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FINANCES ET COMPTES PUBLICS
LES FINANCES
PUBLIQUES LOCALES
Synthèse du rapport sur la situation financière
et la gestion des collectivités territoriales
et de leurs établissements publics
Octobre 2015
g
AVERTISSEMENT
C
ette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation
du rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations et des collectivités figurent
à la suite du rapport.
SOMMAIRE
3
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Les collectivités locales et le redressement des comptes publics . . .9
2
L’évolution de la situation financière des collectivités locales
en 2014
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15
3
L’impact des normes
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19
4
L’enjeu de l’investissement local . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23
5
La fiabilité limitée des données budgétaires et comptables
. . . . .31
Recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
33
L’article L. 132-7 introduit dans le code des juridictions financières par la loi du
7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République prévoit
que la Cour des comptes établit chaque année un rapport portant sur la situation
financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements
publics. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement.
Le présent document est le troisième rapport que la Cour consacre aux finances
publiques locales et le premier au titre des nouvelles dispositions législatives.
Conduit dans le cadre d’une formation commune à la Cour et aux chambres régio-
nales et territoriales des comptes, ce rapport analyse la situation financière des
collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommu-
nale (EPCI).
La publication d’un rapport spécifique sur les finances publiques locales se justifie
par leur importance. Les administrations publiques locales (APUL) constituent
l’un des trois secteurs des administrations publiques avec celles de l’État et de la
sécurité sociale. En 2014, les dépenses des APUL représentaient 20 % des
dépenses publiques.
INTRODUCTION
5
Part des APUL dans la dépense publique en 2014
Source : Cour des comptes – données INSEE
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
6
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Au sein des APUL, les collectivités
locales
1
sont largement prépondérantes
en termes de dépenses devant les
organismes divers d’administration
locale (ODAL)
2
.
Part des collectivités locales dans les dépenses
et recettes des APUL en 2014
Source : Cour des comptes – données INSEE
______________________
1
En comptabilité nationale, l’agrégat des collectivités locales est constitué des comptes des budgets
principaux et des budgets annexes des collectivités territoriales (communes, départements, régions) et
de leurs groupements (communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés
urbaines, métropoles), des comptes des syndicats intercommunaux n’exerçant pas d’activité
industrielle et commerciale et des comptes des régies sans autonomie de gestion.
2
Les ODAL regroupent les établissements publics locaux disposant d’une compétence spécialisée
et d’une autonomie de décision : centres communaux d’action sociale (CCAS), caisses des écoles,
services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), organismes consulaires, établissements
publics locaux d’enseignement, etc.
La dette des APUL (188 Md€ en 2014)
représente 9 % de la dette publique. À la
différence de l’État et des administrations
de sécurité sociale, les collectivités locales
ne peuvent recourir à l’emprunt que pour
financer leurs dépenses d’investissement.
Part des APUL dans la dette publique
en 2014
Source : Cour des comptes
Introduction
7
En tant qu’administrations publiques, les collectivités territoriales et leurs
groupements sont concernés, au même titre que l’État et les organismes de
sécurité sociale, par le respect des engagements européens de la France en vue
du redressement de ses comptes publics, résultant notamment du traité sur la
stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) du 2 mars 2012. La loi organique
du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des
finances publiques, votée en application de ce traité, s’applique aux administrations
publiques locales. L’évolution de leurs dépenses et de leur solde est intégrée aux
lois de programmation pluriannuelle des finances publiques et aux programmes
annuels de stabilité.
À ce titre, le présent rapport analyse la contribution en 2014 des collectivités
locales au redressement des comptes publics (chapitre I).
Il étudie ensuite les effets sur les finances des collectivités locales
3
de la baisse
des dotations de l’État, intervenue pour la première fois en 2014 à hauteur de
1,5 Md€, qui doit se poursuivre à hauteur d’un montant cumulé de 10,75 Md€
au cours de la période 2015-2017, en application de la loi de programmation
pluriannuelle des finances publiques du 29 décembre 2014 (chapitre II).
Les collectivités locales mettent souvent l’accent sur les coûts supplémentaires
qui leur sont imposés par des décisions prises au plan national. La question des
« normes », notion relativement imprécise, constitue l’un des enjeux de leur dialogue
avec l’État. Le rapport présente le dispositif d’évaluation de l’impact des décisions de
l’État à caractère normatif, dont il étudie des exemples significatifs (chapitre III).
Les enseignements tirés de l’année 2014 et les éléments de prospective relatifs à
la période 2015-2017 permettent d’évaluer dans quelle mesure l’importance de
l’enjeu qui s’attache à l’investissement local peut être conciliée avec la nécessité
pour les collectivités locales, par une maîtrise plus rigoureuse de leurs dépenses,
de prendre leur juste part au redressement des comptes publics (chapitre IV).
Enfin, les appréciations portées sur la situation financière des collectivités locales,
prises dans leur ensemble ou individuellement, se heurtent encore à la fiabilité
perfectible des données budgétaires et comptables qu’elles produisent
(chapitre V).
______________________
3
À partir du chapitre II du rapport, les termes de « collectivités locales » désignent les
collectivités territoriales et leurs groupements, c’est-à-dire les communes et les groupements
intercommunaux, les départements et les régions.
Introduction
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
9
1
Les collectivités locales
et le redressement
des comptes publics
Une nouvelle dégradation de
la situation financière des
collectivités locales
Pour la première fois depuis 2010, les
dépenses des APUL (251,5 Md€) ont
baissé en 2014 (- 0,3 %). Cette évolution
a reposé sur les collectivités locales
dont les dépenses ont reculé de 0,6 %.
Les recettes des APUL ont progressé de
1,4 % et celles des collectivités locales
de 1,3 %, comme en 2013.
Les dépenses et les recettes des collecti-
vités locales s’élevaient respectivement
à 230 Md€ et 225 Md€ en 2014 en
montants consolidés, c’est-à-dire après
neutralisation des flux croisés entre
collectivités locales (subventions,
cofinancements, fonds de concours,
etc.). Le bloc communal (communes
et groupements intercommunaux à
fiscalité propre) représente plus de la
moitié des dépenses des collectivités
locales.
_________________________
4
La part des budgets annexes et des budgets principaux est issue des comptes de 2013.
Source : Cour des comptes – données INSEE
Décomposition de l’agrégat des collectivités locales en comptabilité nationale en 2014
4
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
10
Les collectivités locales et le redressement
des comptes publics
La poursuite de « l’effet de ciseaux »
Pour la troisième année consécutive,
les dépenses (177 Md€) et les recettes
(214 Md€) de fonctionnement des
collectivités locales ont connu en 2014
une évolution divergente, qualifiée
« d’effet de ciseaux », les premières
augmentant plus vite que les secondes,
soit respectivement de 2,2 % et de 1,3 %.
Source : Cour des comptes – données INSEE
Évolution des dépenses et des recettes des collectivités locales
(base 100 en 2010)
Les
dépenses
de
rémunération
(62,5 Md€), dont la Cour avait déjà
souligné le rythme de progression
trop rapide en 2012 (+ 3,4 %) et en
2013 (+ 3,3 %), ont augmenté à un
rythme encore accéléré en 2014
(+ 4 %).
L’épargne brute des collectivités locales
(37,4 Md€) a de nouveau diminué
sensiblement (- 2,7 %) ainsi que, par
suite, leurs dépenses d’investissement.
La formation brute de capital fixe des
collectivités locales (43,3 Md€) s’est
réduite de 9,8 % pour retrouver son
niveau de 2011 (42,9 Md€). Cette
évolution de la FBCF a été particuliè-
rement marquée dans les communes
et groupements intercommunaux à
fiscalité propre (- 12 %).
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
11
L’augmentation de la dette
La dette des APUL au sens du traité
de Maastricht s’élevait à 188 Md€ à la
fin de 2014, en hausse de 3,2 % par
rapport à 2013. La dette des collectivités
locales (179 Md€), qui représente la
presque totalité de celle des APUL, a
augmenté de 2,6 %.
L’objectif
d’évolution
de
la
dépense locale
Mettant en œuvre une recommandation
de la Cour
6
, la loi de programmation des
finances publiques pour 2014-2019 a
ajouté, pour la première fois, un objectif
d’évolution de la dépense publique locale
(ODEDEL), fixé à 1,2 % en 2014, 0,5 % en
2015, 1,9 % en 2016 et 2,0 % en 2017.
L’évolution de la dépense de fonctionne-
ment a été fixée à respectivement
2,8 %, 2,0 %, 2,2 % et 1,9 %. La définition
de l’ODEDEL dans la loi de programma-
tion est un progrès dans la mesure où
elle précise le lien entre l’évolution des
dépenses des collectivités locales et le
respect des engagements européens de
la France.
La Cour a évalué le respect de cet
objectif en 2014 en considérant les
dépenses des collectivités locales au
sens de la comptabilité nationale qui
inclut les budgets annexes : la dépense
publique locale a diminué de 0,24 % hors
syndicats
7
et de 0,64 % y compris ceux-ci.
Les dépenses de fonctionnement ont
augmenté respectivement de 2,4 % et
2,2 %. Quel que soit le périmètre retenu,
l’objectif prévu en 2014 a été respecté.
Les collectivités locales et le redressement
des comptes publics
Évolution de la formation brute de capital fixe des collectivités locales
5
Cour des comptes – données INSEE
______________________
5
Hors syndicats intercommunaux et syndicats mixtes.
6
Cour des comptes,
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques,
La
Documentation française, juin 2014, 248 p., disponible sur www.ccomptes.fr
7
Syndicats intercommunaux et syndicats mixtes.
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
12
Les collectivités locales et le redressement
des comptes publics
Mais la forte progression tendancielle
des dépenses de rémunération et des
dépenses sociales fait courir un risque
élevé de sortie de la trajectoire d’évolu-
tion des dépenses de fonctionnement
prévue par la loi de programmation. En
effet, depuis 2010, leur progression
annuelle, avec ou sans les syndicats,
n’a jamais été inférieure au taux de
2 % fixé pour 2015 par la loi. Si elles
continuaient de croître au même
rythme qu’entre 2011 et 2014, soit de
2,8 % en moyenne, l’ODEDEL ne pourrait
être respecté que moyennant une
réduction des dépenses d’investissement
de 7,6 % en 2015 puis 1,9 % en 2016
et 1,6 % en 2017, alors que la loi de
programmation prévoit leur reprise.
Évolution du solde des APUL
Cour des comptes – données INSEE
L’amélioration du solde des APUL
Si les budgets votés des collectivités
locales sont équilibrés par construction,
cet équilibre est obtenu par la souscrip-
tion d’emprunts, uniquement destinés
à financer une partie de leurs dépenses
d’investissement, à l’exclusion des
dépenses de fonctionnement.
La diminution du besoin de financement
Estimé en comptabilité nationale à
4,5 Md€, le besoin de financement des
APUL s’est réduit de 48 % en 2014 du
fait d’un recul de 8,6 % des dépenses
d’investissement (- 5,1 Md€), largement
supérieur
à
celui
de
l’épargne
(- 1,2 Md€).
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
13
La contribution des APUL à l’amélio-
ration du solde national
Au plan national, le déficit public s’est
établi en 2014 à 3,9 % du produit
intérieur brut (PIB) au lieu de 4,1 % en
2013. Alors que le déficit de l’État
s’est aggravé de 0,1 point de PIB, la
réduction de 0,2 point de celui des
APUL, ainsi que de 0,1 point de celui
des organismes de sécurité sociale, a
contribué à l’amélioration du solde
national.
Le renforcement souhaitable de
la gouvernance des finances
locales
La Cour relève que le respect de
l’ODEDEL en 2014 n’a pas empêché la
situation financière des collectivités
locales de se dégrader.
La nécessité d’un dialogue institutionnel
entre l’État et les collectivités locales
La définition de la trajectoire d’évolution
de la dépense locale, inscrite dans la loi
de
programmation
des
finances
publiques pour 2014-2019 ou dans
le programme de stabilité pour
2015-2018, n’a pas été concertée avec
les collectivités territoriales.
La création de l’Instance de dialogue
national des territoires, installée en
février 2015 par la ministre de la
décentralisation et de la fonction
publique et par le secrétaire d’État à la
réforme territoriale, pourrait constituer
une première étape en ce sens.
Pourtant, il n’apparaît pas à ce stade
que cette instance qui ne s’est réunie
qu’une seule fois, sans aborder la
question de la baisse des concours
financiers de l’État, permette d’améliorer
substantiellement la gouvernance des
finances locales.
La construction d’outils communs
d’analyse et de prévision
S’il revient au Parlement d’adopter
des
prévisions
d’évolution
des
recettes et des objectifs indicatifs de
dépenses des collectivités locales, il
serait légitime que ces dernières
soient associées à leur élaboration
par les services de l’État. La conférence
annuelle des finances publiques ras-
semble,
parmi
l’ensemble
des
acteurs concernés, des représentants
des collectivités territoriales. De
même, le comité des finances locales
(CFL) est une instance d’information
devant laquelle la direction du budget
a présenté en juillet 2015 la réalisation
des objectifs de dépenses publiques
puis, en septembre, la décomposition
de l’ODEDEL par catégorie de collecti-
vités, avant son application à compter
de 2016.
Toutefois, l’instauration d’un dialogue
plus efficace entre l’État et les collec-
tivités locales nécessite que leurs
représentants au sein des instances
de concertation se voient ouvrir l’accès
aux données financières consolidées,
ainsi qu’aux outils d’analyse et de
prévision utilisés par les services de
l’État, qui doivent être développés.
Les collectivités locales et le redressement
des comptes publics
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
14
Les collectivités locales et le redressement
des comptes publics
La perspective d’une loi de financement
des collectivités locales
Contrairement aux finances de l’État
et de la sécurité sociale, il n’existe pas
de cadre législatif définissant les
conditions de l’équilibre prévisionnel
des finances locales. Le Parlement
vote annuellement une loi de finances
pour l’État et une loi de financement
pour la sécurité sociale mais il n’en
existe pas dans le secteur public local.
Par analogie avec la sécurité sociale,
une loi de financement permettrait de
mettre en cohérence, pour chaque
catégorie de collectivités locales, les
prévisions de dépenses, à travers des
objectifs indicatifs constituant une
déclinaison de l’ODEDEL, de recettes,
en tenant compte notamment de la
baisse des dotations de l’État et des
mesures fiscales nouvelles, et de
solde. Une telle loi de financement ne
devrait pas poser de problème de
compatibilité avec l’article 72 de la
Constitution qui prévoit que, si les
collectivités locales s’administrent
librement, elles le font dans les
conditions prévues par la loi. La Cour
réitère donc sa recommandation en
ce sens.
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
15
2
L’évolution de la situation
financière des collectivités
locales en 2014
Dans l’ensemble, la baisse relativement
limitée des dotations de l’État en
2014, conjuguée au ralentissement
des ressources fiscales, s’est traduite
par une contrainte financière accrue
sur la gestion des collectivités locales,
qui ne s’est pas exercée de la même
manière sur les différentes catégories
de collectivités et en leur sein.
Une
nouvelle
contrainte
financière
La première baisse des concours
financiers de l’État
En 2014, pour la première fois, la
dotation globale de fonctionnement
(DGF) versée aux collectivités territo-
riales (40,1 Md€) a été réduite de
1,5 Md€ (- 3,3 %) au titre de leur
contribution au redressement des
comptes publics. Cependant, l’ensemble
des
concours
financiers
de
l’État
(71,4 Md€) a baissé de seulement
0,59 Md€ (- 0,8 %) à périmètre constant
(hors réforme du financement de la taxe
professionnelle).
La fiscalité transférée aux collectivités
territoriales a progressé de près de
3 Md€, essentiellement en faveur des
départements et des régions. Pour
les aider à faire face à la croissance
soutenue de leurs dépenses sociales,
les départements ont bénéficié de la
faculté de relever le taux des droits
de mutation à titre onéreux (DMTO)
au-delà de 3,80 % et dans la limite
de 4,50 %. De plus, l’État leur a
transféré 841 M€ de ressources fiscales
supplémentaires sous la forme d’une
rétrocession de frais d’assiette et de
recouvrement de la taxe foncière sur
les propriétés bâties. Les régions ont
bénéficié d’un accroissement de la
quote-part de la taxe intérieure sur la
consommation de produits énergé-
tiques (TICPE) au titre d’un ajustement
des droits à compensation des transferts
de compétences résultant de l’acte II
de la décentralisation.
En conséquence, le total des transferts
financiers de l’État (103 Md€ en 2014)
a progressé de 0,88 Md€, soit de 0,9 %,
mais
cette
progression
n’a
pas
concerné toutes les catégories de
collectivités : si les transferts financiers
ont augmenté de 1 Md€ dans les
départements (+ 2,5 %) et de 0,2 Md€
dans les régions (+ 1,2 %), ils ont reculé
de 0,2 Md€ dans le secteur communal
(- 0,5 %).
Une faible évolution de la fiscalité
locale
Globalement, les ressources fiscales
des collectivités locales ont progressé
de 3,3 % en 2014, soit un surcroît de
3,8 Md€.
Les communes, les groupements
intercommunaux à fiscalité propre et
les départements ont utilisé avec
modération le levier de la fiscalité
directe pesant sur les ménages. La
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
16
progression des produits correspon-
dants a, pour l’essentiel, résulté de la
croissance des bases locatives cadas-
trales et non d’une hausse des taux.
Elle a atteint 2,1 % dans le secteur
communal et 2,4 % dans les départe-
ments. Les régions, qui ne disposent
plus depuis 2010 de ressources perçues
sur les ménages, n’ont pu bénéficier
d’une telle progression.
La croissance de la fiscalité directe
locale (+ 1,5 %) a été fortement ralentie
par le recul du produit de la cotisation
sur la valeur ajoutée des entreprises
(CVAE), de 2,5 % pour chaque catégorie
de collectivités. Les régions en ont été
particulièrement affectées, la fiscalité
économique représentant un cinquième
de leurs produits de fonctionnement.
Une
dégradation
d’ensemble,
avec des évolutions différentes
par catégorie
Les finances communales
La situation financière des communes,
prises dans leur ensemble, s’est dégradée
en 2014, poursuivant la tendance des
deux années précédentes, aggravée
par la baisse de la DGF, d’un montant
de 670 M€ à comparer avec celle de
leur épargne brute, estimée à 930 M€.
La baisse de la DGF ne constitue pas le
seul facteur explicatif de la dégradation
de la situation financière des communes
en 2014, qui a aussi résulté de l’effet de
ciseaux
constaté
depuis
plusieurs
années entre la progression de leurs
ressources fiscales et celle de leurs
charges de fonctionnement. Même si
une partie des communes ont engagé
des efforts d’économies, notamment
sur les achats de biens et services
(- 2 %), la progression de leur masse
salariale est restée trop vive (+ 4 %).
Les communes ont globalement vu la
croissance de leurs produits fiscaux se
ralentir fortement (+ 0,77 % en 2014
au lieu de + 2,5 % l’année précédente).
Le faible surcroît de ressources fiscales
(+ 370 M€) n’a permis de compenser
que la moitié de la baisse de la DGF.
Différent selon les strates démogra-
phiques, ce bilan a été le plus négatif
pour les communes de moins de
3 500 habitants et celles de 50 000 à
100 000 habitants. Il n’a été positif que
pour celles comprises entre 3 500 et
10 000 habitants. Par rapport à leur
rythme d’évolution en 2013, le ralen-
tissement des ressources fiscales a eu
un impact d’un montant équivalent à
la baisse de la DGF.
Les investissements ont marqué un
recul de 3,6 Md€ (- 14 %) largement
supérieur à celui de l’épargne brute
(- 930 M€). Il a été lié en partie à
l’effet de cycle électoral, sans doute
particulièrement marqué du fait de la
forte proportion de changements
d’exécutifs à l’issue des élections
municipales. Dans ces conditions,
l’endettement des communes (hormis
celles de plus de 100 000 habitants) a
globalement peu augmenté (+ 0,9 %)
mais leur capacité de désendettement
a continué à se dégrader.
L’évolution de la situation financière
des collectivités locales en 2014
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
17
L’évolution de la situation financière
des collectivités locales en 2014
Les
finances
des
groupements
intercommunaux
Contrairement à l’année 2013 qui
avait vu l’évolution de la situation
financière des établissements publics
de coopération intercommunale (EPCI)
se distinguer de celles des communes,
l’année 2014 a été marquée par une
chute de 12 % de leur épargne brute
(- 610 M€), largement supérieure à la
baisse de la DGF (- 252 M€).
La détérioration de la situation
financière des EPCI a d’abord été
provoquée par la progression de
leurs dépenses de fonctionnement
(+ 3,5 %) qui, soutenue par la forte
croissance de leurs dépenses de
personnel (+ 7,1 %), a été trop rapide,
malgré certains efforts de gestion, au
regard de la quasi-stagnation de
leurs recettes de fonctionnement
(+ 0,4 %).
Cette dégradation de l’épargne brute
a contribué au recul de 7,2 % des
dépenses d’investissement (- 680 M€)
et à l’accroissement de 2,6 % de la
dette des EPCI.
Les finances départementales
En 2014, la dégradation de l’équilibre
financier des départements s’est
poursuivie. En raison essentiellement de
la dynamique de leurs dépenses sociales
(+ 4,0 %) et, dans une moindre mesure,
de leurs dépenses de personnel (+ 1,9 %),
leurs charges de fonctionnement ont
continué, malgré la réduction d’autres
postes de dépenses, à augmenter plus
vite que leurs produits. L’érosion de
l’épargne brute des départements
(-190 M€) a été inférieure à celle de la
DGF versée par l’État (- 476 M€). Leurs
dépenses d’investissement ont reculé
de 3,7 % (- 410 M€).
La Cour a déjà souligné, dans ses
précédents rapports, la fragilité de la
structure financière des départements,
due à la dépendance de leurs recettes
aux aléas du marché immobilier. Ce
constat est renforcé par l’analyse de
leur situation financière en 2014 même
si le relèvement du taux plafond des
droits de mutation à titre onéreux
(DMTO), en stimulant provisoirement le
dynamisme de leurs ressources fiscales,
a pu ménager une pause relative dans
le mouvement de dégradation.
Le risque est que l’année 2015
connaisse une nouvelle accélération
de l’effet de ciseaux. Aussi, dans un
contexte de baisse des dotations de
l’État, d’absence de levier fiscal et
d’évolution toujours soutenue de leurs
dépenses sociales, les départements
sont confrontés à la nécessité de réaliser
d’importants efforts d’économies pour
préserver leur équilibre budgétaire.
D’ici 2017, à législation constante,
certains d’entre eux pourraient être
dans l’incapacité d’équilibrer leur
budget. En effet, la baisse cumulée de
la DGF devrait représenter environ 6 %
de leurs recettes de fonctionnement,
toutes choses égales par ailleurs. Or, si
leur taux d’épargne brute était en
moyenne de 11 % en 2014, il était
inférieur ou égal à 6 % dans neuf
départements qui ne pourront donc
vraisemblablement pas absorber la
baisse de la DGF prévue.
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
18
Les finances régionales
Globalement, la situation financière des
régions est marquée par une tendance
à la dégradation du fait d’un effet
de ciseaux entre l’évolution de leurs
charges et de leurs produits de
fonctionnement, qui s’est aggravé
en 2014 à cause du recul des
seconds (- 1,2 % contre + 1,5 %
pour les charges). Aussi, malgré les
efforts de maîtrise des dépenses de
fonctionnement, hors personnel,
manifestés par certaines d’entre elles,
la baisse de l’épargne brute des régions
(- 540 M€) a été nettement supérieure
à celle de la DGF (- 184 M€). Les
régions ont quand même globalement
accru leurs investissements (+ 3,4 %) au
prix d’une nouvelle mobilisation de
leurs fonds de roulement et d’un
endettement supplémentaire (+ 8,5 %).
Avec en moyenne un taux d’épargne
brute de 21 % de leurs recettes réelles
de
fonctionnement
en
2014,
les
régions paraissent globalement en
mesure d’absorber la baisse de la DGF
prévue de 2015 à 2017, qui représente
environ 6 % de ces recettes, toutes
choses égales par ailleurs. Cependant,
du fait de leur diversité, certaines
d’entre elles pourraient se trouver
dans une situation financière délicate
en raison de la part importante des
dépenses sur lesquelles elles n’ont
que peu de prise (participations versées
à la SNCF notamment) et de leur quasi-
incapacité à agir sur les taux de leurs
impôts locaux.
*
**
Au total, l’analyse de l’exercice 2014
laisse entrevoir la difficulté de certaines
collectivités, en proie aux situations
financières les plus dégradées, à
équilibrer leurs budgets de fonction-
nement dans un contexte de baisse
accélérée des dotations de l’État. La
répartition uniforme de la baisse de
la DGF, calculée au prorata des
recettes des collectivités, ne paraît
pas adaptée à la grande diversité des
situations, y compris au sein de
chaque catégorie.
À cet égard, le rapport de la Cour sur
les finances publiques locales de 2014
avait souligné l’efficacité limitée des
dispositifs de péréquation pour réduire
les écarts de richesse, notamment au
sein du bloc communal, et insisté sur la
nécessité de les faire évoluer.
Aussi, pour pouvoir être appliquée à
la hauteur prévue, soit 10,75 Md€
d’ici 2017, la baisse de la DGF
devrait
être
opérée
selon
une
logique de péréquation plus affirmée
en fonction d’indicateurs représentatifs
des niveaux de richesses et de charges
des collectivités.
L’évolution de la situation financière
des collectivités locales en 2014
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
19
3
L’impact des normes
Les décisions de l’État, de nature
législative ou réglementaire, ont un
impact sur les conditions d’exercice
des missions des différents acteurs de
la vie publique, dont les collectivités
territoriales.
Cet
impact
prend
diverses formes : transposition en droit
français de normes internationales ou
européennes, mesures d’harmonisation
(entre
fonctions
publiques
par
exemple), mise en œuvre d’un choix
de politique publique impliquant les
collectivités locales (réforme des
rythmes scolaires, par exemple).
L’évaluation du coût des normes :
un dispositif perfectible
L’évaluation de l’impact des textes
applicables aux collectivités territoriales
relève de deux instances, l’une politique,
le Conseil national d’évaluation des
normes (CNEN), dont le secrétariat est
assuré par la direction générale des
collectivité locales (DGCL), et l’autre,
administrative, le Secrétariat général
du Gouvernement (SGG), responsable
de la mise en œuvre d’une mesure de
gel de la réglementation.
Un double dispositif
Deux instances aux missions distinctes
Le CNEN, composé en majorité
d’élus locaux, travaille en lien avec les
associations nationales de collectivités
locales. Il est doté d’attributions
accrues par rapport à la Commission
consultative d’évaluation des normes
(CCEN) qu’il a remplacée à partir du
3 juillet 2014. Il doit être consulté par le
Gouvernement sur l’impact technique
et financier sur les collectivités locales
des projets de textes réglementaires
ainsi que des projets de loi créant ou
modifiant des normes qui leur sont
applicables. À la différence de l’instance
qui l’a précédé, le CNEN est également
compétent pour évaluer le stock des
normes réglementaires en vigueur.
Le SGG est responsable du gel de la
réglementation depuis le 1
er
septembre
2013 dans les conditions définies par
une circulaire du Premier ministre du
17 juillet 2013. Désormais, tout projet
de texte réglementaire imposant des
charges nouvelles aux collectivités
territoriales, aux entreprises ou au
public (particuliers, associations) ne
peut être adopté que s’il s’accompagne
d’une simplification équivalente.
Le champ d’application de la mission
dévolue au SGG est différent de celui
du CNEN. Ainsi, sont exclus du gel les
dispositions portant première applica-
tion des lois ou transposition de normes
européennes, les textes d’organisation
interne des administrations, les mesures
nouvelles en matière de fonction
publique et les textes à portée purement
financière (taxes, redevances, cotisations
et prestations sociales, pénalités).
Le champ de saisine du CNEN est plus
large que celui du SGG qui ne porte que
sur les textes de nature réglementaire.
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
L’impact des normes
20
Des méthodes d’évaluation en partie
différentes
Alors que les mêmes fiches d’impact
leur sont transmises par les ministères
producteurs de normes, le CNEN et le
SGG les exploitent de façon différente
en fonction de leurs missions respec-
tives : si le CNEN a pour mission d’évaluer
l’impact financier des normes applicables
aux collectivités locales et d’émettre
un avis sur leur acceptabilité, le SGG
veille à la compensation des charges
créées dans un projet de texte par un
texte publié ou un projet de texte en
cours d’élaboration. Ces différences
de méthode expliquent les écarts
d’évaluation de l’impact budgétaire
sur les collectivités territoriales de
mesures réglementaires adoptées au
plan national.
La fiabilité limitée des fiches d’impact
À l’occasion de ses séances mensuelles,
le CNEN peut, le cas échéant, contester
la fiabilité des évaluations qui lui ont été
présentées. S’il retient le plus souvent
les chiffrages des fiches d’impact, il lui
arrive de s’en écarter lorsqu’ils lui
paraissent insuffisamment justifiés.
Lorsque le SGG demande à un service
producteur de normes de modifier une
fiche d’impact, la fiche modifiée est en
principe transmise aux membres du
CNEN avant la séance, ce qui leur
permet de délibérer sur la même
version que le SGG. Ces corrections
mettent en évidence la nécessité
d’une meilleure justification par les
ministères du coût des mesures
produites.
Des progrès souhaitables
Depuis le début de l’année 2015,
dans le but d’améliorer la fiabilité des
évaluations, le secrétariat du CNEN et
le SGG se réunissent à l’issue de chaque
séance du CNEN pour réaliser une
mesure des écarts de chiffrages entre
les deux services. D’autres mesures ont
été prises par le SGG, notamment une
simplification de la fiche d’impact et
des actions de formation.
Les collectivités territoriales et leurs
groupements ne sont pas toujours
associés à la préparation des textes
soumis au CNEN. En 2014, seuls
65,6 % des textes préparés par les
administrations avaient fait l’objet d’une
concertation avec des représentants
des collectivités locales (associations
d’élus locaux, Conseil supérieur de la
fonction publique territoriale, Centre
national de la fonction publique terri-
toriale, etc.).
La publicité donnée à l’évaluation
du coût des normes paraît encore
insuffisante. La circulaire du Premier
ministre du 17 juillet 2013 a prévu
que
les
études
d’impact
sont
« rendues publiques au moment de la
publication du texte ». Tous les avis
rendus par le CNEN sont publiés,
comme la loi l’exige, et sont disponi-
bles sur son site internet. Cependant,
alors que la circulaire a aussi prévu
que le coût des normes serait rendu
public tous les six mois, aucun bilan
global n’a encore été publié.
Le CNEN émet un avis sur chaque texte
examiné mais le gouvernement et le
législateur peuvent s’en écarter. Or,
dans la plupart des cas, malgré des avis
défavorables, les textes ne sont pas
modifiés. Le recours fréquent à la pro-
cédure de l’extrême urgence évite la
tenue d’une seconde délibération. La
publication des raisons pour lesquelles
les avis du CNEN n’ont pas été suivis
améliorerait le dispositif.
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
21
L’impact des normes
L’impact significatif des normes
sur les finances locales
Pour apprécier la part des décisions
de l’État dans l’augmentation des
dépenses locales, la Cour a examiné
toutes les fiches d’impact transmises
en 2013 et 2014 par les ministères à la
CCEN puis au CNEN, en procédant le
cas échéant à des corrections au
regard des méthodes d’évaluation
retenues. La Cour s’est aussi appuyée
sur les travaux des chambres régionales
des comptes. Cette analyse a porté sur
quatre domaines d’action publique parmi
les plus significatifs financièrement.
La réforme des rythmes scolaires
La
mesure
de
l’impact
sur
les
dépenses des collectivités locales de
la réforme des rythmes scolaires est
complexe. Cette réforme a des effets
sur l’organisation et la fréquentation
des activités périscolaires organisées
par les collectivités ainsi que sur la
restauration scolaire. Elle a entraîné
des dépenses supplémentaires (frais
de personnel, prestations de services,
chauffage et éclairage des bâtiments,
matériel pédagogique). Elle a aussi
pu bénéficier de recettes nouvelles
(participation tarifaire des familles, aides
financières de la caisse d’allocations
familiales, fonds d’amorçage créé par
l’État). Son coût est variable selon les
collectivités.
Si son évaluation précise est délicate,
l’impact de la réforme des rythmes
scolaires n’a pas été budgétairement
neutre pour les collectivités concernées.
La compensation accordée par l’État
n’a pas couvert totalement le surcoût
supporté par les communes et les
EPCI. On peut estimer entre 30 % et
50 %, selon les communes, la part qui
est restée à leur charge, soit un coût
global compris entre 350 M€ et 620 M€.
Les normes techniques nationales
Dans les domaines techniques, l’impact
des décisions de l’État sur les dépenses
locales a surtout résulté des textes
relatifs à l’accessibilité des équipements
publics
(transports,
établissements
recevant du public).
En matière de transports publics, le
coût des normes techniques est en
grande
partie
lié
au
décret
du
4 novembre 2014 sur l’accessibilité des
points d’arrêt des transports publics.
Son coût brut a été estimé par le CNEN
à 466 M€ en 2015, dont 44 % pèsent
sur les communes et EPCI, 8 % sur les
départements et 48 % sur les régions.
Le coût de mise aux normes des points
d’arrêt des transports publics ne se
limite pas aux 466 M€ de l’année 2015
mais s’imputera aussi sur les années
suivantes, soit un coût annuel moyen
de 453 M€ jusqu’en 2019. En matière
d’accessibilité
des
établissements
recevant du public, l’impact des textes
examinés en 2014 par le CNEN a été
estimé par lui à un surcoût de 245 M€.
Au total, le coût brut global des textes
relatifs aux normes techniques soumis
en 2014 au CNEN a été évalué à
720,4 M€ pour 2015.
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
22
La politique de l’emploi public
Entre 2013 et 2014, les dépenses de
personnel des collectivités locales ont
augmenté de 2,4 Md€ soit 4 %. Si le gel
du point d’indice depuis 2011 limite
l’accroissement de la masse salariale,
des mesures nationales interviennent
cependant chaque année, notamment
pour revaloriser les salaires d’une partie
des agents territoriaux.
Dans leur grande majorité, ces mesures
sont générales et concernent les trois
fonctions publiques : revalorisation
indiciaire des agents de catégorie B et
C, extension du champ d’application de
la prime dite de garantie individuelle de
pouvoir d’achat (GIPA), revalorisation
du SMIC entraînant un ajustement du
minimum de traitement, nouvelles
perspectives de fin de carrière pour les
agents de catégorie C. Certaines
mesures adoptées en 2013 mais
d’application progressive en 2014
doivent également être prises en
compte (modification du taux de
contribution employeur à la Caisse
nationale de retraites des agents des
collectivités locales, modification de
l’âge d’ouverture du droit à la retraite
anticipée, fixation du taux de cotisation
obligatoire pour les emplois d’avenir).
Au total, l’impact des décisions
nationales sur les dépenses de person-
nel des collectivités locales en 2014
peut être estimé à environ 1 Md€, soit
42 % de la progression de la masse
salariale. En 2015, les mesures natio-
nales devraient contribuer à une aug-
mentation des charges de personnel
des collectivités d’environ 450 M€, soit
un impact inférieur de plus de la moitié
à celui de 2014.
La revalorisation du revenu de solidarité
active
Au total, la revalorisation pluriannuelle
du montant forfaitaire du RSA, afin
qu’il retrouve un niveau représentant
50 % du SMIC, et sa revalorisation
annuelle auront en 2015 un impact
estimé à 420 M€.
*
Même si le dispositif d’évaluation des
normes paraît opérationnel, il reste
difficile d’apprécier de façon globale
et fiable l’impact des normes sur les
finances publiques locales du fait de
l’existence de deux instances, aux
objectifs, champs d’intervention et
méthodes de chiffrage distincts, char-
gées de se prononcer sur l’évaluation
des divers coûts et gains induits par
les textes.
Il paraît souhaitable de renforcer l’effi-
cacité et la lisibilité du dispositif national
d’évaluation des normes.
L’État pourrait paraître contradictoire
s’il s’efforçait d’inciter les collectivités
locales à infléchir l’évolution de leurs
dépenses sans avoir lui-même une
connaissance précise et fiable du coût
budgétaire de ses propres décisions.
L’approfondissement
du
dialogue
entre l’État et les collectivités locales,
indissociable de leur plus grande
implication dans le redressement des
comptes publics, rend donc nécessaire
de parvenir à une appréciation juste et
partagée du coût global des décisions
nationales à caractère normatif qui
s’appliquent à celles-ci. La définition
du cadrage financier général de
l’évolution des finances locales en
sera améliorée.
L’impact des normes
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
23
4
L’enjeu de l’investissement
local
Les dépenses d’investissement des
collectivités locales constituent en
France l’un des moteurs principaux de
l’investissement public (4,5 % du PIB).
La formation brute de capital fixe
(FBCF) des administrations publiques
locales (APUL) s’est élevée à 58 % de
la FBCF des administrations publiques.
De 1978 à 2008, l’investissement public
local a plus que doublé en volume. Cette
forte croissance a été due notamment à
la décentralisation qui a transféré d’im-
portantes compétences de l’État aux
collectivités territoriales. Au cours de la
période 2008-2013, en dépit d’une
croissance économique très faible, leurs
dépenses d’investissement sont restées
pratiquement stables.
Le lien entre la baisse des concours
financiers et l’investissement
La diminution des concours financiers
de l’État est susceptible d’avoir un
impact sur les dépenses d’investisse-
ment des collectivités locales dans la
mesure où, toutes choses égales par
ailleurs, l’excédent de la section de
fonctionnement s’en trouve réduit.
Le budget d’une collectivité locale :
section de fonctionnement et section d’investissement
Source : Cour des comptes
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
Le recul de l’investissement des collec-
tivités locales constaté en 2014 ne
peut être expliqué en totalité par la
baisse des concours financiers de
l’État. Tout au plus, s’agissant du bloc
De même, l’analyse de la situation
financière des collectivités locales en
2014 ne permet pas d’établir une
relation directe entre la baisse de
leurs investissements et celle de la
DGF versée par l’État. Certes, on peut
faire l’hypothèse que l’évolution des
transferts financiers, qui représentent
près de la moitié (46 %) des recettes
consolidées des collectivités locales,
influe sur celle de leur épargne brute.
Il n’existe en revanche pas au niveau
global de lien direct entre l’évolution
de cette épargne brute et celle de
leurs dépenses d’investissement.
Par exemple, le recul des dépenses
d’investissement du bloc communal
(- 3,6 Md€) a été beaucoup plus
important en 2014 que celui de leur
épargne brute (- 930 M€).
La théorie du cycle électoral
Les dépenses d’investissement des collectivités territoriales fluctuent dans le temps.
Pour le bloc communal, leurs fluctuations sont en partie liées au cycle électoral.
Elles augmentent progressivement au cours du mandat, connaissent généralement
un pic à l’approche des élections puis fléchissent au début du mandat suivant. La
théorie du cycle électoral présente de nombreuses limites. Le profil des cycles d’in-
vestissement n’est pas identique d’un mandat à l’autre. Il est déformé par des fac-
teurs externes. Ainsi, le début du cycle électoral 2008-2014 a été marqué par la crise
financière mais aussi par un plan de relance qui comportait notamment le rembour-
sement anticipé des dotations du FCTVA. Les dépenses d’investissement du bloc
communal ont augmenté de 5 % en 2001 et baissé de 6 % en 2002, mais reculé de
6 % en 2008 et stagné en 2009. Enfin, perceptible pour les communes, le lien entre
cycle électoral et dépenses d’investissement l’est moins pour les groupements inter-
communaux et surtout pour les départements et les régions.
L’enjeu de l’investissement local
communal, celle-ci peut en expliquer
une partie, difficile à déterminer, en
comparant le recul de 12 % en 2014 et
les évolutions enregistrées au début
des cycles précédents électoraux.
L’évolution de l’investissement
local
Si la baisse des concours financiers de
l’État n’a eu qu’un impact limité en
2014, l’accélération de cette baisse de
2015 à 2017 est de nature, du fait de
son ampleur, à modifier le modèle
d’équilibre financier des collectivités.
Les perspectives d’évolution des
recettes
La première baisse des transferts
financiers de l’État
En 2014, l’enveloppe totale de la DGF
s’élevait à 40,1 Md€ et représentait 39 %
des transferts financiers de l’État en
faveur des collectivités locales. Elle
formait en moyenne 20 % de leurs
24
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
25
L’enjeu de l’investissement local
recettes de fonctionnement, cette part
étant légèrement plus importante au
sein du bloc communal (22 %).
La loi du 29 décembre 2014 de program-
mation des finances publiques pour
les années 2014 à 2019 accroît la
contribution des collectivités territoriales
au redressement des comptes publics.
Les concours financiers de l’État doivent
diminuer de 3,42 Md€ en 2015, de
3,66 Md€ en 2016 et de 3,67 Md€ en
2017, soit une baisse cumulée de
10,75 Md€.
En 2015, la baisse des dotations a
été répartie entre les catégories de
collectivités
au
prorata
de
leurs
recettes, comme l’année précédente,
soit : 2,071 Md€ pour le bloc communal
(56 % du total), 1,148 Md€ pour les
départements (31 %) et 451 M€ pour les
régions (12 %). Elle représente en
moyenne 1,9 % de leurs recettes de
fonctionnement et 1,6 % de leurs
recettes totales.
Afin de rendre soutenable la réduction
des dotations de l’État pour les collec-
tivités les plus fragiles, la loi de
finances pour 2015 a prévu, à l’intérieur
de l’enveloppe globale, de relever les
dotations de péréquation financière
de 307 M€ au sein du bloc communal
et de 20 M€ entre les départements.
La baisse de la DGF devrait être partiel-
lement atténuée en 2015 par l’évolution
des autres concours financiers de
l’État, notamment le versement du
FCTVA et surtout les compensations
de dégrèvements législatifs d’impôts
locaux. Le montant de l’ensemble des
concours financiers prévu par la loi de
finances pour 2015 est donc inférieur
de 2,7 Md€ à celui de 2014.
De plus, après ajout de la fiscalité
transférée, dont de nouvelles ressources
affectées aux régions en contrepartie du
financement de l’apprentissage, la baisse
des transferts financiers aux collectivités
locales devrait s’établir à 1,97 Md€ en
2015, soit 1,9 %.
Une hausse modérée de la fiscalité locale
En outre, la loi de finances pour 2015 a
prévu une revalorisation forfaitaire de
0,9 % des bases cadastrales, qui
devrait provoquer une augmentation
de 520 M€ du produit de la fiscalité
directe locale. Elle a aussi prévu
diverses autres dispositions fiscales
permettant à certaines collectivités
d’augmenter le rendement de leurs
impôts (taxe de séjour, versement
transport, taxe d’aménagement, etc.).
Le rendement total de ces diverses
mesures a été estimé à 1,2 Md€
dans le programme de stabilité
d’avril 2015. Il devrait bénéficier
pour l’essentiel au bloc communal,
exception faite des taxes instituées
au bénéfice de la région Île-de-France
et de la revalorisation forfaitaire des
bases cadastrales, qui bénéficie aussi
aux départements (taxe sur le foncier
bâti).
L’évolution spontanée, à taux constants,
du produit de la fiscalité directe locale
sur les ménages et les entreprises
devrait procurer aux collectivités un
surcroît de ressources estimé à 1,9 Md€
(dont la revalorisation forfaitaire des
bases votée en loi de finances), soit
610 M€ pour les communes, 647 M€
pour les EPCI, 529 M€ pour les
départements et 111 M€ pour les
régions.
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
26
Il devrait s’y ajouter 0,9 Md€ résultant
des hausses de taux votées par les
assemblées délibérantes. Ce dernier
montant
pourrait
être
surestimé
comme le suggèrent les enquêtes
réalisées par divers organismes ou
l’examen de l’évolution des taux de
fiscalité des villes chef-lieu de départe-
ment. Ainsi, les fortes augmentations
votées par certains conseils municipaux
ne traduisent pas un mouvement
général de hausse.
Un important effort d’ajustement
budgétaire
Au total, les ressources fiscales des
collectivités territoriales devraient
progresser de 3,2 Md€ en 2015.
Déduction faite de la baisse des
transferts financiers de l’État, prévue
à hauteur de 2,0 Md€ (cf.
supra
), les
collectivités locales prises dans leur
ensemble disposeraient en 2015
d’une marge de 1,2 Md€ pour faire face
à leurs dépenses de fonctionnement
sans amputer davantage leur épargne
brute. Il conviendrait donc, pour
interrompre la dégradation de leur
situation financière, que leurs dépenses
de fonctionnement progressent de
0,7 % au lieu de 2,2 % en 2014.
Cette contrainte ne s’applique pas de
manière égale à toutes les catégories de
collectivités. Le surplus de recettes
résultant de la hausse des taux bénéficie
principalement au bloc communal, de
même que la taxation des résidences
secondaires. Ajouté à l’évolution
spontanée de la fiscalité directe, la
croissance de la fiscalité du bloc
communal pourrait atteindre 2,3 Md€
et compenser ainsi en totalité la
baisse de la DGF (- 2,1 Md€). Pour les
départements, la croissance spontanée
de la fiscalité directe et la hausse des
DMTO atteindrait 830 M€ et couvrirait
72 % de la baisse de la DGF. Les régions
disposeraient d’un surplus de 251 M€
qui couvrirait 55 % de la baisse de la
DGF mais seulement 25 % hors la
région Île-de-France qui bénéficie de
nouvelles ressources fiscales.
L’accès des collectivités locales au
crédit
Les conditions d’emprunt des collecti-
vités paraissent favorables en 2015 en
raison de la baisse des taux d’intérêt,
de l’allongement de leur durée et
d’une offre de crédit excédentaire.
Les taux d’intérêt payés par les collec-
tivités locales sur l’ensemble de leurs
crédits à long terme se sont élevés, en
moyenne, à 2,40 % en 2014 contre
3,08 % en 2013. Cette baisse est due à
l’évolution des taux sur les marchés
mais également à une réduction
continue
des
marges
bancaires.
Parallèlement, la durée des crédits
s’est allongée. Pour les collectivités
ayant une bonne situation financière,
les durées peuvent atteindre 25 ans.
Portée par de nombreux opérateurs
privés et publics, l’offre de crédit aux
collectivités locales est désormais
abondante. Cette situation devrait
peser sur les marges et donc les taux.
L’abondance de l’offre pourrait inciter
les collectivités locales à s’endetter
davantage pour limiter la baisse de
leurs investissements et compenser
ainsi la contraction de l’autofinancement
disponible. Les prêteurs font cependant
preuve d’une sélectivité accrue. Les
collectivités dont la situation financière
est tendue rencontrent des difficultés à
couvrir leurs demandes et,
a fortiori
, à
L’enjeu de l’investissement local
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
27
L’enjeu de l’investissement local
des prix compétitifs. Cette situation
devrait donc les inciter à modérer leur
recours à la dette pour empêcher le
recul de leurs investissements.
Pour autant, au regard de l’objectif de
réduction de la dette publique, l’État
devrait veiller à ce que la pluralité des
organismes présents sur le marché du
crédit aux collectivités locales n’alimente
pas à l’avenir un excès de l’offre.
La poursuite de la baisse des investis-
sements à partir de 2015
Différents facteurs laissent prévoir une
baisse durable des investissements
publics locaux. En particulier, l’examen
des comptes rendus des débats
d’orientation budgétaire et des rapports
de présentation des budgets primitifs
des villes de plus de 100 000 habitants
confirme ce diagnostic : au moins 20
d’entre elles ont prévu en 2015 de
réduire leurs dépenses d’investissement,
en moyenne de 15 % par rapport à
l’année précédente.
Si, en 2014, la diminution de la DGF n’a
pas constitué le principal facteur de
recul de l’investissement local, sa
baisse accrue de 2015 à 2017, de
10,75 Md€ dont plus de 6 Md€ pour le
bloc communal, devrait avoir un
impact plus significatif. Elle sera à la
fois forte et rapide au regard de
l’épargne
nette
des
collectivités
locales
(15,3
Md€)
et
de
leurs
dépenses d’investissement (55 Md€).
Elle induira un ajustement budgétaire
qui, à court terme, est suscceptible
de porter prioritairement sur les
dépenses d’investissement.
L’impact de la baisse de la DGF dans les villes de plus de 100 000
habitants en 2014 et sur la période 2015-2019
L’exemple des 37 villes de plus de 100 000 habitants (hors Paris et l’outre-mer),
confirme le constat d’un impact variable de la baisse de la DGF sur l’autofinance-
ment, notamment en fonction du dynamisme respectif des ressources fiscales et
des charges courantes. Il fait aussi ressortir le lien distendu entre l’autofinancement
et l’investissement. Parmi les 29 villes de cet échantillon dont la capacité d’autofi-
nancement a baissé en 2014, sept ont tout de même choisi de maintenir ou d’accroître
leur effort d’équipement, parfois dans de fortes proportions. Dans les autres villes,
l’effort d’équipement a suivi le mouvement de baisse de l’autofinancement mais sans
véritable corrélation. Le premier a pu baisser dans une proportion très inférieure
au second.
La Cour a réalisé une analyse prospective sur ces villes pour la période 2015-2019. Cette
analyse, en quatre scénarios, montre que, même en acceptant un recul limité de
l’investissement et un surcroît supportable d’endettement, les collectivités doivent
renforcer substantiellement leur excédent brut de fonctionnement grâce à des
économies sur leurs dépenses ou des produits fiscaux supplémentaires. Le seul
recours à l’emprunt ne pourrait permettre de freiner la baisse de l’investissement
puisque cette dernière trouve sa source dans l’érosion de l’autofinancement net qui
serait elle-même accélérée par un surcroît de charge d’intérêts.
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
28
Le recul de l’investissement risque, de
plus, d’être accentué par l’effet cumulatif
de la diminution des cofinancements. En
2014, les subventions d’investissement
reçues ont représenté 6,8 Md€ dont
3,3 Md€ perçus par le bloc communal en
provenance des départements et des
régions. Il est probable que le recul des
subventions versées aux communes et
aux EPCI amplifiera l’effet de la baisse de
la DGF.
Ces éléments d’analyse prospective
laissent prévoir la poursuite en 2015
du recul de l’investissement local. La
dégradation des marges de manœuvre
des collectivités, liée à la baisse de la
DGF et à l’effet de ciseaux observé
depuis plusieurs années, perturbe le
cycle habituellement constaté et
rend peu crédible le redressement de
l’investissement
à
court
terme,
contrairement à la trajectoire définie
dans la loi de programmation des
finances publiques pour 2014-2019.
Pour une meilleure maîtrise de
l’investissement public local
Pour éviter que la dégradation de la
situation financière d’ensemble des
collectivités locales n’ait des incidences
graves sur les dépenses d’investissement,
deux leviers principaux s’offrent à
elles : la recherche plus systématique
d’économies de fonctionnement et
une sélectivité accrue des choix
d’investissement en fonction de leurs
capacités financières.
Des économies de fonctionnement
Un effort accru de maîtrise des dépenses
de fonctionnement permettrait aux
collectivités locales de limiter la
dégradation de la capacité d’autofi-
nancement de leurs investissements.
Certaines collectivités ont d’ores et
déjà pris des décisions en ce sens
pour leurs dépenses de gestion ou
d’intervention.
La masse salariale
La masse salariale, qui représente 35 %
des dépenses de fonctionnement des
collectivités locales prises dans leur
ensemble, mais plus de 50 % dans le
bloc communal, constitue un gisement
potentiel d’économies. Si sa progression
résulte pour partie de décisions qui
leur échappent, les exécutifs locaux
disposent de leviers pour la ralentir.
Comme la Cour l’a déjà relevé dans ses
rapports annuels de 2013 et 2014, et
comme les travaux des chambres
régionales des comptes continuent de
le constater, des surcoûts importants
résultent de pratiques telles que des
durées effectives de travail inférieures à
la durée légale, une lutte insuffisante
contre l’absentéisme ou le recours
excessif aux heures supplémentaires.
Au-delà de ces efforts, une réduction
significative de la masse salariale ne
saurait être obtenue sans une action
sur les effectifs au moyen du non-
remplacement systématique des agents
partant à la retraite.
Les échanges entre les juridictions
financières et les collectivités locales
peuvent laisser penser qu’une prise de
conscience est en train d’opérer au sein
des exécutifs locaux, dont les effets
devront être évalués.
Les mutualisations
La mutualisation peut prendre la forme
d’une mise à disposition de services ou
d’équipements des communes au profit
du
groupement
intercommunal
L’enjeu de l’investissement local
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
29
L’enjeu de l’investissement local
(mutualisation
« ascendante »)
ou
l’inverse (mutualisation « descendante »).
La couverture désormais intégrale
du territoire par des groupements
intercommunaux et le renforcement
des compétences transférées par les
communes sont de nature à favoriser
de nouvelles mutualisations et à
dégager des économies de gestion.
Les travaux des chambres régionales
des comptes mettent en évidence
l’intérêt du développement de services
mutualisés et le caractère encourageant
de certaines bonnes pratiques.
Cependant ce mouvement est encore
hésitant. Souvent limité aux services
du groupement et de la ville-centre, il
est rarement étendu à l’ensemble
des communes membres. De plus,
parce qu’elle permet de préserver les
prérogatives des maires, la mutualisation
« ascendante » peut apparaître comme
une alternative à l’intégration du « bloc
communal ».
Enfin, en dépit de son encouragement
par le législateur depuis dix ans, les
mutualisations n’ont pas encore produit
un impact financier vraiment visible. De
fait, elles ont le plus souvent servi à
égaliser le niveau de services entre les
communes de l’intercommunalité ou à
créer de nouveaux services publics,
plutôt qu’à rechercher des économies
budgétaires.
Il convient d’intensifier la mutualisation
et de la recentrer sur la recherche
d’économies nettes en privilégiant la
mutualisation « descendante » et en la
faisant
porter
sur
les
fonctions
« support » – informatique, gestion des
ressources humaines, achats, etc. Afin
de mesurer les progrès réalisés, les
schémas de mutualisation devraient
contenir un objectif chiffré d’économies.
L’achat public
Il existe désormais de nombreux
exemples de collectivités qui recher-
chent une plus grande efficience
économique en recourant à des com-
mandes groupées ou à une centrale
d’achats
pour
limiter
les
coûts
internes des procédures. Dans tous
les cas, l’objectif est de prendre en
charge des processus administratifs
complexes ou de bénéficier d’écono-
mies d’échelle. Ces exemples révèlent
les marges budgétaires susceptibles
d’être dégagées par l’optimisation des
procédures d’achat public et montrent
tout l’intérêt de généraliser ces bonnes
pratiques.
Une sélectivité accrue des choix
d’investissement
La programmation pluriannuelle des
investissements, déjà pratiquée par
les grandes collectivités, devrait être
davantage employée en vue d’accroître
la sélectivité des choix d’investissement,
notamment par l’évaluation
ex ante
et
ex post
de leur utilité économique et
sociale. Les contrôles des chambres
régionales des comptes montrent qu’il
reste encore à généraliser la démarche
de programmation pluriannuelle des
investissements, portant sur l’ensemble
des opérations prévues et assortie d’un
plan de financement
doté
d’une
dimension prospective.
Si la plupart des grandes collectivités
évaluent l’utilité socio-économique de
leurs opérations d’investissement lors
de leur programmation, la démarche
n’est pas non plus systématique. Une
étude de la Caisse des dépôts et
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
30
consignations estime entre 70 % et
75 % la proportion des collectivités
qui n’ont mis en place aucun dispositif
de suivi de leurs investissements. La
diminution des investissements des
collectivités locales devrait les inciter
à approfondir leurs procédures de
programmation. La priorisation et la
sélection des projets d’investissements
devraient s’en trouver renforcées.
L’article 107 de la loi du 7 août 2015
portant nouvelle organisation territo-
riale de la République prévoit désormais
que, pour toute opération exceptionnelle
d’investissement dont le montant est
supérieur à un seuil fixé par décret en
fonction de la catégorie et de la popu-
lation de la collectivité ou de l’établis-
sement, l’exécutif d’une collectivité
territoriale ou d’un groupement de
collectivités doit présenter à son
assemblée délibérante une étude
relative à l’impact pluriannuel de
cette opération sur les dépenses de
fonctionnement. Dans le respect du
principe de libre administration des
collectivités territoriales, la loi pourrait
imposer aux collectivités d’évaluer
leurs projets d’équipement au moyen
d’études préalables portant non seu-
lement sur les coûts induits en fonc-
tionnement mais aussi sur l’utilité
socio-économique
de
ces
projets.
Conduite dans des conditions institu-
tionnelles et selon des méthodes
adaptées aux spécificités des collecti-
vités, une telle démarche contribue-
rait à améliorer la transparence et l’ef-
ficience des choix d’investissements,
sans remettre en cause le pouvoir de
décision des élus locaux.
L’enjeu de l’investissement local
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
31
5
La fiabilité limitée des données
budgétaires et comptables
La qualité des comptes est une des
conditions de la transparence de la
gestion locale. Or, l’analyse de la
situation financière des collectivités
territoriales et de leurs groupements
est rendue délicate par la fiabilité
imparfaite des données budgétaires
et comptables sur lesquelles elle
repose. Cette insuffisance, perceptible
au niveau des collectivités prises indivi-
duellement, altère aussi les dispositifs
d’agrégation nationale des données
extraites de leurs comptes de gestion.
La
qualité
insuffisante
des
comptes locaux
L’appréciation
d’ensemble
des
finances locales est affectée par
l’imparfaite qualité des comptes locaux
lorsque celle-ci obère la sincérité des
comptes ou contribue à ne pas donner
une image fidèle de leur situation.
Une qualité comptable imparfaite
Les chambres régionales des comptes
continuent de relever des insuffisances
dans l’application des règles budgétaires
et comptables, telles que le défaut ou
l’insuffisance de rattachement des
charges et des produits à l’exercice
auquel ils se rapportent.
La constatation de provisions est une
obligation
résultant
du
principe
comptable de prudence, qui est souvent
négligée ou mal mise en œuvre. À cet
égard, la restriction de l’obligation
de provisionner les risques liés à la
souscription de produits financiers
structurés aux contrats souscrits à
compter du 1
er
janvier 2014 nuit à
l’appréciation immédiate et intégrale de
la situation financière et patrimoniale
des collectivités concernées.
Visant à compenser la dépréciation
des éléments d’actifs, les dotations
aux amortissements constituent une
charge de fonctionnement qui doit
être couverte. Le champ de l’amortis-
sement obligatoire n’est aujourd’hui
qu’imparfaitement respecté.
Enfin, le suivi et la gestion patrimoniale
font l’objet d’une insuffisante attention
qui nuit à la sincérité de l’évaluation de
l’actif et du patrimoine des collectivités.
Des perspectives de progrès
Des perspectives de progrès existent
cependant s’agissant de l’information
comptable. Elles résultent, pour une
large part, du renforcement du rôle du
comptable public, du développement
de la coopération de l’ordonnateur et
du comptable, de la rénovation des
états financiers dans la perspective de
la création d’un compte financier
unique, ainsi que, dans les plus
grandes collectivités, de la mise en
place
de
dispositifs
de
contrôle
interne.
Le lancement de la démarche de
certification, dans le cadre de l’expéri-
mentation prévue par la loi du 7 août
2015 portant nouvelle organisation
territoriale de la République, permettra,
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
La fiabilité limitée des données budgétaires
et comptables
32
à terme, de donner une image plus
fidèle de la situation financière des
collectivités locales.
Une
information
financière
globale à renforcer
L’amélioration de la qualité de l’infor-
mation comptable collectée au sein
de chaque collectivité devrait aider à
réaliser des agrégations, notamment
au niveau des groupements intercom-
munaux et de leurs communes
membres. Par ailleurs, il reste aussi, à
l’échelon global, à améliorer la
connaissance des risques financiers
liés aux emprunts structurés.
Des agrégations de données à
améliorer
La production de données financières
agrégées suppose un degré satisfaisant
de qualité des imputations comptables,
qui n’est pas atteint, notamment dans
le secteur communal, et qui nuit à
l’agrégation des opérations des budgets
principaux et des budgets annexes
ainsi que celles des EPCI et de leurs
communes membres.
La réalisation d’une telle agrégation
constituerait un progrès à un double
titre. Au niveau local, elle permettrait
de porter une appréciation plus juste
sur l’évolution de leurs recettes et de
leurs charges, notamment au regard
des efforts attendus de mutualisation.
Au niveau global, il en résulterait une
analyse plus pertinente de la trajectoire
financière du bloc communal. Il serait
souhaitable que de telles agrégations,
réalisées annuellement, soit rendues
publiques.
Des informations à renforcer sur
les risques financiers
Les collectivités locales françaises ont
massivement souscrit des emprunts
structurés à risque dans les années
2000. En novembre 2011, l’encours de
ces emprunts s’élevait à 23,3 Md€
dont 11,6 Md€ considérés comme
très risqués
8
. En 2015, l’encours de la
dette à risque des collectivités locales,
qui représenterait encore 8 Md€, n’a
été réduit que de 30 %.
Si la réglementation interdit, depuis
2013, la souscription de certains
types d’emprunts, le suivi statistique
de l’encours à risque de la dette des
collectivités locales manque de fiabilité.
La Cour avait souligné, dès février
2009, la nécessité d’un recensement
de l’état de cette dette, puis à nouveau
en juillet 2011 en recommandant la
publication
d’un
rapport
annuel
national sur ce sujet.
Malgré l’obligation fixée par la loi
depuis 2013, le Gouvernement n’a
pas publié ni en 2013, ni en 2014, de
rapport recensant au 31 décembre le
volume des emprunts structurés des
collectivités. De même, il n’existe
aucune centralisation exploitable des
données relatives à cette dette.
Le renforcement de l’information
statistique pourrait être obtenu en
imposant aux établissements financiers
qui possèdent, dans leur bilan, des
emprunts structurés accordés à des
structures publiques françaises, de
communiquer leur montant chaque
année à l’État .
______________________
8
Rapport établi par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur « les produits
financiers à risques souscrits par les acteurs publics locaux ».
Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
En ce qui concerne les collectivités
locales et le redressement des
comptes publics :
doter les services concernés de
l’État d’outils de suivi de l’exécution
des budgets des collectivités locales
et de simulation de l’impact des
mesures, votées par le Parlement,
relatives à leurs recettes et à leurs
dépenses
et
les
partager
avec
l’Instance de dialogue national des
territoires, le comité des finances
locales et les associations d’élus ;
inclure dans les travaux de
l’instance chargée du dialogue entre
l’État et les collectivités locales la
définition et le suivi, sur la base de
données partagées, des objectifs
d’évolution
des
recettes,
des
dépenses, du solde et de la dette des
différentes catégories de collectivités ;
adopter une loi de financement
des collectivités territoriales retraçant
l’ensemble de leurs relations financières
avec l’État et fixant pour l’année à
venir, par catégorie de collectivités, les
conditions de l’équilibre global en
cohérence avec la loi de programmation
des finances publiques (recommanda-
tion réitérée et précisée) ;
appliquer la baisse des dota-
tions de l’État selon une logique de
péréquation en fonction d’indicateurs
représentatifs des niveaux de richesses
et
de
charges
des
collectivités
(recommandation réitérée) ;
En ce qui concerne l’impact des
décisions de l’État à caractère
normatif :
améliorer la fiabilité des études
d’impact financier produites par les
ministères à l’appui des projets de
textes réglementaires imposant des
normes nouvelles aux collectivités
territoriales, notamment en associant
davantage ces dernières en amont de
la préparation des textes ;
renforcer la portée des avis
rendus par le CNEN en améliorant la
transparence sur les suites réservées à
ces avis et en publiant un bilan chiffré
annuel du coût global des normes sur
les finances des collectivités locales ;
En ce qui concerne l’enjeu de l’inves-
tissement local :
prévoir l’évaluation des projets
d’équipement au moyen d’études
préalables portant, entre autres, sur
les coûts induits en fonctionnement et
sur leur utilité socio-économique ;
établir une programmation
pluriannuelle des investissements qui
porte sur l’ensemble des opérations
prévues et qui soit assortie d’un plan
de financement doté d’une dimension
prospective ;
RECOMMANDATIONS
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Synthèse du rapport sur les finances publiques locales
RECOMMANDATIONS
développer
les
actions
de
modération de la masse salariale,
notamment à travers une gestion
plus rigoureuse des effectifs ;
associer
aux
schémas
de
mutualisation un objectif chiffré
d’économies ;
En ce qui concerne la fiabilité limitée des
données budgétaires et comptables :
renforcer la fiabilité de l’infor-
mation financière des collectivités et
établissements
publics
locaux,
notamment en ce qui concerne les
obligations de recensement exhaustif
de leurs actifs et de leurs passifs et de
production d’informations détaillées
sur leurs engagements pluriannuels
et, pour les plus grandes collectivités,
développer les dispositifs de contrôle
interne ;
mettre en place un compte
financier unique, sous l’égide du comité
relatif à la fiabilité des comptes locaux,
en s’appuyant sur les possibilités
offertes par la numérisation et la
dématérialisation des comptabilités ;
élaborer des comptes agrégés des
communes et de leurs établissements
de coopération intercommunale ainsi
que des budgets principaux et des
budgets annexes ;
rendre obligatoire, pour les
établissements financiers qui possè-
dent, dans leur bilan, des emprunts
structurés accordés à des structures
publiques françaises, la communication
au ministère chargé des finances d’une
information précise sur le montant de
cet encours au 31 décembre de chaque
année.
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Synthèse du rapport sur les finances publiques locales