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CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉÉ
LA GESTION DE L’IMPÔ
T ET LA FRAUDE À LA TVA
RAPPORT PARTICULIER N°5
-----------------------
Jérôme Dian
Inspecteur des finances
-----------------------
Juin 2015
(Ce rapport a été établi sous la seule responsabilité de son auteur.
Il
n’engage pas le Conseil des prélèvements obligatoires).
2
2
SYNTHÈSE
............................................................................................................................................................
4
INTRODUCTION
.................................................................................................................................................
8
1.
LA TVA PRÉSENTE UN T
AUX D’INTERVENTION I
NFÉRIEUR À CELUI DES
AUTRES GRANDS IMPÔTS
MAIS L’ÉVALUATION DE
SON COÛT DE GESTION
GLOBAL EST PERFECTIBLE
...................................................................................................................
9
1.1.
Le taux d’intervention de la TVA est inférieur à celui des autres grands
impôts en raison notamment de l’externalisation partielle de son coût de
gestion
........................................................................................................................
11
1.1.1.
Un coût de gestion de la TVA en partie externalisé en raison de
spécificités inhérentes à la taxe
......................................................................
11
1.1.2.
Un contentieux fiscal en baisse
......................................................................
11
1.1.3.
La TVA présente un taux d’intervention inférieur à celui des autres
principaux impôts
...........................................................................................
13
1.1.4.
La généralisation des téléprocédures et la mise en place de mesures
de simplification offrent un environnement propice à une réduction
future du coût de gestion de la TVA
...............................................................
15
1.2.
L’évaluation du coût global de gestion de la TVA est perfectible et ce dernier
demeure impacté négativement par des facteurs exogènes
........................................
21
1.2.1.
Une communication de la DGFiP sur un taux d’intervention qui est
peu pertinent pour évaluer la performance en matière de gestion de la
TVA
.................................................................................................................
21
1.2.2.
Un coût de gestion qui n’est pas évalué en coût réel
.....................................
22
1.2.3.
L’impact des nouvelles mesures sur le coût de gestion de la TVA devra
être évalué avec précision
..............................................................................
25
1.2.4.
Le coût de gestion de la TVA demeure impacté négativement par des
facteurs exogènes
............................................................................................
25
2.
LA FRAUDE À LA TVA EST UN PHÉNOMÈNE MULTIPLE ET DE PLUS EN PLUS
COMPLEXE DONT L’ÉVAL
UATION DEMEURE LARGEMENT INCOMPLÈTE
........................
34
2.1.
La fraude à la TVA est un phénomène multiple et de plus en plus complexe
...........
34
2.1.1.
La
notion de fraude s’avère complexe à définir
.............................................
34
2.1.2.
L’analyse des leviers qui sous
-tendent les comportements frauduleux
atteste
d’un contexte favorable à une augmentation de ces derniers et
démontre l’importance de la perception de l’action de
l’administration
..............................................................................................
36
2.1.3.
Les fraudes à la TVA sont multiples et de plus en plus complexes
.................
44
2.2.
L’évaluation de la fraude à la TVA demeure
largement incomplète
.........................
56
2.2.1.
Les carences dans les travaux d’estimation de la fraude à la TVA sont
récurrentes et des divergences d’appréciation sur la méthode à
employer existent
............................................................................................
56
2.2.2.
Les travaux d’estimation de la fraude à la TVA sont imparfaits
....................
58
2.2.3.
Les principales estimations disponibles divergent sensiblement mais
permettent néanmoins d’estimer le niveau de la fraude à la TVA à plus
de 10
Md€
.......................................................................................................
64
3
3
3.
LES RÉSULTATS DU CONTRÔLE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE À
LA TVA PRÉSENTENT DES MARGES DE PROGRÈS AU REGARD DES ENJEUX CE
QUI IMPLIQUE POUR LES ADMINISTRATIONS DE CONTRÔLE DE PROGRESSER
DANS LEUR CONNAISSANCE DU PHÉNOMÈNE
............................................................................
67
3.1.
Les résultats du contrôle en matière de lutte contre la fraude TVA présentent
des marges de progrès
................................................................................................
67
3.1.1.
Les résultats financiers du contrôle fiscal en matière de TVA stagnent
depuis une dizaine d’année
............................................................................
67
3.1.2.
La TVA demeure sous-représentée dans les résultats du contrôle fiscal
.......
70
3.1.3.
Les résultats du contrôle fiscal présentent structurellement un nombre
important de rappels de décalage
..................................................................
72
3.1.4.
Les taux bruts de recouvrement de la TVA éludée se dégradent sur la
période 2010-2013 et représentent moins du tiers des droits rappelés.
.........
73
3.1.5.
Les plaintes pour fraude à la TVA connaissent une diminution sur la
période 2010-2013
..........................................................................................
77
3.1.6.
Les résultats obtenus par la DGDDI en matière de contrôle de la TVA
demeurent marginaux mais ne reflètent qu’une partie de son action en
matière de lutte contre la fraude
....................................................................
80
3.2.
Les administrations de contrôle doivent progresser dans leur connaissance de
la fraude à la TVA pour mieux la détecter et améliorer leurs résultats
......................
81
3.2.1.
La DGFiP rencontre des difficultés pour programmer des contrôles
exclusivement centrés sur la TVA
...................................................................
82
3.2.2.
Le nombre d’opérations de contrôle est déséquilibré en fonction des
différents régimes d’imposition de TVA
.........................................................
85
3.2.3.
Certains outils de détection demeurent encore sous-employés
......................
87
3.2.4.
La DGFiP et la DGDDI doivent accroître l’efficacité du processus de
sélection des dossiers contrôlés
......................................................................
88
3.2.5.
L’amplification de la coopération entre les services tant au niveau
national qu’européen est un axe essentiel pour mieux lutter contre la
fraude à la TVA
..............................................................................................
92
3.3.
Le nombre important de mesures récentes pour renforcer les moyens de lutte
contre la fraude doit permettre de mieux endiguer le phénomène
.............................
99
3.3.1.
Des mesures ciblées pour endiguer la fraude dans certains secteurs
............
99
3.3.2.
De nouveaux outils juridiques qui devraient entraîner une adaptation
des méthodes de contrôle
..............................................................................
101
3.3.3.
Le renforcement des liens entre l’administration fiscale et l’autorité
judiciaire ainsi que l’alourdissement des sanctions doivent permettre
de renforcer la finalité répressive des contrôles
..........................................
104
3.3.4.
Les réflexions en cours pour mieux taxer les opérations de ventes en
ligne doivent rapidement aboutir
.................................................................
110
4
4
Synthèse
Avec 138,4
Md€
de recettes nettes en 2014, qui représentent 50,5 % du total des recettes
fiscales
nettes du budget de l’État
, la TVA est la
première ressource financière de l’É
tat
.
Une gestion progressivement modernisée dont le coût global est en partie externalisé
mais qui, en pratique, reste alourdit par la complexité de certaines règles :
La gestion de
l’impôt
est partagée entre la direction générale des finances publiques (DGFiP),
chargée de la TVA « nationale », et la direction générale des douanes et droits indirects
(DGDDI), chargée
de la TVA à l’importation,
qui
exercent des compétences souvent
imbriquées
. Au regard du poids de la TVA
dans les recettes de l’État,
son
efficience
dans ses
trois composantes (assiette/contentieux, recouvrement et contrôle) constitue
un enjeu
majeur
pour les administrations fiscales.
Compte tenu des spécificités de la TVA,
une part importante des coûts de gestion est
externalisée
auprès des entreprises assujetties. Pour gagner en efficience, le législateur a, au
cours des dernières années, progressivement modernisé la gestion de la taxe en généralisant
l’obligation de recourir aux
téléprocédures
à l’ensemble des contribuables soumis à des
obligations
déclaratives
fiscales
1
.
Parallèlement,
des
initiatives
ont
été
prises
par
l’administration
afin de faciliter les démarches déclaratives des redevables.
Dans ce contexte, l
a TVA affiche le taux d’intervention
2
le plus faible des principaux
impôts
avec, sur la période 2010-2013, un niveau inférieur de moitié au taux moyen constaté
pour l’ensemble des impôts perçus par la DGFiP
3
. Sur cette même période, le niveau du
contentieux fiscal diminue également de près de 30 %.
Le chiffrage des gains liés aux mesures de simplification et/ou de modernisation
n’est
toutefois pas disponible
. Cette lacune résulte en partie des imperfections actuelles des
modalités de calcul du coût de gestion de la taxe.
En effet, pour
l’
évaluer, la DGFiP et la DGDDI utilisent une méthode de
répartition de leurs
coûts complets de gestion
pour l’ensemble des impôts
au moyen d’enquêtes
conduites
auprès des services. Cette évaluation se révèle sensible aux ratios retenus pour ventiler les
dépenses entre les différentes missions et ne permet pas de corréler avec certitude une
variation du coût de gestion
à des gains d’efficience. En outre, l’utilisation d’un
taux
d’intervention
comme indicateur d’efficience apparaît critiquable
compte tenu de sa
sensibilité aux évolutions du dénominateur indépendantes des éventuels progrès réalisés
dans le domaine de la gestion.
1
En ce qui concerne les obligations auprès de la DGFiP, depuis le 1
er
octobre 2014, toutes les entreprises sont
désormais tenues de télédéclarer et télépayer leur TVA.
2
Le taux d’intervention rapporte le coût de gestion de l’impôt au montant de la recette.
3
TVA
avec un taux d’intervention en 2013 de 0,39
%,
impôt sur les sociétés avec un taux d’intervention en 2013
de 0,59
% et l’impôt sur le revenu avec un taux d’intervention en 2013 de 1,58
%.
5
5
Il n’existe donc pas d’évaluation fiable du coût de gestion global de la TVA
, ce dernier
demeurant
en outre
influencé négativement par un ensemble de facteurs exogènes
4
qui
nuisent tant à la neutralité de la taxe
qu’à sa simplicité
pour les entreprises.
Dans le
futur, le transfert progressif du recouvrement de la TVA vers un réseau comptable unique
5
est un chantier de modernisation qui pourrait simplifier les démarches pour les entreprises
et réduire la charge administrative de gestion.
La
fraude
à
la
TVA :
un
phénomène
complexe,
difficile
à
évaluer
que
les
administrations de contrôle
doivent mieux cerner pour pouvoir l’endiguer
Le rendement de la TVA est menacé par des fraudes multiples
et de plus en plus
complexes
qu’un panorama des schémas détectés par l’administration permet
d’illustrer
.
Ce phénomène demeure
malaisé à évaluer
, d’une part en raison des
difficultés pour
définir précisément la fraude fiscale
, qui conditionne pourtant le montant de l’évaluation,
mais surtout parce qu’il
existe
une carence globale et persistante
6
des estimations
publiques dans ce domaine
.
Il existe
deux approches
permettant d’
évaluer la fraude à la TVA :
l’une fondée sur l’extrapolation des contrôles fiscaux (
approche
directe
ou
microéconomique) ;
l’autre
fondée sur des données issues de la comptabilité nationale (
approche indirecte
ou macroéconomique).
C
es méthodes d’évaluation ne correspondent
toutefois pas à une évaluation de la fraude
stricto sensu
mais plutôt à une estimation :
soit
d’un «
manque à gagner
», lui-même étant la résultante de multiples facteurs
7
dont
la fraude n’est qu’une composante
;
soit d’une «
TVA éludée
», volontairement ou non par les assujettis.
Ces techniques font actuellement l’objet d’un débat d’experts sur la pertinenc
e relative de
chacune d’elle. Sans trancher ce débat, le présent rapport expose les
points forts et points
faibles de chacune d’elle
.
Actuellement,
seules les estimations réalisées pour le compte de la Commission
européenne font l’objet d’une diffusion pub
lique annuelle
, les administrations nationales
qui travaillent sur ces sujets, au premier rang desquelles
la DGFiP et l’
Institut national de la
statistique et des études économiques (INSEE), conservant en interne leurs travaux
.
En particulier,
la délégation nationale de lutte contre la fraude (DNLF) et la DGFiP
conduisent
actuellement
des
travaux
,
fondés
sur
une
combinaison
des
travaux
d’évaluation statistique de la fraude et des travaux de
datamining,
qui
revêtent un caractère
important
dans la mesure où ils devraient être les plus aboutis jamais réalisés en matière
d’estimation de la fraude à la TVA.
La DGFiP n’a toutefois pas souhaité communiquer les
résultats de ces travaux au CPO.
4
Multiplicité des taux (qui engendre notamment un nombre important de crédit de TVA), coexistence de plusieurs
régimes d’imposition
et règles de déduction complexes pour les opérateurs ne réalisant pas que des opérations
imposables, etc.
5
À l’instar du récent transfert du recouvrement de la TVA à l’importation pour les entreprises assujetties titulaires
d’une procédure de domiciliation unique.
6
Cf. notamment rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de 2007 sur la fraude aux prélèvements
obligatoires et rapport sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales n°
673
(2011-2012) de M. Eric Bocquet, fait au nom de la c
ommission d’enquête du Sénat évasion des capitaux, déposé l
e
17 juillet 2012, p. 43.
7
Fraude, décalage de versement, optimisation fiscale, irrégularités.
6
6
Par ailleurs,
aucune analyse
de l’écart TVA
n’est réalisée aux fins d’isoler la part
correspondante à des comportements frauduleux
8
.
De même, aucune cartographie précise des zones géographiques sensibles ou évaluation
détaillée du poids respectif des grands processus de fraude n’est disponible.
Le
faible niveau d’information publique
empêche ainsi une évaluation consensuelle du
phénomène et retarde la mobilisation de moyens de plus grande envergure pour lutter
contre la fraude à la TVA.
L’analyse des
leviers qui contribuent à accroître ou au contraire à contenir les
comportements frauduleux
fournit néanmoins des
indications importantes
sur leur
évolution.
Au plan économique,
le niveau des prélèvements influe fortement sur le comportement
des contribuables et en particulier sur l’incitation à la fr
aude
. Lorsque le taux
d’imposition du revenu déclaré augmente, l’incitation à la minimisation fiscale croît
également car à risque
constant d’être vérifié
est assimilé un gain potentiel supérieur. Pour y
remédier, la mise en place d’une politique de sancti
ons, pécuniaires et même pénales, est un
facteur qui incite les contribuables à respecter leurs obligations fiscales mais
les principaux
durcissements de la législation, visant à accroître le caractère répressif des contrôles,
sont trop récents
pour avoir un impact mesurable.
L’augmentation continue du niveau des prélèvements obligatoires sur la période 2010
-2014
est donc un facteur qui accrédite l’augmentation des comportements frauduleux et conduirait
à considérer
qu’en 2015, la fraude se situerait à un niveau supérieur à celui
estimé en
2012
9
, soit au-dessus de 10
Md€
.
Plus généralement, l’analyse des leviers qui sous
-tendent
la fraude démontre l’influence forte de la perception des actions du contrôle fiscal dans
les
décisions d’adopter un comportement frauduleux. C’est la peur du contrôle et l’aversion au
risque qu’elle suscite qui est
en partie garante du civisme fiscal.
Or
les résultats financiers du contrôle fiscal en matière de TVA
, même s’ils ne fournissent
qu’une vision partielle de l’action de l’administration,
présentent des marges de progrès au
regard des enjeux de finances publiques associés
. Ces résultats connaissent en effet une
stagnation depuis une dizaine d’année autour de 3
Md€
10
, soit un niveau relativement faible
si on le compare au montant de fraude estimé. La TVA demeure également sous-représentée
dans les résultats du contrôle fiscal.
Ces résultats fragilisent les finalités répressive, dissuasive et budgétaire du contrôle
fiscal en matière de TVA
.
La multiplicité des fraudes et leur complexification
sont caractérisées par l’analyse d’un
panorama des fraudes détectées (carrousel, utilisation frauduleuse du régime de la marge sur
la vente de véhicule d’occasion,
fraude au régime douanier 42, etc.). Elles appellent une
riposte à de multiples niveaux
au premier rang desquels le renforcement de
l’efficacité
du
processus de sélection des dossiers contrôlés.
De fait, la
qualité de la programmation
s’avère déterminante pour accroître les résultats du
contrôle. Dans cette optique, les expérimentations menées par la DGFiP et la DGDDI en
matière de
datamining
doivent être amplifiées et le
pilotage des services de recherche
de
la DGFiP renforcé.
8
Cette lacune devrait toutefois être comblée par la présentation annuelle, par le Gouvernement et à la demande
du Parlement, d’un rapport sur ce point à compte
r de 2015
conformément aux dispositions de l’a
rticle 25 de la loi
n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.
9
Cf. rapport de la Cour des comptes relatif à « la gestion et le contrôle de la TVA », février 2012.
10
Hors résultats des contrôles opérés en matière de remboursement de crédit de TVA.
7
7
En outre, face à des fraudes de plus en plus internationalisées et faisant intervenir des
réseaux criminels,
le décloisonnement de l’information
, tant au niveau des services
nationaux que des autorités étrangères, constitue un élément décisif dans la réussite
d’op
érations anti-
fraude. L’objectif de décloisonnement de l’information rejoint ici celui d’une
plus grande efficience du processus de programmation. Cette interpénétration entre la
délinquance économique et financière et le banditisme de droit commun implique également
un
renforcement des liens entre l’administration fiscale et l’autorité
judiciaire
.
Pour atteindre ces objectifs,
l’administration fiscale dispose
de nombreux outils juridiques,
souvent sous-exploités, et constamment renforcés depuis 2010. Ils attestent
d’une volonté
politique forte dans le domaine de la lutte contre la fraude
et devraient également
permettre de
réformer et moderniser les méthodes de contrôle.
Enfin, en l’état actuel des capacités de contrôle des administrations fiscales et douanières,
le
développement
du e-commerce
représente
toujours une
zone de
déperdition
potentielle de recettes fiscales importante
. Les travaux en cours
au sein de l’Organisa
tion
de coopération et de développement économiques (OCDE) pour sécuriser la collecte de la
TVA en matière de ventes à distance doivent aboutir rapidement, ce chantier représentant un
enjeu majeur et croissant pour les prochaines années.
8
8
Introduction
S’ap
puyant principalement sur les travaux précédemment menés par le Conseil des
prélèvements obligatoires et la Cour des comptes
11
en matière de gestion de la TVA et de
lutte contre la fraude aux différents prélèvements obligatoires, ce rapport
fournit une
actu
alisation des constats opérés et propose des pistes d’amélioration
des modalités
de gestion de la taxe visant notamment à lutter plus efficacement contre la fraude
.
La première partie
, consacrée à l’évaluation globale
des coûts de gestion de la taxe
,
démontre le
caractère perfectible
de cette dernière. Ainsi, si le législateur a, au travers de
mesures de généralisation des obligations de recourir à des téléprocédures, créé un
environnement favorable à une diminution des coûts administratifs, le chiffrage des gains
attendus n’est actuellement pas disponible.
Les parties suivantes analysent plus précisément la fraude à la TVA, ses interactions avec le
contrôle de la taxe et les moyens de progresser dans ce domaine.
La deuxième partie traite spécifiquement de la fraude,
de ses ressorts, et dresse un
panorama des schémas détectés qui illustre leur multiplicité et leur complexification. Ainsi,
alors que des mécanismes déjà identifiés, comme
les carrousels ou l’utilisation
frauduleuse du régime de la marge
dans la vente de véhicules, continuent de grever les
recettes de l’État,
le développement de certains secteurs, comme
le numérique
, ouvrent de
nouvelles potentialités de fraude
.
La question de l’évaluation du phénomène est également abordée au travers d’une
présentation des méthodes d’évaluation, de leurs forces et faiblesses respectives
et des
différents chiffrages actuellement disponibles. L’absence d’actualisation régulière et de
données publiques
empêchent néanmoins une estimation consensuelle de la fraude
à la
TVA.
L’observation des ressorts économiques montre un environnement favorable à une
extension des comportements frauduleux compte tenu de l’évolution du niveau des
prélèvements obligatoires
12
.
L’étude des ressorts de la fraude démontre
également
l’impact
psychologique des résultats
des contrôles sur les comportements frauduleux.
La troisième partie met donc en perspective les résultats du contrôle fiscal avec les
enjeux précédemment estimés
et fait ressortir une faiblesse récurrente de ces derniers tant
dans leur finalité budgétaire, que répressive ou dissuasive.
Plusieurs pistes sont donc proposées pour mieux endiguer les phénomènes de fraude,
en particulier pour accroître l’effic
acité du processus de sélection des dossiers devant faire
l’objet
d’un contrôle et adapter les méthodes de contrô
le.
11
Rapport du Conseil des prélèvements obligatoires relatif à la fraude aux prélèvements obligatoires et son
contrôle de mars 2007, rapports de la Cour des comptes relatifs à la gestion de la TVA sur la gestion et le contrôle
de la TVA, février 2012, et à
l’action de la douane dans la lutte contre les fraudes et trafics
, janvier 2015.
12
Sur la période 2010-2014, le niveau des prélèvements obligatoires a augmenté de plus de deux points.
9
9
1.
La TVA présente un
taux d’intervention
inférieur à celui des autres
grands impôts mais
l’
évaluation de son coût de gestion global est
perfectible
Bien que le
taux d’intervention
de la TVA demeure impacté négativement par un ensemble de
facteurs exogènes, ce dernier est inférieur à celui des autres grands impôts
13
.
Au cours des dernières années, le législateur a progressivement généralisé l’obligation de
recourir aux téléprocédures à l’ensem
ble des contribuables soumis à des obligations
déclaratives fiscales en matière de TVA. Parallèlement, des initiatives ont été prises par
l’administration
pour faciliter les démarches déclaratives des redevables.
L
’ensemble de ces mesures devraient se tra
duire, à terme, par un allègement de la charge
administrative supportée par la DGFiP et la DGDDI même si le chiffrage de ce gain n’est pas
disponible. Cette lacune résulte en partie des imperfections actuelles des modalités de calcul
du coût de gestion de la taxe.
La gestion de la TVA est assurée conjointement par la DGFiP et la DGDDI
La gestion de la TVA est partagée entre la direction générale des finances publiques (DGFiP),
chargée de la TVA « nationale » et qui perçoit 90 % de la recette, et la direction générale des
douanes et droits indirects (DGDDI),
chargée de la TVA à l’importation
. La répartition des
compétences entre ces deux administrations résulte des choix organisationnels faits à
l’occasion de la création du marché intérieur en 1993.
À
cette date, la mise en place du marché intérieur s’est traduite par l’abandon des contrôles
douaniers aux frontières internes à la Communauté économiques européenne (CEE) et la
mise en place d’un régime fiscal spécifique pour les échanges intracommunautai
res, distinct
du régime applicable aux importations en provenance de pays tiers. Le choix a alors été fait
de transférer la gestion de la TVA dite intracommunautaire à la direction générale des impôts
(DGI), intégrée depuis au sein de la DGFiP, déjà compétente en matière de « TVA intérieure »,
et de réserver à la DGDDI la fiscalité relative aux seuls échanges avec les pays tiers.
Actuellement, la répartition des compétences peut être résumée de la manière suivante :
la « TVA intérieure » (correspondant aux échanges effectués en France) et la TVA
intracommunautaire sont gérées par la DGFi
P, mais la DGDDI collecte l’ensemble des
informations sur les échanges intracommunautaires ;
la TVA sur les importations et la TVA sur les opérations de mise à la consommation de
produits énergétiques relèvent de la DGDDI.
Il résulte de ce choix que
les deux administrations exercent des compétences souvent
imbriquées
notamment en matière de recouvrement où coexistent deux réseaux comptables
en fonction des différents types de TVA ce qui peut être source de complexité pour les
entreprises.
13
En 2013, la
TVA présente un taux d’i
ntervention de 0,39 %,
celui de l’impôt sur les sociétés est de 0,59
% et celui
de l’impôt sur le revenu est de 1,58
%.
10
10
Encadré 1 : La gestion de la TVA, acteurs et processus
1) La DGFiP
Les opérations d’assiette et de liquidation sont principalement assurées par les assujettis eux
-mêmes.
La prise en charge comptable de l’impôt s’effectue ensuite au niveau local par
les services des impôts
des entreprises (SIE), compétents pour toutes les
catégories de redevables assujettis à la TVA jusqu’à
un chiffre d’affaires annuel de 400
M€. Les d
éclarations et les paiements sont enregistrés dans
l’application informatique MEDOC (« mécanisation des données comptables »).
Depuis le début des années 2000
, l’administration fiscale a mis en place un «
interlocuteur fiscal
unique » (IFU)
pour chaque catégorie d’entreprise
qui prend en charge l’ensemble de leurs démarches
(assiette et recouvrement).
La direction des grandes entreprises (DGE) est compétente pour les entreprises dont le chiffre
d’affaires annuel est supérieur à 400
M€.
Elle a été mise en place en 2002 et a permis d’offrir un IFU
aux grandes entreprises pour assurer l’assiette, le recouvrement et une partie du contrôle des
principaux impôts d’État dus par cette catégorie d’entreprise.
Précurseur de la fusion des services
d’assiette et de recouvrement, la DGE demeure un laboratoire permanent pour
apporter ou proposer
des réponses à des questions qui concernent l’ensemble des services des impôts de
s entreprises
comme la maîtrise des risques, le pilotage et le suivi des missions, les liaisons avec les directions de
contrôle fiscal ou le traitement du contentieux. En 2014, la DGE gère un portefeuille de
38 027 entreprises.
Les services impôts des entreprises (SIE) sont compétents pour les autres entreprises.
Au niveau du SIE, les fonctions de contrôle de l’assiette et du recouvrement sont séparées :
l’IFU
assure le suivi des fichiers des assujettis, effectue en premier niveau un contrôle de
l’assiette et instruit les demandes de remboursement de crédits jusqu’à un certain seuil
(variable) ;
le pôle de recouvrement enregistre les déclarations et encaisse les paiements spontanés.
Au niveau des directions départementales des finances publiques (DDFIP, qui regroupent plusieurs
SIE), les pôles de contrôles et d’expertise (PCE) et les brigades de contrôle départementales effectuent
des contrôles sur pièces (cas des PCE) depuis le bureau, et des contrôles externes, dans les entreprises
(cas des brigades). Les DDFIP instruisent les demandes de remboursement de crédits, établissent les
programmes de contrôle fiscaux départementaux, fournissent des propositions de contrôles aux
services de vérification à compétence nationale (DVNI, DNEF) ou interrégionale (DIRCOFI).
Du point de vue de la gestion, la DGE
assure les mêmes actions qu’un SIE local.
2) La DGDDI
Pour ce qui est de la TVA sur les importations, les opérat
ions d’assiette et de liquidation sont réalisées
par les entreprises dans l’application DELT@ concomitamment au dédouanement des marchandises.
Pour la « TVA pétrole », celles-
ci se font dans l’application d’assiette de la taxe intérieure de
consommation sur les produits énergétiques (ISOPE). Les bureaux de douane effectuent des contrôles
de premier niveau dans des délais strictement définis (par exemple, 72 heures pour invalider une
déclaration de « TVA pétrole »). Depuis la dernière réforme du réseau en 2008, la prise en charge
comptable des créances fiscales s’effectue au niveau d’une quarantaine de recettes régionales, et non
plus au sein des bureaux de douane.
Source : Rapporteur, sur la base du rapport de la Cour des comptes relatif à « la gestion et le contrôle de la taxe sur la
valeur ajoutée », février 2012, p. 31
14
et du bleu budgétaire du PLF 2015, programme 156, mission « gestion fiscale et
financière de l’État et du secteur public local
» .
14
Rapport publié en mars 2012 dans le
rapport d’information n°
4467 présenté par MM. Jérôme Cahuzac et
Thierry
Carcenac au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Dans la suite du présent rapport
particulier, lorsqu’il sera fait état de référence à ce document, il
sera cité comme : « rapport de la Cour des
comptes relatif à la gestion et la fraude TVA, février 2012 ».
11
11
1.1.
Le
taux d’intervention
de la TVA est inférieur à celui des autres grands
impôts en raison notamment de
l’
externalisation partielle de son coût de
gestion
Le paiement fractionné et l’externalisation
partielle du recouvrement de la TVA transfèrent
en partie son coût de gestion aux assujettis.
1.1.1.
Un coût de gestion de la TVA en partie externalisé en raison de spécificités
inhérentes à la taxe
Le coût de gestion global par impôt peut être réparti en trois catégories :
les coûts de constatation de l
’assiette et de
traitement contentieux ;
les coûts liés au contrôle ;
les coûts liés au recouvrement.
Or la TVA présente deux caractéristiques qui impactent directement ses coûts de gestion :
l’absence d’émission de rôle et la liquidation de l’impôt par les assujettis
, notamment
les entreprises ;
un système de déduction fiscale en cascade qui encourage les assujettis à contrôler eux-
mêmes le mécanisme : les entreprises sont incitées à collecter la taxe sur leurs
livraisons et prestations de services pour pouvoir déduire la TVA sur les achats
supportés en amont.
Une large partie des coûts de gestion est donc externalisée
ce qui explique qu’ils
présentent une typologie par catégorie différente de celle des autres grands impôts
15
. Ainsi,
en 2012, les opérations d’assiette et de contentieux représentent 36
% des coûts totaux
exposés pour la TVA, alors que ce pourcentage est de 48
% pour l’impôt sur le revenu et de
38
% pour l’impôt sur les sociétés (
cf. tableau 1).
Tableau 1 :
Comparaison de la typologie des coûts de gestion 2012 de l’IR, de l’IS, et de la TVA
IR
IS
TVA
Assiette/contentieux
48 %
38 %
36 %
Contrôle
31 %
44 %
38 %
Recouvrement
21 %
18 %
26 %
Source : DGFiP, sous-direction SPIB 1.
1.1.2.
Un contentieux fiscal en baisse
L’activité contentieuse comprend
, au niveau fiscal, deux phases :
une
phase
pré-
juridictionnelle,
lorsqu’un
recours
est
introduit
auprès
de
l’administration
fiscale
et qu’il n’a pas fait l’objet d’une décision
;
une phase juridictionnelle, lorsqu’un recours a été introduit auprès de l’administration
fiscale
par un contribuable, qu’il a fait l’objet d’un rejet partiel ou total par
elle, et que
cette décision est contestée auprès des juridictions administratives
16
.
En 2014, l’analyse de l’activité contentieuse par grande catégorie d’impôt atteste d’une faible
activité contentieuse relative aux taxes sur le chiffre d’affaires et assimilées (dont
l’essentiel
15
Impôt sur le revenu (IR), impôt sur les sociétés (IS).
16
Les juridictions administratives comprennent trois niveaux : les tribunaux administratifs (TA), les cours
administratives d’appel (CAA) et le Conseil d’État (CE).
12
12
est relative à la TVA) comparativement à
l’activité contentieuse enregistrée en matière
d’impôt sur le revenu
17
. En effet, quel que soit le niveau de recours juridictionnel, les taxes
sur le chiffre d’affaires représentent moins du quart de l’activité contentieuse alors que
l’impôt sur le revenu
représente lui plus de 40 % de cette dernière (cf. tableau 2).
Le niveau contentieux en TVA se situe à un niveau
comparable à celui de l’IS,
avec
respectivement 12 et 13
% de l’activité devant les TA et 24 et 20
% au niveau de celle devant
les CAA.
De plus,
une analyse plus spécifique de l’activité juridictionnelle en matière de TVA sur
la période 2010-2014 montre une diminution de près de 30 % du nombre total de
dossiers
actuellement soumis aux différentes juridictions administratives (cf. tableau 3).
En revanche, l’administration
fiscale n’exerce pas de suivi spécifique des procédures de
rescrit en matière de TVA ce qui ne permet pas de comparer les niveaux de saisine par impôt.
Tableau 2 :
Analyse de la répartition de l’activité juridictionnelle en 2014
(en nombre de
dossiers)
Année 2014
IR
IS et
autres
impôts
directs
d’État
TVA et
taxes
assimilées
Total tous
impôt et
taxes
Part de
l’IR
Part de
l’IS et
autres
impôts
directs
d’État
Part de la
TVA et
des taxes
assimilées
Tribunaux
administratifs
(TA)
7 316
2 397
2 141
17 991
41 %
13 %
12 %
Cours
administratives
d’appel (CAA)
1 565
702
841
3 554
44 %
20 %
24 %
Conseil d’État
18
(CE)
306
76
613
50 %
12 %
Source : DGFiP, services juridiques.
17
L’activité pré
-
juridictionnelle en matière d’impôt sur le revenu est traditionnellement élevée en raison du
nombre de foyers fiscaux qui dépasse les 36
millions contre un nombre d’entrepris
es soumise à la TVA qui se situe
autour de 5 millions.
18
Au stade des contentieux soumis au Consei
l d’État, l’administration fiscale ne distingue plus les contentieux
d’impôt sur le revenu et ceux d’impôt sur les sociétés.
13
13
Tableau 3 :
Suivi de l’activité
contentieuse en matière de TVA sur la période 2010-2014 (en
nombre de dossiers)
2010
2011
2012
2013
2014
Nombre de
contentieux
TVA
actuellement
soumis aux TA
6 234
5 720
4 919
4 244
4 151
Nombre de
contentieux
TVA
actuellement
soumis aux CAA
1 956
1 658
1 485
1 382
1 401
Nombre de
contentieux
TVA
actuellement
soumis au CE
N.C
166
107
100
105
Source : DGFiP, services juridiques.
1.1.3.
La TVA présente un taux d’intervention inférieur à celui des autres principaux
impôts
Le taux d’intervention de la DGFiP en matière de TVA
est calculé suivant la même
méthodologie que celui des autres impôts (cf. paragraphe 1.2.2). Il présente, sur la période
2010-2013,
un niveau nettement inférieur au taux moyen constaté pour l’ensemble des
impôts perçus par la DGFiP
(cf. tableau 4). S
ur l’ensemble de la période 2010
-2013, ce taux
présente ainsi un rapport de un à deux avec celui tous impôts confondus, et, en 2013, il est
quatre fois inférieur à celui de l’impôt sur le revenu.
Ce niveau faible du taux d’intervention en matière de TVA ré
sulte en partie des spécificités
mêmes de la taxe et de l’externalisation partielle des coûts de gestion (cf
. paragraphe 1.1.1).
La baisse de 28 % d
u taux d’intervention constatée entre 2011 et 2012
est notamment dû à
un changement intervenu dans la répartition entre les missions fiscales et non fiscales du
coût global de gestion tous impôts confondus (cf. paragraphe 1.2.2.1.2). Cette diminution
pourrait donc n’être que
technique et ne peut être rattachée avec certitude à une
amélioration de l’efficience de l’action de la DGFiP en la matière.
Néanmoins, on peut observer qu’entre 2011 et 2012, année de la modification de la
répartition des coûts par mission, le taux d’intervention de la TVA diminue plus vite que celui
de l’IR, respectivement de –
28 % contre 25 %, mais moins rapidement que celui
de l’IS qui
diminue d’un tiers.
Tableau 4 :
Évolution des taux d’intervention sur la période 2010
-2013
Taux d’intervention
sur recettes fiscales
brutes
2010
2011
2012
2013
Taux d’intervention
TVA
0,55 %
0,53 %
0,38 %
0,39 %
Taux d’intervention IS
0,91 %
0,86 %
0,57 %
0,59 %
Taux d’intervention IR
2,43 %
2,32 %
1,74 %
1,58 %
Taux d’intervention
tous impôts
1,04 %
1,02 %
0,94 %
0,88 %
Source : DGFiP, sous-direction SPIB 1.
14
14
Graphique 1
: Représentation graphique de l’évolution des taux d’intervention de la TVA, de l’IS
et de l’IR sur la période 2010
-2013 et comparaison avec celui tous impôts confondus
Source : Rapporteur, sur la base des données transmises par la DGFiP.
Au plan international
, l
’organisation de coopération et de développement économique
(OCDE) publie régulièrement des comparaisons sur les coûts de gestion de l’impôt dans les
différents États.
Pour ce faire, l’OCDE recueille des taux d’intervention fiscaux globaux,
et non par types
d’impôts.
Ces données d’ensemble, tous impôts confondus, situent la France derrière la plupart de ses
voisins
19
. En 2011, son taux d’intervention s’élevait à 1,20
%, alors qu’il était inférieur en
Espagne (0,86 %), au Royaume-Uni (0,83 %), et en Italie (1,00 %) mais positionne néanmoins
la France devant l’Allemagne (1,40
%).
Ces comparaisons apparaissent toutefois peu pertinentes
car :
elles dépendent de la qualité des informations fournies par les administrations
nationales. Or celle-ci demeure très inégale en fonction des pays et les données
transmises peuvent évoluer. Ainsi, pour l’Allemagne, le ratio 2009 communiqués par
l’OCDE dans son rapport paru en mars 2011
20
, soit 0,79 % diffère sensiblement de celui
communiqué dans son rapport de 2013
21
, soit 1,46 % ;
le ratio employé ne corrige pas les biais liés aux différences d’organisation territoriale
et administrative. La DGFiP estime que le ratio français est mécaniquement dégradé par
le fait que l’État collecte des impôts pour le compte d’a
utres administrations (par
exemple, les collectivités locales), contrairement à certains États fédéraux qui ne
communiquent à l’OCDE que des informations portant sur les impôts nationaux
;
enfin, le mode de calcul du taux d’intervention (« coûts administra
tifs / recettes nettes
perçues ») n’est pas identique pour tous les pays.
19
OCDE,
Tax administration 2013 : comparative information on OECD and Other advanced and Emerging
Economies, OECD Publishing.
p. 182.
20
OCDE,
Tax administration in OECD and selected non OECD countries : comparative information series
(2010),
mars 2011, p. 126.
21
OCDE,
Tax administration 2013 : comparative information on OECD and Other advanced and Emerging
Economies, OECD Publishing.
p. 182.
15
15
Si on retient l’hypothèse que les chiffres présentés en 2013 par l’OCDE s’appuient sur des
méthodes constantes pour les États présentés au tableau 5, on peut néanmoins relever
qu’avec une diminution de ses coûts de gestion de 8,40
%,
la France est le pays qui, en
dehors de l’Espagne, présente les gains d’efficience les m
oins élevés par rapport à ses
voisins sur la période 2009-2011
.
Tableau 5 : Comparaison des coûts de gestion tous impôts confondus en Allemagne, en Espagne,
en France, en Italie et au Royaume-Uni sur la période 2009-2011
En % du montant
des impôts
collectés
2009
2010
2011
Évolution
2009-2013
France
1,31
1,25
1,20
- 8,40 %
Allemagne
1,46
1,50
1,40
- 8,79 %
Royaume-Uni
0,91
0,98
0,83
- 16,67 %
Espagne
0,97
0,88
0,86
- 4,11 %
Italie
1,20
1,08
1,00
- 11,34 %
Source : OCDE, Tax administration 2013 : comparative information on OECD and Other advanced and Emerging
Economies, OECD Publishing.
1.1.4.
La généralisation des téléprocédures et la mise en place de mesures de
simplification offrent un environnement propice à une réduction future du coût
de gestion de la TVA
1.1.4.1.
La généralisation progressive des téléprocédures en matière fiscale
La généralisation progressive des téléprocédures en matière fiscale constitue
un progrès
majeur
dans la modernisation de la gestion de la TVA.
Cette généralisation a été instaurée au moyen d’une diminution progressive des seuils de
chiffre d’affaires qui déterminent l’obligation de recourir aux téléprocédures sur la période
2010-2014 (cf. tableau 6).
Depuis le 1
er
octobre 2014
22
, toutes les entreprises sont désormais tenues de télédéclarer et
télépayer leur TVA.
Du côté de l’administration, le développement des téléprocédures est sour
ce de gains
d’efficience dans les coûts de gestion de la TVA car il diminue les tâches de saisie des
déclarations et améliore le recouvrement spontané des créances.
U
n rapport de mars 2012 sur l’avenir des moyens de paiement en France
23
préconisait, en ce
q
ui concerne la sphère publique, d’encourager les paiements en ligne.
En effet, les nouveaux moyens de paiement présentent généralement deux atouts importants
pour les acteurs publics collectant les prélèvements :
d’une part ils permettent une meilleure sé
curisation des paiements, en termes de
fiabilité et de lutte contre les impayés ;
d’autre part, leurs coûts de traitement sont moindres.
22
Article 1649 quater B
quater du code général des impôts modifié par l’article
53 de la loi n° 2011-1978 du
28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.
23
Mission confiée par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie à M.
Georges Pauget et
M. Emmanuel Constans par une lettre en date du 31 mars 2011.
16
16
À ce titre, la gestion d’une caisse au sein d’un réseau, par exemple au sein des services des
impôts des entreprises à la DGFiP, génère des coûts de gestions significatifs :
charge de manipulation des espèces par les agents ;
coûts de dégagement des espèces encaissées ;
nécessité de sécuriser les lieux.
De même la collecte de prélèvements par chèques constitue une source non négligeable de
coûts. Le rapport précité indiquait un coût de traitement moyen allant de 0,35 à 0,80
€ par
chèque encaissé (frais de remise et services associés)
24
.
Pour les professionnels, les avantages sont également nombreux :
la transmission des
données et le règlement sont sécurisés, l’usager a l’assurance de
leur bonne réception par l’administration
;
l’outil conserve l’historique de certains éléments antérieurs, ce qui facilite la
déclaration (par exemple pour les reports créditeurs de la déclaration précédente). Le
système contrôle en temps réel les montants de TVA en appliquant les différents taux
aux bases déclarées.
Dès 2009, un sondage commandé par la DGFiP et réalisé par l’institut BVA montrait que 90
%
des entreprises utilisatrices des téléprocédures estimaient que ces dernières avaient simplifié
leurs démarches
25
.
E
n France, la généralisation de l’obligation pour les entreprises de télédéclarer et télépayer
en matière de TVA n’est effective que depuis le 1
er
octobre 2014.
Les principales
oppositions évoquées jusqu’alors éta
ient que ces procédures obligeraient à
utiliser du matériel informatique et qu’elles contreviendraient à la liberté de choisir son
mode de déclaration.
Tableau 6 : Les étapes relatives à la généralisation des téléprocédures en matière de TVA
Date
Entreprises concernées
1
er
octobre 2010
Entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxes est
supérieur à 500 000
1
er
octobre 2011
Entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxes est
supérieur à 230 000
1
er
octobre 2012
Toutes les entreprises soumises à l'impôt sur les
sociétés (quel que soit leur chiffre d'affaires)
1
er
octobre 2013
Toutes les entreprises soumises à l'impôt sur les
sociétés (quel que soit leur chiffre d'affaires) et les
entreprises non soumises à l'impôt sur les sociétés
dont le chiffre d'affaires est supérieur à 80 000
1
er
octobre 2014
Toutes les entreprises
Source : DGFiP, sous-direction GF 3.
1.1.4.2.
La mise en place de mesures de simplification fiscales et douanières accordées
aux contribuables
L’administration a accompli depuis plusieurs années des efforts importants pour faciliter les
formalités de déclaration et de paiement de l’impôt en général et de la TVA en particulier.
24
Il s’agit de données valables pour des commerçants percevant des chèque
s comme moyen de paiement.
25
Selon ce sondage, 61
% des utilisateurs d’EDI
-TVA 23 et 65
% des utilisateurs d’EFI
-TVA voyaient dans
l’extension du champ des téléprocédures
obligatoires un progrès en termes de gain de temps et d’argent. Ce taux
était de 48 % pour les entreprises non adhérentes à TéléTVA.
17
17
1.1.4.2.1.
Des facilités douanières en matière de dédouanement
Plusieurs procédures ont été mises en place pour offrir des facilités douanières aux
entreprises. Pour en bénéficier, les opérateurs doivent être agréés par les services de la
Douane. Une fois l’agrément obtenu, elles permettent de simplifier l’accomplissement des
formalités de dédouanement (cf. encadré 2).
D’autres dispositifs de simplification,
comme
la création d’un guichet national de
dédouanement sont actuellement en cours de mise en œuvre. L’objectif du chantier est
d’accélérer le dédouanement tout en le sécurisant par l’automatisation du contrôle
documentaire et le visa électronique des aut
orisations d’import et d’export délivrés par les
ministères techniques compétents.
Par ailleurs, la Douane a également mis en place des bornes de détaxe (bornes « Pablo ») à
l’attention des touristes étrangers ayant réalisé des achats éligibles à la détax
e en France. Ces
bornes permettent aux particuliers concernés d’accomplir leurs formalités douanières en
toute simplicité.
Ces mesures allègent ainsi les charges de gestion tant des redevables (professionnels ou
particuliers)
que de l’administration.
Encadré 2 : La simplification du dédouanement
La procédure de dédouanement domiciliée (PDD) permet de dédouaner les marchandises directement
dans les locaux de l’opérateur, sans avoir à la présenter au bureau de douane.
La procédure de domiciliation unique (PDU) offre tous les avantages de la PDD et la possibilité de
concentrer auprès d’un seul bureau de douane (« le bureau de domiciliation ») les formalités de
dédouanement (déclaration en douane, crédits et paiement), selon une logique de guichet unique.
La
procédure
de
dédouanement
communautaire
(PDC)
permet
d’effectuer
des
opérations
d’importation/exportation dans plusieurs États membres de l’Union européenne, en centralisant les
formalités douanières et le paiement des droits en Fr
ance. Le paiement de la TVA et l’accomplissement
des formalités statistiques s’effectuent toutefois aup
rès
de
chaque
État
membre
dit
« de
rattachement ».
Pour bénéficier de ces procédures simplifiées, l’opérateur doit désormais avoir un statut d’opérateur
économique agréé (OEA), délivré après un audit de la DGDDI.
Source : DGDDI.
1.1.4.2.2.
Des mesures prises pour diminuer l’impact de la liquidation de la TVA à l’importation
Des mesures ont également été prises pour compenser les effets de la TVA sur les charges et
la trésorerie des entreprises. Ainsi l’article
52 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de
finances rectificative pour 2014
26
permet aux entreprises assujetties à la TVA titulaires d’une
procédure de domiciliation unique (PDU)
de bénéficier de l’autol
iquidation de la TVA due à
l’importation sur la déclaration périodique de chiffre d’affaires.
Au premier trimestre 2015, 52 opérateurs titulaires d’une PDU ont sollicité le bénéfice de
l’autoliquidation, soit environ 10
000 déclarations pour un montant de 68
M€.
En pratique, ce dispositif transfère à la DGFiP le recouvrement de la taxe pour ces opérateurs
et
constitue une expérience intéressante dans l’optique, à moyen terme, d’un transfert
complet du recouvrement de la TVA à l’importation aux services de
la DGFiP
.
26
Dont les modalités pratiques de mise en œuvre sont décrites par la circulaire NOR
: FCPD1500409C du
7 janvier 2015.
18
18
1.1.4.2.3.
La consolidation du paiement par la société tête de groupe
Depuis le 1
er
janvier 2012, les groupes de société peuvent opter pour un
régime de
consolidation
du paiement de la TVA qui leur permet de centraliser au niveau de la société
tête de group
e le paiement de la taxe due par l’ensemble, ou seulement certaines, des sociétés
membres du groupe ou, le cas échéant, le remboursement des crédits de TVA.
Si le paiement est ainsi « fongibilisé » au niveau du groupe, les membres de ce dernier
continuent cependant à être assujettis distinctement à la TVA et déclarent donc séparément
la taxe. L’intérêt du dispositif est son impact sur la trésorerie des membres puisqu’il permet
d’imputer directement les crédits de TVA des entreprises appartenant au groupe su
r les
sommes dues à l’administration par les entreprises débitrices.
Selon
la
direction
des
grandes
entreprises
(DGE),
au
1
er
janvier 2014,
87 groupes
représentant 2 089 entités sont concernés par ce dispositif de consolidation.
1.1.4.2.4.
La création d’un mini
-guichet fiscal unique en matière de TVA sur les services fournis
par voie électronique
Depuis le 1
er
janvier 2015, les prestations de services fournis par voie électronique délivrées
à des particuliers non assujettis sont imposables dans l’État membre où est d
omicilié le
consommateur
27
.
Les prestataires sont donc tenus de déclarer et payer la TVA dans chaque État membre de
consommation.
Afin de simplifier ces nouvelles obligations, la France a mis en place un guichet unique
électronique appelé «
mini- guichet unique TVA
» (ou « MOSS » pour
mini-one stop shop
). Il
permet, sur option des opérateurs, de déposer auprès de leur administration fiscale de
rattachement une seule déclaration de TVA trimestrielle et d’acquitter globalement la taxe
exigible dans les différents États membres dans lesquels ils fournissent ce type de services.
Sur la base des informations fournies, le produit de la taxe est ensuite réparti
automatiquement par l’État membre «centralisateur» entre les différents États dans lesquels
la TVA est due.
Ce nouveau service est accessible aux entreprises identifiées à la TVA en France ainsi qu'aux
opérateurs non établis au sein de l'Union européenne. Au sein de la DGFiP, il est géré par le
service des impôts des entreprises étrangères (SIEE) de la direction des résidents étrangers
et des services généraux (DRESG).
Au 15 février 2015, 322 opérateurs français se sont identifiés sur le mini-guichet mis en place
par la France. La répartition des opérateurs par activité est présentée au graphique 2.
27
Auparavant, ces prestations étaient taxables dans le pays du prestataire lorsque ce dernier réalisait la
prestation dans l’un des États de l’Union européenne.
19
19
Graphique 2 : Typologie des opérateurs identifiés sur le mini-guichet unique
Source : DGFiP, sous-direction GF 2.
1.1.4.3.
De nouvelles mesures pourraient être prises pour mieux estimer et réduire le
coût de gestion de la TVA
1.1.4.3.1.
Des mesures pour améliorer l’évaluation du coût de gestion de la TVA
Compte tenu des fragilités évoquées sur les méthodes
d’estimation du coût de gestion de la
TVA appliquées par la DGFiP et la DGDDI (cf. paragraphe 1.2.2), des travaux de fiabilisation
pourraient être entrepris. Au regard de
l’imbrication des coûts de g
estion des différents
impôts
28
,
la mise en place d’un outil spécifique de comptabilité analytique n’apparaît
pas nécessairement pertinente
car elle-même potentiellement productrice de coûts. En
revanche
une actualisation plus régulière des enquêtes
menées par la DGFiP et la DGDDI
pour ventiler leurs coûts globaux permettrait de fiabiliser le processus et de pouvoir mieux
interpréter les variations observées.
1.1.4.3.2.
Une extension progressive du recouvrement de la TVA par un réseau comptable
unique
La DGDDI dispose de son propre réseau comptable et de recouvrement, en lien avec les
recettes dont elle assure la gestion (droits de douane, taxe intérieure de consommation sur
les produits énergétiques, TVA sur les importations et sur les produits pétroliers, droit
annue
l de francisation des navires, taxe générale sur les activités polluantes…). Il existe donc
un double réseau de recouvrement à la DGFIP et à la DGDDI.
Or, le récent transfert du recouvrement de la TVA à l’importation pour les entreprises
assujetties titula
ires d’une procédure de domiciliation unique (cf.
paragraphe 1.1.4.2.2),
ouvre des perspectives de rationalisation des coûts de recouvrement.
28
À titre d’exemple, un service impôt des entreprises gère aussi bien la taxe sur la valeur ajoutée que l’impôt sur
les sociétés ou la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
20
20
Selon la DGFiP et la DGDDI, il
s’est effectué sans difficulté majeure et nécessite simplement la
communication, par la D
GDDI, d’un fichier retraçant les opérations déclarées lors des
importations afin de permettre à la DGFiP de contrôler les déclarations déposées.
Le bilan prévu pour la fin du premier semestre 2015 pourra utilement servir à
formuler des
propositions pour étendre progressivement le transfert du recouvrement de la TVA
à
la DGFiP
.
Encadré 3
: Les modalités d’un transfert du recouvrement de la TVA à la DGFiP
« Pour les importateurs professionnels qui ne recourent pas à un représentant en douane, une telle
réforme se traduirait par la mise en place d’un dispositif d’autoliquidation de la TVA que la DGFiP a déjà
l’habitude de gérer (par exemple en matière d’acquisitions intra
-communautaires de biens ou de
services). L’importateur déduirait
ainsi le montant de la TVA importation sur la déclaration fiscale de
TVA qu’il dépose auprès de la DGFIP. Ce nouveau dispositif entraînerait une scission des obligations liées à
l’importation (avec un dépôt de la déclaration en douane d’importation et le
paiement des droits de
douane auprès de la DGDDI d’une part, et la déclaration et le paiement de la TVA auprès de la DGFiP
d’autre part).
Pour les importateurs professionnels qui recourent à un intermédiaire (par exemple, commissionnaire en
douane), et qui représentent la très grande majorité des flux dédouanés (97,9 % des déclarations
d’importation sous DELT@C et 48,5
% des déclarations d’importation sous DELT@D), le rôle du
représentant, parfois solidairement redevable de la dette douanière et fiscale de
l’importateur, ainsi que
les procédures d’agrément de celui
-ci devraient être explicités.
En première analyse, les particuliers qui font entrer des marchandises sur le territoire national en
provenance de pays tiers pourraient demeurer dans le système actuel. Un transfert à la DGFiP
multiplierait en effet les interlocuteurs fiscaux. Aujourd’hui, les particuliers acquittent la TVA lors de leur
passage en douane ou en cas de livraison (colis postal, fret express) par l’intermédiaire de la société de
fret
express ou de l’opérateur de la poste. Ils ne connaissent que la DGDDI et ne gagneraient pas
nécessairement à ce que le recouvrement bascule au profit de la DGFiP.
Ce sujet constitue un chantier de modernisation de l’État qu’il convient désormais d’ouvrir
. Il doit être
pensé de manière globale, comme une étape dans la mise en place d’une fonction unique de recouvrement
pour l’ensemble des impôts, à l’exception des droits et taxes dont la collecte nécessite une proximité
géographique avec le redevable (cas, par exemple, des contributions indirectes). Ce transfert ne
remettrait pas en cause les missions d’assiette actuellement assurées par la DGDDI
».
Source : Extraits du rapport de la Cour des comptes : « La gestion et le contrôle de la taxe sur la valeur ajoutée »,
février 2012, p. 58.
1.1.4.3.3.
Une plus grande prise en compte des coûts de gestion dans le vote des lois de finances
L’alinéa 8 de l’article 51 de la loi organique du 1
er
août 2001 relative aux lois de finances
(LOLF) prévoit des évaluations préalables des articles du projet de loi de finances. Ces
évaluations abordent notamment : «
les conséquences (budgétaires, sur l’emploi public et sur la
charge administrative) pour les administrations publiques concernées
». Ce dernier point est
cependant traité de façon superficielle : pour ce qui concerne la loi de finances 2014, aucune
des dépenses fiscales évoquées, tant en modification qu’en suppression, ne donne lieu à une
évaluation chiffrée ou argumentée de l’impact sur la charge administrative
29
.
29
Les évaluations les plus développées mentionnent simplement : (i) en ce qui concerne la réforme du crédit
d’impôt développement durable, l’«
allègement des tâches d’
accueil des services impôts des particuliers de la DGFiP
grâce à la simplification et l’amélioration de la lisibilité du dispositif fiscal qui concentre aujourd’hui un nombre
important des interrogations d’usagers au cours de la campagne d’IR
»
; (ii) en ce qui concerne la réforme du crédit
d’impôt recherche, «
les mesures proposées sont de nature à rendre le dispositif de crédit impôt recherche (CIR) plus
simple et lisible et devraient permettre des gains d’efficacité pour les services de la DGFiP chargés
de la gestion et du
contrôle de ce dernier »
.
21
21
Les dépenses fiscales sont par ailleurs incluses dans le périmètre des projets et rapports
annuels de performance annexés à la loi de finance initiale ou au projet de loi de règlement
30
.
La question du coût de gestion de ces dépenses n’est cependant pas évoquée dans ce
s
documents, qui abordent simplement l’incidence budgétaire, les objectifs et le nombre de
bénéficiaires des mesures.
L’élaboration des dépenses fiscales par l’administration n’est donc que rarement nourrie par
des éléments d’analyse de leur impact en gest
ion.
Une plus grande prise en compte de l’impact sur les coûts de gestion au moment du vote des
dépenses fiscales permettrait de
« normer
» l’exercice d’évaluation
et de progresser dans
la connaissance de l’effet global des mesures envisagées.
1.2.
L’
évaluation du coût global de gestion de la TVA est perfectible et ce
dernier demeure impacté négativement par des facteurs exogènes
Pour évaluer le coût de gestion de la TVA, la DGFiP et la DGDDI utilisent une méthode de
répartition de leurs coûts complets de gestio
n pour l’ensemble des impôts. Cette ventilation
repose sur une méthode de répartition des coûts, fondée notamment sur des enquêtes
conduites auprès des services de gestion, ne permettant pas une évaluation fine des coûts
réels.
En outre cette évaluation se révèle sensible aux ratios retenus pour ventiler les coûts entre
les différentes missions
ce qui explique qu’entre 2011 et 2012 le
s coûts de gestion de la TVA
de la DGFiP aient fortement diminué passant de 898
M€ à 664
M€ sans qu’il soit possible d’en
conclure avec certitude
que des gains d’efficience ont été réalisés.
1.2.1.
Une communication de la DGFiP
sur un taux d’intervention qui est peu
pertinent pour évaluer la performance en matière de gestion de la TVA
Les performances de l’administration en matière de gestion de la TVA peuvent s’appréhender
de deux manières :
d’une part, selon le niveau absolu des coûts et leur évolution dans le temps
;
d’autre part en fonction du taux d’in
tervention qui rapporte le coût de gestion de
l’impôt à sa recette (brute ou nette).
C’est ce second indicateur
31
que la DGFiP utilise, notamment dans les annexes au projet de loi
de finances
32
, pour communiquer sur l’efficience de sa gestion.
Or, cet indicateur est par nature sensible aux évolutions du dénominateur (recette brute de
l’impôt). Une hausse en valeur de celui
-ci peut ainsi entraîner une baisse du taux
d’intervention sans que cette évolution traduise une gestion plus efficiente comme par
exemple
dans le cas d’une amélioration de la situation économique.
Une évaluation sur le niveau réel des dépenses engagées apparaît plus pertinente mais se
heurte aux difficultés d’évaluation évoquées au paragraphe
1.2.2.
30
Articles 51-5 et 54-4 de la loi organique n° 2001-692 du 1
er
août
2001 relative aux lois de finances. L’article
51-
5 prévoit notamment que le projet annuel de performance doit contenir l’«
évaluation des dépenses fiscales
».
31
Par rapport aux recettes brutes.
32
¨Projets annuels de performances des programmes 156 et 302, respectivement gérés par la DGFiP et la DGDDI.
22
22
1.2.2.
Un coût de gestion qui n’est pas évalué en coût réel
1.2.2.1.
Un coût de gestion de la TVA évalué par la DGFiP qui n’est pas un coût réel
Outre les remarques formulées sur la pertinence de l’affichage d’un taux d’intervention
comme indicateur de performance, la méthode même utilisée par la DGFiP peut être sujette à
critiques. En effet, la DGFiP utilise actuellement, pour déterminer ses coûts de gestion, une
méthode de ventilation d’un coût global qu
i ne permet pas de calculer un coût réel de gestion
par impôt.
1.2.2.1.1.
L’estimation du coût de gestion de la TVA est une répartition d’un coût global qui ne
repose pas sur des outils permettant de fiabiliser la ventilation opérée
Pour estimer les coûts de gestion de la TVA, la DGFiP utilise une méthode de répartition de
ses coûts globaux. Cette méthode comporte trois grandes étapes.
Dans un premier temps, les services déterminent le coût de gestion global de la DGFiP
(dépenses de personnel et de fonctionnement
33
, et dépenses issues de déversement
budgétaires externes
34
), toutes activités confondues (activités fiscales, activités foncières,
activités de gestion financières, en administration centrale, dans les services déconcentrés,
etc.).
Dans un deuxième temps, il est procédé à une identification du coût des missions fiscales
(part des actions qui correspondent aux missions fiscales de la DGFiP
35
)
. L’établissement du
coût de ces actions résulte des travaux de comptabilité d’analyse
qui consistent à ventiler les
dépenses agrégées entre les actions de la LOLF du programme 156 selon les résultats
d’une
enquête de recensement fonctionnel des effectifs
au regard de leurs missions fiscales et
non fiscales. Auparavant spécifique à chacune des deux ex-
directions DGI et DGCP, l’enquête
est désormais unique depuis 2012.
Dans un troisième temps, le coût de gestion global des missions fiscales est ventilé par impôt
au moyen d’
une ventilation de ce coût entre les différents impôts et taxes. Les services de la
DGFiP ont décidé de ventiler celui-ci entre quatorze blocs de prélèvements parmi lesquels
figure un bloc TVA.
33
Il s’agit des dépense
s du programme 156 (titre 2 et hors titre 2) intitulé « gestion fisc
ale et financière de l’État et
du secteur public local ». Il regroupe les moyens consacrés aux opérations de recettes (assiette, recouvrement,
contrôle) de l’État et des collectivités terr
itoriales, au paiement de dépenses publiques et à la tenue des comptes
publics. Le programme est mis en œuvre par la DGFiP sous la responsabilité de son directeur général.
34
Notamment au titre de l’entretien des biens immobiliers (programme 309) de l’activité de la direction de la
législation fiscale (DLF, programme 305) et de la conduite et du pilotage des politiques économiques et financières
(programme 218)
35
Précisément, sont pris en compte les coûts de gestion des métiers suivants : action 01 du programme 156
(fiscalité des grandes entreprises (hors missions foncières)), action 02 du programme 156 ‘fiscalité des PME (hors
missions foncières)), action 03 du programme 156 (fiscalité des particuliers et fiscalité directe locale (hors
missions foncières)), et une quote-
part des coûts supports contenus dans l’action 09 du programme 156.
23
23
La ventilation entre les quatorze catégories s’effectue selon des clés issues
d’une enquêtes
dite « impôts »
, dédiée à la connaissance de la répartition par processus (assiette,
recouvrement, contrôle, contentieux, poursuites) et par impôt des effectifs des structures
exerçant des missions fiscales. Cette enquête est fondée sur un échantillon annuel
représentati
f d’environ 500 structures (
services impôts des particuliers, centres des impôts
fonciers, services impôts des entreprises) interrogées sur la répartition de leurs effectifs
entre les différentes fonctions et les différents impôts. Les résultats obtenus et extrapolés à
l’ensemble des services et structures de la DGFiP permettent de ventiler le coût de gestion
par type de prélèvement et entre les quatre fonctions. De cette manière on obtient
notamment un coût de gestion spécifique à la TVA, l’IR, et l’IS.
La méthode de détermination du coût de gestion de la TVA retenue par la DGFiP appelle
plusieurs remarques.
En premier lieu, la méthode repose sur la
mise en œuvre d’une double ventilation
des
coûts de gestion de la DGFiP. Elle est effectuée au regard de la répartition des effectifs,
mesurés en ETP, entre les différentes structures et les différents prélèvements.
Ce système, s’il a le mérite de permettre la détermination de coûts de gestion plus fins que le
coût global DGFiP, comporte néanmoins des faiblesses intrinsèques liées à cette double
ventilation, source d’approximations et d’erreurs potentielles.
Il
ne s’agit
donc pas de la
détermination d’un coût réel
.
En second lieu, l’enquête annuelle dite « impôts », réalisée par échantillon de structures,
repose sur un recensement assez artisanal de la répartition des effectifs entre processus et
entre impôts. En effet, la réalisation de l’enquête sur le terrain, au sein de chaque structure,
est faîte par le chef de service de celle-ci. Ainsi un chef de SIE devra renseigner le nombre
d’ETP consacrés annuellement au recouvrement de la TVA, au contrôle des remboursements
de crédit, etc.
Or, le recensement de cette répartition annuelle ne s’appuie pas, dans les structures, sur des
outils fiables de décompte journali
er ou hebdomadaire de l’activité.
Le recensement se fait
sur la base de la connaissance générale qu’en a le responsable en fin d’année
, ce qui
rend l’évaluation fragile. Dans les SIE, les agents exercent plusieurs fonctions au cours d’une
année (assiette, contrôle, etc.) et gèrent plusieurs impôts (TVA, IS, CVAE).
Dans ces conditions, il n’est pas aisé de définir finement la répartition des effectifs annuels et
il existe au final des approximations dans la ventilation des effectifs qui se répercutent
inévitablement au stade de la détermination des coûts de gestion.
Dès lors, les coûts de gestion calculés par la DGFiP ne sont que des ordres de grandeur.
Partant de ce constat,
il est impossible de pouvoir ventiler finement les coûts de gestion
des différents impôts
. Les outils de comptabilité analytique existants ne permettent pas de
le faire.
1.2.2.1.2.
Sur la période 2009-2013, le coût de gestion de la TVA diminue sans que cette baisse
puisse être corrélée avec certitude à des gains d’efficience dans la gestion de la ta
xe
Pour calculer ces coûts de gestion, la DGFiP utilise un mode de calcul, dit « méthode
Lépine »». Ce dernier fige la contribution de la DGFiP au financement des retraites de ses
fonctionnaires, par convention, à sa valeur de 2001. Cette méthode permet
d’avoir une
approximation des coûts sur lesquels la DGFiP a la possibilité d’agir. Son intérêt réside dans
l’examen de l’évolution de ces derniers.
Selon ce mode de calcul, le coût de gestion global de la TVA a sensiblement diminué sur la
période 2009-2013 (cf. tableau 7) qui fait apparaître une baisse de - 22,62 %).
24
24
Cette diminution ne traduit toutefois pas nécessairement une amélioration de l
’efficience de
la gestion de l’impôt. Elle est essentiellement liée à la mise à jour, issue de l’exploitation des
données de la nouvelle enquête DGFiP, de la répartition des effectifs par missions :
fiscales/non fiscales (cf. paragraphe 1.2.2.1.1)
36
.
Il apparaît toutefois qu’à ventilation constante des coûts par mission, le coût de gestion global
de la TVA a progressé de 2,39 % sur la période 2009-2011. De même, entre 2012 et 2013, le
coût de gestion global progresse de 2,26 %.
Par ailleurs, cette for
te variation du taux d’intervention en TVA illustre l’extrême sensibilité
de la méthode employée par la DGFiP pour estimer les coûts de gestion des différents impôts
à la qualité des enquêtes réalisées et atteste de la fragilité de la méthode employée.
En
l’état,
il est donc impossible de mesurer avec précision l’effet des réformes
évoquées
infra
(cf. paragraphe 1.2.4.1) et de quantifier les éventuelles réductions de coûts associées.
Tableau 7 : Évolution des coûts de gestion de la TVA à la DGFiP sur la période 2010-2013
(méthode dite Lépine)
En
M€
2009
2010
2011
2012
2013
Assiette/contentieux
336,0
335,6
341,6
239,8
253,5
Contrôle
289,0
293,7
302,2
249,8
263,3
Recouvrement
252,5
250,7
254,3
174,4
162,2
Total du coût de
gestion de la TVA
877,5
880,1
898,2
664,0
679,0
Source : DGFiP, sous-direction SPIB 1.
1.2.2.2.
Le coût de gestion de la TVA calculé par la DGDDI n’est pas un coût réel
Les données disponibles au niveau des services douaniers sont partielles puisque le système
d’information de la DGDDI ne permet pas d’isoler les coûts d’administration de la seule TVA.
Les opérations d’assiette de celle
-ci sont étroitement imbriquées à celles du dédouanement et
de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, de sorte qu’un
découpage fin du temps de travail des agents entre ces différentes fiscalités n’est pas
disponible.
Dès lors, depuis 2011
37
, la DGDDI utilise une méthode analogue à celle de la DGFiP pour
évaluer ses coûts de gestion par impôt en procédant à une affectation de ses effectifs par
« bloc de taxes
» au moyen d’une enquête réalisées auprès de ses services tous les deux ans.
Outre sa mise en œuvre récente, la méthode employée ne repose pas sur une analyse en coûts
réels et présente les mêmes faiblesses que celle utilisée par la DGFiP. Elle
ne permet donc
pas de corréler
l’évolution des coûts de gestion
à des gains d’efficience
, la réduction des
coûts de gestion pouvant être uniquement liée à la fiabilisation des enquêtes menées auprès
du réseau.
36
La DGFiP indique qu’un nouveau recensement fonctionnel des effectifs a pu être réalisé en 2012 au moyen de
l’outil Sagerfip. Le précédent recensement avait été
réalisé antérieurement à la fusion de la DGI et de la DGCP en
2008 et, dans l’intervalle 2008
-2012, les données ont été actualisées en mode macro.
37
La mise en œuvre, par la DGDDI, d’un chiffrage du taux d’intervention fiscal faisait suite à des critiques
récurrentes sur l’absence de données chiffrées sur ce point (cf.
notamment rapport IGF n° 2008-M-084-01).
25
25
Tableau 8 : Évolution des coûts de gestion de la DGDDI sur la période 2011-2013
En M
2011
2013
TVA
181,9
176,0
Tous impôts
326,8
310,0
Source : DGDDI.
1.2.3.
L’impact des nouvelles mesures sur le coût de gestion de la TVA devra être
évalué avec précision
A
lors que le nombre d’entreprises télédéclarantes a été multiplié par 2,5 sur la période
2010-
2013 et que parallèlement le nombre total des déclarants TVA est resté stable, il n’est
pas possible de connaître l’impact réel de ces évolutions sur le coût de gestion de la taxe.
Sans occulter l’influence potentielle d’autres facteurs sur le coût de ges
tion de la TVA
38
,
l’analyse de son évolution entre 2012 et 2013, période sur laquelle la répartition des coûts
effectuée par la DGFiP est constante, fait ressortir une progression de 2,63 % alors que, dans
le même temps, le nombre de télédéclarants progresse de 16,49 % et le nombre total de
déclarants diminue de 0,34 %.
Dans le passé, d’autres réformes auraient aussi dû jouer en faveur d’une baisse des coûts de
gestion, à l’instar de la mise en place au début des années 2000 de la direction des grandes
entreprises qui concentre plus de 40 % des montants recouvrés et du développement de la
logique d’interlocuteur fiscal unique pour les entreprises (avec la création des services des
impôts aux entreprises).
Néanmoins
, l’impact attendu de ces réformes sur le coût de gestion de la TVA n’est
actuellement pas démontré. Cette absence de corrélation tient en grande partie au caractère
perfectible du calcul des coûts de gestion en matière de TVA (cf. paragraphe 1.2.2.1.2).
Dès lors, l’impact sur le coût de gestion de la TVA de nouvelles mesures, comme la
généralisation des téléprocédures (cf. paragraphe 1.1.4.1),
nécessitera d’être évalué pour
attester de son effectivité
.
Tableau 9 : Évolution du nombre de télédéclarants en TVA sur la période 2010-2013
2010
2011
2012
2013
Nombre de
télédéclarants TVA
867 505
1 208 340
1 766 918
2 058 228
Total des
déclarants TVA
3 410 144
3 451 243
3 478 211
3 466 259
Source : DGFiP, sous-direction GF 3.
1.2.4.
Le coût de gestion de la TVA demeure impacté négativement par des facteurs
exogènes
De
multiples facteurs influent négativement sur les coûts liés au contrôle ou à l’assiette de la
taxe. Ainsi, la multiplicité des taux et des régimes, tout comme les règles complexes de
déductibilité alourdissent son coût de gestion.
38
Complexité des contentieux par exemple.
26
26
1.2.4.1.
La multiplicité des taux complique la gestion et le contrôle de la TVA
Lorsque les entreprises ont un droit à déduction total, la TVA est neutralisée ce qui, conjugué
à
un
système
déclaratif
qui
s’appuie
de
plus
en
plus
sur
les
téléprocédures
(cf. paragraphe 1.1.4.1), contribue à limiter le surcoût de gestion lié à la présence de plusieurs
taux.
Néanmoins,
l’existence de multiples taux réduits
alourdit le coût de gestion de la TVA
notamment parce qu’elle augmente le nombre d’entreprises créditrices de TVA
39
, et par suite
l’occurrence des actes de remboursement par l’administration fiscale.
Le nombre de demandes de remboursement de crédit de TVA est ainsi passé de 1 491 003,
pour un montant à rembourser de 42,9
40
Mds€, en 2010 à 1
533 234, pour un montant à
rembourser de 48,5
Mds€, en 2014. Corrélativement, le taux de rejet des demandes de
remboursement de crédit de TVA a augmenté de plus de 10 % passant de 3,7 % à 4,1 % du
nombre de demandes (cf. tableau 10). Il en résulte un effet négatif sur les coûts de gestion de
la TVA en raison de la nécessité, pour les services gestionnaires, de traiter ces demandes. Cet
impact sur les coûts de gestion est d’autant plus important que, sur la même période, les
services fiscaux ont réduit les délais de traitement de ces réclamations, qui, quel que soit le
circuit
d’instruction
41
sont inférieurs à un mois.
Par ailleurs, les taux réduits ou les exonérations ont des conséquences directes sur les coûts
du contrôle fiscal. De fait, ils complexifient le travail des vérificateurs en multipliant les points
de contrôle et allongent les délais d’i
ntervention sur place.
La diversité des taux est aussi de nature à alimenter des fraudes ou à nourrir des contentieux.
Ainsi, une activité accessoire est soumise au même taux que celui de la prestation principale à
laquelle elle se rattache mais cette noti
on d’activité accessoire peut s’avérer complexe à
définir
42
.
De même, la coexistence de plusieurs taux réduits, dont un taux intermédiaire de 10 % à
compter du 1
er
janvier
2014 est de nature à susciter certaines difficultés d’application.
À titre
d’exemple
, pour les produits alimentaires, coexistent trois taux de TVA en fonction de la
nature du produit ou de sa préparation et la répartition repose parfois sur des critères
complexes (par exemple : les produits à base de chocolat peuvent être taxés à trois taux
différents en fonction de la nature de leur préparation et de leur mode de consommation
43
).
Le contrôle objectif de ces derniers peut donc s’avérer difficile et devenir source de nouveaux
contentieux.
39
Cas par exemple d’un
e société dont les achats sont facturés au taux normal de 20 % et dont les ventes sont
taxées au taux réduit de 10 % (ou de 5,5 %).
40
La modification des règles de remboursement de crédit de TVA devenus mensuels, au lieu de trimestriels, dont
la mise en œuvre en février 2009 a concerné les remboursements à compter de janvier 2009 a eu un i
mpact de
6,5
Md€ sur les crédits 2010.
41
Il existe deux circuits de traitement des demandes de remboursement de crédits de TVA, un circuit qualifié de
« court » lorsque les demandes sont de faible montant et que le contribuable ne présente pas de risque particulier
et un circuit qualifié de « long
» car il fait l’objet d’une instruction plus approfondie dans les autres cas.
42
L’illustration de cette difficulté à définir la notion de prestation accessoire est fournie dans le rapport particulier
n° 1 sur le cadre juridique de la TVA au travers du paragraphe consacré aux produits financiers et immobiliers
accessoires (p. 57).
43
Il en résulte une distinction entre la taxation du chocolat blanc soumis à une TVA de 20 %, la vente de chocolat
de ménage au lait soumis au taux réduit de 5,5 %, et la vente de desserts au chocolat par les restaurateurs soumise
au taux intermédiaire de 10
%. L’annexe
I du décret n° 2003-702 du 29 juillet 2003 reprend en détail les critères à
retenir dans chacune des catégories.
27
27
De façon plus générale,
la mise en place de taux
réduits s’accompagne souvent
d’obligations multiples pour les redevables
qui doivent procéder à une ventilation
comptable des produits soumis à des taux distincts et conserver, à l’appui de leur
comptabilité, des pièces justificatives de nature parfois très diverses. Le bénéfice du régime
des travaux de rénovation sur des locaux à usage d’habitation
44
est notamment subordonné à
la remise par le client à son prestataire d’un document attestant que les travaux à réaliser
portent bien sur un immeuble d’habitati
on, achevé depuis plus de deux ans. Cet exemple
illustre le risque que les nombreuses obligations induites par le développement des taux
réduits ne soient pas respectées, ce qui est susceptible de compliquer là aussi l’activité du
contrôle fiscal.
44
Article 279-0 bis du code général des impôts.
28
28
Tableau 10 : Évolution du nombre de remboursements de crédits de TVA sur la période 2010-2014
2010
2011
2012
2013
2014
Nombre de demandes de
remboursement de crédit
de TVA ayant donné lieu à
remboursement
1 491 003
1 674 163
1 592 890
1 559 849
1 533 234
Montants remboursés
(en
€)
42 929 109 392
46 562 248 674
49 984 912 070
48 112 562 922
48 479 628 075
Taux
de
rejet
des
demandes
de
remboursement de crédit
de TVA en % des montants
remboursés
3,6 %
3,0 %
2,6 %
3,3 %
2,5 %
Taux
de
rejet
des
demandes
de
remboursement de crédit
de TVA en % du nombre de
demandes
3,7 %
3,7 %
3,8 %
4,1 %
4,1 %
Source : DGFiP, fichiers des demandes de remboursement de crédits de TVA.
Tableau 11 : Évolution des délais moyens de traitement des demandes de remboursements de crédits de TVA sur la période 2010-2014
En jours
2010
2011
2012
2013
2014
Délai moyen des demandes
de
remboursement
de
crédit de TVA en circuit
courts
11,9
12,1
11,4
11,6
11,5
Délai moyen des demandes
de
remboursement
de
crédit de TVA en circuit
longs
28,0
28,0
25,8
25,2
26,2
Source : DGFiP, fichiers des demandes de remboursement de crédits de TVA.
29
29
1.2.4.2.
Une coexistence de plusieurs régimes d’imposition particuliers qui complique les
tâches de gestion, de contrôle et de veille juridique
En conformité avec les dispos
itions de l’article 281 de la directive n°
2006/112/CE,
la France
a fait le choix d’adopter des régimes simplifiés d’imposition en TVA
.
I
l existe ainsi quatre principaux régimes d’imposition à la TVA
:
le régime réel normal qui concerne près de 1,3 million
d’entreprises en 2013
;
le régime réel simplifié (RSI) qui concerne près de 1,7
million d’entreprises en 2013
;
le régime simplifié agricole qui concerne près de 433 000 entreprises en 2013 ;
le régime de la franchise en base qui concerne plus de 1,6 mill
ion d’entreprises
en 2013.
Près des trois quarts des entreprises sont
donc aujourd’hui soumise, en matière de TVA, à un
régime particulier d’imposition.
La mise en place de ces régimes particuliers de TVA répond au double souci d’alléger les
démarches des petites et très petites entreprises et de réduire les coûts de gestion de
l’administration.
Ces régimes particuliers soulèvent cependant des difficultés. En particulier, le régime
simplifié d’imposition (RSI), dans sa version antérieure au 1
er
janvier 2015, présentait
plusieurs faiblesses :
les modalités pratiques de mise en œuvre, et notamment le mécanisme d’acomptes
prévisionnels et de régularisation annuelle, étaient souvent peu maîtrisées par les
entreprises, ce qui occasionnait un surcroît de charge po
ur l’administration en matière
de gestion ;
en termes de fraude, ce régime est souvent utilisé par des entreprises éphémères qui
réalisent, sur une courte période, un important volume de chiffre d’affaires et différent
le paiement de la TVA ce qui leur permet de disparaître avant de devoir acquitter la
taxe.
Le champ d’application de ce régime et ses modalités de mise en œuvre ont donc fait l’objet
de plusieurs aménagements applicables à compter du 1
er
janvier 2015 notamment pour :
simplifier le régime : la fréquence des acomptes est devenue semestrielle (en juillet et
décembre) en lieu et place d’acomptes trimestriels
;
prévenir la fraude
: les entreprises qui s’acquittent de plus de 15
000
€ par an de TVA
ont été exclues du RSI de même que les nouvelles entreprises dans le secteur du
bâtiment.
L’observation, sur la période 2010
-
2013, de l’évolution du nombre d’entreprises par
catégorie de régime ne fait toutefois pas apparaître une quelconque désaffection pour l’un
d’eux
(cf. tableau 12). En particulier, le régime de la franchise en base continue à bénéficier
de l’accroissement du nombre d’auto
-entrepreneurs.
Sur ce point,
une comparaison avec
l’Allemagne permet
d’observer qu’un choix
beaucoup plus restrictif a été fait
en matière de champ d’application du régime simplifié
puisqu’il exclut les entreprises créées depuis moins de deux ans et ce notamment afin de
prévenir la fraude (cf. encadré 5).
30
30
Encadré 4 : Les différents régimes de TVA
Jusqu’au 31
décembre 2014 :
Le régime réel normal : il s’applique lorsque le chiffre d’affaires des entreprises soumises au BIC
(bénéfice industriel et commercial) est supérieur 783 000
€ HT pour les marchandises et à 236
000
HT pour les prestations de services. La déclaration de TVA s’effectue mensuellement ou
trimestriellement si le seuil exigible annuel de TVA n’excède pas 4
000
€.
Le régime réel simplifié (ou régime simplifié d’imposition –
RSI) : il concerne les entreprises qui
réalisent un chiffre d’affaires HT compris entre 82
200 € et 783
000
€ pour les activités d’achat
-
revente, ou un chiffre d’affaires HT compris entre 32
900
€ et 236
000
€ pour activités de prestations
de services. Il n’y a pas de déclaration de TVA à souscrire en cours d’année, mais le redevable verse
quatre acomptes (avril, juillet, octobre et décembre) qui font ensuite l’objet d’une régularisation lors
du dépôt de la déclaration annuelle CA
12. Il existe une possibilité d’opter pour le régime réel normal.
Le régime simplifié agricole (RSA) : il s’applique aux exploitants agricoles assujettis à la TVA qui
relèvent de ce régime pour leurs opérations agricole
s. Le RSA comporte des spécificités en ce qu’il
intègre deux modalités déclaratives : le système des acomptes trimestriels et le système des
déclarations trimestrielles. La TVA est acquittée par acomptes trimestriels ou, sur régime optionnel
(dit de l’effe
ctif), par paiement au vu des déclarations trimestrielles ou mensuelles.
Le régime de la « franchise en base » : les personnes physiques ou morales qui réalisent un chiffre
d’affaires hors taxes inférieur à celui prévu pour le régime réel simplifié bénéficient d’une franchise en
matière de TVA. Ils sont dispensés du paiement de la taxe et ne peuvent pratiquer aucune déduction de
TVA pour les biens et services acquis pour les besoins de leur activité. Ils peuvent toutefois opter pour
le paiement de la TVA sous certaines conditions.
Modifications intervenues à compter du 1
er
janvier 2015 :
L’article 20 de la
loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificatives pour 2013 exclut du
régime simplifié d’imposition les entreprises dont le chiffre d'aff
aires est compris dans les limites du
RSI mais qui s'acquittent de plus de 15
000 € de TVA par an. Ces opérateurs doivent, depuis le 1er
janvier 2015, déclarer la TVA mensuellement. Le même article a également modifié la fréquence des
acomptes qui sont désormais acquittés semestriellement (en juillet et décembre) et non plus
trimestriellement.
L'article 21 de la loi n° 2014-1655 de finances rectificative pour 2014 renforce l'efficacité de
l'ensemble de ces dispositifs existants en imposant depuis le 1
er
janvier 2015 le dépôt de déclarations
mensuelles ou trimestrielles aux entreprises nouvelles qui exercent une activité dans le secteur du
bâtiment. Toutefois, pour ne pas trop alourdir les charges administratives pesant sur ces entreprises,
cette obligation est limitée dans le temps (l'année de création et l'année suivante).
Source : Rapporteur.
Encadré 5 : Les obligations déclaratives en Allemagne
En Allemagne, les modalités de dépôt des déclarations de TVA sont les suivantes :
Les déclarations doivent être déposées sur un rythme mensuel.
Une déclaration récapitulative annuelle doit être soumise avant le 31
mai de l’année calendaire
suivante.
Lorsque la TVA due au titre de l’année calendaire précédente est inférieure à
7 500
, la période
d’imposition est trimestrielle.
Lorsque la TVA due au titre de l’année calendair
e précédente est inférieure à 1 000
, les déclarations
de TVA peuvent être déposées sur une base annuelle, sous réserve d’acceptation de l’administration
fiscale.
Les entreprises nouvelles doivent déposer des déclarations mensuelles durant les deux années
calendaires qui suivent le lancement de leurs activités.
Une entreprise ayant réalisé sur l’exercice précédent un chiffre d’affaires inférieur à 17
500
€ et
dont
le chiffre d’affaires de l’ann
ée courante ne dépassera pas 50 000
€ n’est pas redevable de la TVA.
Source : Rapporteur, sur la base des éléments transmis par la DLF.
31
31
Tableau 12 : Le suivi des déclarants par régime
d’imposition sur la période 2010
-2013
2010
2011
2012
2013
Évolution
2010-2013
Nombre de
déclarants au
régime réel
normal
1 258 833
1 279 028
1 292 892
1 299 404
+ 3,22 %
Nombre de
déclarants au
RSI
1 646 030
1 667 610
1 676 332
1 665 972
+ 1,21 %
Nombre de
déclarants en
franchise de
TVA
1 190 008
1 341 591
1 496 170
1 634 300
+ 37,33 %
Nombre de
déclarants au
RSA
445 681
441 753
438 104
433 454
- 2,74 %
Source : DGFiP, sous-direction GF 3.
1.2.4.3.
Des règles de déduction complexes
1.2.4.3.1.
Des règles de
déduction en théorie simples mais qui s’avèrent complexes pour les
opérateurs ne réalisant pas uniquement des opérations imposables
En théorie les règles de déduction de la TVA sont simples. Un redevable peut déduire la TVA
des biens et services nécessaire
s à son exploitation, mais cette déduction ne s’opère que dans
la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins d’opérations imposables.
Si l’application de ces règles ne pose pas de difficultés particulières pour les opérateurs qui
ne réalisent que des opérations taxables,
elle s’avère
plus complexe pour ceux qui
réalisent concomitamment des opérations exonérées
45
.
La taxe grevant un bien ou un service acquis par un opérateur qui ne réalise pas uniquement
des opérations imposables ouvrant droit à déduction ne peut alors être déduite qu’à hauteur
de la proportion de l’utilisation de ce bien ou de ce service pour les besoins de telles
opérations.
Ainsi, lorsqu’un bien ou un service est utilisé alternativement pour des opérations
imposables ouvrant droit à déduction et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, il est
fait application d’un coefficient de déduction, lui
-même étant le produit de trois coefficients
compris entre 0 et 1
46
.
En outre, ces éléments de complexité peuvent être aggravés par l’évolution de la
jurisprudence communautaire comme par exemple dans le cas de la question du traitement
des produits financiers ou immobiliers accessoires aux activités principales des opérateurs
(cf. encadré 6).
45
Exemple : un contribuable réalisant une activité de conseil, imposée à la TVA, et une activité de formation
professionnelle, exonérée de TVA et n’ouvrant pas droit à déduction (cf.
rapport particulier n° 1 sur le cadre
juridique de la TVA, p. 65)
46
Le coefficient de déduction résulte du produit du coefficient d’assujettissement, du coefficient de taxation et du
coefficient d’admission (cf.
rapport particulier n° 1 sur le cadre juridique de la TVA et instruction administrative
publiée au BOI 3 D-1-07 du 9 mai 2007 commentant le décret du 16 avril 2007).
32
32
Malgré la modernisation des règles de déduction de la TVA
47
,
ces dernières demeurent
complexes
à maîtriser pour les cont
ribuables et difficiles à contrôler par l’administration
, ce
qui impacte négativement le coût de gestion de la taxe.
Encadré 6 : Évolution de la jurisprudence en matière de traitement des produits financiers ou
immobiliers accessoires aux activités des opérateurs
Dans un premier temps, la CJUE a retenu un critère d’ordre qualitatif et jugé que ne saurait être
qualifiée d’accessoire une activité qui «
constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de
l’activité taxable de
l’entreprise
»
48
: tout en ayant un lien avec l’activité principale, l’activité accessoire
doit donc pouvoir en être distinguée.
Dans un deuxième temps, elle s’est également référée à un critère d’ordre quantitatif et a jugé qu’une
activité ne pouvait êtr
e qualifiée d’accessoire que si elle «
n’implique qu’une utilisation très limitée de
biens et de services pour lesquels la TVA est due
»
49
, sans qu’il soit précisé si ce critère remplaçait ou
s’ajoutait au critère précédent.
Il s’avère finalement que ces deux critères sont cumulatifs et que, pour être qualifiée d’accessoire, une
opération immobilière ou financière ne doit ni constituer le prolongement direct, permanent et
nécessaire de l’activité taxable de l’entreprise, ni impliquer une utilisation signifi
cative de biens et de
services pour lesquels la TVA est due
50
.
Or, si le critère quantitatif peut se recommander d’une relative objectivité, le critère plus qualitatif
paraît d’un maniement plus délicat.
Source : Rapport particulier n° 1 sur le cadre juridique de la TVA.
1.2.4.3.2.
Une illustration de la complexité induite par les spécificités de certaines activités : les
sociétés holdings
Certaines activités présentent des spécificités importantes au regard de la TVA qui induisent
des modalités de gestion et de contrôle complexes tant pour les contribuables que pour
l’administration.
Le cas du
droit à déduction des sociétés
holdings
illustre les difficultés induites par
certaines activités spécifiques (cf. encadré 7).
En l’espèce, le droit à déduction des sociétés
holdings
s’avère complexe à mettre en œuvre et
constitue dès lors une source potentiellement importante de contentieux fiscal.
47
Cf. rapport particulier n° 1 sur le cadre juridique de la TVA et instruction administrative publiée au
BOI 3 D-1-07 du 9 mai 2007 commentant le décret du 16 avril 2007.
48
CJCE, 11 juillet 1996, Régie dauphinoise, aff. C-306/94.
49
CJCE, 29 avril 2004, EDM, aff. C-77/01.
50
CJCE, 29 octobre 2009, NCC Construction Danmark A/S, aff. C-174/08.
33
33
Encadré 7 : Le droit à déduction dans les
holdings
« Depuis le début des années 1990, la Cour de justice a
développé une jurisprudence fondée sur l’idée que
certaines ressources perçues par un assujetti ou certaines de ses activités ne relèvent pas de la sphère
économique :
-
soit qu’il s’agisse de ressources passives résultant d’un simple droit de propriété
exercé comme un
particulier (les dividendes)
51
;
-
soit qu’il s’agisse du fruit d’une activité qui n’a pas un caractère économique
52
.
La Cour de justice a également, dans ce contexte, introduit la notion de « frais généraux » pour rattacher
à l’activité
économique générale des dépenses qui ne présentent pas un lien direct et immédiat avec une
opération ouvrant droit à déduction réalisée en aval mais dont l’exclusion serait inique au regard de leur
contribution évidente à l’activité générale de l’entrepris
e
53
.
Il en résulte aujourd’hui une combinaison complexe de notions pour distinguer, parmi les dépenses
grevées de TVA que supporte une société holding
, celles qui sont supportées pour les besoins d’opérations
situées en dehors du champ d’application de la taxe, qui n’ouvrent pas droit à déduction, de celles qui se
rapportent à l’activité économique qui ouvrent droit à déduction selon que les opérations économiques en
cause sont ou non soumises à la taxe en passant par une palette de situations hybrides dans lesquelles le
juge et les entreprises naviguent à vue et qui concernent principalement les dépenses supportées pour les
opérations en capital.
En l’état actuel de la jurisprudence, les frais d’acquisition de titres constituent des frais généraux
rattacha
bles à l’activité générale et ouvrent, de ce fait, un droit à déduction à raison de la proportion que
représentent les opérations imposables ouvrant droit à déduction de l’entreprise au regard de l’ensemble
de son chiffre d’affaires
54
tandis que la récupération de la taxe qui grève les dépenses relatives à la cession
de titres de participation dépend d’une analyse complexe qui repose, d’une part, sur l’appréciation du
caractère économique ou non de la cession de titres en cause et, d’autre part, sur la quest
ion de savoir si le
coût des dépenses concernées est ou non répercuté dans le prix de cession des titres lorsque celle-ci peut
être qualifiée d’opération économique placée dans le champ d’application de la TVA
55
.
[…]
Cette construction jurisprudentielle
n’est clairement propice ni à l’application harmonisée du système de
la TVA dans les différents États membres ni à la sécurité juridique des opérateurs.
Force est de constater que, sur le fondement même du principe de neutralité, le juge a bâti un édifice
jurisprudentiel qui n’est ni simple ni même stabilisé.
»
Source : Extrait de la revue française de finances publiques, 1
er
novembre 2014, n° 128, p 65, article de
M
me
Élisabeth Ashworth.
51
CJUE, aff. C-388/11, arrêt du 12 septembre 2013, Société Le Crédit Lyonnais, RJF 12/13, n° 1192.
52
CJUE aff. C-333/91, 22 juin 1993, Sofitam SA, RJF 7/93, n° 986
53
CJUE, aff. C-437/06, arrêt du 13 mars 2008, Securenta Gottinger, RJF 6/08, n° 764.
54
CJUE, aff. C-98/98, arrêt du 8 juin 2000, Midland Bank plc, RJF 9-10/00, n° 1187.
55
CJUE, aff. C-16/00, arrêt du 27 septembre 2001, Cibo Participations SA, RJF 12/01, n° 1611.
34
34
2.
La fraude à la TVA est un phénomène multiple et de plus en plus
complexe dont
l’
évaluation demeure largement incomplète
2.1.
La fraude à la TVA est un phénomène multiple et de plus en plus complexe
2.1.1.
La notion de fraude
s’avère
complexe à définir
En France,
la no
tion de fraude fiscale est plus complexe qu’il n’y paraît
. Il est notamment
difficile de distinguer plusieurs notions, en particulier
: la fraude, l’irrégularité, l’évasion et
l’optimisation fiscale.
La Cour de justice des
de l’Union européenne
a souligné
que la notion d’évasion correspond à
un phénomène objectif alors que celle de la fraude contient un élément intentionnel de
l’assujetti
56
.
Au sens strict, la fraude correspond au délit défini à l’article 1741 du code général des impôts
et qui est constitué en cas :
de soustraction ou de tentative de soustraction frauduleuse à l’établissement ou au
paiement de tout ou partie de l’impôt
;
d’omission volontaire d’accomplissement d’un acte déclaratif dans les délais prescrits
;
de dissimulation volontaire d’une
part des sommes sujettes à l’impôt
;
d’organisation de l’insolvabilité ou de mise en place d’obstacle par d’autres manœuvres
au recouvrement de l’impôt
;
ou de tout autre agissement frauduleux.
La référence aux agissements «
de toute manière frauduleuse
» assure une conception
extensive du délit, même si le caractère intentionnel doit être prouvé, comme pour toute
infraction pénale.
Toutefois, il existe d’autres chefs d’incrimination pénale, plus ou moins connexes, sur le
fondement desquels des comportements frauduleux peuvent être poursuivis comme
l’escroquerie à la TVA (article 313
-1 du code pénal)
.
Au sens large, on peut considérer que la fraude concerne toutes les pratiques susceptibles de
donner lieu à l’application de sanctions fiscales à caractère p
urement pécuniaire et
administratif prévues par différentes dispositions du code général des impôts en cas
d’insuffisances de déclaration, de défaut ou de retard dans leur production, d’omissions ou
d’inexactitudes dans les documents produits. La frontière
entre irrégularité et fraude
demeure néanmoins parfois difficile à établir. En effet, un rappel relatif à une erreur commise
sur la date d’éligibilité de la taxe peut être considéré comme un simple décalage en termes de
recettes pour l’État. Le principal avantage retiré par l’entreprise est alors le gain en
trésorerie. Mais cette même erreur commise de façon systématique peut constituer une
infraction délibérée de l’assujetti susceptible d’être sanctionnée par des pénalités financières.
La fraude détectée
en TVA pourrait ainsi s’entendre de tous les rappels ayant donné lieu à
l’application de pénalités exclusives de bonne foi
57
.
Les méthodes d’évaluation
macroéconomiques et microéconomiques décrites
supra
ne
correspondent pas
stricto sensu
à une évaluation de la fraude ainsi définie.
56
Cf. CJUE, aff C-138-86, arrêt du 12 juillet 1998, Direct Cosmetics.
57
Pénalités de 40 % pour manquements délibérés ou non dépôt déclaratif après mise en demeure et les pénalités
de 80
% pour manœuvres frauduleuses, abus de droit ou activité occulte (articles 1728 et 1729 du code général
des impôts). La DGFiP ne distingue cependant pas les rappels de TVA assortis de pénalités exclusives de bonne foi
des autres rappels.
35
35
Les méthodes macroéconomiques constituent plutôt
à une évaluation du «
manque à
gagner
»
pour l’État en matière de TVA. Ce «
manque à gagner
» étant la résultante de
multiples facteurs
58
, la fraude n’étant qu’une des composantes.
De même, les méthodes microéconomiques n’isolent pas la part des rappels de TVA
assortis
de pénalités exclusives de bonne foi, elles englobent notamment des rappels liés à un
paiement différé de la taxe (qualifiés de rappels de décalage, cf. paragraphe 3.1.3) et
constituent
donc
une
évaluation
de
la
TVA
« éludée »
ou
« déduite
à
tort »,
intentionnellement ou non
par les contribuables.
La question du périmètre couvert est ainsi cruciale et
conditionne de fait le montant de
l’évaluation.
Encadré 8 : Les différents concepts autour de la fraude
L’irrégularité regroupe l’ensemble des cas où le contribuable n’a pas respecté ses obligations, qu’il ait
agi de façon volontaire ou involontaire, de bonne foi ou de mauvaise foi. Il s’agit en fait de la traduction
en français de l’expression non compliance, telle qu’elle a été retenue par l’OCDE.
La fraude suppose un acte intentionnel de la part du contribuable, décidé à contourner la loi pour
éluder le paiement du prélèvement. Pour reprendre une définition utilisée par le conseil des impôts en
1977, « il y a fraude dès lors qu’il s’agit d’un comportement délictuel délibéré
». La fraude est donc un
sous-
ensemble de l’irrégularité.
Ces deux notions ne doivent pas être confondues avec l’optimisation, qui concerne les cas où le
contribuable parvient volontairement à minorer le montant d’impôt ou de cotisations qu’il aurait dû
pa
yer s’il n’avait pas eu recours à l’optimisation, sans pour autant violer la loi ou se soustraire à ses
obligations en matière de prélèvements obligatoires.
L’optimisation consiste donc à tirer parti des possibilités offertes par la législation, en utilisa
nt
éventuellement ses failles ou son imprécision et y compris en l’interprétant dans un sens que le
législateur n’avait pas nécessairement prévu, pour réduire les prélèvements dus, tout en restant dans
la légalité. L’optimisation consiste donc, pour le con
tribuable, à faire le meilleur usage possible des
règles existantes en matière de prélèvements obligatoires et à profiter de certains effets d’aubaine
générés par la combinaison de plusieurs dispositions.
Contrairement à la fraude, l’optimisation n’est don
c pas légalement répréhensible, même si elle
soulève des questions d’équité lorsqu’elle dépasse un certain niveau et aboutit à une forte diminution
des prélèvements normalement dus. Néanmoins, le législateur et l’administration ont, dans la plupart
des cas
, la possibilité de mettre fin aux pratiques d’optimisation en modifiant les règles en vigueur,
alors qu’un changement de la législation n’est pas suffisant pour mettre fin à des comportements de
fraude.
L’
évasion
qualifie
l’ensemble des comportements du c
ontribuable qui visent à réduire le montant des
prélèvements dont il doit normalement s’acquitter. S’il a recours à des moyens légaux, l’évasion entre
alors dans la catégorie de l’optimisation. A l’inverse, s’il s’appuie sur des techniques illégales ou
dis
simule la portée véritable de ses opérations, l’évasion s’apparentera à la fraude
59
. La CJUE a souligné
que la notion d’évasion correspond à un phénomène objectif tandis que la notion de fraude contient un
élément intentionnel de l’assujetti
60
.
Source : CPO, la fraude aux prélèvements obligatoires et son contrôle 2007.
58
Fraude, décalage de versement, optimisation fiscale, irrégularités.
59
Il est à noter qu’en anglais l’expression
tax evasion
désigne une pratique illégale alors que
tax avoidance
correspond à
une pratique légale.
60
Cf. CJUE, aff. C-138-86, arrêt du 12 juillet 1998,
Direct Cosmetics
.
36
36
2.1.2.
L’analyse des leviers qui sous
-tendent les comportements frauduleux atteste
d’un contexte favorable à une augmentation de ces derniers et démontre
l’importance de la perception de l’action de l’administration
En matière de fraude,
plusieurs leviers contribuent à accroître ou au contraire à
contenir le phénomène
. S’il est important pour les autorités publiques d’évaluer l’ampleur
de la fraude, il est également indispensable de s’intéresse
r à ces facteurs pour comprendre
leur influence sur le comportement des contribuables et mieux lutter contre les causes qui
engendrent les comportements frauduleux. En l’espèce,
aucun d’eux n’est spécifique à la
TVA
, mais l’ensemble des éléments qui influe
nt sur la fraude en général impactent
directement ou indirectement les recettes de la taxe.
Les modèles économiques traditionnels
61
supposent que l’agent prend la décision de frauder
en maximisant son revenu ou son utilité espéré, c’est
-à-dire en comparant les avantages et les
coûts espérés de la fraude. Il en ressort que la décision de frauder dépend en particulier des
paramètres déterminant le niveau de prélèvements obligatoires que doit payer l’agent, de son
risque subjectif d’être contrôlé et de la pénal
ité appliquée en cas de vérification. Une limite
importante de ce modèle de base vient du fait qu’il ignore l’effet des normes sociales sur la
décision de frauder
62
.
Dès lors, deux niveaux d’analyse, qui s’enrichissent mutuellement, permettent de dresser un
e
typologie des motifs de fraude, ils reposent sur :
des éléments de rationalité économique pure ;
l’intégration dans les modèle
s économiques traditionnels de facteurs psychologiques et
sociologiques.
2.1.2.1.
L’analyse des ressorts économiques de la fraude montre
un contexte favorable à
une augmentation du phénomène
La complexité de l’impôt tant pour sa déclaration que pour son paiement sont de nature à
peser sur l’attitude du contribuable. Or, en matière de TVA, l’existence de multiples régimes,
de multiples taux et de règles de déduction complexes (cf.
supra
) constituent un terreau
fertile à des opportunités de fraude (cf. paragraphe 1.2.4). Cette complexité est également de
nature à générer un sentiment d’injustice et d’arbitraire chez le redevable qui influe
négativement sur son comportement fiscal, sentiment renforcé par la charge qu’il supporte
pour gérer une taxe qu’il doit,
in fine,
reverser au Trésor.
En outre,
le niveau des prélèvements influe fortement sur le comportement des
contribuables et en particulier sur
l’incitation à la fraude
et au travail au noir comme en
atteste plusieurs études
63
. Il pourrait même conduire à réduire l’activité des acteurs
économiques (cf. encadré 9 sur «
l’effet
Laffer
»).
En effet, lorsque le taux d’imposition du revenu déclaré augmente, l’incitation à la
minimisation fiscale croît également car à un risque constant d’être vérifié est
assimilé un
gain potentiel supérieur.
61
Allingham et Sandmo 1972 ; Yitzhaki 1974.
62
Andreoni, Erard, et Feinstein 1998 ; Fortin, Lacroix, et Villeval 2007.
63
Cf.
notamment travaux d’ALM [1988a], “
Compliance costs and the tax avoidance- tax evasion decision
”, finances
publiques quarterly, vol. 16, p. 47.
37
37
Or, la France a connu, sur la période 2010-2013, un accroissement de plus de deux points du
niveau des prélèvements obligatoires
64
, ce qui
a créé un environnement potentiellement
propice au développement de l’activité
dissimulée
dont l’une des conséquences est
l’accroissement de la fraude à la TVA.
Pour y remédier, seule la mise en place d’une politique de sanctions, pécuniaires et même
pénales, est un facteur qui incite les contribuables à respecter leurs obligations fiscales. Le
contrôle des opérations par les administrations joue ainsi un double rôle :
vis-à-vis des auteurs de la fraude, un rôle répressif et de récupération des sommes
normalement dues ;
vis-à-
vis de l’ensemble des contribuables, un rôle dissuasif.
En l’espèce,
les principaux durcissements de la législation visant à accroître le caractère
répressif
des
contrôles
sont
trop
récents
pour
avoir
un
impact
mesurable
(cf. paragraphe 3.3).
64
Entre 2010 et 2014, le niveau des prélèvements obligatoires en France est passé de 42,5 % à 44,9 %.
38
38
Encadré 9
: L’effet Laffer
Plusieurs économistes, dont Arthur
Laffer, ont réalisé une modélisation économique fondée sur l’idée
que la relation positive entre la croissance du taux d’imposition et la croissance des recettes de l’État
s’inverse lorsque le taux d’imposition devient trop élevé
65
.
Une hypothèse est faite sur la rationalité des agents économiques : lorsque le taux d'imposition est
trop fort, les agents diminuent leur travail. Poussé à l’extrême,
ce raisonnement implique que les
agents cesseraient de travailler si le taux d'imposition était de 100 % (c'est-à-dire dans le cas où ils ne
touchent aucun salaire pour le travail fourni). Le niveau du seuil d’imposition au
-delà duquel les agents
diminuent leur offre de travail est difficile à établir, et dépend des conditions de vie (par exemple, un
individu que l’État prive des revenus nécessaires pour satisfaire ses besoins primaires aura tendance à
travailler davantage et à s'investir dans le travail au noir).
C’est en quelque sorte la théorie du «
trop d’impôts tue l’impôt
».
Source : Rapporteur.
2.1.2.2.
L’analyse des ressorts psychologiques de la fraude démontre l’importance de la
perception de l’action de l’administration
Les facteurs économiques ne peuvent expliquer à eux-seuls les niveaux de fraude constatés.
En effet, une approche strictement économique conduirait, compte tenu de la faible
probabilité d’être contrôlé et du niveau relativement faible des pénalités (cf.
infra
), à des
niveaux de fraude très élevés.
Mais, p
our reprendre la conclusion d’une analyse sur le cas de la Suisse, «
un des plus grands
mystères des études sur la fraude est pourquoi les contribuables continuent à payer des
impôts, compte tenu du faible niveau des pénalités et des faibles probabilités de contrôle
»
66
.
Dès lors,
les facteurs d’ordre économique doivent être complétés par d’autres types
d’analyses, notamment concernant la psychologie des contribuables
.
65
Cf. également étude «
Steady state and Laffer curve with the underground economy 2012 »
réalisée par
MM. Francesco Busato et Bruno Chiarini.
66
Deterrence and tax morale : how tax administrations and taxpayers interact
, L. P. FELD, B.S. FREY, 2002
document de travail récompensé par le
Jan Francke Tax Research Award
décerné par l’OCDE et pouvant être
consul
té sur le site de l’OCDE (www.ocde.org).
39
39
2.1.2.3.
La perception des actions de lutte contre la fraude fiscale
La perception d’un risque minimal d’être contrôlé est un élément clé sur la décision, par le
contribuable de frauder ou non. Cette dernière est au moins aussi importante que le contrôle
lui-
même, c’est en quelque sorte
la «
peur du gendarme
» et l’aversion au risque
qu’elle
suscite chez les contribuables qui est garante du civisme fiscal. Cet élément justifie
la
nécessité d’une communication forte autour des actions de répression de la fraude
.
Malgré tout, force est de constater que les résultats de la lutte contre la fraude fiscale sont
moins médiatisés que ceux en matière de lutte contre les stupéfiants ou le grand banditisme.
Pour maximiser l’effet dissuasif, les condamnations résultant de poursuites de
vraient faire
l’objet d’une publicité suffisante car, à défaut, seules certains cas médiatiques ou affaires
ponctuelles feront l’objet d’une communication ce qui demeure limité.
Le refus de l’administration fiscale de communiquer régulièrement sur une est
imation de la
fraude fiscale peut d’ailleurs trouver ici son origine, les chiffres avancés étant susceptibles de
renforcer le sentiment d’impunité de certains fraudeurs.
2.1.2.4.
La perception de l’action de l’administration au sens large
L’acceptation de l’impôt p
ar les contribuables repose sur
leur perception de l’action de
l’administration au sens large
dont les deux socles sont :
l’équité de traitement des contribuables
;
l’efficacité des politiques publiques menées.
En 2002, le Conseil des impôts
67
rappelait les relations parfois difficiles entre les
contribuables et l’administration fiscales. Le Conseil indiquait ainsi que
: «
la situation de
l’administration
fiscale
vis
-à-
vis
des
citoyens
est
particulière.
À
l’inverse
d’autres
administrations, elle n’intervient
pas au bénéfice de personnes individuellement identifiées, mais
de la collectivité dans son ensemble. C’est pourquoi l’impôt n’est jamais ressenti comme une
réalité agréable. Dès lors, ceux qui ont la charge de l’administrer sont souvent placés face à des
rapports difficiles à gérer, allant même parfois à la limite du conflit ouvert. Par nature,
l’administration fiscale ne saurait donc être la plus populaire. Tout au moins doit
-elle être
respectée et sa légitimité reconnue
».
Le Conseil mettait ensuite en évidence le lien entre la qualité de services rendue à un
contribuable lors de l’accomplissement de ses obligations déclaratives et son comportement
fiscal de même que le risque de renforcement de son incivisme en cas de ressenti d’un
traitement inéquitable.
De façon plus générale,
pour être accepté, l’impôt doit être perçu comme juste et utile
.
L’échec récent de la mise en œuvre de l’écotaxe a illustré cette sensibilité de la perception
d’équité et d’utilité de l’impôt.
Enfin, le contribuable attend généralement de sa contribution
un «
juste retour
»
.
S’il estime
que le G
ouvernement fait trop peu avec les recettes qu’il perçoit, ou que lui
-même ne reçoit
pas assez de biens et services publics par rapport à sa contribution, ceci peut influencer
négativement sa volonté de respecter ses obligations fiscales.
2.1.2.5.
L’impact de l’environnement social sur le comportement des contribuables
La tendance spontanée au civisme fiscal peut trouver son explication dans
l’existence de
normes culturelles et sociales
.
67
Conseil des impôts
: rapport sur les relations entre les contribuables et l’administration fiscale
, novembre 2002.
40
40
Dès lors, les considérations psychologiques et morales des contribuables dans leur
environnement social constituent un facteur comportemental essentiel.
Des chercheurs ont ainsi démontré
68
que
l’adoption d’un comportement frauduleux des
pairs de l’agent peut incite
r celui-ci à faire de même
. Cet effet d’imitation ou de
conformité, connu aussi sous le nom d’effet de pairs, peut
alors contribuer à la propagation de
la fraude ou, au contraire, à son éviction.
En outre, la transmission entre les exploitants d’informatio
ns sur les méthodes les moins
risquées ou moins coûteuses de fraude peut aussi expliquer l’amplification de la fraude.
Enfin, le fait que certains agents fraudent peut en inciter
d’autres
à adopter un comportement
semblable de façon à rester concurrentiels. Le multiplicateur social de la fraude permet alors
de résumer l’importance de ces effets de propagation ou d’amplification.
Cette étude permet ainsi de mesurer la portée des normes culturelles et sociales sur le
comportement des contribuables et atteste du fait que
plus le civisme fiscal sera
développé, moins le contribuable sera tenté de frauder
.
L’analyse des ressorts de la fraude permet donc de
mettre en évidence la diversité des
motivations qui sous-tendent les décisions de frauder
. En particulier, elle montre que les
questions de contrôle et de sanctions sont un enjeu important pour lutter contre la fraude
mais qu’elles doivent s’inscrire dans une perspective plus large et prendre en compte
d’autres éléments comme la «
soutenabilité » du prélèvement et le traitement global du
contribuable par les administrations fiscales et sociales.
2.1.2.6.
L’utilisation d’une réduction du taux de TVA pour diminuer la fraude présente
un caractère incertain
: l’exemple du secteur du bâtiment
La TVA à taux réduit dans le secteur des travaux fournit un exemple intéressant pour tenter
de
mesurer l’impact sur le niveau de fraude
engendré par une réduction du taux de
TVA applicable
au secteur.
L’application du taux réduit aux travaux réalisés dans
les logements de plus de deux ans est
issue de la directive européenne 1999/85/CE qui définit les conditions de l’octroi d’un taux
réduit pour les services à forte intensité de main d’œuvre (SFIMO). Ce dispositif, entré en
vigueur en France en 1999
69
pour une période expérimentale de trois ans, a été
systématiquement reconduit depuis.
Les objectifs mis en exergue pour justifier l’application d’un taux réduit aux SFIMO sont au
nombre de deux :
la lutte contre le chômage ;
la lutte contre l’économie souterrai
ne
.
Ce dernier objectif induit, en principe, un regain de l’activité déclarée et donc une diminution
de la TVA éludée par les activités occultes des entreprises.
68
Document de recherche de M
me
Nadia Joubert, M. Charles Bellemare, et M. Bernard Fortin, intitulé «
effets de
pairs et fraude sociale : une analyse économétrique sur données françaises
» de février 2012. Cette étude met en
lumière les effets de pairs et le multiplicateur social dans la décision des entreprises de s’adonner à la fraude
sociale.
69
Transposition en
droit interne à l’article 279
-0 bis du code général des impôts lors de la loi de finances pour
2000.
41
41
L’évaluation de ce dispositif, au regard des objectifs assignés fait ressortir les éléments
suivants
70
:
selon une démarche d’évaluation
ex-ante
, le taux réduit dans l’entretien et
l’amélioration du logement aurait créé entre 30
000 et 50 000 emplois. Les chiffrages
réalisés n’évaluent que les créations nettes d’emploi et ne se prononcent pas sur la
baisse du travail au noir ;
l’impact sur le travail dissimulé apparaît difficile à évaluer.
En conséquence, si un lien semble pouvoir être
établi entre l’application d’un taux réduit et la
création d’emploi
, en revanche,
aucune étude ne permet d’établir une baisse de l’activité
dissimulée
car les créations nettes d’emploi peuvent résulter du surcroît d’activité engendré
par la baisse des prix.
Les actions des services de contrôle de l’État peuvent néanmoins fournir des indices sur les
comportements des contribuables et leur évolution.
Si l
e nombre d’infractions relevées dans le
secteur du
bâtiment par l’Inspection du travail,
notamment pour travail dissimulé, avait diminué en 2008, ce dernier avait fortement
augmenté sur la période 2003-2007. Le secteur du bâtiment demeure par ailleurs un des
secteurs considérés par l’ACOSS comme à contrôler prioritairement en matière de lutte
contre le travail illégal
71
De plus, au plan fiscal, si depuis 2010 la tendance observée sur le nombre de contrôles de
l’activité de
travaux courants de maçonnerie est également en baisse, ce secteur reste
néanmoins le deuxième secteur le plus contrôlé durant toute la période 2010-2013.
En outre, malgré une diminution de 26 % du nombre de plaintes déposés le secteur du
bâtiment, ce de
rnier représente en 2013 plus du quart du total de l’action pénale entreprise
par l’administration fiscale et
constitue le premier secteur en nombre de plaintes déposées
(cf. graphique 3).
La sensibilité du secteur du bâtiment à la fraude est également illustrée par les mesures
récemment prises pour exclure du champ d’application du régime simplifié d’imposition les
entreprises nouvelles du bâtiment (cf. paragraphe 3.3.1.3).
De surcroît, les évolutions observées pourraient aussi bien être liées à la politique de contrôle
mise en œuvre.
Il est donc très difficile d’établir une corrélation entre la baisse du taux de TVA et un
repli des comportements frauduleux.
L’utilisation d’une baisse du taux de TVA comme
outil de lutte contre la fraude est donc
sujette à caution
.
Tableau 13 :
Nombre d’infractions relevées dans les procès
-
verbaux d’infraction de l’Inspection
du travail dans le secteur du BTP sur la période 2003-2008
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Travail
dissimulé
6 758
2 190
2 433
4 207
6 357
5 554
Source : Fiche n°
309 de l’annexe J du rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales relative à la dépense
fiscale n° 730213 sur le taux réduit sur les travaux réalisés dans les logements achevés depuis plus de deux ans.
70
Cf. fiche n°
309 de l’annexe J du rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales relative à la dépense
fiscale n° 730213 sur le taux réduit sur les travaux réalisés dans les logements achevés depuis plus de deux ans.
71
Cf. Rapport
d’activité thématique 2013 de l’ACOSS sur la lutte contre le travail illégal.
42
42
Encadré 10
: Les évaluations du nombre de créations nettes d’emplois consécutives à une
réduction du taux de TVA dans le secteur de l’entretien et de l’amélioration des logements
Les évaluations
ex-post
72
du nombre de créations nettes d’emploi créées dans le secteur de l’entretien
et de l’amélioration des logements
s’avèrent difficiles
. En effet, d
ans le cas de l’entretien amélioration,
une multitude de facteurs ont pu affecter l’ensemble du secteur concer
né par le taux réduit comme :
-
l’
effet de la tempête de 1999 ;
-
la
suppression du crédit d’impôt pour les gros équipements du foyer
;
-
le
boom des transactions immobilières dans l’ancien.
Dès lors on peut recenser trois évaluations de l’impact sur la création nette d’emplois consécutive à la
mise en œuvre d’un taux réduit dans le secteur
:
-
l’évaluation du rapport France de 2002
73
: en raison du caractère temporaire des baisses ciblées
de TVA autorisées par la directive 1999/85/CE du Conseil européen, une évaluation des effets
économiques par les États membres était prévue dès l’origine. Le rapport que la France a
transmis à la Commission européenne en octobre 2002 estime ainsi à 43 000
74
les créations
d’emplois à terme liées à la mise en place du taux réduit dans l’entretien et l’amélioration du
logement ;
-
une étude commanditée par la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du
bâtiment a donné lieu à un rapport en mai 2005 (impact sur l’économie française de la
révision du taux de TVA app
licable aux travaux d’entretien du logement) qui évalue à 52
800
le nombre d’emploi créés, dont 39
000 dans le secteur du bâtiment ;
-
l’INSEE et la DG
-Trésor ont mis au point un modèle macro-économique (Mésange) qui montre
qu’une baisse de la TVA non ciblée d’un montant de 5,15
Md€ intégralement répercutée dans
les prix se traduirait par 0,2 point de PIB supplémentaire et 34 000 emplois créés ou
sauvegardés à terme. En incluant des effets sectoriels et une répercussion de 75 % dans les
prix, une évalua
tion du taux réduit dans l’entretien amélioration aboutit à environ 32
000
emplois créés dont 14 000 dans le bâtiment.
Source : Éléments contenus dans la fiche n°
309 de l’annexe J du rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales
relative à la dépense fiscale n° 730213 sur le taux réduit sur les travaux réalisés dans les logements achevés depuis
plus de deux ans.
Tableau 14 : Évolution du nombre de contrôles fiscaux externes pour les activités de travaux
sur la période 2010-2013
2010
2011
2012
2013
Nombre de
contrôles fiscaux
externes portant
sur le code NACE
n° 4399 C (travaux
courants de
maçonnerie)
1 905
1 809
1 696
1 642
Source : DGFiP, Service du contrôle fiscal.
72
On appelle
ex-post
une estimation réalisée
a posteriori
d’une réforme, c’est
-à-dire après que la réforme ait été
mise en œuvre.
A contrario
, les estimations faites avant, ou
a priori
, sont appelées
ex ante
. Parce qu’une réforme
n’a pas que des effets directement mesurables le plus souvent, mais qu’elles génèrent aussi des externalités
ou des
effets collatéraux, les évaluations
ex post
sont souvent assez malaisées à réaliser.
73
Dans un rapport de juin 2003, la Commission européenne a émis de sérieuses réserves sur cette évaluation car
elle
constaté que seules la France et l’Italie ont évalué un effet substantiel sur l’emploi. Pour la Commission, il n’y a
pas «
d’effet robuste sur l’emploi
».
74
Le coût brut par emploi créé serait compris entre 110 000
€ et 125
000
€.
43
43
Graphique 3 : Évolution de la répartition socio-professionnelle des plaintes déposées
Source
: Rapport annuel de la Commission des infractions fiscales 2013, à l’attention du Gouvernement et du
Parlement.
44
44
2.1.3.
Les fraudes à la TVA sont multiples et de plus en plus complexes
Une présentation exhaustive des fraudes à la TVA apparaît impossible à réaliser
compte tenu de leur multiplicité et étant par nature limitée aux seules fraudes révélées au
cours des contrôles réalisés.
Les fraudes détectées par l’administration fi
scale fournissent néanmoins une photographie
intéressante à partir de laquelle de
nombreux enseignements
peuvent être tirés :
la fraude à la TVA concerne aussi bien les relations entre assujettis (dîtes : «
B to B
75
»)
que celles entre assujettis et consommateurs finaux (dîtes «
B to C
76
») ;
la fraude est
présente dans tous les secteurs de l’économie
;
certaines fraudes pourtant déjà connues, comme les carrousels de TVA, continuent à
grever les recettes de l’État
;
les fraudeurs utilisent des moyens techniques de plus en plus sophistiqués pour
masquer leurs opérations aux yeux de l’administration
;
le développement de l’économie numérique offre aujourd’hui de grandes potentialités
de fraude ;
il existe une interpénétration entre la délinquance économique et financière et le
banditisme de droit commun.
L’objet de ce paragraphe est de présenter quelques illustrations des caractéristiques variées
et complexes des fraudes auxquelles les services de contrôle sont confrontés.
La multiplicité des fraudes, leur complexité et parfois la promptitude des fraudeurs à
disparaître impliquent
une riposte de plus en plus rapide de l’administration
et
démontrent
la nécessité d’une amplification de la collaboration des services de contrôle
français et européens (cf. paragraphe 3.2.5).
2.1.3.1.
Les fraudes entre assujettis continuent à grever les recettes de l’État
2.1.3.1.1.
Les carrousels de TVA, une fraude classique et récurrente qui illustre la nécessité
d’une collaboration des services de contrôle
Les carrousels de TVA fournissent un exemple symptomati
que d’une fraude à la TVA intra
-
communautaire dont les mécanismes sont identifiés par les services en charge du contrôle
fiscal mais
qui continue à grever les recettes de l’État.
Ainsi, bien que le procédé soit
connu par l’administration et qu’il fasse régulièrement l’objet
de focus dans les rapports sur la fraude à la TVA
77
,
les fraudes carrousels subsistent
et
d’importants rappels de
taxe sont réalisés chaque année, notamment par la direction
nationale des enquêtes fiscales (cf. tableau 15).
Cette fraude,
complexe à démanteler
, s’avère assez
basique dans ses modalités de mise
en œuvre
puis
qu’elle
:
repose sur un principe juridique simple d’exonération à la TVA des livraisons
intracommunautaires dans le pays de départ des marchandises avec corrélativement
une autoliquidati
on de la taxe par l’acquéreur dans le pays d’arrivée
;
75
Sigle utilisé pour les relations
business to business
.
76
Sigle utilisé pour les relations
business to consumer
.
77
Cf. notamment rapport du Conseil des prélèvements obligatoires relatif à la fraude aux prélèvements
obligatoires et son contrôle de mars 2007, ou le rapport de la Cour des comptes relatif à la gestion de la TVA sur la
gestion et le contrôle de la TVA de février 2012, etc.
45
45
peut n’impliquer qu’un nombre réduit d’acteurs (
au
moins
trois
opérateurs
économiques) basés dans seulement deux États membres.
Ainsi, dans sa forme la plus simple, le processus de fraude se décompose de la façon suivante
(cf. graphique 4) :
une vente intracommunautaire de marchandises entre assujettis ;
l’interposition d’une société (société B) entre le vendeur (société A) et l’acheteur final
(société
C),
qualifiée
de
« taxi
» chargée d’acquérir, fictivement ou non, les
marchandises, d’autoliquider la TVA relative à cette acquisition intracommunautaire,
puis de facturer les biens à l’acquér
eur final en appliquant la TVA ;
un non reversement de la TVA facturée par la société taxi, elle devient alors défaillante
au regard de ces obligations de paiement ;
une déduction par l’acheteur final (société C) de la TVA facturée par la société taxi.
L’impact budgétaire pour l’État intervient au moment de la déduction par l’acheteur final de
la TVA facturée mais non reversée par la société taxi.
Outre cette perte nette pour l’État, le gain réalisé par l’acheteur final lui permet de retirer
un
avantage concurrentiel nuisible économiquement
.
Par ailleurs, le processus peut faire l’objet de plusieurs «
boucles
» qui démultiplient l’effet de
la fraude ou de l’interposition d’une ou plusieurs sociétés intermédiaires, complices ou non,
afin d’opacifier le sché
ma. Sur ce point, la DNEF confirme
une complexification des
mécanismes de fraude
à plusieurs niveaux :
les sociétés « taxi » ont une durée de vie de plus en plus courte ;
les sociétés « taxi » ont recours de manière croissante à des comptes bancaires à
l’étranger
;
les fraudeurs interposent une multitude de sociétés écran ce qui rend la détection des
intervenants et la preuve de leur implication plus complexe du fait de l’allongement des
réseaux et de l’établissement de ces entités dans plusieurs États membre de l’Union
européenne.
Autrefois concentrés dans certains secteurs spécifiques (comme la téléphonie ou les
composants électroniques), les carrousels visent désormais potentiellement tous les secteurs
d’activité (métaux, ustensiles, ameublement,
etc.).
L’importance de la perte fiscale pour l’État a trouvé une illustration forte en 2009 avec la
fraude aux quotas carbone de CO₂ qui, selon la Cour des comptes
78
, a coûté à la France
environ 1,6 Md
€ (cf.
encadré 11). Cette fraude, facilitée par un défaut de régulation du
marché, avait également mis en exergue plusieurs fragilités dans le système de contrôle
français de l’époque
:
un
cloisonnement
entre les services de l’État
;
une
inadaptation
des méthodes de contrôle habituelles.
Pour lutter contre ces schémas, la généralisation de l’autoliquidation a été écartée et la mise
en place d’une déclaration électronique des achats a été évoquée mais n’a pas encore fait
l’objet d’une évaluation approfondie
(cf. encadré 12).
78
Cf. rapport de la Cour des comptes relatif à la gestion de la TVA sur la gestion et le contrôle de la TVA de février
2012.
46
46
Encadré 11
: Présentation de la fraude aux quotas de CO₂ et des enseignements à en retirer
«
Entre l’automne 2008 et le mois de juin 2009, s’est développée en France une fraude à la TVA sur les
quotas de CO₂, qui s’est traduite selon les estimations de la Cour par 1
,6
Md€ de perte fiscale pour le
budget de l’État. La fraude a été arrêtée tardivement, après que l’administration a pris, le 11
juin 2009,
une instruction fiscale permettant d’exonérer de la TVA les quotas de carbone.
1) Une fraude de grande ampleur facilitée par un défaut de régulation et par des défaillances
opérationnelles
Les fraudeurs ont appliqué le système classique du « carrousel » entre des entreprises situées dans
différents États membres de l’Union européenne : des sociétés, souvent créées
pour l’occasion, ont acheté,
hors taxe (conformément aux règles de territorialité en vigueur pour les échanges intracommunautaires),
des quotas de CO₂ dans un État membre, les ont revendus en France en facturant la TVA au taux de
19,6 %, sans la reverser
à l’administration fiscale, et ont « réinvesti » le produit de la vente dans une autre
opération de fraude. Ils ont utilisé des sociétés qui n’étaient généralement que de simples paravents, ne
disposaient souvent que d’un capital symbolique, d’une simple b
oîte aux lettres de domiciliation et de
gérants fictifs qui dissimulaient les véritables commanditaires de la fraude.
Les sommes détournées ont été aussitôt transférées vers des pays peu coopératifs en matière de lutte
contre la fraude ou peu concernés par le respect des engagements du protocole de Kyoto (Géorgie, Hong-
Kong, Monténégro, Singapour, etc.).
L’ampleur de la fraude a été facilitée par l’existence de failles originelles dans le système d’échanges
européen : le régime de perception de la TVA n’a
vait pas été sécurisé pour éviter les fraudes ; le principe
avait été retenu au plan communautaire d’un accès, quasiment sans contrôle, de toute personne physique
ou morale aux registres nationaux de quotas ; le marché n’était soumis à aucune régulation ex
terne.
Ces failles ont été aggravées par des défaillances opérationnelles de la part du gestionnaire de marché,
BlueNext, et la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que par les insuffisances de la politique de veille et
de recherche de l’administrati
on fiscale.
2) Un cloisonnement des services de l’État
La coopération entre les services de l’État s’est révélée insuffisante. TRACFIN, la cellule de lutte anti
-
blanchiment dépendante des ministères de l’économie et du budget et la direction nationale de
s enquêtes
fiscales (DNEF) ont pris l’initiative d’échanger des informations à partir de février 2009 sur les dossiers de
quotas, mais ils ne l’ont fait que sur un mode informel et oral.
De leur côté, les services de la DGFIP ont fonctionné de façon souvent beaucoup trop cloisonnée. Ainsi, la
direction des grandes entreprises (DGE), chargée d’instruire les demandes de remboursement de la TVA
émises par BlueNext, et la DNEF n’ont échangé de
s informations que très tardivement, à partir de mai
2009
alors que la DNEF enquêtait pourtant sur la fraude depuis février.
3) Une inadaptation des méthodes de contrôle habituelles de la DGFiP
Au sein de la DGFIP, la direction nationale des enquêtes f
iscales (DNEF) n’a pas perçu la dynamique de la
fraude faute d’en avoir anticipé le développement sur un marché très récent qui, en raison de ses
caractéristiques (dématérialisation, volumes financiers, absence de régulation externe), y était
particulièrement vulnérable.
La DNEF a appliqué ses procédures d’enquête habituelles qui visent à cartographier de la façon la plus
exhaustive le réseau des sociétés suspectées d’être impliquées dans la fraude avant de lancer les contrôles
fiscaux et de sanctionner pé
nalement les fraudeurs. En l’occurrence, ce délai de quatre mois (février à mai
2009) consacré à un travail particulièrement minutieux a été mis à profit par les sociétés frauduleuses,
constituées depuis peu et défaillantes du point de vue de leurs obligations déclaratives, pour collecter des
sommes considérables de TVA qui n’ont pas été reversées au Trésor. La méthode déployée par la DNEF se
concevait dans le cadre de fraudes habituelles, au développement moins rapide, mais s’est trouvée en
défaut face à des montages complexes portant sur des flux financiers quasi-instantanés ».
Source : Extraits du rapport de la Cour des comptes relatif à la gestion et la fraude à la TVA, février 2012, p. 71 à 73.
47
47
Tableau 15 : Montant des droits rappelés en TVA par la DNEF en matière de lutte contre les
carrousels de TVA
En M€
2009
2010
2011
2012
2013
Rappels
réalisés par la
DNEF
72,3
230,9
502,1
985,8
73,6
Source
: DGFiP, sur la base d’extraction de l’application ALPAGE.
Encadré 12
: La création d’une déclaration électronique des achats, une solution pour lutter
contre les fraudes carrousels qui doit faire l’objet d’une évaluation approfondie
Dans un article paru dans la revue française de finances publiques
79
, M. Marc Wolf, ancien
sous-directeur à la direction de la législation fiscale, proposait, pour lutter contre les carrousels de TVA
la mise en place d’une déclaration électronique des achats.
Partant du constat que toute dangerosité du carrousel repose sur la capacité de la société « taxi » à
disparaître, et que dès lors l’administration a besoin, pour contrer l’intention frauduleuse d’identifier
les livraisons disproportionnée, la proposition consiste à utiliser les systèmes d’information modernes
po
ur collecter les informations nécessaires au moyen d’une déclaration électronique d’achat.
Dans les faits, tout assujetti à la TVA qui réaliserait une opération d’achat complèterait une déclaration
spéciale des achats, limitée à l’indication du montant de
l’opération et du numéro d’identification du
vendeur, qui serait transmise instantanément à un serveur de l’administration.
Ainsi informée, l’administration pourrait procéder à une surveillance des flux inhabituels.
Cette solution a fait l’objet du dépôt de l’amendement n°
135 au projet de loi de finances rectificative
pour 2014.
Bien que séduisante, cette solution devrait faire l’objet d’une évaluation approfondie en raison de
:
-
l’augmentation des coûts de conformité induite pour les entreprises. la création d’une nouvelle
obligation déclarative en temps réel se traduirait nécessairement par de nouvelles charges
administratives et de conformité pour les assujettis tant en investissement qu’en coût de
fonctionnement et de maintenance. Une telle mesure, appliquée unilatéralement par la France
constituerait donc un facteur pénalisant en termes de charges administratives qui, s’il devait
donner lieu à une contrepartie financière pour les entreprises dont le montant pourrait, selon la
DLF, s’élever à un mon
tant annuel de 5
Md€
;
-
les contraintes d’ordre technique devront être identifiées et dépassées
;
-
l’efficience du dispositif devrait être démontré et notamment la capacité de l’administration à
identifier les flux potentiellement délictueux. L’enjeu serai
t de maîtriser, par des procédures
algorithmiques de traitement de l’information, le risque d’un dispositif d’un dispositif trop sélectif
ou au contraire celui d’un dispositif générateur de «
bruit » (le système restitue des fausses
alertes). Par ailleurs,
il conviendrait également d’évaluer les voies possibles de contournement du
dispositif. Le dispositif laisse ainsi subsister un risque de fraude carrousel en cas de complicité des
entreprises impliquées.
Enfin, il convient de s’interroger sur la pertinence de la généralisation d’un tel dispositif à l’ensemble
des assujettis alors que la fraude carrousel concerne un nombre infime d’entreprises et que la mesure
pourrait paraître disproportionnée.
Source : Rapporteur sur la base de la revue française des finances publiques n° 128 du 1
er
novembre 2014, p. 97, et des
informations transmises par la direction de la législation fiscale.
79
Revue française de finances publiques du 1
er
novembre 2014 n° 128, p. 97 et suivantes.
48
48
Graphique 4
: Présentation générale d’un schéma carrousel type
Source : Bulletin officiel des impôts 3 A-7-07 n° 124 du 30 novembre 2007.
N.B. : LIC (livraison intracommunautaire)
Graphique 5
: Illustration chiffrée d’un schéma carrousel TVA et de ses incidences économiques
Source : Rapporteur, sur la base de schémas fournis par la DGFiP.
49
49
2.1.3.1.2.
La France est plus exposée que d’autre États de l’Union européennes à la fraude au
régime 42
Dans son rapport de janvier 2015 sur l’action de la Douane dans la lutte contre les fraudes et
les trafics, la Cour des comptes indiquait que
80
: «
la
France n’est pas plus exposée que les
autres États membres aux fraudes à la TVA dite simple, voire à la fraude plus complexe de type
carrousel. En revanche,
elle l’est davantage à la fraude au régime 42
».
Ce régime (cf. encadré 13
), conçu à l’origine pour simplifier les opérations des importateurs,
donne lieu à plusieurs types de fraude :
soit la marchandise demeure et est év
entuellement commercialisée dans l’État de
première importation sans que la TVA soit acquittée ;
soit la marchandise est effectivement envoyée vers le pays de destination mais la TVA
n’est pas localement réglée.
Encadré 13 : Description du régime douanier 42
« Le régime 42 est un régime de transit douanier en vertu duquel les marchandises sont transportées via
les frontières d’un ou plusieurs États sous contrôle du bureau de douane du point d'entrée jusqu’au
bureau de douane du poi
nt de destination. Les marchandises sont mises en libre pratique et font l’objet
d’une livraison exonérée de la TVA vers l’État de destination, dans lequel la TVA sera acquittée. Pour que
cette exonération puisse s’appliquer, il est nécessaire que la livra
ison intracommunautaire intervienne
immédiatement après les opérations d’importation
».
Source
: Extraits du rapport de la Cour des comptes sur l’action de la Douane dans la lutte contre les fraudes et les
trafics, janvier 2015, p. 38.
La France se retrouve ainsi
exposée à un double risque
, soit lorsque des marchandises
entrent au sein de l’Union européenne sous régime 42 et sont ensuite acheminées sur le
territoire national sans qu’aucune taxe ne soit acquittée, soit lorsque des marchandises sont
importés
sur le sol français et que l’importateur se place sous le régime 42 alors que les biens
sont mis à la consommation en France.
Ici aussi, le procédé de fraude est connu et a d’ailleurs fait l’objet d’un audit de la Cour des
comptes européenne
81
. Cet audit portait sur sept États membres représentant 68 % des
importations de l’Union européenne sous régime 42 et a montré que le montant de la TVA
non acquittée représentait 29 % de la TVA qui aurait théoriquement dû être perçue, soit, sur
l’échantillon vérifié, u
ne perte de recettes de 2,2
Md€.
Dès lors, la Cour des comptes européenne avait formulé plusieurs propositions visant à
réduire les possibilités de contournements du régime dont certaines
font l’objet d’un
groupe
de travail spécifique au sein du programme Eurofisc
(cf. paragraphe 3.2.5.2).
Les propositions et travaux en cours devraient permettre de :
mieux contrôler le régime ;
mieux coordonner la lutte contre cette fraude au niveau européen ;
améliorer la circulation des informations relatives à ces opérations entre les différentes
administrations douanières.
80
Cf. p. 37 du rapport précité.
81
Rapport spécial n° 13/2011 « Le contrôle relatif au régime douanier 42 permet-
il d’éviter et de détecter
l’évasion en matière de TVA
».
50
50
2.1.3.2.
Les fraudes sur le non-reversement de la taxe acquittée par les consommateurs
finaux se développent dans de multiples secteurs
2.1.3.2.1.
La
fraude à la TVA sur les ventes de véhicules d’occasion
La fraude sur les véhicules d’occasion est probablement
l’une des plus visibles
par les
particuliers en ce qu’elle concerne un bien de consommation courante et permet à certains
opérateurs, instigateurs de la fraude,
de proposer des véhicules à des consommateurs
finaux à des prix sensiblement inférieurs aux prix du marché
.
Pour ce faire, les fraudeurs détournent abusivement le régime de taxation sur la marge
destiné aux ventes d
e biens d’occasion.
La taxation sur la marge est un régime dérogatoire qui permet, sur option, d’acquitter la TVA
non pas sur la totalité du prix de vente mais uniquement sur la marge réalisée par
l’opérateur. En contrepartie, la TVA ne peut être déduite par l’opérateur au moment de
l’achat du bien.
Dès lors, un fraudeur va faussement déclarer que le véhicule acquis a été acheté sous le
régime de la marge, c’est
-à-
dire que son fournisseur n’a pas déduit la TVA ayant grevé son
achat, puis revendre ce véhicule en appliquant la TVA uniquement sur sa marge.
Pour obtenir des factures d’achat faisant apparaître irrégulièrement un régime sur la marge,
les fraudeurs recourent régulièrement à des facturations de sociétés localisées dans d’autres
pays européens qui,
dans les faits, ont bénéficié d’un droit à déduction total.
Au final l’opération leur permet de s’assurer un avantage concurrentiel certain et le Trésor
public se retrouve pénalisé puisqu’il n’encaisse la TVA que sur une faible partie de la valeur
totale de la vente.
Lors de l’analyse qu’elle avait menée sur ce type de fraude, la Cour des comptes
82
avait
démontré l’importance d’une
mobilisation accrue des services de recherche et d’une
communication plus fluide
au sein des services de la DGFiP pour lutter contre ce type de
fraudes.
Ces
observations
renforcent
les
recommandations
formulées
aux
paragraphes 3.2.4.2 et 3.2.5.
Les résultats enregistrés par l’administration fiscale en matière de lutte contre la fraude sur
les véhicules d’occasion sont en constante progression sur la période 2010
-2013 et attestent
du
dynamisme de la fraude dans notre pays
(cf. tableau 16).
82
Cf. rapport de la Cour des comptes sur la gestion et le contrôle de la TVA, février 2012, p. 84.
51
51
La commission des infractions fiscales
83
souligne d’ailleurs que
: «
les activités du secteur de
l’automobile demeurent un autre domaine très significatif de la fraude faisant l’objet d’une
répression pénale en progression régulière ces dernières années. Cette évolution reste liée au
développement d’un processus frauduleux en matière de TVA consistant, lors de la revent
e en
France de véhicules haut de gamme, acquis auprès d'assujettis revendeurs ou utilisateurs
(sociétés de location) établis principalement en Allemagne, dans la facturation de la taxe sur la
base de la seule marge réalisée au lieu du prix de vente total.
Le procédé est mis en œuvre de
manière de plus en plus sophistiquée par l’interposition artificielle de sociétés écrans
(notamment espagnoles, roumaines et slovènes). Ces sociétés établissent des factures faisant
indûment référence au régime de taxation sur la marge afin de masquer le régime d'imposition
effectivement applicable, les véhicules étant dans les faits, livrés directement d’Allemagne en
France. La fraude élaborée ainsi réalisée, qui porte généralement sur des montants
considérables, continue à générer de graves distorsions de concurrence en réduisant dans des
proportions très importantes le prix des véhicules ainsi proposés à la vente par les entreprises
françaises concernées
».
Tableau 16 : Résultats du contrôle fiscal en matière de lutte contre la fraude sur les véhicules
d’occasion
2010
2011
2012
2013
Nombre de
contrôles fiscaux
externes effectués
200
348
403
396
Montant des droits
rappelés (en
M€)
12,4
32,0
37,9
43,6
Source : DGFiP.
Graphique 6 : Illustration chiffrée
de l’avantage concurrentiel procuré par une utilisation
frauduleuse du régime de TVA sur la marge
Source : Rapporteur.
83
Cf.
Rapport annuel de la Commission des infractions fiscales à l’attention du Gouvernement et du Parlement,
2013.
52
52
2.1.3.2.2.
L’opération «
caducée », un exemple de facilitation de la fraude au moyen
d’outils
modernes comme les logiciels permissifs
De nombreux contrôles fiscaux (plus de 500) ont été menés sur les officines pharmaceutiques
sur la période 2011-2012
84
.
Cette opération fournit de précieuses informations sur les comportements des fraudeurs et
les outils utilisés pour dissimuler leurs recettes à l’administration fiscale
:
les logiciels
permissifs
qualifiés ainsi car ils permettent,
a posteriori
, d’effacer ou de masquer en tout ou
partie des produits.
Elle permet également d’observer des compo
rtements frauduleux dans un domaine
a priori
peu propice à la fraude ce qui tend à démontrer que cette dernière
s’immisce dans tous les
secteurs d’activité
.
Le procédé de fraude qui consiste à occulter une partie des recettes encaissées en espèces a
ainsi été amplifié et facilité par le développement de systèmes de caisse informatisés. Ces
systèmes frauduleux permettent, quasiment sans laisser de trace,
de minorer le chiffre
d’affaires déclaré par le commerçant et de réduire l’impôt à acquitter
, tant à l’im
pôt sur
les sociétés qu’à l’impôt sur le revenu et à la TVA (la taxe ayant grevé les ventes dissimulées
se trouvant de fait éludée).
Selon l’administration, l’opération caducée aurait conduit à lancer plus de 500 contrôles et
aurait abouti à des
résultats financiers de près de 47
M€
85
. Elle aurait également permis le
dépôt de près de
200 plaintes pour fraude fiscale
.
Preuve de la persistance du phénomène, l’administration fiscale a récemment lancé une
nouvelle opération visant les systèmes informatiques utilisés par les entreprises pour frauder
la TVA qui aurait mobilisé une centaine d’agents et aurait permis de démanteler une filière de
diffusion d’un programme informatique spécifique dans le secteur pharmaceutique
86
.
L’opération a ainsi permis de perquisitionner des locaux d’éditeurs du logiciel de gestion de
caisse et d’identifier 200 utilisateurs d’autres logiciels frauduleux concernant différents types
de commerces de détail.
Au-
delà de l’impact médiatique de ces opérations et de leur influence potenti
ellement
positive en matière de dissuasion des fraudeurs (cf. paragraphe 2.1.2 sur les facteurs
psychologiques qui influent sur la fraude), elles démontrent
les moyens techniques
croissants dont disposent les fraudeurs pour masquer leurs agissements
.
2.1.3.3.
Le développement de l’économie numérique a ouvert de nouvelles possibilités de
fraude à la TVA
Dès 2007, le Conseil des prélèvements obligatoires indiquait que
87
: «
Bien
qu’encore marginal
pour le moment, le développement du commerce électronique et tout particulièrement des
prestations de services dématérialisées pourrait
générer dans les années qui viennent des
opportunités de fraude nouvelles et importantes
et poser ainsi un véritable défi aux services
de contrôle, compte tenu de la difficulté pour réaliser un contrôle sur des opérateurs virtuels et
ne disposant pas d’établissements stables sur le territoire national
».
84
Cf. articles parus dans la presse sur la vague de contrôles fiscaux lancés sur les officines des pharmaciens,
baptisée par la presse «
l’opération Caducée
».
85
En totalisant les droits et les pénalités.
86
Cf. communiqué de presse n° 307 du 4 mai 2015 de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes
publics, et M. Christian Eckert, secrétaire
d’État chargé du budget.
87
Rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fraude aux prélèvements obligatoires, p. 106.
53
53
Six ans plus tard, une mission d’expertise sur la
fiscalité de l’économie numérique
88
évaluait
la part du «
cœur de l’économie numérique
» dans l’économie à 5,2
% du produit intérieur brut
et 3,7 % des emplois en France. La mission précisant que
près de 80
% de l’économie
française était concernée par l’é
conomie numérique
(cf. graphique 7).
Confirmant cette part croissante du commerce en ligne aux particuliers, la fédération de l’e
-
commerce et de vente à distance (FEVAD), indique qu’en 2013, les ventes à distance (dont les
ventes en ligne) concernent 8 % du commerce de détail hors alimentaire et génère un chiffre
d’affaires de 55,8
Md€
89
. Toujours selon la FEVAD, ce chiffre d’affaires présente une
croissance annuelle moyenne supérieure à 15 % sur la période 2010-2013.
S’agissant
plus précisément de la part de ces ventes à distance qui serait destinée à des
particuliers, l’INSEE estime qu’en 2012, les ventes de biens ou services à des particuliers
via
un site web par des entreprises est d’environ
53
Md€ et concerne près de 60
% de la
population âgée de 16 à 74 ans
(soit plus de 42 millions de personnes). Les enjeux de TVA
associés seraient donc de l’ordre de 10
Md€.
Il est d’ailleurs intéressant de relever que ces chiffres
sont nettement supérieurs à ceux
estimés dans une étude réalisée en octobre 2009
par le cabinet Grennwich Consulting à la
demande du Sénat
90
pour obtenir la part des transactions entre entreprises et particuliers.
Cette étude anticipait alors pour 2012 un montant de chiffre d’affaires de 24,5
Md€ sur la
base d’une
hypothèse de 30 millions de cyberacheteurs.
Or, la dématérialisation
facilite la mise en relation de clients avec des revendeurs
ou des
prestataires
, parfois domiciliés à l’étranger, et peut générer plusieurs types de fraude
comme :
les activités occulte
s d’achat
-revente en ligne, notamment de particuliers qui exercent
en réalité une activité non déclarée de commerçant ;
le non-respect, par des opérateurs européens, des seuils de TVA applicables au sein de
l’Union européenne en matière de ventes à distanc
e
91
;
le non-respect, par des opérateurs, des règles de territorialité en matière de prestation
de services ;
la non-déclaration, par des opérateurs situés
hors de l’Union européenne, des
opérations réalisées sur le territoire national.
Si l’entrée en vigue
ur au 1
er
janvier 2015 de nouvelles règles de territorialité de la TVA, visant
à taxer les prestations réalisées en
B to C
au lieu de consommation et non plus au lieu
d’établissement du prestataire, constitue une avancée importante
(cf.
supra
),
elle laisse
subsister des risques de fraude significatifs
aggravés, dans le cas d’achats de biens auprès
d’opérateurs domiciliés à l’étranger, par les difficultés de contrôle liées aux modalités
pratiques de la transaction (cf. encadré 20).
Au final, alors que le e-commerce connaît une croissance rapide, les services de contrôle
français
ne disposent pas toujours de capacités de contrôle adaptées
à ce nouveau mode
d’échange
92
.
88
Mission dont les conclusions ont été rendues publiques en janvier 2013, réalisée par M. Pierre Collin, conseiller
d’État et
M. Nicolas
Colin, inspecteur des finances, et remise au Ministre de l’économie et des finances, au Ministre
du redressement productif, au Ministre chargé du budget et à la Ministre déléguée chargée des petites et
moyennes entreprises, de l’innovation et de
l’économie numérique, p.
5.
89
Chiffres clés 2014 de la FEVAD.
90
Évaluer l’impact du développement d’Internet sur les finances de l’État, octobre 2009 –
Greenwich consulting,
annexé au Rapport d’information n°
398, Sénat, 7 avril 2010.
91
L’article 34 de la
directive 2006/112/CE du 28 novembre
2006, codifié à l’article 258
B-I-1° du code général des
impôts, fixe un seuil de vente de 100 000
€ en deçà duquel les opérations de ventes à distance réalisées par un
opérateur étranger ne sont pas soumises à la TVA en France.
54
54
Consciente du problème, la Commission des finances du Sénat a d’ailleurs décidé de
constituer en 2015 un groupe de travail sur : «
les assiettes fiscales et les modalités de
recouvrement de l’impôt à l’heure de l’écon
omie numérique
».
Encadré 14 : Définition des composantes du e-commerce
Selon la définition de l’OCDE, le e
-commerce, qui englobe les transactions de biens et de services
effectuées au moyen d’un réseau électronique, comporte
trois réalités :
-
le commerce
B to C
est constitué d’entreprises ayant mis à profit internet pour développer un
nouveau canal de vente de produits et/ou services à destination des particuliers ;
-
l’intermédiation entre consommateurs dite
C to C
permet la structuration du secteur informel de
la vente entre particuliers
93
;
-
le commerce
B to B
concerne le commerce interentreprises.
Graphique 7
: L’économie numérique en France
Source
: Extrait du rapport de la mission d’expertise réalisée par M.
Pierre Collin et M. Nicolas Colin sur la fiscalité de
l
’économie numérique, p.
5.
92
Toutefois, la DGFiP travaille actuellement sur un plan de contrôle de ces entreprises impliquant plusieurs
services (Administration centrale, DNEF, DVNI, DRESG, DIRCOFI, etc.).
93
Transactions de type « petites annonces », échanges de biens ou de services, etc.
55
55
Encadré 15 : Les difficultés rencontrées par la DGFiP et la DGDDI pour lutter contre les activités
occultes de e-commerce en matière de vente de biens
Les difficultés rencontrées par les administrations de contrôle dans le domaine du commerce en ligne
sont multiples.
Pour la DGFiP, la détection des sociétés de commerce en ligne dépassant le seuil de 100 000
€ est
complexifiée par :
-
la difficulté de suivre les paiements des clients ;
-
les limites du droit de communication qui n’est prévu que pour les hébergeurs de sites français
ce qui exclut de fait ceux situés à l’étranger
;
-
la
prescription du délai de conservation des données électroniques d’un an est peu compatible
avec le délai de prescription fiscale en TVA qui est de trois ans ;
-
l’obligation pour l’administration de recourir à l’assistance administrative pour démontrer le
d
épassement du seuil lorsqu’elle contrôle un vendeur étranger.
Pour la DGDDI, les biens achetés sur le net transitent
via
le fret postal et le fret express. Sous l’effet de
l’augmentation continue des achats en ligne, leur expansion est constante et constitue un vecteur de
fraude à grande échelle.
Or, le contrôle de ce fret est malaisé. Les mouvements sont très nombreux et très rapides, à titre
d’exemple, lorsqu’un paquet est en transit à Roissy, il y passe souvent moins d’une heure.
Les transactions sur internet permettent ainsi d’éluder facilement les droits et taxes puisque pour les
marchandises transportées, le calcul
des droits et taxes à l’importation repose sur un régime purement
déclaratif.
Par ailleurs, même si la Douane pouvait ouvrir chaque colis, et en raison du morcellement des envois
propre à la vente en ligne, leur valeur unitaire est faible et il n’y a guère d’intérêt à lancer une
procédure.
Source : Rapporteur, sur la base des entretiens menés auprès de la DGFiP et de la DGDDI.
2.1.3.4.
Une interpénétration entre la délinquance économique et financière et le
banditisme de droit commun
En janvier 2015, la Cour des
comptes constatait dans son rapport sur l’action de la Douane
dans la lutte contre les fraudes et trafics
94
que : «
même si elles peuvent conserver des bases
nationales, les organisations criminelles ne sont plus aujourd’hui structurées en secteurs
spécialisés : les trafiquants de drogue, les contrefacteurs, les auteurs de fraudes à la TVA, etc.
Elles tendent à devenir généralistes, à constituer des réseaux à géométrie variable, à l’affût de
possibilités de fraude, pouvant coopérer entre eux selon les occasions. La police et la
gendarmerie constatent en France
un début d’interpénétration entre délinquance
économique et financière et banditisme de droit commun
».
La Cour soulignait également
95
que : « l
a caractéristique des fraudes à la TVA est qu’elles sont
u
n point d’interpénétration entre économie légitime et milieux criminels (l’affaire de la fraude
sur les quotas carbone en a été une illustration), non seulement parce qu’elles donnent lieu à
blanchiment, mais aussi parce qu’elles procurent des ressources é
levées, relativement sans
risques, ce qui les rend attractives pour ces milieux, en leur offrant au surplus le moyen de
financer d’autres activités illicites
».
Ce constat d’une interpénétration entre la délinquance économique et financière et le
banditism
e de droit commun constitue le franchissement d’un nouveau palier dans la fraude.
94
Rapport
sur l’action de la Douane dans la lutte contre les fraudes et trafics, janvier 2015. Rapport
communiqué
au Président de l’Assemblée nationale pour le Comité d’éva
luation et de contrôle des politiques publiques, p. 27.
95
Rapport précité p. 37.
56
56
L’administration fiscale est désormais susceptible d’être confrontée à des réseaux criminels
ce qui complexifie d’autant le démantèlement des fraudes
. À titre d’exemple, lors
que ces
derniers mettent en place des schémas de fraude de type carrousel :
ils s’appuient couramment sur des sociétés dirigées par des «
prête-noms
» non connus
par les services fiscaux ce qui rend plus difficile la détection du réseau ;
ils utilisent des
mécanismes sophistiqués de blanchiment d’argent ce qui complexifie la
récupération ultérieure des sommes éludées.
Ce type de fraude ne peut être combattue qu’en
optimisant l’échange d’informations
et
implique une
amplification de la collaboration
de l’ens
emble des services de contrôle tant
au niveau national qu’au niveau européen (cf.
paragraphe 3.2.5).
2.2.
L’évaluation de la fraude
à la TVA demeure largement incomplète
2.2.1.
Le
s carences dans les travaux d’estimation de la fraude
à la TVA sont
récurrentes
et des divergences d’appréciation sur l
a méthode à employer
existent
2.2.1.1.
Des carences récurrentes dans les travaux d’estimation de la fraude à la TVA et
un faible niveau
d’information publique
En 2007, le Conseil des prélèvements obligatoires soulignait que les travaux d’estimation de
la fraude en France étaient balbutiants et, en tout état de cause, imprécis.
Ce constat a été repris pour l’essentiel en 2012 par le Sénat dans le rapport sur l’évaluation
des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales
96
qui rappelait que : «
La
carence des estimations de source publique est troublante et regrettable par les doutes qu’elle
suscite quant à la volonté de se mobiliser contre un phénomène qui devrait à tout le moins faire
l’objet de simulations. Celles
-ci auraient peut-être moins de valeur pour leur précision que pour
leur portée heuristique, tout à fait essentielle pour mieux cerner l’évasion fiscale internati
onale,
dans ses enjeux et dans ses manifestations concrètes
».
Il demeure toujours
d’actualité au regard des
carences récurrentes dans les travaux
d’estimation de la fraude
.
Si la question de l’évaluation de la fraude peut paraître délicate compte tenu de
son caractère
dissimulé, les difficultés rencontrées ne doivent pas conduire à renoncer à mesurer le
phénomène.
En matière de TVA,
les données publiques les plus récentes proviennent de la
Commission européenne
qui publie annuellement des estimations de «
l’écart TVA
»
(cf.
infra
).
Bien
que
les
différentes
administrations
nationales
97
critiquent
les
estimations
communiquées par la Commission, elles ne publient aucune autre estimation et laissent la
question du montant de la fraude à la TVA sans élément de réponse.
Cette
absence de communication publique nationale sur la fraude
est d’autant plus
dommageable qu’elle influe négativement sur
les ressorts de la fraude (cf. paragraphe 2.1.2).
96
Rapport sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales n°
673 (2011-2012) de
M. Eric Bocquet, fait au nom de la Commission d’enquête évas
ion des capitaux, déposé le 17 juillet 2012, p. 43.
97
DGFiP, DG Trésor, INSEE.
57
57
La DGFiP et la délégation nationale de lutte contre la fraude ont conduit pourtant
conjointement une révision des
travaux d’estimations
.
La DGFiP n
’a
pas souhaité communiquer publiquement les résultats de ces travaux.
Ces
derniers sont
indispensables car, outre la nécessité de disposer d’une évaluation pour éviter
que n’importe quel chiffre pui
sse être avancé dans le débat public, risquant par la même de
surestimer ou au contraire de banaliser le phénomène, une évaluation robuste de la fraude
permettra de :
mieux connaître le phénomène et en mesurer l’ampleur
;
évaluer les stratégies mises en œuvre pour lutter contre ce phénomène
;
mieux définir les stratégies futures pour la contrer.
Conscient de la nécessité de mieux mesurer le phénomène, le Parlement a
d’ailleurs
souhaité
compléter, à compter de 2015,
l’information qui lui est
transmise en matière de fraude à la
TVA avec la présentation annuelle, par le Gouvernement,
d’un rapport relatif à l’écart entre le
montant des recettes réellement perçues et le montant théoriquement attendu en matière de
TVA
98
.
Dans l’attente de ce document,
il n’existe actuellement pas d’analyse de l’écart TVA
constaté afin d’isoler la part co
rrespondante à la TVA éludée aux moyens de procédés
frauduleux. De même, aucune cartographie précise des zones géographiques sensibles ou
évaluation détaillée du poids respectif des grands processus de fraude n’est disponible. Ces
éléments sont pourtant essentiels pour définir une stratégie performante de lutte contre la
fraude.
2.2.1.2.
Des
divergences d’appréciation sur la méthode d’évaluation à retenir
De façon générale, les méthodes d’estimation utilisées en matière d’évaluation de la fraude
aux prélèvements obligatoires comprennent des approches directes (ou microéconomiques)
et des approches indirectes (ou macroéconomiques). Ces deux types de méthodes reflètent
une conception différente du phénomène étudié et sont motivés par la poursuite d’objectifs
distincts.
En matière d’évaluation de la fraude à la TVA, il existe deux techniques d’évaluation
:
soit au moyen d’une
extrapolation du résultat des contrôles fiscaux (utilisée par la
DGFiP) ;
soit en utilisant les données issues de la comptabilité nationale
(utilisée par l’INSEE et
la Commission européenne).
Il existe actuellement
un débat sur la pertinence respective de chacune de ces méthodes
.
Le rapport du Sénat précité
99
indiquait ainsi que la méthode d’analyse des anomalies des
comptes nationaux avait davantage de crédibilité que celle fondée
sur l’extrapolation des
résultats des contrôles fiscaux.
Le Conseil des prélèvements obligatoires avait pour sa part proposé une estimation par
post-stratification exploitant les résultats des contrôles fiscaux
100
.
Sans trancher le débat d’experts sur la
pertinence relative de chacune de ces méthodes,
ce
rapport présente les points forts et points faibles de chacune d’elles.
98
Article 25 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.
99
Rapport sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales n°
673 (2011-2012) de
M. Eric Bocquet, fait au nom de la Commission d’enquête évasion des capitaux, dépos
é le 17 juillet 2012, p. 45.
100
Cf. annexe III du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires relatif à la fraude aux prélèvements
obligatoires intitulée «
Une méthode directe simplifiée d’estimation de la fraude
».
58
58
2.2.2.
L
es travaux d’estimation de la fraude à la TVA
sont imparfaits
2.2.2.1.
Les estimations de la fraude à
la TVA fondées sur l’extrapolation des résultats
du contrôle fiscal sont anciennes et présentent des fragilités
Proposée
en
2007
par
le
Conseil
des
prélèvements
obligatoires,
la
démarche
microéconomique par post stratification est celle retenue par la DGFiP
pour ses travaux
d’évaluation de la fraude à la TVA. Elle consiste à exploiter, après corrections, les résultats
des contrôles ciblés. C
omme toute méthode d’extrapolation, elle repose sur le passage d’un
échantillon à une estimation générale. Pour que ce passage soit pertinent, il faut que
l’échantillon soit représentatif et qu’il le reste au fil de son extrapolation.
Cette méthode présente l’avantage d’exploiter les résultats du contrôle fiscal qui reflètent
la
connaissance la plus fine existant en matière de fraude
.
Cette démarche suscite toutefois
quelques réserves
. La principale limite de l’extrapolation
comme méthode d’estimation des atteintes aux intérêts fiscaux des administrations
publiques réside notamment dans le fait que la population de l’écha
ntillon et la population
globale doivent être à peu près homogènes.
Or, les contrôles fiscaux
font l’objet d’une programmation
et ne sont donc pas aléatoires.
Ainsi, en raison du ciblage sur les risques les plus importants, l’échantillon n’est pas
représe
ntatif de l’ensemble des entreprises.
Il existe un
biais de sélection, ou de ciblage,
qu’il convient de corriger avant d’extrapoler les résultats à l’ensemble de la population pour
obtenir une évaluation globale de la fraude.
Pour rendre les redressements effectués plus représentatifs,
la population est divisée en
strates
supposées refléter les critères de ciblage des entreprises. le taux de fraude observé
sur les entreprises contrôlées au sein de chaque strate est ensuite considéré comme
représentatif de l
’ensemble de la strate.
Le nombre de strates construites pour neutraliser le biais de sélection est
nécessairement limité
car chaque strate doit contenir un nombre d’observations
suffisamment élevé pour garantir la précision des résultats. Ce nombre limité de strates
implique, par conséquent, que la correction du biais de ciblage reste imparfaite et incomplète.
De plus, seuls les critères observables peuvent être utilisés comme variables de stratification.
En effet, les critères de ciblage retenus par les inspecteurs ne sont pas toujours mesurables
ou « objectivables »
. C’est pourquoi, le biais lié au ciblage ne peut être que
partiellement
corrigé par cette approche.
En cumulant les taux de fraude constatés dans chaque strate, on obtient une évaluation
globale de la fraude à la TVA.
L’autre limite réside dans le fait qu’une extrapolation ne repose que sur la fraude détectée qu
i
peut s’avérer différente de la fraude réelle.
Le biais lié à la détection
aurait ainsi tendance à
sous-estimer la fraude.
Ainsi, la principale difficulté concernant l’application des méthodes d’estimation de la fraude
par extrapolation porte sur l’élim
ination de ces deux biais.
Enfin, la nature même de la technique utilisée conduit
à mesurer le manque à gagner pour
l’État en matière de TVA
et non la fraude en tant que telle compte tenu de de la prise en
compte de l’ensemble des rappels et non pas unique
ment de ceux assortis de pénalités
exclusives de bonne foi (cf.
supra
).
59
59
Au niveau national, le conseil des prélèvements obligatoires, dans son rapport de 2007 relatif
à la fraude aux prélèvements obligatoires, avait estimé
, au moyen d’une méthode par post
-
stratification, que
la fraude à la TVA française était comprise entre 7,3 et 12,4
Md€
. La
DGFiP a elle-même évalué entre 7,7
Md€ et 9,7
Md€ sur l’exercice 2008 l’ensemble de la TVA
qui aurait dû être recouvrée
en l’absence de fraude, d’erreurs ou d’impayé
s
101
. Depuis, les
services fiscaux n’ont pas renouvelé cet exercice et n’ont plus communiqué publiquement sur
une évaluation de la fraude.
2.2.2.2.
Les estimations de la fraude à la TVA fondées sur l’utilisation des données issues
de la comptabilité nationale se révèlent sensibles aux agrégats utilisés
Au sein des méthodes macro-économiques, la méthode la plus courante pour évaluer la
fraude à la TVA consiste à calculer, à partir des éléments de la comptabilité nationale, l’écart
entre le montant de TVA qui devrait être théoriquement perçu compte tenu de la législation
en vigueur, et le montant de TVA réellement perçu.
En France,
l’INSEE a recours à cette méthodologie
pour mesurer l’économie qualifiée de
« non observée
». L’objectif des comptables nationaux est de mes
urer de manière exhaustive
l’activité économique française, qu’elle soit déclarée ou souterraine. En conséquence,
les
comptables nationaux n’estiment pas le montant de la fraude en France mais le
montant de la correction pour fraude à apporter au PIB
. Cett
e estimation s’avère
nécessaire à la comptabilité nationale pour prendre en compte de la manière la plus
exhaustive possible le contenu du produit intérieur brut (PIB) et pour permettre les
comparaisons internationales. En effet, en comptabilité nationale, toute activité doit être
intégrée dans le PIB, y compris celle qui ne peut être directement observée parce que
dissimulée.
Les sources statistiques utilisées par les comptes nationaux sont diverses mais la plus grande
part s’appuie sur les déclarations f
iscales des entreprises. Ces sources doivent donc être
corrigées de l’économie non observée pour avoir une estimation exhaustive de l’activité
économique. À l’inverse, certaines sources ne nécessitent pas de correction car elles
s’appuient sur des déclarat
ions de consommateurs, des parcs de logement, le recensement
agricole, etc. Dans le détail, l’estimation par l’INSEE de l’économie inobservée dans les
comptes nationaux se décompose en
cinq parties
:
l’estimation de l’activité dissimulée des entreprises ay
ant une existence juridique
s’appuie sur
une étude
102
, exploitant les résultats des contrôles fiscaux effectués par la
direction générale des finances publiques (DGFiP) en regroupant trois campagnes
successives menées en 2004, 2005 et 2006. En se fondant sur les rectifications opérées
par les services fiscaux sur les entreprises contrôlées et en prenant en compte le fait
que les contrôles fiscaux sont ciblés sur les entreprises ayant la plus forte probabilité
de frauder, ces rectifications sont extrapolées à
l’ensemble des entreprises. D’une
année à l’autre, cette estimation de l’activité dissimulée varie uniquement en fonction
de la structure de l’économie, les taux de fraude par activité et taille d’entreprise
restant identiques ;
101
Ce chiffrage n’incluait pas les rappels de taxe opérés par la Douane.
102
Étude réalisée par Claudie Louvot-Runavot (2011) sur : «
L’évaluation de l’activité dissimulée des entreprises
»,
document de travail G2011/09, INSEE.
60
60
l’estimation de l’activité des entreprises n’ayant pas d’existence juridique est
principalement déterminée
à dire d’experts
, et affectée de manière sélective à des
activités supposées être des niches de travail clandestin
103
. De la même manière que
pour l’activité dissimulée, cette
estimation varie uniquement en fonction de la structure
de l’économie, les taux de fraude par activité et taille d’entreprise restant identiques
d’une année à l’autre
;
l’estimation de la contrebande de tabac est fondée
sur le rapport sur l’observation
du marché illicite de tabac en France
rédigé conjointement par l’Office français des
drogues et des toxicomanies (OFDT) et par l’Institut national des hautes études de la
sécurité et de la justice (INHESJ)
104
. Les montants achetés illégalement sont estimés en
confrontant les quantités consommées de tabac aux quantités vendues par des
détaillants agréés. Ces montants évoluent ensuite en utilisant les saisies des douaniers
et l’incitation à frauder (taux de taxe sur le tabac)
;
le recours par certains ménages à l’
emploi, rémunéré de façon informelle, de personnes
pour effectuer des travaux domestiques
s’appuie sur une étude de 1998
105
et évolue
ensuite en fonction du cadre institutionnel (importance des aides de l’État
notamment) ;
l’écart TVA, écart entre la TVA perçue par l’État et la TVA non déductible que l’État
devrait en théorie percevoir si les différents emplois
106
par produits étaient taxés selon
les taux de TVA en vigueur, est mesuré chaque année
en utilisant les taux de TVA
théoriques
fournis par la direction générale du Trésor et les différents emplois tels
qu’estimés par les comptes nationaux. L’estimation de ces emplois, et donc de
l’écart
-TVA, est dépendante des autres estimations pour activité dissimulée :
si la source utilisée pour estimer la consommation des ménages par exemple,
s’appuie sur les déclarations des commerçants, une correction pour fraude sera
ajoutée ;
le niveau global du PIB et donc la ventilation par emplois, est déterminé par
l’approche revenu du PIB qui incorpore les différentes corr
ections pour activité
dissimulée présentées précédemment.
La méthode décrite a
l’avantage de
présenter une vision exhaustive de l’activité nationale
et d’assoir les impositions sur des grandeurs (revenus, patrimoines, consommation, …) que la
comptabilité nationale quantifie avec une assez grande efficacité. En confrontant les produits
théoriques de l’application des taux implicites d’imposition à ces assiettes avec leur produit
effectif, on peut aboutir à
des écarts qui constituent des indices de fraude
et incluent
a
priori
la fraude non détectée par les contrôles. Au demeurant, la comptabilité nationale,
affinée pour s’ajuster au cadre de référence des bases imposables, est largement sollicitée
dans les prévisions fiscales figurant dans les projets de loi de finances.
Néanmoins, l’analyse détaillée de la méthode employée appelle
certaines réserves
:
la finalité de la méthode employée n’est pas d’évaluer la fraude
en tant que telle ;
les corrections apportées au PIB pour estimer l’activité dissimulée des ent
reprises
ayant une existence juridique sont basées sur des études anciennes exploitant des
données du contrôle fiscal antérieures à 2006 et non réactualisées depuis. Or, la fraude
a évolué
et certains secteurs, comme l’économie numérique, se sont fortement
développés et induisent de nouveaux risques (cf. paragraphe 2.1.3.3) ;
103
Comme le bâtiment ou les services d’aide à la personne.
104
Lalam N., Weinberger (INHESJ) D., Lermenier A., Martineau H. (OFDT), 2012, L'observation du marché illicite
de tabac en France, Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies.
105
Flipo. A, 1998.
106
Comme la consommation intermédiaire ou la consommation finale.
61
61
les fragilités inhérentes aux estimations de la fraude se retrouvent indirectement dans
l’écart TVA. En particulier,
l’estimation de l’activité non déclarée à dire d’experts
présente des fragilités
et n’est pas prise en compte pour calculer l’écart TVA
ce
qui minore ce dernier
;
l’écart TVA ne mesure pas seulement la fraude à la TVA mais peut également résulter
d’aléas statistiques
, inévitables lors du processus visant à réconcilier dans un cadre
comptable unifié l’ensemble des sources de données mobilisées
.
Ainsi, la non-coïncidence entre les données de la comptabilité nationale et les assiettes
fiscales de même que l’absence d’assurance que l’économie souterraine est correctement
appréhendée par les comptes nationaux posent problème. Sans compter le poids des erreurs
involontaires, elles jettent un doute sur les estimations de la fraude dérivées des comptes
nationaux.
Par ailleurs,
l’écart est supposé refléter non pas la fraude en tant que telle, mais le
manque à gagner pour l’État
. Autrement dit, cet écart comptabilise également les
ajustements comptables, les erreurs de mesure statistique, la TVA non perçue pour cause de
faillite, d’impayés mais également en raison d’optimisation fiscale par nature légale. Le
champ couvert par cette approche est donc en théorie plus large que celui couvert par
l’approche directe
107
.
2.2.2.3.
Les évaluations réalisées pour le compte de la Commission européenne
présentent des lacunes importantes
Dans le cadre des opérations de lutte contre la fraude menées par la Commission européenne,
cette dernière fait réaliser par des cabinets extérieurs des estimations de la fraude à la TVA.
Au niveau européen
108
, le montant estimé du manque à gagner sur la TVA dans les États
membres serait de 193
Md€ en 2011 (soit 1,5
% du PIB). La Commission indique que les
études réalisées permettent d’évaluer le manque à gagner sur la TVA qui peut être défini
comme la différence entre les recettes de TVA attendues et la TVA effectivement perçue par
les autorités nationales. La Commission souligne également que
le manque à gagner sur la
TVA n’est pas uniquement imputable à la fraude
. La TVA non perçue est aussi, entre
autres,
la conséquence de faillites et des autres cas d’insolvabilité, des erreurs statistiques,
et
des retards de paiement.
Pour mener ces études, la Commissions a sollicité successivement deux cabinets extérieurs
sur la période 2009-2014 : les cabinets Reckson et Case.
La méthodologie employée par ces deux cabinets est
analogue à celle pratiquée par
l’INSEE
. Les dernières estimations réalisées par le cabinet Case font néanmoins
l’objet de
nombreuses critiques
.
Selon l’INSEE, les données utilisées seraient beaucoup moins détaillées que celles dont
l’Institut dispose ce qui conduirait à largement surestimer le phénomène. En particulier, les
niveaux des
emplois et les taux théoriques de TVA seraient trop agrégés et l’analyse fiscale
trop limitée.
Ces critiques rejoignent celles formulées par la direction générale du Trésor qui a analysé de
façon approfondie le chiffrage réalisé par le cabinet Case. De cette analyse, il ressort de
nombreuses divergences sur les données de consommation à retenir ainsi que sur les taux
théoriques de TVA à appliquer (cf. encadré 16).
107
Compte tenu de l’utilisation de données issues de
contrôles fiscaux anciens
, de l’apparition de nouvelles
fraudes (comme les quotas CO₂)
et de l’évolution des secteurs fraudogènes (cf.
infra
), il est possible que cette
méthode sous-évalue en réalité la fraude.
108
Cf. communiqué de presse de la Commission européenne du 19 septembre 2013.
62
62
De plus, selon la DNLF, si la méthodologie utilisée par les deux cabinets est similaire, les
estimations reposent sur l’utilisation de données différentes et sur des modes de calcul
distincts (encadré 17).
La direction générale du Trésor propose donc des corrections pour la consommation des
ménages sur :
la révision du taux moyen de TVA appliqué à l
’hébergement et la restauration
;
la révision du taux moyen appliqué sur les produits pharmaceutiques ;
la révision du taux moyen de TVA appliqué sur les boissons et produits à base de tabac.
Des corrections sont également proposées sur la consommation finale des administrations
publiques.
L’ensemble des rectifications proposées par la direction générale du Trésor conduirait à
réduire
la
TVA
théorique
sur
la
consommation
finale
des
ménages
et
des
administrations publiques de 9
Md€
109
.
Au final, les différentes critiques formulées sur les données utilisées par le cabinet Case
illustrent le manque de robustesse de la méthode employée et sa sensibilité à certains
paramètres qui peuvent conduire à multiplier l’écart TVA par trois.
L’estimation des prestataires de la Commission, souffr
e donc des
mêmes limites que les
estimations de l’INSEE
et se révèle extrêmement sensible aux aléas et imprécisions
statistiques.
109
Sur une évaluation
, en 2012, par le cabinet Case d’un
montant de fraude de 25,6
Md€.
63
63
Encadré 16 : Critiques de la direction générale du Trésor sur le chiffrage du cabinet Case
Le chiffrage du cabinet Case a fait l’objet d’une analyse approfondie de la part de la direction générale
du Trésor. Il en ressort que :
-
les données de la comptabilité nationale utilisées par le prestataire datent de 2008 et
sont en base 2000. Or, le changement de base s’est accompagné en France d’une réduction de 30
%
de l’estimation de l’écart TVA
: en 2008, l’écart TVA tel qu’estimé par l’INSEE atteint 11,5
Md€ en
base 2005 contre 16,4
Md€ en base 2000
;
-
la «
top-down approach
» de la Commission européenne, préférée à une analyse fine de
la répartition par taux sur les différents produits, constitue par construction un majorant des
recettes théoriques de TVA ;
-
une forte sous-estimation des assiettes de TVA considérées comme « hors du champ
de la TVA
» (production de l’emploi final propre des ménages, production marchande des biens,
etc.) ;
-
de l’estimation des rémanences de TVA, concernant en particulier les entreprises d
u
secteur financier, le montant de la TVA rémanente correspondant à la différence entre le montant
de la TVA facturée par le fournisseur et le montant de la TVA déduite par le client.
Source : Direction générale du Trésor.
Encadré 17 : Différence entre les données utilisées par le cabinet Case et le cabinet Reckson
pour l’évaluation de l’écart TVA
Le cabinet Reckon
utilise les données issues d’Eurostat, tandis que le cabinet Case a fait appel à des
données issues d’une base intitulée «
the World Input-Ouput Database (WIOD) 3 »
pour le calcul de la
TVA théorique liée à la consommation intermédiaire et finale. Or, les valeurs enregistrées dans ces
deux bases divergent fortement dans certains cas
110
.
Par ailleurs, des éléments conjoncturels divergents expliquent l’écart constaté en
tre les deux
estimations. Ainsi, à titre d’exemple, le taux de TVA applicable dans le secteur de la construction était
de 5,0
% pour l’étude Reckon tandis qu’il s’élève à 19,6
% dans l’étude réalisée par le Cabinet Case, ce
qui a pour conséquence d’augment
er mécaniquement le montant de TVA théorique attendu.
Source : Délégation nationale de lutte contre la fraude.
2.2.2.4.
Des travaux récents de la DGFiP et la DNLF, non communiqués au CPO,
pourraient conduire à une réévaluation à la hausse de la fraude à la TVA
Comme rappelé au paragraphe 2.2.2.1, les travaux conduits en 2008 par la DGFiP en matière
d’estimation de la fraude à la TVA se
fondent sur une extrapolation des données issues du
contrôle fiscal. La faiblesse de cette méthode réside dans l’élimination de deux biais
:
le biais lié à la sélection des dossiers, qui conduit à surestimer le montant de la fraude ;
le biais de détection, qui le sous-estime.
110
À titre d’exemple, les dépenses alimentaires sont supérieures de 7
Md€ dans les données uti
lisées par le
cabinet Case par rapport à celles utilisées par le cabinet Reckon, ce qui a pour conséquence directe d’accroître la
TVA théorique attendue et peut expliquer en partie l’écart entre l’estimation du cabinet Reckon et celle du cabinet
Case.
64
64
Pour apporter des corrections plus précises à ces deux biais,
la DGFiP et la DNLF ont mené
conjointement des travaux
qui s’appuient sur une combinaison des travaux d’évaluation
statistique de la fraude et des travaux de
datamining
. Cette
approche originale
, fondée sur
des travaux de recherche
111
, a déjà été utilisée par des chercheurs pour fournir une
estimation du manque à gagner en termes de cotisations sociales ainsi qu’une estimation des
biais de sélection et de détection.
Dans les travaux de recherche précités
, l’approche développée a permis de confirmer que le
biais de sélection conduit à surestimer la fraude tandis que le biais de détection a tendance à
la sous-estimer. Le premier biais serait nettement plus élevé que le second (respectivement
+ 16 % et
3 %).
In fine
, en l’absence de correction de ces deux biais,
il ressort de cette étude que la fraude
serait ainsi surestimée d’environ 13
% ce qui atteste de l’importance de la prise en compte de
ces derniers pour toute estimation sérieuse de l’ampleur de la
fraude.
La DGFiP
n’a
pas souhaité communiquer au CPO les éléments ressortant de
l’
évaluation
qu’elle a conduite sur la base de cette nouvelle méthodologie
.
Ces travaux revêtent un caractère important pour lutter plus efficacement contre la fraude et
ils doivent désormais
être finalisés pour enrichir le débat public
.
2.2.2.5.
La nécess
ité d’une
actualisation des données utilisées pour évaluer l’écart TVA
L’analyse détaillée des différentes étapes de la méthodologie appliquée pour estimer l’écart
TVA démontre
que l’estimation de l’activité dissimulée repose sur une étude exploitant les
résultats des contrôles fiscaux antérieurs à 2006 (cf. paragraphe 2.2.2.2
). L’absence
d’actualisation de ces données nuit à la qualité de l’évaluation de l’activité dissimulée
puisqu’elle n’est pas
fondée sur la connaissance la plus récente des fraudes constatées.
Une mise à jour
de l’estimation de l’activité dissimulée
, appuyée des éléments des
contrôles fiscaux les plus récents apparaît donc
indispensable afin d’évaluer au mieux l’écart
TVA.
Une analyse comparative des résultats obtenus
par cette méthode macroéconomique
actualisée pourra ainsi être menée avec ceux issus de la méthode par extrapolation du
résultat des contrôles fiscaux utilisée par la DGFiP. Cette analyse permettra de
renforcer la
robustesse de l’estimation de la fraude
à la TVA
.
En tout état de cau
se, la fiabilisation de l’estimation de la fraude à la TVA repose sur une
meilleure connaissance du phénomène
et en particulier de l’activité dissimulée.
2.2.3.
Les
principales
estimations
disponibles
divergent
sensiblement
mais
permettent néanmoins d’estimer le
niveau de la fraude à la TVA à plus de
10
Md€
La carence de données publiques en matière de fraude à la TVA empêche une estimation
relativement consensuelle du phénomène.
L
’INSEE condui
t des travaux
sur l’écart TVA dont plusieurs hypothèses doivent être
actualisées.
111
Travaux repris dans un article de recherche : Joubert. N. «
Processus de détection et d’évaluation de la fraude
sociale »,
Revue économique
, 2009/5, volume 60 (5), 1245 Cairn, p. 1235 à 1256.
65
65
La DGFiP a estimé en 2008 que la fraude était comprise entre 7,7
Md€ et 9,7
Md€
, aucune
actualisation de ce chiffrage n
’a été réalisée,
et l
es travaux conduits sur la base d’une nouvelle
méthodologie, demeurent cantonnées à un usage interne.
Les
principaux chiffrages actuellement disponibles
sont présentés au tableau 17
.
Les é
valuations obtenues au moyens de méthodes macroéconomiques de chiffrage de l’écart
TVA fournies par
l’INSEE et la Commission européenne
font ressortir
des écarts compris
entre 10,7 et 25,6
Md€
112
.
Étant observé que, sur la période 2010-2012, la différence entre
les évaluations de l’écart TVA communiquées par l’INSEE et la Commission est quasi
-
constante et ressort à 13
Md€. Cet écart constant confirme d’ailleurs l’analogie
de la
méthodologie employée et une divergence des résultats liée à des agrégats moins fins sur les
niveaux d’emploi et les taux théoriques
.
Même corrigées des erreurs manifestes signalées par la direction générale du Trésor, soit une
réduction de l’écart T
VA de 9
Md€, les estimations de la Commission
font ressortir, en 2012,
un écart de 16,6
Md€
. Élargies sur la période 2012-2013 aux estimations macroéconomiques
de l’INSEE
,
l’
écart TVA
pourrait se situer dans une fourchette comprise entre 10,7
et 16,6
Md€
.
Par ailleurs,
compte tenu de l’augmentation des recettes nettes de TVA
entre 2007 et 2013,
l’application
à ces dernières des taux de fraude retenus en 2007
par le Conseil des
prélèvements obligatoires pour estimer la fraude à la TVA conduirait à la
réévaluer à la
hausse
entre 7,5 et 13,1
Md€
(cf. tableau 18). Cette évaluation est toutefois fragile compte
tenu du caractère évolutif de la fraude. De nouvelles fraudes sont apparues (comme la fraude
aux quotas de CO₂, c
f. paragraphe 2.1.3.1.1) ou ont pu se développer dans certains secteurs
(comme le numérique, cf. paragraphe 2.1.3.3).
Jusqu’en
2012
,
les estimations nationales convergeaient vers une évaluation de la
fraude à la TVA située autour de
10
Md€,
chiffre repris par la Cour des comptes
113
.
Aucun élément ne permet
d’accréditer un repli des comportements frauduleux
dans
notre pays,
au contraire
, l’analyse des leviers économiques qui sous
-tendent la fraude
montre un environnement favorable, sur la période 2010-2014, à un accroissement de ces
derniers (cf. paragraphe 2.1.2.1).
Compte tenu de l’environnement économique rappelé
supra
,
et
en l’absence
de
communication des travaux de chiffrage réalisés conjointement par la DGFiP et la DNLF au
CPO, qui
devraient s’avérer
être les plus aboutis jamais réalisés en France,
la fraude à la TVA
en 2015 se situerait donc à un montant supérieur à celui estimé en 2012, soit en tout
état de cause au-dessus de 10
Md€
.
112
Dans une étude plus récente et pour tenir compte des observations méthodologiques formulées par la direction
générale du Trésor, le cabinet Case a revu à la baisse ses estimations de l’écart TVA pour la France
: 14,8
Md€ en 2012
et 14,1
Md€ en 2013.
113
Cf. Rapport de la Cour des comptes sur la gestion et la fraude à la TVA, février 2012.
66
66
Tableau 17 : Comparaison des estimations de la fraude à la TVA
et de l’écart TVA
réalisés par
la DGFiP, l’INSEE, le CPO et la Commission européenne
Antérieure à
2010
2010
2011
2012
2013
DGFiP
Entre 7,7 et
9,7
Md€
(2008)
-
-
-
-
CPO
Entre 7,3 et
12,4
Md€
(2007)
-
-
-
-
INSEE (écart
TVA)
13,9
Md€
(2009)
11,1
Md€
10,0
Md€
12,6
Md€
10,7
Md€
Commission
européenne
(écart TVA)
29,6
Md€
(2005)
24,0
Md€
22,9
Md€
25,6
Md€
-
Source : DGFiP, INSEE, DNLF et communication de la Commission européenne : 2012 Update report to the study to
quantify and analyse the VAT Gap in the EU-27 Member States (septembre 2014).
Tableau 18 : Application des taux de fraude estimés par le CPO en 2007 aux recettes nettes de
TVA sur la période 2010-2013
Estimation de la
fraude TVA par le
CPO en 2007
Estimation des taux
de fraude par rapport
aux recettes nettes en
2007
Recettes nettes
de TVA
Estimation de la
fraude obtenue par
application des taux
de fraude de 2007
2007
Entre 7,3
Md€ et
12,7
Md€
Entre 5,53 % et 9,62 %
132,0
-
2013
-
-
136,3
Entre 7,5
Md€ et
13,1
Md€
Source : Rapporteur, sur la base des travaux réalisés par le CPO en 2007.
Graphique 8
: Comparaison de l’estimation de l’écart TVA calculée par l’INSEE avec celle
communiquée par la Commission européenne sur la période 2010-2012
Source
: Rapporteur, sur la base des éléments transmis par l’INSEE et
communication de la Commission
européenne : 2012 Update report to the study to quantify and analyse the VAT Gap in the EU-27 Member States
(septembre 2014).
67
67
3.
Les résultats du contrôle en matière de lutte contre la fraude à la TVA
présentent des marges de progrès au regard des enjeux ce qui
implique pour les administrations de contrôle de progresser dans
leur connaissance du phénomène
L’interprétation des résultats du contrôle fiscal doit demeurer prudente dans la mesure où
ils
reflètent des comportements de nature très différente
et où ils peuvent correspondre à
des erreurs involontaires mais aussi à de véritables intentions frauduleuses ou encore à des
divergences d’interprétation.
Ainsi, bien que les résultats financiers du contrôle ne constituent pas le seul indicateur pour
évaluer son efficacité globale, ils forment un élément essentiel pour apprécier la capacité de
l’administration à déceler la fraude.
En matière de TVA,
les résultats obtenus paraissent être en-deçà des enjeux
surtout
lorsqu’on les met en perspective avec les droits e
ffectivement recouvrés qui représentent
moins du tiers des rappels de taxe opérés.
3.1.
Les résultats du contrôle en matière de lutte contre la fraude TVA
présentent des marges de progrès
3.1.1.
Les résultats financiers du contrôle fiscal en matière de TVA stagnent depuis
une dizaine d’année
Les services de la DGFiP peuvent conduire des contrôles, dits «
sur pièces
», à partir des
éléments à leur disposition dans le dossier du contribuable, ou engager des investigations
plus poussées impliquant des recherches extérieures et un examen sur place avec le
contribuable (contrôle
qualifié d’
«
externe
» ou «
sur place
»). Une mention spécifique doit
être faite, dans le cas de la TVA, au contrôle des remboursements afférents, qui sont à la fois
sur pièces (CSP) et sur place.
L’analyse des résultats du contrôle fiscal attestent d’une baisse de 12,3
% des droits totaux
114
rappelés sur la période 2009-2013 ainsi que du nombre rappels de TVA (- 14,8 %) et du
nombre
de
dossiers
comportant
au
moins
un
rappel
de
TVA
(- 17,0 %)
(cf. graphique 9 et graphique 10).
L’extension de cette analyse à une période plus large de
dix ans montre une tendance à la
stagnation des droits rappelés autour de 3
Md€ (cf.
tableau 21).
Ces résultats apparaissent limités
au regard des évaluations de la fraude décrites au
paragraphe 2
qui, bien qu’imparfaites,
semblent présenter un minimum de 10
Md€.
114
Total des montants de la TVA rappelés en contrôle sur pièces et en contrôle sur place.
68
68
Tableau 19 : Analyse des résultats financiers du contrôle fiscal en matière de TVA sur la
période 2009-2013
En
2009
2010
2011
2012
2013
Montant des
rappels de TVA
en contrôle
fiscal externe
2 783 460 486
2 292 005 818
2 574 592 210
2 990 809 960
2 445 397 664
Montant des
rappels en
contrôle sur
pièces
554 649 695
502 263 295
443 933 776
462 083 033
481 986 859
Total des droits
rappelés en
matière de TVA
3 338 110 181
2 794 269 113
3 018 525 986
3 452 892 993
2 927 384 523
Source : DGFiP, sur la base des extractions des applications ALPAGE et États CSP 3.
Graphique 9 : Évolution du total des droits rappelés en TVA sur la période 2009-2013
Source : Rapporteur, sur la base des éléments transmis par le service du contrôle fiscal.
69
69
Tableau 20 : Évolution du nombre de rappels de TVA sur la période 2009-2013
2009
2010
2011
2012
2013
Nombre de
rappels de TVA
en contrôle
fiscal externe
58 884
57 821
55 974
54 847
54 233
Nombre de
dossiers
comportant au
moins un
rappel de TVA
en contrôle
fiscal externe
31 090
30 639
30 171
29 639
29 593
Nombre de
rappels de TVA
en contrôle sur
pièces
100 950
91 424
83 735
81 038
81 941
Nombre de
dossiers
comportant au
moins un
rappel de TVA
en contrôle sur
pièces
77 046
69 832
63 570
61 143
60 078
Source : DGFiP, sur la base des extractions des applications ALPAGE et États CSP 3.
Graphique 10 : Évolution du nombre de rappels de TVA et du nombre de dossiers présentant au
moins un rappel de TVA sur la période 2009-2013
Source : Rapporteur, sur la base des éléments transmis par le service du contrôle fiscal.
70
70
Tableau 21 : Évolution des résultats du contrôle fiscal sur la période 2004-2013
En Md€
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Droits
rappelés
en TVA
2,9
2,8
2,8
3,3
3,1
3,3
2,8
3,0
3,4
2,9
Source
: Rapporteur sur la base des rapports publics de la Cour des comptes relatifs au budget de l’État sur la période
2009-2013 et des données sur les résultats du contrôle fiscal transmises par la DGFiP.
3.1.2.
La TVA demeure sous-représentée dans les résultats du contrôle fiscal
La TVA et l’impôt sur les sociétés (IS) représentent les deux grands impôts rappelés par la
DGFiP et les montants rappelés sont sensiblement les mêmes chaque année. Selon la Cour des
comptes
115
, cet équilibre entre les deux grands impôts prof
essionnels dans l’intensité du
contrôle fiscal est
en décalage avec la répartition des risques de fraude
.
Ce constat est corroboré par le faible pourcentage de droits rappelés en TVA par rapport aux
recettes nettes totales qui oscille entre 2,1 et 2,6 % sur la période 2011-2013 alors que le
ratio de droits rappelés en IS est systématiquement supérieur à 6,0 % sur la même période
(cf. graphique 11).
L’observation sur une période plus longue (2004
-2013) fait également apparaître un ratio
faible et
relativement stable puisqu’il
oscille entre 2,1 et 2,8 %.
Cette situation est d’autant pl
us dommageable que les décisions contentieuses des différentes
juridictions sont, quel que soit le niveau de la juridiction, favorables (ou au moins
partiellement favorables) à l’administration dans plus de 90
% des cas (cf. tableau 25).
Si le paiement fractionné rend
a priori
la TVA moins vulnérable à la fraude qu’un impôt sur le
chiffre d’affaires de par l’autocontrôle qu’
il induit chez les opérateurs, le décalage entre les
montants estimés de la fraude (supérieurs à 10
Mds€) et les rappels effectivement réalisés
interpelle néanmoins et confirme
une sous-représentation de la TVA dans les résultats du
contrôle fiscal
.
Tableau 22 : Comparaison entre les recettes nettes de TVA et les droits rappelés par la DGFiP
sur la période 2004-2013
En Md€
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Montants
TVA nette
121,0
127,0
127,0
132,0
129,0
118,2
127,0
132,0
132,2
136,3
Droits
rappelés
en TVA
2,9
2,8
2,8
3,3
3,1
3,3
2,8
3,0
3,4
2,9
Ratio
entre les
droits
rappelés
et le
montant
de la TVA
nette
2,4 %
2,2 %
2,2 %
2,5 %
2,4 %
2,8 %
2,2 %
2,3 %
2,6 %
2,1 %
Source
: Rapporteur sur la base des rapports publics de la Cour des comptes relatifs au budget de l’État sur la période
2009-2013 et des données sur les résultats du contrôle fiscal transmises par la DGFiP.
115
Rapport de la Cour des comptes de février 2012 sur la gestion et le contrôle de la TVA.
La Cour s’appuyait en
2012 sur les estimations réalisées par le Conseil des prélèvements obligatoires des montants de fraude estimés en
2007.
71
71
Tableau 23 : Comparaison ent
re les recettes nettes d’impôt sur les sociétés et les
rehaussements effectués sur la période 2011-2013
En Md€
2011
2012
2013
Montants d’IS
39,1
41,3
47,2
Rehaussements
effectués en IS
3,2
3,6
2,9
Ratio entre les droits
rappelés et le montant
net de
l’IS
8,2 %
8,7 %
6,1 %
Source
: Rapporteur sur la base des rapports publics de la Cour des comptes relatifs au budget de l’État sur la période
2011-2013 et des données sur les résultats du contrôle fiscal transmises par la DGFiP.
Tableau 24 :
Comparaison des résultats du contrôle fiscal en matière de TVA et d’
impôt sur les
sociétés sur la période 2009-2013
En Md€
2009
2010
2011
2012
2013
Droits rappelés
en TVA
3,3
2,8
3,0
3,4
2,9
Montant des
rehaussements
en IS
2,4
3,4
3,2
3,6
2,9
Source : DGFiP, données sur les résultats du contrôle fiscal sur la période 2009-2013.
72
72
Tableau 25 : Historique des décisions contentieuses TVA par juridiction sur la période
2012-2013
Jugements favorables
à
l’administration
Jugements
partiellement
favorables à
l’administration
Jugements
défavorables à
l’administration
2012
TA
1 853
208
167
CAA
859
87
90
CE
41
4
6
2013
TA
1 681
187
123
CAA
714
88
62
CE
48
3
3
2014
TA
1 442
144
137
CAA
630
70
48
CE
20
2
2
Source : DGFiP, services juridiques.
Graphique 11 : Comparaison des ratios entre les rectifications opérées en IS et TVA par
rapport aux
montants nets de l’impôt
Source : Rapporteur, sur la base des données transmises par la DGFiP.
3.1.3.
Les résultats du contrôle fiscal présentent structurellement un nombre
important de rappels de décalage
Les résultats du contrôle fiscal en TVA comprennent structurellement
des rappels de
décalages
116
, en particulier concernant la déduction anticipée de la taxe. Ces rappels,
légitimement fondés en droit, n’ont pas d’impact réel sur les recettes de l’État
117
mais
correspondent plutôt à un décalage dans la trésorerie du budget de l’État.
116
Les rappels de décalage TVA correspondent à une anticipation d’un droit à déduction ou à un retard dans le
paiement de la taxe par rapport à sa date d’éligibilité.
117
Sous réserve que ces décalages ne soient pas systématiques et correspondent à une intention délibérée du
contribuable d’éluder la taxe à payer.
73
73
Sur la période 2010-2013, ces rappels de décalage connaissent une évolution erratique mais
demeurent systématiquement
au-
dessus d’un seuil de 12
%
, soit un niveau élevé du
montant des rappels totaux.
Par ailleurs, sur la période 2011-
2013, l’analyse des ci
nq rectifications les plus fréquentes
effectuées par la DGFiP en matière de TVA révèle que ce sont les rappels relatifs à la
déduction anticipée de la taxe qui représentent, en nombre,
le premier motif de
rectification
confirmant ainsi le poids des rappels de décalage.
Tableau
26
:
Évolution des rappels de décalage TVA sur la période 2010
-
2014
En €
2010
2011
2012
2013
Montant total des rappels
TVA en contrôle fiscal
externe
2 292 005 818
2 574 592 210
2 990 809 960
2 445 397 664
Montant des rappels de
décalage TVA
404 258 052
400 445 834
363 672 545
358 765 181
Pourcentage de rappels
de décalage par rapport
au montant des rappels
totaux
18 %
16 %
12 %
15 %
Source : DGFiP, sur la base d’extractions des applications ALPAGE et CFE.
Graphique 12 : Évolution des cinq rectifications les plus fréquentes de la DGFiP en TVA sur la
période 2011-2013
Source : Rapporteur, sur la base des éléments transmis par le service du contrôle fiscal.
3.1.4.
Les taux bruts de recouvrement de la TVA éludée se dégradent sur la période
2010-2013 et représentent moins du tiers des droits rappelés.
L’efficacité du contrôle fiscal e
n matière de récupération de la TVA éludée par les
contribuables s’apprécie
également
à l’aune
des montants effectivement recouvrés
. Pour
ce faire, a
u cours d’une année N, la DGFiP dispose d’un indicateur de suivi du recouvrement
des créances issues de con
trôles réalisés au cours de l’année N
-2.
74
74
Or, sur la période 2010-2013, les taux de recouvrement des créances de TVA issues du
contrôle fiscal se dégradent tant pour les créances du contrôle fiscal externe que pour celles
du contrôle sur pièces. En 2013, les taux bruts de recouvrement des créances issues du
contrôle fiscal externe et du contrôle fiscal sur pièce se situent ainsi
à des niveaux proches
de 30 % soit moins du tiers des créances totales
118
.
Par ailleurs, sur la même période, ils demeurent constamment en-deçà des taux de
recouvrement
des
créances
issues
du
contrôle
fiscal
tous
impôts
confondus
(cf. graphique 13).
Cette faiblesse du taux de recouvrement découle de la nature même des créances concernées.
En effet, le niveau de recouvrement des créances issues du contrôle fiscal dépend de deux
éléments :
la rapidité mise en œuvre par le comptable public pour récupérer les sommes
;
la solvab
ilité des contribuables redressés et leur disposition à s’acquitter ou non de
leur dette fiscale.
La DGFiP a mis en place des cellules spécialisées dans le recouvrement de ces créances
complexes (les pôles de recouvrement spécialisés), mais son action est
ralentie lorsqu’elle est
confrontée à des réseaux de fraude qui se professionnalisent et organisent leur insolvabilité
(cf. paragraphe 2.1.3.4).
Ces
faibles
niveaux
de
recouvrement,
conjugués
au
précédent
constat
sur
la
sous-représentation de la TVA dans les résultats du contrôle fiscal,
affectent les finalités
répressive, dissuasive et budgétaire des contrôles opérés
.
Par ailleurs, ils sont d’autant plus préoccupants que, pour dissuader l’extension de la fraude
carrousel, la France a pris des mesures pour sécuriser la taxation de cette dernière
119
, ainsi :
le droit à déduction pour l
’acquéreur qui connaissait ou ne pouvait ignorer la fraude de
son fournisseur est remis en cause ;
une solidarité de paiement entre l’opérateur défaillant et l’acquéreur ayant
connaissance d’une fraude dans le circuit de ses fournisseurs a été instaurée
;
l’exonération des livraisons intra
-communautaire a été remise en cause quand le
fournisseur français sait ou ne peut ignorer que son client est dépourvu d’activité
réelle.
Dans les faits, les mesures prises en matière de solidarité de paiement des fraudeurs
intervenants dans des circuits de carrousel TVA
ne se traduisent donc pas par un meilleur
taux de recouvrement des créances de TVA issues de contrôles fiscaux
.
Enfin, alors que depuis 2010, la direction des créances spéciales du Trésor (DCST) est
devenu
e l’interlocutrice unique des États partenaires en matière d’assistance internationale
pour le recouvrement des créances fiscales
120
, le nombre de demandes
d’assistance émises
par la France en matière de TVA a diminué sur la période 2010-2014. Les montant recouvrés
demeurent très faibles en comparaison des montants pris en charge et se situent autour
de 1 % (cf. tableau 28
). La mise en place d’un
interlocuteur unique en matière d
’assistance au
recouvrement
ne permet donc pas encore une amélioration du recouvrement des
créances complexes
de TVA à l’étranger
. Cette situation contraste
avec l’augmentation, sur
la même période, de plus de 50 % du nombre de
demandes d’assistance reçues par la
France
(cf. graphique 14).
118
Les taux nets se situent à des niveaux supérieurs, autour de 50 %, mais diminuent également sur la période
2010-2013.
119
Articles 272-3, 283-4 bis et 262 ter-I du code général des impôts.
120
Activité exercée dans le cadre de la directive 2011-24 UE du 16 mars 2010.
75
75
Tableau
27
:
Comparaison des taux bruts de recouvrement des créances issues du contrôle fiscal
(tous impôts et TVA)
2010
2011
2012
2013
Taux brut de recouvrement des creances issues du
controle fiscal externe (sur les creances N
-
2)
49,12
%
48,00
%
43,05
%
51,94
%
Taux brut de recouvrement des créances TVA issues
du contrôle fiscal externe (sur les créances N-2)
41,30 %
39,80 %
28,70 %
28,20 %
Taux brut de recouvrement des creances issues du
controle sur pieces (sur les creances N
-
2)
ND
ND
70,30
%
70,60
%
Taux brut de recouvrement des créances TVA issues
du contrôle sur pièces (sur les créances N-2)
37,50 %
31,60 %
31,30 %
30,30 %
Source : DGFiP sur la base d’extraction des bases de données MEDOC (fichier TRCF) et RAR.
Graphique 13 : Comparaison du taux de recouvrement de la TVA avec le taux de recouvrement
tous impôts
Source : Rapporteur, sur la base des données transmises par la DGFiP.
76
76
Tableau 28 :
Suivi du recouvrement des créances de TVA à l’étranger réalisées par la DCST sur
la période 2010-2014
2010
2011
2012
2013
2014
Nombre
d’assistances
administratives
émises par la
France et
relatives au
recouvrement
de la TVA
273
266
164
152
190
Nombre
d’assistances
administratives
reçues par la
France et
relatives au
recouvrement
de la TVA
191
311
217
304
334
Montants pris
en charge par la
DCST en
matière de TVA
(en M€)
40,4
502,0
121
49,9
96,7
44,9
Montants
réellement
recouvrés par
la DCST en
matière de TVA
(en M€)
0,4
0,4
0,3
0,2
0,4
Source : DGFiP, Direction des créances spéciales du Trésor.
Graphique 14
: Comparaison de l’évolution du nombre d’assistances administratives reçues et
émise par la France en matière de recouvrement de la TVA sur la période 2010-2014
Source : DGFiP, Direction des créances spéciales du Trésor.
121
Ce montant faisait suite à un dossier de carrousel TVA pour un montant de 456
M€ au total transmis aux
autorités espagnoles et anglaises.
77
77
3.1.5.
Les plaintes pour fraude à la TVA connaissent une diminution sur la période
2010-2013
En France, les poursuites pénales pour fraude fiscale
font l’objet d’une procédure spécifique
et centralisée qui vise à soumettre au contrôle d’une commission indépendante, la
Commission des infractions fiscales (CIF), les décisions de recourir à la procédure judiciaire.
Pour assoir les finalités répressives et dissuasives
de ses contrôles, l’administration se doit de
sanctionner avec fermeté les fraudeurs.
Or, sur la période 2010-2013, le nombre de plaintes pour fraude à la TVA a suivi une
tendance inverse à celle constatée pour l’ensemble des plaintes pour fraude
, diminuant
de plus de 17 % alors que le nombre total de plaintes augmentait de 3,8 %. Cette diminution
n’est que partiellement atténuée par
l’accroissement du nombre de plaintes pour
escroqueries à la TVA.
En effet, si on cumule le nombre de plaintes pour fraude à la TVA avec celui des plaintes pour
escroquerie à la TVA,
la diminution est de 10,6 %
ce qui constitue un mauvais signal
adressé aux fraudeurs de TVA. Par ailleurs, le fait que la moyenne des rappels de TVA soumis
à la Commission des infractions fiscales connaisse un repli sur la période 2011-2013 rejoint
le constat opéré sur la baisse du nombre total de plaintes pour fraude à la TVA
(cf. tableau 30). Le développement des plaintes pour escroquerie à la TVA constitue
néanmoins un point positif dans la lutte contre la fraude à la TVA.
Cette situation est d’autant plus paradoxale que le nombre de dossiers présentés à la CIF ne
cesse d’augmenter depuis 2011 (cf.
graphique 15) et que le taux global de rejet de la CIF a
diminué de près de 12 % ce qui atteste de la solidité des dossiers présentés.
La diminution des plaintes pour fraude à la TVA s’explique, selon la DGFiP, p
ar la baisse des
plaintes déposées à l’encontre des entreprises du secteur du bâtiment qui représentaient une
part significative du nombre total de plaintes. Or, pour faire suite à une recommandation de
la Cour des comptes, la DGFiP a demandé aux services de contrôle de réduire ce type de
plaintes au profit d’une diversification. Il serait souhaitable que cet objectif de diversification
n’entraîne pas de baisse durable du nombre de plaintes en augmentant les efforts sur
d’autres secteurs à risques.
L
’action répressive de l’administration en matière de lutte contre la fraude à la TVA doit donc
être consolidée
.
En outre,
à l’avenir
, ces données statistiques devront être interprétées avec prudence
car la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) souligne que la nouvelle stratégie de
dépôt de plainte pour escroquerie en amont de la procédure (cf. paragraphe 3.3.3.1) est de
nature à diminuer le nombre global de plaintes. En effet, dans ce cas, l’administration ne
dépose qu’une seule plainte pour l’ensemble d’un schéma frauduleux alors qu’auparavant elle
déposait une plainte pour chaque participant à la fraude.
Dès lors,
une mesure du nombre de réseaux de fraude à la TVA démantelés
pourrait
s’avérer plus pertinente que le nombre de plaintes déposées.
Tableau
29
:
Les plaintes pour fraude fiscale et escroquerie
2010
2011
2012
2013
Nombre de plaintes pour fraude fiscale (y
compris « police fiscale »)
981
966
987
1 018
Dont plaintes pour fraude à la TVA
840
751
721
696
Nombre de plaintes pour escroquerie
73
94
100
114
Dont plaintes pour escroquerie à la TVA
69
91
92
107
Source : DGFiP.
78
78
Tableau 30 : Évolution de la moyenne des droits fraudés en TVA par dossier présenté à la CIF
sur la période 2011-2013
En
2011
2012
2013
Montant moyen des
dossiers présentés à la
CIF en TVA
350 747
234 154
225 781
Source
: Rapport annuel de la Commission des infractions fiscales 2013 à l’attention du Gouvernement et du
Parlement.
Graphique 15 : Évolution du nombre de dossiers saisines de la CIF
Source : Rapport annuel de la Commission des in
fractions fiscales 2013 à l’attention du Gouvernement et du
Parlement.
Tableau 31 : Évolution du taux de rejet de la CIF sur la période 2011-2013
2011
2012
2013
Taux de rejet des
dossiers présentés
devant la CIF
9,64 %
8,70 %
8,50 %
Source
: Rapport annuel de la Commission des infractions fiscales 2013 à l’attention du Gouvernement et du
Parlement.
79
79
Graphique 16 : Évolution comparée du nombre de dossiers présentés à la CIF et examinés par
elle avec le taux d’avis favorables rendus
Source
: Rapport annuel de la Commission des infractions fiscales 2013 à l’attention du Gouvernement et du
Parlement.
80
80
Encadré 18 : Présentation des attributions de la Commission des infractions fiscales
« En matière de poursuites pénales pour fraude fiscale, le Ministère public ne peut mettre en mouvement
l'action publique que sur plainte préalable de l'administration, déposée sur avis conforme de la
commission des infractions fiscales, organisme administratif indépendant, non juridictionnel, institué par
la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédure aux contribuables en
matière fiscale et douanière.
La commission est, en 2013, composée de vingt-quatre membres, douze titulaires et douze suppléants,
choisis en nombre égal parmi les conseillers d'État et les conseillers-maîtres à la Cour des comptes. Elle est
placée sous la présidence d'un conseiller d'État. À compter du 1
er
janvier 2015, cette composition sera
modifiée conformément aux dispositions de l'article 13 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relatif
à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Le nombre de
conseillers d'État et de conseillers-maîtres à la Cour des comptes sera ramené à huit membres par corps,
désormais élus par leurs pairs. Ils seront rejoints par huit magistrats honoraires à la Cour de cassation
également élus au sein de cette institution ainsi que quatre personnalités qualifiées désignées par les
présidents des deux Assemblées. Ces élections et désignations devront respecter le principe de parité entre
les femmes et les hommes.
Elle est saisie par le ministre chargé du budget qui peut déléguer sa signature à des fonctionnaires des
services centraux de la direction générale des finances publiques qui, jusqu'en 2008, devaient avoir au
moins le grade de chef de service et depuis lors (décret n° 2008-752 du 29 juillet 2008) celui de chef de
bureau. Dans une optique de renforcement de la lutte contre la fraude fiscale et de raccourcissement des
délais de saisine de la justice, une partie des propositions de poursuites pénales pour fraude fiscale est
depuis 2000, déconcentrée au profit des directions territoriales, c'est à dire qu'elles sont transmises à la
commission, par le bureau de la direction générale des finances publiques chargé des affaires pénales,
sans révision préalable au fond.
Les dossiers ainsi soumis à la commission concernent des personnes physiques ou morales susceptibles
d'avoir commis des infractions relevant du délit de fraude fiscale défini à l'article 1741 du code général
des impôts, à savoir, la soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement total ou partiel des
impôts visés audit code.
Ces infractions peuvent consister en l'omission volontaire de déclaration dans les délais prescrits, la
dissimulation volontaire de sommes sujettes à l'impôt, l'organisation d'insolvabilité, la mise en place de
manœuvres mettant obstacle au recouvrement de l'impôt ou toute autre manœuvre frauduleuse.
La commission est susceptible d'être concomitamment saisie de faits relevant des dispositions de l'article
1743 du même code, à savoir l'omission de passation d'écritures et/ou la passation d'écritures inexactes
ou fictives dans les documents comptables obligatoires.
Lorsque la commission est saisie elle en informe le contribuable par lettre recommandée avec accusé de
réception lui indiquant les principaux griefs formulés à son encontre et l'invitant à fournir dans un délai
de trente jours, les informations qu'il estime nécessaires
122
».
Source
: Rapport annuel de la Commission des infractions fiscales 2013 à l’attention du Gouvernement et du
Parlement.
3.1.6.
Les résultats obtenus par la DGDDI en matière de contrôle de la TVA demeurent
marginaux mais ne reflètent qu’une partie de son action en matière de lutte
contre la fraude
Les résultats de la DGDDI en matière de rappels de TVA, bien qu’en progression constante sur
la période 2010-2014 restent inférieurs à 200
M€ et représentent moins de 1
% de la TVA
recouvrée par elle.
122
L’article
23 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 a instauré des
exceptio
ns à ce principe d’information (cf.
infra
).
81
81
Ces rappels portent sur des rectifications opérés sur l
a TVA à l’importation. Les
redressements issus de la lutte contre la fraude et les trafics représentent en général un peu
plus de la moitié du total.
En matière de lutte contre la fraude, la DGDDI souligne que les rappels de taxe qui
apparaissent dans ses résultats de contrôle
ne constituent qu’une fraction du total des
redressements
dont une partie est effectuée non par elle mais par la DGFiP, sur la base de
signalements émanant de la DGDDI
123
.
La Douane confirme ainsi
le caractère essentiel des échanges avec la DGFiP
en matière de
lutte contre la fraude (cf. paragraphe 3.2.5).
Tableau 32 : Évolution des rappels de TVA effectués par la DGDDI et comparaison avec le
niveau total de la taxe collectée par elle
En M€
2010
2011
2012
2013
2014
Montant des
rappels de taxe
158,0
161,5
161,2
163,9
186,0
Nombre de
rappels de TVA
12 472
12 190
10 383
12 197
12 717
Montant de la
TVA perçue par
la douane
18 366
20 701
22 000
22 232
22 491
Source : DGDDI.
3.2.
Les
administrations
de
contrôle
doivent
progresser
dans
leur
connaissance de la fraude à la TVA pour mieux la détecter et améliorer
leurs résultats
L’une des causes identifiables du faible niveau des résultats du contrôle fiscal en matière de
TVA est
la difficulté pour l’administration d’identifier des motifs de
programmation de
contrôles centrés sur la taxe.
Cette difficulté peut être illustrée, à la DGFiP, en analysant en détail les résultats du contrôle
fiscal sous trois aspects :
le rendement plus faible des opérations de contrôle engagées portant uniquement sur
un examen de la TVA (dites : «
vérifications ponctuelles de TVA
») ;
la diminution du nombre de vérifications préalables à un remboursement de crédit de
TVA ;
le déséquilibre récurrent du nombre de contrôles de TVA réalisés en fonction des
régimes
d’imposition
.
Pour remédier à cette situation, les administrations de contrôle doivent poursuivre les
démarches engagées pour mieux connaître et détecter la fraude, notamment celle de
datamining
, mobiliser plus efficacement leurs services de recherche ainsi que toutes les
sources d’informations disponibles tant au niveau national qu’au niveau des administrations
étrangères et utiliser plus largement tous les outils juridiques dont elles disposent.
123
L’analyse
des bilans annuels réalisés par la DGFiP et la DGDDI sur la collaboration entre les deux
administrations atteste de nets progrès sur les résultats obtenus en matière de TVA. Le montant des droits et
pénalités rectifiés en TVA par la DGFiP suite aux signalements de la DGDDI est ainsi passé de 56,3
M€ en 2010
à 80,9
M€ en 2012.
82
82
3.2.1.
La
DGFiP
rencontre
des
difficultés
pour
programmer
des
contrôles
exclusivement centrés sur la TVA
3.2.1.1.
Le rendement plus faible des opérations exclusivement centrées sur le contrôle
de la TVA
Pour exercer sa faculté de contrôle, l’administration fiscale peut recourir à plusieurs
types de
vérifications. Elle peut notamment choisir de
ne vérifier qu’un impôt, dans ce cas les
opérations sont qualifiées de vérifications ponctuelles (VP) et, lorsqu’elles sont concentrées
exclusivement sur la TVA, ce sont des vérifications ponctuelles TVA (VP TVA).
Sur la période 2011-2013, le pourcentage de VP TVA par rapport au nombre total de VP est
constant et ressort autour de 41 %. En revanche, sur la même période,
l’indicateur
d’efficience du niveau médian des résultats des VP TVA
124
est systématiquement situé
en dessous de celui de l’ensemble des VP
à un niveau inférieur de près de 13 %
(cf. graphique 17).
Cette moindre efficience des VP TVA illustre les difficultés, pour l’administration,
à définir des
axes de contrôles exclusivement centrés sur la TVA.
Tableau 33 : Comparaison du nombre de vérifications ponctuelles en TVA (VP TVA) par
rapport au nombre total de vérifications ponctuelles (VP) et de la médiane des opérations
En
2010
2011
2012
2013
Nombre total de
VP
5 252
5 624
5 628
4 883
Dont nombre de
VP TVA
1 934
2 284
2 310
2 009
Médiane des VP
27 204
25 404
25 222
24 778
Médiane des VP
TVA
22 995
22 004
22 101
22 194
Source
: DGFiP, sur la base d’extractions des applications ALPAGE et CFE.
124
C’est
-à-
dire la médiane des droits rappelés pour l’ensemble des opérations de contrôle fiscal externe
exclusivement centrées sur la TVA.
83
83
Graphique 17
: Comparaison du niveau médian des VP TVA par rapport à celui de l’ensemble
des VP sur la période 2010-2013 (en
€)
Source : Rapporteur, sur la base des éléments transmis par le service du contrôle fiscal.
3.2.1.2.
La diminution des vérifications préalables à un remboursement de crédit de TVA
Les remboursements de crédits de TVA par l’État
interviennent pour les entreprises dont la
TVA déductible est supérieure à la TVA collectée. Celles-ci peuvent, soit imputer ces crédits
de taxe sur leurs déclarations suivantes, soit en demander le remboursement.
La sécurisation des remboursements de crédits de TVA constitue un enjeu primordial pour
l’administration fiscale, notamment pour prévenir les risques liés à des remboursements
frauduleux dans des schémas de type carrousels (cf. paragraphe 2.1.3.1.1).
D’autant plus que,
depuis 2011, les montants remboursés sont quasi-constants et se situent à un niveau élevé de
l’ordre de
50
Md€
.
Or, sur la période 2010-2013,
le nombre de vérifications préalables à un remboursement
a diminué de plus de 23 %
et les droits rappelés ont suivi la même tendance.
Si, sur la période 2010-
2013, le taux de rejet à l’issue de contrôle sur pièces a augmenté sur la
période de 0,4 point (cf. encadré 19), ce résultat ne doit pas masquer la
diminution
constante de la médiane des droits rappelés en contrôle fiscal externe préalable à
remboursement de crédit
(cf. graphique 18). La dégradation constante de cet indicateur
d’efficience du contrôle traduit ici aussi les difficultés, pour l’administration fiscale, de ciblage
des dé
clarations dont le contrôle s’avèrerait pertinent.
84
84
Tableau
34
:
Nombre de vérifications préalables à un remboursement de crédit de TVA et
résultats associés
2010
2011
2012
2013
Nombre
de
demandes
de
remboursement de crédit de TVA
ayant
donné
lieu
à
remboursement
1 491 003
1 674 163
1 592 890
1 559 849
Montants remboursés (en
€)
42 929 109 392
46 562 248 674
49 984 912 070
48 112 562 922
Taux de rejet des demandes de
remboursement de crédit de TVA
en % du nombre de demandes
3,7 %
3,7 %
3,8 %
4,1 %
Nombre de vérifications
préalables à un remboursement
de crédit de TVA
1 746
1 920
1 666
1 342
Total des droits rappelés
100 061 077
103 631 473
95 873 109
80 969 261
Médiane des droits rappelés
25 500
25 278
23 014
22 780
Source : DGFiP, sur la base d’extractions des applications ALPAGE et CFE.
Encadré 19 : Examen en contrôle sur pièces des demande de remboursement de crédit de TVA
Les demandes de remboursement de crédit de TVA sont analysées par les services de la DGFiP à partir
d’une grille d’analyse
-risque définie au niveau national, mais aménageable localement en fonction du
tissu fiscal. Une cotation du risque, en fonction d’une centaine de critères, trie les demandes aux fins
d’un traitement
en « circuit court » (pour mise en paiement, après prise en compte des restes à
recouvrer, par le service comptable du service des impôts des entreprises (SIE)) ou en « circuit long »
(pour analyse complémentaire par le pôle de contrôle et d’expertise (PCE
)).
Le PCE peut classer en circuit long des demandes pré-ciblées en circuit court, de sa propre initiative ou
suite à des lignes directrices de la DDFIP ou de la DRFIP. Il émet alors un avis de rejet, d’admission,
partielle ou totale, ou décide de programmer ultérieurement une vérification (ponctuelle ou générale).
85
85
Graphique 18 : Évolution des résultats et du niveau médian des opérations des contrôles
externes préalables à remboursement de crédit de TVA
Source : Rapporteur, sur la base des éléments transmis par le service du contrôle fiscal.
3.2.2.
Le nombre d’opérations de contrôle est déséquilibré en fonction d
es différents
régimes
d’imposition
de TVA
L’observation du nombre de contrôles fiscaux externes en TVA ventilé par
type de régime
d’imposition
établit
une
corrélation entre
les capacités de
l’administration
à
programmer des contrôles et le niveau des obligations déclaratives
. Ainsi, moins les
obligations déclaratives d’un régime fiscal sont contraignantes, moins il est
contrôlé
(cf. tableau 35). La principale conséquence est que la part des contrôles opérés sur les
entreprises relevant du régime réel normal représente environ 65 % des contrôles alors
qu’elles ne représentent que 26
% du total des entreprises.
Au plan théorique, cette logique correspond à une réduction des enjeux fiscaux liés à des
chiffres d’affaires plus faibles.
En pratique, les sociétés soumises au r
égime simplifié s’avèrent être des vecteurs non
négligeables de la fraude et il est donc dommageable pour le Trésor que le pourcentage de
sociétés vérifiées dans cette catégorie soit trois fois plus faible que pour les sociétés soumises
au régime normal.
De même,
la détection des activités occultes représente de façon récurrente moins
de 3 % des contrôles
ce qui prouve également la mauvaise connaissance de cette catégorie
de fraudeurs.
Au-delà de la nécessité de
respecter un principe d’égalité devant l’im
pôt, le rééquilibrage des
contrôles par type de régime est indispensable pour assurer une couverture complète des
enjeux. Il suppose notamment pour l’administration fiscale de disposer d’informations
extérieures lorsque les entreprises ne déposent pas de déclaration
125
ou que ces dernières ne
contiennent que peu de renseignements
126
.
125
Cas des sociétés en franchises de TVA ou en cas d’activités occultes.
126
Cas notamment des entreprises soumises au régime simplifié d’imposition.
86
86
Dès lors, l’administration fiscale doit
progresser dans ses moyens de détection et de
programmation des contrôles
notamment en mobilisant tous les moyens dont elle dispose
et tout
es les sources d’information possible (cf.
infra
).
Tableau 35 :
Ventilation des contrôles fiscaux externes par type de régime d’imposition en
matière de TVA
Nombre de
contrôles fiscaux
externes
2010
2011
2012
2013
Régime réel
normal
31 003
30 304
30 667
30 904
Régime simplifié
14 181
14 434
14 136
13 795
Régime simplifié
agricole
623
700
656
626
Franchise de TVA
591
588
895
915
Autres (dont
entreprises en
sommeil et
activités occultes)
1 291
1 382
1 279
1 308
Source
: DGFiP, service du contrôle fiscal, sur la base d’extraction de l’application ALPAGE.
Tableau 36 : Pourcentage de sociétés soumises au régime réel normal contrôlées par rapport
au nombre total de sociétés relevant de ce régime
2010
2011
2012
2013
Nombre total de
sociétés soumises
au régime réel
normal
1 258 833
1 279 028
1 292 892
1 299 404
Nombre de
sociétés soumises
au régime réel
normal contrôlées
31 003
30 304
30 667
30 904
Pourcentage
d’entreprises
contrôlées
2,46 %
2,37 %
2,37 %
2,38 %
Source : Rapporteur, sur la base des données transmises par la DGFiP.
Tableau 37 :
Pourcentage de sociétés soumises au régime simplifié d’imposition contrôlées par
rapport au nombre total de sociétés relevant de ce régime
2010
2011
2012
2013
Nombre total de
sociétés soumises
au régime simplifié
d’imposition
1 646 030
1 667 610
1 676 332
1 665 972
Nombre de
sociétés soumises
au régime simplifié
d’imposition
contrôlées
14 181
14 434
14 136
13 795
Pourcentage
d’entreprises
contrôlées
0,86 %
0,87 %
0,84 %
0,83 %
Source : Rapporteur, sur la base des données transmises par la DGFiP.
87
87
3.2.3.
Certains outils de détection demeurent encore sous-employés
En matière de lutte contre la fraude à la TVA, la DGFiP dispose de
deux dispositifs
juridiques spécifiques
:
l’article L.
16 D du livre des procédures fiscales
127
, qui permet à l’administration fiscale
de contrôler les redevables soumis au régime simplifié d
’imposition (RSI) avant même
le dépôt de leur acompte trimestriel ;
l’article L.
16-0 BA du livre des procédures fiscales
128
(procédure de flagrance fiscale),
qui permet à l’administration fiscale de dresser un procès
-
verbal d’infraction et de
saisir de façon conservatoire les sommes correspondant aux impositions éludées.
L’analyse de l’évolution du nombre d’opérations réalisées pour chacun de ces dispositifs
au
cours de la période 2010-2013
montre une stagnation de ces dernières à des niveaux
faibles
. En particulier le nombre de procédure de flagrance fiscale demeure inférieur à une
dizaine de procédures chaque année alors même que ce dispositif a fait l’objet de deux
aménagements récents
129
.
Selon la Cour des comptes
130
, la faible utilisation de ces dispositifs a une double origine :
ces procédures sont perçues comme présentant un caractère exceptionnel, ce qui induit
une retenue dans leur application ;
le
cadre juridique de mise en œuvre apparaît complexe.
Ce faible niveau de mise en œuvre de contrôles en amon
t du premier dépôt déclaratif est
flagrant lorsqu’on le compare
avec le nombre de procédures de ce type qui sont déployées
par les services fiscaux allemands. Ces derniers réalisent en effet plusieurs dizaines de
milliers de contrôles sur place chaque année qualifiés de « contrôles de bienvenue »
(cf. paragraphe 3.3.2) et
accentuent ainsi leur présence sur le terrain
pour
accroître l’effet
dissuasif vis-à-vis des fraudeurs.
Consciente des difficultés récurrentes rencontrées pour la mise en œuvre de la procédure de
flagrance fiscale, l’administration fiscale a d’ailleurs décidé de mettre en place en mai 2015
une formation
obligatoire à destination de l’ensemble des chefs des brigades de contrôle et de
recherche afin de promouvoir et faciliter l’appropriation par les services locaux de cette
procédure. Cette démarche ne peut qu’être encouragée.
De façon plus globale, la vérification précoce des dossiers qui présentent un risque de fraude
appelle
une adaptation des méthodes de contrôle de l’administration fiscale
(cf. paragraphe 3.3.2).
Tableau 38 : Évolution du nombre de procédures L. 16 D et L. 16-0 BA sur la période 2010-2013
2010
2011
2012
2013
Nombre de
procédures L. 16 D
158
194
185
186
Nombre de
procédures
L. 16-0 BA
7
5
3
4
Source
: DGFiP, sur la base d’extractions de la base ALPAGE.
127
Dispositif créé par la loi de finance rectificative du 30 décembre 2005.
128
Dispositif créé par la loi de finances du 25 décembre 2007.
129
Lois de finances n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 et n° 2012-1510 du 29 décembre 2012.
130
Rapport de la Cour des comptes de février 2012 relatif à la gestion et au contrôle de la TVA, p. 115 et 116.
88
88
3.2.4.
La DGFiP et la DGDDI doivent accroître l’effic
acité du processus de sélection des
dossiers contrôlés
Pour remédier aux lacunes constatées en matière de programmation des contrôles, les
administrations de contrôle doivent poursuivre les travaux entrepris pour mieux anticiper la
fraude et mobiliser au mieux leurs ressources internes notamment s’agissant de leurs
services de recherche.
3.2.4.1.
Une montée en puissance attendue de la démarche de « datamining »
Dans un contexte où les taux de couverture sont faibles et donc où la probabilité pour une
entreprise d’être contrôlée est limitée, il est important que les administrations fiscales
puissent cibler les contribuables les plus à risque au moment du choix des entreprises à
vérifier.
L’amélioration
de
la
productivité
des
contrôles
repose
donc
en
partie
sur
le
perfectionnement du ciblage
qui peut provenir d
’un recours accru au traitement de
données de masse.
La démarche de «
datamining
» s’insère dans cette logique
. Elle consiste à :
traiter une masse de données importante ;
améliorer la connaissance des comportements de fraude et identifier des critères de
risques ;
expliquer et prédire la survenue de la fraude.
Elle constitue
une source d’amélioration
de la programmation des contrôles par rapport à
une démarche classique d’analyse
-
risque en développant l’analyse prédictive par la prise en
compte des corrélations existantes entre les variables. Le «
datamining
» permet ainsi un
traitement
économétrique
des
données
en
vue
de
la
définition
d’une
cible
multidimensionnelle et fournit une identification des profils de fraudeurs avec ensuite la
possibilité de rechercher, au sein d’une population, des profils similaires.
La DGFiP et la DGDDI ont créé des cellules dédiées
respectivement en juillet 2013 et
juin 2014.
À la DGFiP, la mission mise en place est rattachée fonctionnellement aux chefs du service du
contrôle fiscal et du service des systèmes d'information pour un pilotage conjoint du
projet
131
. Elle compte désormais neuf personnes aux profils variés :
des informaticiens de la DGFiP qui connaissent l'environnement informatique et les
bases de données ;
des experts métiers qui recherchent des critères de détection sur la base de
l'expérience métier et proposent des conjonctions et recoupements ;
des statisticiens
132
qui interprètent ces critères au moyen de travaux de modélisation.
La DGDDI a quant à elle créé une cellule composée actuellement d’un seul agent mais ayant
vocation à être renforcée pui
s rattachée au futur service d’analyse de risque et de ciblage
(SARC, cf. encadré 20).
Ces créations s’inscrivent dans la continuité des ori
entations fixées par le ministre du budget,
qui, dans son discours du 28 juin 2013, affichait sa volonté de : «
rendre encore plus
performants les dispositifs d’analyse de risques et de ciblage des contrôles
».
131
Le «
datamining
» est un sujet qui lie étroitement l'informatique et l'expertise métier.
132
Un agent détaché de l’INSEE et un titulaire d’un master spécialisé.
89
89
Les deux dispositifs mis en place sont actuel
lement en phase d’expérimentation et aucun
bilan de leur action n’a encore été dressé. Néanmoins, selon l’ensemble des interlocuteurs
rencontrés, tant à la DGFiP qu’à la DGDDI,
les premiers retours semblent «
prometteurs
»
.
Le déploiement de ces structure
s traduit une avancée majeure dans l’exploitation des
possibilités d’interconnexion de fichiers et s’est effectué après qu’une demande ait été
formulée auprès de la commission nationale informatique et des libertés (CNIL) pour les
phases expérimentales. Ce
tte dernière n’autorise pas un recoupement général des fichiers
mais n’a pas pour autant d’opposition de principe aux interconnexions de fichiers lorsqu’elles
sont mises en place avec un objectif d’amélioration des contrôles et dans le respect de règles
strictes de sécurité et de confidentialité.
La création de ces cellules marque donc aussi un tournant dans «
l’autocensure
» dont
certaines administrations avaient pu faire preuve par le passé en craignant d’être
sanctionnées par la CNIL.
Par ailleurs,
il est nécessaire, pour accompagner la montée en puissance de ces
dispositifs, de définir une feuille de route claire comprenant des objectifs précis et
quantifiables
. Cette feuille de route doit donc fixer les différentes étapes du processus, en
particulier a
cter la date de fin de la phase d’expérimentation
et indiquer les performances
attendues en vue d’une éventuelle extension.
La France se doit désormais
de rattraper le retard
qu’elle a pu accuser par rapport à
d’autres pays européens comme la Belgique qui s’est lancée dans la démarche dès 2003
133
.
Encadré 20
: Présentation du service d’analyse de risque et de ciblage (SARC)
« Le projet stratégique Doua
ne 2018 intègre la création d’un service d’analyse risque et de ciblage (SARC)
qui a vocation à produire l’ensemble des analyses risque et études portant sur l’avant
-dédouanement, le
dédouanement et la fiscalité. Il intègrera les profils de ciblage dans le moteur de ciblage RMS (Risk
Management Système) qui permet de sélectionner les déclarations en douane. Il comportera une cellule
dédiée « datamining
». C’est le SARC qui adressera les orientations de contrôle aux cellules régionales de
pilotage des contrôles (CRPC). Il orientera les contrôles fiscaux et leur dévolution aux services les plus
appropriés en fonction des risques identifiés. Il entretiendra des relations étroites avec les services à
compétence nationale, DNRED et SNDJ.
Les trois orientations du SARC sont :
Le SARC s’attachera en premier lieu à automatiser le recueil et le traitement des déclarations de sureté
-
sécurité (ENS). Techniquement, le SARC utilisera un traitement automatisé fondé sur l'outil « SPSS
Modeler » d'IBM pour exploiter les données des procédures numérisées que la DGDDI a mis en place pour
recueillir les déclarations de sûreté-sécurité (les ENS), de transit et fiscales (le DAU, document
administratif unique). Les premiers travaux ont permis de calculer le score des profils de risque régionaux
(PROREG) et locaux (CRILOC) injectés par les services dans RMS. Des instructions ont été adressées aux
services concernés pour supprimer les profils à faible rendement contentieux et augmenter les contrôles
pour ceux à fort rendement.
Le SARC travaillera ensuite à évaluer le risque opérateur en prenant en compte les déclarations faites par
les opérateurs, les contrôles effectués sur eux et leurs résultats.
Une troisième étape pourrait consister soit à croiser des déclarations entre elles (ENS et DAU) afin de
repérer des minorations de valeur à l’importation pour éluder les taxations, soit à analyser les
déclarations en vue d'identifier des relations entre des données non exploitées à ce jour ».
Source : Extraits du rapport de rapport de la Cour des comptes : «
L’action de la douane dans la lutte contre les
fraudes et les trafics », p. 82 et 83.
133
Dans le domaine du
datamining
, l’Italie a entrepris des travaux qui visent les particul
iers et les services anglais
travaillent avec la société Cap Gemini sur des ciblages orientés sur les dirigeants. En revanche l’Allemagne n’a, à ce
stade, pas développé la démarche.
90
90
3.2.4.2.
Un pilotage renforcé des services de recherche de la DGFiP pour une
mobilisation accrue sur les fraudes nouvelles ou complexes
Les activités de recherche de la DGFiP sont exercées :
au niveau national par la direction nationale des enquêtes fiscales (
DNEF
, cf. encadré
21
) ;
au niveau des services déconcentrés par les brigades de contrôle et de recherche
(
BCR
).
La DGFiP dispose également d’un réseau de référents recherche au sein des directions
interrégionales du contrôle fiscal (DIRCOFI).
Ces services de recherche jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les fraudes les
plus complexes
et doivent être capables de s’adapter pour explorer les nouveaux schémas
de fraude.
La DNEF a connu plusieurs restructurations depuis 2010
, notamment suite à l’affaire des
quotas de CO₂ (cf.
supra
), visant à orienter son action vers les nouvelles fraudes. À ce titre elle
a engagé des mesures correctrices pour exercer une surveillance de nouveaux secteurs à
risque
comme l’électricité et le gaz ou en réalisant des perquisitions chez certains opérateurs
du numérique et a créé en 2014 une nouvelle division spécialisée dans l'exploitation des
données. Cette nouvelle division regroupe les différentes entités qui effectuaient des
traitements de masse de données ainsi que les fonctions de documentation et de liaisons.
Ces réorganisations témoignent d’un effort visant à une meilleure prise en compte des
nouveaux risques de fraude. Toutefois,
leur efficacité devra être mesurée
notamment en
matière de lutte contre les carrousels de TVA alors que les résultats de DNEF ont chuté en
2013 et se situent à un niveau inférieur à 100
M€.
La DNEF doit donc poursuivre ses efforts d’adaptation pour se concentrer sur les fraudes les
plus significatives et les plus complexes.
Parallèlement et conformément aux orientations fixées dans le cadre de la démarche
stratégique de la DGFiP pour la période 2014-2018,
le pilotage du réseau territorial doit
également être renforcé
avec un rôle accru de
la DNEF qui pourra s’appuyer sur le réseau
des référents au sein des DIRCOFI.
Dans cette optique, l’organisation par la DNEF, en janvier 2015, d’un séminaire sur le thème
de la fraude à la TVA en matière de véhi
cule d’occasion réunissant l’ensemble des s
ervices
concernés (préfectures, brigades de contrôle et de recherche, direction interrégionale de
contrôle fiscal, et équipes internes de la DNEF) est une initiative intéressante
134
.
En effet, il est indispensable de mieux positionner sur les fraudes nouvelles et/ou complexes
le réseau des BCR
qui comprend environ un millier d’agents répartis sur l’ensemble du
territoire. En particulier,
les BCR doivent davantage se concentrer sur la surveillance des
activités, parfois occultes, exercées
via
internet
ce qui nécessitera une plus grande
spécialisation des agents.
À ce titre,
l’expérimentation
en cours
, au sein de l’interrégion Rhône
-Alpes-
Bourgogne, d’un
pilotage fonctionnel des brigades de contrôle et de recherche par la DIRCOFI compétente
avec appui technique de la DNEF, paraît de nature à accroître leur réactivité en les
positionnant plus rapidement sur les nouveaux enjeux de fraude.
134
La DNEF a également diffusé à l’ensemble des services de contrôle de la DGFiP une fiche d’infor
mation
technique dont l’objet est de décrire les principales évolutions récentes des procédés de fraude mis en œuvre dans
le secteur des ventes de véhicules d’occasion.
91
91
Quelle que soit l’organisation retenue
in fine
, cette dernière devra permettre
une diffusion
efficace des nouveaux schémas de fraude et un positionnement rapide du réseau de
recherche sur ces enjeux
.
Encadré 21 : Les grandes orientations de la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) sur
la période 2010-2014
La DNEF a en charge la lutte contre les fraudes les plus complexes qui, au sein de la DGFiP, développe
une activité de recherche spécifique en direction des montages frauduleux les plus innovants (comme
ceux qui empruntent le commerce électronique par exemple), et une activité répressive propre dans la
lutte contre les carrousels de TVA.
Pour mener à bien cette tâche, la DNEF dispose de la faculté de pouvoir mettre en œuvre de la
procédure de visite et de saisie prévue à l’article L.
16 B du livre des procédures fiscales.
Les grandes orientations de la DNEF sur la période 2010-2014 ont été les suivantes :
-
renforcer son rôle de veille en développant, d’une part, une surveillance des tendances
économiques afin de détecter des nouveaux secteurs ou vecteurs de fraude et, d’autre part, en
assistant à des colloques ou forum pour capter les évolutions susceptibles de générer des montages
frauduleux ;
-
détecter les fraudes les plus complexes ;
-
accorder la priorité à la lutte contre les fraudes les plus complexes notamment en matière de
lutte contre l’évasion fiscale vers les paradis fiscaux, de lutte contre les logiciels permissifs, de lutte
contre les carrousels TVA et contre la fraude dans le commerce intracommunautaire des véhicules
d’occasion ainsi qu’en assurant une veille Internet (détection des activités occultes sur Internet et
surveillance des activités d’une certaine importance réalisées en France
via
Internet) ;
-
améliorer la qualité de ses propositions de contrôle externe et diversifier les fraudes visées ;
-
maintenir une activité de documentation sur certains domaines précis ;
-
consolider l’expertise sur les différentes procédures d’investigation.
Source : Rapporteur, sur la base des éléments transmis par le service du contrôle fiscal.
3.2.4.3.
Une stratégie de lutte contre la fraude à la TVA de la DGDDI qui doit plus
s’affirmer
Pour définir sa stratégie de contrôle, la DGDDI formalise chaque année, au sein d’un
document les axes de contrôle, de lutte contre la fraude et de renseignement. Ce document
prend la forme d’une note de cadrage unique (NCU) qui est adressée à l’ensemble des
services territoriaux.
Dans son rapport de janvier 2015
135
, la Cour soulignait que : «
les priorités de la Douane dans
sa lutte contre les fraudes et les trafics sont trop souvent déterminées de manière empirique et
reproduisent, sans analyse contradictoire chiffrée, les objectifs des années passées
».
Ce constat général trouve une déclinaison en matière de TVA. En effet, si les NCU 2014 et
2015 comportent bien un objectif d’amélioration de l’efficacité de la gestion et des contrôles
douaniers et fiscaux,
le contrôle de la fraude à la TVA n’apparaît pas en tant que tel et
n’est que sous
-jacent à ces orientations
136
.
135
Rapport de la Cour des comptes sur : «
L’action de la douane
dans la lutte contre les fraudes et trafics
»,
janvier 2015.
136
Seul le contrôle du régime dit 42 (c’est
-à-dire un régime de franchise de TVA sur les importations de
marchandises immédiatement suivies de réexpéditions vers un autre État de l’Union européenn
e, cf.
supra
) est
mentionnée expressément.
92
92
Si les services de contrôle de la DGDDI sont naturellement orientés vers le contrôle de la TVA,
une programmation plus explicite de la lutte contre la fraude TVA
comme axe particulier
de contrôle apparaît souhaitable.
3.2.5.
L’amplification de la coopératio
n entre les services tant au niveau national
qu’européen est un axe essentiel pour mieux lutter contre la fraude à la TVA
Pour lutter contre une fraude internationalisée et de plus en plus complexe, les
administrations de contrôle doivent mobiliser toutes les sources informations disponibles en
particulier chez leurs partenaires étrangers.
Le démantèlement des fraudes complexes repose en effet souvent sur l’apport d’informations
extérieures, les services de vérifications étant souvent démunis pour identifier des fraudes
non retranscrites dans les écritures comptables ou documents douaniers.
Dès lors,
le décloisonnement de l’information
, tant au niveau des services nationaux que
des autorités étrangères,
constitue un élément décisif dans la réussite des opérations
anti-fraude
.
3.2.5.1.
La coopération de tous les services de l’État, au premier rang desquels la DGFiP
et la DGDDI doit être consolidée
3.2.5.1.1.
La collaboration entre la DGFiP et la DGDDI doit être consolidée
Les compétences de la DGFiP et de la DGDDI en matière d’a
ssiette et de contrôle sont
imbriquées
et le récent transfert du recouvrement d’une partie de la TVA à l’importation
(cf. paragraphe 1.1.4.2) renforce la nécessité
d’une communication fluide entre les deux
administrations. Les deux administrations bénéficient d’ailleurs d’un cadre juridique
favorable à la transmission d’informations (cf.
encadré 22).
La Cour des comptes
137
a récemment dressé un bilan sur les relations entre la DGFiP et
la DGDDI
dont il ressort les éléments suivants :
l’existence d’un réseau dense de protocoles, parfois récents
138
;
les échan
ges d’information se développent mais rencontrent parfois certaines limites
(techniques ou dans la fluidité des transferts) ;
le démarrage d’actions communes.
S’agissant de la TVA, la Cour souligne également qu’
: «
un des domaines où une coopération
renforcée entre la DGFIP et la DGDDI est reconnue comme nécessaire est la perception de la TVA
sur les produits importés par voie postale et par fret express. Le volume et la fragmentation de
ces échanges, la faible valeur unitaire des envois, l’absence d’ident
ification des entreprises
intervenant dans ces circuits, la mauvaise connaissance des sites internet (hors grands sites
comme Amazon), le fait qu’ils opèrent depuis l’étranger, la facilité de contourner les seuils
d’exigibilité, les limites de l’assistance
administrative internationale ont pour résultat que les
contrôles sont limités en nombre et n’ont pas de caractère systématique
».
137
Rapport de la Cour des
comptes sur : « L’action de la D
ouane dans la lutte contre les fraudes et trafics »,
janvier 2015.
138
Le dernier protocole a été conclu entre le service national de la douane judiciaire et la direction nationale des
enquêtes fiscales en décembre 2014.
93
93
La montée en puissance des échanges entre la DGFiP et la DGDDI s’est notamment traduite
par
une augmentation du nombre de bo
rdereaux de transmission d’une information
(BTI) depuis 2011, année au cours de laquelle le dernier protocole national entre les deux
administrations a été conclu et ce, même si le volume des échanges reste déséquilibré au
détriment de la DGDDI (cf. tableau 39).
La Cour conclut son panorama des relations entre les deux administrations en indiquant que :
«
bien que la coopération entre les services fiscaux et douaniers se soit développée de manière
anormalement tardive,
elle s’est effectivement approfondie
.
Cette évolution positive doit
être consolidée et accélérée
. Si les protocoles constituent une référence utile, la démarche
essentielle est de créer des habitudes de travail spontanément coopératives. Il faut progresser
dans la compréhension des besoins respectifs, y compris en ce qui concerne la conception des
systèmes d’information et l’accès croisé aux bases. Enfin, la coopération est plus d
éveloppée
entre certains éléments des deux directions générales, au premier chef la DNEF du côté de la
DGFiP et la DNRED et le SNDJ du côté douanier. Elle doit être généralisée en tant que de besoin,
à partir d’une étude systématique des complémentarités possibles. Enfin, elle doit s’insérer dans
une collaboration avec d’autres services de l’État
».
Le rapporteur ne peut que souscrire aux conclusions de la Cour et relève
l’accent mis sur la
collaboration des services de recherches
de chacune des deux administrations de contrôle
de la TVA (cf. encadré 23 et encadré 24 pour la présentation de la DNRED et du SNDJ),
l’objectif de décloisonnement de l’information rejoignant ici celui d’une plus grande
efficience du processus de programmation
.
Tableau 39 :
Évolution du nombre de bordereaux de transmission d’une information (BTI)
entre la DGFiP et la DGDDI
2011
2012
2013
Nombre de BTI adressés
par la DGDDI à la DGFiP
1 354
1 557
2 131
Nombre de BTI adressés
par la DGFiP à la DGDDI
253
239
161
Source : DGFiP, sur la base des bilans nationaux du protocole conclu le 3 mars 2011.
Encadré 22 : Le cadre juridique de la coopération entre DGDDI et DGFiP
«
L’article 59
ter du code des douanes autorise la DGDDI à communiquer les informations qu’elle détient
en matière de commerce extérieur et de relations financières
avec l’étranger aux services relevant des
autres départements ministériels et de la Banque de France qui, par leur activité, participent aux missions
de service public auxquelles concourt l’administration des douanes.
L’article 64
A du code des douanes habilite les agents des douanes à exercer un droit de communication
sur les documents de service détenus par les différentes administrations.
Les articles L. 81 et L. 83 du livre des procédures fiscales (LPF) permettent aux agents de la DGFiP et de la
DGDDI
d’avoir accès aux renseignements et documents détenus par les services de l’autre direction et
nécessaires à l’établissement de l’assiette, au contrôle ou au recouvrement des impôts, droits et taxes
prévus par le CGI.
L’article L.
83 A du LPF permet un échange spontané entre les agents de la DGFiP et de la DGDDI de tous
renseignements et documents recueillis dans le cadre de leurs missions respectives, sans recours au droit
de communication ».
Source : Rapport de la Cour des comptes relatif à « La gestion et la fraude à la TVA », février 2012, p. 89.
94
94
Encadré 23 : Présentation de la direction nationale du renseignement et des enquêtes
douanières (DNRED)
« La DNRED est un service dédié à la lutte contre les grands trafics. Son plafond autorisé d'emplois (PAE)
initial est pour 2014 de 713 ETPT. Elle possède des moyens techniques propres destinés à réaliser des
opérations visant à lutter contre la grande criminalité (logiciels spécifiques, moyens de géolocalisation).
La DNRED est articulée en trois directions, dédiées à chacune de ses trois catégories de missions :
direction des enquêtes douanières, direction du renseignement douanier (DRD), direction des opérations
douanières.
La direction des enquêtes douanières (DED) est le principal service d'enquête administrative. Elle est
chargée de repérer les réseaux de fraude nationaux ou internationaux et vise à démanteler les
organisations criminelles. Les enquêtes ne relevant pas de ce périmètre demeurent de la compétence des
services
régionaux d'enquêtes (SRE) placés au sein des pôles d’orientation des contrôles (POC) des
directions régionales. La DED est structurée par type de fraudes, en quatre divisions: fraude douanière et
commerciale, produits alimentaires, fraude fiscale et mouvements financiers.
La direction du renseignement douanier (DRD) composée d'analystes spécialisés par domaines de fraude,
produit des analyses de court terme, de moyen terme et de long terme sur les tendances passées, actuelles
et à venir de la fraude, qui
ont vocation à irriguer l’ensemble du réseau de la DGDDI.
Enfin, les interventions opérationnelles de la DNRED visant à l’interruption d’un trafic sont réalisées par
la direction des opérations douanières (DOD). Ses missions prioritaires portent sur la lutte contre les
grands trafics de stupéfiants, de cigarettes, de contrefaçons et d'armes. Sa maîtrise d'interventions
lourdes, complexes ou risquées exige une forte réactivité reposant sur une permanence opérationnelle. La
DOD est implantée sur l'ensemble du territoire ; elle est composée d'une division des recherches (Ivry-sur-
Seine) et de neuf échelons (Antilles-Guyane, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Montpellier, Nantes, et
Rouen) et de treize antennes (Bayonne, Calais, Belfort, Dijon, La Rochelle, Le Havre, Toulouse, Nice,
Perpignan, Pointe-à-Pitre, Cayenne, Saint-Laurent-du-Maroni et Saint-Martin).
La DNRED est amenée à travailler au profit des autres services douaniers (diffusion du renseignement et
conception d’opérations) comme à s’appuyer s
ur leurs moyens dans le recueil du renseignement
(contribution des attachés douaniers) et dans la réalisation de certaines opérations ».
Source : Rapport de la Cour des comptes sur «
L’action de la Douane dans la lutte contre les fraudes et trafics »,
janvier 2015, p. 56.
Encadré 24 : Présentation du service national de la Douane judiciaire (SNDJ)
« La loi du 23 juin
1999 relative au renforcement de l’efficacité de la procédure pénale a attribué des
prérogatives judiciaires à certains agents de la Douane spécialement habilités, pouvant effectuer des
enquêtes judiciaires qui leur sont confiées par le procureur d
e la République ou par le juge d’instruction.
Les officiers de douane judiciaire (ODJ) disposent des mêmes pouvoirs que les officiers de police judiciaire
(OPJ) de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, mais dans des domaines fixés par la loi.
Le SNDJ dispose d'une compétence nationale, afin de centraliser et coordonner les enquêtes judiciaires
douanières dans un but d’efficacité.
Le SNDJ s'est spécialisé dans la lutte contre la délinquance économique et financière. Ses agents mènent
des enquêtes sur les grands trafics et les organisations criminelles. Il dispose d'une expertise en matière de
fraude au régime douanier 42 et de fraude à la TVA. En co-saisine avec un service de police ou de
gendarmerie, le SNDJ peut être saisi d'infractions à la législation sur les stupéfiants, de blanchiment du
produit du trafic de stupéfiants et de non-justification de ressources ».
Source
: Extraits du rapport de la Cour des comptes sur « L’action de la Douane dans la lutte contre les fraudes et
trafics », janvier 2015, p. 56, 57 et 58.
95
95
3.2.5.1.2.
La création récente de la Task force TVA offre désormais un cadre plus large
d’échange d’informations
au niveau national
À la suite des rapports (n°
1130 et 1131) de la Commission des lois de l’Assemblée nationale
sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance
économique et financière
139
,
une «
Task Force TVA
» a été créée en mars 2014
sous l’égide
de la DGFiP associant tous les services de l'État impliqués dans la lutte contre les fraudes à la
TVA, à savoir : des services de police judiciaire (BNEE, BNRDF), la DGCCRF, TRACFIN, la
DGDDI, la Douane judiciaire (SNDJ), la Gendarmerie nationale et la Chancellerie.
Elle traite des dossiers qui ne comportent pas seulement un volet fiscal et a pour tâche de
clarifier la répartition des responsabilités, d’encourager le travail en réseau, de faciliter le
partage d’informations
et de renforcer la concertation opérationnelle (en coordonnant les
interventions des parties prenantes et en évitant qu’elles ne travaillent « en silo »). Elle
analyse les affaires menées à terme pour en tirer les leçons et élabore une stratégie commune
pour les affaires naissantes (par exemple : choix entre un contrôle fiscal externe préalable ou
une judiciarisation immédiate). En 2014, elle a réuni, selon un rythme mensuel, des acteurs
opérationnels ce qui constitue un des avantages majeurs de cette instance.
Cette instance offre un cadre privilégié d’échanges inter
-administration
. Sa mise en
place récente ne permet toutefois pas encore de dresser un bilan des retours obtenus en
matière de lutte contre la fraude à la TVA.
3.2.5.2.
La coopération entre les administrations nationales doit encore être renforcée
pour permettre de lutter efficacement contre la fraude à la TVA
La fraude à la TVA revêt souvent une dimension internationale, notamment en ce qui
concerne les carrousels ou les ventes par internet. Au sein de
l’Union européenne, cette
dimension internationale est accrue par la suppression des frontières. Dès lors, le
démantèlement des réseaux frauduleux requiert le concours des administrations étrangères
concernées et repose sur une coopération performante de ses dernières.
Le cadre juridique européen n’offre pas la possibilité aux fonctionnaires de mener des
contrôles à l’étranger, néanmoins plusieurs dispositifs sont prévus pour permettre aux
administrations d’échanger des informations et déployer des contrôl
es multilatéraux.
Si l’initiative française de création du réseau Eurofisc a permis de créer un cadre propice aux
échanges d’informations, le nombre de contrôles multilatéraux demeure faible et les délais de
réponse en matière d’assistance administrative
perfectibles.
3.2.5.2.1.
Le réseau Eurofisc offre un cadre propice à l’échange d’informations même si la
capacité des États membres à fournir des renseignements utiles est inégale
Les fraudes à la TVA, notamment les fraudes carrousel, font intervenir de nombreux acteurs
dans de multiples pays. La lutte contre ces fraudes implique donc une coopération étroite de
toutes les administrations fiscales concernées.
À l’initiative de la France,
une structure informelle d’échange d’informations
sur la fraude
qui traite principalement de la TVA, dénommée
Eurofisc a été créée en 2011
(cf. encadré
25
).
139
La loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance
économique et financière.
96
96
Encadré 25
: Présentation d’Eurofisc
«
Sous la présidence française de l’UE, le principe d’un dispositif baptisé Eurofisc visant à améliorer
l’efficacité de la lut
te contre la fraude à la TVA et à renforcer la coopération administrative entre les États
membres a été adopté à l’unanimité par le conseil Ecofin du 7
octobre 2008.
Le nouveau règlement de coopération TVA (904/2010) dont le chapitre X est consacré à la base juridique
d’Eurofisc a été définitivement adopté le 7
octobre 2010.
La participation des États membres est fondée sur le volontariat. La présidence d’Eurofisc est assurée par
la Belgique. Eurofisc est entré en vigueur le 1
er
janvier 2011.
Dans le ca
dre de ce dispositif, les États membres s’échangent instantanément des informations ciblées sur
les opérateurs intracommunautaires frauduleux.
Quatre domaines d’activité couvrant l’ensemble de la fraude transfrontalière à la TVA ont été mis en place
:
-
la
fraude carrousel dans tous les secteurs (secteurs de l’énergie compris)
;
-
la fraude aux véhicules et aux moyens de transport ;
-
la fraude à la procédure 42 (respect des conditions d’exonération de TVA d’une importation suivie
d’une livraison
intracommunautaire) ;
-
les nouvelles fraudes à la TVA.
L’animation de chaque domaine de travail a été confiée à un État membre qui en assure la présidence.
La France préside le domaine sur la fraude carrousel ».
Source : Extraits du rapport n° 673 de la
commission d’enquête du Sénat relatif à l’évasion des capitaux et des actifs
hors de France et ses incidences fiscales, p. 307.
Chaque pays participant signale aux autres pays des livraisons de biens ou des fournitures de
prestations de services susceptibles de fraudes à la TVA. Ces signalements reposent pour la
plupart sur des critères d’analyse risque.
En France, la DNEF pilote l’atelier consacré aux carrousels de TVA et la DGDDI, qui a rejoint le
réseau en 2014, coordonne le groupe de travail dédié sur la fraude au régime douanier 42
140
.
Selon les informations transmises par la DGFiP et la DGDDI, fin 2014,
plus de 100 000
entreprises ont ainsi été signalées
, majoritairement dans le secteur de la vente de moyens
de transport
141
. Les entreprises françaises signalées représentent en pourcentage de
l’ensemble des informations échangées
via
Eurofisc :
6,87
% de l’ensemble des informations sur les carrousels
;
11,17 % de celles sur les moyens de transports ;
21,10 % de celles sur le régime douanier 42.
Po
ur autant, la DGDDI souligne qu’en 2014, la France a reçu 700
signalements de la part
d’autres États membres portant sur 141 opérateurs français dont seulement une quinzaine
présentait une potentialité frauduleuse ce qui illustre
les marges de progression qui existe,
au sein du réseau, en matière de pertinence de l’analyse risque
ayant conduit au
signalement.
140
La Cour avait critiqué son absence d’Eurofisc dans son référé du 10
octobre
2013 sur les services de l’État et la
lutte contre la fraude fiscale internationale.
141
Les entreprises qui vendent des moyens de transport représentent en volume six fois plus de sociétés que
celles pratiquant le régime 42 et deux fois plus que celles présentant un risque de carrousel.
97
97
Par ailleurs, la France participe, toujours
dans le cadre d’Eurofisc, aux «
Early Warnings »
» qui
est un dispositif d'alerte lancé par les États
membres lorsqu’ils constatent des schémas de
fraude émergents ou des secteurs particulièrement touchés en matière de fraude à la TVA au
sein de leur pays. Ces schémas peuvent rapidement s’étendre à d’autres pays ou se décliner
dans d’autres secteurs d’acti
vité
142
. En ce sens, la rapidité de transmission de ces alertes est
primordiale.
Avec 10 alertes lancées sur les 45 recensées depuis le démarrage d’Eurofisc, la France est le
premier contributeur du réseau
143
.
L’initiative française a donc été
très positive
e
n créant un réseau d’échange informel
favorable au partage d’informations m
ême si la qualité de ces dernières demeure encore
inégale en fonction des pays.
3.2.5.2.2.
La coopération européenne en matière d’assistance et de contrôle demeure
perfectible
Le cadre juridique européen ne permet pas
aux administrations d’un État membre de
procéder à des contrôles sur le territoire d’un autre État membre (cf.
encadré 26), mais le
règlement n° 904/2010/CE du 7 octobre 2010 offre néanmoins une base juridique en
matière de TVA pour :
faciliter les échanges de renseignements pour améliorer la lutte contre la fraude à la
TVA intracommunautaire ;
déployer des contrôles multilatéraux.
Malgré une progression quasi-constante du
nombre de demandes d’assistance administrative
transmises par la France depuis une dizaine d’année
(cf. tableau 40), les délais de réponses
restent long et les contrôles multilatéraux rares
144
.
Certes, ces contrôles nécessitent par nature une coordination plus complexe qu’un contrôle
«
classique
», mais ils constituent une réponse efficace pour éliminer l’ensemble d’un réseau
frauduleux international.
La France n’utilise donc pas pleinement les possibilités offertes
au niveau européen en
matière de lutte contre la fraude à la TVA
.
Par ailleurs, si la France a nettement progressé dans ses délais de réponse aux demandes
d’assistance administrative étrangères (cf.
tableau 41), la Commission a néanmoins relevé
qu’elle était le seul pays à afficher des taux de réponse dans un délai de trois mois supérieurs
à 50 %.
Des marges de progrès existent donc au niveau de l’ensemble des pays européen
s en
matière de délai de réponse
aux demandes d’as
sistance administrative.
Or, en matière de lutte contre la fraude à la TVA, la rapidité de l’obtention des réponses est
d’autant plus essentielle que certains schémas frauduleux, comme les carrousels de TVA,
reposent sur des sociétés éphémères.
142
Les secteurs de l’énergie (36
%) et de la téléphonie (20 %) arrivent en tête des alertes. Ils sont suivis par les
schémas carrousellistes émergents (16 %).
143
Viennent ensuite le Royaume-
Uni avec six alertes, l’Allemagne avec cinq alertes et la Finlande avec quatre
alertes.
144
Moins d’une dizaine de contrôles
sur la période 2011-2013.
98
98
Encadré 26 : Cadre juridique encadrant les facultés des administrations nationales à exercer un
droit de contrôle sur le territoire d’un autre État membre
«
Dans l’Union européenne, l’article 6 de la directive 77/799/CEE sur l’assistance mu
tuelle en matière
d’impôts directs et l’article 28 du règlement 904/2010/CE en matière de TVA prévoient la possibilité pour
des fonctionnaires étrangers d’être présents à des contrôles effectués dans un autre pays de l’Union sous
réserve d’un accord entre
ces deux États. Ces fonctionnaires ne sont pas autorisés à mener des contrôles
actifs.
La directive 2011/16/UE du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine
fiscal entrée en vigueur au 1
er
janvier 2013 prévoit la possibilité nouvelle pour ces fonctionnaires
étrangers d’interroger des personnes et d’examiner des documents, sous réserve que la législation de
l’État membre requis le permette.
En droit interne, la loi n° 2011-1978 du 28 décembre
2011 a modifié l’article L.
45 du livre des procédures
fiscales (LPF). Depuis le 1
er
janvier 2012, les fonctionnaires étrangers peuvent interroger les contribuables
et leur demander des renseignements. Un décret en Conseil d’État doit préciser les modalités de cette
coopération.
Au total,
aucune base juridique ne permet à un fonctionnaire de « conduire » des contrôles à l’étranger. Il
peut y assister et y être associé sous la responsabilité des fonctionnaires de l’État requis
».
Source
: Rapport de la Commission d’enquête sur l’évasion de
s capitaux et des actifs hors de France et ses incidences
fiscales, juillet 2012, p. 531.
Tableau 40 :
Évolution du nombre de demandes d’assistance internationale en matière de TVA
(hors assistance en matière de recouvrement) sur la période 2005-2013
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Demandes
émises
par la
France
1 121
1 349
1 442
1 469
1 608
2 534
2 600
2 387
2 693
Demandes
reçues par
la France
1 896
1 677
1 648
1 821
2 033
1 853
1 925
1 779
1 850
Source : DGFiP.
Tableau 41 :
Évolution du taux de réponse de la France aux demandes d’assistance
administrative internationale dans un délai de trois mois
2011
2012
2013
43,34 %
51,81 %
61,20 %
Source : DGFiP.
99
99
3.3.
Le nombre important de mesures récentes pour renforcer les moyens de
lutte contre la fraude doit permettre de mieux endiguer le phénomène
Face à la multiplicité des fraudes à la TVA, à leur complexification et aux changements de
physionomie des fraudeurs,
la France a instauré depuis 2010 de nombreuses mesures
.
Si certaines d’entre elles sont spécifiques à la TVA, d’autre
s visent de façon plus générale à
endiguer les comportements frauduleux. Sans être exhaustif,
ce rapport reprend les
principaux dispositifs
qui devraient avoir un impact sur les fraudes à la TVA. Il s’agit
notamment :
de
l’
instauration de dispositifs
d’autoliquidation
de la TVA pour mettre fin aux
possibilités de schémas de carrousel dans certains secteurs ;
de la transposition en droit français du
mécanisme de réaction rapide
en cas de
détection d’une fraude soudaine et massive
;
de la mise en place
d’une
solidarité de paiement
entre le client assujetti et le vendeur
en cas de fraude
à la TVA sur les ventes de véhicules d’occasion
;
du
renforcement des obligations déclaratives
dans certains secteurs à risque ;
du
renforcement des liens entre l’administration fiscale et le ministère de la
justice
;
de
l’extension du champ
d’exercice du
droit de communication
.
En outre,
le Parlement a voté de nouveaux textes
pour permettre à l’administration
d’exercer son pouvoir de contrôle dans de meilleures conditions en ayant la possibilité d
e
statuer plus rapidement sur la validité d’un numéro intracommunautaire et en récupérant, en
contrôle fiscal externe
la comptabilité de l’entreprise vérifiée sous format dématérialisé.
Ces nouveaux outils juridiques devraient
entraîner une adaptation des méthodes de
travail de l’administration
.
Ces mesures sont pour la plupart récentes et certaines ne seront effectives
qu’en 2015. Dès
lors, elles ne peuvent pas faire l’objet d’une évaluation mais leur nombre important sur la
période récente (2010-2014)
atteste d’une volonté politique forte en matière de lutte
contre la fraude
.
3.3.1.
Des mesures ciblées pour endiguer la fraude dans certains secteurs
3.3.1.1.
L’instauration de dispositifs d’autoliquidation dans certains secteurs à risque et
la transposition en droit français d’un mécanisme de réaction rapide en cas de
détection d’une fraude soudaine et massive
L’instauration de dispositifs d’autoliquidation
chez le client assujetti est une mesure
efficace pour contrer les schémas de carrousels. En effet, dans ce cas de figure, la société
« taxi » défaillante ne peut plus être interposée (cf. paragraphe 2.1.3.1.1).
Dans ce contexte, la France a adopté sur la période 2010-2014 plusieurs dispositifs visant à
endiguer les phénomènes de fraude constatés dans les secteurs suivants :
transfert
de
quotas
d’émission
de
gaz
à
effet
de
serre
(quotas
de
CO₂,
cf. paragraphe 2.1.3.1.1)
: l’article
70 IV de la loi n° 2010-1658 de finances rectificative
pour 2010 du 29 décembre 2010 ;
fourniture de gaz, d’électricité et de services de communications électroniques
:
article 16 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificatives pour 2012 ;
100
100
secteur du bâtiment : article 25 de la loi n° 2013-1278 de finances pour 2013 du
29 décembre 2013 ;
secteur des livraisons et prestations de façon portant sur des déchets neufs d’industrie
et des matières de récupération : article 25 de la loi n° 2013-1278 de finances pour
2013 du 29 décembre 2013 ;
certains
travaux
immobiliers
(construction,
réparation,
nettoyage,
entretien,
transformation, démolition) effectués dans le cadre de contrats de sous-traitance :
codifiée à l’article
283-2 nonies du code général des impôts.
Par ailleurs,
le mécanisme de réaction rapide issu de la directive européenne
n° 2013/42/UE a été transposé en droit français
145
et permet désormais de faire acquitter
la TVA par l’assujetti destinataire des biens ou preneur des services, pour les livraisons de
biens et les prestations de services pour lesquels est constaté une urgence impérieuse tenant
à un risque de fraude à la TVA présentant un caractère soudain, massif et susceptible
d'entraîner pour le Trésor des pertes financières considérables et irréparables.
Avec
l’adoption de ces dispositifs d’autoliquidation,
la France rejoint
l’Allemagne
qui a
adopté de tels mécanismes pour les secteurs suivants :
certaines prestations de construction ;
livraison de ferrailles industrielles ;
le nettoyage de bâtiments ;
livraison de téléphone portables et circuits intégrés ;
c
ertaines livraisons d’or
;
transmissions de certificats d’émission
;
livraison de gaz et d’électricité par une société domestique.
3.3.1.2.
Le renforcement des moyens de lutte contre la fraude sur les ventes véhicules
d’occasion
Pour lutter plus efficacement contre
la fraude à la TVA sur les ventes de véhicules
d’occasion
(cf. paragraphe 2.1.3.2.1) des mesures ont progressivement été prises pour mieux
contrôler les conditions
d’application du régime de TVA sur la marge et pour instaurer une
solidarité de paiement entre tous les acteurs qui interviennent dans ce type de fraude.
L’article
12 de la loi n° 2012-1510 de finances rectificative pour 2012 a instauré un dispositif
de solidarité de paiement de la TVA par le client assujetti.
Ainsi, l’assujetti en faveur duquel a été effectuée une livraison de véhicules, et qui savait ou ne
pouvait ignorer que tout ou partie de cette livraison ou de toute livraison antérieure des
mêmes véhicules, a bénéficié indûment du régime de la marge, est solidairement tenu, avec
tout assujetti partie à cette livraison, au paiement de la TVA frauduleusement éludée.
Cette solidarité en paiement
, entrée en vigueur au 1
er
janvier 2013,
peut s’exercer à
l’égard de tout acquéreur assujetti dans la chaîne,
à raison de la taxe éludée par le
fournisseur situé en amont de la fraude.
De plus, l’article 21 de la loi n°
2014-1655 de finances rectificative pour 2014 vise à faciliter
la lutte contre la fraude eu régime de TVA sur la marge.
L’application du régime de la
marge est désormais conditionnée
à la justification par l’assujetti revendeur du véhicule
d’occasion du régime de TVA appliqué en amont par le titulaire du certificat
d’immatriculation du véhicule.
145
Article 283-2
decies
du code général des impôts.
101
101
En conséquence, l'assujetti revendeur ou le mandataire, agissant au nom et pour le compte de
l’acquéreur du véhicule, devra, à compter du 1
er
juillet 2015, demander lui-même à
l’administration fiscale le certificat fiscal nécessaire à l’immatriculation du v
éhicule
d’occasion lorsqu’il était précédemment immatriculé dans l’Union européenne et doit
justifier, pour l’obtention de ce certificat dit «
quitus fiscal
», du régime de TVA appliqué en
amont par le titulaire du certificat d’immatriculation.
3.3.1.3.
L’exclusio
n du régime simplifié des nouveaux opérateurs relevant du secteur du
bâtiment
Afin de lutter contre la fraude à la TVA réalisée par des entreprises éphémères, l'article 21.I C
de la loi n° 2014-1655 de finances rectificative pour 2014
exclut les entreprises nouvelles
relevant du secteur du bâtiment du régime simplifié d'imposition
(RSI) en matière de
TVA.
Sont ainsi concernées les entreprises du secteur du bâtiment qui :
débutent une activité imposable ;
reprennent une activité après une période de cessation temporaire ;
renoncent au bénéfice de la franchise en base de TVA et optent pour le paiement de la
TVA.
L'application du régime réel normal de TVA est donc désormais obligatoire pendant l'année
au cours de laquelle l'entreprise a débuté ou repris son activité ou a exercé l'option pour le
paiement de la TVA et pendant l'année suivante.
L'application du
régime simplifié d’imposition (
RSI), sous réserve d'en respecter les
conditions, ne sera possible qu’à compter du 1
er
janvier de la deuxième année qui suit le
début ou la reprise d'activité ou l'option pour le paiement de la TVA.
Ce dispositif ne s'applique qu’aux exercices ouverts à compter du 1
er
janvier 2015
.
3.3.2.
De nouveaux outils juridiques qui devraient entraîner une adaptation des
méthodes de contrôle
3.3.2.1.
L’extension
du droit de communication auprès des éditeurs et concepteurs de
logiciels de comptabilité
L’article 20 de la loi n°
2013-1117 du 6 décembre 2013 en matière de lutte contre la fraude
fiscale
et
la
grande
délinquance
économique
et
financière
autorise,
depuis
le
8 décembre
2013, l’administration fiscale à
exercer un droit de communication auprès
des éditeurs et concepteurs de logiciels de comptabilité ou de gestion ou de systèmes
de caisse
ou auprès de toute personne qui est intervenue techniquement sur les
fonctionnalités de ces produits, affectant la tenue du livre-journal.
En cascade, ce nouveau droit de communication permet à l’administration fiscale de mieux
détecter, au niveau des utilisateurs, la fraude consistant à minorer les recettes déclarées,
notamment en TVA
146
en effaçant une partie des recettes encaissées au moyen d'un logiciel
de caisse permissif (cf. paragraphe 2.1.3.2.2).
146
La dissimulation de recettes engendre également une diminution de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le
revenu.
102
102
Cette disposition est complétée par une nouvelle mesure présentée en projet de loi de
finances pour 2016
147
qui instaure l’utilisation obligatoire d’un logiciel ou d’un système
sécurisé, satisfaisant à des conditions d’inaltérabilité, d
e sécurisation, de conservation et
d’archivage. La détention d’un logiciel par une entreprise qui ne serait pas en mesure de
justifier qu’elle utilise un logiciel ou un système sécurisé serait passible d’une amende fiscale
d’un montant de 5
000
€.
3.3.2.2.
Le renfo
rcement des capacités de contrôle par l’administration fiscale du statut
à attribuer aux numéros de TVA intracommunautaire
La
lutte
contre
certaines
fraudes
à
la
TVA
(en
particulier
des
carrousels
cf. paragraphe 2.1.3.1.1) nécessite
une vigilance particulière sur la validité des numéros
de TVA
intracommunautaire
.
L’administration fiscale a donc mis en place en 2007 un dispositif de suspension des numéros
intra
communautaires afin d’empêcher, en cas de radiation du numéro d’une société que cette
dernière continue à réaliser des opérations intracommunautaires.
Cette procédure de suspension de numéro intracommunautaire est mise en œuvre
exclusivement par la direct
ion nationale des enquêtes fiscales (DNEF) à l’encontre de sociétés
ayant un profil d’entreprises défaillantes et devient effective lors de la constatation réelle de
la défaillance.
Depuis août 2013, les services impôts des entreprises (SIE) peuvent suspendre un numéro de
TVA intracommunautaire dès qu’un soupçon de fraude existe sur une entreprise
ce qui a
permis de réduire significativement les délais de suspension
qui sont passés de 52 jours
en moyenne en 2013 à 17 jours en 2014.
Par ailleurs, pour accro
ître les capacités de contrôle de l’administration, l'article 10 de la
loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale prévoit un
nouveau régime de contrôle des numéros de TVA intracommunautaire
148
.
Ainsi, depuis le 1
er
janvier 2014,
l'administration fiscale peut demander avant comme
après la délivrance du numéro de TVA intracommunautaire des informations pour
statuer sur l'attribution
, c'est-à-dire en amont, ou en aval, sur le maintien de cette
identification. Elle peut également réclamer tout élément permettant de justifier de la
réalisation ou de l’intention de réaliser des activités économiques entrant dans le champ
d’application de la TVA.
L’analyse des résultats obtenus en matière de suspension de numéros de TVA
intracommunautaire sur la période 2012-2014 démontre une amplification du nombre de ces
dernières qui ont quasiment doublées sur la période (cf. tableau 42).
Le caractère récent du renforcement législatif ne permet pas de le rattacher à l’augmentation
des résultats obtenus en matière de suspension de numéros de TVA intracommunautaire.
Néanmoins, la progression du nombre de suspensions réalisées et la réduction des délais de
mise en œuvre de la procédure de suspension répondent en partie aux critiques récurrentes
formulées notamment par le Sénat en la matière
149
.
147
Article 38 du projet de loi de finances pour 2016.
148
Ce nouveau dispositif a été codifié à l’article L.
10 BA du livre des procédures fiscales.
149
Cf. Rapport n°
673 de la commission d’enquête du Sénat relatif à l’évasion des capitaux et des actifs hors de
France et ses incidences fiscales publié au Journal officiel le 18 juillet 2012, p. 441 et 442.
103
103
Malgré tout,
la France demeure en retrait dans le domaine du contrôle des nouvelles
entrepris
es notamment par rapport à l’Allemagne
qui utilise activement le droit
d’enquête pour vérifier sur place la réalité de l’activité en cas de doute. Cette utilisation du
droit d’enquête est parfois appelée «
Begrüßung-Nachschau
» que l’on peut traduire par
« vérification de bienvenue
». Le nombre de droits d’enquête réalisés en Allemagne entre
2008 et 2012 est en croissance constante et s’établit en 2012 à plus de 80
000. Ce nombre de
contrôles importants permet d’assurer
une présence
de l’administration sur
le terrain et,
couplé aux conditions plus restrictives de l’accès au régime simplifié d’imposition, permet
une meilleure maîtrise des risques liés aux entreprises éphémères potentiellement vecteurs
de fraude.
La mise en place d’un dispositif similaire en France mériterait d’être étudiée par
l’administration.
Tableau 42 : Résultats obtenus en matière de suspension de numéros de TVA
intracommunautaire sur la période 2012-2014
2012
2013
2014
Nombre de procédures de
suspension de numéros de
TVA intracommunautaire
engagées
161
189
200
Nombre de suspensions
réalisées
95
150
183
Source : DGFiP, service du contrôle fiscal.
Tableau 43 :
Évolution du nombre de droits d’enquête réalisés par les administrations
fiscales
allemandes sur la période 2008-2012
2008
2009
2010
2011
2012
Nombre de
droits
d’enquête
réalisés
74 455
75 692
76 657
77 974
81 064
Source : DGFiP, attachée fiscale en Allemagne.
3.3.2.3.
Une évolution nécessaire des modalités de contrôle fiscal externe
L’administration fiscale dispose traditionnellement de deux grands types de procédures en
matière de contrôle fiscal externe :
une procédure de vérification générale ;
une procédure de vérification ponctuelle.
C
es procédures s’avèrent longues et se révèlent donc inadaptées en matière de lutte
contre la fraude à la TVA
où la rapidité d’action est un facteur clé de réussite pour
démanteler les réseaux de fraude.
La remise, par les entreprises vérifiées, de leur comptabilité sous format dématérialisé pour
les contrôles lancés à compter du 1
er
janvier 2014, conformément aux dispositions de
l’article
14 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, constitue
une avancée importante dans la modernisation des modalités de contrôle sur place
.
Bien qu’aucun bilan de ce dispositif n’ait encore été réalisé, la mise à disposition des
vérificateurs des écritures comptables sous un format dématérialisé est de nature à faciliter
le travail de ces derniers en optimisant leur temps de présence sur place. La détection
d’erreurs en matière d’application de taux ou de majoration de la TVA déductible pourrait
également être facilitée.
104
104
Conjuguée
à
une
plus
grande
performance
du
processus
de
programmation
(cf. paragraphe 3.2.4
),
à
l’amplification
de
la
coopération
entre
les
services
(cf. paragraphe 3.2.5)
et
au
renforcement
des
liens
avec
l
autorité
judiciaire
(cf. paragraphe 3.3.3),
cette mesure doit permettre d’accroître significativement l’efficience
du contrôle fiscal externe en ciblant davantage les axes d’investigations et en développant des
stratégies de contrôle mieux adaptées aux fraudes rencontrées.
3.3.3.
Le renforcement des liens entre l’administration fiscale et l’auto
rité judiciaire
ainsi que l’alourdissement des sanctions doivent permettre de renforcer la
finalité répressive des contrôles
Les mesures prises au plan judiciaire pour renforcer la poursuite et la répression des
infractions les plus graves ou complexes en matière économique, financière et fiscale issues
de la loi n° 2013-1117 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance
économique et financière sont détaillées dans une circulaire du ministère de la justice datée
du 23 janvier 2014
150
.
Une autre circulaire
151
co-signée par le ministre des finances et de comptes public et celui de
la justice, relative à la lutte contre la fraude fiscale, vise à renforcer les liens entre
l’administration fiscale et le ministère public
Bien que ces deux circulaires ne traitent pas spécifiquement des fraudes à la TVA, elles ont
notamment pour objectif de contrer les schémas frauduleux les plus complexes parmi
lesquels figurent certaines fraudes TVA comme les carrousels.
Sans reprendre l’intégralité des mesure
s, ce rapport en présente trois essentielles pour
accroître l’efficacité du démantèlement de réseau frauduleux
:
l’assouplissement des modalités de déclenchement des enquêtes judiciaires fiscales
;
le renforcement et la spécialisation des services d’enquêt
es dans le domaine de la lutte
contre la fraude ;
l’alourdissement des sanctions pénales pour les fraudeurs.
La conjugaison de ces éléments doit permettre de mieux déjouer les mécanismes frauduleux,
d’appréhender l’ensemble des intervenants, et
in fine
de mieux récupérer les sommes en jeu.
Ces dispositions renforcent incontestablement les capacités des administrations de contrôle à
mener des actions répressives vis-à-vis des fraudeurs et devraient influer positivement sur
les facteurs psychologiques qui sous-tendent la fraude en dissuadant ces derniers.
En outre,
Le juge dispose d’autres instruments juridiques qu’il peut utiliser de sa propre
initiative. Il s’agit tout d’abord du délit d’escroquerie de nature fiscale
régi par les
articles 313-1 et suivants
du code pénal. Les plaintes peuvent être déposées à l’initiative du
ministère public. En effet, il n'y a pas lieu de recueillir l'avis de la CIF avant d'engager la
procédure judiciaire, même si l'escroquerie a eu pour but ou pour effet d'obtenir le paiement
indu de la TVA ou de tout autre impôt
152
. L’information du parquet par un signalement réalisé
en application de l’article 40 du code de procédure pénale, plutôt que par une plainte, permet
de mettre en mouvement très rapidement l'action publique.
150
Circulaire NOR : JUSD1402112C.
151
Circulaire NOR : FCPE1412006C du 22 mai 2014.
152
Cass. crim., arrêt du 19 octobre 1987, n° 85-94605.
105
105
Il s’agit
ensuite du délit général de blanchiment créé par la loi n° 96-392 du 13 mai 1996
(article 324-
1 du code pénal). Le blanchiment peut être constitué dès lors qu’est caractérisé
un crime ou délit «profitable » quel qu’il soit. Il peut donc y avoir blanchimen
t de fraude
fiscale, infraction prévue à l’article 1741 du code général des impôts, qui incrimine la
soustraction frauduleuse à l’établissement ou au paiement de l’impôt. L’autonomie du délit de
blanchiment de fraude fiscale résulte des règles relatives au délit général de blanchiment, la
jurisprudence ayant consacré la possibilité d’une parfaite déconnexion entre l’infraction
primaire de fraude fiscale et la condamnation pour blanchiment.
Enfin, la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 a facilité la saisie et la confiscation en matière
pénale. L’un des objectifs de ce texte est de permettre à l’autorité judiciaire de pratiquer des «
saisies spéciales » sur des biens pouvant faire, en cas de condamnation, l’objet d’une
confiscation définitive au titre de peine
complémentaire. Le but est ici de garantir l’effectivité
de la future peine et ce avant même la condamnation pénale. Sont ainsi donnés au juge les
moyens de saisir, effectivement ou en valeur, les biens meubles ou immeubles de la personne
poursuivie du chef de blanchiment de fraude fiscale, puis de les confisquer en cas de
condamnation.
3.3.3.1.
Les conditions de déclenchement des enquêtes pour fraude fiscale ont été
assouplies pour accroître leur efficacité
La procédure judiciaire d’enquête fiscale a été créée en 2009 et peut être mise en œuvre en
amont ou au cours d’une procédure fiscale, et non au terme des opérations de contrôle
comme c’était le cas auparavant.
La poursuite, par l’autorité judiciaire, des fraudes fiscales comprises dans le champ de cette
procédure est conditionnée à une plainte préalable de la DGFiP à la suite
d’
un avis conforme
de la Commission des infractions fiscales.
En principe, la Commission des infractions fiscales, dont l’avis conforme est nécessaire pour
que l’administration puisse procéder à un dépôt de plainte, est tenue d’informer le
contribuable par lettre recommandée avec accusé de réception lui indiquant les griefs
formulés à son encontre et l’invitant à fournir dans un délai de trente jours, les informations
qu’il estime nécessaire.
Cette procédure, garante des droits des contribuables de bonne foi, était toutefois de nature à
entraver l’action de l’administration lorsqu’elle est confrontée à des comportements
délibérément frauduleux avec des contribuables prêts à falsifier les écritures et/ou masquer
les preuves de leurs exactions.
C’est pourquoi, l’article 23 de la loi n°
2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances
rectificative pour 2009
a supprimé l’obligation faîte à la CIF d’informer les contribuables
lorsqu’il existe des présomptions caractérisées d’une infraction fiscale pour la
quelle existe un
risque de dépérissement des preuves
. Le champ d’application de ces nouvelles modalités
procédurales a progressivement été étendu et couvre désormais les infractions qui résultent
(cf. encadré 27)
153
:
soit de l’utilisation, aux fins de se soustraire à l’impôt, de comptes ouverts ou de
contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger
;
soit de l’interposition de personn
es physiques ou morales, ou de tout organisme,
fiducie ou institution comparable établis à l’étranger
;
soit de l’usage d’une fausse identité ou de faux documents au sens de l’article 441
-1 du
code pénal ;
153
Article L. 228 du livre des procédures fiscales.
106
106
soit d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger
;
soit de toute manœuvre destinée à égarer l’administration.
En l’espèce, le champ large des infractions couvertes permet désormais d’englober les
fraudes de type carrousel de même que les toutes les fraudes intracommunautaires et accroît
ainsi
la réactivité de l’administration fiscale en cas de présomption de fraude.
En cas d’avis conforme de la CIF sur le caractère suffisamment étayé des présomptions de
fraude réunies par l’administration, elle autorise alors la mise en œuvre d’une en
quête
judiciaire fiscale destinée à en établir la réalité.
Dès lors, cette procédure est mise en œuvre dans les affaires complexes et à forts enjeux pour
lesquelles les procédures administratives de contrôle s’avèrent insuffisantes.
Le rapport annuel de la Commission des infractions fiscales de 2013 fait apparaître
un
nombre croissant de saisines relative à ce nouveau dispositif depuis 2011
avec un
nombre de dossiers présentés ayant doublé (cf. tableau 44).
Enfin, conformément à la circulaire de mai
2014 précitée, l’administration fiscale est
désormais encouragée à accroître ses liens avec l’autorité judiciaire. Dans ce cadre, elle utilise
de plus en plus
la transmission à
l’
autorité judiciaire au
titre de l’
article 40 du code de
procédure pénale en cas de soupçons sérieux de fraude (cf.
infra
)
.
Ces assouplissements dans les modalités de fonctionnement de la CIF et la transmission plus
régulièr
e d’informations aux autorités judiciaires en amont ou en cours de contrôle
permettent ainsi à l’administration fiscale d’accroître sa rapidité d’action lorsqu’elle est
confrontée à une présomption de fraude.
Tableau 44 : Évolution du nombre de saisine de la CIF pour des dossiers pour lesquels des
présomptions de fraude existent
2010
2011
2012
2013
Nombre de
saisines
44
38
58
80
Source
: Rapport annuel de la Commission des infractions fiscales 2013 à l’attention du Gouvernement et du
Parlement.
Encadré 27 : Historique des évolutions des modalités de fonctionnement de la CIF depuis 2011
La loi de finances rectif
icative pour 2009 (article 23) a instauré une procédure nouvelle d’examen par
la commission des infractions fiscales. Cette procédure concerne les affaires comportant des
présomptions caractérisées de fraude avec un risque de dépérissement des preuves. Elle se distingue
de la procédure classique par le fait que l’affaire est examinée sans que le contribuable soit avisé de la
saisine, ni informé de son avis.
Initialement, la procédure s’appliquait aux suspicions de soustraction à l’impôt par l’utilisation de
comptes bancaires ouverts auprès d’organismes établis dans un État n’ayant pas conclu de convention
d’assistance administrative avec la France, entrée en vigueur au moment des faits. Elle concernait
également les cas d’interposition de personnes physiques
ou morales relevant d’un tel État ainsi que
ceux d’usage d’une fausse identité ou de faux documents.
La loi n° 2011-1978 du 28 décembre
2011 a aménagé le texte en visant les États n’ayant pas conclu de
convention d’assistance administrative avec la
France depuis au moins trois ans au moment des faits.
Un nouvel aménagement est intervenu par la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 qui a étendu le
champ d’application de la procédure aux cas de domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger
et
à toute autre manœuvre destinée à égarer l’administration.
Enfin, la loi n° 2013-1117 du 6 décembre
2013 a substitué à la notion d'État n’ayant pas conclu de
convention d’assistance administrative avec la France à celle d'État étranger.
Source : Rapporteur, sur la base du rapport
annuel de la Commission des infractions fiscales 2013 à l’attention du
Gouvernement et du Parlement.
107
107
3.3.3.2.
La spécialisation du ministère public doit permettre de favoriser les échanges
avec le DGFiP afin de lutter plus efficacement contre les fraudes à la TVA
La loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 en matière de lutte contre la fraude fiscale et la
grande délinquance économique et financière a prévu la mise en place
d’un parquet
national financier
154
compétent en matière de fraude complexe ou commise en bande
organisée et d’escroquerie à la TVA lorsqu’elles apparaissent de grande complexité (comme
pour les carrousels TVA par exemple).
Depuis 2014, en matière de lutte contre les carrousels TVA, la direction nationale des
enquêtes fiscales dénonce les faits au procureur de la République
en parallèle ou en aval de
l’action administrative
, sans délai, dès que des soupçons de fraude ont pu être caractérisés.
Le choix d’une plainte pour fraude fiscale pour dénoncer des faits commis dans le cadre d’un
carrousel de TVA (ou d’un schéma approchant) est dorénavant écarté, car cette action est
trop tardive et peu adaptée à la répression de l’escroquerie en bande organisée
, au profit de
signalements sur la base de l’article 40 du code de procédure pé
nale.
Dans le cadre de cette
nouvelle stratégie pénale
, le parquet national financier a vocation à
devenir le principal interlocuteur de la DNEF dans le traitement des affaires de carrousel les
plus complexes.
Par ailleurs,
la spécialisation du ministère public
est de nature à favoriser cette nouvelle
stratégie de lutte contre les carrousels de TVA en permettant des échanges plus réactifs et
pertinents entre l’administration fiscale, dont le rôle primordial dans la détection des
carrousels est réaffirmé, et l'autorité judiciaire, qui dispose de moyens souvent plus adaptés
pour lutter contre cette forme de grande délinquance financière.
En outre
, la création d’un parquet national financier s’est accompagnée de celle de l’office
central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (
OCLCIFF
)
155
au
sein de la direction centrale de la police judiciaire de la direction générale de la police
nationale du ministère de l’Intérieur.
Ce service, qui comprend la brigade nationale de lutte contre la corruption et la criminalité
financière et la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, est désormais
compétent en matière de fraude fiscale et de blanchiment pour fraude fiscale et dispose pour
ce faire de toutes les
prérogatives d’un service d’enquête judiciaire
156
.
La mise en œuvre de ces moyens de police judiciaire est de nature à permettre un recueil plus
rapide d’informations, de caractériser de façon plus efficace la fra
ude fiscale complexe et de
mieux identifier l’ensemble des auteurs des faits.
De plus, elle permet par la suite de faciliter les opérations de contrôle fiscal diligentées par
l’administration qui peut
exploiter les informations recueillis dans le cadre de
l’enquête judiciaire
157
.
154
Dirigé par un procureur de la République financier placé, aux côtés du procureur de la République de Paris,
sous l’autorité du procureur général près la Cour d’appel de Paris.
155
Créé par le décret n° 2013-960 du 25 octobre 2013.
156
Écoutes, gardes à vue, perquisitions, etc.
157
En application des dispositions des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales.
108
108
3.3.3.3.
La France a considérablement alourdi les sanctions pénales encourues en
matière de fraude et a
désormais l’une des législations les plus sévères dans ce
domaine au niveau international
La loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la
grande délinquance économique et financière a
alourdi les sanctions encourues
en matière
de fraude fiscale. La fraude aggravée, caractérisée par au moins une circonstance aggravante,
est, depuis le 8 décembre
2013, passible d’une peine d’emprisonnement de sept ans et d’une
amende de 2
M€ tandis que la fraude fiscale non qualifiée d’aggravée demeure passible d’une
peine d’emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 0
,5
M€.
Corrélativement,
le délai de prescription a été allongé
de trois à six ans en matière de
fraude fiscale. Cette mesure vise notamment à faciliter le dépôt de plaintes pour fraudes
fiscales complexes, telles que les carrousels, pour lesquelles les opérations de contrôle fiscal
portent souvent sur une période excédant trois ans. Les plaintes relatives à cette typologie de
fraude peuvent donc viser une période plus longue, et partant, un quantum de droits plus
élevé. De même, elles sont susceptibles de c
oncerner des affaires fiscales jusqu’alors
prescrites en raison des délais des voies de recours.
Une comparaison avec l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et les Pays
-Bas montre que
la France
dispose désormais d’un des cadres législatifs les plus sévères en
matière de répression
pénale de la fraude fiscale
avec des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à sept
ans alors que pour les autres pays, les peines sont généralement plafonnées à six ans.
Ces mesures devraient avoir un impact psychologique fort pour dissuader les comportements
frauduleux.
109
109
Tableau 45 : Comparaison des sanctions pénales encourues en matière de fraude fiscale en
Allemagne, en Belgique, en Italie et en France
Pays
Sanctions pénales pour fraude fiscale
Allemagne
Il existe une échelle de sanctions qui va de 50 000
€ d’amende à 1M
€ et
des peines de prison qui deviennent fermes à partir de 100 000
€ d’amende
avec un minimum de deux ans lorsque l’amende est supérieure à 1M
€. Le
montant des amendes dépend
de l’appréciation des tribunaux de chaque
Länder
Belgique
En cas d’intention frauduleuse ou de dessein de nuire
: peine de prison
allant de huit jours à deux ans et/ou amende allant de 250
€ à 500
000
Fraude grave et/ou organisée : peine de prison allant de huit jours à cinq
ans et/ou amende allant de 250
€ à 500
000
France
En cas de fraude : montant maximum de 500 000
€ et jusqu’à cinq ans
d’emprisonnement
En cas de fraude aggravée : montant maximum de 2
M€ et jusqu’à sept ans
d’emprisonnement
Italie
Les sanctions financières relèvent exclusivement de la sphère
administrative et peuvent atteindre 240
% de l’impôt éludé
Peine de prison : de six mois à six ans en fonction de la nature et de la
gravité des faits constatés
Pays-Bas
En cas de fraude
: peine de prison allant jusqu’à six ans et/ou amende
pouvant aller jusqu’à 78
000
€ pour les personnes physiques et 780
000
pour les personnes morales
Source
: Extrait du rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de
France et ses incidences fiscales, p. 601, complété par les nouvelles dispositions applicables en France.
3.3.3.4.
La facilitation des saisies et confiscations en matière de blanchiment de fraude
fiscale
La loi n° 96-
392 du 13 mai 1996 a créé un délit général de blanchiment à l’article 324
-1 du
code pénal. Le blanchiment peut être constitué dès lors qu’est caractérisé un crime ou délit «
profitable » quel qu’il
soit.
Il peut donc y avoir blanchiment de fraude fiscale, infraction prévue à l’article 1741 du code
général des impôts qui incrimine la soustraction frauduleuse à l’établissement ou au
paiement de l’impôt (cf.
paragraphe 2.1.1).
L’autonomie du délit de blanchiment de fraude fiscale résulte des règles relatives au délit
général de blanchiment et la jurisprudence a consacré
la possibilité d’une parfai
te
déconnexion entre l’infraction primaire de fraude fiscale et la condamnation pour
blanchiment
158
.
La loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 a facilité la saisie et la confiscation en matière pénale.
L’un des objectifs de cette loi est de permettre à l’autorit
é judiciaire de pratiquer des « saisies
spéciales
» sur des biens pouvant faire, en cas de condamnation, l’objet d’une confiscation
définitive au titre de peine complémentaire. Le but est ici de garantir l’effectivité de la future
peine et ce avant même la condamnation pénale.
La loi de 2010 précitée est ainsi venue renforcée les moyens de saisine des sommes en cas de
délit de blanchiment de fraude fiscale.
158
Cf. arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 20 février 2008, n° 07-82977.
110
110
3.3.4.
Les réflexions en cours pour mieux taxer les opérations de ventes en ligne
doivent rapidement aboutir
Le développement de l’économie numérique induit un renforcement du risque de
non-reversement de la TVA au lieu de consommation des biens et des services
(cf. paragraphe 2.1.3.3).
De plus, en matière de TVA, au-delà de la fraude, une certaine évasion fiscale a pu naître à la
faveur de l’essor des ventes à distance
: des entreprises ont pu en effet s’implanter dans les
États membres ayant les plus faibles taux de TVA ce qui a entraîné une perte de recettes pour
certains autres États. Depuis le 1
er
janvier 2015, cette difficulté devrait être résolue suite à
l’entrée en vigueur du «
paquet TVA
» adopté en 2008
159
qui impose désormais une taxation
des prestations de service fournies par voie électronique dans l’État membre où est établi le
consommateur. La concurrence fiscale en matière de TVA devrait donc être jugulée.
Néanmoins, rien ne permet aujourd’hui d’avoir l’assurance que la solution apportée au niveau
de l’Union européenne sera bien respectée par les opérateurs
, en particulier étrangers,
compte tenu notamment de la faible capacité de contrôle de certains échanges.
Dès lors,
les travaux lancés par l’OCDE
sur la question des « petits envois » dans le but
d’accroître l’efficacité de la taxation de ces derniers doivent rapidement aboutir
. Le
calendrier de travail de l’OCDE prévoit d’ailleurs qu’un «
paquet complet » définissant les
principes directeurs en B to C soit finalisé en septembre 2015 et présenté au G 20 en octobre
2015 dans le cadre du projet
base erosion and profit shifting
(BEPS), action 1 : défis de
l’économie numérique.
Le principe de taxation au lieu du consommateur devrait être celui retenu
160
.
S’agissant de la question des «
petits envois », à ce stade,
plusieurs pistes sont envisagées
:
taxation au niveau de l’acheteur, cette solution est celle qui a été retenue par le Canada.
Elle repose sur le dépôt d’une déclaration par l’acheteur mais l’exe
mple canadien
montre qu’elle est très peu respectée dans les faits
;
taxation au niveau du vendeur, cette solution est celle qui s’applique actuellement et
qui connaît les limites décrites au paragraphe 2.1.3.3 ;
taxation au niveau de l’intermédiaire financier, cette solution s’appuierait sur des
opérateurs financiers spécifiques à l’e
-commerce (comme Paypal) qui disposent
d’informations précises su
r les achats réalisés en ligne et pourraient ainsi acquitter les
droits et taxes ;
taxation au niveau de l’intermédiaire de vente, soit au niveau du transporteur, soit au
niveau de l’opérateur (comme
Ebay, Amazon, Facebook
, etc.) ;
taxation au moyen d’une déclaration postale électronique, cette solution s’appuierait
sur le développement d’un suivi électronique des petits colis qui permettrait de
collecter les informations nécessaires à la taxation.
À ce stade
aucune des solutions envisagées n’est privilégié
e
, mais, compte tenu des enjeux
liés au développement rapide du commerce électronique, il est essentiel que
ces travaux
aboutissent rapidement et débouchent sur des préconisations opérationnelles
.
En outre, dans le domaine du contrôle fiscal des entreprises de ventes à distance non établies
en France, actuellement seule la direction des résidents étrangers et des services généraux
(DRESG) est compétente pour réaliser la vérification de ces entreprises.
159
Directive 2008/8/CE du Conseil européen du 12 février 2008 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui
concerne le lieu de taxation des prestations de services.
160
Il est également envisagé un système d’immatriculation simplifié avec l’octroi d’un numéro d’identification
n’ouvrant qu’
un droit à paiement de la taxe. Ce système a été mis en place en Afrique du sud.
111
111
L’évolution des échanges sur internet appelle
une
extension de ces compétences
à d’autres
structures de contrôle afin d’étoffer les capacités de l’administration fiscale en la matière
161
.
Fait pour être présenté devant le Conseil des prélèvements obligatoires, le 25 juin 2015 par le
rapporteur soussigné
Jérôme Dian
Inspecteur des finances
Rapporteur
161
Des réflexions seraient en cours à la DGFiP sur ce point et pourraient aboutir avant fin 2015.