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QUATRIÈME CHAMBRE
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Première section
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Arrêt n° 72585
Audience publique du 9 juillet 2015
Prononcé du 10 septembre 2015
OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT DE CALAIS
(PAS-DE-CALAIS)
Appel d’un jugement de la chambre régionale
des comptes de Nord-Pas-de-Calais, Picardie
Rapport n° 2015-226-0
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête, enregistrée le 30 octobre 2014 au greffe de la chambre régionale des
comptes de Nord-Pas-de-Calais, Picardie, par laquelle M. X, comptable de l’office public de
l’habitat de Calais du 7 février au 31 décembre 2011, a élevé appel du jugement n° 2014-
0036 du 28 août 2014 par lequel ladite chambre régionale l’a constitué débiteur envers cet
office de la somme de 4 370 € au titre de l’exercice 2011, augmentée des intérêts de droit à
compter du 24 janvier 2014 ;
Vu la requête, enregistrée le 5 novembre 2014 au greffe de la chambre régionale des
comptes de Nord-Pas-de-Calais, Picardie, par laquelle M. Y, comptable de l’office public de
l’habitat de Calais du 18 février 2008 au 6 février 2011, a élevé appel du jugement n° 2014-
0036 du 28 août 2014 par lequel ladite chambre régionale l’a constitué débiteur des deniers
envers cet office de la somme de de 81 208,40 € au titre de l’exercice 2009, augmentée des
intérêts de droit calculés à compter du 25 février 2014 ;
Vu le réquisitoire du Procureur général près la Cour des comptes n° 2014-141 du 29
décembre 2014 transmettant à la Cour les requêtes précitées ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et produites en appel ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu les lois et règlements applicables à l’office public de l’habitat de Calais ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité
publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du
VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90
de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Nicolas HAUPTMANN, auditeur ;
Vu les conclusions du Procureur général n° 413 du 30 juin 2015 ;
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Entendu, lors de l’audience publique du 9 juillet 2015, M. HAUPTMANN, en son rapport,
M. Christian MICHAUT, avocat général, en les conclusions du ministère public ;
Après avoir entendu en délibéré M. Jean-Yves BERTUCCI, conseiller maître, en ses
observations ;
Attendu que les deux requêtes concernent le même jugement ; qu’il y a donc lieu de les
joindre ;
Sur la régularité
Attendu que M. X sollicite l’annulation du jugement attaqué au motif que le rapport
d’observations définitives sur la gestion de l’office public de l’habitat de Calais, arrêté par la
chambre régionale le 23 janvier 2014, mentionne le caractère irrégulier de l’attribution d’un
logement de fonction au directeur général de l’office et chiffre le montant indûment versé ;
qu’une telle mention constituerait selon le requérant un pré-jugement de l’affaire ;
Attendu que le rapport d’observations définitives de la chambre régionale sur la gestion de
l’office public de l’habitat constitue un document public dont le contenu a été délibéré avant
que ne soit rendu le jugement entrepris, mais qu’aucun développement de ce rapport ne
mentionne les conséquences que les irrégularités relevées pourraient emporter sur la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics de l’office ; qu’ainsi le
moyen du requérant manque en fait et qu’ il convient dès lors de l’écarter ;
Sur le fond
Sur la troisième charge
Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes de Nord-Pas-de-
Calais, Picardie a constitué M. X débiteur envers l’office public de l’habitat de Calais de la
somme de 4 370 €, pour avoir remboursé de juin à décembre 2011, au titre des avantages
en nature, 46 % du montant des loyers du logement de fonction attribué au directeur général
de l’office public de l’habitat alors qu’il existait une contradiction entre les pièces justificatives
présentées à l’appui de cette dépense qui aurait dû conduire le comptable à suspendre les
paiements ;
Attendu que M. X demande à la Cour d’infirmer le jugement dès lors qu’il estime qu’aucun
manquement à ses obligations de contrôle ne lui est imputable ;
Attendu que, l’article 1
er
du décret n° 2009-1218 du 12 octobre 2009 a modifié l’article
R. 421-20 du code de la construction et de l’habitat qui dispose désormais que «
la
rémunération annuelle brute du directeur général comporte une part forfaitaire et une part
variable. Cette rémunération est exclusive de tous avantages annexes en espèces ou en
nature autres que ceux mentionnés à l’article R. 421-20-1
» ; que cet article exclut en
conséquence l’éventuel remboursement de tout ou partie des loyers afférents à un logement
de fonction, ce que l’appelant ne discute pas ;
Attendu que M. X fait valoir en premier lieu que la délibération du conseil d’administration de
l’office du 30 novembre 2009, autorisant l’ordonnateur à prendre en compte l’évolution de la
réglementation, se borne à intégrer les modifications introduites par le décret du 12 octobre
2009 qui concernent la part forfaitaire et la part variable de la rémunération du directeur
général ; qu’elle n’en tire, selon lui, aucune conséquence affectant le remboursement de
46 % du montant de son loyer au titre des avantages en nature ; que la chambre régionale a,
au contraire, considéré que la délibération précitée se référait au décret en toutes ses
dispositions ;
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Attendu que ladite délibération précise dans ses motifs que
« le décret n° 2009-1218 publié
le 12 octobre 2009 a modifié les conditions de rémunération des directeurs généraux des
offices publics de l’habitat, en application du code de la construction et de l’habitation, en
définissant des modalités particulières quant à leurs missions, leurs responsabilités et aux
objectifs à atteindre
» ; qu’elle donne ainsi l’autorisation à l’ordonnateur de «
signer l’avenant
à intervenir avec le directeur général en fonction des normes rappelées précédemment
» ;
qu’il ne peut dès lors être contesté qu’elle entend tirer les conséquences sur le contrat de
travail de l’ensemble des modifications réglementaires relatives à la rémunération du
directeur général, y compris celles qui écartent la possibilité de maintenir des avantages en
nature et donc l’indemnité relative au logement de fonction ; que ce premier moyen manque
en fait comme en droit et doit être écarté ;
Attendu que le requérant soutient, en deuxième lieu, que les délibérations successives
adoptées par le conseil d’administration et les décisions de l’ordonnateur n’ont jamais remis
en cause cet avantage et, en troisième lieu, qu’il n’avait pas à se faire juge de la légalité des
pièces qui lui étaient produites ;
Attendu que le requérant a notamment produit une délibération du conseil d’administration
du 1
er
juin 2011 qui, si elle n’est pas exempte d’ambiguïtés, avalise néanmoins explicitement
l’octroi au directeur général d’une concession de logement par utilité de service, dans les
limites et conformément aux dispositions en vigueur, restriction dont il est légitime de penser
qu’elle s’applique ici aux dispositions relatives aux concessions de logement ; qu’à compter
de l’adoption de cette délibération, le comptable disposait donc d’une décision exécutoire de
l’organe délibérant qui pouvait être regardée comme dérogeant expressément au décret
précité du 12 octobre 2009 ; que cette décision s’imposait au comptable qui aurait excédé sa
compétence s’il en avait discuté la légalité ; que cette décision étant cohérente avec les
décisions antérieurement prises par
l’ordonnateur au sujet du contrat de travail du directeur
général, il n’existait plus, à compter de cette date, de contradictions entre les pièces
justificatives produites au comptable à l’appui des paiements ; que les moyens précités
doivent donc être admis ;
Attendu que l’ensemble des paiements réalisés par M. X inclus dans le débet prononcé à
son égard au titre de la troisième charge sont postérieurs à l’adoption de ladite délibération
puisque le premier d’entre eux concerne le mandat n° 1164 du 21 juin 2011 ; qu’il y aurait
lieu dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens, d’infirmer le jugement en
ce qu’il a, à tort, engagé la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ;
Sur la quatrième charge
Attendu que, par le même jugement, la chambre régionale des comptes a constitué M. Y
débiteur envers l’office de la somme de 81 208,40 € pour avoir procédé, par le mandat n° 83
du 26 février 2009, au paiement d’une prestation de service en l’absence des pièces
justificatives requises ;
Attendu que M. Y ne conteste pas l’existence d’un manquement, mais demande à la Cour
d’infirmer le jugement car il estime que ce manquement n’a pas causé de préjudice financier
à l’établissement dès lors que, selon lui, l’instruction n’a pas permis d’établir la preuve dudit
préjudice ; qu’il conteste notamment les termes du jugement selon lesquels le préjudice
résulterait de ce que « l’absence de mise en concurrence n’a pas permis à l’établissement
de négocier le meilleur prix » ; qu’en conséquence, il demande à la Cour de fixer
a minima
la
somme laissée à sa charge, compte tenu des circonstances de l’espèce ;
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Attendu que l’article 60 de la loi de finances susvisée du 23 février 1963 modifiée
subordonne désormais la mise en débet du comptable public au fait que le manquement à
ses obligations relevé par le juge ait directement entraîné un préjudice financier pour
l’organisme public concerné ; qu’aucune pièce versée au dossier ne permet d’établir que la
collectivité aurait obtenu un meilleur prix en respectant les formes prescrites par le code des
marchés publics ; qu’en fondant son appréciation sur ce seul critère, la chambre régionale
des comptes n’a pas établi avec certitude que le manquement du comptable à ses
obligations constituait la cause directe d’un préjudice financier pour l'office ; qu’il y a donc
lieu d’accueillir le moyen soulevé par le requérant et d’infirmer le jugement de la chambre
régionale sur ce point ;
Sur la fixation de la somme irrémissible
Attendu qu’il résulte de l’article 60 précité de la loi du 23 février 1963 modifiée et du décret
du 10 décembre 2012 susvisé que lorsque le manquement du comptable à ses obligations
n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge peut mettre à sa
charge, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce, une somme
irrémissible n’excédant pas 1,5 ‰ du montant du cautionnement prévu pour le poste
comptable, soit en l’espèce 340,50 € ;
Attendu que le requérant demande à la Cour de fixer a minima cette somme ; qu’au soutien
de cette demande, il invoque la décision du Conseil d’Etat du 8 février 2012, « Centre
communal d’action sociale de Polaincourt », qui a dissipé des incertitudes existant au sujet
des justifications que le comptable d’un établissement public local doit exiger en matière de
marchés publics à procédure adaptée, décision diffusée au réseau des comptables publics
du Trésor par l’instruction n° 12-011-M0 du 30 mai 2012 ; que l’incertitude qui prévalait au
moment du paiement peut être retenue comme une circonstance atténuante ;
Attendu par ailleurs que si le manquement relevé est isolé, il porte néanmoins sur un
paiement d’un montant significatif puisque supérieur à 80 000 €, qui aurait appelé une
vigilance particulière de la part du comptable ; qu’il sera donc fait une juste appréciation de
l’ensemble des circonstances de l’espèce, en fixant la somme irrémissible mise à la charge
de M. Y à 200 € ;
Par ces motifs,
DECIDE
:
Article 1
er
Le jugement n° 2014-0036 du 28 août 2014 de la chambre régionale des
comptes de Nord-Pas-de-Calais, Picardie est infirmé en ce qu’il a, à tort, engagé la
responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X au titre de la troisième charge.
Article 2 –
Le débet prononcé par ce même jugement à l’égard de M. Y au titre de la
quatrième charge est infirmé.
Article 3 -
Il est mis à la charge de M. Y une somme irrémissible de 200 € au titre de ladite
quatrième charge.
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Fait
et
jugé
en
la
Cour
des
comptes,
quatrième
chambre,
première
section.
Présents : M. Yves
ROLLAND,
président
de
section,
président
de
séance,
M
me
Anne FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue en activité, MM. Gérard
GANSER,
Jean-Pierre
LAFAURE,
Jean-Yves
BERTUCCI,
conseillers
maîtres,
et
M
me
Isabelle LATOURNARIE-WILLLEMS, conseillère maître.
En présence de M
me
Marie-Noëlle TOTH, greffière de séance.
Marie-Noëlle TOTH
Yves ROLLAND
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et
officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les
arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le
délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une
ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce
dans les conditions prévues au paragraphe I de l’article R. 142-15 du même code.