COMMUNIQUE DE PRESSE
Le 2 décembre 2015
ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LE PROGRAMME
D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR
Une démarche exceptionnelle, des dérives à corriger
Le programme d’investissements d’avenir (PIA) met en oeuvre le rapport « Investir pour l’avenir :
priorités stratégiques d’investissement et emprunt national », remis en 2009 au Président
de la République. Il a été doté à cette fin de 35 Md€, inscrits dans la loi de finances rectificative
du 9 mars 2010.
Le premier PIA (PIA1) a été inscrit dans un cadre dérogatoire, tant en matière de gouvernance
que de gestion budgétaire, justifié par le caractère exceptionnel de la démarche. La pérennisation
de celle-ci, avec un second PIA en 2014 (PIA2) et l’annonce d’un troisième (PIA3),
impose aujourd’hui le retour au droit commun en matière de gestion budgétaire et financière.
Le PIA a cependant permis de développer des pratiques, notamment de sélection des projets
et d’évaluation, qui gagneraient à être généralisées.
Un programme ambitieux dont les spécificités ont tendance à s’estomper
La gestion spécifique du PIA repose sur le transfert de crédits à des opérateurs de l’État l’année de son
lancement, les opérations étant progressivement réalisées par ces derniers, ce qui conduit à contourner
les règles de l’annualité budgétaire et à ne pas soumettre ces crédits à la régulation.
Si le PIA1 correspond à la vision stratégique initiale, le PIA2, lancé en 2014 avant d’avoir pu évaluer les
résultats du premier, a été utilisé de manière moins ciblée, pour financer parfois des actions qui ne
relèvent pas de ses objectifs initiaux. Un PIA3 affaiblirait encore le caractère exceptionnel du programme.
Par ailleurs, les montants réellement disponibles (environ 24 Md€ pour le PIA1 et 10 Md€ pour le PIA2)
s’avèrent inférieurs à ceux avancés (respectivement 35 Md€ et 12 Md€), en raison de l’existence de
dotations non consommables, dont seuls les intérêts sont utilisables par les bénéficiaires. Au demeurant,
il n’y a pas eu d’augmentation de l’effort global d’investissement de l’État depuis 2010, effort que le PIA a,
au mieux, maintenu à niveau.
Le PIA a en revanche permis une gestion plus centralisée des investissements, une meilleure priorisation
des actions financées et la mobilisation des acteurs académiques et économiques, avec pour objectif de
mieux structurer l’enseignement supérieur, de faciliter le passage de la recherche à l’innovation et de
développer les filières de l’économie verte et du numérique.
Des particularités budgétaires aux conséquences contestables
La gestion extrabudgétaire des crédits du PIA, qui prive le Parlement de son pouvoir de décision et de
contrôle sur des montants de dépenses publiques très importants, visait à les préserver des régulations
budgétaires annuelles et infra-annuelles. Or 20 % environ des crédits du PIA1 et du PIA2 ne répondent
pas, totalement ou partiellement, à la vocation initiale du programme, soit parce qu’ils se substituent à
des crédits budgétaires ordinaires au lieu de s’y additionner, soit parce qu’ils financent des actions qui ne
relèvent pas des priorités du PIA et constituent en fait des débudgétisations. Dès lors, la Cour considère
que le traitement budgétaire particulier des crédits du PIA, notamment leur exclusion de la norme de
dépenses, n’est plus légitime.
De plus, le PIA risque d’avoir un coût pour les finances publiques à moyen et long terme. En effet,
certaines opérations, notamment en matière de recherche, financent des dépenses de personnel et de
fonctionnement de structures dont la pérennité, à la fin du PIA, pourrait nécessiter des financements
budgétaires classiques. Par ailleurs, des incertitudes existent sur le devenir des dotations non
consommables de certains programmes, qui représentent près de 9 Md€ ; elles pourraient conduire l’État
à verser, sans limite de durée, des intérêts aux bénéficiaires pour une dépense budgétaire annuelle
pouvant atteindre 300 M€ par an, ou à leur verser les dotations elles-mêmes.
Une gouvernance et des méthodes spécifiques
Le commissariat général à l’investissement, structure légère créée pour superviser l’ensemble de la
démarche, a montré son efficacité, mais n’a pas joué pleinement un rôle interministériel.
Les ministères
se retrouvent dans une position souvent affaiblie, la création du PIA reposant en partie sur une certaine
défiance vis-à-vis de leur capacité à arbitrer en faveur de l’investissement de moyen terme.
Le transfert des crédits aux opérateurs a permis d’éviter de créer des organismes
ad hoc
tout en limitant
les coûts de fonctionnement de l’ensemble.
Les opérateurs ont su faire preuve d’adaptabilité et de
souplesse, même si la mise en oeuvre du PIA a souvent été plus lente que prévu. Toutefois, le recours
aux opérateurs n’est pas justifié lorsque l’administration continue à assurer complètement la gestion des
crédits concernés.
Enfin, malgré des progrès certains, les procédures demeurent trop lourdes et devraient être mieux
adaptées à la taille et à l’objet des opérations à financer. Mais certaines bonnes pratiques, en matière de
sélection et d’évaluation des actions et des programmes, méritent d’être déployées plus largement.
Conclusion et recommandations
La Cour considère que l’objectif de donner la priorité aux investissements productifs et de protéger dans
le temps les crédits qui leur sont affectés, pour légitime qu’il puisse être, ne doit pas conduire à mettre en
place dans la durée, à côté du budget général, une forme de budget exceptionnel d’investissement. Les
innovations du PIA pourraient tout à fait être mises en oeuvre dans le cadre de la loi organique relative
aux lois de finances.
Il serait donc souhaitable que, contrairement au PIA2, le PIA3 prenne la forme d’un programme
budgétaire placé sous la responsabilité du Premier ministre, avec des règles spécifiques en matière de
régulation budgétaire. Il devrait aussi reposer sur un bilan à mi-parcours des actions déjà lancées par les
PIA précédents et donner lieu à un nouvel exercice de réflexion stratégique, qui s’inscrirait dans une
vision plus globale des dépenses de l’État et des autres formes de soutien public aux investissements
productifs.
La Cour formule huit recommandations.
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