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QUATRIÈME CHAMBRE
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Première section
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Arrêt n° 72199
Audience publique du 5 mars 2015
Lecture publique du 16 avril 2015
RÉGIE DÉPARTEMENTALE DES TRANSPORTS
DES BOUCHES-DU-RHÔNE
Appel d’un jugement de la chambre régionale des
comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur
Rapport n° 2015–92-0
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2014 au greffe de la chambre régionale des comptes
de Provence-Alpes-Côte d’Azur, par laquelle M. X, comptable de la régie départementale
des transports des Bouches-du-Rhône (RDT 13), au titre de l’exercice 2010, représenté par
M
e
Bernard Poujade, avocat au barreau de Paris, a interjeté appel
parte in qua
du jugement
n° 2014-0001 du 29 avril 2014 par lequel ladite chambre l’a constitué débiteur des deniers de
cette régie ; ensemble le mémoire du directeur de la régie en date du 23 juillet 2014 et la
correspondance du conseil du requérant du 5 août 2014 ;
Vu le réquisitoire du Procureur général près la Cour des comptes n° 2014-103 du 19
septembre 2014 transmettant la requête précitée à la Cour ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance, en particulier le réquisitoire du
procureur financier près la CRC de Provence-Alpes-Côte d’Azur n° 2012-0040 du 22 octobre
2012 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu le rapport de M. Roch-Olivier MAISTRE, conseiller maître ;
Vu les conclusions n° 128 du Procureur général du 25 février 2015 ;
Entendu, lors de l’audience publique du 5 mars 2015, M. MAISTRE, en son rapport,
M. Christian MICHAUT, avocat général, en les conclusions du ministère public, l’appelant,
informé de l’audience étant représenté par M
e
Bernard Poujade
;
Entendu, en délibéré, M. Jean-Pierre LAFAURE, conseiller maître, en ses observations ;
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Attendu que, par le jugement du 29 avril 2014 susvisé, la chambre régionale des comptes de
Provence-Alpes-Côte d’Azur a constitué M. X débiteur des deniers de la régie
départementale des transports des Bouches-du-Rhône de la somme de 9 988,80 €,
augmentée des intérêts de droit calculés à compter du 26 octobre 2012, pour avoir procédé,
au titre de l’exercice 2010, au paiement d’une augmentation mensuelle de la rémunération
du directeur général de la régie en l’absence des pièces justificatives requises par la
nomenclature, manquement ayant causé un préjudice financier à la régie, l’augmentation
irrégulièrement payée n’étant pas due ;
Attendu que l’appelant ne conteste pas le manquement à ses obligations mais soutient que
celui-ci n’a pas causé de préjudice financier à la régie ; que, par conséquent, il demande à la
Cour d’infirmer le jugement du 29 avril 2014
en ce qu’il l’a constitué débiteur de la régie, au
titre de la charge n° 2, de la somme de 9 988,80 €,
intérêts en sus, et, à titre subsidiaire, de
mettre à sa charge une somme non rémissible de 250 € ;
Attendu que le requérant fait valoir, en premier lieu, que le jugement est entaché
d’inexactitudes qui aboutiraient à une contradiction de motifs ; qu’il soutient que c’est à tort
que le jugement indique que l’avenant au contrat du directeur de la régie est signé tant par le
bénéficiaire de cette augmentation que par le comptable ; que c’est également à tort que le
jugement mentionne qu’aucun des documents disponibles ou produits ne démontre que le
directeur de la régie aurait explicitement donné son accord à cette augmentation au moment
où elle a été accordée ; qu’enfin c’est aussi de manière inexacte que le jugement relève que
le comptable ne disposait d’aucune autre pièce justificative émanant de l’ordonnateur ;
Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces au dossier que l’avenant au contrat de travail du
directeur de la régie départementale en date du 6 mai 2010 n’est signé que du seul agent
comptable et non du bénéficiaire ; que, de manière contradictoire, le jugement contesté
énonce dans un autre considérant que le document signé par le comptable ne prévoyait pas
de signature par le directeur ; que, par ailleurs, le directeur de la régie, en sa qualité
d’ordonnateur, ainsi que la directrice des ressources humaines et l’agent comptable de la
régie, avaient signé le 19 mai 2010, c’est-à-dire avant le versement de la paie du mois de
mai 2010, le tableau de bord mensuel de paie, qui reprend tous les éléments significatifs de
la paie du mois en cours, y compris le montant de l’augmentation de salaire du directeur,
manifestant ainsi, contrairement aux termes du jugement, son accord ; qu’enfin,
contrairement aux termes du jugement, quand bien même l’avenant au contrat était irrégulier
et ne pouvait constituer une pièce justificative conforme à la nomenclature, le comptable
disposait, avec le tableau de bord susmentionné dûment signé, d’une autre pièce justificative
émanant de l’ordonnateur ;
qu’ainsi, comme le relève le requérant, le jugement entrepris
comporte plusieurs inexactitudes quant à sa motivation, qui sont cependant sans
conséquence sur la réalité, non contestée, du manquement du comptable ;
Attendu qu’en second lieu, le requérant fait valoir que la chambre régionale se contente
d’affirmer l’existence d’un préjudice financier sans le démontrer ; qu’il soutient l’absence d’un
tel préjudice compte tenu de la conformité des paiements à la volonté clairement affirmée de
la régie départementale ; que par ailleurs l’absence de préjudice résulte de l’existence du
service fait et de la réalité des prestations assurées ; que, s’appuyant sur plusieurs décisions
de la Cour ou de chambres régionales des comptes, il souligne enfin que l’augmentation
décidée portait la rémunération du directeur à un niveau inférieur de 15 % environ de celle
de ses deux prédécesseurs et qu’en raison de son montant et de la réalisation effective des
prestations correspondantes, son paiement n’aurait pas causé de préjudice financier à la
régie ;
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Attendu d’abord que l’avenant au contrat du directeur, signé à tort par le seul comptable, et
antérieur au paiement, précise certes que c’est «
sur proposition de M. Y, président du
conseil d’administration
» que «
la rémunération de M. Z, directeur général de la RDT 13
telle que définie à l’article 4 du contrat de travail du 28 novembre 2008 est portée à 7 090 €
nets mensuels à compter du mois de mai 2010
»
;
qu'il n'existe cependant aucune preuve
écrite d'une telle proposition, et que, de surcroît, le président du conseil d'administration
étant la seule autorité compétente pour procéder à l'augmentation de la rémunération du
directeur, le destinataire d'une telle proposition ne peut être déterminé ;
Attendu que le requérant soutient
que le président de la régie confirme, dans son courrier du
20 novembre 2012,
d’une part, que
«
cette augmentation confirmait la qualité du travail du
nouveau directeur après une période d’observations »
et d’autre part, qu’elle «
était
conforme aux engagements que j’avais pris auprès de lui lors de sa nomination
»
;
et que,
selon le mémoire du directeur de la régie en date du 23 juillet 2014
«
le président de
la RDT 13, seule autorité investie du pouvoir de nomination et de modification de la situation
administrative du directeur, a décidé en mai 2010 de procéder à l’augmentation de la
rémunération du directeur, décision qui a été notifiée oralement en présence de M. X, agent
comptable et moi-même
»
,
ces affirmations, produites
a posteriori
, établissent que n’existe
aucune preuve écrite tant des engagements initiaux de la régie départementale que de la
notification de l’augmentation de rémunération ;
Attendu ensuite
que le fait que l’ordonnateur a bien signé le tableau de bord de la paie
mensuel avant sa mise en paiement et que ce document mentionne l’augmentation de la
rémunération du directeur ne peut être tenu comme une manifestation de l'intention de la
régie départementale d'augmenter le directeur, dans la mesure où elle montre seulement
que le signataire de ce document avait connaissance de l'augmentation de rémunération
dont il était le bénéficiaire ;
Attendu par ailleurs que la signature en juillet 2012 d'un avenant régulier dans des termes
identiques à l'accord de mai 2010 n'établit en rien que la rémunération perçue jusque-là
n'avait causé aucun préjudice à l’établissement public ;
Attendu que l'exécution du service fait ne permet pas d'écarter l'existence d'un préjudice
financier, à moins d'établir que la dépense n’aurait reçu aucune contrepartie, le préjudice ne
résultant pas en l’espèce de l'absence de prestations mais du paiement d’une augmentation
de la rémunération ;
Attendu enfin que, pour déterminer l'existence du préjudice financier, le juge ne peut se
fonder sur une comparaison de la rémunération du bénéficiaire avec celle des autres
prédécesseurs exécutés dans d'autres circonstances ;
Attendu que le constat de l'existence d'un préjudice financier relève de la seule appréciation
du juge des comptes qui ne saurait être lié par le point de vue exprimé tant par le comptable
que par l’ordonnateur ;
Attendu qu’il résulte de l’ensemble des
éléments ainsi rappelés que le manquement du
comptable doit en l’espèce être analysé comme constitutif d’un « indu » et donc d’un
préjudice financier pour la régie départementale ;
Ainsi, c'est à bon droit que, par le jugement entrepris, la chambre régionale a considéré que
le manquement de M. X avait causé un préjudice financier à la régie départementale et
l'avait constitué débiteur à hauteur de ce préjudice ;
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Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article unique –
La requête de M. X est rejetée.
Fait et jugé par M. Yves ROLLAND, président de section, président de séance ; M
me
Anne
FROMENT-MEURICE, présidente de chambre maintenue, MM. Gérard GANSER, Jean-
Pierre LAFAURE, Jean-Yves BERTUCCI et M
me
Laurence ENGEL, conseillers maîtres.
En présence de M
me
Annie LE BARON, greffière de séance.
Signé : Yves Rolland, président de séance, et Annie Le Baron, greffière de séance.
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes.
Délivré par moi, secrétaire général.
Pour le secrétaire général
et par délégation, le chef du greffe contentieux
Daniel Férez
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-16 du code des juridictions financières, les
arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le
délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une
ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce
dans les conditions prévues à l’article R. 142-15-I du même code.