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eNtItés et polItIques publIques
LE PROGRAMME
D’INVESTISSEMENTS
D’AVENIR
Une démarche exceptionnelle,
des dérives à corriger
Rapport public thématique
Synthèse
Décembre 2015
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
seul le rapport engage la Cour des comptes.
les réponses des administrations et des organismes concernés
figurent à la suite du rapport.
Sommaire
Synthèse du rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1
Un programme pour un « nouveau modèle de développement » . . .7
2
Des particularités budgétaires aux conséquences contestables
11
3
Une gouvernance originale à rééquilibrer et des procédures
à simplifier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Conclusion
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
17
Recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
19
3
une vision d’ensemble inédite du programme d’investissements
d’avenir
Lancé dans le cadre de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010, en
application du rapport « Investir pour l’avenir » remis en novembre 2009 par
la commission présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, le programme
d’investissements d’avenir (PIA) est, à l’origine, présenté comme un programme
exceptionnel d’investissements ciblés, particulièrement dans le domaine de la
recherche et de l’innovation. Son montant (35 Md€) correspond à celui proposé
par le rapport d’origine. Cependant, en janvier 2014, la loi de finances initiale
procède au lancement d’un PIA2 (12 Md€), présenté comme le prolongement
du programme lancé en 2010 et désormais appelé PIA1. Enfin, en mars 2015, le
Président de la République a annoncé le lancement d’un PIA3 en 2016.
Le programme d’investissements d’avenir présente trois spécificités :
- son objectif : financer des projets qui permettront une croissance future forte,
reposant sur un mode de développement plus durable, grâce à des investisse-
ments de long terme et innovants ;
- sa gestion budgétaire et financière qui vise à préserver le montant de ses cré-
dits au moyen d’une gestion extra-budgétaire ;
- sa gouvernance qui confie le pilotage de la mise en œuvre du programme, ser-
vice à une cellule dédié placée auprès du Premier ministre, le commissariat géné-
ral à l’investissement (CGI), et qui s’appuie sur les opérateurs de l’État plutôt que
sur les ministères.
Cinq ans après sa création, il est trop tôt pour évaluer les résultats du programme
mais le rapport de la Cour fait un premier bilan de sa mise en œuvre. Il s’agit
de vérifier si les objectifs initiaux ambitieux constituent toujours les axes
stratégiques d’action du PIA et si les dispositifs originaux et souvent en
dehors du droit commun dont il bénéficie ont eu les effets recherchés.
Introduction
Synthèse du rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
5
un dispositif original
La gestion budgétaire des crédits du PIA présente la particularité d’être organisée
en deux temps :
- l’année du lancement de chaque PIA (2010 et 2014), les crédits sont
ouverts dans le budget de l’État, sur des programmes budgétaires spéci-
fiques et ils sont tous versés à une douzaine d’opérateurs (Ademe, Andra,
Anah, ANR, Anru, ASP, BPI, CDC, CEA, CNES, FranceAgriMer, Onera), qui les
placent immédiatement sur un compte au Trésor ;
- ces opérateurs sont ensuite chargés, dans le cadre d’un mandat négocié avec
le commissariat général à l’investissement (CGI), de l’organisation de la sélec-
tion des projets, de la contractualisation avec le bénéficiaire final et du verse-
ment des crédits qui le concernent, du suivi des projets, etc.
Les décisions d’attribution et d’utilisation des fonds sont prises par le Premier
ministre sur avis du CGI, structure interministérielle créée pour piloter le PIA, ou, par
délégation, par le CGI lui-même, en dessous d’un seuil qui est passé de 5 M€ à 15 M€.
En pratique, les crédits ne sont réellement versés aux bénéficiaires finaux
qu’au rythme de la réalisation des investissements, les versements ayant
vocation à être réalisés sur plusieurs années. La durée de chaque programme
est fixée à 10 ans pour le PIA1 ; elle peut aller jusqu’à 15 ans pour le PIA2.
Les crédits des PIA peuvent être utilisés pour financer les actions de différentes
manières, suivant le type de projet et de bénéficiaire : subvention, avance rembour-
sable, prêt ou prise de participation. Ils se présentent sous deux formes distinctes :
- des dotations consommables (19,6  Md€ pour le PIA1 et 8,7  Md€ pour le
PIA2), versées aux opérateurs gestionnaires et dont l’encours diminue au fil
des décaissements au profit des bénéficiaires finaux ;
- des dotations non consommables (15 Md€ pour le PIA1 et 3,3 Md€ pour le
PIA2), qui servent d’assiette au calcul d’intérêts à taux fixes, seuls versés aux
destinataires finaux. L’Agence nationale de la recherche est le seul opérateur qui
reçoit et gère ce type de dotation.
Ainsi, alors que les montants affichés pour le PIA1 est de 35 Md€ et pour le
PIA2 de 12 Md€, les crédits réellement disponibles pour le financement des
projets, somme des dotations consommables et des intérêts des dotations non
consommables, s’élèvent environ à 24,3 Md€ pour le PIA1 et 9,7 Md€ pour le
PIA2, soit un écart d’une douzaine de milliards entre les deux présentations.
Introduction
Synthèse du rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
6
Source : Cour des comptes d’après CGI
* Auxquels il faut ajouter 360 M€ de taxe affectée à Oséo.
** À l’exception des décaissements éventuels d’intérêts pour les programmes Idex et Labex
au-delà de 2022
les différents types de dotations des pIA1 et 2
1
Un programme pour
un « nouveau modèle
de développement »
Synthèse du rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
7
un programme ambitieux mis
en œuvre progressivement
un objectif ambitieux
Le programme d’investissements
d’avenir est la réponse apportée aux
préconisations du rapport « Investir
pour l’avenir  » de la commission
présidée par MM. Juppé et Rocard
en 2009, visant « un nouveau modèle
de développement, plus durable »
reposant
sur
l’innovation
et
la
connaissance, appliquées prioritaire-
ment à «  l’économie verte  », c’est-à-
dire aux activités économiques qui
préservent l’environnement et les res-
sources naturelles.
Les crédits du PIA ont été donc
majoritairement destinés à financer
des projets d’excellence relevant de
la recherche et de l’enseignement
supérieur, portés par des universités,
des laboratoires ou d’autres structures
du secteur universitaire. Ils peuvent
aussi être directement attribués à des
entreprises,
notamment
dans
le
domaine de l’innovation, sous forme de
prêts, de prises de participation, de
financement de projets de recherche, etc.
Parallèlement
à
ces thématiques
transversales (recherche et innovation),
plusieurs thématiques sectorielles
sont plus particulièrement concernées :
l’énergie, la protection de l’environ-
nement, le numérique, l’espace et
l’aéronautique.
Globalement, les grandes orientations
du rapport initial de 2009, organisées
autour de la recherche, de l’innovation,
du soutien aux entreprises, des éco-
industries et du numérique, structurent
effectivement en grande partie
l’utilisation des crédits du PIA.
Toutefois, si la majorité des crédits est
bien « dans la cible » des propositions
d’origine, on note aussi, en particulier
dans le PIA2, des actions sectorielles
dans le nucléaire (1  Md€), l’espace
(560 M€), l’aéronautique (2,7 Md€) ou
la défense (1,8 Md€) qui en sont plus
éloignées.
Des effets qui commencent
à apparaître, malgré une mise
en œuvre très progressive
Le PIA1 et le PIA2 sont mis en œuvre de
manière progressive, plus lentement
que prévu à l’origine, notamment pour
certaines filières thématiques, comme
les éco-industries et le numérique.
Globalement, fin 2014, 75 % des crédits
du PIA1 étaient contractualisés et un
peu moins de 40 % décaissés.
Un programme pour un « nouveau modèle
de développement »
Source : Cour des comptes d’après répartition initiale des crédits
Répartition initiale des crédits des pIA1 et 2 par mission budgétaire
Synthèse du rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
8
Malgré une mise en œuvre très
progressive, les actions du PIA dans
certains domaines ont commencé à
avoir des effets visibles, notamment
en mobilisant les acteurs académiques
et économiques, pour mieux assurer le
passage de la recherche à l’innovation
et, si possible, à la mise sur le marché
des produits et services qui en sont
issus. Mais il faudra encore du
temps pour vérifier et mesurer les
conséquences de ces évolutions sur
l’économie, ainsi que la pertinence
des choix des projets sélectionnés
et mis en œuvre.
un programme qui devait être
exceptionnel, mais dont les
originalités s’estompent
Le caractère exceptionnel du PIA tend
à s’estomper et doit être relativisé,
pour plusieurs raisons :
- s’agissant des montants de crédits
mobilisés, les moyens réellement dis-
ponibles (environ 24 Md€ pour le PIA1
et 10 Md€ pour le PIA2) sont inférieurs
aux chiffres habituellement utilisés
(35  Md€ pour le PIA1 et 12  Md€
pour le PIA2), en raison de l’existence
de dotations non consommables,
dont seuls les intérêts seront utilisa-
bles par les bénéficiaires ;
pIA 1
pIA 2
Un programme pour un « nouveau modèle
de développement »
Avancement des pIA1 et 2 (montants cumulés en Md€)
Source : Cour des comptes d’après rapport d’activité du CGI pour 2014
*DC : dotations consommables
**DNC : dotations non consommables qui ne donnent lieu à décaissement qu’à hauteur des intérêts
auxquels elles donnent droit.
Synthèse du rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
9
- le lancement du PIA2 et l’annonce
d’un PIA3 ont affaibli le caractère
«  exceptionnel  » du programme, du
fait même de la répétition qui tend à
transformer le dispositif en un moyen
ordinaire
de
financement
des
investissements de l’État ;
- d’ailleurs, on ne constate pas
d’augmentation de l’effort d’inves-
tissement de l’État depuis 2010  : on
note au contraire un léger effrite-
ment. Le PIA a essentiellement pour
effet de gérer les investissements de
l’État dans une démarche plus centra-
lisée, avec une meilleure priorisation
des actions financées, plutôt que
d’augmenter globalement ces inves-
tissements dont il a permis, au mieux,
de maintenir le niveau ;
- en outre, si le PIA1 a bien été dimen-
sionné en fonction de la vision straté-
gique du rapport de 2009, le PIA2
lancé rapidement, avant même d’avoir
pu évaluer les résultats du PIA1,
repose sur une vision stratégique
moins structurée. Le retour à une
vision stratégique unifiée et renouve-
lée est donc souhaitable.
Un programme pour un « nouveau modèle
de développement »
Source : Cour des comptes à partir de chiffres Insee (comptes nationaux)
évolution des dépenses d’investissement (FbCF et transferts en capital)
de l’état et de ses opérateurs
Des efforts de lisibilité
et de transparence nécessaires
Compte tenu de la complexité et de
l’originalité du PIA, les informations
utilisées pour décrire le programme et
ses résultats doivent être plus pré-
cises et bien expliquées de manière,
notamment, à :
- faire mieux apparaître les montants
réellement disponibles pour financer
les projets, en distinguant les dotations
non
consommables
des
intérêts
qu’elles génèrent ;
- insister dans la communication sur
les montants contractualisés, plus repré-
sentatifs de l’avancement réel du pro-
gramme que les montants engagés  ;
- utiliser les notions de «  cofinance-
ment » et d’« effet de levier » confor-
mément à leur définition financière
habituelle et ne pas comptabiliser, en
particulier, les prêts garantis par le PIA
comme des co-financements ;
- ne pas comptabiliser les rembourse-
ments de prêts au titre des retours
financiers.
Synthèse du rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
10
2
Des particularités budgétaires
aux conséquences contestables
Synthèse du rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
11
les limites de la sanctuarisation
des crédits du pIA
une gestion extra-budgétaire pour
sanctuariser les crédits, mais qui
limite les capacités de contrôle
du parlement
La gestion budgétaire et financière
spécifique du PIA, qui repose sur le
transfert des crédits à des opérateurs
de l’État, qui sont chargés ensuite de
réaliser les opérations progressivement
pendant plusieurs années, conduit à
contourner les règles de l’annualité
budgétaire et à ne pas soumettre le PIA
à la régulation budgétaire annuelle.
Dans une période de lutte contre les
déficits publics et de rigueur budgé-
taire, l’objectif initial de ce dispositif
était de permettre de « sanctuariser »
les moyens du PIA et de se prémunir
contre tout risque de sacrifier le long
terme au court terme au cours des dix
années
de
mise
en
œuvre
du
programme :
- en évitant d’avoir à prendre chaque
année des décisions de report des cré-
dits, qui ne sont pas automatiques
d’une année sur l’autre, et qui menace-
raient les crédits des actions qui sont les
plus longues à être mises en œuvre ;
- en faisant surtout échapper le pro-
gramme à la régulation budgétaire
qui affecte les crédits de l’État ; une
fois transférés aux opérateurs, les
moyens du PIA ne sont en effet plus
directement concernés par les disposi-
tifs de mise en réserve et d’annulation
annuelle qui s’appliquent systémati-
quement aux crédits de l’État.
Cette gestion extra-budgétaire du PIA,
votée par le Parlement, a également
pour conséquence de priver ce dernier
d’une partie de son pouvoir de décision
sur
des
montants
de
dépenses
publiques très importants, malgré les
dispositions particulières prévues pour
son information. Ainsi, il n’a pu voter
que sur 28 % des redéploiements qui
ont eu lieu depuis 2010, alors qu’à
travers l’ensemble des 6,2  Md€
redéployés, l’utilisation des crédits
du PIA1 a été sensiblement modifiée.
Des dérives dans la gestion,
qui s’aggravent dans le pIA2
Dès le rapport de 2009, le principe
d’additionnalité des crédits du PIA par
rapport aux dotations habituelles des
ministères a été présenté comme une
condition essentielle de la réussite du
programme pour assurer que le PIA
constitue un effort d’investissement
particulier et supplémentaire et éviter
que l’on substitue les crédits du PIA
aux dotations budgétaires habituelles.
Des particularités budgétaires aux conséquences
contestables
Mais le financement de certaines actions
par les crédits du PIA ne correspond pas
au principe d’additionnalité affiché. Dès
le PIA1, le programme a servi à financer
des projets lancés avant la création du
PIA, mais sans financement assuré
(exemple des réacteurs Astrid et Jules
Horowitz) ou s’est substitué à des
financements préexistants (exemple du
fonds démonstrateur de l’Ademe). Il a
aussi été utilisé à financer des opéra-
tions dont la nature ou la finalité ne
relèvent pas du PIA.
Ces pratiques de débudgétisation,
qui peuvent être analysées comme
une forme de « régulation indirecte »
des crédits du PIA, se sont très nette-
ment accrues avec le PIA2 et ses
redéploiements. C’est le cas notamment
des crédits du PIA2 affectés par la loi de
finances initiale de 2014 au CEA
(1,7 Md€) dans le cadre de ses activités
pour le ministère de la défense et qui ne
financent pas de nouveaux projets,
mais compensent l’insuffisance des
recettes exceptionnelles qui devaient
alimenter le budget de la défense,
d’après la loi de programmation mili-
taire 2014 – 2019 votée en décembre
2013.
Au total, ce sont ainsi près de 20 % des
dotations du PIA qui ne répondent
pas, totalement ou partiellement, au
principe d’additionnalité.
Dès lors, il n’y a plus de légitimité au
traitement budgétaire particulier
des crédits du PIA, notamment à
l’exclusion de la norme de dépenses
des décaissements des dotations
consommables qui est rendue possible
par le transfert des crédits aux opérateurs
l’année du lancement du programme. La
Cour a déjà indiqué qu’un retour au droit
commun sur ce point était souhaitable
dans son rapport sur le budget de l’État
en 2014, publié en juin 2015
1
.
un impact différencié
sur le déficit de l’état
et sur la dette et le déficit
publics
le mythe du « grand emprunt »
À l’origine, le lancement d’un « grand
emprunt  » était censé financer les
propositions du rapport «  Investir
pour l’avenir ». En réalité, et contraire-
ment à l’assimilation qui est encore
souvent faite entre le PIA et ce projet
de « grand emprunt », il n’y a pas eu
d’emprunt spécifique pour financer le
PIA, ni en 2010 ni en 2014. Cette
situation n’est d’ailleurs pas critiquable,
car il aurait été, au contraire, de mauvaise
gestion d’emprunter massivement pour
des dépenses à réaliser ultérieurement
et, pour une part importante, à un
horizon lointain.
Des formes de financement
des investissements qui facilitent
le respect des engagements
européens de la France
Le PIA est donc financé comme les
autres dépenses de l’État  ; toutefois,
outre le mécanisme des dotations non
consommables, plusieurs modalités
visent à alléger son impact sur la
dette et le déficit publics. Ainsi, la
Synthèse du rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
12
________________
(1)
Cour des comptes
, Rapport sur le budget de l’État en 2014 - Résultats et gestion.
La Documentation française, mai 2015, 246 p., disponible sur www.comptes.fr
Des particularités budgétaires aux conséquences
contestables
Synthèse du rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
13
répartition initiale des crédits du PIA1
et du PIA2 fait une large place aux
prêts et aux prises de participation qui
ne sont pas pris en compte lorsqu’il
s’agit de vérifier si le déficit public
dépasse 3  % du PIB. Ces modes de
financement sont particulièrement
sollicités pour mettre en œuvre le
PIA, puisqu’ils représentent 29  %
(dans le PIA1 comme dans le PIA2)
de l’enveloppe disponible pour financer
les projets (dotations consommables
et intérêts des DNC). La réalisation de
prêts et de prises de participation, qui
ne sont pas comptabilisés dans le
déficit public, limite l’impact sur celui-ci
(environ 24 Md€ pour les PIA1 et 2) par
rapport à celui sur la dette publique
(34 Md€).
la recherche de retours financiers
pour l’état
Cependant, l’utilisation de ces formes
de financement n’a pas seulement
pour objectif de limiter leur impact sur
les comptes publics. Elle vise aussi à
augmenter les retours financiers à
moyen et long termes pour l’État, ce
qui a également conduit le CGI à faire
évoluer les outils classiques vers des
outils
nouveaux
permettant
des
retours financiers plus systématiques
(subvention avec redevance, avance
remboursable avec intéressement), qui
auront vocation à terme à diminuer
l’impact global du PIA sur le déficit
public.
Cette démarche de recherche de
retour financier présente un autre
avantage, puisqu’elle permet, en outre,
de
sélectionner
des
projets
plus
solides. Il faudrait toutefois que les
conditions de retour sur investissement
soient mieux adaptées aux différents
types de projets, et surtout connues
en amont de la sélection, pour
réduire certains effets pervers de la
généralisation de cette pratique
(innovation parfois bridée, négociation
souvent lourde et complexe).
le coût à long terme du pIA
Si ces retours ont vocation, à plus ou
moins long terme, à réduire l’impact
global des investissements d’avenir
sur les finances publiques, les éven-
tuelles pertes sur prêts ou prises de
participation auront l’effet inverse.
Par
ailleurs,
certaines
pratiques
pourraient avoir des conséquences
négatives sur le budget de l’État à
moyen et long termes :
- des opérations du PIA financent en
effet des dépenses de fonctionne-
ment de structures dont la pérennité
ne semble pas assurée sans soutien
de l’État, lorsque les financements du
programme seront terminés ; c’est le
cas, notamment, dans le domaine de
l’enseignement supérieur et de la
recherche, ainsi que dans le domaine
de l’éducation, de la formation et de
la jeunesse ;
- le montage complexe et largement
virtuel imaginé autour des dotations
non
consommables
pourrait
conduire l’État à verser, sans limite
de durée, des intérêts aux bénéfi-
ciaires
de
certains
programmes
(Initiatives d’excellence - Idex - et
Laboratoires d’excellence - Labex -) ,
soit
une
dépense
budgétaire
annuelle pouvant atteindre 300  M€
par an après la fin du PIA1, dans l’hy-
pothèse maximale.
3
Une gouvernance originale
à rééquilibrer et des procédures
à simplifier
Synthèse du rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
15
le CGI, une structure efficace
mais plus centralisée
qu’interministérielle
Le CGI, structure légère (36 personnes)
créée spécifiquement pour superviser
l’ensemble de la démarche, a montré
son efficacité dans la mise en œuvre du
PIA. Son rattachement direct au
Premier ministre, ainsi que sa mission
plus globale de veille sur la cohérence
de la politique d’investissement de l’État,
lui donne désormais un rôle central de
«  stratège  » et de coordonnateur en
matière d’investissements.
Pour mener à bien cette mission, il
doit toutefois développer les actions
d’animation des acteurs, de coordination
interministérielle et de communication
autour du PIA.
le rôle majeur mais diversifié
des opérateurs
Le transfert des crédits aux opérateurs a
permis d’éviter de créer des organismes
ad hoc
tout en limitant les coûts de
fonctionnement de l’ensemble (pour le
PIA1, environ 240 M€ sur 10 ans, dont
140  M€ directement à la charge du
PIA).
Ce recours aux opérateurs a pris des
formes très diverses selon les besoins
et les compétences de chacun. Il s’est
appuyé sur un mode de gouvernance
particulier, sous la forme de « mandats »
confiés
aux
opérateurs
par
des
conventions spécifiques, et non sur les
règles de tutelle habituelles, en
dépossédant les conseils d’adminis-
tration de leur pouvoir de décision.
Globalement, les opérateurs ont su faire
preuve d’adaptabilité et de souplesse,
même si la mise en œuvre du PIA a
souvent été plus lente que prévu.
Toutefois, le recours aux opérateurs
sert aussi parfois uniquement à faciliter
les
débudgétisations
(opérateurs
« écrans ») ou bien complique les procé-
dures, lorsque l’opérateur gère en fait
ses propres projets.
l’affaiblissement du rôle
des ministères
Les ministères sont souvent dans une
position affaiblie, la création du pro-
gramme d’investissements d’avenir
reposant, en partie, sur une certaine
défiance vis-à-vis de leur capacité à
arbitrer en faveur de l’investissement
de moyen terme, en période de difficulté
budgétaire.
Une gouvernance originale à rééquilibrer
et des procédures à simplifier
Dans ce contexte, les ministères doivent
s’organiser pour mieux suivre et utiliser
les actions du PIA au service des
politiques publiques dont ils ont la
charge.
Des procédures à simplifier
ou à préciser
Enfin, malgré des progrès certains, les
procédures
restent
encore
trop
lourdes et mériteraient souvent d’être
mieux adaptées à la taille et à l’objet
des opérations à financer, par exemple
en diversifiant les modes de prise de
décision selon les montants en jeu ou
en développant les possibilités de
veto
du CGI, plutôt qu’une décision du
Premier ministre.
Par ailleurs, l’évaluation a été considérée
dès l’origine comme une composante
du PIA (31  M€ pour le PIA1 et 16  M€
pour le PIA2), ce qui est une démarche
très positive. Mais sa mise en œuvre est
encore en cours de structuration et
repose sur un partage des rôles qui
mériterait d’être parfois précisé.
Synthèse du rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
16
Conclusion
À un moment où la qualité des investissements compte plus que leur volume,
le PIA a eu le mérite de faire reposer une partie des investissements de l’État
sur une réflexion stratégique explicite et partagée, permettant de définir des
priorités d’intervention, sur plusieurs années.
Dans la sélection et la mise en œuvre des actions du PIA, des pratiques ont été
développées qui méritent d’être déployées plus largement :
l
la recherche de l’excellence, en faisant appel à des jurys d’experts indépendants ;
l
la mise en place progressive, par tranche, de certains programmes avec des
procédures de clauses de rendez-vous intermédiaires ;
l
la prise en compte systématique de la dimension économique des
investissements publics en matière d’innovation et d’industrialisation des
procédés, voire de recherche de retour sur investissement pour certaines
formes d’intervention ;
l
l’évaluation des actions et des programmes, à une date préétablie, financée
avec des crédits pré-identifiés.
Mais l’existence d’un PIA2 et l’annonce d’un PIA3 changent la nature même du
programme qui était censé être exceptionnel. Cette prolongation du PIA ainsi
que les débudgétisations de plus en plus importantes auxquelles il donne lieu
rendent désormais injustifiées certaines de ses spécificités.
C’est le cas en particulier de la gestion extra-budgétaire de ses crédits et de leur
exclusion de la norme de dépenses  : en sortant de la norme une partie des
investissements de l’État, le PIA a facilité le respect de celle-ci malgré l’augmentation
des dépenses de fonctionnement, sans, pour autant, que le niveau des investissements
ait progressé.
L’objectif d’un programme qui vise à donner la priorité aux investissements
productifs et à protéger dans le temps les crédits qui leur sont affectés, pour
légitime qu’il puisse être, ne doit pas conduire à mettre en place dans la durée,
à côté du budget général, une forme de budget exceptionnel d’investissement
dérogeant à l’application de la loi organique relative aux lois de finances
(LOLF). En fait, comme le montre le non-respect du principe d’additionnalité
pour environ 20 % des crédits des PIA1 et 2, la protection de certains types de
crédits contre les coupes budgétaires relève plus d’un choix politique que de
règles normatives. Les innovations du PIA pourraient entrer dans le cadre des
règles actuelles.
17
Synthèse du rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
Conclusion
Synthèse du rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
Rien n’empêcherait que le PIA3 prenne ainsi la forme, au sein du budget de l’État,
d’un nouveau programme budgétaire, placé sous la responsabilité du Premier
ministre, pour lui conserver sa dimension interministérielle, et bénéficiant de
règles spécifiques en matière de régulation des crédits notamment.
Il serait souhaitable par ailleurs que, contrairement au PIA2, il donne lieu,
d’une part, à un bilan objectif à mi-parcours des actions déjà lancées par les
PIA précédents et, d’autre part, à un nouvel exercice de réflexion stratégique
sur les investissements de l’État dans le domaine productif, en les replaçant
dans une vision plus globale des dépenses de l’État et des différentes formes
de soutien possibles aux investissements productifs.
18
Recommandations
19
Synthèse du rapport public thématique sur le programme d’investissements d’avenir
1.
pour
assurer
une
meilleure
compréhension
et
une
plus
grande transparence des résultats
du PIA, mieux définir les données
budgétaires et financières, en
particulier les montants disponibles
pour financer les opérations, la mesure
de l’avancement du programme, la
définition de l’effet de levier et des
cofinancements, la comptabilisation
des retours financiers ;
2.
définir les conditions de retour
sur investissement adaptées aux
types et aux tailles des projets, dès
les
AAP
et
les
décisions
d’engagements ;
3.
élargir le périmètre des normes
de dépenses aux décaissements
annuels effectués par les opérateurs
dans le cadre de la mise en œuvre
du PIA (dotations consommables et
intérêts versés au titre des dotations
non consommables) ;
4.
clarifier rapidement le devenir
des dotations non consommables
des Idex et des Labex afin de ne pas
créer d’engagements de dépenses
budgétaires
pour
l’État
sans
limitation de durée ;
5.
proscrire le recours à des opérateurs
« écrans » dont l’intervention est
sans utilité par rapport à la gestion
budgétaire habituelle des opérations
concernées ;
6.
organiser le pilotage interminis-
tériel et transversal du PIA ;
7.
poursuivre la simplification des
procédures de sélection, de décision
et de gestion des opérations, en les
adaptant mieux à la taille et à l’objet
des actions financées ;
8.
créer une instance d’évaluation du
PIA, interministérielle et indépendante.