Chambre territoriale des comptes de la Polynésie française
Observations définitives - Société par actions simplifiée VINI
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RAPPORT D’OBSERVATIONS
DEFINITIVES
Société par actions simplifiée VINI
Exercices 2013 et suivants
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Dans le cadre de son programme de travail, après avis du ministère public en date du
25 novembre 2014 et en vertu des dispositions de l’article LO. 272-12 du code des
juridictions financières, la chambre territoriale des comptes de Polynésie française a procédé
à l’examen de la gestion de la société par actions simplifiée VINI sur les exercices 2013 à
suivants.
L’ouverture du contrôle a été notifiée par lettres du 9 décembre 2014 à M. Yannick
TERIIEROOITERAI, président de la société VINI, ainsi qu’à M. Léon TEFAU, ancien
dirigeant.
L’article L. 272-46 du code des juridictions financières prévoit, pour les organismes
autres que les collectivités territoriales et leurs établissements publics, que les observations
présentées par la chambre « peuvent être précédées d’un entretien préalable entre le
magistrat rapporteur ou le président de la chambre et un dirigeant de la personne morale
contrôlée, mandaté à cet effet par celle-ci. »
Cet entretien préalable facultatif s’est tenu le 10 décembre 2015 avec M. Yannick
TERIIEROOITERAI, actuel président de la société VINI.
Un entretien téléphonique s’est également tenu le 9 décembre 2015 avec l’ancien
président M. Léon TEFAU.
Lors de sa séance du 15 décembre 2015, la chambre a formulé des observations
provisoires qui ont été notifiées le 22 décembre 2015 à M. Yannick TERIIEROOITERAI et le
4 janvier 2016 à M. Léon TEFAU. Un extrait a également été notifié le 28 décembre 2015 à
M. Pierre PERREY en qualité de tiers mis en cause.
En application de l’article L. 272-47 du code des juridictions financières, MM. Yannick
TERIIEROOITERAI, Léon TEFAU et Pierre PERREY disposaient de deux mois pour faire
connaître leur réponse aux observations provisoires.
Le 18 janvier 2016, M. Pierre PERREY a consulté les pièces du dossier après accord
du président de la chambre le 15 janvier 2016 en réponse à sa demande du 14 janvier 2016.
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La réponse de M. Pierre PERREY a été enregistrée au greffe de la chambre le
18 février 2016.
Le président de la chambre a, par lettre du 22 février 2016, reporté le délai de réponse
au 8 mars 2016 pour le président de la SAS VINI, M. Yannick TERIIEROOITERAI., suite à
sa demande du 19 février 2016.
Après avoir examiné le contenu de la réponse que lui a adressée M. Yannick
TERIIEROOITERAI
le 8 avril 2016, la Chambre a arrêté au cours de sa séance du 28 avril
2016, les observations définitives rapportées ci-après.
Transmises à l’ordonnateur par lettre du 2 mai 2016, elles n’ont donné lieu à aucune
réponse, au terme du délai d’un mois prévu par l’article L.272-48 du Code des juridictions
financières.
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SYNTHESE DES OBSERVATIONS
La société VINI est née en 2013 de l’absorption par TIKIPHONE, filiale de l’Office des
postes et télécommunications dédiée à la téléphonie mobile, de deux autres filiales de
l’établissement public, les sociétés MANA (internet) et TNS (télévision payante).
Le dernier rapport de la chambre territoriale des comptes sur TIKIPHONE montre
qu’au moment de la fusion, l’entreprise absorbante, tout en disposant d’une confortable
surface financière, n’était pas parvenue à optimiser son fonctionnement, et en particulier à
enrayer le déclin de son résultat d’exploitation.
Selon ses concepteurs, la fusion devait permettre un sursaut tant sur le plan de
l’organisation que sur celui de l’offre commerciale.
Le bilan dressé par la chambre n’intervient que deux années après l’opération de
fusion. Les données 2015 n’étaient que partiellement disponibles au moment du contrôle.
Sous cette réserve, la chambre constate que le sursaut annoncé a tardé.
S’agissant de l’organisation, la recherche de la performance ne peut encore s’appuyer
sur des outils de pilotage et de contrôle complètement stabilisés, même si des efforts en
matière de contrôle interne ont été initiés.
Par ailleurs, le regroupement des filiales s’est effectué sans recherche de rentabilité :
le maintien des effectifs et l’alignement sur le statut le plus avantageux ont constitué des
conditions préalables à l’opération de fusion. Les coûts fixes n’ayant pas été réduits, et la
production n’ayant pas augmenté, la société n’a pas réalisé d’économies d’échelle à la suite
de la fusion.
La baisse de la profitabilité engagée chez TIKIPHONE se poursuit donc chez VINI de
2013 à 2015.
Créée au moment de l’arrivée sur le marché du mobile d’un opérateur concurrent,
l’entreprise a su toutefois limiter ses pertes en parts de marché sur ce secteur, qu’elle a
clairement privilégié par rapport aux deux autres activités, l’internet et l’audiovisuel.
La bataille tarifaire annoncée n’a pas eu lieu mais VINI a su profiter du regroupement
pour faire bénéficier les usagers d’offres packagées. Cependant, les offres convergentes
attendues depuis la fusion ont tardé à être mises sur le marché : elles n’ont été lancées
qu’en avril 2015 pour les professionnels et décembre 2015 pour les particuliers. Leur
lancement, décalé pour des raisons techniques, selon la société, a coïncidé de fait avec
l’entrée annoncée d’un troisième opérateur sur le marché de l’internet.
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RAPPEL DES RECOMMANDATIONS
La chambre formule les recommandations suivantes :
Recommandation n°1 :
Mettre en place un plan d’apurement des créances irrécouvrables.
Recommandation n°2 :
Accélérer la mise en place de la gestion prévisionnelle des
emplois et des compétences, qui conditionne la bonne adéquation
des personnels aux besoins de l’entreprise et peut contribuer à
une meilleure maîtrise de la masse salariale.
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SOMMAIRE
1-
L’OPERATION DE FUSION ENTRE TIKIPHONE, MANA ET TNS
....................
7
1.1- L’origine et les modalités de la fusion
...................................................................
7
1.2- Les avantages attendus
..........................................................................................
8
2-
MALGRE LA FUSION, LA PROFITABILITE DE L’ENTREPRISE POURSUIT
SA BAISSE
..........................................................................................................
8
2.1- Un résultat comptable en diminution
.....................................................................
9
2.2- Une croissance des charges d’exploitation plus rapide que celle des
produits
.....................................................................................................................
9
2.3- Des indicateurs de profitabilité en régression
....................................................
10
2.4- Une capacité d’autofinancement qui se réduit
....................................................
12
3-
LES OUTILS DE PILOTAGE ET DE CONTROLE DE VINI RESTENT A
CONSOLIDER
...................................................................................................
12
3.1-
L’organisation
........................................................................................................
13
3.2- Les orientations stratégiques
...............................................................................
13
3.3- Le contrôle interne
.................................................................................................
13
3.4- Les dispositifs d’évaluation de la performance
..................................................
15
3.5- Un modèle économique spécifique sur l’internet fixe
........................................
15
4-
L’IMPACT DE LA FUSION SUR L’ACTIVITE N’A PAS ETE JUSQU’A
PRESENT COMPLETEMENT A LA HAUTEUR DES ATTENTES MEME SI
VINI A SU LIMITER LES PERTES EN PARTS DE MARCHE
..........................
16
4.1- Les indicateurs d’activité
......................................................................................
16
4.2- La décomposition du chiffre d’affaires
................................................................
16
4.3- Le positionnement de VINI sur un marché désormais concurrentiel
...............
17
4.3.1-
Les objectifs avant fusion
.......................................................................................
17
4.3.2-
L’effort a porté sur la téléphonie mobile, qui obtient des résultats satisfaisants
....
17
4.3.3-
La forte croissance attendue sur le marché internet n’est pas encore au rendez-
vous
........................................................................................................................
18
4.3.3.1-
La qualité de service
....................................................................................................
18
4.3.3.2-
La part de marché de VINI
..........................................................................................
19
4.3.4-
L’entreprise n’a pas réussi à amorcer une hausse de l’activité audiovisuelle
.......
19
4.3.5-
Une enseigne unique
.............................................................................................
20
5-
UNE FUSION A EFFECTIF CONSTANT
..........................................................
20
5.1- Une fusion sans recherche de rentabilité
............................................................
20
5.1.1-
Le maintien des effectifs
........................................................................................
20
5.1.2-
L’ajustement sur le statut le plus avantageux
........................................................
21
5.1.3-
L’augmentation de la masse salariale
....................................................................
21
5.1.4-
Les avantages en nature
........................................................................................
22
5.2- La rémunération du directeur général et des directeurs exécutifs
...................
22
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5.3- La fusion n’a pas encore permis de résorber les faiblesses de la gestion des
ressources humaines
............................................................................................
23
5.3.1-
Les défaillances antérieures perdurent
..................................................................
23
5.3.2-
Des difficultés supplémentaires engendrées par la fusion
....................................
24
5.4- Les conditions de départ de certains personnels
..............................................
24
5.4.1-
Le cas du directeur contrôle et stratégie
................................................................
24
5.4.2-
Le cas du directeur commercial
.............................................................................
26
5.5- En dépit du maintien des effectifs, le recours aux prestataires extérieurs n’a
été restreint qu’à compter de 2015
.......................................................................
27
5.5.1-
VINI a d’abord poursuivi la politique de TIKIPHONE en matière de recours aux
prestations externes
...............................................................................................
27
5.5.2-
Des frais annexes mal anticipés
............................................................................
28
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PRESENTATION DE LA SOCIETE
La société VINI est une société par actions simplifiée (SAS) créée par fusion-
absorption des deux filiales de l’Office des postes et télécommunications (OPT), MANA et
TNS, par la filiale TIKIPHONE le 20 avril 2013, avec effet rétroactif au 1
er
janvier 2013. Elle
est régie par les dispositions du code de commerce et détenue à 100 % par l’OPT.
L’objet de la société VINI est assez large : il porte sur l’exploitation et la
commercialisation de tous services liés à la téléphonie mobile, à l’audiovisuel et à l’internet.
En 2013, VINI employait 223 salariés et son chiffre d’affaires s’est établi à 12,4 milliards de
F CFP.
La SAS VINI est dirigée depuis sa création par un président personne physique
nommé par décision des associés, en l’occurrence de l’OPT. Le président a la possibilité de
nommer un directeur général. Cette possibilité n’est plus utilisée depuis le transfert au poste
de président du précédent directeur général en mai 2013.
La société est dotée d’un conseil de surveillance de cinq membres.
La chambre a concentré son examen sur un premier bilan de la fusion des filiales en
termes de situation financière, de pilotage, d’activité et de ressources humaines.
1-
L’OPERATION DE FUSION ENTRE TIKIPHONE, MANA ET TNS
La fusion-absorption des sociétés MANA et TNS par la société TIKIPHONE a été
réalisée par décision de l’associé unique Office des postes et télécommunications du 20 avril
2013. Le traité de fusion a permis la dissolution des sociétés absorbées et l’adoption de
nouveaux statuts pour la société absorbante.
L’absorption de MANA et TNS par TIKIPHONE s’explique par la surface financière de
cette dernière par rapport aux deux autres. Son chiffre d’affaires était plus de trois fois
supérieur à celui des SAS MANA et TNS réunies : 9 400 MF CFP en 2012 contre 2 100 MF
CFP pour TNS et 625 MF CFP pour MANA.
L’absorption de la filiale ISS (société de vente de matériels et de services
informatiques), initialement prévue, n’a finalement pas eu lieu.
La dénomination sociale TIKIPHONE a été remplacée par VINI. Cependant, les
dénominations sociales MANA et TNS ont été conservées à titre d’enseignes commerciales.
La date d’effet comptable et fiscal de la fusion a été fixée au 1
er
janvier 2013.
1.1-
L’origine et les modalités de la fusion
Le projet de regroupement des filiales de l’OPT est issu d’une délibération du conseil
d’administration de l’OPT de juillet 2012 et s’est inscrit dans le cadre des orientations
stratégiques du groupe pour la période 2012-2015.
Le besoin d’une gouvernance adaptée à une stratégie commerciale qui se voulait
offensive face à l’arrivée proche de la concurrence a conduit à la proposition du
regroupement des SAS MANA (offres d’accès Internet) et TNS (Tahiti Nui Satellite, télévision
par satellite) au sein de la SAS TIKIPHONE (téléphonie mobile).
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Les opérations de fusion ont été menées très rapidement, dans leurs phases juridique
et sociale, en dépit de la réticence des personnels. La fusion a été présentée comme une
arme face à la concurrence pour maintenir des emplois en danger.
Le calendrier des opérations de fusion a été tenu, dans un délai court entre les travaux
préparatoires au cours du dernier semestre 2012 et la fusion effective le 20 avril 2013.
Cette rapidité de mise en oeuvre n’a pas été sans conséquence sur certains chantiers
qui n’ont été traités ni avant ni pendant la fusion et qui restent toujours pendants.
1.2-
Les avantages attendus
Les objectifs de la fusion des filiales de l’OPT ont été régulièrement mis en avant lors
des différentes séances du conseil d’administration de l’OPT qui ont précédé l’opération de
fusion.
Celle-ci s’est opérée dans un contexte d’ouverture du marché de la téléphonie mobile à
la concurrence, avec l’installation de l’opérateur Pacific Mobile Telecom (enseigne Vodafone)
en juin 2013.
La fusion répondait à des attentes en termes de gouvernance et de pilotage
1
: il
s’agissait d’améliorer la réactivité des filiales en matière de prise de décision et d’orienter le
développement de la société par des choix commerciaux et techniques en conservant à
l’associé unique OPT le contrôle et la définition des grandes orientations stratégiques.
La fusion devait être l’occasion d’une restructuration interne afin de mutualiser et
simplifier les processus et les structures.
Cette opération était également présentée comme une nécessité économique pour la
pérennité du groupe, en ralentissant à la fois la tendance à la baisse des revenus et
l’inflation des charges.
En effet, la création d’un opérateur de services multimedia devait permettre de se
démarquer de la concurrence par des offres packagées (voix fixe, téléphonie mobile, accès
internet fixe et mobile et services de télévision) unies sous une seule marque. La création
d’une base client unique devait contribuer à fidéliser le client.
La mise en commun des marchés au sein d’une structure unique était conçue pour
compenser la stagnation sur le marché du mobile par la forte croissance sur le marché
internet.
2-
MALGRE LA FUSION, LA PROFITABILITE DE L’ENTREPRISE POURSUIT SA
BAISSE
La société VINI est soumise à la certification de ses comptes. Les comptes annuels
2013 ont été certifiés sans réserve.
Les comptes 2014 ont été certifiés avec deux réserves, concernant l’exhaustivité de la
dépréciation et du provisionnement constatés relatifs à des créances et participations
détenues sur d’autres sociétés : la participation de VINI sur sa filiale VINI DISTRIBUTION
(détenue à 100 %) a notamment fait l’objet d’une dépréciation pour 174 MF CFP en 2014.
1
Cf. rapport n° 41-2012 / OPT du 4 décembre 2012.
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2.1-
Un résultat comptable en diminution
En millions de F CFP
2012
(consolidé TK-MANA-TNS)
2013
2014
Variation
2014/2013
Résultat net
1 143
813.9
189
- 77 %
% du chiffre d’affaires
9.3
6.6
1.6
Source : états financiers
Les résultats de VINI connaissent une baisse conséquente de 35 % entre 2013 et
2014 : le bénéfice est de 527 MF CFP en 2014. Il ne représente qu’environ 4 % du chiffre
d’affaires, pourcentage en diminution par rapport à 2013.
A titre de comparaison, et même si le périmètre post-fusion est différent, le résultat net
de TIKIPHONE en 2012 affichait un excédent de presque 850 MF CFP. La tendance à la
baisse déjà constatée dans les comptes de TIKIPHONE (cf. rapport CTC 2008-2012) se
poursuit donc.
En considérant les données consolidées pour l’ensemble TIKIPHONE-MANA-TNS, le
résultat 2014 affiche une diminution de 54 % par rapport à 2012.
Les résultats de VINI connaissent une baisse conséquente de 77 % entre 2013 et
2014 : le bénéfice est de 189 MF CFP en 2014. Il ne représente qu’environ 1,6 % du chiffre
d’affaires, pourcentage en diminution par rapport à 2013.
A titre de comparaison, et même si le périmètre post-fusion est différent, le résultat net
de TIKIPHONE en 2012 affichait un excédent de presque 850 MF CFP. La tendance à la
baisse déjà constatée dans les comptes de TIKIPHONE (cf. rapport CTC 2008-2012) se
poursuit donc.
En considérant les données consolidées pour l’ensemble TIKIPHONE-MANA-TNS, le
résultat 2014 affiche une diminution de 83 % par rapport à 2012.
2.2-
Une croissance des charges d’exploitation plus rapide que celle des
produits
En millions de F CFP
2012
(consolidé TK-
MANA-TNS)
2013
2014
Variation
2014/2013
Produits
nc
15 039
13 489
-
10.3
%
dont produits
d’exploitation
12 589
12 634
13 105
+ 3.7
%
Charges
nc
14 225
13 300
-
6.5
%
dont charges
d’exploitation
10 833
11 712
12 651
+
8
%
Source : états financiers
L’évolution comparée des produits et des charges d’exploitation entre 2013 et 2014
montre une croissance plus rapide des secondes. Globalement, après intégration
notamment des éléments exceptionnels, charges et produits totaux ont diminué, mais les
charges moins vite que les produits : - 8,4 % contre – 9,8 %. L’entreprise doit veiller à ne pas
laisser persister cet effet de ciseaux.
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La nouvelle organisation n’a eu que peu d’effet sur la rigidité des charges d’exploitation
de l’entreprise. Celles-ci ont augmenté régulièrement entre 2012 et 2014 (à périmètre
équivalent).
L’entreprise a constaté des créances potentiellement irrécouvrables dont le stock est
préoccupant : elles s’élèvent en 2014 à presque 1 milliard de F CFP, soit 8 % du chiffre
d’affaires.
Un travail d’apurement a été initié en 2014, consistant à passer en pertes plus de
600 MF CFP, soit 38 % du stock de créances douteuses, correspondant à des créances
irrécouvrables anciennes, issues des exercices 1999 à 2009.
Ces pertes ont été compensées par des reprises de provisions de montant presque
équivalent : aucun impact négatif n’a donc été constaté sur cet exercice.
La chambre recommande la poursuite de ce travail d’apurement.
En millions de F CFP
2013
2014
c/491 Dépréciations des comptes de clients
1 303
750
c/416 Clients douteux ou litigieux
1 580
989
c/654 Pertes sur créances irrécouvrables
46
605
Source : comptes financiers
L’évolution comparée des produits et des charges d’exploitation entre 2013 et 2014
montre une croissance plus rapide des secondes. Globalement, après intégration
notamment des éléments exceptionnels, charges et produits totaux ont diminué, mais les
charges moins vite que les produits : - 10,3 % contre – 6,5 %. L’entreprise doit veiller à ne
pas laisser persister cet effet de ciseaux.
2.3-
Des indicateurs de profitabilité en régression
Soldes intermédiaires de gestion
(
en millions de F CFP)
2012
(consolidé TK-
MANA-TNS)
2013
2014
Variation
2014/2013
Chiffre d’affaires
12 244
12 401
12 027
- 3 %
VALEUR AJOUTEE
2
nc
4 422
3 549
- 19.7 %
Charges de personnel
nc
1 551
1 584
+ 2.1 %
EXCEDENT BRUT D’EXPLOITATION
nc
2 799
1 903
- 32 %
Taux de rentabilité brute
22.6 %
15.8 %
RESULTAT D’EXPLOITATION
1 755
922
454
- 51 %
Taux de rentabilité d’exploitation
14 %
7.4 %
3.8 %
RESULTAT COURANT
1 700
1 129
513
RESULTAT EXCEPTIONNEL
217
81
34
RESULTAT NET
1 143
814
189
- 76.8 %
Source : états financiers, retraitements CTC
Le chiffre d’affaires diminue de 3 % sur la période. Les revenus des trois activités de
VINI sont en baisse, notamment ceux de la téléphonie mobile prépayée.
2
Pour obtenir un indicateur d’activité plus pertinent, la valeur ajoutée a été retraitée en réduisant les
consommations externes du coût du personnel intérimaire et du personnel détaché et en l’ajoutant aux charges
de personnel.
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La baisse de la valeur ajoutée s’explique surtout par une dégradation de la marge
commerciale ainsi que par une moindre production de l’exercice.
Les charges de personnel apparaissent en légère augmentation (+1,9 %), mais
consomment 46 % de la valeur ajoutée en 2014, contre 36 % en 2013.
L’excédent brut d’exploitation (EBE), indicateur de la productivité globale de l’activité
de l’établissement, chute d’un tiers entre 2013 et 2014. Cet indicateur est représentatif de la
marge que l’établissement dégage sur son exploitation courante pour financer ses charges
financières, d’amortissements et de provisions. Cette baisse, conjuguée à celle du chiffre
d’affaires, explique la régression de la rentabilité brute.
Le poids des charges de structure dans l’excédent brut d’exploitation, en augmentation
en 2014 (de 58 à 70 %), témoigne de la dégradation de la structure d’exploitation, liée
uniquement à la moindre performance de l’excédent brut d’exploitation.
L’évolution des dotations aux amortissements est satisfaisante. Les dotations aux
provisions pour risques et charges apparaissent moindres en 2014 qu’en 2013.
En millions de F CFP
2013
2014
EBE
2 799
1 903
Dotations aux amortissements-exploitation
(c/681) (DA)
1 551
1 347
Charges d’intérêts (c/661) (i)
71
0
Poids dans l’EBE = (DA+i)/EBE
58 %
71 %
Source : états financiers, ratios CTC
Le résultat d’exploitation diminue de moitié par rapport à 2013. Comparé à celui de
2012 (à périmètre équivalent), il a chuté des trois quarts.
Il convient de noter la perte constatée en charges exceptionnelles en 2013 pour un
montant de 305 MF CFP, correspondant à la dépréciation des titres de la société Import
Discount (enseigne Tahiti Phone), fusionnée fin 2013 avec la filiale de VINI, VINI
DISTRIBUTION.
Ces titres avaient été acquis en mars 2013 pour une valeur de 380 MF CFP (soit
405 MF CFP avec les frais d’enregistrement), conduisant VINI à constater la même année
une moins-value de 305 MF CFP
3
.
Le résultat net de 2014 n’est plus que de 189 MF CFP, en régression de 75 % par
rapport à 2013.
Il apparaît ainsi que les effets annoncés de la fusion sur l’exploitation n’étaient pas
encore au rendez-vous fin 2014. Si l’inflation des charges a été jugulée sur l’exercice 2014,
la tendance à la baisse des produits s’est poursuivie. La nouvelle entreprise VINI n’est pas
encore parvenue à inverser l’évolution négative déjà constatée chez TIKIPHONE ni à
redresser sa performance industrielle et commerciale.
3
Cf. rapports CTC sur la gestion de l’OPT et sur la gestion de TIKIPHONE 2008-2012.
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2.4-
Une capacité d’autofinancement qui se réduit
Formation de la capacité d’autofinancement
En millions de F CFP
2013
2014
Excédent brut d'exploitation
2 799
1 903
+ Transferts de charges d'exploitation
14
12
+ Autres produits d'exploitation
9
5
-
Autres charges d'exploitation
551
1 164
+ Produits financiers (sauf reprises)
242
271
- Charges financières (sauf dotations )
74
5
+ Produits exceptionnels (sauf reprises et opérations en capital)
498
13
- Charges exceptionnelles (sauf dotations et opérations en
capital)
1 372
99
- Impôts sur les bénéfices
397
290
CAPACITE D'AUTOFINANCEMENT
1 168
645
Source : états financiers
Conséquence de la dégradation de l’exploitation, la capacité d’autofinancement
diminue de moitié entre 2013 et 2014 et ne correspond plus qu’à 5 % du chiffre d’affaires.
En millions de F CFP
2013
2014
Capacité d’autofinancement (CAF) (a)
1 168
645
Remboursement des emprunts en capital
3 994
0
CAF nette
- 2 826
645
Dividendes versés (b)
4 076
1 011
Autofinancement (a-b)
- 2 908
- 366
Source : états financiers
En 2013, la CAF nette est négative. Les derniers emprunts ont été remboursés en
2013. L’entreprise VINI est totalement désendettée auprès des établissements de crédit en
2014.
En dépit de la baisse de la CAF, 4 milliards de F CFP ont été versés en dividendes à
l’actionnaire OPT au titre de l’exercice 2013 et 1 milliard au titre de 2014. Un milliard de
F CFP devrait être distribué à nouveau pour 2015.
En conclusion, la chambre constate que la fusion des filiales n’a eu que peu d’effet à
court terme sur la profitabilité de la nouvelle entreprise. La dégradation entamée des
performances liées à l’exploitation, constatée par la chambre sur les résultats de la SAS
TIKIPHONE
4
, s’est prolongée après l’absorption de MANA et TNS par TIKIPHONE. La fusion
n’a pas représenté le gisement d’économies attendu par les instances dirigeantes.
3-
LES OUTILS DE PILOTAGE ET DE CONTROLE DE VINI RESTENT A
CONSOLIDER
Le défaut d’harmonisation des processus et procédures et des systèmes d’information
est l’une des sources de l’absence d’économies constatée après la fusion.
4
Cf. rapport de la CTC sur la gestion de TIKIPHONE de 2008 à 2012.
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Observations définitives - Société par actions simplifiée VINI
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3.1-
L’organisation
Le comité de pilotage de TIKIPHONE-VINI a été remplacé à partir de janvier 2013 par
un conseil de surveillance qui garde la même composition (cinq membres désignés par le
président du conseil d’administration de l’OPT) et les mêmes attributions (contrôle
permanent de la gestion de la société). Seule nouveauté, son avis est obligatoire pour les
investissements au-delà d’un seuil de 150 MF CFP.
L’organigramme de VINI est resté stable depuis la création de l’entreprise. Le seul
changement d’importance a concerné la suppression du poste de directeur général, fonction
facultative dans les statuts, après la démission du président à la suite de la signature du
traité de fusion (mai 2013). Le président actuel a occupé les fonctions de directeur général
jusqu’en février 2012.
Une réorganisation parallèle de la présidence a suivi dès juin 2013, marquée par la
suppression de la direction stratégie et contrôle au profit d’une équipe de la présidence
réduite à cinq conseillers.
Un comité exécutif a en outre été mis en place depuis la fusion, regroupant les
directeurs exécutifs et l’équipe de la présidence.
3.2-
Les orientations stratégiques
La stratégie de l’entreprise est régulièrement définie au moment de l’approbation du
budget prévisionnel par le conseil de surveillance.
Les axes stratégiques pour 2013 et 2014 se sont inscrits dans le cadre des orientations
stratégiques 2012-2015 du groupe OPT, définies dès la fin 2011. Les trois axes présentés
par TIKIPHONE-VINI au conseil de surveillance de février 2013 reprennent ainsi les objectifs
du groupe :
- préserver et développer les revenus des activités traditionnelles
- saisir les nouvelles opportunités de croissance
- améliorer l’efficience du groupe
Ces orientations ont été déclinées en plans d’actions.
Pour 2015, un axe supplémentaire a visé à mieux communiquer sur la marque VINI.
Selon le président, les objectifs de VINI vont désormais s’insérer dans une stratégie
pluriannuelle du groupe OPT, validée en décembre 2015 et qui sera déclinée par actions
selon les secteurs (marketing, RH, …) et selon les activités (téléphone, télévision, internet).
3.3-
Le contrôle interne
En matière de contrôle interne, la société bénéficie de l’aide apportée par les
commissaires aux comptes, qui procèdent à des revues de procédures sur des points
spécifiques dans le cadre de leur mission auprès de VINI.
En dépit des différentes études préalables à la fusion menées par des prestataires
extérieurs sur l’optimisation des services, force est de constater que l’harmonisation des
processus et des systèmes d’information constituent toujours des chantiers en cours ou en
projet. De ce fait, ils sont peu susceptibles de générer des économies dans un premier
temps.
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Observations définitives - Société par actions simplifiée VINI
Séance du 28 avril 2016 - page 14 sur 28
La chambre regrette le retard constaté dans le lancement de certains de ces chantiers,
en opposition avec la célérité apportée à l’opération de fusion elle-même.
Ainsi, certaines procédures tardent à se mettre en place ou à être formalisées. La
rédaction de l’ensemble des procédures, initiée en 2008, basée sur le principe de la
rédaction par chaque service de ses propres procédures, n’est pas achevée. Les procédures
de vente, en revanche, ont été instaurées en 2009-2010 suite à l’accompagnement d’un
prestataire extérieur.
Le contrôle interne ne semble pas avoir été considéré comme une priorité jusqu’à une
date récente. La mise en place du contrôle interne en 2010 n’a pas été effectuée,
contrairement à ce qui avait été prévu. Le poste de contrôleur interne, créé seulement en
2012, s’est vu supprimé lors de la fusion en 2013 et n’a été réinstauré et pourvu que fin
2014.
L’absence de respect ou de suivi de certaines procédures, ou le retard dans leur mise
en oeuvre a en effet engendré une prise de conscience tardive des risques liés à l’activité de
la société.
Ainsi, les risques relatifs à l’activité commerciale et au réseau des revendeurs n’ont été
véritablement pris en compte qu’après s’être matérialisés par un détournement d’envergure
découvert en 2014.
De nouvelles procédures ont alors été mises en place (séparation des tâches entre
l’agent responsable du bon de commande et de la facture et l’agent en charge de
l’encaissement, instauration de carnets de reçus) et un rappel au respect des procédures
existantes a été effectué.
Le contrôleur interne pilote un dispositif visant à accompagner les directions exécutives
dans la maîtrise des activités et des risques. Il est rattaché, à l’instar du contrôleur de
gestion, à l’équipe de conseillers entourant le président-directeur général.
En 2015, le projet, déjà ancien mais non réalisé, de déploiement d’un outil de fonds
documentaire destiné au stockage des diverses procédures a refait surface. Deux ans après
la fusion, l’entreprise a en effet reconnu elle-même la défaillance de la documentation, en
raison d’outils inadaptés et de niveaux de formalisation disparates.
En outre, le constat du morcellement de l’activité, lié à l’absence d’harmonisation des
processus et à la dispersion des systèmes d’information, a incité VINI à engager en 2015 un
chantier de cartographie d’une partie des processus (support, métiers de vente, comptabilité
et finances) pour les activités héritées de MANA, TNS et TIKIPHONE.
En projet pour 2016, demeurent l’achèvement de la rédaction des procédures ainsi que
l’établissement d’une cartographie des risques.
Par ailleurs, la question de la cohabitation malaisée de trois systèmes d’information
hérités des trois sociétés fusionnées n’a pas encore trouvé de solution opérationnelle. Outre
le coût d’exploitation supplémentaire engendré, la communication difficile entre les différents
systèmes constitue l’une des pierres d’achoppement de l’évolution de l’offre vers des
gammes de produits convergentes (associant mobile, internet et télévision).
Un projet de système d’information unique devrait être lancé fin 2015 pour une mise en
production prévisionnelle fin 2017. Cet outil pourrait contribuer à des gains de productivité au
sein de la société.
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3.4-
Les dispositifs d’évaluation de la performance
L’élaboration des budgets 2014 et 2015 s’est appuyée sur des orientations prioritaires
assorties d’étapes et d’un calendrier.
Mais seule l’élaboration du budget 2016 a donné lieu à une véritable lettre de cadrage
de la présidence vers chacune des directions exécutives, fondée sur des objectifs chiffrés,
relatifs notamment au maintien du cadre d’emplois.
Les dispositifs d’évaluation de la performance en place s’appuient sur des indicateurs
standards, tels le suivi du chiffre d’affaires par activité ou le suivi de l’évaluation des charges.
Par-delà le chiffre d’affaires, principale donnée examinée par la société, la maîtrise des
charges et la productivité requièrent la mise en place d’indicateurs spécifiques que VINI
envisage d’élaborer à court terme.
L’entreprise compte pour cela sur le développement de sa comptabilité analytique,
amorcé en 2009 avec TIKIPHONE et poursuivi depuis la fusion, avec l’assistance de divers
prestataires extérieurs.
Depuis le début de l’année 2014, un agent est désormais dédié à cette question au
sein de la direction financière.
Une refonte du plan comptable analytique a eu lieu en 2014. Depuis cette date,
l’entreprise dispose d’une comptabilité analytique par activité (mobile/TV/internet fixe),
encore affinée
5
en 2015. La modélisation des coûts de revient des services de
communication (minute, sms et data) a également été révisée en 2014.
La poursuite du développement de la comptabilité analytique est prévue en 2016.
3.5-
Un modèle économique spécifique sur l’internet fixe
L’activité internet fixe de VINI, jusque-là sous l’enseigne MANA, est sous contrôle de
l’OPT, qui seul dispose de la licence de fournisseur d’accès à l’internet (FAI). VINI assure
l’exploitation technique et la gestion commerciale de cette activité, dans le cadre d’une
convention de mandat avec sa maison-mère (mise à jour par avenant au moment de la
fusion des filiales).
Les décisions tarifaires sont prises par l’OPT. Le chiffre d’affaires lié aux abonnements
et au trafic internet, facturé aux clients par VINI, est reversé à l’OPT, qui rémunère en retour
son mandataire en fonction du nombre d’abonnements constatés en fin de mois, auxquels
s’ajoute un montant forfaitaire au titre de l’exploitation et la gestion des équipements.
Ce modèle économique, dans son fonctionnement actuel, n’est pas de nature à
favoriser le pilotage par VINI de l’ensemble de son activité : n’assurant qu’un rôle de
prestataire, la société ne dispose pas de données relatives aux charges réseau pour
l’internet fixe, qui dépendent de l’OPT. Sa vision sur la rentabilité de l’offre internet fixe
(MANA) en est entravée, comme le sera celle sur la toute récente offre convergente
« multiplay »
6
.
5
Modèle d’allocation des coûts annuels par micro-produit.
6
Sortie le 9 décembre 2015.
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4-
L’IMPACT DE LA FUSION SUR L’ACTIVITE N’A PAS ETE JUSQU’A PRESENT
COMPLETEMENT A LA HAUTEUR DES ATTENTES MEME SI VINI A SU LIMITER
LES PERTES EN PARTS DE MARCHE
4.1-
Les indicateurs d’activité
Les évolutions de la clientèle et du trafic sont suivies au niveau de la direction
exécutive marketing et commerciale par le biais de tableaux de bord mensuels, semestriels
et annuels selon les éléments considérés (parc des abonnés, activité, parts de marché …).
Des indicateurs qualitatifs ont également été mis en place sur les centres d’appel.
Le pilotage de l’activité s’appuie sur ces données pour la fixation des objectifs aux
chefs de départements, portant essentiellement sur des points quantitatifs (nombre de
nouveaux clients, vente de terminaux et de kits prépayés,…).
4.2-
La décomposition du chiffre d’affaires
Evolution du chiffre d’affaires selon les secteurs d’activité
En millions de F CFP
2012
(consolidé TK-MANA-TNS)
2013
2014
Prévisionnel
2015 au 21-
10-2015
Variation
prévisionnelle
2015/2013
Téléphonie mobile
9 413
9 746
9 530
9 681
- 0.6 %
Audiovisuel
2 122
1 948
1 853
1 730
- 11 %
Mandat internet fixe
625
643
609
532
- 17 %
Produits annexes
7
85
44
35
54
+ 0.2 %
Total chiffre d’affaires
12 244
12 381
12 027
11 998
- 3 %
Source : tableaux de bord contrôle de gestion
Le chiffre d’affaires global apparaît en baisse de 3 % depuis la fusion. L’activité
téléphonie mobile (qui représente 80 % du chiffre d’affaires) se maintient.
La baisse est surtout marquée pour l’activité internet (qui compose 5 % du chiffre
d’affaires) et pour l’audiovisuel : l’évolution constatée sur la période 2013-2015 montre que
VINI perd des abonnés TNS, part principale du chiffre d’affaires de l’audiovisuel.
Parallèlement, la location de décodeurs et de cartes est en baisse.
La croissance du chiffre d’affaires issu de la téléphonie mobile entre 2012 et 2013 avait
permis de compenser le déclin constaté sur l’activité audiovisuelle (15 % du chiffre
d’affaires). Ce n’est plus le cas depuis 2013.
L’essentiel du chiffre d’affaires lié à la téléphonie mobile est issu du trafic lié aux
forfaits, qui est en diminution. La vente de kits et de recharges, dont le chiffre d’affaires
représente un quart du précédent, est en baisse plus marquée. Seule la vente de terminaux
et accessoires connaît une recrudescence en 2013 et 2014, effet de la densification du
réseau de distribution.
7
Dont prestations informatiques, revenus immobiliers, produits d’activités annexes.
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4.3-
Le positionnement de VINI sur un marché désormais concurrentiel
4.3.1-
Les objectifs avant fusion
La fusion des filiales s’est produite au moment de l’entrée sur le marché d’un opérateur
concurrent dans le domaine de la téléphonie mobile (Pacific Mobile Telecom en juin 2013).
Dans ce contexte, l’opération avait pour objectif la fidélisation du client, enjeu majeur dans ce
nouvel environnement.
Pour cela, l’entreprise entendait se fonder sur des offres packagées, fondement même
de la fusion, ainsi que sur l’unicité de la marque et donc de la base client.
La croissance sur le marché de l’internet, concurrentiel depuis 2011, devait en outre
contribuer à tirer l’activité afin de compenser la stagnation sur le marché du mobile.
Le secteur audiovisuel, marqué par une faible pénétration (moins de 30 % des foyers
abonnés) et une stagnation des revenus, devait retrouver de la vigueur grâce à la
convergence annoncée de la télévision et de l’internet.
4.3.2-
L’effort a porté sur la téléphonie mobile, qui obtient des résultats
satisfaisants
Sur le marché mobile, où VINI est en concurrence avec Pacific Mobile Telecom
(VODAFONE) depuis la fusion, le parc global est estimé à 250 000 lignes. Selon les propres
données de la société, le taux de pénétration de la population
8
est en croissance : inférieur à
90 % fin 2012, il atteint 94 % fin 2013. Le marché de la téléphonie mobile peut ainsi être
considéré comme mature en 2013, au moment de l’entrée sur le marché de l’opérateur
concurrent.
Le parc global des clients du mobile a pourtant connu une forte hausse de 2013 à
2015, liée à la stimulation du marché par l’arrivée d’un nouvel opérateur.
Durant la période examinée, les actions ont été concentrées sur le mobile, secteur visé
par le nouvel entrant.
La poursuite du déploiement et de la densification du réseau en 2015 a permis la
couverture de 98 % de la population polynésienne, de façon différenciée selon les archipels.
Les îles de la Société bénéficient d’une couverture en 2G et 3G+ pour la voix et les données.
Les autres archipels disposent d’une couverture 2G voix et données par liaison satellitaire.
Une expérimentation 4G, centrée sur les données uniquement, a été lancée depuis 2013 sur
la ville de Papeete.
De juin 2013 à juin 2014, les ripostes de VINI aux offres concurrentes ont été
davantage fondées sur l’extension des crédits de données (« data ») ou du temps de
communication que sur la baisse des prix. Les programmes fidélité ont visé à limiter la perte
des clients. Surtout, les offres « packagées », basées sur l’intégration dans une même offre
des données (data) en plus de la voix et des sms, ont permis pour l’usager une simplification
de la facturation (avec une facture unique) et une réduction de coût par rapport à l’addition
des offres séparées.
8
Ratio ensemble des cartes SIM en service / population.
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Les offres convergentes multiplay, quant à elles, envisagées depuis 2012 et
initialement annoncées pour 2014, n’ont en réalité été lancées que mi-2015 pour les
professionnels et seulement en décembre 2015 pour les particuliers, au moment de
l’annonce de l’entrée sur le marché internet d’un nouvel opérateur pour début 2016.
Ces offres possèdent la particularité de faire passer les différents flux (voix fixe et
mobile, accès internet et télévision) par l’internet. Elles ont l’avantage, d’un point de vue
commercial, de protéger le marché mobile en utilisant le levier de l’internet.
Il convient de souligner que, par-delà les stratégies commerciales, la mise en oeuvre
de cette offre a pu dépendre en partie des aspects techniques, notamment du déploiement
du réseau de fibre optique par l’OPT. L’offre convergente est toutefois disponible également
via l’ADSL.
La chambre constate que fin 2014, la société a su limiter la perte de ses parts de
marché en matière de téléphonie mobile : VINI est passée de 100 % des parts de marché
avant fusion (où elle opérait en situation de monopole en tant que TIKIPHONE) à 95 % en
2013, 91 % en 2014 et 85 % en 2015.
L’objectif affiché avant fusion, consistant à fidéliser le client, est en bonne voie : en
2015, 70 % du parc clients a été réengagé.
La société n’a pas constaté de baisse de parc sur les forfaits post-payés. Une
diminution a en revanche été notée depuis l’arrivée du concurrent sur le parc des cartes
prépayées, qui se caractérise par une volatilité élevée. Le suivi du parc des abonnés montre
que les clients se répartissent de manière à peu près égale entre post-payés et prépayés.
La baisse constatée du chiffre d’affaires s’explique ainsi par la perte de clients depuis
l’ouverture du marché à la concurrence, ainsi que, dans une moindre mesure, par la
modération des prix.
L’entreprise a ainsi privilégié les emplois existants et les salaires au détriment de son
offre tarifaire. Face à l’arrivée de la concurrence, l’objectif a été de préserver le modèle
social tout en s’efforçant de limiter la baisse du parc et du chiffre d’affaires.
Selon la réponse aux observations provisoires fournie par VINI, l’objectif a été de
développer l’offre commerciale et la fidélisation des clients tout en préservant les emplois
dans la mesure du possible.
Le cadre d’emplois est de fait resté stable de 2013 à 2015 (cf partie suivante).
VINI souligne par ailleurs dans sa réponse le gel des salaires en 2013 et 2014.
Celui-ci n’a pourtant pas été constaté par la chambre : d’une part, parce que la fusion
d’avril 2013 s’est opérée par l’ajustement par le haut des salaires et des primes (comme il
est démontré dans la partie 5.1.2) ; d’autre part, parce que le gel des salaires bruts en 2014
s’est accompagné d’une augmentation du montant total des primes et commissions.
4.3.3-
La forte croissance attendue sur le marché internet n’est pas encore au
rendez-vous
4.3.3.1-
La qualité de service
Deux opérateurs sont en concurrence sur le marché de l’internet fixe durant la période
examinée : VINI - sous l’enseigne MANA jusqu’en 2015 - et VITI, entré en 2011.
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La couverture du marché internet fixe par ces opérateurs est en croissance et dépasse
les 90 % pour un parc global de 50 000 lignes.
L’internet ADSL, donc haut débit, est présent dans toutes les îles de l’archipel de la
Société, ainsi que dans celles des archipels éloignés où l’accès à l’internet fixe haut débit est
permis par la couverture par liaison satellitaire via la technologie VSAT.
Le débit pour l’usager se situe dans une fourchette de 500 Kbps
9
à 8 Mbps
10
en
moyenne pour l’archipel de la Société et oscille entre 100 et 200 Kbps dans les archipels
éloignés. Dans ces derniers, la qualité de service fluctue en fonction du partage des
capacités entre les applications voix et données.
Cette mauvaise qualité de service dans les îles éloignées a d’ailleurs engendré des
plaintes d’abonnés auprès de la direction générale des affaires économiques du Pays,
signalant des difficultés d’accès à internet marquées par de faibles débits et un service
discontinu.
A la suite de ces plaintes, une situation de saturation a été constatée dans les
archipels éloignés, entravant la fourniture d’un service internet de qualité ou même
simplement conforme aux engagements contractuels de VINI avec ses clients.
Des infractions en matière économique ont ainsi été relevées en novembre 2015,
fondées sur l’inadéquation de la communication publicitaire au service rendu et l’insuffisance
des moyens alloués pour assurer la prestation vendue.
L’offre 1 Mbps et 2 Mbps proposée dans ces îles avait d’ailleurs été suspendue pour
les nouveaux clients depuis juillet 2014, soit un an après l’ouverture de ce service.
4.3.3.2-
La part de marché de VINI
Selon les données fournies par l’entreprise, la part du marché adressable détenue par
VINI au moment de la fusion était de 90 %. La société est passée à 88 % de parts de
marché en 2014 et à 84 % en 2015.
Le déclin du chiffre d’affaires internet peut s’expliquer par l’absence d’actions
commerciales de la société sur ce secteur. De 2012 à 2015, aucune offre spécifique à
l’internet n’a vu le jour.
Ce n’est que tout récemment, en décembre 2015, que des offres convergentes,
marquées par l’augmentation des débits et la baisse des prix, semblent enclencher une
nouvelle étape dans la stratégie commerciale de VINI pour l’internet.
4.3.4-
L’entreprise n’a pas réussi à amorcer une hausse de l’activité
audiovisuelle
Sous l’enseigne TNS jusqu’en 2015, VINI fournit une offre de chaînes de télévision
payantes.
La pénétration du marché, assez faible au moment de la fusion, a connu une évolution
régulière à la baisse depuis : le parc des abonnés est passé de 33 % du marché adressable
en 2012 à 31 % en 2013 et à 29 % en 2014.
9
Kbps : kilobits par seconde / Mbps : mégabits par seconde.
10
Débit descendant (le débit montant, plus faible, étant en moyenne à 1 Mbps).
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Comme pour l’internet, aucune action n’a été entreprise pendant cette période, à
l’exception fin 2014 de la refonte des bouquets de chaînes, qui a pu contribuer à ralentir
quelque peu la baisse du parc pour TNS.
L’introduction de la télévision sur IP avec l’offre convergente lancée en décembre 2015
constitue une première innovation dans le domaine audiovisuel.
S’agissant des installations techniques, l’ouverture de la tête de réseau, initialement
prévue pour 2009, ne s’est effectuée qu’en 2014, en lien avec la commercialisation
annoncée des offres « tripleplay ». Cet équipement permet une baisse des coûts pour VINI
et donc, potentiellement, pour l’usager.
4.3.5-
Une enseigne unique
Depuis la fusion, en théorie, les clients pouvaient trouver l’ensemble des offres liées
aux trois activités mobile, internet et télévision dans les boutiques VINI et le réseau des
agences OPT. En réalité, les boutiques VINI ne traitaient que les encaissements relatifs au
mobile. De surcroît, le manque de formation des personnels sur les offres internet et
audiovisuelle entravait la bonne qualité du service commercial à l’usager.
En outre, les boutiques MANA et TNS étaient toujours présentes, brouillant le message
porté par VINI.
Dans la logique de la fusion, la marque VINI a désormais étendu son emprise sur les
deux autres activités : l’aboutissement du processus a vu la fermeture des boutiques TNS et
MANA respectivement en mai et septembre 2015. La visibilité de la marque en est renforcée,
conformément à l’axe stratégique défini pour 2015.
5-
UNE FUSION A EFFECTIF CONSTANT
5.1-
Une fusion sans recherche de rentabilité
5.1.1-
Le maintien des effectifs
Afin d’atténuer les réticences du personnel face à la décision de fusionner les trois
filiales, le choix a été fait, et annoncé, de privilégier une fusion à effectifs constants.
Effectifs avant et après fusion
TIKIPHONE
MANA
TNS
avant
fusion
Après
fusion
2014
2015
Cadre d'emploi
212
216
214
CDI
133
41
29
203
203
203
205
CDD
21
6
3
30
20
30
32
TOTAL au 31/12
154
47
32
233
223
233
237
L’ensemble du personnel permanent des trois filiales, soit un effectif de 203 salariés, a
été intégré dans la nouvelle SAS VINI. Fin 2014, l’effectif était similaire à celui des trois
entreprises confondues avant la fusion, contrats à durée indéterminée et contrats à durée
déterminée inclus.
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Le cadre d’emploi, en hausse en 2014, a été réduit en 2015 mais demeure supérieur à
celui de 2013.
L’effectif total au 31 décembre est passé à 237 fin 2015.
5.1.2-
L’ajustement sur le statut le plus avantageux
L’intégration du personnel à VINI s’est effectuée sur la base de la classification des
postes sur l’échelle des étapes de TIKIPHONE et de la grille de rémunération de cette
dernière.
Les écarts de salaire de base entre les trois sociétés fusionnées s’avéraient assez
significatifs, selon les études préparatoires au regroupement. Le coût de la mise à niveau
des salaires de base sur la grille de TIKIPHONE n’a donc pas été négligeable. Il a été estimé
à un montant maximum de 22 MF CFP, variable en fonction de la classification réelle des
postes de la nouvelle organisation et susceptible d’être lissé dans le temps.
A ce coût, s’est ajouté l’alignement des primes et avantages en nature, sensiblement
différents entre TIKIPHONE, MANA et TNS, sur la situation la plus avantageuse du point de
vue des personnels.
5.1.3-
L’augmentation de la masse salariale
2013
2014
Salaires et appointements
883 239 124
833 329 574
Primes d'ancienneté
60 464 182
64 388 093
Heures supplémentaires
11 528 059
18 836 055
Prime de précarité
2 993 729
4 361 045
Commiss° s/vtes et part variable
28 907 107
35 647 796
Congés payés
98 813 694
105 637 836
Primes modulables
78 215 306
80 858 908
Primes de résultat
14 335 429
7 240 489
Avantages et indemnités
48 150 878
51 170 450
Total 641
‐
Salaires et traitements
1 226 647 508
1 201 470 246
Cotisations CPS
285 304 614
333 219 944
Participat° format° continue
1 239 391
‐
2 693 043
Versements aux CE
‐
participat° légale
3 120 776
2 814 907
Versements aux CE
‐
autres
27 262 322
41 703 855
Médecine de travail
2 026 387
1 985 700
Autres charges de personnel
79 827
Total 645 et 647 Ch. Sociales
319 033 317
377 031 363
Total charges de personnel
1 545 680 825
1 578 501 609
Source : états financiers
La masse salariale consolidée de 2012 était de 1 437 MF CFP. En 2013, elle
représentait un montant de 1 546 MF CFP soit une augmentation de 109 MF CFP (+ 7,5%).
La hausse a été de 2 % entre 2013 et 2014.
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Cependant en 2013, des indemnités pour un montant de 57 MF CFP ont été versés
aux deux cadres ayant quitté la société sur la base d’un départ négocié. Après retraitement,
hors indemnités, la masse salariale 2013 était de 1 489 MF CFP soit une hausse de 3,6 %
par rapport à 2012 puis de 6 % entre 2013 et 2014.
2013
2014
Commiss° s/vtes et part variable
28 907 107
35 647 796
Primes modulables
78 215 306
80 858 908
Primes de résultat
14 335 429
7 240 489
Avantages et indemnités
48 150 878
51 170 450
169 608 720
174 917 643
Source : états financiers
Parmi ces dépenses, le montant des primes et indemnités a crû de 3 % entre 2013 et
2014. La baisse des dépenses liées à la prime de résultat s’explique par la modification de
ses critères d’attribution en 2012 : son évolution suit désormais celle du résultat
d’exploitation.
L’évolution des charges de personnel ne devrait pas s’inverser en 2015, compte tenu
de l’augmentation des effectifs notée au 30 septembre 2015.
5.1.4-
Les avantages en nature
Les avantages en nature ont été chiffrés à 38 535 000 CFP en 2013 et 45 301 000 F
CFP en 2014.
Ils n’ont été intégrés qu’en 2015 dans l’assiette des cotisations, suite à des
redressements de la CPS pour 31 MF CFP en 2014.
Seuls les forfaits téléphoniques, considérés par la société comme des frais
professionnels, et les tickets tama’a, pour lesquels VINI a engagé un recours en contestation
à l’encontre de la Caisse, n’ont pas été intégrés.
S’agissant du téléphone, le personnel bénéficie de l’attribution d’un terminal, dont la
mise à disposition est formalisée par une convention et d’un forfait téléphonique. Son
utilisation est encadrée : en cas de dépassement du forfait, la même procédure que pour les
abonnés extérieurs s’applique, facilitée par le prélèvement automatique mis en place au
départ.
5.2-
La rémunération du directeur général et des directeurs exécutifs
Les directeurs généraux des entités fusionnées ont été placés, après le regroupement,
à la tête des directions exécutives de la nouvelle organisation. Lors de cette intégration au
sein de VINI, leur salaire a été soit maintenu, soit légèrement réduit. Ce salaire est basé sur
13 mois. Les directeurs bénéficient en outre d’une prime sur objectifs, plafonnée à deux mois
de salaire.
L’ancien directeur général de TIKIPHONE, quant à lui, a été nommé par l’actionnaire
unique OPT, président de la SAS Vini à compter du 13 mai 2013.
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A ce titre, il bénéficie d’une indemnité mensuelle à laquelle s’ajoutent divers avantages
en nature tels qu’une voiture de fonction, l’accès illimité aux services de télécommunication
mobile, fixe, internet et multimédia. L’indemnité mensuelle de logement dont il bénéficiait
auparavant a été intégrée dans sa rémunération mensuelle, réduite de 100 000 F CFP par
rapport à l’indemnité qu’il percevait chez TIKIPHONE.
Une prime sur objectifs lui a été allouée au titre de l’exercice 2013. Cette prime
modulable est prévue au contrat de travail. La décision du 1
er
septembre 2014 relative au
versement de cette prime justifie son attribution «
au vu des résultats de la société VINI et
des objectifs atteints notamment en matière de mise en oeuvre d’un plan d’actions de riposte
à l’arrivée du concurrent Vodafone ».
Selon l’entreprise, la formalisation des objectifs assignés au président repose sur la
décision d’approbation du budget annuel, prise après avis du conseil de surveillance sur le
plan d’actions et le budget présentés.
5.3-
La fusion n’a pas encore permis de résorber les faiblesses de la gestion
des ressources humaines
5.3.1-
Les défaillances antérieures perdurent
La nouvelle société VINI n’a pas remédié à l’absence d’encadrement véritable de la
gestion du personnel déjà constatée chez TIKIPHONE (cf. rapport de la CTC).
Le personnel reste régi par une succession de protocoles d’accord qui n’ont pas été
consolidés en une convention d’établissement et qui émanent non seulement de la
négociation annuelle mais aussi de négociations issues de périodes de conflit entre la
direction et les organisations syndicales
11
.
Des risques peuvent résulter de la complexité de ce cadre d’action. Ces risques se
sont d’ailleurs matérialisés en matière d’embauche et de départ (cf partie sur les conditions
de départ de certains personnels).
Un audit post-fusion mené en 2014-2015 a constaté la faiblesse de l’anticipation sur
l’évolution des métiers de l’entreprise ainsi que le manque de communication interne.
La gestion des ressources humaines reste en réalité centrée sur la gestion
administrative et la paye. La démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences (GPEC) n’est qu’ébauchée en 2015 : l’état d’avancement du projet au dernier
trimestre 2015 témoigne de la rédaction d’une partie des fiches de poste, dont beaucoup
restent à valider, ainsi que de la mise au point d’un outil de pesée des postes. Cette
démarche doit se poursuivre en 2016 avec un référentiel et une grille d’évaluation des
compétences.
Ce n’est qu’une fois cette démarche enclenchée que les formations et redéploiements
de personnels pourront être réalisés afin de supprimer les postes en doublon issus du
regroupement.
La chambre recommande d’accélérer la mise en place de la GPEC, qui conditionne la
bonne adéquation des personnels aux besoins de l’entreprise et peut contribuer à une
meilleure maîtrise de la masse salariale.
11
Les cinq centrales syndicales présentes en Polynésie française sont représentées chez VINI.
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5.3.2-
Des difficultés supplémentaires engendrées par la fusion
Le suivi de l’activité RH lui-même est alourdi par l’utilisation manuelle d’outils Excel,
l’absence de système d’information intégré et l’hétérogénéité des procédures entre les trois
entités fusionnées.
Consciente de ces problèmes, la direction des ressources humaines s’est fixé en 2015
les objectifs de développer à court terme la polyvalence sur les trois activités (mobile,
internet et audiovisuel) ainsi que la communication interne. La mise en exploitation d’un
logiciel permettant le suivi de l’activité RH est également annoncée.
5.4-
Les conditions de départ de certains personnels
La gestion du personnel est régie à VINI par une succession de protocoles d’accord,
notamment celui du 19 avril 2007. Aucun de ces textes ne prévoit le versement d’indemnité
de départ (hors le cas du départ en retraite), ni la reprise des années d’ancienneté au titre de
fonctions antérieurement exercées au sein du groupe OPT.
Pourtant, à deux occasions depuis la naissance de la SAS VINI en 2013, une rupture
conventionnelle a donné lieu au versement d’indemnités conséquentes.
Les deux cadres concernés occupaient les fonctions respectives de directeur
commercial et de directeur contrôle et stratégie. Ils ont perçu respectivement 24 379 823 F
CFP et 24 638 560 F CFP au moment de leur départ de la société mi-2013.
Il leur a en outre été versé 8 663 424 F CFP pour le premier et 221 279 F CFP pour le
second au titre d’indemnité de non-concurrence.
5.4.1-
Le cas du directeur contrôle et stratégie
Les conditions de départ du directeur contrôle et stratégie, survenant à peine plus d’un
mois après son embauche en contrat à durée indéterminée par la SAS TIKIPHONE
(devenue rétroactivement la SAS VINI à compter du 1
er
janvier 2013), ne laissent pas de
surprendre.
L’intéressé a d’abord été recruté par TIKIPHONE comme directeur de la stratégie
auprès du président de l’époque, M. Léon TEFAU, en contrat à durée déterminée, le 1
er
août
2012, après suspension du contrat de travail qui le liait à la société MANA, filiale de l’OPT. Il
a ensuite signé un contrat à durée indéterminée avec TIKIPHONE le 28 mars 2013 après
avoir demandé le même jour la résiliation de son contrat de travail avec MANA.
Ce contrat de travail indiquait notamment un salaire de base mensuel brut de 980 000
F CFP, assorti d’avantages en nature et d’une prime sur objectifs. Une reprise d’ancienneté
de 16 ans au titre de ses fonctions précédentes au sein du groupe OPT était également
prévue.
Une clause de non-concurrence était insérée au contrat, qui prévoyait pour l’employeur
la faculté d’y renoncer au plus tard dans les 15 jours suivant la notification de la rupture du
contrat de travail.
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La convention de rupture amiable pour motif personnel est intervenue un mois et une
semaine après, le 3 mai 2013. Elle est signée par l’intéressé et par le président de la société,
M. TEFAU, habilité par les statuts à prendre ce type de décision. Elle indique que «
le salarié
a émis le souhait, pour des motifs personnels, de quitter l’entreprise dans le cadre d’une
rupture amiable et négociée de son contrat.
». Il est fait état une seconde fois, dans la
convention, d’une demande de départ négocié émanant du salarié, «
sans contrainte et de
sa seule initiative
».
Cette convention fixait le même jour (3 mai 2013) comme date de cessation définitive
du contrat de travail. Elle prévoyait le paiement à l’intéressé de plusieurs sommes au titre :
‐
de ses droits à congés payés ;
‐
de son salaire restant dû ;
‐
du 13
ème
mois, au prorata du temps travaillé ;
‐
de l’inobservation du préavis de trois mois, pour un montant de 3 410 400 F CFP ;
‐
d’indemnité complémentaire de rupture amiable compte tenu de son ancienneté de
16 ans, pour un montant brut de 22 736 000 F CFP.
Par ailleurs, la société VINI, représentée cette fois par son nouveau président, ex-
directeur général (M. TEFAU ayant posé sa démission de son mandat de président le 6 mai
2013), a libéré l’intéressé de son interdiction de concurrence dans le délai fixé par le contrat
de travail, le 14 mai 2013. Ce dernier a ensuite, par l’intermédiaire d’un avocat, réclamé le
paiement de la somme de 252 903 F CFP (soit 221 279 F CFP nets) au titre d’indemnité de
non-concurrence sur la période du 4 mai 2013 (1
er
jour suivant la cessation du contrat de
travail) au 15 mai 2013 (date de notification de la libération de l’interdiction de concurrence).
Plusieurs anomalies affectent les conditions de ce départ.
D’une part, l’indemnité complémentaire de rupture amiable et la reprise d’ancienneté
sur laquelle elle s’appuie ne sont prévues dans aucun des textes régissant l’embauche des
personnels de VINI.
Sur les 27 471 213 F CFP bruts versés, 22 736 000 F CFP sont donc indus.
D’autre part, la société VINI ne pouvait à la fois dispenser le salarié de son préavis, lui
verser son salaire et avantages pendant cette période de préavis non travaillé et dans le
même temps, avancer la date de fin du contrat au premier jour de cette période. En
application du code du travail de la Polynésie française
12
en effet, la dispense par
l’employeur de l’exécution du travail pendant le préavis s’accompagne du paiement du
salaire et des avantages annexes, le contrat de travail prenant fin à l’issue de cette période
de préavis non travaillée.
En l’occurrence, il peut être considéré que :
‐
soit le contrat de travail prenait fin à l’issue du délai de préavis de trois mois,
auquel cas le salarié ne pouvait prétendre à aucune indemnité de non-
concurrence, la libération de l’interdiction de concurrence lui ayant été notifiée
durant cette période ;
‐
soit le contrat de travail prenait fin comme stipulé dans la convention de rupture,
c’est-à-dire immédiatement au 3 mai 2013, auquel cas aucune indemnité
compensatrice de préavis n’était due.
12
Cf. articles Lp. 1224-1 à Lp. 1224-6 du code du travail.
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Le versement successif par la société VINI de 3 410 400 F CFP au titre d’indemnité
compensatrice de préavis et de 252 903 F CFP au titre d’indemnité de non-concurrence
apparaît par conséquent irrégulier.
La chambre s’interroge en outre sur les motifs qui ont présidé au choix d’une rupture
négociée à peine un mois et demi après la transformation en CDI du CDD du salarié, alors
que la société pouvait, à moindres frais, se contenter de prendre acte de la démission de ce
dernier.
Une plainte contre le président de l’époque et le directeur contrôle et stratégie pour
abus de biens sociaux a été déposée le 17 mai 2013 auprès du procureur de la République
par l’OPT et la SAS VINI.
Dans sa réponse aux observations provisoires, l’intéressé souligne que sa rupture
conventionnelle a été instruite par la direction des ressources humaines de VINI, avec l’aide
d’un conseil juridique externe. Il indique : «
Si une quelconque réserve avait été émise par le
DRH sur mes conditions de départ, j’aurais reconsidéré la question et probablement renoncé
à mon départ. »
Il explique par ailleurs son souhait de quitter la société d’une part par la réalisation de
sa mission, d’autre part par le contexte politique de l’époque peu favorable, selon lui, à
l’exécution des travaux liés à son poste.
5.4.2-
Le cas du directeur commercial
Ce cas diffère du précédent dans l’origine de la rupture mais les négligences de
l’employeur ont, là aussi, coûté cher à la société.
L’intéressé, salarié de TIKIPHONE depuis 1997, avait vu son contrat à durée
indéterminée remplacé par un nouveau contrat en mars 2007, reprenant son ancienneté et le
nommant directeur commercial.
Son salaire de base était fixé à 673 786 F CFP assorti d’un 13
ème
mois. Une clause de
non concurrence avait été négociée, l’employeur pouvant y renoncer au plus tard dans les
15 jours suivant la notification de la rupture du contrat de travail.
Est ici en cause, à nouveau, la négociation d’une indemnité de rupture non prévue par
les textes régissant la gestion du personnel.
Toutefois, dans ce cas précis, l’employeur est à l’origine de la rupture de contrat et la
rupture amiable a pu contribuer à éviter une procédure de licenciement. Une clause de la
convention de rupture indique même que «
Cette somme avait été exigée par [l’intéressé] et
elle tient compte de l’ancienneté de [l’intéressé] et sans ces montants celui-ci n’aurait jamais
accepté de signer les présentes.
»
La convention de rupture amiable pour motif personnel est intervenue le 21 février
2013 et prévoyait le paiement de plusieurs sommes au titre :
‐
des droits à congés pour un montant brut de 982 672 F CFP ;
‐
du salaire restant dû pour 744 975 F CFP ;
‐
du 13
ème
mois au prorata du temps travaillé pour 138 224 F CFP ;
‐
de la part variable 2012 pour un montant de 198 800 F CFP ;
‐
de l’inobservation du préavis de 4 mois pour un montant de 3 880 896 F CFP ;
‐
d’indemnité complémentaire de rupture exigée par le salarié : 18 434 256 F CFP.
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Or, l’indemnité pour inobservation du préavis de quatre mois n’est pas conforme au
contrat de travail entre l’intéressé et TIKIPHONE, qui prévoit dans son article 11 une
résiliation après un préavis de trois mois et non quatre.
Par ailleurs, la société ayant omis de lever la clause de non-concurrence dans le délai
imparti, elle a dû verser l’indemnité requise après saisine par l’intéressé du tribunal du
travail, soit un montant de 8 663 424 F CFP correspondant aux deux tiers de sa
rémunération mensuelle des six derniers mois de présence.
Outre les 18 MF CFP de l’indemnité complémentaire de rupture, la négligence de
l’entreprise sur ce dossier lui a donc coûté 9,6 MF CFP (indemnité de non-concurrence plus
un mois de salaire).
5.5-
En dépit du maintien des effectifs, le recours aux prestataires extérieurs
n’a été restreint qu’à compter de 2015
5.5.1-
VINI a d’abord poursuivi la politique de TIKIPHONE en matière de recours
aux prestations externes
Coûts des prestations externes (chiffres 2015 arrêtés au 31/10/2015)
Domaines
2013
2014
2015
Total
Comptable et financier
‐
2 863 962
4 332 578
7 196 540
Contrôle interne
1 080 000
1 080 000
Juridique
19 683 158
10 420 689
16 773 589
46 877 436
Marketing et commercial
101 742 305
114 086 066
51 895 701
267 724 072
Organisation et Ressources humaines
25 676 444
8 986 500
3 176 000
37 838 944
Régulations télécoms
5 966 587
1 505 967
‐
7 472 554
Technique et informatique
13 524 264
617 088
‐
14 141 352
Total
166 592 758
138 480 272
77 257 868
382 330 898
Source : VINI, calculs CTC
Les dépenses de prestations de service externes se sont élevées à plus de 166 MF
CFP en 2013 (contre environ 100 MF CFP pour la seule SAS TIKIPHONE en 2012).
L’entreprise ajoute ainsi des charges en achetant des prestations externes tout en
conservant les mêmes effectifs, voire en les augmentant, en interne.
Certaines de ces prestations n’ont en outre pas donné satisfaction et des contentieux
ont été engagés entre VINI et certains consultants. Mais ces prestations, notamment en
ressources humaines, non réalisées totalement, ont dû être complétées par d’autres sur le
même thème, conduisant à un coût supplémentaire.
L’inflation des dépenses constatée en 2013 s’est réduite en 2014, avant de connaître
une baisse plus conséquente en 2015 (- 44 %). Plusieurs conventions de prestations n’ont
pas été reconduites en 2015.
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5.5.2-
Des frais annexes mal anticipés
Dans le cadre d’un contrat d’alliance signé en 2013 avec la société ORANGE, VINI a
pris en charge l’hébergement du consultant, représentant d’ORANGE, missionné pour un an
(de fin janvier 2014 à fin janvier 2015) afin d’accompagner VINI dans la définition de son
schéma directeur de distribution.
Ces conditions logistiques n’avaient pas été convenues au contrat initial et ont donc dû
être revues par avenant du 14 décembre 2013.
Le logement mis à la disposition du consultant par VINI consistait en un F5 de 350 m
2
au sein d’une villa dont la société est propriétaire à Punavai. Cette villa était louée jusque-là
pour un loyer annuel d’environ 4 MF CFP.
L’année de l’occupation du logement par le consultant, outre la perte du loyer, VINI a
dû s’acquitter de frais d’électricité substantiels (1 477 000 F CFP), ainsi que de frais
d’entretien et de réparation (3 000 000 F CFP).
Dans sa réponse aux observations provisoires, VINI indique : «
Si le consultant avait
été logé dans un hôtel de la place en tarif longue durée, cela aurait coûté pas moins de 490
kF/mois à VINI, soit 5,9 MF/an. C’est pourquoi l’option a été prise de le loger dans la villa
PUNAVAI qui à cette période était vide et pour laquelle aucun locataire n’avait été identifié
depuis 2 mois.
»
Or, le coût avancé par VINI de 5,9 MF /an pour loger une seule personne paraît
démesuré et peu conforme à la réalité des locations de la place. De plus, l’absence de
locataire depuis deux mois dans la villa ne présageait en rien de l’impossibilité de continuer à
la louer.