raisons, des paradis fiscaux pour les fortunes
françaises.
Tableau n°32 :
Destination des redevables ISF délocalisés en 2001
Destinatio
n
Effectifs
%
Patrimoine
imposable
moyen (M€)
Part
mobilie
r
Part
immobilier
Belgique
61
18 %
3,60
83 %
17 %
Suisse
52
16 %
9,29
91 %
9 %
Etats-Unis 39
12 %
2,67
73 %
27 %
R-U
36
11 %
2,23
69 %
31 %
Pour mémoire : ensemble
des redevables ISF
1,79
69 %
31 %
Source : DGI, données provisoires établies en février 2003
La Suisse est une destination privilégiée pour les
contribuables cessant leur activité et disposant d’un portefeuille
important de valeurs mobilières. Cela s’explique notamment
par l’attrait du régime suisse d’imposition au forfait. Il convient
ainsi de souligner que la Suisse a attiré en 2001 16 % des
redevables à l’ISF, correspondant à près de la moitié (48 %) des
patrimoines imposables délocalisés ;
La Belgique est attractive pour les dirigeants souhaitant
céder leur entreprise en franchise de plus-values. Elle a ainsi
CONSEIL DES IMPÔTS
158
attiré en 2001 près de 18 % des contribuables, et 22 % des
patrimoines imposables délocalisés ;
En
revanche,
il
est
probable
qu’un
bon
nombre
d’expatriations de redevables à l’ISF vers les Etats-Unis et
surtout le Royaume-Uni n’ont pas un objectif principalement
fiscal, mais s’inscrivent soit dans un choix de vie, soit dans une
évolution de carrière (pour des cadres supérieurs), soit dans
une stratégie d’expansion internationale de l’entreprise.
Toutefois,
l’analyse
qualitative
de
certains
dossiers
fiscaux réalisée par l’IGF en l’an 2000 confirme la concomitance
de la délocalisation et de la perte de l’exonération au titre de
l’outil de travail, notamment à l’occasion d’une cession, d’un
départ en retraite ou d’un changement de l’équipe dirigeante de
l’entreprise.
4. - Les effets économiques
de ces expatriations sont très
limités
4.1. Les délocalisations des personnes n'ont que peu d'effet
sur la localisation des activités
D'une part, a été mise en évidence une population
réduite, disposant d'un patrimoine très important, investi
majoritairement en valeurs mobilières, donc contribuant au
financement des entreprises. D'autre part, certaines limites du
régime de l'exonération des biens professionnels ont été
soulignées, qui conduisent à des situations inéquitables ou
inefficientes. Il en résulte que pour certains détenteurs de
patrimoines importants, une expatriation peut apparaître
profitable.
Quelles en sont les conséquences en termes d'activité ?
D’un point de vue économique, il convient de souligner que la
domiciliation à l’étranger d’un redevable à l’ISF ne se traduit
aucunement, pour l’économie française, par la « perte » ou la
« fuite » de l’ensemble de son patrimoine.
CONSEIL DES IMPÔTS
159
C’est évident s’agissant du patrimoine immobilier, qui
n’est pas mobile. S’agissant par ailleurs du patrimoine mobilier,
cela résulte de la liberté de circulation des capitaux : dans
l’Union européenne, le lieu de résidence des détenteurs de
capitaux
n’exerce
en
théorie
aucun
effet
sur
le
lieu
d’investissement de ces capitaux, qui dépend des opportunités
de rendement offertes.
On peut illustrer ceci en considérant quelques profils de
redevables à l'ISF pour lesquels une délocalisation pour
échapper à cette imposition paraît avantageuse. L'effet sur
l'économie est variable selon les cas :
Cas n°1 : un chef d'entreprise détenteur de toutes les parts
d'une société évaluée à 15 M€, qui souhaite prendre sa retraite,
vend son entreprise, et devient de ce fait soumis à l'ISF. Une
fois vendue, l'entreprise demeure en France, avec les emplois
associés. Si une restructuration succède à la vente, ce n'est pas
du fait de l'ISF, car le propriétaire souhaitait vendre l'entreprise
de toute façon.
Cas n°2 : pour l'héritier ou l'actionnaire minoritaire d'une
entreprise analogue, qui ne souhaite pas en assumer la
direction, le pacte d'actionnaires lui permet désormais de
bénéficier d'une exonération partielle ; pour des patrimoines
importants,
ceci
peut
s'avérer
insuffisant.
L'héritier
ou
l'actionnaire minoritaire peut être incité à s'expatrier et à vendre
ses parts : les effets économiques sont alors complexes ; il est
possible que le nouvel acquéreur soit moins attaché au maintien
de l'emploi local ou cherche à payer une partie des frais
d'acquisition
en
restructurant
l'entreprise
au
prix
d’une
réduction d'emplois. On observe cependant que si c'est bien
l'ISF qui pousse l'héritier ou l'actionnaire minoritaire à
s'expatrier, cette expatriation n'implique pas, à elle seule, la
vente
des
parts
et
ses
éventuels
effets
dommageables,
puisqu'elle ne suffit pas à soustraire à l'ISF le détenteur de ces
parts.
Cas n°3 : un jeune chef d'entreprise désirant céder sa
société, qui a pris en peu de temps une valeur de 50 M€, et
souhaitant développer d'autres activités. Ce cas est l'un des plus
défavorables, non tant en raison de la cession de la société, mais
CONSEIL DES IMPÔTS
160
du fait de la perte du potentiel entrepreneurial afférent, qui
risque d'être créateur d'emplois ailleurs qu'en France.
Cas n°4 : une personne sans activité, détentrice d'un
patrimoine de 150 M€ d'actions de biens meubles et immeubles.
L'expatriation d'un tel profil est a priori sans effet sur l'activité
et l'emploi.
Cas n°5 : Un chef d'entreprise de 45 ans, à la tête d'un
groupe de sociétés non cotées ayant des filiales dans plusieurs
pays, d'une valeur d'1 Md€, dont, à la suite d'une fusion, il ne
possède plus que 20%. Ce cas apparaît également défavorable, à
la fois du fait de la perte du potentiel entrepreneurial de
l'intéressé, et du fait du transfert probable du centre de décision
dans un proche pays étranger, par exemple en Belgique. Au-
delà des quelques emplois perdus du fait de ce transfert, la
rupture du lien territorial avec la France peut induire dans
l'avenir, selon un argument fréquent, un arbitrage moins
favorable aux activités situées dans notre pays.
Sont dès lors surtout susceptibles de causer un préjudice
économique réel les délocalisations pour des raisons fiscales de
personnes encore jeunes et dynamiques, disposant d’un
patrimoine liquide important et souhaitant créer ou recréer des
entreprises, et des dirigeants en activité, ainsi que les
délocalisations conduisant au déplacement à l’étranger du
centre de décision d’entreprises existantes.
Or, en premier lieu, l’impact en termes de perte de
compétences ou d'activité entrepreneuriale des délocalisations
de personnes physiques pour des raisons fiscales est en tout
état de cause limité par le faible nombre des départs, et surtout
par l’âge avancé d’une fraction importante des personnes qui
s’expatrient pour ces raisons.
Tableau n°33 :
Répartition de l’ISF par tranche d’âge des redevables en 2001
Tranches d’âge
Nombre de
redevables
(en %)
Répartition du
patrimoine
imposable
Répartition de
l’impôt
Patrimoine
imposable
moyen (€)
impôt moyen
(€)
<=30 ans
0,7%
0,7%
0,7%
1 933 485
9 359
31
- 40
ans
2,9%
3,4%
3,7%
2 058 717
11 222
41
-50 ans
9,9%
10,2%
10,7%
1 852 157
9 722
51
-60 ans
21,0%
20,7%
20,4%
1 759 885
8 678
61
-70 ans
25,8%
24,9%
24,0%
1 726 832
8 318
71
-80 ans
27,9%
27,7%
27,4%
1 779 114
8 741
>80 ans
11,8%
12,4%
13,1%
1 871 372
9 851
Ensemble
100,0%
100,0%
100,0%
1 788 220
8 920
Source : DGI
CONSEIL DES IMPÔTS
140
CONSEIL DES IMPÔTS
163
Ainsi, 63,5 % des redevables ont plus de soixante ans ;
39,7 % des redevables ont plus de soixante-dix ans. Parmi les
expatriés ayant choisi une destination fiscalement favorable
(Suisse et Belgique), on relève que l'âge moyen de ceux qui ont
choisi la Suisse est de 57 ans, et de 52 ans pour ceux qui ont
opté pour la Belgique.
En second lieu, si l’on constate effectivement des départs
de dirigeants en activité, ceux-ci sont souvent liés à des
considérations extra-fiscales, compte tenu notamment du
régime actuel d’exonération des biens professionnels, et plus
encore des nouvelles possibilités introduites par la loi sur
l'initiative économique.
Enfin, les délocalisations de centres de décision sont sans
doute bien davantage le fruit de différences en matière de droit
des sociétés et de fiscalité des entreprises que de la seule
concurrence fiscale en matière de fiscalité des personnes, et
aucune confirmation empirique du processus selon lequel une
telle délocalisation faciliterait la remise en question des emplois
situés en France n'est actuellement connue.
Au total, si l'ISF peut induire certaines distorsions, source
d'inefficience, dans la détention du patrimoine de certaines
entreprises et la constitution de l'équipe dirigeante, les effets
directs des délocalisations sur l'emploi et l'activité, qui
constituent un autre sujet, ont un impact sur l'emploi et
l'activité qui semble réduit, au-delà de quelques cas d'espèce
regrettables.
4.2. Une perte de recettes faible en proportion de l'impôt
collecté
Si elles n'ont que peu d'effet sur l'emploi et l'activité, les
délocalisations de redevables de l'ISF présentent évidemment
un enjeu budgétaire qu'il convient d'apprécier, et qui s'avère
limité. L’observatoire des délocalisations s’efforce de recenser
les pertes de bases et les pertes de droits résultant de
l'expatriation de redevables à l’ISF.
CONSEIL DES IMPÔTS
164
Tableau n°34 :
Pertes annuelles en droits et en bases du fait
de la délocalisation de redevables à l’ISF
Année de délocalisation
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Non redevables à l’ISF en N+1
Niveau en N des droits (M€
)
6,7
6,2
5,1
5,7
4,5
nd
Niveau en N des bases
imposables (M€ )
730
761
686
760
473
nd
Ecart N+1/N des droits
(M€ )
-6,7
-6,2
-5,1
-5,7
-4,5
nd
Redevables à l’ISF en N+1
Niveau en N des droits (M€
)
14,6
16,9
6,8
4,5
5,6
nd
Niveau en N des bases
imposables (M€ )
1.569
1.540
762
505
529
nd
Ecart N+1/N des droits
(M€ )
-13,2
-15,7
-4,1
-4,1
-5,6
nd
Ecart N+1/N des bases
imposables
-1.377
-1.327
-487
-349
-484
nd
TOTAL
Niveau en N des droits (M€
)
21,3
23,1
11,9
10,3
10,1
nd
Niveau en N des bases
imposables (M€ )
2.299
2.362 1.448
1.264
1.002
nd
Ecart N+1/N des droits
(M€ )
-20,0
-21,9
-9,2
-9,8
-10,0
nd
Source : DGI, résultats actualisés en février 2003
101
Sous les mêmes réserves méthodologiques que les autres
données produites par l’observatoire des délocalisations, on
peut ainsi postuler que ce tableau fournit un ordre de grandeur
des pertes de recettes directes d’ISF du fait des délocalisations
de personnes physiques pour des raisons principalement
fiscales.
Ces pertes de recettes apparaissent très réduites par
rapport aux montants recouvrés : les pertes de recettes
cumulées d'ISF du fait des délocalisations survenues sur la
période 1997-2001 représenteraient ainsi 250 M€. Sur la même
période, l'ISF a rapporté 10,3 Md€.
101
La DGI n’a pas encore transmis de chiffrages plus récents.
CONSEIL DES IMPÔTS
165
Elles ne représentent pour autant qu’une fraction des
pertes de recettes fiscales induites par les délocalisations. En
effet, le départ des quelque 1 800 contribuables concernés se
traduit également par des pertes de recettes au titre d’autres
impôts, notamment l’impôt sur le revenu. Leur évaluation ne
peut être réalisée sans formuler des hypothèses trop fortes pour
garantir la validité du résultat. Si l'on s'en tient à l'impôt sur le
revenu, l'analyse de données sur le montant total de patrimoine
délocalisé (y compris le patrimoine exonéré), effectuée par
l'IGF, suggère que les pertes en ISF se doublent de pertes en
impôt sur le revenu de même ordre de grandeur, le total restant
négligeable par rapport aux recettes totales de l'ISF. Dès lors,
une réforme de baisse de l'ISF ne serait pas budgétairement
équilibrée par des retours ou de moindres départs.
En conclusion de ces développements, on peut ainsi
retenir :
- qu’il existe indéniablement un flux net limité
(quelques centaines de personnes par an), d’expatriation de
contribuables pour des raisons principalement fiscales ;
- que ces expatriations ne constituent pas, à ce jour, un
problème majeur pour l’Etat : au plan économique, elles ne se
traduisent pas nécessairement par une délocalisation des
activités qui sont à l’origine du patrimoine et des revenus ; au
plan budgétaire, les pertes de recettes fiscales demeurent
modestes par rapport aux ressources procurées par les impôts
censés être la cause de ces expatriations ;
Au total, si une réforme de l'ISF peut être recommandée,
ce n'est pas au nom d'arguments relatifs à l'attractivité de la
France ou au maintien d'activités en France, ni en attribuant à
une telle réforme un hypothétique équilibre budgétaire. Les
problèmes soulevés par l'ISF sont actuellement d'une autre
nature : ils ont trait à l'entrée massive dans le champ de
l'impôt de contribuables au patrimoine peu étendu, mais dont
la résidence principale s'est appréciée dans les années
récentes du fait de l'évolution du marché de l'immobilier, et à
la persistance de certaines situations inéquitables nées de la
définition des biens professionnels.
CONSEIL DES IMPÔTS
166
S'agissant de ce dernier cas, il conviendrait cependant
auparavant de pouvoir disposer d'un recul suffisant sur les
implications de la réforme introduite par la formule de
l'engagement de conservation de titres, qui semble rencontrer
un large succès auprès des redevables concernés, afin d'évaluer
la proportion de situations auxquelles cette réforme n'a pas
apporté de solution.
CONSEIL DES IMPÔTS
167
PARTIE III : CONCURRENCE FISCALE
ET OPTIMISATION
Les considérations qui précèdent se sont fondées sur les
effets de la comparaison des principales dispositions des
systèmes fiscaux nationaux sur la localisation des activités. Elles
doivent être complétées sur plusieurs points.
En premier lieu, il convient de bien prendre en compte
l'effet des dispositifs légaux adoptés par le législateur pour
permettre la minoration, dans un certain nombre de cas, de
l'imposition par rapport à l'application des règles de base
relatives à l'assiette et au taux. On peut ainsi montrer que
certains mécanismes, purement nationaux ou non, entraînent
une imposition réduite pour certaines entreprises et certains
particuliers imposés en France. Dans certains cas, il conviendra
de souligner que ces possibilités donnent lieu à des abus.
En second lieu, il importe de mettre en évidence les
possibilités spécifiques offertes par la coexistence de systèmes
fiscaux nationaux distincts, et par leur articulation imparfaite,
pour minimiser la taxation de leur revenu. Le principe général
est que l'Etat bénéficiaire de l'impôt est celui où le revenu s'est
formé. Mais dans certains cas, il apparaît possible à un
contribuable de se comporter en "passager clandestin", en
parvenant à faire taxer la base imposable dans un autre Etat que
celui où le revenu s'est formé. Ces possibilités peuvent être
légales ou présenter un caractère abusif. Il ne s'agit pas là à
CONSEIL DES IMPÔTS
168
proprement
parler
de
concurrence
fiscale,
mais
de
conséquences attachées aux conditions mêmes qui permettent
la concurrence fiscale, à savoir la mobilité de certaines bases
imposables et les écarts entre les systèmes fiscaux nationaux
non coordonnés.
Le véritable enjeu fiscal pour les entreprises, comme pour
les personnes physiques concernées, est donc moins la
localisation
des
activités,
que
la
localisation
des
bases
imposables, puisque c'est cette dernière qui, par définition,
détermine l'impôt payé. Comme dans la partie précédente, on
s'intéressera d'abord à la fiscalité de l'entreprise, puis à celle des
particuliers.
Comme
on
le
verra
plus
loin,
la
frontière
entre
l'optimisation,
légale,
et
la
fraude,
susceptible
d'être
sanctionnée par l'administration, est parfois très ténue. La
notion d'évasion fiscale renvoie quant à elle à la fois à des
comportements de fraude et d'optimisation, mais implique
généralement une dimension internationale. La distinction a
priori est parfois difficile, s'agissant de montages complexes, et
les positions que prend l'administration peuvent être infirmées
par
le
juge
national
ou communautaire.
CONSEIL DES IMPÔTS
169
I. -
LES ENTREPRISES
ET L
'
OPTIMISATION FISCALE
Après
une
brève
présentation
des
mécanismes
d'optimisation, et de certains cas d’abus, on cherchera à
identifier les bénéficiaires de l'optimisation et notamment à
cerner dans quelle mesure elle est réservée aux grands groupes
ou si elle se diffuse aux PME, puis à évaluer l'ampleur des
phénomènes.
A. - Présentation des mécanismes
1. - Le recours à des dispositifs
utilisant les possibilités offertes
par les différents Etats
Différentes spécificités des systèmes fiscaux nationaux,
déjà citées, peuvent être utilisées de manière légale pour
réduire l'impôt.
Un premier exemple concerne la taxation des plus-values
de cession de titres de participation des sociétés en France, qui
bénéficie
de
larges
possibilités
de
report
et
de
sursis
d'imposition notamment en matière de fusions de sociétés. Ce
régime
de
faveur
est
prévu
pour
ne
pas
imposer
instantanément les plus-values constatées à l'occasion de
réorganisations internes. Un tel régime relativise la singularité
française en matière de taxation des plus-values et son impact
en matière d'attractivité.
Un second exemple peut illustrer l'utilisation d'une
disposition nationale dans un mécanisme international. Le
recours à une holding française pour procéder à l'acquisition
d'une société, française ou non, offre ainsi des possibilités
attrayantes. En effet, la holding pourra déduire de son résultat
les intérêts de l'emprunt contracté auprès de sa maison-mère
pour cette acquisition, et consolider les pertes qu'elle fera
CONSEIL DES IMPÔTS
170
apparaître en les compensant avec les bénéfices d'autres
sociétés du périmètre d'intégration dans lequel elle est située.
Ainsi, une société étrangère SA, située dans un pays A,
peut avoir intérêt à utiliser une holding H située en France pour
racheter une société SB située dans le pays B, si son groupe fait
apparaître par ailleurs des bénéfices en France. En effet, en
s'endettant auprès de sa société-mère, la holding peut déduire
de son résultat le remboursement des intérêts, ce qui fait
apparaître une perte en France. Ces pertes peuvent alors être
utilisées pour compenser des bénéfices au sein du périmètre
d'intégration en France. Ces bénéfices peuvent être dégagés par
d'autres sociétés domestiques du groupe multinational incluant
A et B appartenant au périmètre d'intégration de H : le
mécanisme prévu pour inciter les entreprises françaises à se
développer à l'étranger, fonctionne alors comme une incitation
pour les groupes bénéficiaires en France à utiliser notre pays
comme base pour leurs rachats, sans intérêt direct pour celui-ci.
Mais le système fonctionne aussi comme une incitation à
localiser des bénéfices en France s'il n'en existe pas auparavant,
par exemple en attribuant aussi à la holding des fonctions
opérationnelles pour lesquelles elle sera rémunérée par des
filiales étrangères, telles que la société SB dans l'exemple ci-
dessus. Ainsi, ce mécanisme contribue à la localisation de
holdings en France pourvues de fonctions opérationnelles. On
voit également sur cet exemple que les entreprises utilisant ce
mécanisme seront ensuite incitées à transférer vers la France
tout ou partie du bénéfice réalisé dans le pays B, afin de
neutraliser des excédents qui y seraient nés.
2. - Fixation des prix de transfert,
sous-capitalisation,
échanges avec des paradis fiscaux
Deux mécanismes essentiels peuvent avoir pour effet de
délocaliser une base taxable (le plus souvent le bénéfice d'une
société)
indépendamment
des
structures
productives :
le
premier réside dans la fixation de prix de transfert, le second
CONSEIL DES IMPÔTS
171
repose sur les relations financières au sein d’un groupe
multinational.
2.1. La fixation des prix de transfert
Les multinationales sont des ensembles intégrés qui
procèdent à de multiples transactions à l’intérieur de leur
groupe. A cette occasion, une société filiale peut facturer des
biens ou services à sa société-mère, sa société-soeur ou à ses
propres filiales : le prix auquel est effectuée cette opération est
appelé le prix de transfert. Différentes transactions peuvent
donner lieu à la fixation d'un prix de transfert. Il peut s’agir de
la vente d'un bien corporel, de la réalisation d’une prestation de
service ou du versement d'une redevance pour l'usage d'une
marque ou d'un brevet.
Supposons ainsi qu'une société-mère située dans le pays
A, où le bénéfice est faiblement taxé, vende des produits à sa
filiale qui les commercialise dans le pays B, où les bénéfices sont
lourdement taxés. Il est tentant pour le groupe de majorer le
prix de vente interne des produits de la mère à la filiale pour
localiser la part la plus importante du bénéfice là où l'impôt est
le plus faible
102
.
Il faut préciser que la fixation des prix de transfert n'a pas
comme seul objectif la réduction de l'impôt. Elle peut
simplement conduire à faire remonter plus rapidement le
bénéfice vers la société mère, même si elle est située dans un
102
Il faut aussi souligner que la manipulation des prix de transfert n’est pas
seulement un enjeu propre à la concurrence fiscale internationale. Il est en
effet possible de mettre en place des stratégies d’optimisation fiscale
purement nationales, du fait de l'existence de taux d'IS dérogatoires selon les
territoires. Les zones franches en offrent un exemple : une filiale implantée en
France dans une zone qui la fait bénéficier d’une exonération d’IS a tout
intérêt à capter la plus grande part possible des bénéfices réalisés par une
entreprise associée, redevable de l’IS et située elle aussi en France. De tels
transferts n'offrent bien sûr un avantage que si les sociétés correspondantes ne
font pas partie du même périmètre d'intégration. Plus généralement, entre des
sociétés non intégrées, une fixation de prix de transfert peut permettre de
compenser des bénéfices apparus dans une société avec des pertes apparues
dans une autre, il s'agit alors d' "intégration sauvage".
CONSEIL DES IMPÔTS
172
pays
pratiquant
un
taux
d'imposition
proche.
C'est
en
particulier le cas pour les firmes américaines.
Il est parfois très délicat de tracer la frontière entre fraude
et optimisation fiscale sur de tels sujets. En effet, la fixation des
prix de transfert est relativement aisée lorsqu’ils concernent des
biens pour lesquels il existe un marché permettant de disposer
de référentiels de comparaison. Elle est beaucoup plus difficile
et subjective dans le cas de prestations de services, et plus
encore de redevances pour l'utilisation d'une marque ou d'un
brevet. Ceci peut laisser une certaine marge d’appréciation ou
de manoeuvre aux entreprises pour fixer leurs prix de cession
internes à un niveau qui permet une certaine minoration de
l'impôt, tout en demeurant dans le cadre de l'optimisation qui
ne pourra être contestée.
Même lorsqu’elle agit de bonne foi, une société est
soumise à une certaine part d’insécurité juridique, car elle est
exposée à un redressement dans un ou plusieurs pays dont les
autorités compétentes pourront avoir des points de vue
divergents sur la fixation du prix de transfert. C’est en vue
d’obtenir une assurance
a priori
de la conformité de sa politique
de prix de transfert qu’une société peut solliciter la conclusion
d’un accord préalable sur les prix (APP). La conclusion d’un
APP n’empêche en rien les services vérificateurs de procéder à
des contrôles fiscaux ; cependant, ils sont tenus par les termes
de l’APP.
Les APP s'inscrivent dans le cadre juridique général de la
procédure amiable prévue par le modèle de convention fiscale
de l’OCDE. En France, le déroulement de la procédure suit
plusieurs étapes, incluant la négociation avec l'administration
étrangère concernée. La procédure peut durer de un à trois ans.
Les APP conclus en France sont donc toujours bi- ou
multilatéraux, alors que certains pays procèdent à des APP
unilatéraux. Ces « rulings » unilatéraux sont des sources de
problèmes pour les autres administrations fiscales nationales
lorsque des désaccords apparaissent.
CONSEIL DES IMPÔTS
173
2.2. La sous-capitalisation
Les groupes multinationaux peuvent aussi réduire leur
charge fiscale en utilisant les structures de financement de leur
maison-mère et de leurs filiales. On rappelle que la fiscalité
française
favorise
le
financement
par
l’endettement
au
détriment de l'autofinancement ou de l’augmentation de
capital. En général, il est préférable pour des raisons fiscales
d’utiliser
la
dette
pour
financer
des
sociétés,
par
des
financements internes au groupe, et plus encore si ces intérêts
sont déductibles dans un pays à forte fiscalité. Un tel
mécanisme a d'autant plus d'intérêt s'il est possible par la suite,
sans prélèvements supplémentaires, de rapatrier les fonds
depuis la société du groupe qui a accordé le prêt vers d'autres
Etats.
Les mécanismes de sous-capitalisation ont pour objet de
maximiser le montant des intérêts déductibles, soit en jouant
sur les taux d'intérêt, soit sur le niveau de l'endettement.
On peut ainsi imposer à une filiale située dans un pays à
forte pression fiscale, un emprunt auprès de sa mère à un taux
élevé. Cette méthode peut être améliorée par l’utilisation d’une
filiale intermédiaire située dans un pays à faible taux d’IS :
celle-ci s’endettera auprès de sa maison-mère à des conditions
particulièrement avantageuses, et prêtera ce même montant à
une deuxième filiale, en majorant fortement le taux si la cette
dernière subit dans son pays une forte imposition des bénéfices.
On peut aussi maximiser le niveau d'endettement de la
filiale. Le schéma consiste, lorsqu'une filiale doit être implantée
dans un pays à fort taux d’imposition, à la constituer avec un
faible capital social, très largement inférieur au niveau de
financement
normalement
requis
pour
ses
activités.
Le
fonctionnement de la filiale est alors financé par un prêt à long
terme ou une succession de prêts à court terme consentis par la
société-mère, générateurs d’intérêts qui viennent diminuer le
bénéfice de la filiale et accroître le résultat, plus faiblement
imposé, de la société-mère. Ce type de mécanisme est d'autant
plus intéressant si le régime d'imposition des intérêts est plus
avantageux que celui des dividendes (tel est le régime de droit
commun en France ainsi que dans la plupart des pays de
CONSEIL DES IMPÔTS
174
l’OCDE). Cette méthode permet également d’acquérir une
société en finançant cet achat sur les bénéfices futurs de la
société achetée
103
.
Là aussi, la frontière entre optimisation et fraude est
relativement
ténue.
L'encadrement
légal
de
la
sous-
capitalisation peut varier d'un Etat à un autre. Pour limiter les
effets de ces financements internes, la législation française avait
retenu le principe de la limitation des intérêts déductibles,
lorsque ceux-ci étaient versés à une société-mère étrangère. Les
intérêts n’étaient déductibles que sur la partie des avances en
compte courant limitée à une fois et demie le capital social de la
filiale. Ce régime vient d'être contesté par la jurisprudence au
nom de la liberté d'établissement
104
.
Par ailleurs, ces méthodes de transfert de bénéfices se
combinent avec l'existence de régimes spécifiques à certains
pays, tels que les régimes accordés aux quartiers généraux, aux
centres de logistique et autres centres de coordination,
complétant les possibilités offertes aux entreprises de déroger
aux impositions de droit commun. En effet, ces régimes se
traduisent en fait par une imposition inférieure à celle de droit
commun. Il est dès lors avantageux pour les entreprises d'y
localiser la plus grande partie possible de leur bénéfice.
D'autres mécanismes de transfert de bénéfices présentent
un caractère frauduleux lorsqu’ils reposent sur la rémunération
d'opérations fictives : rémunération de personnes physiques
pour
des
activités
fictives,
redevances
en
paiement
de
prestations fictives, etc.
L'utilisation de ces mécanismes repose sur la prise en
considération des écarts de taux nominaux d'impôts sur les
103
Il convient de souligner le cas particulier de certaines PME françaises
reprises par des groupes étrangers, qui semblent avoir été victimes des
pratiques prédatrices de sous-capitalisation conduisant non seulement à une
perte de recettes pour l’administration fiscale française, mais aussi,
in fine
, à la
cessation des activités de l’entreprise concernée, parfois seule la marque étant
conservée.
104
Il avait par ailleurs perdu une partie de sa pertinence avec les possibilités
ouvertes par la loi du 1
er
août 2003 sur l'initiative économique de créer une
entreprise avec un capital limité à 1 euro.
CONSEIL DES IMPÔTS
175
sociétés. Les différences d'assiette ne sont pas pertinentes, car le
produit transféré d'un pays à l'autre est directement un revenu
taxable. L'incitation à recourir à ces dispositifs est d'autant plus
forte que le taux nominal d'IS d'un pays est élevé ; c'est
précisément le cas de la France.
2.3. Les échanges avec des pays à faible niveau de taxation
Au sein d'un groupe, les relations commerciales et
financières avec des entités situées dans des paradis fiscaux
constituent un cas particulier. Les mécanismes ci-dessus sont
d'autant plus intéressants s'ils font intervenir de telles entités.
Les paradis fiscaux sont fréquemment des Etats dans
lesquels l'activité économique réelle est réduite. Le transfert à
de telles filiales, à l'occasion de relations commerciales et
financières, de sommes qui viennent amputer le bénéfice dans
l'Etat où le revenu est apparu, est alors susceptible de se voir
appliquer des dispositions législatives de lutte contre la fraude
fiscale. Dans de nombreux Etats, dont la France, les bénéfices
réalisés par les filiales situées dans des pays à fiscalité jugée
privilégiée sont susceptibles d'être taxés dans le pays de
résidence de la société-mère, dans le cadre de dispositions
spécifiques qui dérogent au principe général de la territorialité
limitée de l'impôt (législations dites CFC, "controlled foreign
companies"). L'insécurité fiscale de ces transferts est alors
grande pour les entreprises qui y ont recours.
2.4. Les nouveaux procédés
Il
existe
d'autres
procédés
d'optimisation
fiscale
internationale. On peut ainsi citer à titre d'exemple l'apparition
récente de la transformation de l'objet social de certaines filiales
de distribution en France qui, après avoir été acheteurs /
revendeurs, deviennent de simples sociétés commissionnaires,
ce qui a pour effet de limiter le produit
imposable en France à
la seule commission.
Des innovations d'ingénierie financière, développées dans
certains pays, telles que les actions à dividendes fixes,
permettent aussi de qualifier de dividendes ce qui constitue en
CONSEIL DES IMPÔTS
176
réalité
des
intérêts.
Les
utilisateurs
de
tels
produits
revendiquent pour les sommes en cause la qualité d'intérêts
dans le pays de résidence de la filiale, afin de bénéficier de la
déductibilité, et de dividendes dans le pays de résidence de la
mère, si leur régime y est plus favorable que celui des intérêts
perçus.
3. - L'optimisation
de la taxe professionnelle
L'assiette de la taxe professionnelle, constituée de la
valeur d'acquisition des immobilisations, laisse en principe peu
de place à une distinction entre le lieu de formation du revenu
et
celui
de
sa
taxation.
En
réalité,
le
mécanisme
du
plafonnement en pourcentage de la valeur ajoutée conduit à ce
que, dans de très nombreux cas, la valeur ajoutée constitue une
assiette de fait. Or, les mécanismes de réduction du bénéfice
imposable se traduisent aussi par une limitation de la valeur
ajoutée, et donc de la taxe professionnelle due.
Soit X et Y deux entreprises associées, telles que X est
assujettie à la TP sans plafonnement de l'imposition en fonction
de la valeur ajoutée et Y en bénéficie. Du point de vue de la TP,
X est indifférente à son chiffre d’affaires et sa valeur ajoutée. En
revanche, Y a tout intérêt à afficher un chiffre d’affaires bas,
pour bénéficier d’un taux de plafonnement plus faible, et une
valeur ajoutée minorée, puisque la TP qu’elle paye est
quasiment proportionnelle à sa V.A.. Ce but peut être atteint si
X surfacture les biens et services qu’elle fournit à Y. Les prix de
transfert ne sont donc pas une problématique ne concernant
que l’IS.
Par ailleurs, des techniques de répartition de la valeur
ajoutée et des immobilisations au sein d’un groupe économique
entre plusieurs sociétés juridiquement distinctes peuvent
conduire à une utilisation maximale des effets du plafonnement
de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée. Elles
consistent à affecter l’essentiel des immobilisations à une société
dégageant
peu
de
valeur
ajoutée,
et
donc
bénéficiant
pleinement
des
effets
du
plafonnement.
On
peut
enfin
mentionner les possibilités de cessions internes d'immobilisations
CONSEIL DES IMPÔTS
177
à prix faible, pour diminuer le montant dû, puisque l'assiette de
la
TP
prend
en
compte
la
valeur
d'acquisition
des
immobilisations.
B. - L'organisation des entreprises est
de plus en plus propice à
l'optimisation
L'optimisation fiscale présente des coûts fixes (incluant en
particulier le recours à une expertise interne ou externe), ainsi
que des risques de contentieux qui ne peuvent a priori être
assumés que par des entités d'une certaine surface financière.
Ceci conduit à bien distinguer la situation des groupes
internationaux et celle des PME, qui sont rarement présentes
dans plusieurs pays et n'exercent que rarement plusieurs
activités.
En effet, les activités des PME sont le plus souvent moins
mobiles que celles des grandes entreprises. D'abord, les cadres
supérieurs des grands groupes internationaux sont plus
mobiles que les dirigeants de PME familiales. Ensuite, nombre
de PME, en particulier les sous-traitants industriels
105
, sont
dépendantes d’une demande localisée. En outre, le financement
des PME est plus fréquemment un financement de proximité
peu diversifié. Enfin, on peut supposer que la concurrence
fiscale concerne davantage les centres administratifs et de
décision que les sites de production. Or, il est plus difficile et
moins pertinent pour les PME de dissocier les centres de
décision des sites de production.
On peut ajouter que souvent, dans les PME, dirigeants et
actionnaires se confondent. Ils peuvent arbitrer entre le montant
des rémunérations qu'ils s'attribuent, et celui des dividendes
qu'ils sont susceptibles de s'allouer. L'imposition du bénéfice de
la société à l'IS peut alors leur apparaître complémentaire par
rapport à l'imposition des revenus à l'IR.
105
Les PME tendraient ainsi à s’agglomérer autour des grands groupes ou
bien à se rassembler dans des bassins d’emplois leur fournissant une main
d’oeuvre spécifique.
CONSEIL DES IMPÔTS
178
Ces différentes considérations conduisent généralement à
admettre que l'optimisation de l'IS ne touche guère les PME
106
.
Pour autant, de nombreux indices suggèrent en sens inverse
que des comportements d'optimisation se diffusent aussi aux
PME.
Ainsi, deux grandes évolutions dans le paysage des
entreprises
françaises
permettent
de
supposer
que
leur
organisation est de plus en plus propice à l'optimisation. D'une
part, le développement des grands groupes internationaux,
acteurs privilégiés de l'optimisation, d'autre part, la diffusion
aux PME de certaines pratiques.
1. - Le développement des
groupes internationaux,
bénéficiaires
de la concurrence fiscale
Les groupes actifs en France sont de plus en plus
prépondérants dans l'économie, complexes et internationaux.
Quelques grands groupes dominent l'activité en France :
les plus importants, qui ne représentent que 0,3% des groupes,
produisent 87,8% de l’EBE et emploient 45,8% des salariés.
Cette prépondérance dans l'économie se traduit dans les
recettes d'IS, qui proviennent en majeure partie de quelques
grands groupes multinationaux. En 2001, l'IS payé par les 100
plus gros contributeurs représentait 30% des produits de cet
impôt en 2001, avant imputation des crédits d’impôt et des
avoirs fiscaux, et 1% des entreprises (soit 13 500) paient 68% de
l'IS
107
. Ces chiffres montrent l'importance de l'enjeu budgétaire
des délocalisations de bénéfice au travers des techniques
décrites ci-dessus.
106
C’est d’ailleurs sans doute le postulat retenu par le groupe Primarolo,
puisque celui-ci n’a retenu aucun régime en faveur des PME parmi les 66
régimes fiscaux potentiellement dommageables qu’il a identifiés (voir infra).
107
Source :
DGI
CONSEIL DES IMPÔTS
179
La part des groupes dans l'économie dépend des secteurs
considérés
108
. Elle est très forte dans le secteur de l'énergie (plus
de 95% des effectifs et de la valeur ajoutée du secteur sont
localisés dans des groupes), forte dans les secteurs de
l'industrie, des transports et des services aux entreprises
(environ 60% de la valeur ajoutée et des effectifs de ces
secteurs). Elle est un peu plus réduite (de 30% à 40%) dans les
secteurs de la construction, du commerce et des services aux
particuliers.
Cette proportion est en forte croissance sur la période
récente. Elle est passée de 30% à 40% dans le secteur du
commerce en l'espace de 5 ans, et a augmenté de 5 points dans
la même période en ce qui concerne l'industrie, les transports, et
les services aux entreprises.
La plus grande complexité des groupes découle de
l’augmentation du nombre de filiales, due à la fois aux rachats
de sociétés et à des scissions en de nombreuses unités
spécialisées. Le nombre moyen de filiales des grands groupes
employant plus de 10 000 salariés est ainsi passé de 41 à 156
entre 1980 et 1999
109
.
S'agissant enfin de l'internationalisation des groupes
actifs en France, on peut distinguer le développement à
l'étranger des groupes français, et en sens inverse la pénétration
croissante des capitaux étrangers dans l'économie française. Ces
deux points, qui ont fait l'objet de nombreux travaux, ont été
précisés en particulier par un récent rapport du Commissariat
au Plan
110
.
Sur le premier point, l'internationalisation des groupes
français a connu une nette accélération entre 1997 et 2002. Si
l'on considère les comptes des 32 groupes non financiers
108
Cf. Chabanas (2002), les entreprises françaises des groupes vues à travers
les enquêtes "liaisons financières" de 1980 à 1999, document de travail de
l'INSEE
109
D’après Chabanas (2002) (op. cit)
110
Mondialisation et recomposition du capital des entreprises européennes,
Commissariat Général au Plan, 2003
CONSEIL DES IMPÔTS
180
entrant dans la composition du CAC 40 en 2001
111
, il apparaît
que le tiers d’entre eux a été concerné par des fusions-
acquisitions de grande ampleur qui se sont pour la plupart
produites
jusqu’en
2001.
Or,
c’est
principalement
lors
d’opérations transnationales de ce type que les entreprises ont
pu utiliser des procédés d’optimisation fiscale tels que la sous-
capitalisation. On peut d'ailleurs considérer que le recours à ces
procédés est encouragé par les possibilités de déduction des
intérêts d'emprunt en France, qui ont justement pour objet de
soutenir
le
développement
à
l'étranger
des
entreprises
françaises.
Si l'on considère à présent le poids des groupes
internationaux
en
France,
on
observe
un
phénomène
symétrique, qui peut être illustré à la fois par les flux croissants
d'investissement direct étranger en France, déjà mentionnés, et
par la part croissante des non-résidents dans la détention de
parts de sociétés cotées : 25% en 1993, 36% en 2000 selon la
Banque de France. Cette évolution est aussi un facteur de
développement de l'optimisation fiscale. En effet, selon l'étude
précitée de la Commission
112
, «
les multinationales étrangères
opérant dans le pays d’accueil subiront probablement une
pression fiscale effective moindre que celle subie par les sociétés
domestiques.
Ceci
semble
se
vérifier
même
lorsque
le
traitement des multinationales est comparé à celui, plus
favorable, réservé aux PME domestiques
». Cette hypothèse est
corroborée par une étude récente faite sur le cas américain
113
,
qui montre que les grandes entreprises et plus particulièrement
les multinationales étrangères ont acquitté très peu d’impôt sur
les sociétés (70% de ces dernières n’ayant versé aucun impôt sur
les sociétés sur la période 1996-2000).
111
Dervieux (2003) : l'accélération de l'internationalisation des groupes
français entre 1997 et 2002, Economie et Statistique 2003, n°364
112
La fiscalité des entreprises dans le marché intérieur, 2001
113
‘‘
Tax Administration: Comparison of the Reported Tax Liabilities of
Foreign- and U.S.-Controlled Corporations, 1996-2000
’’, février 2004.
CONSEIL DES IMPÔTS
181
2. - Les PME commencent
à recourir à l'optimisation
La plupart des mécanismes concernés ne sont
pas
spécifiques aux PME, et beaucoup relèvent en réalité de la
fiscalité des dirigeants, c'est-à-dire des personnes physiques.
En premier lieu, même des petites structures tendent à
s'organiser sous forme de groupes : il existe ainsi plus de 20 000
groupes de sociétés employant moins de 500 salariés chacun. Ils
ne dégagent que 3,5% de l’EBE produit par l’ensemble des
groupes. Cette dernière catégorie est connue sous le nom de
« micro-groupes » et s’est développée à partir de 1991 de façon
spectaculaire : leur nombre a été multiplié par 13 entre 1980 et
1999. Le succès de la structure de groupe auprès de petites
entités tient vraisemblablement aux possibilités offertes par le
régime
d'intégration
fiscale
depuis
1988,
par
le
report
d'imposition des plus-values d'apports de titres et par
l’existence de règles favorables en matière de cession de titres
par des personnes physiques ou d'ISF : le groupe peut ainsi être
seulement constitué d'une société et d'une holding animatrice
(voir infra).
La baisse des coûts unitaires avec la hausse des quantités
produites conduit à "l’industrialisation" des dispositifs, par
exemple à la production en chaîne de sociétés holding
luxembourgeoises.
L'administration
fiscale
découvre
ainsi
régulièrement des livraisons « clefs en main », de sociétés
holding Soparfi luxembourgeoises entièrement constituées,
avec des noms d’associés et de dirigeants. Là encore, ces
montages présentent davantage un intérêt au regard de la
taxation
des
plus-values
de
cession,
donc
relèvent
de
l'optimisation de la fiscalité des personnes physiques.
L'administration fiscale fait cependant état de la diffusion
de mécanismes d'optimisation de l'IS, notamment au vu des
redressements en matière de prix de transfert portant sur des
PME. Elle observe également que des PME utilisent les
dispositions fiscales qui permettent de déduire les loyers
relatifs à des locations d'outillage, et versés à des sociétés du
CONSEIL DES IMPÔTS
182
même groupe implantées à l'étranger, propriétaires de ces
outillages. La société propriétaire dégage à l'étranger un
bénéfice correspondant à la différence entre les loyers perçus et
l'amortissement de l'outillage, alors que la société française peut
déduire la totalité des loyers supportés.
Toutefois,
selon
les
administrations
fiscales
locales
consultées, ces pratiques d’optimisation fiscale internationale
concernent
principalement
les
entreprises
d'une
certaine
importance, dont le chiffre d’affaires avoisine 75 millions
d’euros (pour les prestations de service) ou 150 millions d’euros
(pour les ventes).
3. - Les grands groupes
apparaissent davantage en mesure
de réduire
leur imposition que les moyennes
entreprises indépendantes
Les plus grandes entreprises paraissent en mesure de
supporter une pression fiscale plus faible que celle subie par les
entreprises de taille moyenne. La diffusion des mécanismes
d'optimisation aux PME apparaît encore limitée et n'est encore
guère sensible dans les statistiques.
3.1. Les écarts de pression fiscale entre PME
et grandes entreprises
Les indicateurs de pression fiscale réelle peuvent être
utilisés pour déceler d’éventuels écarts
entre PME et grandes
entreprises.
La Commission européenne a réalisé en 2001 une étude
114
comportant des distinctions selon la taille des entreprises,
comparant les taux implicites micro-économiques d’imposition
à l’IS du secteur manufacturier dans 12 pays européens (dont la
France), ainsi qu’aux Etats-Unis et au Japon, sur la période
114
«
Computing effective corporate tax rates : comparisons and results
»,
Gaëtan Nicodème, Economic Papers n° 153, juin 2001, Commission
européenne.
CONSEIL DES IMPÔTS
183
1990-1999 (soit une période antérieure à la mise en place du
régime d’IS à taux réduit pour les PME).
Cette étude concluait que l’imposition relative des
grandes entreprises et des petites variait beaucoup d’un pays à
l’autre, les petites entreprises étant parfois relativement
surtaxées, parfois relativement sous-taxées. Dans le cas français,
les petites et moyennes entreprises
115
étaient surtaxées par
rapport aux grandes
116
.
Tableau n°35 :
Imposition relative des grandes entreprises par
rapport aux petites entreprises du secteur manufacturier sur la
période 1990-1999
Pays
Ratio de l’imposition implicite
117
des
grandes entreprises sur celle des petites
entreprises (%)
Suède
55 %
Finlande
67 %
Belgique
75 %
France
81 %
Japon
87 %
Italie
95 %
Espagne
98 %
Allemagne
102 %
Pays-Bas
104 %
Danemark
152 %
Etats-Unis
161 %
Portugal
186 %
Autriche
212 %
Source : Nicodème, 2001.
S’appuyant
sur
une
méthodologie
différente
(la
simulation
de
taux
effectifs
d’imposition
pour
les
investissements théoriques d’entreprises théoriques), le rapport
des services de la Commission européenne sur « La fiscalité des
115
De moins de 250 salariés
116
Ces calculs ont été réalisés avant la mise en oeuvre d'un taux réduit pour
les PME en France
117
Calculs d'après la base de données réelles d'entreprise BACH, les taux
implicites utilisés sont le rapport des impôts acquittés sur l'excédent brut
d'exploitation
CONSEIL DES IMPÔTS
184
entreprises dans le marché intérieur » approfondissait l'étude
dans trois pays (Allemagne, Italie, Royaume-Uni) et concluait à
une pression fiscale plus réduite pour les PME situées en
Allemagne et en Italie. Il l'expliquait par la moindre pression
fiscale subie par les sociétés de personnes par rapport aux
sociétés de capitaux, quelle que soit la situation de leurs
associés.
Cependant, l’approche retenue était indifférente au
caractère indépendant ou non des entreprises concernées. Or, il
est aléatoire de comparer les situations sans tenir compte des
possibilités d'optimisation existant dans un groupe. Des calculs
supplémentaires ont été réalisés en ce sens dans le cas français.
L'étude du taux d’imposition implicite (IS/EBE et IS + TP/EBE)
calculé sur la base de données d'entreprises de l'INSEE en
intégrant le critère d'indépendance suggère plusieurs constats :
- l'imposition suit une courbe en cloche : elle est
relativement faible pour les petites entreprises indépendantes,
maximale pour les moyennes entreprises indépendantes, et à
nouveau plus faible pour les groupes de plus de 500 salariés
118
.
La plus faible pression fiscale des plus petites entreprises ne
peut s'expliquer par des mécanismes d'optimisation, mais peut
refléter un arbitrage qui privilégie les rémunérations par
rapport aux dividendes, ce qui induit de plus faibles bénéfices.
- les groupes sont en moyenne moins imposés que les
entreprises indépendantes.
118
Les données ne permettent pas de caractériser de manière fiable
l'imposition des entreprises indépendantes de plus de 500 salariés, qui
recouvrent des situations très diverses.
CONSEIL DES IMPÔTS
185
Tableau n°36 :
Charge fiscale des entreprises en France en 2000 et
2001 selon l'appartenance à un groupe et divers critères de
taille
En % de l’EBE
IS
moyenne
2000-2001
IS + TP
moyenne
2000 et 2001
Groupes (
500 salariés)
16,9
29,2
Ensemble des groupes
17,9
29,9
Ensemble des indépendantes
21,9
32,6
Entreprises indépendantes 250-499
salariés
20,1
35,8
Entreprises indépendantes 100-249
salariés
19,9
37,5
Entreprises indépendantes 50-99 salariés
23,5
39,3
Entreprises indépendantes < 50 salariés
23,6
32,5
Entreprises indépendantes < 10 salariés
21,8
28,4
Total
19,3
30,9
Source : INSEE, Conseil des impôts
Ces résultats doivent toutefois être interprétés avec
précaution, pour les raisons déjà précisées relatives à l'emploi
de taux implicites d'imposition (sensibilité des données à la
conjoncture, effet des interactions entre répartition par secteurs
d'activité et taille).
3.2. Les PME sont moins présentes que les grands groupes
dans les "redressements à l'international"
Les statistiques des redressements fiscaux opérés par les
services de contrôle de la DGI permettent de suivre la part de
ceux qui font suite à un transfert de bénéfices vers un pays
étranger. Elles confirment que de tels redressements sont plus
fréquents dans les grandes entreprises relevant des directions
nationales de la direction générale des impôts que dans les
directions du contrôle fiscal et des services fiscaux.
CONSEIL DES IMPÔTS
186
Tableau n°37 :
Part des opérations de contrôle externe
comportant
au moins un redressement à l’international
Année
2000
2001
2002
2003
Directions nationales
(DVNI, DNEF, DNVSF)
21,4 %
28,4 %
23,7 %
21,9 %
Dircofi
14,4 %
14,7 %
14,0 %
14,8 %
DSF
7,1 %
7,3 %
7,1 %
6,8 %
Total national
9,9 %
10,3 %
9,8 %
9,8 %
Source :
DGI.
Le fait que les redressements à l'international soient peu
fréquents dans les PME est corroboré par une enquête effectuée
au printemps 2001 portant sur un échantillon de 567 entreprises
redressées, constitué essentiellement de PME
119
. Elle confirme
que les redressements notifiés étaient très rarement relatifs aux
prix de transfert (4,0 %).
Les développements qui précèdent suggèrent donc que la
petite ou moyenne entreprise dispose de moins de possibilités
pour réduire sa charge fiscale que les groupes internationaux.
La diffusion de l'optimisation de l'imposition des bénéfices à
des entreprises de plus petite taille ne concerne en réalité, selon
les analyses des services fiscaux, que des sociétés de taille déjà
notable, de l'ordre de 100 M€ de chiffre d'affaires, qui ne sont
pas considérées comme des PME.
119
50 % des entreprises interrogées réalisaient moins de 10 millions d’euros
de chiffre d’affaires et 33 % entre 10 et 100 millions d’euros de chiffre
d’affaires.
CONSEIL DES IMPÔTS
187
C. - Des phénomènes d’optimisation
de grande ampleur, qui pourraient
être particulièrement sensibles en
France
1. - Les mesures macro-
économiques de l'optimisation
1.1. Les études économétriques
Plusieurs études économiques menées sur les prix de
transfert et la sous-capitalisation confirment l'existence de tels
mécanismes
au
niveau
mondial
ou
dans
certains
pays
étrangers. S'agissant des prix de transfert, on observe une
influence des écarts de taux d'imposition sur les structures de
financement
intragroupes,
les
prix
de
transfert
et
les
redevances
120
. On peut montrer à partir d’un échantillon de
données individuelles que le solde des ventes et achats réalisés
par des maisons-mères américaines avec leurs filiales dépend
de façon significative du taux effectif d’imposition dans le pays
de la filiale
121
. Une étude remarque enfin, pour les filiales de
firmes américaines, que la rentabilité avant impôt a tendance à
décroître de façon significative lorsque augmente le taux effectif
d’imposition
122
. Des études analogues montrent la réalité des
comportements de sous-capitalisation.
1.2. Le passage du résultat comptable au résultat fiscal en
France
Une manière d'appréhender l'effet de l'optimisation
fiscale consiste à suivre la séquence de la formation de l'assiette
imposable à partir du résultat comptable. Cette méthode
permet de prendre conscience de l'effet des dispositions de
120
Hines (1996),
Tax policy and the activities of multinational corporations
,
NBER (National Bureau of Economic Research) working paper n°5589
121
Clausing (1998),
The impact of transfer pricing on intrafirm trade
, NBER
working paper N°6688
122
Grubert (2001
), International taxation and multinational activity,
NBER
CONSEIL DES IMPÔTS
188
calcul d'assiette et de montrer que celui-ci est très différencié
d'une entreprise à l'autre.
A partir d'un échantillon de 1459 grandes entreprises, la
direction de la prévision a observé que le résultat fiscal n'est pas
toujours corrélé avec le résultat comptable. L'examen des 20%
d'entreprises
ayant
réalisé
les
plus
importants
résultats
comptables de l'échantillon montre que moins de la moitié
d'entre elles faisaient partie des 20% d'entreprises affichant le
plus important bénéfice fiscal, et que 4% d'entre elles
réussissaient même à présenter un résultat fiscal nul, du fait des
diverses déductions permises
123
.
De même, il est possible d’examiner la relation entre
bénéfice fiscal et impôt recouvré. La déformation due au jeu des
crédits d’impôt, des avoirs fiscaux et des impôts imputés
apparaît cependant nettement moindre que celle relative au
passage du bénéfice comptable au bénéfice fiscal.
2. - Le diagnostic effectué
à partir des statistiques
du contrôle fiscal en France
Une
des
manières
d'estimer
les
phénomènes
de
délocalisation
d'assiette
imposable
est
de
partir
des
redressements effectués par l'administration.
2.1. La législation anti-abus
La France, comme la plupart des autres pays, dispose
d'un certain nombre de moyens juridiques de lutte contre les
abus dans la fixation des prix de transfert, le recours à la sous-
capitalisation, et les transactions avec des filiales situées dans
des pays à fiscalité privilégiée. Ces moyens constituent le
support de l'action de contrôle des services fiscaux dans ces
domaines. Il convient de préciser d'emblée qu'un certain
nombre
d'entre
eux
sont
aujourd'hui
totalement
ou
partiellement
dénués
de
portée
du
fait
de
décisions
123
(Source : données BRN 2001)
CONSEIL DES IMPÔTS
189
jurisprudentielles récentes (art 209B, art 212, art 167). Certains
ont déjà été mentionnés.
L'article 57
124
du CGI permet à l'administration de
contester la fixation d'un prix de transfert qui aboutirait selon
elle à transférer une partie du bénéfice à l'étranger.
L'article 212 du CGI vise à lutter contre la sous-
capitalisation en limitant la déduction des intérêts versés par
une société filiale française à sa société mère étrangère qui lui a
consenti des avances en compte courant qui excèdent une fois
et demie le capital social de la fililale.
L'article 209-B du CGI a pour objet de dissuader les
entreprises françaises de localiser leurs bénéfices dans les
paradis fiscaux. Il permet en principe d'imposer à l'IS une
entreprise domestique à raison des résultats réalisés par des
structures implantées dans un pays où elles bénéficient d'un
système fiscal privilégié ; les résultats bénéficiaires des entités
étrangères étant taxés en France dans la proportion des droits
sociaux détenus par l'entreprise française. La notion de régime
fiscal privilégié s'entend d'une taxation inférieure d'un tiers par
rapport à ce qu'elle aurait été en France. Ce dispositif valable
pour les personnes morales a été étendu pour les personnes
physiques par l'article 123 bis du CGI.
L'article 238 O-I permet de lutter contre la délocalisation
d'actifs financiers. Les sociétés transférant une partie de leurs
124
"Pour l’établissement de l’impôt sur le revenu dû par les entreprises qui
sont sous la dépendance ou possèdent le contrôle d’entreprises situées hors de
France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de
majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre
moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est
procédé de même à l’égard des entreprises qui sont sous la dépendance d’une
entreprise ou d’un groupe possédant également le contrôle d’entreprises
situées hors de France. La condition de dépendance ou de contrôle n’est pas
exigée lorsque le transfert s’effectue avec des entreprises établies dans un
territoire étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime
fiscal est privilégié au sens (…) de l’article 238A. En cas de défaut de réponse
à la demande faite en application de l’article L13B du LPF, les bases
d’impositions concernées par la demande sont évaluées par l’administration à
partir des éléments dont elle dispose (…). A défaut d’éléments précis (…), les
produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des
entreprises similaires exploitées normalement."
CONSEIL DES IMPÔTS
190
actifs à des structures implantées dans des paradis fiscaux
doivent comprendre dans leur résultat imposable les produits
de la gestion de ces actifs. S'agissant des actifs immobiliers, les
articles 990-D et suivants du CGI permettent une taxation de
3% sur la valeur vénale des immeubles acquis par des
personnes morales établies dans des paradis fiscaux lorsque les
détenteurs des parts ne sont pas connus.
Selon l'article 238-A du CGI, les intérêts, redevances ou
concessions de licences ainsi que les rémunérations de service
facturées à une société française par une entreprise étrangère
peuvent être non-déductibles si l’entreprise étrangère bénéficie
d’un régime fiscal privilégié. Pour pouvoir déduire ces charges
de son bénéfice fiscal, le contribuable doit prouver que ces
dépenses correspondent à des opérations réelles et qu’elles ne
présentent pas un caractère anormal ou exagéré. La charge de la
preuve incombe au contribuable, envers lequel est instituée une
présomption de transfert de bénéfices.
Par ailleurs, peuvent être réintégrées dans la base
imposable
certaines
sommes
perçues
par
une
personne
physique ou morale domiciliée ou établie à l'étranger, en
rémunération de services rendus par une ou plusieurs
personnes physiques ou morales domiciliées ou établies en
France (CGI art. 155 A) ;
L'article 167 bis du CGI permet en principe d'imposer
certaines plus-values latentes sur titres de sociétés des
contribuables transférant leur domicile hors de France, et ce
afin d'éviter que cette expatriation ait pour motif essentiel la
recherche d'une exonération de plus-value.
Cette liste serait incomplète si n'était pas mentionné
l'article L-64 du Livre des procédures fiscales concernant l'abus
de droit selon lequel ne peuvent être opposés à l'administration
CONSEIL DES IMPÔTS
191
les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou
d'une convention
125
.
Les différents types de dispositifs anti-abus dont dispose
l'administration française se retrouvent dans la plupart des
Etats de l'OCDE, même s'ils présentent des caractéristiques
variables selon les pays. A titre d'exemple, le concept de pays à
fiscalité avantageuse, défini dans les législations du type de
l'article 209 B du CGI français
126
, n'est pas harmonisé. Ce
concept n'existe pas dans tous les Etats (il est ignoré par
exemple en Irlande, aux Pays-Bas, en Pologne…), et lorsqu'il
existe, chaque Etat en a sa propre appréciation. En France, un
taux réduit de un tiers par rapport au taux français est jugé
avantageux ; cette proportion est de 25% au Royaume-Uni, de
15% en Belgique, de 66 % en Hongrie, de 30% en Italie. On
constate actuellement une tendance au renforcement de ces
dispositifs par les Etats, et à la remise en question de certains
d'entre eux par la jurisprudence communautaire.
2.2. La fixation des prix de transfert
Il convient de préciser que le régime d'encadrement des
prix de transfert est issu d'un cadre tracé par l'OCDE, qui a
proposé un modèle de convention fiscale entre Etats sur ce
point (voir infra). Les dispositions de l'article 57 du CGI sont
complétées par l’article L.13B du Livre des procédures fiscales
(LPF), qui permet de demander à l’entreprise faisant l’objet
d’une vérification de comptabilité, et à l’égard de laquelle pèse
une présomption de transfert de bénéfices, de fournir des
documents
justificatifs
spécifiques
des
prix
de
transfert
125
Les limites très strictes fixées par les textes (art. L 64 à L 64B du LPF) et la
jurisprudence relative à l’application de l’abus de droit constituent sans doute
un atout pour les contribuables résidents. Avec les dispositifs assurant la
protection du contribuable contre les changements de doctrine (article L 80 A
et L 80 B du LPF), ces limites peuvent même, dans une certaine mesure,
apparaître comme un des éléments favorables de notre système fiscal, car elles
permettent de réaliser un équilibre entre les contribuables et l’administration
fiscale dont les pouvoirs sont renforcés lorsqu’elle met en oeuvre la procédure
d’abus de droit.
126
Législations dites CFC (controlled foreign companies)
CONSEIL DES IMPÔTS
192
pratiqués
127
, et par l’article L. 144 du LPF, selon lequel les
services de contrôle fiscal peuvent utiliser des informations
fournies par les pays étrangers dans le cadre de l’assistance
administrative internationale
128
. En outre, l'administration
dispose
de
la
possibilité
d'effectuer
des
redressements
concernant les transferts de bénéfices à l'étranger sur le
fondement de la notion jurisprudentielle d'actes anormaux de
gestion.
Le tableau suivant donne les montants des redressements
effectués sur la base de l’article 57 et de l’acte anormal de
gestion lorsque ce dernier est utilisé pour contester certains
résultats des montages internationaux.
127
Répondant aux seules quatre questions suivantes : la nature des relations
intragroupe, la méthode de fixation des prix intragroupe, les activités exercées
par les entreprises exploitées hors de France en relation avec l’entité vérifiée,
et le traitement fiscal étranger des opérations intragroupe lorsque l’entreprise
française contrôle les entreprises étrangères liées. L’article L.13 B est donc la
transposition en droit français des principes énoncés au chapitre V du rapport
OCDE de 1995, selon lesquels les entreprises doivent disposer d’une
documentation démontrant que leurs prix de transfert sont compatibles avec
le principe de pleine concurrence, et que l’administration est en droit
d’obtenir la communication de ces documents afin de valider la conformité en
question.
128
Sous réserve qu’une convention d’assistance ait été signée, comme c’est le
cas pour toutes les conventions qui suivent le modèle proposé par l'OCDE.
CONSEIL DES IMPÔTS
193
Tableau n°38 :
Montant total et nombre des redressements
internationaux de prix de transfert (en base)
Année de prise
en compte
Montant total
(base)
Nombre de
redressements
1999
1 025 449 366
691
2000
1 430 788 440
510
2001
992 773 983
492
2002
1 010 839 758
445
2003
986 854 492
531
Total
5 446 706 039
2 669
Montants en €
Source : base Alpage II, DGI -- CF1. Redressements réalisés par la
DVNI et les DIRCOFI
NB : Les données sont classées par année de prise en compte
statistique, c’est-à-dire lors de la clôture du dossier et transmission à
la DGCP. C’est également par année de prise en compte que sont
ordonnés les résultats du contrôle fiscal présentés dans l’Evaluation
des voies et moyens -- tome II annexée au PLF.
Le montant des redressements en base est considérable,
puisqu'il est de l'ordre du milliard d'euros par an, relativement
stable sur la période. 38% des montants en cause impliquent de
sociétés qui font par ailleurs partie d'un groupe au sens du
régime d'intégration français. L'examen de la répartition des
redressements par montant apprend que quelques grandes
opérations de contrôle concentrent la majorité des montants
redressés.
L'analyse
montre
que
certains
secteurs
sont
proportionnellement plus concernés que d'autres par les
redressements afférents à la fixation de prix de transfert. Ceci se
déduit de la comparaison de leur part dans les effectifs
employés par rapport à leur part dans les montants redressés :
le secteur financier (17,5% des montants redressés pour 6,6% de
l’effectif employé), la chimie (13,3% des montants pour 5,4%
des effectifs), les holdings (14,5% des montants pour 5,4% des
effectifs) et les industries agro-alimentaires (10,4% des montants
pour 3,6% de l’effectif). En sens inverse, dans la métallurgie ou
CONSEIL DES IMPÔTS
194
le commerce, la part dans les redressements effectués est plus
faible que celle qu'ils occupent dans les effectifs employés.
Malgré la difficulté du contrôle et du redressement des
prix de transfert, les contentieux après redressement sont
relativement rares. Ainsi, le tableau suivant indique le nombre
de dossiers de prix de transfert traités à la DVNI et conduisant à
un contentieux et les montants contestés :
Tableau n°39 :
Contentieux des redressements pour manipulation
des prix de transfert
En €
Nombre de
contentieu
x
Droits contestés
Pénalités
contestées
Total contesté
1998
10
78 211 792
15 428 239
93 640 032
1999
10
105 714 559
26 191 415
131 905 975
2000
12
28 048 892
6 401 720
34 450 612
2001
9
18 470 168
2 690 822
21 160 990
2002
7
44 035 644
5 228 501
49 264 145
Total
48
274 481 055
55 940 697
330 421 754
Montants en €
Source :
DVNI
Ces chiffres se prêtent à deux interprétations opposées. Ils
paraissent suggérer que les entreprises sont conscientes du
caractère fondé des redressements. Mais ils peuvent aussi
résulter de la difficulté pour les entreprises de les contester,
puisque la procédure fait intervenir une conciliation entre Etats
(voir infra) qui peut être longue et ne pas déboucher sur un
résultat.
2.3. La sous-capitalisation excessive
Les
dispositions
permettant
de
lutter
contre
la
délocalisation des bénéfices par l’emprunt ne sont pas limitées à
CONSEIL DES IMPÔTS
195
l'article 212 du CGI
129
, mais l'article 57 précité peut être aussi
invoqué
130
, ainsi que l’article 39-1-3° du CGI, qui vise à limiter
le taux des intérêts déductibles à un taux de marché
131
.
Le tableau suivant donne une répartition annuelle des
redressements notifiés entre 1999 et 2003 sur la base de l’article
212 du CGI.
Tableau n°40 :
Redressements en base notifiés au titre
d'une sous-capitalisation excessive
Année de prise en compte
Nombre de
redressements
Montant total
(base)
1999
136
16 314 328
2000
125
18 367 199
2001
106
14 521 373
2002
115
15 968 245
2003
98
19 618 201
Total
580
84 789 346
Montants en €
Source : base Alpage II, DGI -- CF1.
NB : mêmes conventions que pour le tableau 38
Les montants sont moins importants que ceux liés à la
fixation de prix de transfert mais restent significatifs. Par
ailleurs,
les
membres
d’un
groupe
fiscalement
intégré
représentent 28,3% de ces redressements à l'international.
129
L’article 212 du CGI fixe une limite de 1,5 au ratio de la dette contractée
auprès des actionnaires par rapport au capital social : seuls les intérêts
afférents à la partie de la dette située en deçà de cette borne sont réputés
déductibles. Cette disposition n’est cependant pas applicable aux prêts
consentis à une entreprise par sa société-mère dans le cadre du régime « mère
filiale » prévu par l’article 145 du CGI.
130
De sorte qu'un certain nombre des redressements mentionnés dans les
tableaux relatifs aux manipulations de prix de transfert renvoient en fait à des
sous-capitalisation excessives
131
L’article 39-1-3° du CGI dispose que
« les intérêts servis aux associés […]
dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux
effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à
taux variable aux entreprises, d’une durée initiale supérieure à deux ans »
sont déductibles du bénéfice fiscal.
CONSEIL DES IMPÔTS
196
Comme précédemment, ces chiffres témoignent également de la
forte concentration des redressements sur quelques affaires.
De
récentes
décisions
de
justice
obèrent
toutefois
fortement la portée de l'article 212 et de l'article 57 lorsque
celui-ci est utilisé par l’administration fiscale pour lutter contre
la sous-capitalisation.
2.4. Relations commerciales et financières
avec des pays à fiscalité privilégiée
Les
tableaux
suivants
présentent
les
résultats
des
redressements effectués sur la base des articles 238A et 209 B.
Tableau n°41 :
Redressements en base au titre de l'article 238-A
Année de prise
en compte
Nombre de
redressements
Montant total de
redressements
1999
43
42 390 583
2000
41
58 353 672
2001
56
45 866 269
2002
58
38 231 567
2003
52
42 867 738
Total
250
227 709 829
Montants en €
Source :
base Alpage II, DGI -- CF1.
NB : mêmes conventions que pour le tableau 38
CONSEIL DES IMPÔTS
197
Tableau n°42 :
Redressements en base au titre de l'article 209-B
Année de prise en compte
Nombre de
redressements
Montant total des
redressements (bases)
1999
53
1 181 811 311
2000
43
900 674 284
2001
28
415 607 729
2002
20
203 207 287
2003
16
76 870 133
Total
160
2 778 170 744
Montants en €
Source :
base Alpage II, DGI -- CF1.
NB : mêmes conventions que pour le tableau 38
Là encore, les montants concernés en base sont tout à fait
importants, en particulier au titre de l'article 209 B. Les secteurs
les plus redressés (au vu des montants en base) sont ceux de la
finance (18%) de l'assurance (16%). Les opérations incriminées
(pondérées par les montants en cause) ont trait dans plus de la
moitié des cas à la non-imposition de plus-values par
l'intermédiaire de sous-holdings à l'étranger. Le reste des cas a
trait à l'imposition des bénéfices usuels, et fait intervenir les
montages impliquant des centres de coordination (Belgique,
21% des cas), des "captives de réassurance"
132
(Luxembourg,
12% des cas), des centres de trésorerie (2% des cas).
En
raisonnant
en
nombre
de
redressements,
le
Luxembourg est, avec 35% des cas, le premier pays dans lequel
se situent les filiales qui motivent un redressement, suivi par la
132
Constituée sous la forme d'une filiale d'un groupe non prioritairement
actif dans le secteur de l'assurance ou de la réassurance, la captive a pour
objet limité d'assurer ou de réassurer les risques de la société-mère ou des
sociétés qui composent ce holding. D'un point de vue strictement financier, un
des attraits de la captive de réassurance par rapport à l'assurance
traditionnelle ou la constitution d'un fond de réserve réside essentiellement
dans la possibilité de soumettre la captive, par une localisation adéquate, à un
régime fiscal avantageux. La société-mère procède ainsi à une double
économie d'impôts puisque, outre la possibilité offerte de déduire les primes
payées à l'assureur de premier rang, sa filiale captive jouit, selon sa
localisation, d'un régime fiscal plus ou moins avantageux. C'est la raison pour
laquelle un grand nombre de sociétés captives sont localisées dans des Etats
dont le régime fiscal est avantageux.
CONSEIL DES IMPÔTS
198
Belgique (14%), les Pays-Bas (12%), et la Suisse (9%). En
pondérant par les montants redressés, ce sont toutefois les
Pays-Bas d’où sont rapatriés le plus de bénéfices (40%), le
Luxembourg (29%) et la Belgique (20%)
133
.
Il faut noter que, s'agissant des redressements effectués
sur la base de l'article 209 B, les pays à fiscalité privilégiée
concernés étaient situés au sein même de l'Union européenne
dans 90% des cas. Or, un arrêt du Conseil d'Etat
134
constate
l’incompatibilité de l’article 209 B avec les stipulations
communautaires, notamment le principe de non-discrimination
et la libre circulation des capitaux. En conséquence, l’article 209
B est devenu inopérant à l’intérieur de l’UE, ainsi qu’envers les
autres pays lorsque la convention fiscale bilatérale ne prévoit
pas expressément qu’il peut être appliqué
135
. Dès lors, les
redressements effectués n'ont dans la plupart des cas plus de
fondement, ce qui explique le tarissement des montants
redressés.
Le
caractère
incertain
de
la
frontière
entre
l'optimisation, légalement permise, et les comportements qui
peuvent donner lieu à un redressement trouve là une
illustration frappante.
3. - Les entreprises résidentes
en France ont de larges
possibilités d'optimisation
3.1. Certaines caractéristiques de la fiscalité française
favorisent la recherche de l'optimisation
La France présente un profil marqué par un taux nominal
élevé de l'impôt sur les sociétés, ce qui rend attractive la
recherche d'une optimisation par la fixation appropriée des prix
de transfert. Sur un plan purement géographique, elle est
limitrophe de pays qui sont à certains égards des Etats à
fiscalité privilégiée pour les entreprises (Suisse, Luxembourg,
133
Parmi les autres pays, on trouve la Suisse, Curaçao, le Panama, les
Bermudes, Jersey et Chypre
134
Conseil d’Etat,
Schneider
, lecture du 28/06/2002
135
C'est notamment le cas de la Suisse.
CONSEIL DES IMPÔTS
199
Belgique). Elle présente par ailleurs la singularité de taxer
certaines plus-values de cession de titres dans un contexte où la
plupart de ses voisins les exonèrent ou les taxent très peu ;
l'incitation à l'évasion fiscale est très forte.
Par ailleurs, la nature du régime mère-fille français, fondé
sur l'exemption, facilite l'optimisation fiscale par comparaison
avec le régime de l'imputation. En effet, lorsqu’une société mère
française détient une filiale dans un pays étranger où le taux
d’IS est sensiblement inférieur au taux français, elle ne paie
pratiquement pas d’IS sur la part du bénéfice de la filiale qui lui
remonte (à l'exception de la quote-part pour frais et charges).
Elle a donc tout intérêt à localiser son profit consolidé dans sa
filiale étrangère : à cet effet, elle pourra pratiquer une politique
de prix de transfert appropriée.
En revanche, un système d’imputation tel que celui
pratiqué par la Grande-Bretagne permet d'appliquer in fine le
taux national d'IS aux dividendes remontés des filiales. Si un tel
système était appliqué en France, les dividendes qui remontent
à la mère française seraient alors imposables à l’IS au taux
français, et l’impôt déjà payé à l’étranger s’imputerait sur l’IS
dû. Cette possibilité est laissée ouverte aux Etats membres par
la directive européenne, pour préserver les différences existant
antérieurement. Si elle paraît dans un premier temps devoir
procurer davantage de recettes, cette solution peut en fait
aboutir à l'effet inverse en dissuadant les sociétés-mères d'être
résidentes en France, ce qui peut effacer le gain budgétaire et
avoir en outre des conséquences économiques non souhaitables.
Par
ailleurs,
le
système
de
l'imputation
pose
des
problèmes techniques considérables. En effet, son adoption
nécessiterait de renégocier celles de nos conventions bilatérales
qui
prévoient
explicitement
l'exonération,
telles
que
la
convention avec les Pays-Bas. Il suffit en effet d'un seul Etat
avec lequel un système d'exonération subsiste pour que les
dividendes en provenance des autres pays fassent le détour par
une société intermédiaire basée dans cet Etat pour bénéficier de
l'exonération. En outre, cette solution s'avère particulièrement
CONSEIL DES IMPÔTS
200
complexe dans le cas de remontées de dividendes en cascade.
Sa faisabilité est donc très peu probable
136
.
De plus, les possibilités d'accord préalable en matière de
prix de transfert (APP) sont encore peu utilisées, alors que de
tels accords présentent en principe des avantages pour toutes
les parties. Ils permettent à l'administration de se prémunir a
priori contre une politique de fixation de prix de transfert
conduisant à transférer une partie du bénéfice réalisé en France
dans un autre Etat, et de travailler dans un climat différent de
celui de la répression. Ils donnent aux groupes une assurance a
priori sur la conformité de leur politique de prix de transfert,
éloignant le risque d'un redressement. On peut donc s'étonner
du petit nombre d'APP sollicités par les entreprises en France :
actuellement, 25 APP sont en cours, et 6 ont été signés. Certes,
cette activité administrative se développe, puisque le nombre
de dossiers déposés chaque année est en augmentation. Ils
concernent avant tout les grandes entreprises qui sollicitent des
accords portant sur des montants considérables. Les entreprises
sont peut-être dissuadées par la longueur de la procédure, mais
celle-ci résultent de son caractère international.
Le fait que la France soit particulièrement touchée par
l'optimisation fiscale est cohérent avec un certain nombre
d'indications décelées par les différentes mesures de la pression
fiscale sur les entreprises ou sur leur bénéfice. On se souvient
ainsi que, au sein de l'Union européenne, la France apparaît
comme imposant davantage les entreprises si l'on se réfère à
certaines simulations de la charge fiscale totale pesant sur un
investissement
137
, qui ne tiennent pas compte des possibilités
d'optimisation. Il n’en va pas de même si on se base sur des
indicateurs qui les prennent en considération.
Ainsi, il semble que les grandes entreprises, bénéficiaires
principales de la concurrence fiscale, sont à même de réduire en
pratique le différentiel d'imposition qui existe entre la France et
d'autres pays.
136
La Grande-Bretagne envisagerait d'ailleurs de modifier son régime.
137
Taux effectifs d'imposition calculés par la Commission dans son rapport
sur la fiscalité des entreprises dans le marché intérieur
CONSEIL DES IMPÔTS
201
3.2. Les évolutions récentes accentuent les possibilités
d'optimisation en France et en Europe
En premier lieu, la suppression du précompte risque
d'accroître les pertes de recettes en France en incitant davantage
à l'optimisation fiscale. Il constituait en effet un frein à la
recherche d'un taux d'IS plus favorable à l'étranger grâce à la
sous-capitalisation ou à la fixation des prix de transfert, puisque
ce complément d'imposition frappait de toute façon les
dividendes reçus de filiales étrangères lors de leur distribution
en France.
En
second
lieu,
le
démantèlement
progressif
des
mécanismes anti-abus par la CJCE, au nom des grands
principes de la construction du marché unique, dans des
conditions qui seront explicitées plus loin, réduit les possibilités
de la France, comme des autres Etats européens, de s'opposer à
certaines formes d'optimisation jugées abusives.
3.3. Le droit pénal général est peu utilisé contre les abus
Le droit pénal général prévoit un certain nombre
d'incriminations qui pourraient en théorie être retenues contre
certains abus. De plus, la jurisprudence a défini les conditions
de réalisation d’infractions au sein d’un groupe
138
, qui
pourraient être invoquées pour poursuivre les auteurs de
certaines infractions sur la base de délits de droit commun,
indépendamment du délit de fraude fiscale. Ces possibilités
sont peu utilisées.
Sous certaines conditions, ces incriminations d'usage
abusif des biens et du crédit de la société (article L 242-3, 4° et
L242-6, 3° du code de commerce), de faux en écriture de
commerce ou de banque (article 441-1 du code pénal), de
publication ou présentation de comptes annuels ne donnant pas
138
L'arrêt Rozenblum (Cass. Crim 4 février 1985, Bull. crim n°54) a jugé que
l'intérêt économique, social et financier commun à un groupe peut justifier un
concours financier d'une entreprise du groupe à une autre, s'il n'est pas
démuni de contrepartie, ne rompt pas l'équilibre des engagements respectifs
et n'excède pas les possibilités financières de la société qui supporte la charge.
CONSEIL DES IMPÔTS
202
une image fidèle des opérations de l'exercice (art L-241-3, 3° et
L.242-6, 2° du code de commerce) peuvent s'appliquer à des cas
de fraude caractérisée faisant appel à grande échelle à des
manipulations de prix de transfert, à la sous-capitalisation ou à
la rémunération de personnes physiques pour des activités
fictives.
CONSEIL DES IMPÔTS
203
II. - L'
ÉVASION FISCALE
DUE AUX PERSONNES PHYSIQUES
EST UN ENJEU PLUS SIGNIFICATIF
QUE CELUI DE LEUR EXPATRIATION
Il a été établi dans la partie précédente que les
expatriations de personnes du fait de l'impôt sur le revenu, de
l'impôt de solidarité sur la fortune, de l'impôt sur les plus-
values des personnes physiques et des droits de succession ne
concernent qu'un petit nombre de contribuables et ont peu
d'impact sur l'emploi et l'activité. On va montrer à présent que
les délocalisations de personnes sont d'autant moins répandues
que d'autres procédés moins contraignants, relevant le plus
souvent de l'optimisation, mais pouvant donner lieu parfois à
des abus, permettent aux personnes concernées d'échapper en
partie à l'impôt. Ces procédés se nourrissent le cas échéant des
possibilités offertes par les mécanismes internationaux.
A. - L'ISF
1. - L'ISF et l'optimisation
La localisation du patrimoine des redevables de l'ISF fait
l'objet de procédés visant à minorer cet impôt, et qui rendent
inutile une délocalisation des personnes. On peut distinguer
des
mécanismes
purement
nationaux,
et
d'autres
internationaux.
Dans
la
première
catégorie,
on
peut
mentionner
l'utilisation de l’assouplissement apporté par la doctrine
administrative aux dispositions de l’article 885 0 quater du CGI,
lequel précise qu' « une société ayant pour activité principale la
gestion
de
son
patrimoine
ne
constitue
pas
un
bien
professionnel ». La doctrine autorise ainsi, sous conditions,
l’exonération des parts de holdings « animatrices de groupe ».
Cette doctrine remédie à certains effets inéquitables de la
CONSEIL DES IMPÔTS
204
définition du bien professionnel, conduit à des abus. Ainsi,
divers guides d’optimisation fiscale suggèrent des méthodes
« d’habillage »
d’une holding afin que celle-ci apparaisse
comme animatrice de groupe.
La pratique des démembrements partiels et temporaires
de propriété, par exemple au profit d’associations ou de
fondations, a été admise par l'administration. Le donateur
conserve le droit de vendre et de donner ses titres ainsi que ses
droits de vote, mais renonce aux dividendes. Le patrimoine
correspondant est exonéré au regard de l'ISF. Ceci paraît
constituer un cas de figure assez théorique ; on peut toutefois
observer qu'il permet a priori de remédier à la situation parfois
mise en avant, dans laquelle les dividendes versés sont
inférieurs à l'ISF et ne permettent pas d'acquitter cet impôt.
Parmi les montages internationaux, on peut relever
l’interposition de sociétés étrangères pour éluder l’imposition
de titres de participation ou pour dissimuler la propriété de
biens immobiliers : au 31 décembre 2000, plus de 13.000 sociétés
étrangères détiennent des actifs immobiliers en France, il est
probable que nombre de ces sociétés font écran à des personnes
physiques.
Ces pratiques se nourrissent de la complexité particulière
des conditions d’exonération des biens professionnels, et de la
complexité des règles d’évaluation.
2. - L'éventuel effet dissuasif de
l'ISF pour l'installation en France
de dirigeants étrangers est limité
Les règles de territorialité de l’ISF sont les suivantes : les
personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France sont
imposables à raison de l’ensemble de leur patrimoine, y
compris pour leurs biens situés à l’étranger (en ce qui concerne
les participations, ce principe est toutefois assorti de règles
CONSEIL DES IMPÔTS
205
complexes permettant certaines exonérations
139
). Ce principe
d'imposition en France du patrimoine mondial peut sembler
dissuader les particuliers étrangers fortunés de s'installer en
France.
Cette règle pourrait être un frein pour l'installation de
cadres dirigeants étrangers, et au-delà pour l'implantation de
centres de décision dans notre pays. Cependant, la plupart des
conventions fiscales aménagent ce principe. La France s’est
engagée depuis plusieurs années dans une démarche consistant
à accorder, à la faveur de la renégociation des conventions
fiscales, un traitement privilégié aux résidents étrangers,
consistant à les exonérer à raison de leurs biens situés à
l’étranger, sous conditions et pendant une durée limitée à cinq
ans. Les ressortissants de nombreux pays bénéficient déjà de
cette possibilité
140
. On peut toutefois observer, comme le faisait
le rapport précité du CAE, que «
si la limite de cinq ans est
cohérente avec le principe d’une expatriation temporaire, elle
pose néanmoins problème pour un chef d’entreprise étranger
souhaitant pérenniser son implantation en France
».
Mais il apparaît que la France ne pourrait accorder une
telle exonération de manière illimitée sans que celle-ci ne
constitue une discrimination entre contribuables. On peut en
effet soutenir qu'un dirigeant étranger souhaitant pérenniser
son implantation en France ne peut être traité différemment
d'un dirigeant français.
139
Ces règles de territorialité peuvent apparaître complexes pour les
participations des non-résidents : les participations inférieures à 10 % sont
ainsi généralement exonérées ; les participations comprises entre 10 % et 25 %
sont en revanche en principe taxables ; les participations supérieures à 25 %
sont susceptibles d’être exonérées en tant que biens professionnels et les
participations détenues par une personne physique par l’intermédiaire d’une
personne morale non résidente sont en tout état de cause exonérées.
140
Allemagne,
Autriche ; Bahreïn ; Canada ;
Emirats
Arabes
Unis ; Espagne ; Etats- Unis ; Italie ; Koweït et Qatar. Il en ira toutefois de
même dans la nouvelle convention signée avec le Royaume-Uni le
28 janvier 2004, qui n’est pas encore en vigueur.
CONSEIL DES IMPÔTS
206
B. - Les plus-values de cession
des particuliers
La France est parmi les Etats de l'Union européenne
imposant le plus les plus-values de cession de titres des
particuliers. Même si de nombreux produits de placement sont
exonérés, le cadre général de la taxation de la plus-value de
cession de parts d'entreprise demeure moins favorable en
France que dans d'autres pays. Il existe cependant des
possibilités de réduire cette taxation, soit au niveau purement
national, soit en faisant intervenir des systèmes fiscaux
étrangers. Il s'agit là d'un des enjeux majeurs de la concurrence
fiscale en France.
1. - Les possibilités offertes
par les dispositions françaises
Dans le domaine de l'imposition des plus-values, les
possibilités d'optimisation sont nombreuses. Elles utilisent
notamment les régimes de faveur octroyés à certaines plus-
values (plans d'épargne en actions (PEA), plans d'épargne
d'entreprise (PEE). Il s'agit d'user des possibilités offertes par le
régime favorable qui résulte de l'articulation entre donations et
taxation des plus-values, et de bénéficier des régimes du sursis
et du report d'imposition accordés pour les opérations
d'échanges de titres.
Le régime des PEA permet à des dirigeants d’entreprises
d’inscrire leurs droits sociaux avec leur famille dans leur
PEA
141
, sous réserve qu'ils ne possèdent pas plus de 25% du
capital de la société. Sous cette condition, ils peuvent bénéficier
d’une exonération complète des revenus et des plus-values
attachés à ces droits sociaux. Les montants exonérés dépassent
souvent plusieurs fois le plafond de souscription initial.
141
Les titres éligibles aux PEA sont les actions cotées et titres assimilés et les
actions non cotées souscrites, ainsi que, depuis le 1
er
janvier 1995, les titres non
cotés acquis sous réserve que ceux-ci ne relèvent pas d’une participation
substantielle au capital de l’entreprise par son titulaire ou son groupe familial.
CONSEIL DES IMPÔTS
207
A une échelle plus réduite, le régime des PEE peut
conduire à des montages visant à bénéficier d'une exonération
tels que le procédé consistant pour une société A à verser des
redevances à une société B détenue en quasi-totalité par le plan
d’épargne d’entreprise de salariés de la société A, ce qui permet
à ces derniers de percevoir des revenus en franchise d’impôt
142
.
Le régime de sursis d’imposition en cas d’échange de
titres peut être utilisé pour permettre la mobilisation des plus-
values dans le cadre du développement de l'entreprise. Cela
consiste par exemple à apporter les titres d’une société A à une
société B, et de recevoir en échange des titres de la société B,
puis à vendre à la société A les titres de la société B (ou
inversement), ce qui permet de dégager une plus-value qui
demeure en report d’imposition tant que les titres de la société
B sont conservés. Cette conservation peut être indéfinie
143
.
Ces
diverses
possibilités
ont
été
octroyées
par
le
législateur pour faciliter certaines opérations de restructuration.
Dans certains cas, elles peuvent être utilisées abusivement.
Ainsi, une donation peut être fictive, car suivie d'opérations
permettant au donateur initial de retrouver la propriété de son
bien.
On peut ainsi observer que 16 des 34 motifs de
redressement relatifs aux affaires reçues en 2002 par le Comité
consultatif de répression des abus de droits concernaient des
montages liés aux plus-values (dont 9 l’apport de titres à une
142
Ou le procédé similaire, mais plus complexe, consistant aussi à localiser
des bénéfices d’une société A dans une société B détenue par ses actionnaires-
salariés par l’intermédiaire du FCPE de la société B. Au terme des cinq années
d’indisponibilité, les salariés-actionnaires de la société B rachètent leurs parts
du FCPE et réalisent en franchise d’impôt une plus-value correspondant aux
bénéfices localisés dans la « coquille ».
143
Par ailleurs, il convient de rappeler que, dans le cas d’une donation de
titres préalablement à leur cession, seuls sont exigibles les droits de mutation
à titre gratuit, aucune plus-value ne pouvant être imposée au nom du
donateur ni même au nom du donataire lorsque ce dernier cède les droits
sociaux à la valeur déclarée dans l’acte de donation : la donation permet ainsi
de «
purger
» les plus-values, ce qui a pour objet de ne pas conduire à un
cumul des impositions.
CONSEIL DES IMPÔTS
208
société suivi de leur revente dans le but de bénéficier d’un
report d’imposition
144
).
2. - Les mécanismes faisant
intervenir l'optimisation fiscale
internationale
Les
services
chargés
du
contrôle
fiscal
relèvent
fréquemment des stratégies fiscales qui utilisent les dispositifs
existants pour localiser la plus-value à l'étranger afin qu'elle
puisse échapper à l'impôt sans que les contribuables ne
s'expatrient eux-mêmes.
Cela consiste par exemple à ce que des associés (souvent
dirigeants) d’une entreprise française apportent leurs parts à
une société holding étrangère, par exemple une société holding
SOPARFI luxembourgeoise, qu'ils détiennent directement ou
indirectement. Ils bénéficient ainsi du sursis d'imposition sur la
plus-value.
Une
telle
opération
permet
ensuite
de
céder
ultérieurement les titres de la société française en franchise de
plus-values, puisque celles-ci ne sont pas imposées au
Luxembourg.
Ces opérations sont difficiles à découvrir, et plus encore à
contester pour l’administration fiscale, notamment si des
sociétés intermédiaires sont localisées dans des pays à secret
bancaire
et/ou
à
faible
collaboration
administrative,
et
notamment parce que l'apport à une société étrangère est légal,
et ne saurait être contesté sauf s’il a été effectué à un prix
volontairement minoré.
3. - Le dispositif de lutte
contre l'évasion fiscale
de l'imposition des plus-values
L’article 24 de la loi de finances pour 1999 a introduit
dans le code général des impôts un article 167
bis
disposant que
144
Les tribunaux n'ont pas tranché cette question.
CONSEIL DES IMPÔTS
209
les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au
moins six années au cours des dix dernières années, qui
transfèrent leur domicile hors de France, sont en principe
imposables sur les plus-values « constatées » (c’est-à-dire
« latentes »)
relatives
aux
droits
sociaux
constitutifs
de
participations substantielles
145
. L'imposition est établie, mais,
sous réserve de la constitution de garanties, fait l'objet d'un
sursis. Si, au terme d'un délai de cinq ans, le contribuable n'a
pas cédé les titres, ou s'il est revenu en France dans ce même
délai,
l'imposition
est
annulée
146
.
Concrètement,
cette
disposition avait pour but de s'opposer à une délocalisation
temporaire aux fins d'éluder l'imposition d'une plus-value
latente, en exigeant un séjour d'au moins cinq ans à l'étranger
pour accorder le bénéfice de l'exonération.
Cet article 167
bis
du CGI se fondait aussi sur l’idée selon
laquelle les plus-values « substantielles » réalisées en cédant les
titres des entreprises d’un pays donné doivent bénéficier au
pays qui a permis le développement de cette entreprise et donc
la formation de cette plus-value. Ce dispositif s’inspirait de
mesures similaires en vigueur en Allemagne, en Belgique et aux
Pays-Bas.
Ce dispositif vient d'être invalidé par la CJCE au nom de
la liberté de circulation, dans des conditions qui seront
analysées en dernière partie (cf. p .218).
145
Le groupe familial détenant au moins 25 % des droits sociaux.
146
Ce sursis de paiement est subordonné à la condition que le contribuable
déclare le montant de la plus-value constatée, demande à bénéficier du sursis,
désigne
un
représentant
établi
en
France
autorisé
à
recevoir
les
communications relatives à l’assiette, au recouvrement et au contentieux de
l’impôt
et
constitue
auprès
du comptable
chargé du
recouvrement,
préalablement à son départ, des garanties propres à assurer le recouvrement
de la créance du Trésor. Par ailleurs, l’impôt n’est exigible que dans la limite
du maximum de la plus-value latente déclarée au moment du départ, d’une
part ; de la plus-value effectivement réalisée au moment de la cession, d’autre
part. En outre, «
l’impôt acquitté localement par le contribuable et afférent à la
plus-value effectivement réalisée hors de France est imputable sur l’impôt sur
le revenu établi en France à condition d’être comparable à cet impôt
».
CONSEIL DES IMPÔTS
210
C. - Les droits de succession
Comme pour l’ISF et l’imposition des plus-values, le
montant élevé des droits de succession en cas de transmission
d'importants patrimoines constitués de parts de sociétés peut
être
réduit
par
l'utilisation
des
mécanismes
juridiques
nationaux ou internationaux qui font appel aux règles fiscales
nationales ou internationales.
On peut ainsi signaler, de manière générale :
- l’apport à une société holding familiale des titres de la
société d’exploitation (ce qui purge les plus-values), suivi d’une
donation des titres de la société holding, souvent limitée à la
nue-propriété ;
- les démembrements de propriété, qui présentent un
triple avantage : le calcul des droits de donation ne porte que
sur la seule valeur de la nue-propriété ; au terme de l’usufruit,
le droit d’usufruit rejoint la nue-propriété en franchise de droits
de mutation ; enfin, le donataire conserve les revenus de ses
biens, ce qui constitue pour lui une garantie.
Là encore, les possibilités offertes par le législateur, et qui
peuvent être utilisées pour ne pas pénaliser la transmission
d'entreprise, peuvent donner lieu à des abus. Il en est ainsi en
cas de dissimulation d'une partie du patrimoine transmis, ce
qui est d'autant plus aisé que ces mécanismes font intervenir
des sociétés écran étrangères situées notamment dans des pays
à secret bancaire et/ou à droits de mutation très faibles.
D. - Les techniques d'optimisation
internationale de l'imposition
des revenus d'activité
1. - De fausses délocalisations
font intervenir des montages
internationaux
Certaines des délocalisations de redevables pour des
raisons qui tiendraient à l'une des caractéristiques du système
CONSEIL DES IMPÔTS
211
fiscal
français
précitées
peuvent
être
fictives.
Certains
contribuables ayant en principe quitté le territoire pour se
soustraire à l'imposition, se livrant ainsi à un arbitrage qui peut
paraître regrettable mais qui est l'expression d'une liberté
légitime, se comportent en réalité en « passagers clandestins »,
s’ils maintiennent en fait leur résidence effective en France.
S’agissant de la délocalisation fictive ou réelle d’une
activité commerciale, artisanale ou libérale, on constate depuis
quelques
années
que
celle-ci
passe
fréquemment
par
l’intermédiaire de sociétés immatriculées au Royaume-Uni et en
Irlande sous la forme la plus courante appelée « Private Limited
Company
»
(abrégé
Ltd).
Des
enquêtes
menées
par
l'administration fiscale révèlent que des sociétés étrangères sont
fréquemment utilisées pour abriter des activités occultes en
France ou réaliser des opérations de transfert de bénéfices à
l’étranger. L’utilisation de telles structures peut constituer un
outil
de
fraude
fiscale
redoutable,
souvent
délicate
à
sanctionner.
2. - L'épargne et le dépôt
des liquidités
L'épargne fait l'objet d'une concurrence fiscale avérée
entre Etats, certains pays pratiquant des conditions fiscales ou
un secret bancaire qui sont de nature à attirer la trésorerie
internationalement mobile. Il importe cependant de l'évoquer
au titre de l'optimisation de la fiscalité des revenus. En effet, la
plupart des montages visant à minorer l'imposition des revenus
consistent purement et simplement à les dissimuler. Il ne s'agit
pas là d'optimisation mais de fraude ; elle est fréquemment
internationale puisque le meilleur moyen de soustraire des
revenus à l'impôt est de les localiser dans un pays à secret
CONSEIL DES IMPÔTS
212
bancaire
147
. L'enjeu devient alors celui de la sortie de ces fonds
vers des pays à secret bancaire
148
, puis de leur utilisation
éventuelle sur le sol national.
Si les sorties et les entrées sous forme liquide sont des
techniques frustes et risquées, compte tenu notamment de
l’obligation de déclarer les transferts de fonds d’un montant
supérieur à 7.600 euros et d'éventuels contrôles douaniers,
d'autres méthodes sont plus subtiles, faisant intervenir par
exemple les mécanismes de compensation
149
, le recours à des
sociétés de transfert internationaux de fonds, la souscription de
contrats d’assurance-vie au Luxembourg, etc.
En ce qui concerne le rapatriement des fonds qui ont été
soustraits à l'imposition en France, afin de pouvoir en disposer,
on peut citer le recours croissant à des cartes bancaires sur des
comptes étrangers, émises sur des comptes de sociétés qui font
écran aux personnes physiques les utilisant, ce qui permet, soit
de dissimuler sa présence sur le territoire national, soit de
dissimuler des éléments du train de vie courant.
Ces procédés ne sont mentionnés ici que dans la mesure
où ils peuvent être mobilisés avec la complicité d'entreprises
cherchant à minimiser l'imposition du revenu de leurs
dirigeants, en combinaison avec d'autres techniques évoquées
ci-dessous.
Ils
viennent
alors
modifier
l'équation
de
la
localisation des activités, pour autant que celle-ci prenne bien
en compte l'imposition des dirigeants.
147
Le deuxième alinéa de l’article 1649 A du code général des impôts dispose
que les contribuables fiscalement domiciliés en France doivent déclarer les
comptes ouverts, clos ou utilisés à l’étranger depuis le 1
er
janvier 2000. Et le
troisième et dernier alinéa du même article dispose que les sommes, titres ou
valeurs transférés à l’étranger ou en provenance de l’étranger par
l’intermédiaire de comptes non déclarés constituent, sauf preuve contraire,
des revenus imposables. En pratique, ces dispositions se heurtent précisément
au secret bancaire des pays de destination des fonds.
148
Ou des pays dont la langue est réputée difficile, ce qui constitue ensuite
un obstacle aux investigations des services fiscaux
149
Par lequel un jeu d’écritures permet à un établissement de crédit (dit
« banque avec passage ») de compenser la somme qu’un client français veut
transférer à l’étranger par celle qu’un autre client veut rapatrier, moyennant
une commission de 1 à 2 % des montants transférés
CONSEIL DES IMPÔTS
213
3. - Les entreprises et
l'optimisation fiscale du revenu
des dirigeants
Les entreprises disposent de possibilités particulières
pour permettre l’évasion fiscale au profit de leurs dirigeants.
Elles
peuvent
ainsi
tenter
de
surfacturer
certaines
prestations ou certains produits importés, en échange de
rétrocommissions sur des comptes dans des paradis fiscaux. Il
s'agit là de fraudes réprimées par l'article 238 A du CGI.
Elles peuvent encore répartir dans plusieurs pays le
versement de leur rémunération. Certains cadres dirigeants
peuvent ainsi conclure des contrats de travail multiples, avec
différentes entités filiales, conduisant de même à répartir leur
rémunération dans plusieurs Etats.
Le "partnership", forme d'organisation anglo-saxonne
inconnue en droit français, est de plus en plus utilisé par les
professions libérales. Chaque membre d'un partnership est
imposable dans chaque Etat sur la part réalisée dans cet Etat
par la société et correspondant à ses droits sociaux. Cette
structure permet de ne percevoir qu'un montant limité de ses
revenus en France, même si le contribuable y exerce l'essentiel
de son activité.
L'administration fiscale apparaît relativement démunie
face à ces techniques, puisqu'elle ne peut facilement connaître
les sommes perçues à l'étranger et les doubles contrats.
4. - Certaines lacunes
des conventions bilatérales
sont lentement comblées
Les conventions fiscales bilatérales, résultant de longues
négociations, conduisent nécessairement à des compromis. Elles
comportent parfois des dispositions qui peuvent faciliter
l'évasion fiscale internationale. Les Etats en ont pris conscience
et la tendance est à la suppression de ces possibilités. Ce
processus de renégociation est cependant lent et difficile.
CONSEIL DES IMPÔTS
214
La convention fiscale franco-suisse fournit une première
illustration de ces phénomènes.
A titre d'exemple, les droits de la propriété intellectuelle
tels que les droits d'auteur sont imposables en Suisse avec un
régime très favorable (retenue à la source de 5%), si le
bénéficiaire y est résident, même si ces droits ont été émis en
France. Cette convention permet aussi à un actionnaire
minoritaire qui ne remplirait pas en France les conditions
d’exonération à l’ISF au titre de l’outil de travail, de diriger une
entreprise française depuis la Suisse (et seulement depuis la
Suisse), sans être assujetti à une quelconque imposition au titre
des parts détenues. La rédaction de la convention permet en
effet aux personnes physiques domiciliées en Suisse d’échapper
à l’ISF en France sur leurs titres de participation, et ces titres ne
sont pas imposés en Suisse
150
.
Combinées au régime suisse du forfait pour l'imposition
du revenu, qui permet l'imposition sur une base forfaitaire des
revenus de source étrangère, ces dispositions conventionnelles
expliquent ainsi l’attractivité de la Suisse pour les fortunes
françaises.
En revanche, la convention franco-monégasque a été
amendée. Jusqu'à une date récente, elle ne permettait pas
d'assujettir à l’ISF en France les Français fiscalement domiciliés
à Monaco. L'avenant remédie à cette situation et comporte
diverses dispositions permettant aussi de lutter contre le
versement de rémunérations sans lien avec un travail effectif
par des sociétés soumises à l’impôt monégasque sur les
bénéfices.
150
Dans le cas général de la territorialité de l'ISF, les personnes physiques qui
n’ont pas leur domicile fiscal en France ne sont imposables qu’à raison de
leurs biens situés en France (si leur valeur atteint le seuil d’imposition) et
uniquement sur la partie de ces biens qui n’a pas le caractère de « placements
financiers ». Concrètement, sont ainsi en principe imposables les biens
meubles ayant leur assiette matérielle en France, les immeubles et droits réels
immobiliers, les créances sur un débiteur établi en France et les valeurs
mobilières émises par l’Etat français ou par une personne morale ayant son
siège en France. En pratique, la plupart des conventions fiscales réservent
toutefois l’imposition des biens et droits mobiliers à l’Etat de résidence du
propriétaire, c'est en particulier le cas de la convention franco-suisse.
CONSEIL DES IMPÔTS
215
La convention franco-britannique offrait des opportunités
d'optimisation
qui
ont
été
récemment
supprimées.
Ces
opportunités résultaient de ce que le droit britannique institue
une progressivité dans les critères permettant d'apprécier la
notion de résidence pour prendre en compte la qualité et la
solidité des liens personnels établis avec le Royaume-Uni
151
.
Des
régimes
spécifiques
sont ensuite
attachés
aux
différents niveaux de résidence. En particulier, les personnes
physiques résidents ordinaires ou habituels au Royaume-Uni
sans y être domiciliées bénéficient d’une exonération sur ceux
de leurs revenus de source étrangère qui ne sont pas rapatriés
au Royaume-Uni. Cette configuration offrait par exemple la
possibilité pour des consultants, des avocats, des mannequins,
etc. de multiplier les contrats de travail et de partager leurs
revenus entre plusieurs pays. En effet, à condition que ces
personnes puissent prouver la réalité de leur départ à leur
administration fiscale française, leurs revenus non rapatriés au
Royaume-Uni (mais utilisés par exemple grâce à des cartes de
crédit) ne supportaient finalement, en application de la
convention, aucune autre imposition que d’éventuelles retenues
à la source en France.
De même, les résidents non domiciliés au Royaume-Uni
ne sont imposés sur les plus-values de valeurs mobilières que si
les gains sont rapatriés, ce qui était évidemment attractif pour
des dirigeants d’entreprise souhaitant céder leurs actions ou
lever des stock-options. En outre, les simples résidents
britanniques ne sont passibles de droits de mutation à titre
gratuit qu’à raison de leurs actifs situés au Royaume-Uni.
151
- la simple résidence (qui concerne toute personne qui réside plus de
183 jours au cours d’une même année fiscale ou, à défaut, la disposition d’un
logement, le fait de résider 3 mois par an plusieurs années de suite ou
l’intention déclarée de rester plus de deux ans) ;
- la résidence habituelle (personne séjournant normalement au
Royaume-Uni, mais cette qualité s’acquiert aussi
via
des séjours de courte
durée au cours de quatre années consécutives, l’intention exprimée d’un
séjour de 3 ans et plus ou l’acquisition d’un logement) ;
- enfin, le domicile (le domicile d’origine s’acquiert par la naissance,
le domicile d’élection s’acquiert par le constat d’un changement, clairement
exprimé).
CONSEIL DES IMPÔTS
216
La nouvelle convention fiscale franco-britannique devrait
mettre un terme à cette situation
152
.
On peut toutefois signaler
que le Royaume-Uni ne s’est résolu à se séparer d’un dispositif
particulièrement attractif que parce que celui-ci finissait, du fait
des abus, par éroder ses propres bases taxables.
Dans ces différents cas, le régime offert à des Français
résidant plus ou moins fictivement dans les Etats cités était plus
intéressant que celui réservé par ces Etats à leurs propres
ressortissants d'origine.
En sens inverse, la France apparaît comme un pays à
fiscalité des revenus favorable pour certains de nos voisins, en
particulier la Belgique. Dès lors, on observe des délocalisations
fictives de salariés belges vers la France, utilisant certaines
ressources offertes par la convention fiscale franco-belge. Un
dirigeant de société belge peut ainsi se faire rémunérer en
France au titre de la direction d'une filiale fictive ou réelle en
France ; cette rémunération est taxée avec un régime spécifique
(art 182 A du CGI) prévoyant une retenue à la source de 15% à
25% et un impôt sur le revenu sur lequel cette retenue est
imputable. En pratique, seule la retenue à la source est
recouvrée ; un exemple pratique montre qu'un salaire de 110
000 € se trouve ainsi imposé à 14% seulement.
CONCLUSION DE LA PARTIE
En premier lieu, les possibilités d'optimisation utilisant
des dispositifs purement nationaux, prévus le plus souvent à
cet effet, permettent aux acteurs de ne pas subir en France une
152
En stipulant que «
lorsqu’en application de la présente convention, un
revenu bénéficie d’un avantage fiscal dans un Etat contractant, et qu’en
application de la législation interne de l’autre Etat contractant
[en pratique le
Royaume-Uni]
une personne n’y est assujettie à l’impôt que sur le montant de
ce revenu qui est transféré ou reçu dans cet autre Etat et non sur son montant
total, l’avantage fiscal accordé dans le premier Etat
[c’est-à-dire l’exonération
en France]
en application de la présente convention ne s’applique qu’à la part
du revenu qui est imposée dans l’autre Etat…
».
CONSEIL DES IMPÔTS
217
pression fiscale plus élevée que dans d'autres pays, même
lorsque les dispositions légales apparaissent de prime abord
moins avantageuses en France. Ceci contribue à relativiser le
jugement porté à partir de l'examen des caractéristiques
principales des systèmes fiscaux.
En second lieu, les possibilités de « délocalisation » des
bases imposables utilisées par les entreprises paraissent
étendues. Ces possibilités tendent à réduire les écarts effectifs
de pression fiscale pesant sur les activités exercées dans les
différents Etats.
Cette réduction de pression fiscale tend à
réduire l’intérêt des délocalisations d’activités.
Les possibilités de délocalisation contribuent ainsi à
réduire le handicap que peut constituer une fiscalité plus
lourde pour la localisation d’activités, mais en contrepartie
elles privent les Etats d’une partie des recettes fiscales qu’ils
peuvent légitimement attendre de la formation d’un revenu
sur leur territoire.
En
outre,
avec
l’évolution
récente
du
contexte
communautaire, la France et les autres Etats membres sont de
plus en plus privés de moyens juridiques de s’opposer à ces
mécanismes. Dans certains cas, ils ont bien à leur disposition
des moyens de lutte contre les pratiques abusives, mais sont
confrontés à des difficultés pratiques de contrôle dans le
contexte international.
Se trouve ainsi reposée la question soulevée par le
Conseil des impôts dans son rapport sur les dépenses fiscales.
Indépendamment
même
des
possibilités
offertes
par
l'optimisation internationale, le système fiscal français se
caractérise trop souvent par une rigueur affichée des
principes et du taux de prélèvement, alors qu'il autorise en
réalité un grand nombre d'aménagements, comme si le
législateur souhaitait adoucir dans les faits les éventuelles
conséquences
de
la
sévérité
affichée,
sans
remettre
ouvertement
celle-ci
en
question.
Ce
positionnement
contribue à la complexité et à l'absence de lisibilité de la
norme fiscale. Il est source de coûts pour les entreprises et
pour l'administration. Il est à l'origine d'une iniquité entre les
contribuables selon leur degré de maîtrise du système.
CONSEIL DES IMPÔTS
218
Pour ces différentes raisons, un système fiscal plus
simple et plus transparent, avec des taux d'imposition plus
faibles et des dérogations moins étendues, serait à la fois plus
juste et plus attractif en termes d'image.
En outre, les mécanismes internationaux d'optimisation,
qui ont pour effet de transférer une base imposable d'un Etat
dans un autre, posent deux types de difficultés. Ils autorisent
des comportements de "passager clandestin" qui ne paie pas
le prix fixé par un Etat pour la formation d'un revenu sur son
territoire. Bien que légaux, ils peuvent constituer une base
pour des pratiques qui ne le sont pas, et conduisent à
dissimuler purement et simplement la base imposable, pour
peu qu'ils fassent intervenir des paradis fiscaux ou des pays à
secret bancaire.
En effet, si la localisation d'une assiette dans un autre
pays pour échapper à l'impôt peut être légale, il est tentant
dans les faits, afin d'utiliser quand même les fonds en France,
de recourir à la fraude. Ces mécanismes se prêtent d'autant
mieux à des abus que les administrations fiscales nationales
sont
plus
désarmées
en
ce
domaine. Une
partie
des
délocalisations de base imposable sont d'ailleurs des fraudes
pures et simples, qui ne témoignent pas d'un mauvais
positionnement de la France, mais de la volonté des
contribuables d'échapper à l'imposition quel que soit son
niveau.
CONSEIL DES IMPÔTS
219
PARTIE IV : QUELLE POLITIQUE
POUR LES ÉTATS CONFRONTÉS
À LA CONCURRENCE FISCALE ?
Les développements précédents ont permis de montrer la
réalité de comportements de concurrence fiscale entre Etats,
c'est-à-dire d'une compétition entre eux pour proposer des
conditions fiscales plus attrayantes, mais dont les effets sur la
localisation des activités sont encore limités. Ils ont également
montré que l'existence de systèmes fiscaux distincts sans
coordination suffisante permettait à certains contribuables,
grâce à l'optimisation ou à la fraude, de se comporter en
"passagers clandestins" échappant à l’imposition décidée par
l'Etat où s'est formé leur revenu ou profitant d'une différence de
traitement entre résidents et non-résidents au sein d'un même
Etat.
Les possibilités d'un encadrement international de telles
pratiques sont réduites, du fait de la souveraineté de chaque
pays. En effet, la nécessité de renoncer à utiliser le système
fiscal pour attirer les activités mobiles ou au contraire pour
éviter les fuites n’est pas reconnue unanimement par les Etats :
l'appréciation des dangers et des avantages de la concurrence
fiscale varie selon les différentes conceptions de l'Etat et selon la
possibilité pour eux de bénéficier ou non des déplacements
d'assiettes imposables.
CONSEIL DES IMPÔTS
220
L'OCDE et l'Union européenne sont a priori des espaces
propres à une certaine régulation, c'est-à-dire une maîtrise
coordonnée de la concurrence fiscale au sein de leurs zones
respectives.
Dans
les
faits,
leurs
interventions
sont
complémentaires. L'OCDE milite pour la mise en oeuvre de
règles
entre
les
principales
puissances
commerciales
et
l'exercice de pressions sur les paradis fiscaux et les pays à secret
bancaire ; l'Union européenne traite des conséquences de la
mobilité accrue des bases qu'elle encourage à l’intérieur de ses
frontières. L'action de ces institutions a permis de progresser
dans l'élimination des mesures fondées sur un traitement plus
favorable aux non-résidents, et de faciliter les échanges
d'informations qui doivent permettre aux Etats de limiter
l'évasion fiscale. Mais l’exigence d’unanimité n'a pas permis
d'atteindre une situation pleinement satisfaisante du point de
vue de la plupart des grands Etats.
En outre, le cadre communautaire joue un rôle qui peut
paraître paradoxal. En effet, le souci d'éviter les discriminations
entre les Etats membres, qui fonde l'action de l'Union contre
certaines mesures fiscales visant à attirer les bases imposables
étrangères, conduit aussi le juge communautaire à invalider
fréquemment les dispositifs nationaux de lutte contre les abus,
car ceux-ci impliquent souvent une différence de traitement
entre des opérations internes à l'Etat et des opérations faisant
intervenir
des
entités
étrangères.
Alors
que
l'exigence
d'unanimité
empêche
un
accord
sur
l’instauration
de
mécanismes coordonnés de lutte contre les abus, le juge,
appliquant les principes généraux du droit communautaire,
prive les mesures nationales d'effectivité. Il se crée ainsi un vide
que les entreprises et les particuliers peuvent utiliser pour
rechercher une moindre imposition.
On présentera d'abord le cadre international de gestion de
la concurrence fiscale. On tentera ensuite de caractériser la
stratégie fiscale poursuivie jusque là par la France avant
d'examiner quelles orientations elle pourrait adopter.
CONSEIL DES IMPÔTS
221
I. - L
ES ÉTATS SONT CONFRONTÉS
AUX PARADOXES DE LA RÉGULATION
INTERNATIONALE DE LA
CONCURRENCE FISCALE
A. - Les Etats ont intérêt
à ne pas laisser la concurrence fiscale
jouer librement et à coordonner
davantage leurs systèmes fiscaux
On rappelle que la concurrence fiscale peut comporter des
effets bénéfiques, en exerçant une pression sur les Etats en
faveur d'une plus grande efficacité de leurs dépenses publiques.
Mais elle peut entraîner des effets défavorables contre lesquels
il est légitime que les Etats se prémunissent, ce qui nécessite
une
coordination.
Les
contours
souhaitables
de
cette
coordination sont cependant difficiles à définir.
1. - La difficile conciliation
des intérêts des Etats membres
Par principe, les Etats sont fondés à opérer une certaine
coordination de leurs politiques fiscales dans la mesure où une
décision prise par un Etat en matière de fiscalité a des
répercussions sur les agents d'autres Etats, et en définitive sur
l'équilibre budgétaire et le niveau d'activité dans ces autres
pays.
La fiscalité reste un des principaux attributs de la
souveraineté des Etats. Mais la possibilité de ne pas se
préoccuper des conséquences externes de sa propre politique
fiscale est elle-même soumise à contraintes dès lors que ce qui
vaut pour un Etat vaut pour tous les autres. L'intérêt bien
compris des Etats est donc de limiter l'ampleur des risques pour
les finances nationales des décisions prises par les autres Etats.
CONSEIL DES IMPÔTS
222
Ils ont donc intérêt à une certaine coordination de leurs
politiques fiscales.
Mais cet intérêt théorique de la coopération n'est pas lui-
même sans limites. Il bute sur la difficulté de connaître par
avance les effets externes de la fiscalité sur les finances
publiques et l'activité économique dans les autres Etats. Plus
grave, il existe des situations dans lesquelles l'effet domestique
favorable des mesures qui constituent une concurrence fiscale
dommageable pour d'autres Etats est tel qu'ils apparaissent
justifiés du point de vue de l'Etat qui les prend.
On pourrait être tenté de conclure que les Etats doivent
s'engager à ne pas prendre de mesures qui auraient pour
objectif d'attirer les bases imposables de leurs voisins. Mais
cette solution n'est à son tour pas réaliste si on la formule de
manière absolue.
2. - La coordination est nécessaire
pour éviter la course au "moins-
disant fiscal" et les
comportements de "passager
clandestin"
En l'absence de coordination, le risque existe d'un
processus continu de surenchère à la baisse de la pression
fiscale entre les pays pour attirer les bases d'imposition mobiles,
ce que l'on désigne communément par la course au "moins-
disant fiscal". La théorie économique permet d'ailleurs de
montrer qu'il n'est même pas nécessaire que l'un des Etats
décide sciemment de lancer une telle course, mais que si les
Etats ne se coordonnent pas, ils peuvent se trouver engagés
dans un tel processus uniquement pour ne pas se trouver
distancés. La coordination peut alors prendre la forme d'un
taux minimum d'imposition ou d'un engagement à ne pas
accroître les écarts existants.
S'agissant des comportements de "passager clandestin", il
convient de proscrire les mesures réservant un traitement plus
favorable aux non-résidents qu'aux résidents. De telles mesures
visent explicitement à attirer les bases imposables étrangères,
CONSEIL DES IMPÔTS
223
en créant de surcroît une inégalité devant l'impôt et doivent
donc être proscrites.
Par ailleurs, une coordination apparaît nécessaire pour
lutter contre d'autres situations dans lesquelles un acteur peut
se comporter en "passager clandestin", en acquittant l'impôt
ailleurs que là où son revenu s'est formé. Le manque de
transparence en matière d'échanges de renseignement et le
secret bancaire offrent des possibilités spécifiques en la matière
qui confinent à la fraude. Les Etats qui en sont victimes sont
fondés à se coordonner pour imposer aux Etats qui offrent ces
possibilités d'y renoncer.
L’UE
et
l’OCDE
ont
conduit
des
exercices
complémentaires fondés à la fois sur la nécessité d'éviter la
double imposition des entreprises, et sur celle de limiter le
recours à des mesures visant à attirer les bases fiscales des
autres Etats en leur offrant un régime plus favorable que celui
proposé aux contribuables nationaux. Elles n'ont obtenu dans
tous les cas que des succès partiels. L’action de l’OCDE s’est
limitée aux activités financières et de service, mais a permis
d’inclure l’ensemble des pays de l’OCDE et d’exercer une
pression sur les paradis fiscaux et sur la question du secret
bancaire. Celle de l’UE n’a impliqué que les Etats membres,
mais a permis d’aborder la question des régimes fiscaux
préférentiels en matière d’activités industrielles.
B. - L'OCDE a obtenu certains succès
dans le domaine des prix de transfert
et de la lutte contre les paradis
fiscaux
1. - Les prix de transfert :
l'instauration d'une méthodologie
commune et d'une instance
de règlement
La contestation par une administration fiscale des prix de
transfert retenus par une entreprise multinationale débouche,
CONSEIL DES IMPÔTS
224
en l'absence de coordination, sur un risque de double
imposition de l'entreprise redressée, puisque le pays à l'origine
du redressement réintègre dans le bénéfice taxable chez lui des
sommes qui ont été par ailleurs taxées dans l'autre pays
impliqué dans la transaction considérée. Aussi, la coordination
dans ce domaine est-elle ancienne et relativement avancée.
Le Comité des affaires fiscales de l’OCDE s’est saisi de ce
sujet en 1976. Une déclaration
153
a été adoptée par les pays
membres sur l’investissement international et les entreprises
multinationales, à laquelle des principes directeurs étaient
annexés.
Cette
déclaration
a
débouché
sur
une
recommandation
154
sur la détermination des prix de transfert
entre entreprises associées. Mais c’est en 1995 que la principale
avancée en la matière a été réalisée. En effet, c'est à cette date
qu'une recommandation
155
invite les pays membres à appliquer
pour la détermination des prix de transfert les enseignements
d’un rapport
156
publié la même année, qui détaille de façon très
complète les objectifs à atteindre et les moyens à mettre en
oeuvre à cet effet. Ce rapport de 1995 a été par la suite enrichi de
plusieurs contributions successives et forme actuellement un
ensemble cohérent. Il prévoit des modèles de convention fiscale
entre pays pour la procédure amiable à suivre lors d'un
redressement impliquant les prix de transfert afin d'éviter la
double imposition. Il propose également plusieurs méthodes
153
n° C(76)99(Final) du 21/06/1976
154
n° C(79)83/Final du 29/05/1979
155
n° C(95)126/Final
156
Rapport sur les principes applicables en matière de prix de transfert à
l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, n°
DAFFE/CFA(95)19 et Corrigendum 1
CONSEIL DES IMPÔTS
225
pour la détermination d'un prix de transfert juste, centrées
autour du principe de pleine concurrence
157
.
La question des prix de transfert fait par ailleurs l'objet
d'un forum conjoint entre l’UE et l'OCDE depuis 2002. Il s’agit
d’une initiative de la Commission européenne, approuvée par
le Conseil, à laquelle participent les Etats membres et un groupe
d’experts émanant du secteur privé. L’objectif de ce forum est
de préciser les conditions d’arbitrage en cas de conflit entre
Etats sur la répartition d'une assiette fiscale dans le cadre de la
fixation de prix de transfert.
Lors de la négociation dans le cadre tracé par l'OCDE,
l’administration fiscale nationale n'est jamais obligée d’arriver à
un accord avec l’administration fiscale étrangère, elle doit
uniquement s’y « efforcer ». Cela signifie concrètement qu’il
peut subsister des cas de double imposition à l’issue de la
procédure amiable. Dans l’UE au contraire une convention
158
a
été ratifiée, qui prévoit un processus devant en principe aboutir
à la suppression de la double imposition. Si la procédure
amiable ne parvient pas à supprimer la double imposition dans
un délai de deux ans, une commission consultative d'arbitrage
peut
être
réunie,
composée
d'un
président,
de
deux
représentants de chaque autorité compétente et d’un nombre
pair de personnalités indépendantes. Ce type de commission ne
s’est toutefois réuni qu’une seule fois. Dans les autres cas, l'un
au moins des deux Etats concernés dans chaque procédure n'a
pas, en pratique, fait diligence pour constituer la commission
d'arbitrage.
157
Ce principe est défini dans l’article 9 du modèle de convention fiscale
OCDE. Cet article stipule que «
[Lorsque] les deux entreprises [associées] sont,
dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions
convenues ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre
des entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient
été réalisés par l’une des entreprises, mais n’ont pu l’être en fait à cause de ces
conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et
imposés en conséquence
».
158
Convention relative à l’élimination des doubles impositions dans le cas de
correction des bénéfices entre entreprises associées
, n° 90/436/CEE JOCE n°
L. 255 du 20/08/1990
CONSEIL DES IMPÔTS
226
Par ailleurs, la procédure amiable rencontre plusieurs
types de problèmes concrets. Le premier est lié à ses délais : en
moyenne, il faut trois ans et sept mois pour qu’un dossier
aboutisse.
Un
autre
problème
résulte
de
l'appréciation
différente
des
paramètres
par
les
deux
administrations
concernées, tels que le contexte économique ou la stratégie de
l'entreprise. Chaque pays possède une spécificité dans ses
approches en matière de prix de transfert, qui peut très bien
empêcher l’aboutissement de la procédure.
Une étude réalisée par la Commission
159
fait apparaître
que le Royaume-Uni est le pays de l’UE qui est le plus impliqué
dans l’ensemble des cas litigieux (26% des cas intra-européens,
39% de l’ensemble : années 1996-1999). Il est suivi par la France,
l’Allemagne et la Suède. A l’opposé, l’Irlande, la Grèce, le
Portugal et l’Espagne n’ont connu que très peu de cas. Les
Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas, et dans
une moindre mesure le Japon et la Corée du Sud sont les
principaux partenaires de la France dans les procédures
amiables. Il y a au contraire peu d’affaires communes avec
l’Italie, l’Espagne et le Portugal. L'étude de la Commission
européenne fait apparaître que la France est, avec la Finlande et
le Danemark, l’un des pays qui connaît les plus longues durées
des procédures amiables, à l’opposé du Luxembourg ou du
Royaume-Uni, dont les délais seraient deux à trois fois plus
courts.
2. - La lutte contre les paradis
fiscaux et les progrès en matière
de transparence
Selon l'OCDE (
Concurrence fiscale dommageable : un
problème
mondial
,
rapport
adopté
en
avril
1998),
la
concurrence fiscale peut être qualifiée de dommageable
lorsqu’elle "
fausse les flux financiers et, indirectement, les flux
d'investissements réels, sape l'intégrité et l'équité des structures
fiscales, décourage le respect des dispositions fiscales pour tous
159
La fiscalité des entreprises dans le marché intérieur,
Rapport des services
de la Commission, SEC (2001) 1681final.
CONSEIL DES IMPÔTS
227
les contribuables, remodèle le niveau et le dosage souhaités des
impôts et des dépenses publiques, transfère indûment une
partie de la charge fiscale vers des bases d'imposition moins
mobiles, notamment la main-d'oeuvre, les biens immobiliers et
la consommation, et alourdit les coûts administratifs et la
charge de la mise en oeuvre des dispositions fiscales pour les
contribuables
" (paragraphe 30 du rapport). Cette définition
paraît très générale et susceptible de s'appliquer à de
nombreuses
situations.
Mais
en
pratique,
l'OCDE
s'est
concentrée sur les dispositifs les plus ouvertement agressifs.
En 1996, les ministres ont demandé à l'OCDE de "
mettre
au point des mesures pour limiter les distorsions introduites
par la compétition fiscale dommageable dans les décisions
d'investissement et de financement et leurs conséquences pour
la matière imposable au niveau national, et soumettre un
rapport en 1998
". Le rapport précité "
Concurrence fiscale
dommageable - un problème mondial
", approuvé le 9 avril 1998
(avec l'abstention du Luxembourg et de la Suisse), s'est focalisé
sur les facteurs d'identification des pratiques dommageables.
Venant après le Code de conduite, ce rapport n'a pas permis de
remettre en question des régimes qui avaient réussi à échapper
au cadre tracé par l'Union européenne (cf. ci-dessous).
Le rapport de l'OCDE a ainsi identifié des critères de
définition des paradis fiscaux, ainsi que les caractéristiques des
régimes fiscaux préférentiels (de manière cumulative, taux
d'imposition effectifs nuls ou peu élevés, cantonnement,
absence
de
transparence,
absence
d'échange
de
renseignements), ainsi que d'autres facteurs tels que l'existence
de dispositions relatives au secret bancaire ou le non-respect
des principes internationaux en matière de prix de transfert. Ce
rapport s'est focalisé sur les activités très mobiles (activités
financières, prestations de services), et n'a pas traité les
incitations fiscales destinées à attirer l'investissement physique.
Ainsi, le rapport de l'OCDE apparaît plus restreint au regard du
périmètre des activités couvertes, mais plus large dans son
ressort géographique : il est notamment le forum pertinent de
discussion sur les paradis fiscaux.
CONSEIL DES IMPÔTS
228
Sur la base des critères retenus dans le rapport adopté par
les pays membres en 1998, l’OCDE a procédé au double
inventaire des régimes fiscaux dommageables au sein de
l’OCDE et des paradis fiscaux.
S’agissant des pays de l’OCDE, 47 régimes fiscaux
dommageables ont été identifiés sur la base des trois critères de
1998. Au 1
er
janvier 2004, 43 avaient été démantelés ou amendés,
et seuls 4 régimes restaient en vigueur : 3 pour la Suisse et 1
pour le Luxembourg.
S’agissant des paradis fiscaux, 33 pays ont été identifiés
sur la base des trois critères énoncés. L’OCDE a demandé à ces
pays de s’engager à conclure avec les Etats membres des
conventions
bilatérales
d’échange
d’informations
et
de
transparence. Au 1
er
janvier 2004, seuls 6 pays n’avaient pas
produit de tels engagements et demeuraient non-coopératifs :
Andorre, le Lichtenstein, le Libéria, Monaco, les Iles Marshall et
Nauru.
Seuls les Etats-Unis avaient signé des conventions
bilatérales, avec 9 pays, sans que ces conventions n'aient encore
donné lieu à des échanges de renseignements. A noter que ce
n'est pas la fiscalité avantageuse de ces pays qui est mise en
question, mais la possibilité ouverte aux acteurs d'en bénéficier
dans des conditions non transparentes, empêchant la lutte
contre les abus.
Sur le fond, la doctrine actuelle de l'OCDE en tant
qu'organisation est de considérer que si certaines règles
relatives
à
la
transparence
des
pratiques,
à
l'échange
d'informations et aux limitations imposées au secret bancaire
sont respectées, alors la concurrence fiscale ne peut être
dommageable : en effet, les comportements de passager
clandestin sont impossibles, puisqu'un Etat dispose en théorie
des moyens lui permettant de taxer toute assiette dont les
conditions de formation ont fait appel aux biens collectifs
offerts par cet Etat. C'est la raison pour laquelle l'OCDE
promeut l'échange de renseignements entre administrations et
la lutte contre le secret bancaire. Cependant, il faudrait que les
échanges de renseignements et l'absence de secret bancaire
atteignent un degré beaucoup plus avancé pour effectivement
empêcher les comportements de "passager clandestin".
CONSEIL DES IMPÔTS
229
C. - L'encadrement communautaire
de la concurrence fiscale est
paradoxal
1. - Une coordination difficile
Au
sein
de
l'Europe,
la
coordination
apparaît
particulièrement nécessaire du fait de la liberté de circulation
plus étendue dont jouissent les bases imposables, qu'il s'agisse
de revenus ou d'éléments de patrimoine mobilier, détenus par
des entreprises ou des particuliers. Cette liberté est totale et
sans entraves. Sanctionnée par le juge, elle interdit aux Etats de
recourir à des pratiques discriminatoires dans leurs politiques
nationales de lutte contre les effets non souhaités de la
concurrence fiscale, les privant de la possibilité d'agir de
manière
isolée,
sauf
à
introduire
des
dispositions
contraignantes pour leurs propres résidents.
La
coordination
est
cependant
difficile
pour
de
nombreuses raisons tant institutionnelles que pratiques.
1.1. Des possibilités d'actions coordonnées restreintes
dans le domaine de la fiscalité directe
Au plan institutionnel, toute action coordonnée à l'échelle
de l'Union requiert l’unanimité des Etats membres.
Le droit originaire communautaire en matière de fiscalité
est très succinct. Il établit seulement des obligations négatives,
qui proscrivent les discriminations fiscales à l'importation ou à
l'exportation ou en matière de politique industrielle. D’un point
de
vue
positif,
la
compétence
d’harmonisation
ne
vise
expressément, en matière fiscale, que la fiscalité indirecte, à
travers l’article 93, et encore de façon très restrictive, puisque
cet article prescrit l’unanimité des Etats membres en cette
matière, comme dans toutes les questions fiscales. La seule
prescription positive concernant la fiscalité directe se trouve à
l'article 293, et elle ne prescrit nullement une quelconque
harmonisation, mais la recherche de l'élimination des doubles
impositions.
CONSEIL DES IMPÔTS
230
La possibilité d'une harmonisation est ouverte par l'article
94 (100), qui n'est pas spécifique à la fiscalité, et autorise
l'adoption
de
"directives
pour
le
rapprochement
des
dispositions législatives, réglementaires et administratives des
Etats membres qui ont une incidence directe sur l'établissement
ou le fonctionnement du marché commun". L'unanimité est
requise.
Compte tenu de cette compétence résiduelle et des
conditions procédurales très strictes, les textes de droit dérivé
en matière de fiscalité directe applicable aux entreprises sont
très peu nombreux. On peut citer la directive de 1977 relative à
l'échange de renseignements entre administrations en matière
fiscale, celle de 1990 relative aux fusions, scissions et apports
d'actifs
160
, la directive mère-filiale de la même date
161
, et les
deux récentes directives (2003) relatives respectivement à la
fiscalité de l'épargne et aux paiements d'intérêts et de
redevances entre sociétés associées d'Etats membres différents.
1.2. L'utilisation de la fiscalité comme outil pour améliorer
l'attractivité est admise dans certains cas
L'Union a admis l'utilisation d'une fiscalité attractive pour
combler des écarts de développement entre régions, qui sous-
tendent le plus souvent des écarts de développement entre
Etats. Ceci revient à encourager une forme de concurrence
fiscale, et rend donc d'autant plus difficile son encadrement
d'ensemble. On peut aussi relever une certaine incohérence à
refuser l'encadrement des taux d'imposition sur les bénéfices
des sociétés, tout en définissant un cadre pour l'octroi de
mesures fiscales dérogatoires et de subventions directes sur
certains territoires. Plus généralement, on peut observer que
l'ensemble des mécanismes d'intervention à la disposition du
système communautaire : législation en matière d'aides d'Etat,
fiscalité directe, fonds structurels, ne font pas l'objet d'une
vision globale. On fait ici allusion au cas de l'Irlande, important
bénéficiaire de fonds structurels, qui a mis à profit cette
160
En cours de renégociation
161
Modifiée en 2004
CONSEIL DES IMPÔTS
231
situation pour pratiquer un taux d'imposition sur les sociétés
très réduit, ce qui a entraîné des déplacements d'activités et de
bénéfices.
1.3. L'intérêt d'une coordination peut ne pas apparaître
à court terme pour tous les Etats
Surtout, au plan pratique, certains Etats n'ont pas intérêt à
encadrer la concurrence fiscale. Certes, la théorie prédit que, à
long terme, elle conduit à une perte pour tous les Etats. En effet,
si tous les Etats finissent par s'aligner sur le moins-disant, plus
aucun n'a d'avantage comparatif, mais tous subissent une perte
budgétaire. Or, dans les faits, cette évolution est lente, freinée
par l'absence de marges de manoeuvre de certains Etats ou leur
refus de baisser les taux à leur tour.
Dès lors, il peut être rentable à court ou moyen terme de
pratiquer une politique fiscale visant à attirer les bases
d'imposition mobiles. C'est particulièrement le cas pour de
petits Etats, dans lesquels les effets d'aubaine (les pertes de
recettes fiscales liées à la baisse de l'imposition sur les activités
déjà présentes sur le territoire) restent très inférieurs aux effets
d'incitation (les hausses de recettes dues à l'installation de
nouvelles activités et au transfert de bases imposables depuis
d'autres Etats).
Les limites des possibilités de coordination au sein de
l'Union peuvent être illustrées par l'échec des propositions
ambitieuses formulées par le comité Ruding. En 1991, un comité
d'experts
indépendants
a
reçu
mandat
pour
faire
des
propositions en matière de coordination de la fiscalité afin de
promouvoir l'investissement en Europe. Il a conclu à la
nécessité d'une harmonisation très approfondie, prévoyant
notamment
l'harmonisation
des
taux
d'imposition
des
entreprises à l'IS dans une fourchette de 30 à 40%. Cette
approche n'a alors reçu quasiment aucun soutien de la part des
Etats membres.
La perspective de l'adoption d'une monnaie unique a
renforcé la crainte d'une mobilité accrue de certaines assiettes
taxables : ayant renoncé à la souveraineté monétaire et soumis à
CONSEIL DES IMPÔTS
232
une contrainte forte d'encadrement de leurs déficits publics, les
Etats risquaient de recourir davantage à la fiscalité comme outil
pour améliorer la compétitivité de leurs entreprises ou
l'attractivité de leur territoire. Un consensus a été obtenu sur
l'élimination des mesures dites "dommageables", faute d'un
accord en faveur de l'harmonisation dans la fourchette précitée.
2. - Le succès relatif de la lutte
contre la concurrence fiscale
dommageable
2.1. Le code de conduite et le processus d'élimination des
mesures dommageables
La résolution du 1
er
décembre 1997 du Conseil relative au
code de conduite sur la fiscalité traitait, outre la fiscalité de
l’épargne et des paiements transfrontières, de la question de la
fiscalité des entreprises. En 1998, un groupe d'experts a été créé
par le Conseil, associant les Etats membres et la Commission,
présidé par Mme Primarolo, afin de proposer une définition des
mesures dommageables, puis de les recenser et de les éliminer.
Dans ce cadre, l’Union européenne a retenu comme
définition d'une mesure dommageable, une disposition offrant
non seulement un taux d'imposition faible, mais prenant place
dans un contexte comportant l'un ou l'autre des éléments
suivants :
- Défaut d'échange de renseignements : le pays ne
procède pas à des échanges d’informations en cas de poursuites
judiciaires dans le pays d’origine, civiles ou pénales ;
- Avantages accordés même en dehors de toute activité
économique réelle ;
- Absence de transparence : certains éléments essentiels
du régime fiscal (textes juridiques et pratique administrative)
ne sont pas connus ;
- Discrimination : le régime ne bénéficie qu’aux non-
résidents.
CONSEIL DES IMPÔTS
233
Le groupe a présenté son rapport en novembre 1999. Il
relève 66 pratiques
162
fiscales qui devaient être abolies, dans six
secteurs d'activité
163
. Le mandat du groupe a été étendu pour
en contrôler le démantèlement. Les Etats membres se sont
engagés à proposer des mesures alternatives ou à abolir les
dispositions incriminées dans un délai de 5 ans, et à ne pas
introduire
de
nouveaux
dispositifs
potentiellement
dommageables.
L’exercice du groupe Primarolo a été par la suite étendu
aux pays candidats dans le cadre des négociations d’adhésion.
2.2. Un bilan limité du fait de l’exigence d’unanimité
L'objectif du démantèlement des mesures identifiées
comme dommageables est en apparence très largement atteint.
La très grande majorité des mesures incriminées a d'ores et déjà
été supprimée ou amendée
164
, ce qui permet indubitablement
de progresser vers une concurrence fiscale équitable. Pourtant,
plusieurs éléments amènent à relativiser ce succès.
En premier lieu, la définition des mesures dommageables
apparaît en pratique fort restreinte. Elle ne conduit pas à
considérer qu'un taux d'imposition sur les bénéfices des
162
La France a été concernée par quatre mesures : quartiers généraux et
centres de logistique, régime des redevances pour utilisation de brevets, et
deux régimes de provisions pour reconstitution de gisements.
163
- services financiers, financement des groupes et paiement de redevances
- assurance, réassurance et assurance captive
- services intragroupes
- sociétés holdings
- exonération et sociétés offshore
- mesures diverses (capital informel, zones franches, mesures portant sur
une catégorie d'activité, réduction de la base d'imposition permettant de
constituer une réserve)
164
Parmi les mesures pour lesquelles la France était mise en cause, les
provisions pour reconstitution du gisements ont fait l'objet de modifications
en 2000 puis en 2003. Le régime des quartiers généraux et centres de
logistique a finalement été déclaré comme une aide d'Etat par décision de la
Commission (décision C(2003)1483fin du 13 mai 2003), ce qui a donné lieu à
modification de l'instruction du 21 janvier 1997 par l'instruction n°139 du 14
août 2003 (4 C-6-03). Le régime des redevances brevet (imposition au taux des
plus-values à long terme) a également été modifié.
CONSEIL DES IMPÔTS
234
entreprises très bas, manifestement choisi pour attirer les bases
imposables des autres pays, pourrait être dommageable. Il est
ainsi significatif que le groupe Primarolo, qui avait mis en
question les régimes discriminatoires de Guernesey et de l’Ile
de Man, ne s'oppose pas à ce que ces îles pratiquent de manière
générale une taxation à taux nul. De plus, elle ne prend pas en
compte la fiscalité des personnes, alors même que certains pays
tels que la Suisse ou la Belgique pratiquent des mesures
ouvertement dommageables selon les critères établis ci-dessus
en offrant aux étrangers des conditions d'imposition plus
favorables qu'aux nationaux. Au demeurant, certaines mesures
concernant la fiscalité des personnes, et qui comportent des
avantages au seul bénéfice des non-résidents, ont en réalité
pour but d'attirer des entreprises, comme c'est le cas pour
certains régimes en faveur des impatriés.
En second lieu, certains pays pour lesquels les mesures
incriminées avaient un caractère ancien et structurant dans
l'économie ont obtenu de reporter leur démantèlement, comme
le montre le tableau ci-dessous. Il s'agit en fait des mesures les
plus utilisées, et par suite de celles dont l'impact est le plus
dommageable.
CONSEIL DES IMPÔTS
235
Tableau n°43 :
Mesures dommageables prolongées
à la suite du Conseil EcoFin du 6 mars 2003
Mesure
Pays
Date de fin de
validité
Centres de coordination
Belgique
31/12/2010
Revenus étrangers
Irlande
31/12/2010
Holdings de 1929
Luxembourg
31/12/2010
Finance inernationale
Pays-Bas
31/12/2010
Zone franche économique de
Madère
Portugal
31/12/2011
Exemption de certaines sociétés
Guernesey (RU)
31/12/2007
Taxation dérogatoire
de certaines activités (5 mesures)
Guernesey (RU)
31/12/2007
Exemption de certaines sociétés
Jersey (RU)
5 ans après
l’adoption du
paquet fiscal
Taxation dérogatoire des activités
commerciales
Jersey (RU)
31/12/2011
Sociétés
offshore
Antilles
néerlandaises
(PB)
31/12/2019
Captives d’assurance
Antilles
néerlandaises
(PB)
31/12/2011 et
31/12/2019
Sociétés
offshore
et captives
d’assurance
Aruba (PB)
31/12/2008
En dernier lieu, des interrogations peuvent être
exprimées sur l’effectivité du démantèlement de certaines
mesures (ainsi le régime luxembourgeois d’exemption pour
les holdings n’a été amendé que pour les dividendes perçus,
et pas pour les intérêts et les redevances).
En revanche, l’application de la même démarche aux pays
candidats à l'adhésion semble avoir été affectée par moins de
dérogations. En effet, à la lecture des différents rapports
individuels sur le respect par les pays candidats des critères
d’adhésion présentés par la Commission le 5 novembre 2003, il
apparaît que seules 3 mesures restaient à démanteler, qui
concernent toutes Malte.
CONSEIL DES IMPÔTS
236
3. - L'utilisation de la législation
sur les aides d'Etat par la
Commission
La Commission dispose, dans le cas de mesures fiscales
constituant une distorsion de concurrence au bénéfice d'une
entreprise ou d'un secteur particulier, de pouvoirs de sanction
étendus. La mesure visée doit :
-procurer à ses bénéficiaires un avantage qui allège les
charges qui normalement grèvent leur budget ;
-être octroyée par l’Etat ou au moyen des ressources de
l’Etat ;
-affecter la concurrence et les échanges entre les Etats
membres ;
-être spécifique ou
sélective au sens qu'elle favorise
«
certaines entreprises ou certaines productions
».
La Commission peut émettre l'injonction de supprimer la
mesure, et demander devant la CJCE que l'Etat défaillant soit
condamné à une astreinte.
Plusieurs mesures identifiées par le groupe Primarolo ont
ainsi été estimées par la Commission incompatibles avec le
traité CE, par exemple : les centres de coordination du pays
basque espagnol, les régimes d’assurance des îles Aland
finlandaises,
les
régimes
des
compagnies
off-shores
de
Gibraltar, les incitations pour les services financiers à Trieste.
Ceci a permis d'exercer une pression supplémentaire pour
obtenir leur démantèlement.
De même, des mesures pour lesquelles une prolongation
a été accordée par le Conseil Ecofin, peuvent être contestées par
la Commission sur le fondement des aides d'Etat : il en va ainsi
actuellement du régime des centres de coordination belges.
Il s'agit donc d'un autre instrument qui peut être utilisé
pour lutter contre la concurrence fiscale, avec un régime de
sanction très dissuasif. A la différence du processus du Code de
conduite, la Commission peut y recourir de manière autonome,
sans nécessité d'un consensus préalable des Etats membres, ce
CONSEIL DES IMPÔTS
237
qui lui confère une grande force. Il constitue ainsi un levier
important de lutte contre certains aspects dommageables de la
concurrence fiscale entre Etats membres.
4. - L'appréciation nuancée de la
directive sur la fiscalité de
l'épargne
Si la problématique de la localisation de l'épargne est
assez éloignée de celle de la localisation de l'activité et des
emplois, retenue ici, elle n'en est pas moins une illustration
emblématique des mécanismes de concurrence fiscale. C'est
pourquoi la directive concernant l'épargne est un exemple qui
mérite d'être développé, car il est instructif à la fois quant aux
remèdes que peut apporter la coordination communautaire et
quant à leurs chances de succès.
Le Conseil de l’Union européenne a adopté le 3 juin 2003
une directive (2003/48/CE) concernant la fiscalité de l’épargne.
Cette directive a pour objectif de permettre l’imposition
effective des intérêts payés dans un Etat membre en faveur de
personnes physiques ayant leur résidence dans un autre Etat
membre conformément aux dispositions législatives de ce
dernier. Cet objectif ne peut être poursuivi qu’au niveau
communautaire. En effet, l’absence de coordination des
systèmes d’imposition de l’épargne permet le plus souvent aux
résidents d’un Etat d’échapper à toute forme d’imposition sur
les intérêts perçus dans un autre Etat.
La poursuite de l’objectif fixé repose en priorité sur
l’échange entre Etats membres d’informations concernant les
paiements d’intérêts. Un tel échange permet en effet de repérer
les sorties de capitaux. La directive précise qu’il doit être
automatique et s’effectuer à un rythme annuel ; les informations
requises concernent en particulier l’identité, la résidence et le
numéro de compte du bénéficiaire effectif. Ces précisions
semblent suffire à garantir l’efficacité pratique de l’échange. En
pratique, l’Autriche, la Belgique et le Luxembourg ont obtenu
des conditions qui risquent de limiter singulièrement la mise en
oeuvre de ces dispositions :
CONSEIL DES IMPÔTS
238
- d’une part, le principe d’une période de transition
pendant laquelle ils pourraient se contenter d’appliquer une
retenue à la source (de 15 % pendant les trois premières années,
de 25% ensuite), plutôt que de participer à un dispositif
d’échange automatique d’informations sur les revenus de
l’épargne versés à des non résidents ; la fin de la période de
transition est conditionnée par la mise en oeuvre d’une
procédure d’échange d’informations par les Etats-Unis, ainsi
que par la Suisse, le Liechstenstein, Andorre, Monaco et Saint-
Marin ;
- d’autre part, de conditionner l’entrée en vigueur de
cette directive (en principe le 1
er
janvier 2005, récemment
reportée au 1
er
juillet 2005) à la mise en oeuvre par la Suisse, le
Liechstenstein, Andorre, Monaco et Saint-Marin, ainsi que par
l’ensemble des territoires dépendants ou associés (îles anglo-
normandes, île de Man et territoires associés des Caraïbes), de
mesures équivalentes (échange d’informations ou retenue à la
source) négociées avec l’Union européenne.
Or, il semble à ce jour que la Suisse soit en passe d’obtenir
le maintien de son secret bancaire
165
, en contrepartie d’un
dispositif de retenue à la source analogue à celui obtenu par
l’Autriche, la Belgique et le Luxembourg, dont l’efficacité
demeure incertaine.
Les concessions ainsi faites à l’Autriche, à la Belgique, au
Luxembourg et à la Suisse constituent sans doute un très
mauvais signal adressé aux 33 juridictions (comme celles des
îles Caïmans ou des Bermudes) qui se sont engagées en l’an
2000 devant l’OCDE à développer des dispositifs d’échanges
d’informations
166
. Certaines d’entre elles sont d’ailleurs déjà
revenues sur leur engagement, estimant être victimes d’une
« rupture de concurrence ».
Il semble donc que l'on se dirige vers une application plus
étendue de la retenue à la source, qui constitue certes un
165
Le Conseil national suisse ayant même adopté en décembre 2003 une
motion tendant à inscrire le secret bancaire dans la Constitution de la
Confédération.
166
Andorre, Monaco et le Liechstenstein s’y étant toujours refusés.
CONSEIL DES IMPÔTS
239
progrès par rapport à la situation actuelle, mais pourrait laisser
subsister une concurrence fiscale particulièrement critiquable.
5. - L'harmonisation des assiettes,
une perspective de long terme
La Commission poursuit depuis quelques années l'objectif
d'une
harmonisation
des
assiettes
de
l'IS
dans
l'Union
européenne. Elle met en avant l'effet positif supposé d'une telle
harmonisation
sur
la
concurrence
fiscale.
Toutefois,
l'harmonisation des assiettes soulève des difficultés pour les
Etats, et la démarche suivie en la matière doit être cohérente.
5.1. Les propositions de la Commission
La Commission européenne a présenté en 2001 quatre
scénarios différents. Trois d’entre eux ont un caractère
optionnel : l’imposition selon les règles de l’Etat de la source,
l’introduction d’une base consolidée commune et celle d’un
impôt administré au niveau de l’Union européenne.
Le premier scénario autorise les groupes multinationaux à
consolider les résultats de leurs activités localisées dans l’Union
européenne suivant les règles de leur Etat d’origine, autrement
dit de l’Etat où sont situés leurs quartiers généraux. Ce scénario
a pour principal avantage de ne requérir aucune harmonisation
des systèmes d’imposition. Il a pour principal inconvénient de
déplacer la concurrence au niveau de l’attraction des quartiers
généraux.
Le
deuxième
scénario
reconnaît
explicitement
aux
groupes multinationaux le besoin de disposer d’une base
consolidée commune. Mais comme il ouvrirait à un groupe une
faculté d'option, deux systèmes d'imposition seraient en
vigueur concurremment dans chaque pays. Ce scénario peut
par ailleurs engendrer des distorsions de traitement entre
entreprises s’il n’est appliqué qu’aux groupes multinationaux.
Le troisième adopte la même optique que le deuxième.
Cependant,
le
système
optionnel
d’une
base
consolidée
CONSEIL DES IMPÔTS
240
commune est ici administré au niveau de l’Union européenne,
et non plus au niveau des Etats membres.
Le quatrième scénario n'offrirait pas le choix entre
plusieurs assiettes, mais serait obligatoire. Il instaurerait une
base consolidée commune à tous les Etats et à toutes les
entreprises, qu’elles soient domestiques ou internationales.
Le Commissaire Bolkestein a récemment réitéré son
souhait d’aboutir, avant la fin de l’année, à une solution
concernant l’harmonisation des assiettes fiscales, y compris en
se limitant à certains pays acceptant une coopération renforcée.
Il juge en effet le moment opportun avec l’introduction prévue
des nouvelles normes comptables pour les comptes consolidés
des sociétés cotées en bourse. L’harmonisation des bases
d'imposition irait ainsi de pair avec celle de la comptabilité des
sociétés, évoquée ci-dessous.
Une base consolidée constitue un objectif logique à terme
dans un grand marché unifié. Elle présenterait plusieurs
avantages du point de vue des groupes multinationaux.
En premier lieu, ils ne seraient plus confrontés à la
disparité des règles de fixation de l’assiette entre Etats membres
de l’Union européenne ; en particulier, la fixation des prix de
transfert pour les transactions entre filiales d’un même groupe
ne serait plus sujette à controverse. Les coûts de mise en
conformité en seraient grandement allégés.
En second lieu, ils pourraient compenser les pertes subies
dans un Etat membre par les gains réalisés dans un autre. Par
ailleurs,
les
obstacles
aux
fusions
et
acquisitions
transfrontalières ayant pour origine le manque de coordination
des systèmes d’imposition des gains en capital seraient levés.
Par ailleurs, la Commission est d'autant plus attachée à
l'existence d'une telle base commune, que celle-ci constitue la
condition à la définition éventuelle d'une ressource propre pour
l'Union.
CONSEIL DES IMPÔTS
241
5.2. L'effet attendu d'une harmonisation des assiettes
La Commission soutient par ailleurs que l'harmonisation
des assiettes d'imposition permettrait de réguler la concurrence
fiscale.
Certes, la suppression de différences d'assiette va retirer
aux Etats la possibilité de jouer sur celles-ci pour attirer les
activités. Mais ceux-ci peuvent être tentés de répercuter sur les
taux les différences jusqu’alors cachées dans le calcul de
l’assiette. Il est alors vraisemblable que la concurrence fiscale
glisserait de l'assiette vers le taux. Elle serait certainement plus
transparente, mais tout aussi intense.
La
Commission
observe
que
la
compensation
des
bénéfices et des pertes rendrait inutile les tentatives de déplacer
le bénéfice d'un pays à l'autre de l'Union par la fixation des prix
de transfert ou la sous-capitalisation.
En réalité, ceci n'est vrai que si la clé de répartition de la
base
consolidée
commune
est
unique.
Cette
clé
doit
logiquement
refléter
le
niveau
d’activité
des
groupes
multinationaux dans les différents Etats membres. Elle peut être
fondée
-
par
exemple
-
sur
le
chiffre
d’affaires,
les
immobilisations ou l’effectif salarié.
Si une telle clé n'est pas unique, mais variable selon les
pays, les possibilités d'optimisation demeurent, comme l'illustre
l'exemple des Etats-Unis. La part de son bénéfice qu’une
entreprise doit payer dans un Etat de l'Union donné est en effet
déterminée librement par chaque Etat, à partir des trois critères
suivants : actifs, masse salariale et chiffres d’affaires. La
pondération de ces différents critères, ainsi que le taux
d’imposition,
varie
d’un
Etat
à
l’autre.
Les
entreprises
américaines sont ainsi portées à optimiser la localisation de leur
masse salariale, de leurs actifs et de leurs ventes selon les
pondérations retenues par les Etats. L’adoption par un nombre
croissant d’Etats du seul critère du chiffre d’affaires, qui
conduit à réduire l’impôt des entreprises s’implantant dans ces
Etats alors qu’elles n’y réalisent pas ou peu de chiffre d’affaires,
en constitue un des signes les plus visibles. Ainsi, les huit Etats
ayant adopté le seul critère du chiffre d’affaires ont vu leur base
CONSEIL DES IMPÔTS
242
fiscale s’éroder de 1,4% à 14,8 % selon les cas (plus de 9 % dans
quatre de ces huit Etats). Aucun des cinq Etats ayant adopté
cette formule avant 1995 ne figure parmi les 10 Etats ayant
connu la plus forte hausse de l’emploi industriel entre 1995 et
2000
167
.
Dès lors, l'Union devrait retenir une clé unique. Dans sa
communication de 2003
168
, la Commission évoque trois pistes :
répartition macroéconomique, répartition sur la base de la
valeur ajoutée et répartition proportionnelle à partir des critères
ventes / capital / travail, mais elle a surtout étudié la troisième.
A ce stade, les difficultés techniques demeurent.
Si la recherche d'une base d'imposition commune est un
aboutissement logique du marché intérieur, cet objectif doit être
poursuivi de manière cohérente.
Il convient d'une part de s’interroger sur la pertinence du
choix
d'une
harmonisation
réduite
à
l'assiette,
sans
encadrement
des
taux
nominaux.
Dans
son
étude,
la
Commission européenne (2001) souligne en effet que la
disparité des taux nominaux est la principale responsable des
distorsions économiques engendrées par la concurrence fiscale.
En harmonisant les assiettes, la Commission cherche ainsi
moins à diminuer l'intensité de la concurrence fiscale qu'à la
rendre
plus
transparente
et
à
supprimer
certains
comportements de passager clandestin. Cette approche n'est
donc que partiellement satisfaisante. Il paraît ainsi difficile de
promouvoir une base d'imposition consolidée sans accepter un
encadrement plus étroit des taux d'imposition.
De plus, il sera sans doute très difficile de trouver une clé
de répartition commune aux Etats qui n'avantagera pas certains
pays ou certaines entreprises aux dépens des autres.
Enfin,
il
faut
observer
qu'une
base
d'imposition
consolidée se traduirait par des pertes de recettes considérables
pour les Etats du fait de la possibilité de compenser les pertes et
167
Cf. Michael Mazerov,
The single sales factor formula for State corporate
taxes : a boom to economic development or a costly gaveaway
, Center on
budget and politic priorities, 17 avril 2001.
168
Commission européenne, 26 novembre 2003,
op. cit.
CONSEIL DES IMPÔTS
243
les bénéfices au sein de l'Union. Ceci pourrait rendre l'Union
très attractive pour les entreprises du monde entier, ce qui peut
aussi présenter de nombreux avantages, mais les Etats
supporteraient une lourde perte budgétaire, et sans doute bien
supérieure aux effets bénéfiques des limitations apportées aux
transferts de bénéfice d'un Etat à l'autre.
Toutefois, comme on va le voir, les progrès de la
jurisprudence communautaire risquent de ne pas laisser d'autre
choix aux Etats.
D. - La jurisprudence tend
à restreindre, au nom de l'égalité
de traitement, le champ des
législations nationales anti-abus
La
jurisprudence
communautaire
en
matière
de
contentieux relatif aux dispositifs nationaux anti-abus se fonde
sur le principe de non-discrimination (article 12 du Traité sur
l'Union européenne), et sur les quatre libertés
169
. Depuis
quelques années, elle opère une remise en question des
dispositifs anti-abus, dans la mesure où ceux-ci incorporent
souvent, dans leur rédaction, des éléments de discrimination
des entités selon leur pays de résidence. Le juge national est
conduit à prendre des décisions cohérentes avec cette évolution.
1. - L'arrêt Lasteyrie du Saillant
de la CJCE
Saisi d'un recours sur l'application de l'art 167bis du
CGI
170
dans l'affaire Lasteyrie du Saillant, le Conseil d’Etat a
décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJCE la question
préjudicielle suivante : «
le principe de la liberté d’établissement
posé par l’article 52 du traité CE (devenu, après modification,
article 43 CE) s’oppose[-t-il] à ce qu’un État membre institue, à
169
Liberté d'établissement (art 43 et 48), liberté de circulation des personnes
(art 39), des capitaux (art 56), de la prestation de services (art 49)
170
Il est rappelé que cet article permet l'imposition de certaines plus-values
de cessions de titres lors de l'expatriation de leur détenteur
CONSEIL DES IMPÔTS
244
des fins de prévention d’un risque d’évasion fiscale, un
mécanisme d’imposition des plus-values en cas de transfert du
domicile fiscal, tel que celui décrit ci-dessus ?
».
Le débat juridique ainsi porté devant la CJCE se résumait
à la question suivante : l’article 167
bis
constitue-t-il une entrave
à la liberté d’établissement et, le cas échéant, cette entrave est-
elle proportionnée aux raisons impérieuses d’intérêt général
avancées pour la justifier (nécessité de maintenir les recettes
fiscales, nécessité d’assurer l’efficacité du contrôle fiscal et de la
lutte contre l’évasion fiscale et nécessité de préserver la
cohérence du système fiscal) ?
En réponse, la Cour a tout d’abord estimé que la mesure
était susceptible d’entraver la liberté d’établissement en
décourageant un contribuable de procéder au transfert de son
domicile, compte tenu notamment du coût de la constitution de
garanties. Puis la Cour a estimé que cette entrave n’était pas
proportionnée
aux
motifs
d’intérêt
général
soulevés,
notamment parce qu’elle présume l’intention de frauder de tout
contribuable qui transfère son domicile hors de France, et
conduit à imposer un contribuable qui cède ses titres dans un
délai de cinq ans après son départ même si son départ s'avère
définitif.
La Cour a en outre estimé que la mesure ne pouvait être
en l’espèce justifiée par la nécessité de maintenir la cohérence
de la fiscalité française et que «
le simple manque à gagner subi
par un État membre du fait du transfert du domicile fiscal d’un
contribuable dans un autre État membre, dans lequel la
réglementation fiscale est différente et, le cas échéant, plus
avantageuse pour ce contribuable, ne saurait en soi justifier une
restriction du droit d’établissement
».
En conséquence, la Cour a répondu par l'affirmative à la
question posée
171
, invalidant du même coup le mécanisme de
l'article 167bis
172
.
171
Réponse à la question préjudicielle C-9/2 du 11 mars 2004, de Lasteyrie du
Saillant.
CONSEIL DES IMPÔTS
245
D’un point de vue juridique, la CJCE a suggéré elle-même
que «
l’objectif envisagé, à savoir empêcher qu’un redevable ne
transfère temporairement son domicile fiscal avant de céder des
titres mobiliers dans le seul but d’éluder le paiement de l’impôt
sur les plus-values dû en France, peut être atteint par des
mesures moins contraignantes ou moins restrictives de la
liberté d’établissement, ayant trait spécifiquement au risque
d’un tel transfert temporaire. […] les autorités françaises
pourraient notamment prévoir la taxation du contribuable qui,
après un séjour relativement bref dans un autre État membre,
reviendrait en France après avoir réalisé ses plus-values, ce qui
éviterait d’affecter la situation des contribuables n’ayant pas
d’autre objectif que d’exercer en toute bonne foi leur liberté
d’établissement dans un autre État membre
».
Ceci semble ouvrir une voie, certes relativement étroite,
pour le maintien d'un dispositif, à l'exemple du système adopté
en Grande-Bretagne. Mais cette faculté ouverte est en réalité
illusoire.
2. - La jurisprudence
sur la sous-capitalisation
L’Allemagne s’est dotée d'un dispositif de lutte contre la
sous-capitalisation, réformé en 2001.
Dans un arrêt
Lankhorst / Hohorst
du 12 décembre
2002
173
, la CJCE a considéré que le régime en vigueur à l'époque
des faits introduisait une discrimination entre filiales résidentes
suivant que leur société mère était résidente en Allemagne ou
dans un autre pays de l’Union européenne. En effet, le régime
applicable définissait selon différents cas plusieurs ratios
d’endettement au-delà desquels le remboursement du prêt
accordé à une filiale est considéré comme un dividende occulte
172
Il convient d’observer que cette solution était soutenue par la Commission
européenne, qui avait d’ailleurs plaidé, dans son rapport de 2001 sur la
fiscalité des entreprises dans le marché intérieur, pour des dispositifs anti-
abus strictement proportionnés aux risques encourus.
173
CJCE,
Lankhorst -- Hohorst
, 12 décembre 2002, C-324/00.
CONSEIL DES IMPÔTS
246
; l'un d'eux, plus favorable, était réservé aux holdings résidentes
en Allemagne.
Cette décision de principe a été reprise et étendue par le
Conseil d’Etat dans deux arrêts récents. L’arrêt Coréal
174
est une
stricte
transposition
française
de
la
jurisprudence
communautaire Lankhorst : en effet, l’article 212 du CGI ne
s’applique qu’aux prêts consentis par les sociétés-mères qui ne
rentrent pas dans le cadre de l’article 145 fixant le régime
« mère-filiale ». Cette disposition revient en pratique à réserver
l’article 212 aux seules sociétés-mères étrangères. Imposant
comme l’Allemagne un ratio d’endettement impératif, la France
était logiquement dans la même situation : le Conseil d’Etat a
donc donné raison au contribuable sans même poser de
question préjudicielle à la CJCE. Il a ainsi confirmé la
jurisprudence administrative française en la matière.
Le même jour, le Conseil d’Etat prononçait une décision
dont la portée est plus large, notamment en ce qu'elle limite
aussi le recours à l'article 57 du CGI face aux situations de sous-
capitalisation. L’arrêt Andritz
175
constate ainsi que
« l’article 57
[n’a]
pas
[…]
pour
objet
ou
pour
effet
d’autoriser
l’administration fiscale à apprécier le caractère normal du choix
opéré par une entreprise étrangère de financer par l’octroi d’un
prêt, de préférence à un apport de fonds propres, l’activité
d’une entreprise française qu’elle détient ou contrôle et à en
tirer, le cas échéant, de quelconques conséquences fiscales
[…] ».
Ces trois décisions affectent, par la prise en compte de la
non-discrimination, l’efficacité des outils juridiques français et
européens face à la sous-capitalisation. En effet, l’article 212 est
en
l’état
inutilisable
face
à
la
sous-capitalisation
intra-
européenne. Pour les transactions hors UE, ce même article est
tout aussi inopérant, sauf à ce que la convention fiscale ne
contienne pas de clause de non-discrimination ou qu’elle
174
CE 30/12/2003,
SARL Coréal Gestion
175
CE 30/12/2003,
SA Andritz.
Il s’agit de la filiale française d’une société
autrichienne ; le litige se rapportait à une année où l'Autriche n'était pas
encore membre de l'UE.
CONSEIL DES IMPÔTS
247
réserve expressément le droit à la France de faire usage de
l’article 212.
Il résulte de la jurisprudence que le montant du prêt
accordé ne peut être contesté par l'administration. Il s’agit là
d’une tendance constante chez le juge français de l’impôt :
l’abus de droit
176
n’est en général pas applicable à la sous-
capitalisation. Il est généralement aisé pour une entreprise de
montrer qu’en se finançant par endettement, c’est l’effet de
levier financier qu’elle recherchait en premier lieu, et que la
motivation fiscale n’était que secondaire. Il est également très
difficile de qualifier les cas de sous-capitalisation d’acte
anormal de gestion : un autre arrêt
177
refuse de considérer
comme contraire aux intérêts de l’entreprise le fait de recourir à
l’emprunt pour compenser une perte de capitaux propres,
même lorsque cette perte est volontaire et résulte d’intentions
étrangères à l’intérêt de l’entreprise.
3. - La jurisprudence
sur l'article 209 B
Il
est
rappelé
que
l'article
209
B
permettait
à
l'administration française de soumettre à l'IS en France le
bénéfice réalisé par des filiales situées dans des pays à fiscalité
privilégiée.
L'arrêt du Conseil d'Etat Schneider (décision n°232276 du
14 juin 2002) a donné raison à la société Schneider, qui faisait
valoir que la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre
1966 ne prévoyait pas l'application de l'article 209 B. Cette
décision a conduit en pratique à l'abandon par l'administration
fiscale des redressements et des enquêtes au titre de l'article 209
B. Dans le contexte des décisions précédemment évoquées,
l'article 209 B était déjà pratiquement inapplicable au sein de
l'Union en raison de la forte probabilité de perdre un éventuel
contentieux devant la CJCE.
176
Article L. 64 du LPF
177
Il s’agit de l’arrêt du Conseil d’Etat n°80939 du 12/15/1971
CONSEIL DES IMPÔTS
248
4. - Une jurisprudence
communautaire très axée
sur la protection des quatre
libertés
Selon la jurisprudence, une entrave à une des quatre
libertés ne peut être acceptée « que si elle poursuit
un objectif
légitime compatible
avec le traité et est justifiée
par des raisons
impérieuses d'intérêt général
»
178
et par ailleurs, si elle est
proportionnée avec l’objectif poursuivi. Les gouvernements ont
tenté régulièrement de faire admettre à ce titre différents chefs
d’exception :
- prévention de l’érosion fiscale de la base d’imposition de
l’État
membre
considéré,
liée
au
comportement
des
contribuables tirant un avantage des différences existant entre
les régimes fiscaux hétérogènes des États membres ;
- objectif de prévention contre l’évasion fiscale ;
-maintien de la « cohérence du système fiscal » d’un État
membre.
En ce qui concerne l’objectif de lutter contre
la réduction
de recettes fiscales
, l’arrêt récent Lasteyrie du Saillant est
particulièrement clair pour repousser cette objection :
«
n’est pas considérée comme une raison impérieuse
d'intérêt général pouvant être invoquée pour justifier une
mesure en principe contraire à une liberté fondamentale, le
simple manque à gagner subi par un État membre du fait du
transfert du domicile fiscal d'un contribuable dans un autre État
membre, dans lequel la réglementation fiscale est différente et,
le cas échéant, plus avantageuse pour ce contribuable, ne peut
en soi justifier une restriction du droit d'établissement ».
Certes, la CJCE semble laisser quelques ouvertures à
l’attention
des
administrations
fiscales
en
matière
de
justifications des entraves à la liberté d’établissement. Mais ces
possibilités sont très limitées, comme l’indique l’arrêt
Lasteyrie
du Saillant
précité :
178
Voir CJCE, 15 mai 1997, Futura Participations et Singer, C-250/95.
CONSEIL DES IMPÔTS
249
« Les autorités françaises pourraient notamment prévoir
la taxation du contribuable qui, après
un séjour relativement
bref
dans un autre État membre, reviendrait en France après
avoir réalisé ses plus-values, ce qui éviterait d'affecter la
situation des contribuables n'ayant pas d'autre objectif que
d'exercer en toute bonne foi leur liberté d'établissement dans un
autre État membre » (point 54).
La prévention de l’évasion fiscale a été reconnue comme
légitime,
au
moins
formellement,
par
la
jurisprudence
antérieure de la Cour de justice, et notamment par l’arrêt ICI
(CJCE, C-264/96 du 16 juillet 1998, point 26), dans lequel cette
dernière avait admis que :
« pourrait répondre à une raison impérieuse d'intérêt
général une législation qui aurait pour objet spécifique
d'exclure d'un avantage fiscal les montages purement artificiels
dont le but serait de contourner la loi fiscale ».
Cependant, comme toute exception au Traité, celle-ci doit
s’interpréter de façon restrictive. Le dispositif en cause ne doit
pas, par exemple, être général et limiter des mouvements qui,
en eux-mêmes, ne sont pas porteurs d’évasion ou de fraude. A
cet égard, on notera que la formule de la CJCE, qui est
désormais bien établie, fait référence à un certain degré
d’intentionnalité
délictueuse, alors que le dispositif français de
répression de l’abus de droit ne vise que
le constat objectif d’un
effet délictueux
.
Par ailleurs, la CJCE retient parmi les raisons impérieuses
d’intérêt général pour justifier une restriction aux libertés
fondamentales
l’impératif d’efficacité du contrôle fiscal
179
.
Encore faut-il cependant qu’il existe un lien de nécessité et de
proportionnalité entre cet impératif et la restriction. Il faut de
surcroît que la simple mise en oeuvre de la directive
77/799/CEE concernant l’assistance mutuelle soit insuffisante
pour satisfaire à cet impératif.
179
Depuis CJCE, 20 février 1979, Rewe-Zentral, C-120/78, Rec. CJCE p. 649
(« Affaire cassis de Dijon). Voir également CJCE, 15 mai 1997, Futura
Participations et Singer, C-250/95 (point 31) et CJCE, 8 juillet 1999, Baxter e.a,
C-254/97, point 10 CJCE, 28 janvier 1992,
Bachmann
, C-204/90, Rec. I-249,
points 18 et 19..
CONSEIL DES IMPÔTS
250
L’argument tiré
du maintien de la cohérence du système
fiscal
d’un État membre, admis pour la première et unique fois,
dans l’affaire Bachmann
180
, n’est cependant retenu qu’afin de
«
maintenir le lien entre la déductibilité des cotisations et
l'imposition des sommes dues par les assureurs en exécution
des contrats d'assurance, que la déductibilité fiscale de
cotisations soit subordonnée à la condition que celles-ci soient
payées dans cet État (…)
». La cohérence du système fiscal, qui
relève de la compétence exclusive des États membres, s’entend
ici, dans un sens restrictif, du maintien de l’équilibre, dans ce cas,
entre les déductions opérées sur les cotisations des individus qui
contribuent à un régime d’assurance, et l’imposition des
institutions qui servent les prestations.
5. - Les interrogations
sur la fiscalité de groupe
Dans la majeure partie des Etats (à l'exception du
Danemark et du régime français de bénéfice consolidé), les
régimes de groupe sont réservés à un périmètre d'intégration
limité aux filiales nationales. Le régime britannique du "Group
Relief" est à l'heure actuelle contesté par la société Marks et
Spencer devant la High Court britannique, au motif qu'il
conduit à une discrimination entre les filiales selon leur pays
d'établissement. La juridiction britannique a adressé une
question préjudicielle à la CJCE.
En fonction de l'analyse que fera la Cour, d'autres pays
que la Grande-Bretagne pourraient subir les conséquences de sa
décision. Le régime d'intégration français et les régimes
étrangers analogues pourraient ainsi être remis en question. Les
Etats n'auraient alors guère d'autre choix que de modifier
entièrement la territorialité de l'imposition des bénéfices en
acceptant une forme de compensation des bénéfices et des
pertes au sein d'un groupe dans toute l'Union. Ceci pourrait
conduire à une érosion très forte des recettes fiscales des Etats.
180
CJCE, 28 janvier 1992,
Bachmann
, C-204/90, Rec. I-249, points 20 à 23.
CONSEIL DES IMPÔTS
251
E. - Les nouvelles normes comptables
tendent à mettre en question
les spécificités nationales
en matière d'assiette
1. - Le lien entre normes
comptables et système fiscal
L’Union européenne connaîtra à compter de 2005 un
mouvement d’harmonisation comptable, qui, compte tenu des
liens entre comptabilité et fiscalité, notamment en France, peut
conduire à une remise en question de certaines caractéristiques
d'assiette
de
l'impôt
telles
que
la
détermination
des
amortissements et des provisions.
En France, la dépendance entre comptabilité et fiscalité est
énoncée par l’art. 38 quater de l’annexe III du CGI : «
Les
entreprises doivent respecter les définitions édictées par le Plan
comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas
incompatibles avec les règles applicables pour l’assiette de
l’impôt
».
A
défaut
de
modalités
spécifiques
définies
explicitement par le CGI, c’est donc le droit comptable qui
s’applique à la sphère fiscale.
Il existe cependant de nombreuses dispositions dans le
CGI et ses textes d’application qui permettent de bénéficier
d’avantages fiscaux. Les opérations correspondantes doivent
alors être obligatoirement comptabilisées afin que le bénéfice
fiscal puisse être diminué d’autant. Ainsi, les amortissements
ou provisions qui n’ont pas de réel fondement économique
doivent tout de même être enregistrés suivant les prescriptions
du seul CGI, alors que les amortissements et provisions
classiques sont passés en écritures en fonction simplement des
usages de chaque nature d’industrie
181
. Certes, le Plan
comptable général a créé des comptes spéciaux au bilan et au
compte de résultat afin d’isoler les effets des règles fiscales
particulières et dérogatoires. Cependant, les textes comptables
laissent souvent un choix en matière d’amortissements ou
181
Cf. CGI art. 39-1-2°
CONSEIL DES IMPÔTS
252
provisions. C’est donc en général la solution comptable la plus
avantageuse sur le plan fiscal qui sera privilégiée.
Cependant, ce principe n’est pas généralisé à l’étranger :
certains pays peuvent déconnecter plus ou moins les règles
fiscales des règles comptables. Ainsi, le Royaume-Uni, les Etats-
Unis, le Danemark et les Pays-Bas connaissent un fort degré de
déconnexion entre les deux concepts, comme tous les pays dont
le droit est d’inspiration anglo-saxonne. A l’opposé, d'autres
pays pratiquent une dépendance plus ou moins forte : dans
l’UE, c’est en Allemagne qu’elle est la plus forte.
2. - L'entrée en vigueur
de nouvelles normes
Une harmonisation comptable européenne est en cours
depuis le règlement n° 1606/2002 (JOCE L 243 du 11/09/2002)
adopté par le Conseil et le Parlement européen. Ce règlement
prévoit qu’à partir de 2005, l’application des normes IFRS sera
obligatoire pour les comptes consolidés des sociétés dont les
titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé de
l’un des Etats membres de l’Union européenne (ci-après les
« sociétés cotées »).
Les normes IFRS sont édictées par l’IASB
182
, entité privée
créée en 2001, et composée de quatorze membres désignés par
l’IASCF
183
, fondation constituée aux Etats-Unis et située au
Royaume-Uni. Avant 2001, le rôle de l’IASB était tenu par
l’IASC
184
, qui émettait les normes IAS
185
.
Le règlement prévoit une procédure pour l’approbation
des
IFRS
nouvelles
et
modifiées,
par
un
Comité
de
réglementation comptable (ARC
186
) composé de représentants
de la Commission et des Etats membres. Ce Comité est assisté
par un comité technique d’experts de la comptabilité, le Groupe
182
International Accounting Standards Board
183
International Accounting Standards Committee Foundation
184
International Accounting Standards Committee
185
International Accounting Standards
186
Accounting Regulatory Committee
CONSEIL DES IMPÔTS
253
consultatif européen sur l’information financière (EFRAG
187
)
qui émane du secteur privé. L’EFRAG présente à l'ARC les avis
techniques sur chaque norme promulguée par l’IASB. Par
l’intermédiaire
de
l’ARC,
placé
sous
l’autorité
de
la
Commission européenne, les Etats membres ont ainsi la
possibilité formelle de rejeter ou de modifier chaque IFRS.
Dans un premier temps, le règlement ne s'appliquera de
manière obligatoire que sur les comptes consolidés des sociétés
cotées. Au-delà de cette obligation, deux facultés sont offertes
aux Etats membres : celle d’autoriser ou d’obliger les sociétés
non cotées à utiliser les IFRS dans le cadre de leurs comptes
consolidés, et celle d’autoriser ou d’obliger l’ensemble des
sociétés à utiliser les IFRS dans le cadre de leurs comptes
sociaux.
En France, ces facultés ne pourront être mises en place
que par un texte de nature législative, faute duquel les IFRS ne
s’appliqueront qu’aux comptes consolidés des sociétés cotées.
Cette décision du législateur aurait un impact majeur sur le
champ des entreprises concernées par la mutation des normes
comptables. Mais c’est l’application des IFRS aux comptes
sociaux qui induirait les plus grands bouleversements. En effet,
cette mesure impliquerait tout d’abord d’importants coûts de
mise en conformité pour les entreprises (particulièrement les
PME si elles devaient être concernées) qui ne publient pas de
comptes consolidés et pour lesquelles l’adoption des IFRS ne
présente pas d’avantage particulier.
Surtout, la mesure comporterait une dimension fiscale :
les éléments développés plus haut ont montré à quel point le
lien entre comptabilité et fiscalité était fort en France. Si ce
principe de connexion était conservé, la modification des
normes comptables impliquerait des changements importants
dans les modalités de détermination de l’impôt, et la remise en
question
de
certains
dispositifs
favorables
aux
sociétés
imposées en France.
187
European Financial Reporting Advisory Group
CONSEIL DES IMPÔTS
254
3. - La remise en question
de certains dispositifs
tels que le régime
d'amortissement
Une immobilisation est actuellement inscrite au bilan
pour sa valeur d’origine majorée des éventuels frais de mise en
état d’utilisation lorsqu’il s’agit d’un bien acheté. Quand
l’immobilisation est créée, elle est évaluée au prix des matières
premières augmenté de toutes les charges nécessaires, à
l’exclusion des frais financiers
188
. Les normes IFRS 16 et 38
prévoient d’incorporer à cette valeur des coûts afférents qui
sont actuellement comptabilisés en charges
189
. Ces frais engagés
par l’entreprise ne pourraient plus être déduits directement de
son résultat mais devraient être amortis puisque faisant partie
de l’immobilisation. Les coûts des immobilisations créées en
interne devraient être majorés, ce qui augmenterait l'assiette de
la TP actuelle.
D’après la règle fiscale, le montant amortissable est la
valeur brute
190
de l’actif. Les IFRS retiennent une valeur brute
diminuée d’une valeur résiduelle
191
, ce qui aurait pour effet de
réduire
la
base
amortissable,
entraînant
une
perte
de
possibilités d’amortissement. Surtout, le plan d’amortissement
sera fonction de l’utilisation du bien par l’entreprise : il s’agit
d’aligner les durées et modalités d’amortissement sur la réalité
économique.
Les
dispositifs
français
autorisant
un
amortissement
fiscal
plus
favorable
que
l'amortissement
économique seraient remis en question.
Les IFRS ont en principe déjà un impact sur les résultats
comptables des entreprises puisqu'un règlement du CRC
192
a
déjà
intégré
dans
le
Plan
comptable
général
certaines
188
cf. CGI art. 38 quinquies ann. III
189
Notamment droits de mutation, honoraires, coûts d’emprunt pour certains
actifs…
190
ie. le prix de revient
191
ie. valeur potentielle de revente à l’issue de l’amortissement, ou provision
passée pour dépréciation lors de l’inscription à l’actif
192
Cf. règlement CRC 2002-10 du 12/12/2002
CONSEIL DES IMPÔTS
255
dispositions des IFRS. Les entreprises qui appliqueront ces
dispositions comptables ne pourront déduire fiscalement que
les amortissements ou provisions comptabilisées, comme l'exige
la réglementation fiscale. Ces nouvelles modalités comptables
apparaissent moins favorables que les dispositions contenues
dans le CGI, et qui autorisent une durée d'amortissement sur
des durées d'usage et avec des modalités de dotation qui
excèdent la dépréciation économique telle qu'elle résulte des
normes comptables. Les entreprises se trouvent donc placées
devant le dilemme suivant, appliquer le plan comptable, et ne
pouvoir bénéficier des dispositions fiscales les plus favorables,
ou bien déroger à l'application de ces normes.
Par ailleurs, l'adoption des normes relatives à l'évaluation
des actifs et des passifs, avec la notion de "juste valeur"
193
(IFRS
32 et 39), pourrait, si elles étaient appliquées en l'état, conduire
à
une
volatilité
accrue
des
résultats
des
entreprises.
L'application de ces normes en Europe est encore très
controversée.
On
peut
relever
que
les
instruments
de
couverture devraient être évalués à leur valeur de marché, au
contraire des actifs couverts qui, dans certains cas
194
, seraient
évalués au coût historique. Les règles françaises appliquent au
contraire
le
principe
du
nominalisme
pour
ces
mêmes
évaluations
195
: seules les moins-values latentes peuvent en
général être provisionnées. Ainsi, l’adoption des principes IFRS
en matière de réévaluation des actifs pourrait considérablement
augmenter le résultat des entreprises et donc élargir l’assiette
de l’IS si ces normes devenaient le nouveau référentiel fiscal.
En pratique, de nombreux Etats opteront pour l'entrée des
IFRS dans les comptes sociaux, ce qui risque de conduire à un
surcoût pour les entreprises résidentes en France si celle-ci ne
fait pas de même. Il conviendra donc de trouver à court terme
une solution appropriée pour ne pas renoncer à un des facteurs
favorables de la fiscalité française.
193
L'appellation "juste valeur" renvoie ici au concept anglo-saxon de "fair
value" qui désigne en réalité la valeur de marché
194
Notamment dans le cas d’activités d’intermédiation
195
Sauf pour certains OPCVM de placement
CONSEIL DES IMPÔTS
257
II. -
LA STRATÉGIE DE LA
F
RANCE
FACE À LA CONCURRENCE FISCALE
DEPUIS DIX ANS
Pour apprécier la situation de la France au regard de la
concurrence fiscale, il faut analyser la stratégie conduite au
cours de la dernière décennie. Nous sommes en effet dans un
domaine où les orientations affichées ont vraisemblablement un
effet qui va au-delà de la simple prise en compte des
paramètres du calcul de l'impôt à un instant donné.
Le Conseil des impôts s'est livré à une étude approfondie
de l'ensemble des mesures prises dans le domaine des assiettes
les plus mobiles depuis dix ans. L'appréciation de l'effet des
mesures doit être formulée, à ce stade, de manière prudente. En
effet, tout alourdissement ou allégement d'impôt n'a pas
mécaniquement un impact en matière de concurrence fiscale :
tout dépend de la mobilité réelle de l'assiette considérée et du
type d'opérations en cause. A cet égard, la tendance récente,
depuis les premiers rapports sur l'attractivité du territoire à
partir de 2000, a consisté à présenter de manière presque
systématique toute mesure d'allégement de l'imposition comme
destinée à améliorer le positionnement de la France dans la
concurrence fiscale, sans que l'étude du champ effectif et de la
portée réelle de la concurrence fiscale n'ait été menée au
préalable. Enfin, seules les mesures d'une ampleur significative
peuvent espérer modifier le positionnement de la France dans
la concurrence fiscale.
C'est pourquoi la recherche de la stratégie fiscale sera
fondée sur l'examen des mesures qui, soit constituent un enjeu
budgétaire, soit affectent l'image du système fiscal français.
A. - La situation en 1994
Le précédent rapport du Conseil des impôts consacré à
l'imposition des entreprises, en 1994, estimait que la France
CONSEIL DES IMPÔTS
258
n'était pas particulièrement exposée à la concurrence fiscale, du
fait de son réseau dense et efficace de conventions bilatérales et
surtout de son faible taux d'IS. A l'époque en effet, le taux de
33,3% observé en 1993 était l'un des plus bas de la
Communauté. Au début des années 1990, le souci de se
positionner favorablement a même conduit la France à anticiper
sur les évolutions en étant parmi les premiers Etats à réduire
significativement le taux nominal, de 45% en 1986 à 33,3% en
1993. Par ailleurs, au-delà du simple taux nominal d'imposition
sur les bénéfices, la France se situait en 1995 dans la moyenne
des pays de l'Union au regard du taux global implicite
d'imposition mesuré d'après les données macro-économiques.
Elle se situait a priori dans une position médiane au
regard des seuls prélèvements fiscaux. Il convient toutefois de
noter que les cotisations sociales représentaient en 1990 18,9%
du PIB en France contre 8,2 en moyenne dans l'OCDE et 10,9
dans l'UE.
B. - Les principales évolutions
de la fiscalité des entreprises
L'appréciation de l'évolution de la fiscalité des entreprises
est complexe. Au total, l'imposition des bénéfices a été alourdie,
sans que les mesures d'allégement à caractère général ou
particulier
ne
compensent
l'augmentation
des
taux
et
l'élargissement des assiettes. En revanche, le diagnostic est
moins négatif si l'on tient compte de la réforme de la taxe
professionnelle et surtout des allégements de charge sur les bas
salaires.
1. - L'imposition des bénéfices
des sociétés a été alourdie
1.1. Le taux de l’IS a été élevé par des contributions
temporaires qui n'ont pas été totalement supprimées
Au début de la période, la France se trouve, au vu des
taux nominaux d'IS, relativement bien placée, après une baisse
CONSEIL DES IMPÔTS
259
de 45% à 33 1/3% opérée en quelques années. Mais à partir de
1995, le taux de l'IS en France a été relevé par l'instauration de
contributions additionnelles, dont l'évolution est retracée ci-
dessous :
Tableau n°44 :
Evolution du taux d’IS en France depuis 1993
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
Taux nominal
33,1/
3
33,1/
3
33,1/
3
33,1/
3
33,1/
3
33,1/
3
33,1/
3
33,1/
3
33,1/
3
33,1/
3
33,1/
3
Contribution
additionnelle à
l’IS
196
--
--
10%
de l’IS
10%
de l’IS
10%
de l’IS
10%
de l’IS
10%
de l’IS
10%
de l’IS
6% de
l’IS
3% de
l’IS
3% de
l’IS
Contribution
temporaire sur les
bénéfices
197
--
--
--
--
15%
15%
10%
--
--
--
--
Contribution sociale
sur les bénéfices
198
--
--
--
--
--
--
--
3,3%
de l’IS
3,3%
de l’IS
3,3%
de l’IS
3,3%
de l’IS
Taux consolidé
33,1/
3
33,
1/3
36,67
36,67
41,67
41, 67
40
37,76
36,43
35,43
35,43
Source : Conseil des impôts
196
Article 235 ter ZA. Cette contribution additionnelle s’applique à toutes les entreprises redevables à l’IS
197
Article 235 ter ZB.
198
Article 253 ter ZC.
CONSEIL DES IMPÔTS
227
CONSEIL DES IMPÔTS
261
Un point d'IS ayant un rendement voisin de 1 Md€, le
surplus de recettes perçu grâce à ces contributions est de l'ordre
de 40 Md€ sur la période, (soit près de 4 Md€ par an) ce qui en
fait sans conteste les mesures ayant eu l'impact le plus lourd.
En sens inverse, tous les pays de l'OCDE ont maintenu
ou, plus fréquemment, abaissé leur taux d'IS dans la période
récente. La France se singularise, puisqu’elle présente en 2004,
du fait des contributions additionnelles, un taux d’IS supérieur
à ce qu’il était en 1993.
Tableau n°45 :
Evolution des taux nominaux d’IS
dans l’Union
européenne, aux Etats-Unis et au Japon
(1986-2004)
1986
1991
1995
1998
2001
2003
Différen-
ce 1986-
2003
Allemagn
e
56
50/36
45/30
45/25
25
26,37
-29,6
Autriche
50
30
34
34
34
34
-16
Belgique
45
39
39
39
39
34,5
-10,5
Danemar
k
50
38
34
34
30
30
-20
Espagne
35
35
35
35
35
35
0
Finlande
33
23
25
28
29
29
-4
France
45
42
33,3
41,6
36,4
35,4
-9,6
Grèce
49
46
35/40
35/40
35
35
-14
Irlande
50
43
40
32
20
12,5
-37,5
Italie
36
36
36
37
36
33
-3
Luxemb.
40
33
33
30
30
22
-18
Pays-Bas
42
35
35
35
35
34,5
-7,5
Portugal
42/47
36
36
34
32
27,5
-19,5
R-U
35
34
33
31
30
30
-5
Suède
52
30
28
28
28
28
-24
Moy. UE
44,3
36,7
35,1
34,9
32
29,8
-14,5
EU
46
34
35
35
35
35
-11
Japon
50
50
47,5
46,4
46,4
30
-20
Source :
OCDE, Bretin (2002), repris dans le rapport du CAE : La
France est-elle compétitive ? (2003) ; compléments pour 2003 : DLF.
Moyenne UE non pondérée.
Taux du gouvernement central pour les
CONSEIL DES IMPÔTS
262
fédérations. Taux maximal des grandes entreprises en cas de
progressivité du barème ou de barèmes différents pour les PME et les
grandes entreprises.
1.2. La restriction du champ d’application du régime
des plus-values à long terme des sociétés soumises à l’IS
L’alourdissement du taux de l’IS a été renforcé par un
élargissement de son assiette, à travers une modification de
l’imposition des plus-values à long terme. D’une part, le taux
d’imposition des plus values à long terme, qui était de 18%
depuis la loi de finances rectificative pour 1991, a été porté à
19% par la loi de finances initiale (LFI) pour 1995. En outre, à
partir
de
1995,
les
plus-values
ont
été
soumises
aux
contributions additionnelles à l’IS ; leur taux effectif est de
20,20% au 1
er
janvier 2004.
Surtout, le champ d’application des plus-values à long
terme a été progressivement restreint après 1991, une étape
importante ayant été marquée par la loi n°97-1026 du 10
novembre 1997 portant mesures urgentes à caractère fiscal et
financier. Toutes les plus-values constatées lors de la cession
d’éléments de l’actif immobilisé sont devenues imposables au
taux normal de l’IS (35,43% au 1
er
janvier 2004), comme de
simples gains d’exploitation
199
, pour un gain budgétaire estimé
à 1 Md€ en 1997.
1.3. La limitation de l’exonération des dividendes versés
à une société mère
Comme cela a été indiqué, les dividendes reçus par les
sociétés mères de la part de leurs filiales sont, sous certaines
conditions, exonérés, à l'exception d'une quote-part pour frais
et charges, dont le montant a été augmenté dans la période
récente.
199
Seules les plus-values tirées de la cession de participations et de parts de
fonds communs de placement à risque ou de sociétés de capital risque sont
imposées au taux réduit de 20,20%, à condition qu’elles soient détenues
depuis plus de deux ans par des entreprises qui détiennent plus de 5% du
capital.
CONSEIL DES IMPÔTS
263
2. - Les mesures d'allégement
n'ont pas compensé ces
alourdissements
Plusieurs mesures significatives ont donc alourdi la
fiscalité des sociétés sur la période, au premier rang desquelles
les contributions additionnelles à l'IS. Les effets des quelques
allégements accordés en sens inverse au cours de la période ne
sont pas du même ordre de grandeur ou n'ont pas été chiffrés.
2.1. L’extension des possibilités de report en avant des déficits
La loi de finances initiale pour 2004 a instauré un report
en avant illimité des pertes des entreprises. Jusqu’alors, seuls
les déficits correspondant aux amortissements régulièrement
pratiqués mais différés ouvraient le droit à un report en avant
illimité, les déficits ordinaires ne pouvant qu’être déduits des
bénéfices des cinq années suivantes.
Le coût de cette mesure n’a pas été chiffré. Les possibilités
de report en avant et de report en arrière des déficits étant déjà
importantes, son impact devrait être limité.
2.2. L’abaissement du seuil de participation ouvrant
le droit à l’application du régime mère-fille
La loi de finances initiale pour 2000 a élargi le champ
d’application du régime mère-fille, en abaissant de 10% à 5% le
seuil de détention du capital de la filiale requis pour
l’application de ce régime
200
. Le coût de cette réforme n'a pas
été chiffré, mais il est vraisemblablement modeste.
2.3. La modification du régime des fusions et la
modernisation
des opérations de développement des entreprises
Les opérations de fusion, de scission ou d’apport partiel
d’actifs peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’un
200
En outre, le seuil en valeur absolue de 150 MF, introduit en 1987 pour
permettre la constitution de « noyaux durs » a été supprimé.
CONSEIL DES IMPÔTS
264
régime spécial d’imposition comportant plusieurs avantages
fiscaux, notamment le sursis d'imposition à l'IS des plus-values
de fusion. Des dispositions ont été prises en LFI 2000 pour
ouvrir plus largement aux entreprises les avantages de ce
régime fiscal dérogatoire
201
. En outre, en LFI 2002, de nouvelles
mesures de simplification des règles fiscales applicables aux
opérations de rapprochement ou de fusion entre entreprises ont
été prises et la procédure d’agrément préalable à ces opérations
supprimée.
2.4. La modernisation du régime des distributions
Il est rappelé que l'imposition des dividendes reposait
avant la réforme sur le mécanisme de l'avoir fiscal : celui-ci,
d'un montant de 50% dans le cas général (de 10% seulement
lorsque l'actionnaire était une société non-résidente et n'ayant
pas la qualité de société-mère), était un crédit d'impôt censé
éviter la double imposition en tenant compte du fait que les
sommes versées pouvaient provenir de revenus déjà taxés à l'IS.
Précisément, lorsque les revenus d'origine n'avaient pas
supporté l'IS au taux nominal, le précompte devenait exigible,
sous forme d'un complément d'imposition destiné à ne pas
accorder indûment le bénéfice de l'avoir fiscal.
La réforme adoptée en loi de finances pour 2004 substitue
au mécanisme de l'avoir fiscal et du précompte un abattement
de 50% sur le montant du dividende pour son imposition. Son
impact sur les entreprises est dans l'ensemble favorable. Les
entreprises actives en France vont bénéficier d'un allégement de
leur imposition, évalué à 1 Md€ par an en régime de croisière.
En sens inverse, certains investisseurs étrangers susceptibles de
choisir des placements en France seront pénalisés, car ils
perdront le bénéfice de l'avoir fiscal (environ 0,5 Md€ par an,
partagé pour moitié entre personnes physiques et personnes
morales selon l'estimation de l'administration fiscale) ; l'effet
devrait toutefois être limité compte tenu du montant en jeu.
201
Il a notamment été décidé de réduire de cinq à trois ans la durée de
conservation des titres sur laquelle une entreprise doit s’engager pour
bénéficier, sans agrément, du régime spécial des fusions de sociétés.
CONSEIL DES IMPÔTS
265
2.5. Certains allégements ciblés ont été accordés pour
compenser localement l'effet de l'alourdissement d'ensemble
Plusieurs secteurs (PME, institutions financières), ou
certains
types
d'opérations
ou
d'activités
(recherche,
aménagement du territoire), ont bénéficié de divers allégements
au cours de la période. Le coût budgétaire des mesures en cause
est
aussi
sans
rapport
avec
celui
des
mesures
d'alourdissement. On peut citer :
- Les mesures de soutien aux PME, telles que le taux
réduit d'IS de 25% au titre des exercices ouverts en 2001 et de
15% à compter du 1
er
janvier 2002 qui s’applique sur la fraction
du bénéfice inférieure à 38 120 €. La mesure est ouverte aux
PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7, 63 M€ et qui sont
détenues à hauteur de 75% au moins par des personnes
physiques. Le coût a été évalué à 0,35 Md€ en 2001, puis à
0,98 Md€ en 2002 et à 1,320 Md€ en 2004. Il convient également
de rappeler que les PME n'étaient pas soumises à certaines des
contributions additionnelles à l'IS et ont été exonérées en 2000
de l'imposition forfaitaire annuelle.
- Au titre de l'aménagement du territoire, le dispositif
introduit en 1995 en faveur de certaines zones prioritaires, avec
une exonération d'IS totale au titre des 24 premiers mois, puis
dégressive au titre des 36 suivants.
- En ce qui concerne la recherche, la mesure la plus
déterminante a été l’élargissement du crédit impôt recherche en
LFI 2004 (prise en compte non seulement de l’accroissement des
dépenses mais aussi d’une part de la valeur annuelle des
dépenses de recherche, relèvement du plafond du crédit
d’impôt). Le coût de la réforme intervenue en LFI 2004 a été
estimé à 180 M€.
- Enfin, le secteur financier a bénéficié de la suppression
sur trois ans de la contribution sur les institutions financières
(CIF). Cette taxe, dont le taux est de 1%, était principalement
assise sur les charges de personnel du secteur bancaire et
financier ; sa suppression représente un effort de 180 M€.
CONSEIL DES IMPÔTS
266
3. - Des allégements massifs
sont intervenus dans d'autres
parties du système de
prélèvements, principalement
motivés
par le souci d'encourager l'emploi
3.1. La réforme de la taxe professionnelle
La taxe professionnelle a connu un profil assez contrasté,
avec une phase d'alourdissement, suivie d'un allégement
significatif du fait de la suppression de la part salariale dans le
calcul de l'assiette.
Dans un premier temps, une série de mesures ont
augmenté le produit de l'impôt : en loi de finances initiale pour
1995, le relèvement du taux de plafonnement en fonction de la
valeur ajoutée de 3,5% à 4% pour les entreprises qui réalisent
un chiffre d’affaires supérieur à 76.22 M€ ; à 3,8% pour les
entreprises dont le CA est compris entre 21.34 M€ et 76.22 M€.
En 1997, il a été décidé que l’Etat ne prendrait plus à sa charge
l’augmentation
du
montant
des
dégrèvements
de
taxe
professionnelle qui résulterait d’une hausse des taux votés par
les collectivités locales. Le dégrèvement accordé aux entreprises
est désormais déterminé à partir des taux appliqués par les
collectivités en 1995. Est également intervenue en LFI 1996
l'affectation à l'Etat de la cotisation minimum de TP égale à
0,35% de la valeur ajoutée mise à la charge des entreprises dont
le CA excède 7,62 M€.
La réforme intervenue en 1999 comportait un élément de
baisse massive, la suppression progressive sur 5 ans de la part
salariale, baisse tempérée par l'augmentation de la cotisation
minimale, portée à 1,5% de la valeur ajoutée.
Le relèvement du plancher, ainsi, que, par la suite, la
"déliaison" des taux (on désigne ainsi la possibilité accrue pour
les collectivités d'augmenter le taux de la TP indépendamment
de celui des autres impôts locaux), et les augmentations
décidées par les collectivités locales, ont réduit la portée de la
CONSEIL DES IMPÔTS
267
mesure de suppression de la part salariale dans l'assiette. En
effet, le montant de TP à la charge des entreprises est passé de
21,4 à 22 Md€. Ainsi, alors que le produit de la TP augmentait
de 5,8 Md€ entre le début (1999) et la fin de la réforme (2003),
l'Etat
a
pris
à
son
compte
la
quasi-totalité
de
cette
augmentation. L'effet de la réforme a été de maintenir constante
la charge de la TP pour les entreprises en montant, et donc de
les soustraire au phénomène de l'augmentation tendancielle de
ce prélèvement.
Une nouvelle réforme d'ensemble de la TP a été annoncée
très récemment. Dans cette attente, les entreprises bénéficieront
d’une franchise de TP pour les nouveaux investissements
qu’elles réaliseront entre le 1
er
janvier 2004 et le 30 juin 2005.
3.2. Les allégements de charges sociales ont été massifs
Pour l’année 2000, le montant total de ces allégements
représentait 7,5 Mds€ ; ils représentent aujourd'hui 17 Md€. Ces
mesures sont d’abord animées par la volonté d’inciter à
l’embauche des salariés les moins qualifiés. Mais, en limitant le
coût du travail pour les entreprises, elles leur accordent un
avantage
de
compétitivité,
même
si,
pour
partie,
les
allégements
de
cotisations
sociales
ont
compensé
le
renchérissement du coût du travail entraîné par le passage à la
semaine de 35h. Une étude d'ensemble de leur effet serait donc
complexe, d'autant qu'elle devrait prendre en compte, en face
de ces charges, les gains de productivité et de flexibilité
introduits par cette même loi.
Au total, de 1990 à 1999, la part des cotisations sociales
(hors CSG et CRDS) dans le PIB a baissé en France de 2,3 points,
alors qu'elle avait augmenté de 1,3 point dans l'OCDE et de 0,5
point dans l'UE.
En termes de coût du travail, l'effet des allégements de
charge a été massif. En 1995, le coût horaire du travail ouvrier
dans l'industrie manufacturière était supérieur de plus de 10% à
la moyenne européenne des 15 Etats membres ; en 2002, il est
inférieur à cette même moyenne de près de 20% (Europe à
CONSEIL DES IMPÔTS
268
15)
202
. Même si l'on prend en compte la réduction de la durée
annuelle du travail, les coûts salariaux unitaires dans l'industrie
manufacturière ont baissé de 10% entre 1995 et 2003 (source :
OCDE), alors qu'ils connaissaient dans la plupart des grands
pays une augmentation (Italie, Royaume-Uni) ou une stabilité
(Etats-Unis, Allemagne).
D'une manière générale, la surveillance des mesures
fiscales par la Commission européenne et l'acuité de la question
des cotisations sociales a conduit, dans la période récente, à un
déplacement de la concurrence fiscale vers des mesures
touchant aux prélèvements sociaux. Ainsi, les mesures à
destination
des
jeunes
entreprises
innovantes
améliorent
l'attractivité du territoire pour ce type d'activités non pas tant
du fait de leur composante fiscale, mais bien parce qu'elles
comprennent certaines exonérations de charges sociales.
C. - La fiscalité des autres bases
mobiles
1. - Alourdissement puis
allégement de la fiscalité du
patrimoine
Les taux de l'ISF ont été augmentés de 10% en 1995. En
1998, une tranche supérieure a été créée pour les fortunes qui
dépassent 15 M€. Par ailleurs, dans le cadre de la loi de finances
initiale
pour
1996,
a
été
instauré
un
mécanisme
de
« déplafonnement du plafonnement » : la réduction d’impôt
résultant du plafonnement
203
a été limitée à 50% du montant de
l’ISF normalement dû. Ces mesures, combinées au dynamisme
des bases, ont conduit à un rendement croissant de l'ISF.
En sens inverse, la loi sur l’initiative économique du 1
er
août 2003 a élargi les exonérations d’ISF prévues au titre des
biens professionnels, en prévoyant une exonération partielle
202
Source : baromètre de l'attractivité de la France, AFII, 2004
203
Le plafonnement a pour effet de limiter le total de l'impôt sur le revenu et
de l'ISF à 85% du revenu.
CONSEIL DES IMPÔTS
269
pour les titulaires de parts ou actions de sociétés qui font l'objet
d'un engagement collectif de conservation pour une durée
minimale de six ans. Seront aussi exonérés les titres issus de la
souscription en numéraire à l’augmentation de capital de PME.
Ces mesures pourraient à terme réduire le produit de l'impôt,
selon les estimations de l'administration fiscale, de 20% en
régime de croisière.
2. - Les mesures ayant affecté l’IR
et les droits de mutation
Deux plans d’allégement significatifs de l’IR ont été mis
en oeuvre, en 2000 et en 2002, incluant la mise en place d'une
prime pour l'emploi et la réduction de tous les taux du barème.
Par
ailleurs,
plusieurs
mesures
favorables
à
la
transmission d’entreprise, déjà mentionnées, ont été prises au
cours de la décennie passée.
Enfin, il convient de mentionner à nouveau ici le
dispositif en faveur des impatriés mis en place dans la loi de
finances rectificative pour 2003, qui consiste à exonérer d’impôt
sur le revenu les suppléments de rémunération qui sont versés
aux salariés appelés par une entreprise établie à l’étranger à
occuper un emploi dans une entreprise en France, et à
permettre sous certaines conditions la déduction du revenu
imposable d'une partie des charges sociales.
D. - Premier bilan
L'établissement d'un bilan rigoureux des allégements et
des alourdissements de fiscalité sur les diverses bases mobiles
étudiées ici n'est pas possible, compte tenu notamment de
l'incertitude qui est attachée à l'évaluation du coût des mesures
fiscales. Sur l'ensemble de la période, la hausse du taux de l'IS
et les mesures de rendement concernant les plus-values n'ont
pas
été
compensées
par
la
stabilisation
de
la
taxe
professionnelle et les diverses mesures ciblées. Il faut cependant
souligner que le sens de l'évolution dépend de la période de
référence : si l'on avait retenu comme point de départ de l'étude
CONSEIL DES IMPÔTS
270
le début des années 80, c'est plutôt un allégement qu'un
alourdissement qui apparaîtrait.
En revanche, si l'on prend en compte la baisse des
cotisations sociales, le taux de prélèvement global acquitté par
les entreprises n'a sans doute pas varié de manière significative.
S'agissant des particuliers, l'impôt sur le revenu a été
nettement abaissé au cours de la période, et les récents
allégements de l'ISF pourraient compenser l'effet des hausses
antérieures.
E. - La stratégie fiscale française
1. - La France n'a pas suivi les
pays étrangers qui ont mis
l'accent sur
la baisse des taux nominaux de
l'IS
Il convient tout d'abord de confronter plus précisément
cette stratégie à celle suivie par nos principaux partenaires. Si la
tendance récente à une baisse des taux nominaux dans de
nombreux pays a déjà été soulignée dans la première partie, il
apparaît à présent nécessaire de caractériser les autres éléments
de leur stratégie, notamment en termes d'assiette et d'évolution
des autres prélèvements.
Plusieurs pays comparables à la France, en particulier des
pays du coeur de l'Europe, ont procédé dans la période récente
à des réformes impliquant une baisse du taux nominal
d'imposition du bénéfice des sociétés. On peut ainsi citer :
- la réforme allemande : l'Allemagne qui détenait le
record du taux nominal a mis en oeuvre une baisse de taux
spectaculaire (de 45%
204
en 1998 à 26,37 % en 2004). En outre,
trois mesures complémentaires en faveur des entreprises ont été
204
L’Allemagne présentait en 1998 un double taux d’imposition du bénéfice
des entreprises, à 45 % pour les bénéfices réinvestis et à 30 % pour les
bénéfices redistribués.
CONSEIL DES IMPÔTS
271
prises : exonération des dividendes de source allemande (les
dividendes de source étrangère étaient déjà exonérés à 95 %),
pour un coût de 1,5 Md € ; exonération des plus-values de
cession détenues pendant plus d’un an quelle que soit
l’importance de la participation (auparavant, un seuil de
participation de 10 % était exigé), pour un coût de 2,1 Mds € ;
imputation sur l’IS des entreprises de la charge résiduelle de la
Gewerbesteuer
(impôt local) après déduction de cet impôt des
résultats de l’exercice, pour un coût de 2,6 Mds €.
Ces mesures favorables n'ont été que très partiellement
compensées par des mesures d'élargissement de l'assiette
(augmentation des durées d’amortissement, baisse du plafond
de l’amortissement dégressif des actifs immobiliers, extension
aux succursales allemandes de sociétés étrangères et aux
sociétés de personnes des règles fiscales tendant à lutter contre
la sous-capitalisation, durcissement du dispositif anti-paradis
fiscaux).
Au total, le rendement de l’impôt sur les sociétés
allemand a chuté : de 23 575 millions d’euros en 2000, il est
passé à -- 425,6 millions d’euros pour l’année 2001 (mais du fait
de restitutions de trop-perçu) puis à 2 864 millions d’euros en
2002, et enfin à 8 275 millions d’euros en 2003 (source :
ministère fédéral des finances). Cette évolution tient aussi en
bonne partie à la conjoncture.
- la réforme belge : le taux nominal d'IS pour les grandes
entreprises est passé de 39% à 33%. La mesure est censée avoir
été financée, entre autres dispositions, par la modification des
règles d’amortissement, et de nouvelles règles de déduction des
impôts régionaux.
- l'Italie a elle aussi abaissé le taux de l'IS dans la période
récente. L'Autriche l'a baissé à son tour en 2004, passant de 29%
à 25%, pour lutter contre la concurrence des nouveaux
adhérents de l'Union, dont certains sont frontaliers avec elle.
Au sujet des nouveaux adhérents à l'Union, la Pologne, la
Hongrie et la République tchèque ont réduit leurs taux
nominaux d’IS :
CONSEIL DES IMPÔTS
272
Tableau n°46 :
Taux d'IS des nouveaux adhérents à l'Union
1997
2002
2003
2004
Pologne
38 %
28 %
27 %
19 %
Hongrie
18 %
18 %
18 %
16 %
République
tchèque
31 %
31 %
31 %
28 %
La baisse de 8 points du taux nominal de l’IS en Pologne,
à compter du 1er janvier 2004, apparaît comme la plus marquée
depuis 1997. Il convient de noter que cette baisse a été
partiellement financée par un relèvement des taux dérogatoires.
Ainsi, le taux d’imposition des dividendes est passé de 15% à 19
%.
Le gouvernement tchèque a annoncé son intention de
poursuivre la baisse du taux de l’IS à 26 % au 1
er
janvier 2005
puis 24 % au 1
er
janvier 2006. Un développement particulier
peut être réservé au cas de l'Estonie, qui ne taxe plus les
bénéfices réinvestis depuis le 1
er
janvier 2000
205
. Les autres
bénéfices sont imposés au taux de 35,1 %.
Rappelons enfin que d'autres bases mobiles ont bénéficié
de mesures d'allégements fiscaux : fin de la taxation des plus-
values en Allemagne en 2001, suppression de l'impôt sur la
fortune en Allemagne (1995), au Danemark (1997), en Autriche
(1993).
2. - Une stratégie conditionnée
par les fortes variations
de la conjoncture, mais équilibrée
entre les catégories de
contribuables
La période 1993-2004 se décompose en deux phases bien
différentes en liaison avec la conjoncture : la première est
marquée par des mesures d’augmentation de l’imposition des
205
Les autres bénéfices
sont imposés au taux de 35,1 %, mais le
gouvernement a annoncé un plan pluriannuel de baisse visant un taux de 25%
en 2006.
CONSEIL DES IMPÔTS
273
entreprises et du patrimoine ; la deuxième se caractérise par
une tendance à l’allégement.
Dans un premier temps, entre 1993 et 1997, la volonté
d’augmenter la recette fiscale dans un contexte de croissance
faible a été prioritaire, en vue de permettre à la France de
satisfaire aux critères de Maastricht pour préparer son entrée
dans l’Euro. A l’exception de l’impôt sur le revenu, ce
mouvement a affecté de nombreuses impositions, directes et
indirectes, à la charge des entreprises (IS, TP), mais aussi des
ménages (TVA, CSG).
Dans un deuxième temps (à partir de 1998), dans un
contexte
économique
plus
favorable,
a
été
engagé
un
mouvement de baisse des impôts ; ce mouvement n’a pas
concerné que les entreprises, mais elles en ont aussi bénéficié. Il
se caractérise au premier chef par la suppression partielle des
taxes additionnelles à l’IS et la suppression de la part salariale
de la TP.
En revanche, dans le domaine du financement de la
protection sociale, le souci de réduire le poids des cotisations
sociales pour les employeurs est apparu dès 1995.
On rappelle que l'examen des mesures prises au cours de
la dernière décennie ne permet pas de constater une tendance
massive à des transferts de charge fiscale entre entreprises et
ménages ou entre revenus du travail et revenus du capital. La
fiscalité des diverses catégories de contribuables a évolué dans
le même sens, ce qui entraîne la stabilité de la répartition de la
charge
206
.
Enfin, cette stratégie s'est accompagnée du maintien du
déficit à un niveau élevé : cette remarque n'est pas anodine en
termes comparatifs, car il est plus aisé d'afficher une stabilité
des prélèvements sans que le déficit ne soit maîtrisé.
206
Ainsi, pour les ménages, la première phase a été marquée notamment par
l'alourdissement du taux de TVA, la deuxième phase par une compensation
partielle de cette hausse et des plans d'allégement de l'impôt sur le revenu.
CONSEIL DES IMPÔTS
274
3. - Une stratégie de promotion
de l'emploi
Au-delà des variations de pression fiscale induites par la
conjoncture, la politique fiscale française n'a pas cherché à
réduire l'imposition des entreprises, en particulier la taxation
des bénéfices, et a plutôt alourdi les prélèvements fiscaux
pesant sur elles au cours de la période, malgré l'effort fait en
matière de taxe professionnelle. Elle a cependant cherché à
limiter, par des allégements ciblés, l'effet de ces mesures sur
certains secteurs et certaines opérations, notamment sur les
PME, la recherche, l'aménagement du territoire.
Si, au cours de ces années, la France n'a pas renoncé à
améliorer
la
compétitivité
globale
de
son
système
de
prélèvements, elle l'a fait en mettant l'accent sur un des points
où sa position était la plus défavorable, à savoir le poids des
charges sociales. Même si, en moyenne, elle demeure mal
placée à cet égard, elle a très significativement réduit le coût du
travail, notamment peu qualifié. Cette politique a concouru à
limiter l'effet sur l'emploi de la mobilité de certaines activités.
Ce faisant, elle a contribué à l'attractivité du territoire français
pour les emplois et les activités concernés.
Mais dans la même période, d'autres pays ont adopté,
dans la poursuite du même objectif, une stratégie plus
explicitement fondée sur l'aménagement de certains paramètres
visibles du système d'imposition, tels que le taux nominal de
l'impôt sur les sociétés ou la fiscalité des plus-values. Dans le
même temps, au cours de la décennie, la concurrence fiscale a
changé de nature. Les mesures dérogatoires censées attirer les
bases imposables étrangères ont été en partie démantelées à
partir de 1997. Dès lors, la concurrence s'est précisément
déplacée vers les caractéristiques fondamentales du système
telles que les taux nominaux d'imposition, voire la présence ou
l'absence pure et simple d'une imposition (ISF, plus-values de
cession des entreprises).
Ainsi, la stratégie de défense de l'attractivité du territoire
de la France apparaît en décalage avec les réformes conduites
dans les autres pays. La France est ainsi le seul pays à avoir
CONSEIL DES IMPÔTS
275
accru les taux nominaux de l'IS, l'imposition des plus-values et
l'imposition du patrimoine depuis le milieu des années 1990,
alors que bon nombre de ses partenaires adoptaient des
mesures d'allégement des taux compensées en partie seulement
par des élargissements d'assiette. Le modèle français s'en est
trouvé d'autant plus en porte-à-faux qu'il repose sur des taux
élevés et une assiette relativement étroite.
Le retour de la thématique de la concurrence fiscale dans
la stratégie explicite de la France est ainsi relativement récent. Si
ce thème est désormais invoqué régulièrement à l'appui de
différentes mesures, la faiblesse des marges de manoeuvre
budgétaires n'a pas permis de prendre des mesures d'une
ampleur significative.
4. - Certaines options prises par
le système fiscal paraissent
cependant peu lisibles ou
discutables
En outre, si des aménagements peuvent permettre à
certaines entreprises de ne pas être aussi lourdement imposées
que le suggère l'examen des principales dispositions, la logique
d'ensemble du système n'apparaît pas.
D'une part, le système fiscal français semble favoriser
l'industrie lourde, par le jeu des amortissements, mais la taxe
professionnelle brouille cette image et annule en partie cet
avantage. Plus généralement, l'interaction complexe de ces
deux prélèvements à laquelle il faudrait ajouter les multiples
dérogations et le poids différencié des cotisations sociales selon
la qualification, ont conduit à ce que les différents secteurs
d'activité
supportent
des
niveaux
de
prélèvements
très
disparates, et ce sans logique d'ensemble apparente.
D'autre
part,
le
système
fiscal
encourage
le
développement des entreprises françaises à l'étranger par son
mécanisme de déductibilité des intérêts d'acquisition et par
certains aspects de sa territorialité (régime du bénéfice
consolidé pour les entreprises agréées, régime des succursales).
Cette politique remonte à l'époque de la promotion des
CONSEIL DES IMPÔTS
276
champions nationaux. Reste-t-elle pertinente dès lors que
l'enjeu n'est plus exclusivement la conquête des marchés
étrangers, mais aussi le maintien des emplois domestiques ?
Enfin, le choix de faire porter la majeure partie de l'effort
sur l'emploi peu qualifié par le biais de la réduction des charges
fiscales soulève une interrogation. En effet, le choix effectué de
transférer une partie du financement de la protection sociale sur
l'impôt a pour effet de déformer la structure des prélèvements
au bénéfice du travail peu qualifié. Cette mesure se fondait sur
le constat d'une concurrence étrangère particulièrement vive
sur ce créneau du marché du travail. Or, certains pays à bas
coût
de
main-d'oeuvre
sont
en
mesure
d'offrir
aux
investissements internationalement mobiles une main-d'oeuvre
de qualification croissante. Dès lors, il n'est pas certain que le
schéma de protection des emplois peu qualifiés demeure le plus
pertinent.
CONSEIL DES IMPÔTS
277
III. - L
A
F
RANCE NE DISPOSE QUE
D
'
UNE MARGE DE MANOEUVRE ÉTROITE
Au terme de cette analyse il faut essayer de répondre aux
questions fondamentales soulevées par le sujet :
- La concurrence fiscale constitue-t-elle un danger pour
la France ?
- La place de la France dans la concurrence fiscale pour
la
localisation
des
activités
nécessite-t-elle
de
recommander un allégement de la fiscalité des bases
imposables internationalement mobiles, et si oui, de
quelle manière ?
- Que peut faire la France pour s'opposer à l'évasion
fiscale ?
A. - La France dans la concurrence
fiscale : synthèse
1. - Un effet budgétaire encore
limité
La
concurrence
fiscale
n'a
pas
encore
eu
d'effets
généralisés et observables au plan macro-économique en
France, ni d'ailleurs dans la plupart des Etats. Elle ne s'est pas,
jusque là, traduite par des pertes significatives de recettes ou
des transferts majeurs de charge fiscale.
L'allégement des taux de la fiscalité sur les bases les plus
mobiles (baisses des taux d'IS, baisse de la fiscalité de l'épargne,
suppression de l'ISF dans certains pays) ne s'est pas encore, en
règle générale, accompagné d'une baisse des recettes fiscales
afférentes, du fait du dynamisme des bases. Dès lors, la
répartition de la charge fiscale entre entreprises et ménages, ou
entre travail et capital, a peu évolué. La France n'a pas
significativement réduit jusque-là la pression fiscale sur les
CONSEIL DES IMPÔTS
278
entreprises du fait de la concurrence fiscale. De même, si nos
partenaires ont abaissé certains taux d'imposition sur les
entreprises ou sur le patrimoine, l'effet net sur le produit de
l'impôt, compte tenu des variations de la base fiscale induite
par des mesures compensatoires portant sur l'assiette ou par
une conjoncture favorable n'apparaît pas encore clairement. La
crainte d'un tarissement des recettes ou d'un transfert de
charges entre contribuables du fait de la concurrence fiscale ne
peut être justifiée par les évolutions constatées jusqu'ici.
Toutefois, un faisceau d'indicateurs permet de repérer une
tendance à la baisse de la pression fiscale sur les bases mobiles
dans de nombreux pays, qui risque de se renforcer dans les
années à venir.
Aussi serait-il imprudent de sous-évaluer le risque que la
concurrence fiscale fait peser sur le budget des Etats. Dans le
cas français, des répercussions plus directes sur le budget
commencent à se faire sentir. L'invalidation de dispositifs anti-
abus par la CJCE se traduit aussitôt par un manque à gagner
pour l'Etat. A titre d'illustration, à la suite de l'arrêt rendu par le
Conseil d'Etat (arrêt Schneider n°232276 du 28 juin 2002)
jugeant de l'inapplicabilité de l'article 209B du CGI à raison de
stipulations contraires à la convention franco-suisse, il a été mis
un terme à tous les contentieux et redressements en cours,
susceptibles de se voir opposer cette jurisprudence. Cette
décision
explique
pour
une
bonne
part
le
niveau
particulièrement élevé en 2003 des abandons sur redressement
d'IS (700 M€).
2. - Un effet sur la localisation
des activités qui n'est sensible
que sur des cas d'espèce
et n'a pas de caractère général
2.1. La concurrence fiscale n'est véritablement défavorable
à la France que dans certains cas
L'effet de la fiscalité sur les décisions de localisation
d'activités apparaît négligeable au niveau global, mais réel dans
CONSEIL DES IMPÔTS
279
certains cas précis. La fiscalité ne joue pas un rôle significatif
dans la grande majorité des décisions de localisation des
entreprises.
L'idée
d'une
concurrence
fiscale
généralisée,
menaçant indistinctement toute l'économie productive, n'est
pas confirmée par les faits. Même en se limitant aux assiettes
internationalement mobiles, la fiscalité n'est que rarement un
déterminant de premier rang ; elle n'est prise en compte
qu'après d'autres éléments de coût de production (niveau des
salaires nets, productivité, cotisations sociales), et en regard
d'un
environnement
favorable
dont
elle
constitue
la
contrepartie. L'existence d'un climat de concurrence fiscale ne
suffit donc pas à fonder une baisse massive de la fiscalité. En
outre, les cas dans lesquels la fiscalité devient un facteur
essentiel dans les choix de
localisation tiennent à des
paramètres variables avec chaque cas d'espèce, de sorte qu'il ne
s'en dégage guère de recommandations simples sur tel ou tel
aspect précis du système fiscal.
On peut compléter ces affirmations générales si l'on
observe plus précisément avec qui la France est en concurrence,
pour quelles opérations, et quel est alors le rôle de la fiscalité.
On peut suivre le processus de décision séquentiel qui est celui
des
entreprises
:
délimitation
de
l'espace
géographique
pertinent, prise en compte des paramètres principaux (coûts et
productivité de la main-d'oeuvre), et le cas échéant des critères
de second rang, parmi lesquels la fiscalité. Les développements
qui suivent n'ont pas l'ambition d'être systématiques, mais de
donner un aperçu de différents cas de figure.
Pour les investissements qui peuvent être localisés
partout dans le monde
, (Cas 1) deux situations se présentent.
Supposons
tout
d'abord
(cas
1.1)
qu'il
s'agit
d'investissements de production manufacturière de masse ; la
France est alors placée en concurrence avec des pays à très bas
coût de main-d'oeuvre, ce paramètre étant déterminant.
Dans certains cas (cas 1.1.1), la France, qui dispose d'une
productivité élevée, peut alors compenser grâce à celle-ci les
écarts de coûts de main-d'oeuvre. Dans ce cas de figure, la
fiscalité, en même temps que d'autres paramètres, peut devenir
un critère pris en compte par l'entreprise. Il peut jouer contre le
CONSEIL DES IMPÔTS
280
choix de la France, celle-ci ne pouvant octroyer les conditions
attractives proposées par exemple par certains pays capables
d'offrir à la fois une main-d'oeuvre relativement qualifiée et une
fiscalité faible.
Dans d'autres cas (cas 1.1.2), l'écart de coût salarial n'est
pas
compensé
par
un
écart
de
productivité.
Tel
est
vraisemblablement
le
cas
pour
la
majeure
partie
des
délocalisations d'industries traditionnelles. La fiscalité exerce
peut être un effet défavorable supplémentaire, mais il est hors
de proportion avec celui du coût du travail. Le recours à la
fiscalité pour améliorer la position de la France dans ce type de
configuration serait hors de prix si on voulait le rendre efficace.
Supposons à présent que cet investissement susceptible
de se localiser partout dans le monde soit un investissement de
haute technologie ou de recherche (Cas 1.2). Le nombre de
compétiteurs est plus restreint, les écarts de coûts salariaux plus
réduits. La fiscalité peut alors jouer un rôle plus significatif. Elle
présente en France, pour ce type d'activités, un certain nombre
d'avantages, y compris ceux qui peuvent être accordés au
niveau local, susceptibles d'en compenser les inconvénients.
Des mesures fiscales ciblées pourraient encore améliorer la
position de la France, d'autant plus qu'elles sont davantage
susceptibles d'être acceptées par la Commission, qui a une
approche des aides d'Etat plus ouverte lorsqu'il s'agit de
recherche. Le risque récent de remise en question du nouveau
dispositif
français
de
crédit
d'impôt
recherche
semble
cependant indiquer que la marge de manoeuvre en la matière
est étroite.
Il convient d'observer que de telles distinctions sont de
plus en plus remises en question par la capacité de certains
Etats à offrir une main-d'oeuvre très qualifiée à bas prix. Cette
évolution, si elle est préoccupante, tend néanmoins à faire
basculer un plus grand nombre de situations vers le cas 1.1.2 ci-
dessus, dans lequel la fiscalité n'a que peu d'impact.
Considérons
maintenant
le
cas
des
investissements
internationalement mobiles pour lesquels l'accès au marché
européen
est
une
donnée
fondamentale
(Cas
2)
.
Les
CONSEIL DES IMPÔTS
281
compétiteurs sont alors de deux types : les nouveaux entrants
dans l'Union, et les économies traditionnelles.
La France apparaît concurrencée par les nouveaux
entrants dans les industries traditionnelles (Cas 2.1), comme en
témoignent les emplois créés en Pologne, en Hongrie, en
République tchèque dans les secteurs de l'automobile ou de
l'équipement. Là encore, les critères fiscaux paraissent passer au
second plan derrière la volonté des entreprises d'être présentes
sur ces nouveaux marchés, et les écarts de coûts de main-
d'oeuvre qui ne sont pas toujours compensés par une plus faible
productivité. Le recours à l'outil fiscal serait là encore très
coûteux, car il devrait présenter un caractère général, et
n'apparaît pas en mesure d'infléchir la tendance.
Pour les industries de pointe et les activités immatérielles,
au vu des choix effectués par les investisseurs, la France est
principalement concurrencée par le Royaume-Uni, l'Irlande, et
dans une moindre mesure les Pays-Bas ou l'Italie, pays qui
offrent un niveau d'infrastructures comparable au nôtre.
Tableau n°47 :
Principaux pays attractifs sur les secteurs
de spécialisation de la France
Secteur
Principaux pays d'accueil,
avec la France, des emplois créés
par des sociétés étrangères
BTP, Transports, stockage
Belgique, Italie
Logiciels
Irlande, RU
Composants électroniques
Allemagne, Portugal
Agro-alimentaire
Espagne, RU
Conseil
RU, Pologne
Médicaments
Irlande
Chimie
Espagne, Irlande
Energie
Espagne
Autres services aux entreprises
RU, Irlande
Source : AFII
Dans ces secteurs, il est peu probable que les possibilités
de réduction de l'imposition liées par exemple à la déductibilité
des intérêts d'emprunt compensent totalement l'écart des taux
nominaux d'IS. Dans le secteur industriel, il existe certes des
CONSEIL DES IMPÔTS
282
possibilités d'amortissement favorables, mais leur effet est
contrecarré par le poids de la taxe professionnelle, qui peut
s'avérer particulièrement pénalisante. Dans le secteur financier,
où la taxe professionnelle pèse moins, d'autres contributions
singulières dégradent à nouveau la position de la France. Il est
certain que, sur ce créneau particulièrement important, la
fiscalité tend à être un handicap face à des pays qui affichent
pour la plupart des dispositions plus favorables. Cependant, on
observe que la France reste attractive dans ce domaine, ce qui
confirme que l'effet de la fiscalité est dans l'ensemble peu
perceptible. Enfin, le secteur des services non financiers semble
moins défavorisé.
Concernant enfin les choix de localisation de certaines
entités spécifiques telles que les centres de décision ou les
holdings, la France propose une fiscalité où handicaps et atouts
paraissent
relativement
équilibrés.
Elle
a
levé
certains
handicaps (cf. le nouveau régime des impatriés), et ne pourrait
consentir de nouveaux avantages sans aller à l'encontre du
processus d'élimination des mesures dommageables, lequel
doit permettre à terme de réduire ceux de ses concurrents.
Deux autres considérations qui jouent en sens contraire peuvent
utilement compléter l'analyse du rôle de la fiscalité dans les
choix de localisation des entreprises. Il convient tout d'abord de
tenir
compte
de
l'image
que
donne
le
dispositif
indépendamment de son impact quantitatif. Il faut aussi garder
à l'esprit qu'une fraction significative de l'activité économique
est pratiquement insensible à la concurrence fiscale.
Le système fiscal français renvoie une image défavorable.
La fiscalité de l'entreprise en France est considérée comme plus
dissuasive qu'elle ne l'est réellement, du fait du choix de taux
élevés et de la persistance de l'imposition de certaines
opérations qui ne sont plus taxées par un grand nombre
d'autres Etats, même si cela est tempéré par l'offre d'un grand
nombre de possibilités, parfois complexes, de minorer l'impôt.
En second lieu, les possibilités d'optimisation internationale
permettent vraisemblablement aux agents de réduire en
pratique l'écart de taxation entre la France et un autre pays.
Bien que limitant les effets défavorables de la fiscalité sur la
CONSEIL DES IMPÔTS
283
localisation
de
l'activité,
ces
possibilités
ne
sont
pas
satisfaisantes, à la fois en termes d'affichage, certains agents s'en
tenant pour leurs décisions aux caractéristiques les plus
apparentes, et du point de vue de l'équité du système fiscal.
De même ne peut-on sous-estimer l'impact psychologique
de la concurrence fiscale en matière d'imposition des personnes.
La France affiche là encore des dispositions sans doute plus
dissuasives qu'elles ne le sont dans les faits, du fait par exemple
de l'existence de l'abattement de 20% et des possibilités
l'exonération. En matière d'imposition des revenus, une
expatriation pour des raisons fiscales, qui se traduit par une
perte d'activité pour la France, n'est avantageuse que pour un
très petit nombre d'individus capables d'exercer leur activité
depuis des Etats à fiscalité privilégiée. Elle l'est d'ailleurs
surtout du fait de lacunes de conventions internationales ou
parce
que
le
pays
choisi
offre
des
conditions
fiscales
préférentielles sur lesquelles aucun grand pays ne peut
s'aligner. Il n'est pas pertinent de chercher à s'opposer à ces
comportements par une modification du barème.
En matière d'imposition du patrimoine, la fiscalité incite à
un
petit
nombre
d'expatriations
qui
peuvent
donner
l'impression d'une sortie de capitaux significative. L'impact
symbolique est très supérieur à l'effet réel, dans la mesure où
les délocalisations de personnes physiques et de leurs capitaux
ne s'accompagnent pas toujours de la délocalisation des
activités dans lesquelles leur patrimoine est investi.
Il faut rappeler qu'une part significative des activités des
entreprises est insensible à la concurrence fiscale, parce celles-ci
sont développées sur un marché marqué par la proximité
immédiate entre le producteur et le consommateur. Il faut ainsi
prendre garde à ne pas adopter, à seule fin d'attirer des emplois
internationalement mobiles, des mesures dont le coût pour les
finances publiques, sous forme d'un effet d'aubaine pour ces
activités non soumises à la concurrence, serait disproportionné.
La fixation des taux d'imposition sur les entreprises ne doit
donc pas résulter de la seule considération des activités
internationalement mobiles. Ceci ne plaide guère en faveur de
CONSEIL DES IMPÔTS
284
mesures d'une grande ampleur budgétaire, sauf à démontrer
que, pour les activités protégées, une baisse de la fiscalité serait
à son tour créatrice d'emplois en France.
En définitive, il apparaît que c'est surtout en termes
d'image que le positionnement relatif de la France, s'agissant de
la fiscalité des entreprises et de leurs détenteurs, s'est dégradé
dans la période récente. Ceci résulte d'une stratégie qui a mis
l'accent sur la baisse du coût du travail peu qualifié, alors que
nos principaux compétiteurs (Italie, Allemagne, Belgique) ont
affiché clairement une stratégie de baisse de l'imposition des
entreprises. Il revient à présent à la France d'afficher à son tour
une stratégie claire et lisible en matière de fiscalité des
entreprises.
B. - Quelle stratégie fiscale en faveur
de la localisation des activités en
France ?
Une stratégie susceptible de combattre ces effets d'image
négatifs
doit
arbitrer
entre
deux
objectifs
partiellement
contradictoires : garantir le rendement de l'impôt, ne pas
dégrader le positionnement de la France en termes de coût de
production. Elle doit tenir compte des possibilités dont
disposent les contribuables de localiser les bases fiscales
indépendamment de l'activité, dans un contexte où les
décisions ne peuvent être prises seulement au niveau national,
sauf exceptions de portée limitée, et dans un environnement
budgétaire peu propice aux allégements d'impôts massifs.
1.1. Certaines pistes doivent être écartées
Un certain nombre de voies parfois évoquées pour
améliorer
l'attractivité
du
territoire
ne
paraissent
pas
appropriées.
Une baisse de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur la
fortune ne pourraient pas être justifiée par la volonté
d'améliorer l'attractivité du territoire pour les emplois et les
activités.
CONSEIL DES IMPÔTS
285
Par ailleurs, une baisse massive de la fiscalité des
entreprises, prenant la forme par exemple d'une baisse
importante du taux de l'IS qui ne serait pas en partie compensée
par un élargissement de l'assiette, ne pourrait être justifiée,
dans le cas d'une économie relativement grande comme celle de
la France, par l'effet d’attraction supposé sur les emplois
internationalement mobiles. Cet effet ne pourrait être que
modeste, alors que le coût pour les finances publiques serait
considérable. Une telle stratégie uniformément offensive n'est
adaptée que pour une économie plus petite. La France ne doit
donc pas chercher à prendre la tête dans la course au "moins-
disant" fiscal, mais elle doit avant tout limiter les possibles
effets d'une position trop visiblement défavorable.
En admettant que, toutes choses égales par ailleurs, la
France puisse attirer davantage d'emplois créés par des sociétés
étrangères qu'elle ne le fait aujourd'hui et accroître ainsi sa "part
de marché", une option "défensive" semble inappropriée. Dans
ce schéma, la France chercherait à combler le handicap relatif
qu'elle a dans certains secteurs dans lesquels les transferts
d'emplois
sont
importants,
notamment
l'automobile,
en
améliorant son attractivité par rapport à celle des pays de l'Est.
Une telle stratégie passerait par l'accentuation de la baisse du
coût du travail peu qualifié et des avantages comparatifs de la
France en matière de fiscalité de l'industrie lourde (régime des
amortissements
corporels,
allégement
de
la
taxe
professionnelle).
Dans le passé, la France a privilégié cette voie. Si ce choix
est justifié par l'existence d'un chômage de masse, l'extension de
la concurrence des pays à bas coûts de main-d'oeuvre à des
secteurs de plus en plus qualifiés peut conduire à le remettre en
cause.
Ainsi, on peut considérer avec raison que la logique qui
est à l'oeuvre avec l'arrivée des pays de l'Est sur le marché ne
peut être inversée par des mesures fiscales. En outre, ces
secteurs sont le plus souvent des secteurs de l'industrie
"classique" pour lesquels des mouvements de relocalisation
sont davantage fonction de l'ensemble des paramètres qui
CONSEIL DES IMPÔTS
286
déterminent le coût de la main-d'oeuvre. Cette option ne
semble donc pas devoir être retenue.
1.2. Les principes : baisse des taux, élargissement de l'assiette,
simplification
A titre liminaire, il convient de rappeler que les
entreprises raisonnent en tenant compte à la fois de l'impôt sur
les sociétés et de la taxe professionnelle. Une éventuelle
modification de l'imposition des entreprises doit donc être
cohérente du point de vue de l'ensemble formé par ces deux
prélèvements. Le Conseil des impôts ne préconise pas une
baisse substantielle de la fiscalité de l'entreprise. Il ne s'est donc
pas attaché à la question de savoir quel impôt, de l'IS ou de la
taxe professionnelle, devrait être abaissé prioritairement si l'on
voulait favoriser les entreprises actives en France. Il convient
cependant de relever que la taxe professionnelle pèse de
manière
particulièrement
lourde
dans
les
choix
d'investissement des entreprises, étant assimilée à un coût fixe.
Mais il faut aussi rappeler que des contraintes spécifiques
pèsent sur le niveau de ce prélèvement du fait de la nécessité
d'assurer des ressources propres aux collectivités locales.
La complexité de la taxe professionnelle peut exercer à
elle seule un effet dissuasif. A produit constant, il paraît à tout
le moins nécessaire de réorienter ce prélèvement dans un sens
plus prévisible et plus lisible pour les entreprises. Cela implique
que cet impôt soit plus équitablement réparti selon les
territoires et les activités, et que ses variations dans le temps
soient suffisamment encadrées. Le rapport d'étape de la
Commission de réflexion sur la taxe professionnelle permet de
s'engager dans cette voie.
S'agissant de l'IS, la France pourrait prendre acte du fait
que le maintien de taux nominaux élevés, et de dispositions
d'assiette favorables, engendrant un système complexe, est au
total un handicap dans la concurrence fiscale, et une source
d'iniquité
entre
contribuables.
Elle
anticiperait
sur
les
évolutions
de
moyen
et
long
terme
qui
tendent
à
l'harmonisation des assiettes au plan communautaire.
CONSEIL DES IMPÔTS
287
Dès lors, elle annoncerait un plan de baisse progressive de
l'IS pour le ramener à un niveau voisin de celui de ses
principaux compétiteurs, autour de 30%. Parallèlement, elle
remettrait en question un certain nombre de dispositions liées
par exemple au régime d'amortissement ou de déductibilité des
intérêts d'emprunt, ce qui présenterait l'avantage de supprimer
des possibilités d'optimisation internationale qui ne comportent
pas toujours d'intérêt direct pour elle. Dans le même esprit,
pourraient être davantage limitées certaines possibilités offertes
par le régime d'intégration, qui permet actuellement trop
aisément le rachat d'une entreprise à l'aide des propres
bénéfices futurs de celle-ci, et la neutralisation de certaines
libéralités.
Une
telle
stratégie
serait
conforme
aux
positions
habituelles du Conseil en faveur d'un système fiscal simple,
affecté de peu de dérogations, telles qu'elles ont été formulées
dans son XXIème rapport consacré aux dépenses fiscales.
Certes, des obstacles s'opposent à la mise en oeuvre de la
stratégie
d'ensemble
présentée
ci-dessus.
Sa
neutralité
budgétaire n'est pas garantie. Elle pourrait faire l'objet d'un
accueil mitigé de la part des entreprises, qui seraient attentives
à la perte d'un certain nombre d'avantages particuliers, et
pourraient redouter que la baisse du taux nominal ne soit pas
pérenne : la crédibilité du plan pluriannuel de baisse du taux
nominal est une condition nécessaire de l'acceptabilité de la
démarche. Elle suppose également que la puissance publique
renonce en partie à orienter les investissements grâce à un
certain nombre de mécanismes dérogatoires qui seraient remis
en question.
A défaut de choisir cette voie, il apparaît a minima
souhaitable de prendre, lorsque l'état des finances publiques le
permettra, les mesures les plus emblématiques, celles qui
éviteraient au système fiscal français d'être trop stigmatisé, et
souvent injustement.
Le régime des plus-values de cession de titres pourrait
être révisé. La suppression du complément d'imposition, en cas
de distribution de la réserve spéciale des plus-values de long
terme, pourrait être envisagée dans un premier temps, première
CONSEIL DES IMPÔTS
288
étape vers l'exonération totale. Il s'agit ici de faire porter l'effort
sur le point du système fiscal français qui constitue une
véritable exception, et complique la gestion des participations
par les groupes.
S'agissant
du
taux
de
l'IS,
la
suppression
des
contributions additionnelles serait menée à son terme.
Il semblerait préférable, pour envoyer un signal clair aux
entreprises, de ne pas chercher à compenser entièrement par
des
mesures
d'élargissement
de
l'assiette
les
mesures
d'allégement qui seraient ainsi consenties. En particulier, les
régimes d'amortissements pourraient être conservés à court
terme. Leur suppression ferait perdre de l'intérêt à certains
investissements, sans fournir des marges suffisantes pour
baisser le taux nominal dans une proportion susceptible de
compenser cette perte pour les investisseurs. Elle n'est
envisageable que dans le cadre d'un réexamen d'ensemble du
système.
De telles mesures pourraient être cependant partiellement
et temporairement financées pour les premières années au
moyen d'une taxe libératoire sur la réserve spéciale des plus-
values à long terme.
Ces lignes directrices peuvent être complétées au plan
sectoriel par le choix d'une option "offensive", par opposition à
l'option "défensive" écartée ci-dessus. La France tenterait alors
de renforcer son positionnement dans des secteurs où elle est
déjà attractive, relevant notamment des industries de pointe, de
la recherche et le développement, ou des services à forte valeur
ajoutée. Cette stratégie peut impliquer une baisse du coût du
travail très qualifié, et, en exception à la remise en question
d'ensemble
des
mécanismes
permettant
la
réduction
de
l'assiette, un renforcement des aides à la recherche et au
développement, ainsi qu'un amortissement plus favorable
encore des biens incorporels.
CONSEIL DES IMPÔTS
289
C. - Quelle stratégie de lutte
contre les effets non souhaités
de la concurrence fiscale ?
Les mesures d'allégement évoquées ci-dessus seraient
toutefois inséparables d'une intensification de l'action menée
par la France au niveau national et communautaire pour
contrôler
davantage
les
phénomènes
dommageables
de
concurrence
fiscale,
sauf
à
entériner
la
tendance
à
l'harmonisation par le bas de la fiscalité des bases d'imposition
mobiles. Dans l'idéal, la France doit tenter de se prémunir
davantage contre les risques qu'un revenu produit sur son
territoire soit taxé dans un autre Etat, et contre la poursuite
d'une course au moins disant fiscal. Dans les deux cas, elle ne
peut procéder qu'en accord avec un cadre communautaire qui
ne laisse que peu de perspectives.
1. - La France ne doit pas renoncer
à une coordination
communautaire plus étroite
Comme cela a été dit, certains Etats de l'Union peuvent, à
court ou moyen terme, jouer sur une fiscalité réduite pour
attirer les bases imposables de leurs voisins, sans subir de
pertes
de
recettes
puisque
l'augmentation
de
l'assiette
compense la baisse des taux. Ils n'ont pas d'intérêt immédiat à
la mise en place d'un taux minimum d'imposition, pourtant
souhaitable du point de vue des grands Etats, et à long terme
souhaitable dans tous les cas pour éviter un processus de cercle
vicieux.
Les
travaux
internationaux
et
notamment
communautaires en vue de lutter contre les conséquences
dommageables de la concurrence fiscale ont permis d'obtenir
certains succès, mais restent en deçà du niveau souhaitable de
régulation pour la France et pour d'autres Etats qui ne peuvent
ni ne souhaitent s'engager dans une course au "moins-disant
fiscal". La notion de concurrence fiscale dite dommageable a été
appréciée dans un sens trop restrictif, et le processus
d'élimination des mesures identifiées comme telles est trop peu
CONSEIL DES IMPÔTS
290
contraignant ; il devrait notamment concerner certains aspects
de la fiscalité des personnes qui ont en réalité pour objet
d'attirer des activités.
Le principe de l'unanimité en matière fiscale a été
maintenu dans le texte de Constitution européenne récemment
adopté par les gouvernements de l'Union. Dans ces conditions,
le passage à la majorité qualifiée, nécessaire pour progresser
dans le sens souhaitable pour la France paraît peu probable. La
course au "moins-disant fiscal" demeure donc toujours un
danger pour la France et pour une majorité de pays au sein de
l'Union.
Toutefois, la France ne doit pas renoncer à maintenir sa
position et à plaider avec constance pour une poursuite de
l'exercice d'élimination des mesures fiscales dommageables,
voire même pour une modification du Traité permettant une
meilleure prise en compte de l'intérêt des Etats. Aujourd'hui
peu favorable, le contexte peut être modifié si certains pays
aujourd'hui opposés à un cadre contraignant se trouvent par la
suite victimes à leur tour des phénomènes de concurrence
fiscale.
La France doit par ailleurs poursuivre son exercice de
renégociation des conventions fiscales bilatérales avec le souci
d'éliminer les possibilités particulières d'optimisation qu'elles
peuvent offrir.
2. - La consolidation des
législations anti-abus, une voie
étroite
2.1. La tentation d'un durcissement de la législation nationale
Quels que soient les champs étudiés (grandes entreprises,
PME, salariés à hauts revenus, détenteurs de patrimoines
importants constitués de parts d'entreprise), les comportements
d'optimisation et d'évasion sont beaucoup plus marqués, et
beaucoup plus directement déterminés par les systèmes fiscaux,
que les décisions de localisation des activités ou de la résidence.
Les possibilités d'optimisation et d'évasion offertes par la
CONSEIL DES IMPÔTS
291
coexistence de systèmes fiscaux nationaux constituent du reste
pour les finances publiques un enjeu plus déterminant que
l'utilisation hasardeuse de l'outil fiscal à des fins d'attractivité
du territoire.
Là encore, pour être véritablement efficaces, les moyens
de lutte contre les abus devraient faire l'objet d'un consensus
communautaire, qui paraît hors d'atteinte. Bien au contraire,
l'effet de la jurisprudence nationale et communautaire tend à
déposséder les administrations fiscales de leurs moyens de lutte
contre les abus au moment même où ceux-ci devraient être
renforcés.
Les Etats se résignent ainsi à durcir isolément leurs
législations anti-abus. Ainsi, la Hongrie a récemment durci sa
législation CFC
207
en considérant qu'un pays appliquant un
taux de 2/3 inférieur au taux hongrois devait être considéré
comme un pays à fiscalité privilégiée
208
. L’Italie a introduit au
1
er
janvier 2002 une législation comparable à l'article 57 pour
s'autoriser des redressements en matière de prix de transfert, et
s'est dotée depuis le depuis le 1
er
janvier 2004 de moyens de
lutte contre la sous-capitalisation. L'Allemagne avait elle-même
renforcé sa législation en la matière en 2001. Ce durcissement
s'opère dans un contexte d'insécurité juridique, et conduit
parfois à remettre en question une partie des avantages
octroyés aux entreprises.
La nécessité de disposer de mécanismes anti-abus qui ne
procèdent pas des discriminations place en outre les Etats
devant un dilemme. Ou bien ils acceptent de se passer
entièrement de tels dispositifs, et se résignent à des pertes de
recettes significatives. Ou bien, pour les rendre compatibles
avec les principes communautaires, ils les étendent aux
résidents, soumettant ainsi leurs entreprises nationales à une
législation plus sévère.
207
Controlled foreign currency, se dit des législations analogues à l'article 209
B du CGI
208
Auparavant, seuls les pays dont le taux d’IS était inférieur à 10 % et avec
lesquels la Hongrie n’avait pas conclu de convention fiscale étaient visés
CONSEIL DES IMPÔTS
292
Les entreprises et la Commission européenne redoutent
actuellement une telle tendance qui aboutirait paradoxalement,
pour être en accord avec la jurisprudence communautaire, à
une
forme
de
régression
par rapport
aux
objectifs
de
stimulation de l'activité des entreprises que poursuit par
ailleurs l'Union européenne. Il en irait par exemple ainsi si les
Etats, dans le cas d'une décision de la CJCE favorable à la
société Marks et Spencer sur la question du périmètre
d'intégration, décidaient de supprimer le bénéfice de ce type de
régime pour les filiales nationales.
Une telle solution a déjà été retenue dans un certain
nombre de cas. Ainsi, le Royaume-Uni et l'Italie ont modifié
leur législation relative à la lutte contre la sous-capitalisation
pour qu'elle s'applique aussi bien aux intérêts versés à des
entreprises situées sur le territoire national qu’à l'étranger.
2.2. Les législations visant à réintégrer dans le bénéfice
taxable
en France les bénéfices réalisés dans des filiales situées
dans des Etats à fiscalité privilégiée peuvent être consolidées
dans un périmètre plus étroit
Lorsqu'elle est aussi générale que l'était l'article 209 B, une
législation CFC présente un certain caractère arbitraire. En
permettant à l'Etat qui l'applique de réintégrer unilatéralement
dans le bénéfice taxable sur son territoire les profits réalisés par
des filiales situées dans des pays à fiscalité privilégiée, un tel
dispositif conteste le droit d'une entreprise de réaliser des
bénéfices dans ce pays, alors qu'elle peut très bien choisir d'y
exercer de bonne foi une activité. En réalité, une telle législation
CFC ne peut être appliquée que par un pays autonome, capable
d'imposer sa volonté à ses partenaires commerciaux.
Compte tenu de la jurisprudence, il paraît peu probable
d'espérer rétablir une disposition aussi générale que l'article 209
B qui soit opérationnelle au sein de l'Union, même si certains
Etats membres sont dans les faits des pays à fiscalité privilégiée.
Un tel dispositif ne pourrait viser, au sein de l'Union, que les
"mécanismes purement artificiels visant à contourner la loi
fiscale", selon les propres termes de la jurisprudence de la CJCE,
CONSEIL DES IMPÔTS
293
ce qui constituerait malgré tout une situation moins défavorable
que l'impuissance actuelle.
Il
paraît
possible
de
concevoir
un
dispositif
plus
contraignant vis-à-vis des pays extérieurs à l'Union, sous
réserve de conformité avec les conventions fiscales. Une telle
législation est nécessaire pour un Etat tel que la France. Les
pays qui lui sont comparables ont développé ou adapté leurs
dispositifs dans ce domaine.
Les Etats sont aussi fondés à se prémunir contre le
transfert de bénéfices dans d'autres Etats, que ceux-ci soient
d'ailleurs à fiscalité privilégiée ou non : il importe donc
d'assurer l'effectivité des dispositions qui leur permettent de
lutter contre un tel transfert, que ce soit par le contrôle des prix
de transfert ou de la sous-capitalisation.
2.3. La législation sur la sous-capitalisation
De nombreux Etats ont actuellement une législation leur
permettant de lutter contre les formes jugées excessives de
sous-capitalisation. Il s'agit là d'un point central dans la lutte
contre la fuite vers d'autres Etats de bénéfices dégagés en
France.
Il semble possible de concevoir un dispositif qui ne
présenterait pas de caractéristiques discriminatoires selon le
pays de résidence des sociétés en cause. Ce dispositif prendrait
dès lors un caractère moins systématique que celui qui a été
invalidé par la jurisprudence, en permettant une analyse au cas
par cas des situations et une possibilité pour les entreprises de
pouvoir justifier leurs modalités particulières de financement.
Faute de trouver une possibilité de s'opposer aux abus, la
France pourrait être conduite à remettre en question ses
modalités de déductibilité des intérêts d'emprunt. Mais elle
perdrait ainsi un de ses avantages comparatifs. Elle doit donc
s'attacher à remettre en place rapidement un mécanisme de
lutte contre les abus en la matière.
CONSEIL DES IMPÔTS
294
2.4. La prévention et la transparence peuvent être renforcées
Des réflexions sont menées aux Etats-Unis et en Grande-
Bretagne pour créer les conditions d'une meilleure information
des administrations fiscales sur les stratégies et montages
fiscaux effectués par les conseils pour le compte de leurs clients,
dans des conditions dont le détail est donné en annexe 12.
Une telle réflexion pourrait être utilement menée dans
notre pays dans le but de sécuriser les entreprises sur les
solutions fiscales retenues dès lors qu’elles reposent soit sur des
interprétations de la loi, soit sur la mise en oeuvre de
mécanismes qui, tout en appliquant la loi, peuvent s’écarter de
son objectif.
Cette transparence accrue demandée aux conseils sur les
stratégies et les montages qu’ils mettent en oeuvre, présenterait
aussi l’avantage pour les pouvoirs publics de connaître
rapidement les insuffisances de formulation de la loi fiscale.
Elle permettrait au législateur de mieux répondre aux besoins
des entreprises, soit en confirmant le texte d’origine en pleine
connaissance de ses implications, soit en l’amendant s’il
apparaissait que son application puisse être détournée de ses
objectifs initiaux.
CONSEIL DES IMPÔTS
295
CONCLUSION
La concurrence fiscale est ambivalente : elle peut
apparaître comme un handicap pour les entreprises actives en
France, mais elle leur offre aussi dans les faits des possibilités
de réduire leur imposition tout en restant implantées dans notre
pays. Elle est bien davantage un problème pour les Etats,
puisqu'elle tend à limiter la maîtrise de leurs recettes fiscales.
Certes, la concurrence fiscale n'a pas conduit pour
l'instant à une remise en question fondamentale et systématique
du financement des Etats et de la répartition de la charge fiscale
entre les contribuables. Mais la pression est d'ores et déjà
sensible et ne peut que croître en l'absence de coordination. Si la
concurrence
fiscale
concerne
principalement
les
grandes
entreprises multinationales, il existe une tendance de fond à la
diffusion de ses mécanismes à des entreprises de taille
moyenne.
Or, dans l'ensemble, la France apparaît plutôt vulnérable
dans le contexte de la concurrence fiscale, du fait de la structure
de sa fiscalité, construite autour d'assiettes étroites et de taux
élevés, ce qui entraîne à la fois un handicap en termes d'image,
et de plus larges possibilités d'optimisation et d'évasion fiscale.
Si l'on effectue une comparaison terme à terme du
système fiscal français d'imposition des entreprises avec les
régimes étrangers, il apparaît que ses éléments favorables
(assiette étroite de l'impôt sur les sociétés, régime de groupe)
CONSEIL DES IMPÔTS
296
sont moins visibles que ses éléments défavorables (taux
nominal élevé de l'IS, poids de la taxe professionnelle,
imposition des plus-values de cession de titres, sans parler du
poids des cotisations sociales). Les indicateurs de pression
fiscale globale, bien que reposant sur des éléments fragiles, vont
aussi dans le sens d'une imposition plus élevée en France que
dans d'autres pays comparables, l'écart n'étant d'ailleurs pas
assez réduit pour apparaître de manière incontestable.
En matière de localisation des activités, ce constat
d'ensemble n'a qu'une portée limitée. En effet, le niveau de la
fiscalité n'est pas prépondérant pour la localisation des activités
et des emplois internationalement mobiles, qui sont bien
davantage déterminées par des facteurs d'environnement
géographique, par la qualité des infrastructures et par le coût
du travail. Le jugement sur le positionnement de la France doit
en outre être nuancé compte tenu de la diversité des situations
particulières et de la coexistence de dispositions plus ou moins
favorables. Ce résultat global n'empêche pas que certains
aspects du système fiscal jouent, dans des cas d'espèce, contre le
choix de notre pays pour l'implantation des entreprises.
S'agissant de l'imposition des particuliers, la taxation n'est
véritablement plus lourde en France par rapport aux pays
comparables que sur le patrimoine et les plus-values, non sur le
revenu. Ces écarts de taxation défavorables ne rendent toutefois
une expatriation avantageuse pour les contribuables concernés
que dans un très petit nombre de cas. Cette expatriation peut se
faire sans grandes conséquences économiques pour notre pays,
le lieu d'investissement des capitaux pouvant être différent du
lieu de résidence de leur détenteur.
Le Conseil des impôts appelle en revanche l'attention sur
le fait que la coexistence des systèmes fiscaux nationaux induit
des comportements d'optimisation internationale massifs. Du
fait de ses caractéristiques, la France est particulièrement
vulnérable
à
ces
phénomènes.
S'ils
conduisent
vraisemblablement dans les faits à réduire les écarts de pression
fiscale qui peuvent être perçus dans certains cas entre la France
et d'autres pays, et atténuer ainsi l'effet défavorable que ces
écarts peuvent exercer dans certains cas d'espèce, ils sont une
CONSEIL DES IMPÔTS
297
source d'inégalité devant l'impôt et constituent une menace
pour la souveraineté et l'équilibre budgétaire des Etats.
Cette menace est amplifiée, en l'absence d'accord des
gouvernements au niveau communautaire, par la jurisprudence
récente du juge européen et du juge national. Les perspectives
d'une solution coordonnée semblent éloignées, alors même que
la concurrence fiscale semble appelée à exercer dans l'avenir
une pression sur les Etats bien plus appuyée qu'aujourd'hui. La
France doit donc, lorsque cela est possible, tenter de combler
par de nouveaux dispositifs compatibles avec les textes
communautaires les lacunes révélées ou latentes de son
appareil législatif de lutte contre certains abus, sans pour autant
renoncer à la perspective d'une solution d'ensemble au niveau
communautaire. Elle ne doit pas s'interdire de recourir à des
modalités de dissuasion novatrices.
Dans la période récente, la stratégie fiscale de la France a
tenu compte des phénomènes de concurrence entre les Etats,
mais du fait de ses caractéristiques propres, et en particulier
d'un taux de chômage élevé, elle a surtout joué sur le niveau
des cotisations sociales, alors que ses partenaires ont privilégié
d'autres paramètres, tels que le taux nominal d'imposition des
bénéfices des sociétés. La stratégie française en matière
d'attractivité doit désormais prendre acte de ce contexte.
Il importe avant tout aujourd'hui de faire le choix
clairement affiché d'une stratégie de moyen terme visant à
rapprocher le système français d'imposition des entreprises
d'un modèle offrant des taux nominaux plus réduits, en
contrepartie de dérogations moins nombreuses. S'engager dans
la voie d'un mouvement de réduction massif de la pression
fiscale effective n'est pas d'actualité, en l'absence de marges de
manoeuvre budgétaires et dans l'incertitude des effets d'une
telle démarche. Il ne serait pas non plus pertinent de prendre
quelques mesures ponctuelles, surtout si elles devaient créer de
nouvelles dérogations à la norme.
A minima, le Conseil des impôts recommande de prendre
les mesures susceptibles de réduire la singularité française, en
particulier
en
mettant
un
terme
aux
contributions
additionnelles à l'IS et en mettant fin à la taxation des plus-
CONSEIL DES IMPÔTS
298
values de cession de titres détenus par les entreprises. Ces
mesures
pourraient
être
cependant
partiellement
et
temporairement financées pour les premières années au moyen
d'une taxe libératoire sur la réserve spéciale des plus-values à
long terme.
Une telle stratégie aurait non seulement l'avantage de
combattre les effets d'affichage qui peuvent être défavorables
au choix de la France, mais aussi de limiter l'intérêt de
l'optimisation internationale et les possibilités d'y recourir.
CONSEIL DES IMPÔTS
299
LISTE DES PERSONNES
AUDITIONNÉES PAR LE CONSEIL DES
IMPÔTS
Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie
M. Hervé LE FLOC’H LOUBOUTIN, directeur de la législation fiscale
M. Vincent MAZAURIC, sous-directeur, direction de la législation
fiscale
Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche
Guy GILBERT, professeur agrégé des universités
Représentants des entreprises
Mouvement des entreprises de France (
MEDEF)
Jacques CREYSSEL, directeur général
Robert BACONNIER, Président du comité fiscal
Agnès LEPINAY, directrice des affaires économiques, financières et
fiscales
Confédération générale des petites et moyennes entreprises (
CGPME)
Jean-François ROUBAUD, président
CONSEIL DES IMPÔTS
300
Pascal LABET, directeur des affaires économiques
Gérard ORSINI, président de la commission juridique et fiscale
Association française des entreprises privées (AFEP)
Alexandre TESSIER, directeur général
Stéphanie ROBERT, directeur du service des affaires fiscales
Jean-Charles SIMON (directeur)
Avocat fiscaliste
Michel TALY, avocat au Cabinet Landwell et associés
Commission européenne
Robert VERRUE, directeur général -- direction générale fiscalité et
union douanière
Michel AUJEAN, directeur de la politique fiscale -- direction générale
fiscalité et union douanière
CONSEIL DES IMPÔTS
301
LISTE DES PERSONNES
RENCONTRÉES PAR LES
RAPPORTEURS
Commissions des finances
Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances de
l’Assemblée nationale
Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances du
Sénat.
Conseil d’Etat
Olivier Fouquet, Président de section
Stéphane
Gervasoni,
maître
des
requêtes
au
Conseil
d’Etat,
référendaire à la CJCE
Jean
Maïa,
maître
des
requêtes,
responsable
du
centre
de
documentation fiscale
Laurent Olléon, maître des requêtes, responsables du centre de
documentation fiscale
Cabinets d’avocats fiscalistes
Hervé Bidaud, avocat associé,
société d’avocats Ernst and Young
Law
CONSEIL DES IMPÔTS
302
Yann de Givré, directeur de FIDAL
Michel Taly,
cabinet Landwell et associés
Entreprises
Olivier Bourges, directeur des études économiques, Renault
Damien Boyer-Chammard, directeur du contrôle des investissements,
Renault
Arnaud de Bresson, secrétaire général, Paris Europlace
Patrick de Fréminet, consultant indépendant, Association nationale
des sociétés par action (ANSA)
François Garcia, directeur des services fiscaux et douaniers, Renault
Sylvie Puech, directeur fiscal, Louis Vuitton Moët Hennessy
Jean-Charles Simon, directeur, Stéphanie Robert, directeur du service
des affaires fiscales, AFEP
Partenaires sociaux
Robert Baconnier, président du directoire, CMS Bureau Francis
Lefèbvre, président de la commission fiscale du MEDEF
Marie-Pascale Antoni, directeur adjoint chargée des affaires fiscales,
MEDEF
Pascal Labet, responsable du service fiscalité
Gérard Orsini, avocat à la Cour, président de la commission juridique
et fiscale, CGPME
Serge Colin, secrétaire général, SNUI-FDS
Christine Bugna, secrétaire nationale,
SNUI-FDS
Banque de France
Dominique Nivat, Balance des paiements
Bruno Terrien, Balance des paiements
Chambre de commerce et d’industrie de Paris
CONSEIL DES IMPÔTS
303
Jean-Paul Vermes, président de la commission fiscale
Mirko Hayat, responsable du département fiscal
Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables
Patrick Colin, directeur chargé des affaires fiscales au Conseil
supérieur de l’Ordre des experts-comptables
Administration
Antoine Bracchi, président du Conseil national de la comptabilité
Alain
Dorison,
secrétaire
général
du
Conseil
national
de
la
comptabilité
Philippe Dufresnoy, sous-directeur, service de l’application, direction
générale des impôts
Frédéric Iannucci, sous-directeur, direction générale des impôts
Henri Lamotte, sous-directeur, Direction de la prévision et de
l’analyse économique
Jean-Pierre Lieb, sous-directeur, direction générale des impôts
Vincent Mazauric, sous-directeur, direction générale des impôts
Marc Wolf, sous-directeur du contrôle fiscal, direction générale des
impôts
Jean-Luc Barçon-Maurin, chef du bureau B2, direction générale des
impôts
Catherine Brigand, chef du bureau D1, direction générale des impôts
Edouard Marcus, chef du bureau E2, direction générale des impôts
Fernand Pierre, directeur, direction nationale des enquêtes fiscales,
direction générale des impôts
Bernard Salvat, directeur adjoint, direction nationale de vérifications
de situations fiscales
Gérard Couroyer, directeur des services fiscaux (Nord-Lille), direction
générale des impôts
CONSEIL DES IMPÔTS
304
Serge Klendek, directeur, direction de contrôle fiscal Rhône-Alpes-
Bourgogne, direction générale des impôts
Michel Castagnet, directeur adjoint, direction de contrôle fiscal Rhône-
Alpes-Bourgogne, direction générale des impôts
David Bouchoucha, direction du trésor, sous-direction B, rapporteur
général du rapport Huyghe sur les quartiers généraux
Philippe Jaeck, directeur divisionnaire, direction de contrôle fiscal
(Nord), direction générale des impôts
Gérard Leroy, direction des services fiscaux, (Nord-Lille), direction
générale des impôts
Bernard Pollet, directeur divisionnaire, direction des services fiscaux,
(Nord-Lille), direction générale des impôts
Sylvain Rieb, directeur divisionnaire, direction de contrôle fiscal
(Nord), direction générale des impôts
Jean Baldeyrou, inspecteur principal, direction des services fiscaux
(Nord-Lille), direction générale des impôts
Corinne Caraux, inspectrice principale, sous-direction B, direction
générale des impôts
Jean-Paul Delbecque, inspecteur principal, direction des services
fiscaux, fiscaux (Nord-Lille),direction générale des impôts
Béatrice Ciolzyk, inspectrice, direction des services fiscaux, (Nord-
Lille), direction générale des impôts
Corine
Darmaillacq,
attachée
INSEE ,
direction
des
relations
économiques extérieures
Michel Dupont, attaché fiscal à Bruxelles
Maïté Gabet, directrice divisionnaire, direction des vérifications
nationales et internationales, direction générale des impôts
Frédéric Himpens, direction générale des impôts
Delphine Huyghe, bureau E1, direction du trésor
Hervé Quéré, bureau B1, direction générale des impôts
Martine VIGNON, attachée fiscale à Berlin
Agence française pour les investissements internationaux (AFII)
Bernard Yvetot, directeur
CONSEIL DES IMPÔTS
305
Marie-Catherine Alric, fiscaliste
Franck Avice, conseiller juridique
Edouard Mathieu, conseiller économique
Conseillers fiscaux
Yann de Givre, président de l’institut des avocats conseils fiscaux
(IACF)
Véronique Favreau, conseiller fiscal
Avocats associés
,
CMS bureau Francis Lefèbvre,
Lyon
André Boyer
Jean-François Clément
Pierre Devis
Jean-Claude Gibert
Jean-Claude Trambouze
Avocats associés, cabinet Ratheaux, Lyon
Michel Belin
Christian Muller
Avocat associé (avocat de M. Lasteyrie du Saillant) Lefèvre-Pelletier,
Paris
Eric Ginter
Monassier et associés
Bernard Monassier, notaire
Universitaires
Benoît Coeure, Chargé de cours, Ecole polytechnique
Isabelle Rabaud, Maître de conférences, Université d’Orléans
Personnalités qualifiées
Agnès Bénassy-Quéré, économiste, CEPII
CONSEIL DES IMPÔTS
306
Commission européenne
Unité de coordination des politiques fiscales, DG TAXUD
Jean-Emmanuel Dulière, administrateur principal
Carola Magguilli, administratrice
Tom Neale, administrateur
Mark Clercs, administrateur
Italie
Agencia delle Entrate
Paolo Ciacco, directeur des relations internationales
Andrea Manzitti, directeur général
Libero Angelillis, directeur du secteur des analyses et des recherches
Maria Paola Mastroeni, directrice de l’office des comparaisons
internationales
Alessandro Blasi, directeur de cabinet du directeur général
Royaume-Uni
Inland Revenue
Adam Sharples, directeur des relations internationales
Treasury
Andrew Lewis, chef de l’unité de la politique fiscale
Jenny Bates, économiste
Organisations
internationales
Flemming Larsen, représentant du FMI pour l’Europe
Jeffrey Owens, chef de l’unité administrative et fiscale, OCDE
CONSEIL DES IMPÔTS
307
LISTE DES TABLEAUX
Page
s
Tableau
1
Taux
nominaux
d’imposition
des
bénéfices…………
20
Tableau
2
Evolution des taux marginaux supérieurs
d’imposition
sur
le
revenu…………………………..
22
Tableau
3
Taux nominaux d’imposition des bénéfices
(fiscalité
locale
et
nationale)…………………………………..
28
Tableau
4 Taux nominaux d’IS des nouveaux adhérents à
l’UE………………………………………………….
29
Tableau
5 Evolution du montant total des prélèvements
obligatoires…………………………………………
..
30
Tableau
6
La structure des recettes fiscales, moyenne
OCDE…
31
Tableau
7
Part des recettes d’IS dans les recettes fiscales
totales
de
plusieurs
pays
européens…………………
31
Tableau
8
Principales
impositions
acquittées
par
les
entreprises
38
Tableau
Taux
nominaux
de
l’IS,
40
CONSEIL DES IMPÔTS
308
9
2004………………………..
Tableau
10
L’imposition locale des activités productives
des entreprises dans les autres pays de l’Union
européenne…………………………………………
..
42
Tableau
11
Poids des taxes locales dans 5 pays en % de la
valeur
ajoutée………………………………………………
.
43
Tableau
12
L’imposition sur la fortune dans les Etats de
l’Union
européenne
en
2002…………………………………
45
Page
s
Tableau
13
Amortissement des acquisitions de machines
outils
en
Europe……………………………………………
48
Tableau
14
Quelques
régimes
d’intégration
en
Europe………….
52
Tableau
15
L’imposition
de
la
transmission
d’une
entreprise d’une valeur de 15 millions d’euros
dans
certains
pays
européens………………………………………
63
Tableau
n°16 Imposition d’un contribuable célibataire au
revenu
brut
annuel
de
183
000
euros
(2000)………………..
65
Tableau
17
Effectifs
comparés
du
contrôle
fiscal………………..
69
Tableau
18
Taux
implicites
macro-économiques
d’imposition
des
entreprises,
1995-
2001…………………………..
73
Tableau
19
Rang de la France selon différents calculs de
taux
apparents…………………………………………
….
74
Tableau
Rapport de la charge fiscale globale sur la
valeur ajoutée dans 5 pays, étude sur cas
75
CONSEIL DES IMPÔTS
309
20
types…………….
Tableau
21
Classement par pays du G7 + 4
selon les
différents
indices
composites…………………………………..
87
Tableau
22
Tableau de bord de l’attractivité de la France
dans
un
ensemble
de
10
pays……………………………..
89
Tableau
23
Investissements directs étrangers à destination
ou
en
provenance
de
la
France…………………………….
92
Tableau
24
Emplois créés par des sociétés étrangères en
Europe
95
Tableau
25
Ratio
d’emplois
créés
par
des
sociétés
étrangères
et
taux
nominal
d’IS……………………………………
101
Tableau
26
Projets français où les aides ont compensé la
taxe
professionnelle……………………………………
113
Tableau
27
Destination des redevables de l’IR ayant quitté
la
France
et
structure
des
exportations
françaises
en
1999.…………………………………………………
124
Tableau
28
Ventilation de l’ISF en 2001 par tranche de
patrimoine
imposable………………………………..
127
Tableau
29
Le
plafonnement
de
l’ISF
en
2001…………………..
129
Tableau
30
Flux
de
délocalisations
de
redevables
à
l’ISF……….
134
Page
s
Tableau
31
Evolution du nombre de redevables personnes
physiques délocalisées et de leur patrimoine
imposable
à
l'ISF.……………………………………
135
Tableau
Destination des redevables ISF délocalisés en
136
CONSEIL DES IMPÔTS
310
32
2001...
Tableau
33
Répartition de l’ISF par tranche d’âge des
redevables
en
2001…………………………………..
140
Tableau
34
Pertes annuelles en droits et en bases du fait de
la
délocalisation
de
redevables
à
l’ISF…………………
142
Tableau
35
Imposition relative des grandes entreprises par
rapport aux petites entreprises du secteur
manufacturier
sur
la
période
1990-
1999…………….
159
Tableau
36
Charge fiscale des entreprises en France en 2000
et 2001 selon l’appartenance à un groupe et
divers
critères
de
taille……………………………………...
160
Tableau
37
Part
des
opérations
de
contrôle
externe
comportant
au
moins
un
redressement
à
l’international…………
161
Tableau
38
Montant total et nombre des redressements
internationaux
de
prix
de
transfert
(en
base)………..
167
Tableau
39
Contentieux
des
redressements
pour
manipulation
des
prix
de
transfert………………………………….
168
Tableau
40
Redressements en base notifiés au titre d’une
sous-capitalisation
excessive……………………………...
169
Tableau
41
Redressements en base au titre de l’article 238-
A….
170
Tableau
42
Redressements en base notifiés au titre de
l’article
209-
B………………………………………………..
170
Tableau
43
Mesures dommageables prolongées à la suite
du
Conseil
Ecofin
du
6
mars
2003……………………...
205
Tableau
44
Evolution du taux d’IS en France depuis
1993……...
227
CONSEIL DES IMPÔTS
311
Tableau
45
Evolution
des
taux
d’IS
dans
l’Union
européenne, aux Etats-Unis et au Japon (1986-
2003)…………….
228
Tableau
46
Taux
d’IS
des
nouveaux
adhérents
à
l’Union……….
237
Tableau
47
Principaux pays attractifs sur les secteurs de
spécialisation
de
la
France…………………………..
247
CONSEIL DES IMPÔTS
313
GLOSSAIRE
AFII
Agence
française
pour
les
investissements
internationaux
AMF
Autorité des marchés financiers
APP
Accord préalable sur les prix
ARC
Accounting Regulatory Comittee
BCE
Banque centrale européenne
BRN
Bénéfices réels normaux
CAE
Conseil d’analyse économique
CE
Conseil d’Etat
CEPII
CJCE
Centre
d’études
prospectives
et
d’informations
internationales
Cour de justice des communautés européennes
CFC
(Législations)
« Controled foreign companies »
CGPME
Confédération
générale
des
petites
et
moyennes
entreprises
CRDS
Contribution pour le remboursement de la dette
sociale
CSG
Contribution sociale généralisée
CONSEIL DES IMPÔTS
314
CNUCED
Conférence des Nations-Unies pour le commerce et le
développement
CRC
Comité de réglementation comptable
DGCP
Direction générale de la comptabilité publique
DGI
Direction générale des impôts
DLF
Direction de la législation fiscale
DNEF
Direction nationale des enquêtes fiscales
DNVSF
Direction nationale des vérifications de situations
fiscales
DP
Direction de la prévision et de l’analyse économique
DVNI
Direction des vérifications nationales et internationales
EBE
Excédent brut d’exploitation
ENE
Excédent net d’exploitation
EFRAG
European Financial Reporting Advisory
ECOFIN
(Conseil)
Conseil des ministres de l’économie et des finances de
l’Union européenne
FBCF
Formation brute de capital fixe
FCPE
Fonds communs de placements
dans l’entreprise
FMI
Fonds monétaire international
IAS
International Accounting Standards Board
IASB
International Accounting Standards Board
IASC
International Accounting Standards Comittee
IDE
Investissements directs étrangers
IGF
Inspection générale des finances
IR
Impôt sur le revenu
IS
Impôt sur les sociétés
ISF
Impôt de solidarité sur la fortune
JOCE
Journal officiel des communautés européennes
LFI
Loi de finances initiale
LFR
Loi de finances rectificative
CONSEIL DES IMPÔTS
315
LPF
Livre des procédures fiscales
MdF
Milliards de francs
Md€
Milliards d’euros
MF
Millions de francs
M€
Millions d’euros
MEDEF
Mouvement des entreprises de France
MINEFI
Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie
OCDE
Organisation de coopération et de développement
économiques
OPCVM
Organismes
de
placement
collectif
en
valeurs
mobilières
PCG
Plan comptable général
PEA
Plan d’épargne en actions
PECO(
S)
Pays d’Europe centrale et orientale
PEE
Plan d’épargne entreprise
PIB
Produit intérieur brut
PME
Petites et moyennes entreprises
RSMF
Régime des sociétés mères et filiales
TICE
Traité
instituant les communautés européennes
TP
Taxe professionnelle
UE
Union européenne
VA
Valeur ajoutée
CONSEIL DES IMPÔTS
317
ANNEXES
CONSEIL DES IMPÔTS
319
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1 :
La concurrence fiscale et la localisation de
l'épargne
Annexe 2 :
Taux nominaux de l'IS en vigueur dans les 15
Etats membres de l'UE (détail)
Annexe 3 :
Evolution des taux implicites d'imposition du
travail et du capital
Annexe 4 :
Poids des cotisations de sécurité sociale en
Europe
Annexe 5 :
Le régime du bénéfice consolidé
Annexe 6 :
Le régimes mère-fille en Europe
Annexe 7 :
Le poids des grandes opérations dans les
investissements directs étrangers en France
Annexe 8 :
Comparaison des taux implicites de l'IS en
Europe
Annexe 9 :
La largeur de l'assiette de l'IS en Europe
Annexe 10 :
Le niveau de la charge fiscale en France par
secteurs
Annexe 11 :
Les créations d'emplois par des sociétés
étrangères en Europe selon les secteurs d'activité.
CONSEIL DES IMPÔTS
320
Annexe 12 :
Les mesures récentes de lutte contre
l'optimisation aux Etats-Unis et en Grande-
Bretagne
Annexe 13 :
Evolution des principales recettes fiscales 1991-
2003
CONSEIL DES IMPÔTS
321
ANNEXE 1
LA CONCURRENCE FISCALE ET LA
LOCALISATION DE L'EPARGNE
Les phénomènes de concurrence fiscale sur l'épargne
sont particulièrement vifs
En 1984, les Etats-Unis ont aboli la taxe (à hauteur de
30%) sur les intérêts de portefeuille - notamment les obligations
émises par le Trésor ou par les entreprises américaines - perçus
par des non-résidents. Pour satisfaire leur fort besoin de
financement, le gouvernement et les entreprises devaient en
effet emprunter à l’étranger, si possible au moindre coût. La
suppression de cette taxe leur permettait, à coût d’emprunt
constant, d’offrir des rendements plus élevés aux créanciers
étrangers. Elle a eu pour conséquence de contraindre de
nombreux pays à agir de même, par peur de voir une partie de
leur capital financier migrer vers les Etats-Unis. La plupart des
pays européens ne taxent plus à présent les intérêts perçus par
des non-résidents sur les obligations et dépôts bancaires.
[Les personnes fiscalement non domiciliées en France
sont
imposables
à
raison
de
leurs
revenus
de
source
française
209
. Ces revenus comprennent notamment les revenus
de valeurs mobilières françaises à revenu variable (déposées en
France ou hors de France) et les revenus de tous autres capitaux
mobiliers placés en France (parts sociales, placements à revenu
fixe). Les règles suivantes s’appliquent sous réserve des
conventions
fiscales.
Les
dividendes
et
autres
revenus
distribués par les sociétés françaises sont en principe soumis à
209
Les personnes non domiciliées en France qui y disposent d’une ou de
plusieurs habitations sont susceptibles, sous certaines conditions, d’être
imposées sur une base égale à trois fois la valeur locative de cette ou de ces
habitations si cette base forfaitaire est supérieure aux revenus de source
française des intéressées.
CONSEIL DES IMPÔTS
322
une retenue à la source de 25 % et ce taux est porté à 50 % pour
les dividendes distribués par des holdings de participations
étrangères à des personnes dont le domicile fiscal ou le siège de
direction effective est situé dans un pays étranger n’ayant pas
avec la France de convention fiscale destinée à éviter les
doubles impositions. Les produits de placements à revenu fixe
supportent un prélèvement dont le taux varie selon leur nature.
Cependant, beaucoup de ces produits sont exonérés en
application du droit interne : intérêts des livrets A de caisses
d’épargne, des comptes et des plans d’épargne logement, des
livrets d’épargne entreprise, des plans d’épargne populaire,
etc.]
En 1989, l'Allemagne a réintroduit une taxation de 10%
sur les intérêts des comptes bancaires mais a dû y renoncer
devant une fuite de capitaux vers le Luxembourg estimée à 100
milliards de marks.
La concurrence fiscale pour la localisation de l'épargne
n'a que peu d'impact sur la problématique de la localisation
des activités
Si la mobilité des capitaux permet une déconnexion entre
le lieu de résidence de l'actionnaire et celui de l'investissement
final, cette déconnexion est à double sens. Certes, les personnes
physiques sont in fine les actionnaires des grandes entreprises
qui véhiculent la concurrence fiscale. En tant qu’actionnaires,
elles sont en principe les propriétaires des entreprises : la
stratégie fiscale des sociétés devrait donc être élaborée en vue
de la seule satisfaction de leurs actionnaires. En réalité, ce n’est
pas ainsi que raisonnent les multinationales. Bien que cotées sur
une place financière particulière, elles sont indifférentes à la
nationalité des capitaux qu’elles lèvent : il leur est facile de se
financer sur tous les marchés mondiaux. Leurs actionnaires
sont généralement répartis dans le monde entier. Cette
dispersion implique une grande disparité entre les régimes
fiscaux auxquels ils sont soumis. Dès lors, il est généralement
admis que la fiscalité de l'épargne joue un rôle secondaire dans
les
mécanismes
de
concurrence
fiscale
impliquant
les
entreprises. En revanche, la fiscalité de l'épargne serait
évidemment à prendre en compte pour une étude des
CONSEIL DES IMPÔTS
323
phénomènes de concurrence fiscale dans le domaine de la
localisation de l'épargne des ménages. A son tour, ce sujet est
éloigné de la problématique retenue ici qui se concentre sur les
mécanismes impliquant l'entreprise, avec l'objectif d'évaluer les
effets de la concurrence fiscale sur l'activité et l'emploi.
CONSEIL DES IMPÔTS
324
ANNEXE 2
TAUX DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS
EN VIGUEUR EN 2004
DANS LES QUINZE ÉTATS
DE L'UNION EUROPÉENNE
ALLEMAGNE
25 % et majoration de 5,5 % de l’impôt. Taux
effectif : 26,37 %.
Il existe par ailleurs un impôt au profit des
communes (
Gewerbesteuer
) assis sur le résultat
corrigé des entreprises.
AUTRICHE
34 %
25 % pour les sociétés de financement de petites et
moyennes entreprises
BELGIQUE
33 % si le bénéfice est supérieur ou égal à 322 500 €
210
Taux progressifs de 24,25 à 34,5 % si le bénéfice est
inférieur à 322 500 €
211
(une majoration conjoncturelle égale à 3 % du
montant de l'impôt s’y ajoute si bien que le taux
effectif maximum est de 33,99 %)
DANEMARK
30 %
ESPAGNE
En général 35 %
Pour les petites et moyennes entreprises (chiffre
d’affaires inférieur ou égal à 5 M€) :
30 % si le bénéfice est inférieur ou égal à 90 152 €
35 % au-delà
25 % pour les sociétés d'assurance mutuelle et
coopératives de crédit et 20 % pour les autres
210
Taux applicable à l'ensemble du bénéfice.
211
de 0 à 25 000 € : 24,25 % ; de 25 000 à 90 000 € : 31 % ; de 90 000 à 322 500 €
:
34,5 % (majoration destinée à effacer progressivement l'avantage des taux
réduits de 24,25 % et de 31 % par rapport au taux de 33 %)
CONSEIL DES IMPÔTS
325
sociétés coopératives.
FINLANDE
29 %
France
33 1/3 %
15% pour les petites et moyennes entreprises
(chiffre d’affaires inférieur à 7,63 M€) pour la
fraction des bénéfices inférieure à 38 120 €.
S’ajoutent à l’IS :
- une contribution additionnelle de 3 % ;
- une contribution sociale de 3,3 % pour les
entreprises autres que les PME dont l’impôt
sur les sociétés est supérieur à 0,763 M€.
GRECE
35 %
IRLANDE
¾
Bénéfices industriels ou commerciaux
:
- En général : 12,5 %.
- 10 % pour les sociétés industrielles, de
services informatiques et financiers ou de
fabrication de biens en Irlande.
¾
Bénéfices considérés comme n'étant pas
industriels ou commerciaux
212
25 %
ITALIE
33 %.
Il existe par ailleurs un impôt régional
sur
la
valeur
ajoutée
nette
(hors
amortissements) au taux général de 4,25 %,
212
Bénéfices provenant de la fraction de chiffre d'affaires comprenant des
intérêts d'obligations d'Etat, des redevances, des revenus fonciers relatifs à
des biens situés en Irlande, des gains tirés de la négociation de terrains à bâtir
mais également ceux provenant des activités pétrolières et minières.
CONSEIL DES IMPÔTS
326
non déductible de la base de l'impôt sur les
sociétés.
LUXEMBOURG
22 % si le bénéfice est supérieur à 15 000 € (taux
applicable à l'ensemble du bénéfice)
20 % si le bénéfice est supérieur à 10 000 €
2 000 € et 26 % sur la tranche de bénéfice
comprise
entre
10 000
et
15
000
(progressivité globale et non par tranches)
Une surtaxe pour fonds de chômage égale à 4
% de l’impôt s’y ajoute.
PAYS-BAS
29 % si le bénéfice est inférieur à 22 869 €
34,5 % au-delà
PORTUGAL
27,5 % en général (imposition d'Etat de 25 % et
imposition locale maximum de 2,7 %)
20 % pendant 3 ans au moins pour les petites et
moyennes entreprises (autres que sociétés
anonymes) dont le chiffre d’affaires annuel
est inférieur ou égal à 149 639 €
ROYAUME-UNI
0 % si le bénéfice est inférieur ou égal à 10 000 £
(14 493 € ) :
Taux de 0 % à 19 % si le bénéfice est compris
entre 10 000 £ et 50 000 £ (de 14 493 € à
72 464 €) ;
19 % si le bénéfice est compris entre 50 000 £ et
300 000 £ (de 72 464 € à 434 784 €) ;
Taux de 19 % à 30 % si le bénéfice est compris
entre 300 000 £ et 1,5 M£ (de 434 784 € à
2,17 M€) ;
30 % si le bénéfice est supérieur à 1,5 M£
(2,17 M€) (taux applicable à l'ensemble du
bénéfice)
CONSEIL DES IMPÔTS
327
SUEDE
28 %
CONSEIL DES IMPÔTS
329
ANNEXE 3
ÉVOLUTION DES TAUX IMPLICITES
D’IMPOSITION DU TRAVAIL
ET DU CAPITAL
En %
Revenus du travail
Revenus du capital
1995
1998
2001
1995
1998
2001
Allemagne
39,5
40,7
39,9
21,1
23,6
22,6
Autriche
39,0
40,2
40,2
24,4
25,7
31,3
Belgique
44,2
44,6
43,8
23,8
27,1
28,7
Danemark
40,8
39,9
41,5
26,3
34,6
30,2
Espagne
28,9
28,7
29,4
20,8
24,4
28,2
Finlande
44,7
44,3
44,2
27,6
31,5
27,1
France
43,2
43,9
43,3
30,8
34,5
39,1
Grèce
34,4
37,3
36,5
10,8
15,3
15,5
Irlande
29,7
28,9
27,3
21,8
24,0
29,2
Italie
37,8
42,8
41,6
26,3
27,4
28,3
Luxembourg
29,8
29,0
30,3
30,6
29,8
36,8
Pays-Bas
35,1
33,6
31,7
24,8
28,9
31,8
Portugal
31,1
32,9
34,1
20,7
26,6
30,7
Royaume-Uni
26,1
25,7
25,8
27,5
31,7
35,1
Suède
48,6
51,3
49,1
16,9
30,6
34,5
Moyenne UE
37,5
38,0
37,0
24,5
27,9
29,8
Note : Les chiffres mentionnés en 2001 pour le Portugal et la
Suède datent en fait respectivement de 1999 et 2000 ; par ailleurs, les
moyennes sont pondérées. Les ventilations par facteur de production
sont issues des revenus 2000.
Source : Commission européenne (2003)
Commentaire : les différents prélèvements répertoriés par
l’O.C.D.E. ou la Commission européenne se rapportent le plus
souvent à plusieurs facteurs de production. Le calcul des taux
implicites d’imposition nécessite par conséquent de nombreux
retraitements comptables. Les estimations reposent en fait sur des
CONSEIL DES IMPÔTS
330
procédures ventilant - de manière plus ou moins artificielle - chaque
prélèvement entre les différents facteurs de production.
A titre d’exemple, l’impôt sur les revenus, les bénéfices et les
gains en capital des personnes physiques englobe des prélèvements
sur le travail et sur le capital. Il est donc réparti suivant une clé (en
France, environ 74% pour les revenus salariaux, 18% pour les revenus
des travailleurs indépendants, 8% pour les revenus des placements).
Les revenus des travailleurs indépendants sont répartis à leur tour
entre travail et capital en fonction des données macroéconomiques
produites par les comptables nationaux (notamment en affectant au
facteur travail un revenu équivalent au salaire moyen dans la branche,
le solde étant affecté au facteur capital) ; or ces données ne distinguent
pas les revenus fiscalement déductibles.
D'autres exemples de ventilation concernent la taxe d'habitation,
qui est partagée pour moitié entre capital et travail ; la CSG et la CRDS
qui sont ventilées à raison de 12% pour le capital et de 88% pour le
travail.
La totalité des recettes fiscales est prise en compte ; pour le
capital, on agrège à la fois les impôts portant sur le stock et sur le
revenu, ce qui soulève en soi une difficulté supplémentaire.
CONSEIL DES IMPÔTS
331
ANNEXE 4
COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE
EN EUROPE
(en % des coûts de main d’oeuvre)
Pays
Salarié
Employeur
Total
Belgique
11
24
35
Allemagne
17
17
34
Luxembourg
12
12
24
Danemark
11
1
12
Pays-Bas
19
10
29
Italie
7
25
32
Finlande
5
20
25
Autriche
14
23
37
Suède
5
25
30
France
9
29
38
Royaume-Uni
7
8
15
Irlande
4
10
14
Espagne
5
23
28
Grèce
12
22
34
République tchèque
9
26
35
Pologne
21
17
38
Portugal
9
19
28
Slovaquie
9
28
37
Hongrie
9
24
33
Moyenne
10,2
19,1
29,3
Source : CDC -- IXIS (2003). Données hors fiscalité affectée.
CONSEIL DES IMPÔTS
333
ANNEXE 5
LE RÉGIME DU BÉNÉFICE CONSOLIDÉ
Le tableau suivant détaille le coût pour l'Etat et le gain
pour les entreprises du régime du bénéfice consolidé :
Tableau n°48 :
Gains induits par le régime du bénéfice consolidé
En K€
Coût en IS
Gain IS
Gain
en précompte
1998
194 220
229 283
659 190
1999
7 925
395 944
902 562
2000
40 777
1 040 302
520 278
2001
0
570 027
277 233
Source :DGI
Note de lecture : le « coût IS » est le surcoût qu’engendre dans certains
cas très limités le régime du bénéfice consolidé par rapport au régime
de droit commun (notamment lorsque les bénéfices réalisés par les
filiales à l'étranger sont importants). Le « gain IS » correspond aux
restitutions ou imputations d’IS français sur l’IS consolidé.
CONSEIL DES IMPÔTS
335
ANNEXE 6 : LES RÉGIMES MÈRE-FILLE
EN EUROPE
CONSEIL DES IMPÔTS
336
Tableau n°49 :
Comparatif des régimes mères-filles en Europe
Etat
Taux
d’exonéra-
tion
Condition de
nationalité de la
filiale
Condition
de
participatio
n
Durée de
détention
France
95%
Aucune
5%
2 ans
Allem.
100%
Aucune
Aucune
Aucune
Autriche
100%
Sociétés résidentes
Aucune
Aucune
Autriche
100%
Sociétés non
résidentes
25%
1 an
Belgique
95%
AUCUNE
10%
1 an
Danemar
k
100%
Résidente, UE ou
pays signataire
d’une convention
20%
1 an
Espagne
100%
Sociétés résidentes
5%
1 an
Finlande
100%
Résidente, UE, ou
pays signataire
d’une convention
25%
Aucune
Grèce
100%
Sociétés résidentes
Aucune
Aucune
Grèce
100%
Sociétés non
résidentes établies
dans UE
25%
2 ans
Irlande
100%
Sociétés résidentes
Aucune
Aucune
Irlande
100%
Sociétés non
résidentes établies
dans UE
25%
Aucune
Luxemb.
100%
Résidente, UE ou
pays signataire
d’une convention
10%
1 an
Norvège
100%
Sociétés résidentes
Aucune
Aucune
Pays-Bas
100%
AUCUNE
5%
Aucune
Portugal
100%
Sociétés résidentes,
UE
10% pour les
sociétés
résidentes
1 an pour
les
sociétés
résidente
s
Portugal
50%
Autres
--
--
R-U
100%
Sociétés résidentes
Aucune
Aucune
R-U
Imputatio
n
Sociétés UE
10%
Aucune
Suède
100%
Aucune
10%
1 an
Source : Baromètre EY Law de la compétitivité fiscale 2004
A
NNEXE
7 : L
E POIDS DES GRANDES OPÉRATIONS DANS LES
IDE
EN
F
RANCE
(source Banque de France)
en m
illions d'euros et en %
1998
1999
2000
2001
2002
Investissements directs français à l'étranger
43 721
119 069
192 603
103 899
66 459
- dont opérations en capital social, solde net
21 620
82 363
151 101
60 873
29 253
- dont 10 premières opérations
10 081
58 581
101 617
27 523
17 275
(en % du total)
23,1%
49,2%
52,8%
26,5%
26,0%
(en % des opérations en capital social)
46,6%
71,1%
67,3%
45,2%
59,1%
- dont 20 premières opérations
13 167
63 627
122 272
36 804
21 706
(en % du total)
30,1%
53,4%
63,5%
35,4%
32,7%
(en % des opérations en capital social)
60,9%
77,3%
80,9%
60,5%
74,2%
Investissements directs étrangers en France
27 866
43 688
46 945
61 674
54 727
- dont opérations en capital social, solde net
15 227
18 226
29 863
23 085
31 758
- dont 10 premières opérations
7 375
12 626
23 511
10 816
19 914
(en % du total)
26,5%
28,9%
50,1%
17,5%
36,4%
(en % des opérations en capital social)
48,4%
69,3%
78,7%
46,9%
62,7%
- dont 20 premières opérations
nd
nd
25 556
12 939
23 308
(en % du total)
-
-
54,4%
21,0%
42,6%
(en % des opérations en capital social)
-
-
85,6%
56,0%
73,4%
CONSEIL DES IMPÔTS
297
CONSEIL DES IMPÔTS
339
ANNEXE 8
COMPARAISON DES TAUX
IMPLICITES D'IMPÔT SUR LES
SOCIETES
Le taux légal de l'IS n'est qu'un indicateur partiel de la
pression fiscale supportée par les entreprises. En effet, les règles
d'assiette peuvent varier fortement d'un pays à l'autre. Par
ailleurs, le taux nominal d'IS ne fournit pas d'indication relative
aux possibilités d'optimisation fiscale et à l'ampleur de ce
phénomène, qui ne peut être appréhendée qu'à travers les
montants d'impôt recouvrés
in fine
. Une autre approche peut
donc être développée, qui rapporte la masse des taxes
effectivement perçues à une base économiquement pertinente,
ici l'excédent net d'exploitation (ENE). Cette méthode conduit à
des taux apparents qui permettent d'évaluer la pression fiscale.
L'ENE est défini comme l'excédent brut d'exploitation
(EBE) corrigé de la consommation de capital fixe, égale à la
dépréciation du capital. L'ENE ne correspond pas exactement
au résultat d'exploitation des entreprises, car celui-ci est net des
provisions pour risques et charges. L'utilisation de l'ENE
permet de prendre en compte les écarts entre pays du partage
de la valeur ajoutée ainsi que de ses variations au cours du
cycle économique : un faible niveau des recettes d'IS rapportées
au PIB ne traduit pas nécessairement une pression fiscale
réduite sur les profits, mais peut résulter d'un niveau limité de
la part des profits dans la valeur ajoutée que ce soit pour des
raisons structurelles ou conjoncturelles.
L'utilisation
de
l'ENE
pose
toutefois
trois
types
d'inconvénients. Si la prise en compte de l'amortissement rend
les indicateurs en principe plus pertinents, leur qualité
statistique est cependant affectée par la fragilité et le manque
d'harmonisation des méthodes d'évaluation concernant la
dépréciation du capital. Par ailleurs, certains impôts (locaux
CONSEIL DES IMPÔTS
340
notamment) sont déjà déduits de l'ENE, et il importerait de les
rajouter
à
la
base
considérée
comme
économiquement
pertinente. Enfin, les sociétés financières sont généralement
soumises à un traitement particulier qui rend délicate une
comparaison entre pays. De ce fait, les résultats présentés infra
ne concernent que les sociétés non-financières.
Taux légal
d'IS 2002
IS
2002
/ ENE
2001
Belgique
40,2
ii
23,7
France
35,43
ii
20,0
Grèce
35
28,2
Espagne
iii
35
29,4
Pays-Bas
34,50
21,9
Italie
36
10,1
Autriche
34
16,1
Portugal
33
37,8
i
République
Tchèque
31
28,0
Danemark
30
20,6
Royaume-Uni
30
213
19,7
i
Finlande
29
24,6
Suède
28
26,3
i
Allemagne
iv
26,37
ii
3,5
Sources : Commission Européenne et Eurostat, calculs DP
NB : Les agrégats utilisés totalisent les sociétés financières
(secteur S11), et sont issus des comptes nationaux d'Eurostat (IS = D51
et ENE = B2N). Aucune donnée relative à l'IS n'étant disponible pour
l'Irlande et le Luxembourg, les indicateurs n'ont pas pu être calculés
pour ces deux pays.
i : Pour le Portugal, la Suède et le Royaume-Uni, les résultats
présentés sont décalés d'une année en arrière, les données 2002 étant
indisponibles.
ii : Y compris les majorations applicables à l'IS.
213
Au Royaume-Uni, le taux légal de l'IS est progressif en fonction du
bénéfice fiscal : c'est le taux marginal supérieur qui vaut 30%.
CONSEIL DES IMPÔTS
341
iii : En Espagne, l'IS (D51) ne peut pas être distingué des
"impôts courants sur le revenu et le patrimoine" (D5).
iv : Il existe manifestement un problème d'homogénéité des
données en Allemagne, qui s'expliquerait notamment par la forte
proportion
d'entreprises
classifiées
en
tant
que
"travailleurs
indépendants".
Evolution du ratio IS
(N)
/ ENE
(N-1)
pour les sociétés non-financières
Pays
Moyenne
1996-2002
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Portugal
29,5
22,0
24,9
25,2
31,0
36,0
37,8
NA
Grèce
29,2
22,1
23,6
33,6
34,2
34,2
28,4
28,2
République Tchèque
25,8
25,3
25,9
25,8
25,7
22,9
27,0
28,0
Finlande
25,5
18,8
25,0
29,1
25,2
33,4
22,6
24,6
Pays-Bas
25,4
23,6
26,5
26,1
26,2
27,7
25,5
21,9
Royaume-Uni
22,9
23,9
29,4
22,1
19,2
22,9
19,7
NA
Belgique
22,4
17,7
19,9
24,6
24,7
23,6
22,9
23,7
Espagne
22,4
14,6
18,4
18,7
23,6
26,2
26,0
29,4
Danemark
21,5
18,1
21,1
21,8
28,3
18,8
21,6
20,6
Suède
21,5
14,1
17,5
15,8
23,9
31,4
26,3
NA
France
20,7
16,1
19,3
20,1
21,8
22,5
25,2
20,0
Autriche
16,7
17,1
15,9
16,8
13,6
15,6
22,0
16,1
Italie
12,6
16,0
17,8
8,8
11,6
9,9
13,8
10,1
Allemagne
iv
6,2
5,0
6,5
4,2
8,2
12,0
3,8
3,5
Source : Eurostat, calculs DP
Iv :
cf.
note à la page précédente
CONSEIL DES IMPÔTS
301
CONSEIL DES IMPÔTS
343
ANNEXE 9
L'ASSIETTE DE L'IS EN EUROPE
Les méthodes fondées sur le calcul de taux effectifs
d'imposition cherchent à simuler ex-ante les prélèvements que
subiront les flux de recettes générées par un projet industriel, ce
qui permet de prendre en compte l'impact des règles d'assiette
sur tout le cycle de vie de l'investissement.
Lorsque la législation conduit à une dépréciation fiscale
plus rapide que la dépréciation économique, le taux effectif
d'imposition est inférieur au taux nominal de l'IS. C'est le cas
général. Lorsque l'investissement est financé par endettement,
l'assiette de l'IS est plus réduite que pour un financement par
bénéfices réinvestis ou par augmentation de capital
214
, du fait
de la déductibilité des charges d'intérêt de la dette.
Dans une première variante, le
taux effectif moyen
(EATR
215
) est celui auquel est in fine imposé le revenu issu d'un
projet nouveau, dont la rentabilité avant impôt est fixée
arbitrairement.
D'après
cette
méthode,
les
règles
d'amortissement
françaises,
portugaises
et
belges
sont
particulièrement avantageuses : c'est pour ces pays que
l'assiette est la plus étroite (cf. tableau n° 1). Pour que la
comparaison entre pays ait un sens, seul l'IS a été utilisé pour
ces calculs ; les éventuelles impositions locales sur le bénéfice
214
Il est également possible de calculer les effets liés à l'imposition de la
personne physique qui est actionnaire ou créancière finale de l'entreprise, à
savoir la taxation des dividendes, des plus-values et des intérêts. Cette
approche n'a pas été ici prise en compte, car les taux effectifs d'imposition qui
en ressortent ne peuvent plus s'interpréter en terme de réduction d'assiette.
Du fait de l'absence d'IR, le modèle ne permet pas de distinguer
l'augmentation de capital du réinvestissement des bénéfices.
215
EATR : Effective Average Tax Rate -- EMTR : Effective Marginal Tax Rate
CONSEIL DES IMPÔTS
344
des entreprises ne sont pas prises en compte car elles
introduiraient une distorsion.
Tableau n°50 :
Indice de réduction d'assiette pour un
investissement nouveau
PAYS
Financement par
augmentation de capital ou
bénéfices réinvestis
Financement par
endettement
Autriche
99,43%
67,77%
Belgique
91,14%
62,13%
Danemark
95,08%
63,85%
France
92,14%
62,32%
Allemagne
97,76%
65,09%
Irlande
98,95%
65,40%
Italie
96,85%
65,34%
Luxembourg
93,44%
61,16%
Portugal
90,37%
60,43%
Espagne
93,80%
62,97%
Suède
94,52%
63,21%
Royaume-Uni
95,90%
64,42%
Etats-Unis
94,34%
63,36%
L'indice est défini comme le rapport EATR/taux_nominal_IS.
Source : Minefi, Législation fiscale 2003
Il est possible de présenter des résultats analogues en
considérant cette fois-ci un investissement marginal, dont la
rentabilité après impôt dépasse tout juste le rendement après
impôt offert par le marché financier (correspondant à un taux
d'intérêt réel fixé à 5%). Le taux de rendement avant impôt de
cet investissement varie alors selon la législation fiscale du
pays. Les revenus tirés de cet investissement marginal sont
comme précédemment taxés à un
taux effectif dit marginal
(EMTR) qui peut être comparé au taux nominal de l'IS. Cette
deuxième méthode
fait aussi ressortir le caractère avantageux
des règles d'assiette françaises, portugaises et belges.
CONSEIL DES IMPÔTS
345
Tableau n°51 :
Indice de réduction d'assiette pour un
investissement marginal
PAYS
Financement par augmentation de capital
ou bénéfices réinvestis
Autriche
98,48%
Belgique
75,27%
Danemark
85,36%
France
77,16%
Allemagne
93,24%
Irlande
96,31%
Italie
91,31%
Luxembour
g
78,29%
Portugal
70,42%
Espagne
82,34%
Suède
83,20%
R-U
87,93%
Etats-Unis
84,01%
L'indice est défini comme le rapport EMTR/taux_nominal_IS
L'investissement considéré dans les deux tableaux est supposé
constitué de bâtiments (pour 28%), de stocks (pour 22%) et de
machines (pour 50%). Il existe trois façons de financer cet
investissement : soit par endettement, soit par augmentation de
capital, soit en réinvestissant les bénéfices de la période précédente.
Les paramètres de législation fiscale qui sont pris en compte dans le
calcul des taux effectifs d'imposition sont les règles de dépréciation
des immobilisations ainsi que les taux d'IS nominaux. Dans le tableau
1, le rendement avant impôt de l'investissement est arbitrairement fixé
à 20%. Dans le tableau 2, le taux d'intérêt réel offert par les marchés
financiers est fixé arbitrairement à 5 %.
Source : Minefi, Législation fiscale 2003.
CONSEIL DES IMPÔTS
347
ANNEXE
10
:
NIVEAU DE LA CHARGE FISCALE
EN
F
RANCE PAR SECTEURS
IS
IS + TP
(En % de l’EBE)
1996-98
1997-99
1998-00
1999-01
1996-98
1997-99
1998-00
1999-01
Industrie
alimentaire
21,4
23,3
23,9
23,2
31,0
33,1
33,9
32,7
Biens
de consommation
21,5
22,6
23,2
23,3
28,7
29,9
31,2
31,3
Industrie
automobile
4,8
8,8
10,3
9,8
19,1
21,0
19,4
18,8
Biens
d’équipement
15,6
16,8
17,7
21,3
33,7
33,4
33,2
36,5
Biens
intermédiaires
16,6
18,6
19,2
17,6
30,7
32,8
34,0
33,8
Energie
4,3
4,1
4,7
7,3
15,1
15,3
15,9
19,8
Commerce
24,3
25,8
26,5
26,4
41,2
41,7
41,0
39,4
Transport
5,2
5,8
5,3
5,4
21,7
25,2
16,2
20,7
Services
aux entreprises
17,4
15,4
12,0
11,8
28,8
27,9
25,0
25,2
Services
aux particuliers
6,7
7,7
9,5
11,0
12,8
14,7
16,9
18,7
Notes : Le
champ
couvre
toutes
les
entreprises
imposées
selon
le
régime
des
bénéfices
réels
normaux. Les données ont été lissées
sur 3 ans afin
de limiter la volatilité. Les taux ont été lissés sur trois
ans pour atténuer les variations conjoncturelles.
Les secteurs sont définis en nomenclature NES16.
Source :
Conseil des impôts
CONSEIL DES IMPÔTS
349
ANNEXE 11 : CRÉATIONS D'EMPLOIS
2001-2003 PAR DES SOCIÉTÉS
ÉTRANGÈRES
CONSEIL DES IMPÔTS
350
Secteur
Emplois
créés
Part du
secteur
dans le
total :
Europe
Part du
secteur
dans le
total :
France
Constructeurs automobiles
et équipementiers
168 173
35,8%
13,2%
Equipements électriques,
Électroniques, informatiques, médicaux
74 327
15,8%
20,5%
Conseil, ingénierie et services
Opérationnels aux entreprises
29 027
6,2%
11,3%
Médicaments
21 111
4,5%
5,6%
Autres activités de services,
commerciales
ou financières
19 291
4,1%
5,3%
Autres
18 654
4,0%
7,4%
Matériels aéronautiques, navals et
ferroviaires
15 488
3,3%
1,6%
Chimie, plasturgie, biotechnologies
15 371
3,3%
4,8%
Ameublement et équipement du foyer
15 232
3,2%
2,4%
Transport, stockage, BTP
12 704
2,7%
5,0%
Verre, bois, papier, édition, minéraux,
céramiques
12 438
2,6%
3,0%
Métaux, travail des métaux et r
recyclage
11 168
2,4%
1,4%
Agro-alimentaire
10 769
2,3%
4,2%
Machines et équipements mécaniques
9 832
2,1%
3,0%
Textile, habillement
9 255
2,0%
1,8%
Logiciels et prestations informatiques
9 063
1,9%
4,5%
Electronique grand public
7 757
1,7%
0,3%
Composants électroniques
4 105
0,9%
2,0%
Opérateurs télécoms et fournisseurs
d'accès internet
3 435
0,7%
2,0%
Energie
2 765
0,6%
0,7%
Total
469 965
100%
100%
Source : AFII
CONSEIL DES IMPÔTS
351
ANNEXE 12
LES MESURES RÉCENTES DE LUTTE
CONTRE L'OPTIMISATION
AUX ETATS-UNIS
ET EN GRANDE-BRETAGNE
I.- Etats-Unis
Révélation volontaire des montages financiers
:
Les contribuables américains qui utilisaient des cartes de
paiement adossées à des comptes bancaires offshore ou
participaient à tout autre montage financier de ce type ont été
invités à participer entre le 14 janvier et le 15 avril 2003 à une
opération de révélation volontaire.
La finalité de cette initiative était d’encourager les
contribuables à livrer les noms des promoteurs de ces montages
ainsi que le détail des opérations ayant permis d’éluder l’impôt.
En contrepartie, l’administration fiscale s’engageait à ne pas
poursuivre les contribuables tant sur le plan civil que pénal, à
ne pas appliquer de pénalité aux rappels (à l’exception des
intérêts de retard) et à établir éventuellement des plans de
règlement.
Au 15 février 2004 le montant du recouvrement induit par
cette opération (impôt principal et intérêts de retard) s’élevait à
170 millions de dollars et 479 promoteurs précédemment
inconnus des services fiscaux étaient identifiés.
L’administration fiscale américaine a indiqué avoir été
surprise par la complexité des transactions impliquant l’usage
de multiples entités tierces et la multiplicité de moyens utilisés
afin de rapatrier les fonds.
CONSEIL DES IMPÔTS
352
Propositions visant à lutter contre l’optimisation
fiscale
Le gouvernement des Etats-Unis a proposé dans le cadre
de son projet de budget pour l’exercice 2004 une série de
mesures visant à renforcer la lutte contre les utilisateurs ou
promoteurs de niches fiscales et de tout montage destiné à
éluder l’impôt. Ces mesures n’ont pas été adoptées et figurent
de nouveau parmi les propositions du projet de budget pour
l’exercice 2005 sur lequel aucun vote n’est intervenu à ce jour.
Il a notamment été proposé d’imposer une pénalité de
200 000 dollars pour les sociétés ou de 100 000 dollars pour les
particuliers assortie d’une majoration de 5 % des droits
correspondant en cas de défaut de déclaration d’une opération
identifiée comme ayant pour but d’échapper à l’impôt. En
l’absence d’identification la pénalité serait de 50 000 dollars. La
nature des dispositifs devant être déclarés devrait être
clairement définie.
Une pénalité de 5 000 dollars serait due au titre de
l’omission involontaire de déclaration de détention d’un
compte détenu auprès d’une entité financière à l’étranger (ou
d’une opération réalisée avec cette entité). Cette pénalité ne
serait pas due si la totalité des revenus a été déclarée et si le
contribuable démontre que cette omission était due à une cause
raisonnable.
II.- Royaume-Uni
Deux mesures figurent dans le projet de loi de finances
pour 2004-2005 en cours d’examen parlementaire.
D’une part il est proposé que les personnes qui élaborent
des schémas d’optimisation ou certains produits financiers
soient tenues de les porter à la connaissance de l’Inland
Revenue et d’expliciter le détail du dispositif : types de
transactions concernées, conséquences fiscales, règles sur
CONSEIL DES IMPÔTS
353
lesquelles se fonde le schéma. Les services enregistreront ces
schémas et leur attribueront un numéro de référence. Tout
contribuable utilisant ces procédés sera tenu d’en mentionner le
numéro de référence sur ses déclarations. Lorsqu’il aura été
acquis à l’étranger ou aura été élaboré par le redevable il
incombera à ce dernier de le déclarer.
D’autre part les entreprises dont le chiffre d’affaires
excède 600 000 livres soit 895 614 euros qui utilisent des
schémas d’optimisation de la taxe sur la valeur ajoutée figurant
sur une liste établie par les douanes devront déclarer cette
utilisation dans les trente jours. A défaut, elles seront
redevables d’une pénalité égale à 15 % de la taxe éludée. Celles
dont le chiffre d’affaires excède 10 millions de livres soit
14,9 millions d’euros devront déclarer l’utilisation de procédés
qui
répondent
à
certaines
caractéristiques
définies
par
l’administration. A défaut, elles seront passibles d’une amende
de 5000 livres soit 7 463 euros.
ANNEXE 13
ÉVOLUTION DES PRINCIPALES RECETTES FISCALES 1991-2003 EN FRANCE (M€ courants)
Exécution
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2003
/1991
Part en
1991
Part en
2003
IR
46 270
46 823
47 224
45 068
45 288
47 890
44 729
46 345
50 857
49 943
53 458
49 993
53 754
16,2%
23,6%
19,9%
Retenue sur capitaux
mobiliers
4 267
3 455
3 160
2 525
2 272
2 487
2 432
2 134
1 738
2 028
2 197
2 092
1 808
-57,6%
2,2%
0,7%
ISF
982
1 069
1 099
1 269
1 300
1 360
1 534
1 692
1 936
2 424
2 700
2 460
2 335
137,9%
0,5%
0,9%
IS net
19 428
15 419
15 511
17 266
19 186
21 825
23 210
28 157
35 018
34 524
40 698
37 516
35 000
80,2%
9,9%
12,9%
taxe sur les salaires
5 206
5 657
5 989
6 218
6 774
6 731
6 997
7 135
7 302
7 592
8 018
8 333
8 538
64,0%
2,7%
3,2%
TIPP
17 958
18 127
19 273
21 458
21 852
22 621
22 974
23 462
24 651
24 649
23 409
23 962
24 302
35,3%
9,1%
9,0%
droits sur les tabacs
3 628
3 979
4 228
5 839
6 281
6 403
6 205
5 595
6 327
6 327
7 912
7 798
7 000
92,9%
1,8%
2,6%
droits de mutation
4 862
4 954
485
5 005
4 722
5 212
6 512
6 061
7 127
6 067
7 840
7 538
7 800
60,4%
2,5%
2,9%
taxe sur les
conventions
d'assurance
3 562
3 454
3 564
3 664
3 862
3 975
3 980
3 980
4 133
3 979
3 353
3 331
2 800
-21,4%
1,8%
1,0%
TVA nette
77 536
79 060
76 456
82 292
85 920
91 553
95 448
97 857
102 309
102 358 105 164
107 498
109 014
40,6%
39,5%
40,3%
CONSEIL DES IMPÔTS
315
CONSEIL DES IMPÔTS
357
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
.......................................................................................
5
SOMMAIRE
.................................................................................................
9
CHAPITRE INTRODUCTIF - L'ANALYSE ÉCONOMIQUE
..........
11
I. -
S
ELON LA THÉORIE ÉCONOMIQUE
,
LA CONCURRENCE FISCALE PEUT
ENGENDRER DES EFFETS NON SOUHAITÉS PAR CERTAINS AGENTS
..........
13
A. -
Le cadre d'analyse
......................................................................
13
B. -
La concurrence fiscale peut être la cause de pertes d'efficience
..............................................................................................................
15
C. -
L'effet de la concurrence fiscale sur le bien-être collectif
dépend de l'efficacité de la dépense publique
...............................
15
D. -
Des conséquences défavorables en termes d'équité
..............
17
1. -
Le tarissement des recettes fiscales ou le déplacement de la
charge fiscale vers les assiettes les moins mobiles
.....................
17
2. -
La modification dans l'offre de biens publics et la remise en
cause du caractère redistributif de l'impôt
.................................
18
II. -
L
ES EFFETS EMPIRIQUES DE LA CONCURRENCE FISCALE SONT
NUANCÉS
..................................................................................................
21
A. -
Le contexte est de plus en plus favorable à la concurrence
fiscale
...................................................................................................
21
B. -
Une tendance claire à la baisse des taux nominaux sur les
assiettes supposées mobiles
..............................................................
21
1. -
L'imposition du bénéfice des sociétés
..................................
22
2. -
L'imposition du patrimoine
...................................................
24
3. -
L'imposition des revenus élevés
...........................................
24
CONSEIL DES IMPÔTS
358
C. -
Le constat fragile d'une tendance à la baisse de certains
indicateurs de pression fiscale globale
............................................
26
1. -
Les taux implicites d'imposition
...........................................
26
2. -
Les taux effectifs d'imposition simulés sur le revenu d'un
investissement
................................................................................
29
D. -
Des écarts entre groupes de pays
............................................
32
E. -
La concurrence fiscale n'a pas eu d'effet observable sur la
structure ou sur le niveau des recettes fiscales
..............................
33
1. -
L'absence de tarissement des recettes
..................................
34
2. -
Les éventuels transferts de charge sont difficiles à apprécier
..........................................................................................................
34
F. -
Conclusion
...................................................................................
37
PARTIE I : LES PRÉLÈVEMENTS SUR LES BASES FISCALES
MOBILES EN FRANCE ET À L'ÉTRANGER
......................................
39
I. -
L
ES PRÉLÈVEMENTS SUR L
'
ENTREPRISE ET LES DÉTENTEURS DE SON
CAPITAL
....................................................................................................
41
A. -
Les impôts acquittés par les assiettes mobiles en France
.....
41
B. -
Les dispositions concourant à alourdir l'imposition en France
par rapport aux autres pays
..............................................................
42
1. -
Les cotisations sociales
...........................................................
43
2. -
Le taux nominal d'imposition des bénéfices des sociétés.. 43
3. -
L’imposition des plus-values de cession d’actifs détenus
par les entreprises
..........................................................................
45
4. -
La taxe professionnelle
...........................................................
46
5. -
La taxe sur les salaires
............................................................
48
6. -
L'ISF
..........................................................................................
49
7. -
L'imposition des plus-values de cession réalisées par les
personnes physiques
......................................................................
52
C. -
Les dispositions concourant à réduire l'imposition des
assiettes mobiles en France par rapport à d'autres pays
...............
53
1. -
Le régime d'amortissement dans le calcul du bénéfice fiscal
des sociétés
......................................................................................
53
2. -
La déductibilité des intérêts d’emprunt
...............................
55
3. -
Le régime d'intégration
..........................................................
56
4. -
Le régime du bénéfice consolidé
...........................................
59
5. -
Le nouveau régime des impatriés
.........................................
61
D. -
Les caractéristiques dont l'effet sur le niveau d'imposition
comparé de la France est incertain
...................................................
62
1. -
La territorialité de l'imposition des bénéfices
.....................
62
2. -
La territorialité de l'imposition des dividendes : le régime
mère-filiale
......................................................................................
65
3. -
Les implantations spécialisées : holdings, quartiers
généraux, centres de logistique
....................................................
67
CONSEIL DES IMPÔTS
359
4. -
Les droits de mutation
...........................................................
69
5. -
L'imposition des hauts revenus et des "stock-options"
......
73
E. -
Les autres caractéristiques de la fiscalité pouvant influer sur
les choix des acteurs
...........................................................................
75
1. -
Clarté et stabilité de la norme fiscale
....................................
75
2. -
Qualité de l'administration de l’impôt
.................................
76
F. -
Synthèse de la comparaison des dispositions fiscales
...........
78
II. -
L
A PRESSION FISCALE GLOBALE SUR LES ENTREPRISES
....................
81
A. -
Les taux implicites d'imposition des entreprises
...................
81
1. -
Le poids du seul IS français apparaît relativement modéré
..........................................................................................................
81
2. -
Les taux implicites globaux
...................................................
82
B. -
L'assiette de l'IS apparaît relativement étroite en France
......
85
C. -
Les taux effectifs d'imposition
..................................................
86
D. -
Aspects sectoriels
.......................................................................
88
1. -
Les taux implicites de l'IS par secteurs
................................
88
2. -
Les taux implicites globaux par secteurs
.............................
89
E. -
Tableau d'ensemble
....................................................................
91
1. -
Le jugement sur la place de la France dans la concurrence
fiscale peut difficilement être formulé de manière globale
......
91
2. -
La singularité française est plus marquée sur les taux
nominaux que pour l'imposition globale
....................................
92
PARTIE II : L'EFFET DE LA FISCALITÉ SUR LA LOCALISATION
DES ACTIVITÉS
.......................................................................................
94
I. -
L
A FISCALITÉ SEMBLE JOUER UN RÔLE RÉDUIT DANS LA
PROBLÉMATIQUE D
'
ENSEMBLE DE L
'
IMPLANTATION DES ENTREPRISES
... 97
A. -
La fiscalité, un paramètre de la localisation des activités
parmi d'autres
.....................................................................................
97
B. -
La France passe pour relativement attractive malgré sa
fiscalité
...............................................................................................
101
1. -
Les paramètres : place de la France et de sa fiscalité
.......
101
2. -
Les indicateurs d'attractivité : investissements étrangers104
3. -
Les indicateurs d'attractivité : les emplois créés par des
investissements étrangers
...........................................................
106
C. -
Les indicateurs de l'attractivité sont peu pertinents ou bien
non corrélés avec la fiscalité
...........................................................
110
1. -
Les investissements directs étrangers, une corrélation avec
la fiscalité faible et peu concluante
............................................
110
2. -
Les créations d'emplois internationalement mobiles par des
sociétés étrangères
.......................................................................
115
3. -
Les données sectorielles ne permettent pas davantage de
déceler une influence de la fiscalité au niveau macro-
économique
...................................................................................
117
CONSEIL DES IMPÔTS
360
D. -
Au total, les logiques d'implantation à l'oeuvre demeurent
principalement non fiscales
............................................................
118
II. -
L
A FISCALITÉ DE L
'
ENTREPRISE PEUT S
'
AVÉRER DÉFAVORABLE À
L
'
IMPLANTATION D
'
ENTREPRISES EN FRANCE DANS DES CAS D
'
ESPÈCE
123
A. -
L'examen de la démarche concrète de l'investisseur souligne
l'impact défavorable de la taxe professionnelle
...........................
123
B. -
Les mesures dérogatoires à caractère local influent sur les
décisions
............................................................................................
126
1. -
La plupart des grands investissements internationalement
mobiles obtiennent des dérogations fiscales locales
................
126
2. -
En France, les aides sont utilisées pour compenser le poids
de la taxe professionnelle
............................................................
130
III. -
L'
INFLUENCE DE LA FISCALITÉ DES PERSONNES PHYSIQUES EN
F
RANCE SUR LA LOCALISATION DES ACTIVITÉS
.....................................
133
A. -
La problématique des délocalisations de personnes
physiques pour des motifs fiscaux
................................................
133
1. -
Un risque limité par le coût et la perte de bien-être d'une
délocalisation
................................................................................
134
2. -
Parmi les paramètres fiscaux, le niveau de la pression
fiscale n'est pas le seul à prendre en compte
............................
135
B. -
L'imposition des hauts revenus et des droits de mutation
n'incite que marginalement à la délocalisation des activités
......
139
1. -
Les droits de mutation
.........................................................
139
2. -
L'impôt sur le revenu n'est pas déterminant, sauf dans
certains cas très limités
................................................................
140
C. -
Du point de vue de l'entreprise, le poids des cotisations
sociales sur les salariés à hauts revenus a des effets plus
préoccupants
.....................................................................................
144
D. -
L'imposition des plus-values et l'ISF peuvent inciter à
l'expatriation des personnes, avec des conséquences toutefois
limitées sur l'activité
........................................................................
145
1. -
Les redevables de l’ISF les plus imposés peuvent être tentés
d'échapper à une imposition jugée lourde
...............................
146
2. -
L'effet de la taxation des plus-values peut s'additionner à
celui de l'ISF
..................................................................................
151
3. -
Un petit nombre de redevables de l'ISF se délocalise pour
des raisons fiscales
.......................................................................
153
4. -
Les effets économiques de ces expatriations sont très
limités
.............................................................................................
158
PARTIE III : CONCURRENCE FISCALE ET OPTIMISATION
....
167
I. -
LES ENTREPRISES ET L
'
OPTIMISATION FISCALE
.................................
169
A. -
Présentation des mécanismes
.................................................
169
CONSEIL DES IMPÔTS
361
1. -
Le recours à des dispositifs utilisant les possibilités offertes
par les différents Etats
.................................................................
169
2. -
Fixation des prix de transfert, sous-capitalisation, échanges
avec des paradis fiscaux
..............................................................
170
3. -
L'optimisation de la taxe professionnelle
..........................
176
B. -
L'organisation des entreprises est de plus en plus propice à
l'optimisation
....................................................................................
177
1. -
Le développement des groupes internationaux,
bénéficiaires de la concurrence fiscale
.......................................
178
2. -
Les PME commencent à recourir à l'optimisation
............
181
3. -
Les grands groupes apparaissent davantage en mesure de
réduire leur imposition que les moyennes entreprises
indépendantes
..............................................................................
182
C. -
Des phénomènes d’optimisation de grande ampleur, qui
pourraient être particulièrement sensibles en France
.................
187
1. -
Les mesures macro-économiques de l'optimisation
........
187
2. -
Le diagnostic effectué à partir des statistiques du contrôle
fiscal en France
.............................................................................
188
3. -
Les entreprises résidentes en France ont de larges
possibilités d'optimisation
..........................................................
198
II. -
L'
ÉVASION FISCALE DUE AUX PERSONNES PHYSIQUES EST UN ENJEU
PLUS SIGNIFICATIF QUE CELUI DE LEUR EXPATRIATION
.........................
203
A. -
L'ISF
...........................................................................................
203
1. -
L'ISF et l'optimisation
...........................................................
203
2. -
L'éventuel effet dissuasif de l'ISF pour l'installation en
France de dirigeants étrangers est limité
..................................
204
B. -
Les plus-values de cession des particuliers
..........................
206
1. -
Les possibilités offertes par les dispositions françaises... 206
2. -
Les mécanismes faisant intervenir l'optimisation fiscale
internationale
................................................................................
208
3. -
Le dispositif de lutte contre l'évasion fiscale de l'imposition
des plus-values
.............................................................................
208
C. -
Les droits de succession
..........................................................
210
D. -
Les techniques d'optimisation internationale de l'imposition
des revenus d'activité
......................................................................
210
1. -
De fausses délocalisations font intervenir des montages
internationaux
..............................................................................
210
2. -
L'épargne et le dépôt des liquidités
....................................
211
3. -
Les entreprises et l'optimisation fiscale du revenu des
dirigeants
.......................................................................................
213
4. -
Certaines lacunes des conventions bilatérales sont
lentement comblées
......................................................................
213
CONSEIL DES IMPÔTS
362
PARTIE IV : QUELLE POLITIQUE POUR LES ÉTATS
CONFRONTÉS À LA CONCURRENCE FISCALE ?
.......................
219
I. -
L
ES
É
TATS SONT CONFRONTÉS AUX PARADOXES DE LA RÉGULATION
INTERNATIONALE DE LA CONCURRENCE FISCALE
.................................
221
A. -
Les Etats ont intérêt à ne pas laisser la concurrence fiscale
jouer librement et à coordonner davantage leurs systèmes fiscaux
............................................................................................................
221
1. -
La difficile conciliation des intérêts des Etats membres.. 221
2. -
La coordination est nécessaire pour éviter la course au
"moins disant fiscal" et les comportements de "passager
clandestin"
.....................................................................................
222
B. -
L'OCDE a obtenu certains succès dans le domaine des prix de
transfert et de la lutte contre les paradis fiscaux
..........................
223
1. -
Les prix de transfert : l'instauration d'une méthodologie
commune et d'une instance de règlement
................................
223
2. -
La lutte contre les paradis fiscaux et les progrès en matière
de transparence
............................................................................
226
C. -
L'encadrement communautaire de la concurrence fiscale est
paradoxal
...........................................................................................
229
1. -
Une coordination difficile
....................................................
229
2. -
Le succès relatif de la lutte contre la concurrence fiscale
dommageable
...............................................................................
232
3. -
L'utilisation de la législation sur les aides d'Etat par la
Commission
..................................................................................
236
4. -
L'appréciation nuancée de la directive sur la fiscalité de
l'épargne
........................................................................................
237
5. -
L'harmonisation des assiettes, une perspective de long
terme
..............................................................................................
239
D. -
La jurisprudence tend à restreindre, au nom de l'égalité de
traitement, le champ des législations nationales anti-abus
........
243
1. -
L'arrêt Lasteyrie du Saillant de la CJCE
.............................
243
2. -
La jurisprudence sur la sous-capitalisation
.......................
245
3. -
La jurisprudence sur l'article 209 B
.....................................
247
4. -
Une jurisprudence communautaire très axée sur la
protection des quatre libertés
.....................................................
248
5. -
Les interrogations sur la fiscalité de groupe
.....................
250
E. -
Les nouvelles normes comptables tendent à mettre en
question les spécificités nationales en matière d'assiette
............
251
1. -
Le lien entre normes comptables et système fiscal
...........
251
2. -
L'entrée en vigueur de nouvelles normes
..........................
252
3. -
La remise en question de certains dispositifs tels que le
régime d'amortissement
..............................................................
254
CONSEIL DES IMPÔTS
363
II. -
LA STRATÉGIE DE LA
F
RANCE FACE À LA CONCURRENCE FISCALE
DEPUIS DIX ANS
.......................................................................................
257
A. -
La situation en 1994
.................................................................
257
B. -
les principales évolutions de la fiscalité des entreprises
.....
258
1. -
L'imposition des bénéfices des sociétés a été alourdie
....
258
2. -
Les mesures d'allégement n'ont pas compensé ces
alourdissements
............................................................................
263
3. -
Des allégements massifs sont intervenus dans d'autres
parties du système de prélèvements, principalement motivés
par le souci d'encourager l'emploi
.............................................
266
C. -
La fiscalité des autres bases mobiles
.....................................
268
1. -
Alourdissement puis allégement de la fiscalité du
patrimoine
.....................................................................................
268
2. -
Les mesures ayant affecté l’IR et les droits de mutation . 269
D. -
Premier bilan
............................................................................
269
E. -
La stratégie fiscale française
....................................................
270
1. -
La France n'a pas suivi les pays étrangers qui ont mis
l'accent sur la baisse des taux nominaux de l'IS
.......................
270
2. -
Une stratégie conditionnée par les fortes variations de la
conjoncture, mais équilibrée entre les catégories de
contribuables
.................................................................................
272
3. -
Une stratégie de promotion de l'emploi
............................
274
4. -
Certaines options prises par le système fiscal paraissent
cependant peu lisibles ou discutables
.......................................
275
III. -
L
A
F
RANCE NE DISPOSE QUE D
'
UNE MARGE DE MANOEUVRE ÉTROITE
................................................................................................................
277
A. -
La France dans la concurrence fiscale : synthèse
.................
277
1. -
Un effet budgétaire encore limité
.......................................
277
2. -
Un effet sur la localisation des activités qui n'est sensible
que sur des cas d'espèce et n'a pas de caractère général
.........
278
B. -
Quelle stratégie fiscale en faveur de la localisation des
activités en France ?
.........................................................................
284
C. -
Quelle stratégie de lutte contre les effets non souhaités de la
concurrence fiscale ?
........................................................................
289
1. -
La France ne doit pas renoncer à une coordination
communautaire plus étroite
........................................................
289
2. -
La consolidation des législations anti-abus, une voie étroite
........................................................................................................
290
CONCLUSION
........................................................................................
295
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE CONSEIL DES
IMPÔTS
....................................................................................................
299
CONSEIL DES IMPÔTS
364
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES PAR LES
RAPPORTEURS
......................................................................................
301
LISTE DES TABLEAUX
.........................................................................
307
GLOSSAIRE
............................................................................................
313
LISTE DES ANNEXES
...........................................................................
319
TABLE DES MATIERES
........................................................................
357