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Marseille, le 24 septembre 2015
Communiqué de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur
sur ses rapports d’observations définitives concernant deux syndicats mixtes
gestionnaires de déchets ménagers dans le département du Var
Seul fait foi le texte des rapports de la chambre
La chambre régionale des comptes (CRC) de Provence-Alpes-Côte d’Azur vient de rendre
public un rapport d’observations définitives (ROD) concernant le syndicat mixte
intercommunal de transport et de traitement des ordures ménagères de l’aire toulonnaise
(SITTOMAT). Cette publication est à rapprocher de celle de son ROD relatif au syndicat
mixte du développement durable de l’est-Var pour le traitement et la valorisation des déchets
ménagers (SMIDDEV), intervenue au début du mois de septembre.
Les deux syndicats mixtes assurent
le traitement et la valorisation des déchets ménagers et
assimilés
sur le territoire des collectivités qui en sont membres – communauté
d’agglomération de Toulon, communauté de communes de la vallée du Gapeau et
communauté de communes Sud Sainte-Beaume dans le cas du SITTOMAT, communauté
d’agglomération Val Estérel Méditerranée et commune de Bagnols-en-Forêt en ce qui
concerne le SMIDDEV.
Les contrôles de la chambre ont montré que la gestion du SITTOMAT et du SMIDDEV au
cours de la période examinée (exercices 2008 et suivants) avait été marquée par de
nombreuses infractions aux règles de la commande publique
dont l’occurrence a
certainement été favorisée par la
position quasi-monopolistique dont bénéficie un
opérateur varois sur les territoires desservis par les deux syndicats mixtes
.
1.
Le choix des attributaires des principaux contrats de service conclus au cours de cette
période par le
SITTOMAT
dans le domaine de la collecte sélective, du traitement et du
transport des ordures ménagères est apparu à plusieurs reprises insuffisamment motivé et,
dans certains cas, n’a pas été réalisé dans le respect du principe d’égalité de traitement des
candidats.
La formule du marché à bons de commande est utilisée le plus souvent sans émission de bons
de commande. Cette manière de faire ne favorise pas la maîtrise des prestations facturées par
le syndicat.
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En matière de collecte sélective, le contrôle de la facturation est défaillant : les pièces
justificatives requises à l’appui des factures sont insuffisantes, les bulletins du prestataire ne
comportent pas les mentions utiles, certaines factures sont incohérentes, des bons de pesée
présentent des anomalies.
Par ailleurs le manque de précision des cahiers des charges autorise les surfacturations. Ainsi,
s’agissant des marchés conclus pour la récupération des déchets dans les déchèteries de l’aire
toulonnaise, les cahiers des charges fixent un prix de rotation à la benne mais ne définissent
pas la valeur de densité ou de masse volumique permettant de faire correspondre un volume
de benne à un poids de déchets. Ils ne déterminent pas non plus de masse minimale pour
l’évacuation des bennes selon le type de matériau, de sorte que le syndicat se trouve dans
l’impossibilité de contrôler si les bennes évacuées le sont à la hauteur de la totalité de leur
capacité. De même, aucune clause du marché conclu par le SITTOMAT pour le transport et le
traitement des déchets verts ne fournit d’indication sur la ventilation attendue entre mulch et
compost, alors même que le bordereau de prix unitaires fixe des prix à la tonne différents pour
ces deux produits issus de traitements différenciés.
Le contrôle de la CRC a également montré que le bureau d’études auquel a été confiée la
mission de maîtrise d’oeuvre pour la dévolution des contrats d’exploitation de l’usine de
valorisation énergétique (UVE) du SITTOMAT avait bénéficié par la suite de deux contrats
d’assistance à maîtrise d’ouvrage dont certaines missions interfèrent avec la première et alors
qu’il bénéficiait d’un avantage sur ses concurrents pour avoir rédigé le contrat de délégation
de service public concernant cet équipement.
Par ailleurs l’utilisation de 28 critères de choix non hiérarchisés et non pondérés a nui à la
transparence de la dévolution de ce contrat de DSP, le rapport de présentation n’ayant pas
suffisamment étayé le choix du délégataire retenu.
2.
Le contrôle du
SMIDDEV
a fait apparaître que la gestion dans le cadre d’une délégation de
service public de son centre de stockage des déchets ultimes (CSDU) des Lauriers, à Bagnols-
en-Forêt, avait donné lieu à de multiples contentieux avec l’entreprise délégataire. Par la suite,
le syndicat mixte a attribué d’importants marchés à des sociétés du même groupe, qui est
également l’un des principaux partenaires du SITTOMAT, dans des conditions critiquables.
Ainsi, un marché de 2012, renouvelé en 2014, attribué sur appel d’offres et concernant la
maintenance du site des Lauriers, a été confié à l’une de ces sociétés alors même qu’en vertu
des dispositions de la convention de DSP, les prestations liées à la remise en état du site en fin
d’exploitation devaient incomber au délégataire. Sur la période de 2012 à 2014, le SMIDDEV
a, dans le cadre de ces marchés, dépensé plus de 3 millions d’euros pour faire assurer la
maintenance du site par des entreprises appartenant au même groupe que l’ancien délégataire.
En janvier 2014, un marché de traitement des déchets a été conclu sur appel d’offres, à l’issue
d’une sélection organisée dans des conditions contestables. En effet, le critère qui a permis de
départager les offres des soumissionnaires concernait l’exécution d’une prestation de transport
prévue dans le cadre d’une tranche conditionnelle du marché mais que le SMIDDEV n’avait
ni l’intention ni la capacité de faire exécuter par son titulaire. De fait, à la suite de l’arrêt de
l’exploitation du centre de transfert de Bagnols-en-Forêt, les adhérents du SMIDDEV avaient
pris depuis le mois de juillet 2013 les dispositions nécessaires pour assurer eux-mêmes cette
prestation qui, au surplus, ne relève pas de la compétence du syndicat.
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Il en a été de même pour le marché de traitement des déchets verts, conclu en 2010, qui a
également été attribué pour partie à une société du même groupe, pour partie à une autre
entreprise, après une sélection des candidats qui a porté notamment sur la prestation de
transport alors qu’elle n’est pas réalisée par le SMIDDEV mais par ses adhérents. Le contrôle
de la chambre a également montré que l’exécution par le titulaire de l’un des deux lots du
marché n’avait pas été conforme au contrat, sans que les clauses correspondantes n’aient été
modifiées par un avenant.
Enfin la chambre a relevé que l’attribution en 2013 d’un marché de traitement de déchets
recyclables à une entreprise concurrente des sociétés du groupe habituellement sélectionné par
le SMIDDEV avait suscité l’opposition de certains membres du comité syndical de
l’établissement public, qui ont contesté cette attribution.
3.
Le
contexte particulier du département du Var
a, sans aucun doute, favorisé
l’implantation d’un opérateur historique qui jouit localement d’une situation de quasi-
monopole sur les territoires desservis par le SMIDDEV et le SITTOMAT. Les autorisations
détenues par le groupe d’entreprises concerné pour exploiter les rares installations de stockage
des déchets non dangereux (ISDND) autorisées, le coût des transports pour acheminer les
déchets en dehors du département, l’absence de mise à jour du plan départemental fixant de
nouveaux exutoires et débouchés départementaux ont indéniablement contribué à cette
situation.
Aussi, parmi les recommandations qu’à l’issue de son contrôle, la chambre régionale des
comptes a adressées au SITTOMAT, figure celle d’évaluer financièrement de la manière la
plus fine possible ses besoins afin d’être en mesure, en cas de soupçon d’entente, de déclarer
un appel d’offres sans suite et, dans le respect du code des marchés publics et des règles de
transparence de la commande publique, recourir à la négociation pour obtenir un meilleur
achat.
Toutefois les collectivités et établissements publics locaux ne pourront véritablement sortir de
la situation ainsi constatée qu’en se donnant les moyens de contrôler les centres de traitement
des déchets et les exutoires. La chambre a souligné qu’à cet égard, les démarches récemment
entreprises par le SMIDDEV, visant à engager les enquêtes publiques nécessaires à un
redémarrage en régie de l’exploitation du CSDU de Bagnols-en-Forêt, allaient dans le bon
sens. En maîtrisant un site qui pourrait être encore exploité pendant une vingtaine d’années, le
SMIDDEV aurait en effet de plus grandes facilités pour assurer la gestion de ses déchets aux
meilleures conditions financières.
L’extension du ressort territorial de compétence du SMIDDEV,
via
l’intégration au syndicat
mixte de la communauté de communes du Pays de Fayence, dont est membre la commune de
Bagnols-en-Forêt, et de la communauté d’agglomération dracénoise, souhaitée par le
président de l’établissement public pour le pérenniser, lui offrirait également l’occasion de
mieux faire jouer la concurrence.
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