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Cour des comptes
Paris, le
2 3
FEV.
2015
Le Premier président
à
Monsieur Michel Sapin
Ministre des finances et des comptes publics
Réf.:
71907
Objet : la gestion des impôts dus en France par les non-résidents
La Cour a procédé, en application de l'article
L.
111-3 du code des juridictions financières,
au contrôle de la direction des résidents
à
l'étranger et des services généraux (DRESG),
service
à
compétence nationale de la direction générale des finances publiques (DGFIP) qui
a pour mission notamment de gérer, recouvrer et contrôler les impôts dus en France par les
personnes physiques et morales non-résidentes, qu'elles soient françaises ou étrangères.
La DRESG recouvre, pour un montant total de
1,
1 Md€ en 2013, les impôts1 et certains
prélèvements sociaux dus par environ 200 000 foyers fiscaux qui résident
à
l'étranger et
perçoivent des revenus ou détiennent des actifs en France. Elle recouvre également, pour
un total de 1,0 Md€, les impôts2 dus par un peu plus de 20 000 entreprises étrangères sans
établissement stable en France3. La DRESG rembourse enfin
à
des entreprises étrangères
la
TVA
payée au titre de leurs activités en France (3,6 Md€ en 2013) et des impôts que la
France doit leur reverser en application de décisions judiciaires (0,4 Md€ en 2013).
Au
terme de ses investigations, la Cour m'a demandé, en application des dispositions de
l'article
R.
143-1 du code des juridictions financières, d'appeler votre attention sur la faible
qualité des services rendus aux non-résidents et sur l'insuffisance du recouvrement et des
contrôles réalisés sur les impôts dus par ces contribuables. Cette situation résulte d'une
législation complexe et fragile dont les modalités d'application sont précisées trop
tardivement. Elle découle également de l'insuffisante professionnalisation et spécialisation
du service en charge de la fiscalité des non-résidents. La Cour recommande que la DGFiP
attache désormais un degré de priorité important
à
la réorganisation et
à
la montée en
puissance d'un service
à
bien des égards aujourd'hui délaissé et qui n'est pas
à
la hauteur
des enjeux croissants qui s'attachent
à
la gestion de ce secteur de la fiscalité.
1 Impôt sur le revenu et impôt de solidarité sur la fortune pour l'essentiel.
2 TVA et impôt sur les sociétés pour l'essentiel.
3 Par exemple, des entreprises étrangères qui vendent leurs produits dans des foires ou salons en France.
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1.
Une faible qualité
de
service
Les Français qui résident
à
l'étranger et payent des impôts
en
France sont, pour beaucoup
d'entre eux, partis pour des raisons professionnelles et
le
respect de leurs obligations
fiscales devrait être facilité par l'administration.
Les
Français établis hors
de
France
Le nombre de Français inscrits sur le registre des Français établis hors de France tenu par
les services consulaires était supérieur
à
1 640 000
au
31
décembre
2013
et a augmenté
en
moyenne de
3,0
%
par
an
au
cours des dix précédentes années. Ce mouvement, qui traduit
notamment l'internationalisation croissante de l'économie française,
va
très probablement
se
poursuivre dans les prochaines années.
Les données fiscales que la DGFIP collecte
en
exploitant les déclarations des contribuables
ne permettent pas de connaître
le
motif de leur départ
à
l'étranger.
Selon une enquête de la Maison des Français de l'étranger citée dans
un
rapport
parlementaire4,
ce
motif est de nature professionnelle pour
57
%
de ceux dont l'âge est
compris entre
26
et
59
ans, qui représentent 50
%
des Français établis
à
l'étranger.
Seule une minorité d'entre eux déclarent
à
la DRESG percevoir des revenus
ou
détenir des
actifs
en
France.
La
DRESG reçoit aussi les déclarations de personnes étrangères qui
résident hors de France mais y perçoivent des revenus
ou
y détiennent des actifs.
Au
total,
la
DRESG
a
reçu
199 000
déclarations
d'impôt
sur
le
revenu
et
6 000
déclarations d'impôt de solidarité sur
la
fortune
en
2013
sans qu'il soit possible de les
ventiler selon
la
nationalité des déclarants.
Or
la
qualité des services que
la
DRESG leur rend, ainsi qu'aux personnes étrangères
redevables d'impôts
en
France, est faible, notamment
en
matière d'information sur
la
réglementation, souvent très complexe, qui leur est applicable.
Les Français établis
à
l'étranger doivent procéder
à
de nombreuses démarches
administratives,
en
France et dans leur pays d'accueil.
La
DRESG devrait en conséquence
faciliter
le
respect de leurs obligations fiscales
en
leur apportant l'information nécessaire par
des voies adaptées
à
une résidence dans des pays
les modes de communication
traditionnels,
le
courrier notamment, fonctionnent parfois difficilement.
Or
l'information fournie par le site
impots.gouv.fr
est insuffisante et actualisée trop
tardivement. Beaucoup de contribuables ont ainsi découvert
en
août
2013,
en
examinant
leurs avis d'imposition,
la
soumission nouvelle de leurs revenus fonciers et plus-values
immobilières aux prélèvements sociaux et ont cru y déceler une erreur de
la
DRESG. Celle-
ci
a ainsi reçu
60 000
appels téléphoniques de plus que les années précédentes
en
septembre et octobre. Sa demande, début septembre, d'une mention sur
le
site
impots.gouv.fr
pour informer les contribuables n'a été satisfaite par
la
DGFIP qu'au bout de
trois semaines.
L'accueil téléphonique de
la
DRESG est fréquemment saturé. Seulement 25
%
des appels
(soit environ
1
OO
000
sur
400 000)
ont été traités,
en
moyenne sur les années
2011
à
2013,
et ce taux n'a jamais dépassé 50 % sur
un
mois.
En
outre, les plages d'ouverture de l'accueil
téléphonique sont inadaptées aux décalages horaires et
la
procédure de rappel téléphonique
est très peu utilisée. La DRESG a
la
réputation
de
«
ne pas répondre
au
téléphone » chez
les français de l'étranger.
4 Rapport
de
la
commission d'enquête
de
l'Assemblée nationale sur «l'exil des forces vives
de
France»
présenté le 8 octobre 2014 par
MM.
L.
Chatel, président, et
Y.
Galut, rapporteur.
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La
DRESG reçoit environ 100 000 courriers électroniques par
an
(140 000
en
2013
en
raison
de
la
réforme des prélèvements sociaux sur les revenus et plus-values immobiliers). Moins
d'un sur deux est traité dans les cinq jours (référence retenue pour l'ensemble des services
de
la
DGFIP) et
le
stock de courriels
non
traités dépasse parfois
10
000.
En
outre,
la
boîte
aux lettres électronique utilisée par
la
DGFIP est inadaptée à l'envoi de documents
volumineux.
Les contribuables non-résidents ont naturellement plus recours que les résidents aux télé-
procédures pour déclarer leurs revenus et payer leurs impôts, mais des obstacles techniques
s'y sont longtemps opposés et s'y opposent parfois encore. Ainsi,
le
revenu fiscal de
référence, nécessaire pour ouvrir
un
compte personnel sur
impots.gouv.fr,
n'était pas indiqué
sur les avis d'imposition des non-résidents jusqu'à 2012. L'adhésion
au
prélèvement à
échéance
ou
mensuel suppose d'avoir
un
compte bancaire
en
France.
Pour inciter les non-résidents à remplir spontanément leurs obligations fiscales,
un
programme d'amélioration de
la
qualité des services rendus aux non-résidents, passant par
une modernisation des outils d'information et de communication et des gains de productivité,
doit être rapidement mis
en
place.
2.
Des contrôles et
un
recouvrement insuffisants
Même
si
le
contrôle et
le
recouvrement des impôts français peuvent présenter de réelles
difficultés dans beaucoup de pays étrangers,
la
relance des contribuables qui
ne
remplissent
pas leurs obligations,
le
contrôle des déclarations reçues, l'efficacité
du
recouvrement des
impôts et l'examen des demandes de remboursement de TVA présentent d'importantes
défaillances.
a)
Le
contrôle et
le
recouvrement des impôts dus par les contribuables
La relance des contribuables qui n'envoient pas de déclaration
Les procédures françaises de taxation d'office étant difficiles à mettre
en
oeuvre dans des
pays étrangers,
la
relance amiable des contribuables qui
ne
remplissent pas leurs obligations
déclaratives est particulièrement importante dans
le
cas des non-résidents.
Pour identifier ceux qui devraient envoyer une déclaration et n'ont
pas
respecté cette
obligation,
la
DRESG dispose d'informations, transmises par d'autres services de
la
DGFIP,
sur les personnes non-résidentes, physiques
ou
morales, qui ont des revenus, des activités
commerciales
ou
des actifs
en
France, par exemple par l'intermédiaire des organismes qui
versent ces revenus
ou
par
la
consultation de ses fichiers sur les biens immobiliers.
Les moyens utilisés
en
France (lettres recommandées notamment) ont certes moins
d'efficacité dans certains pays, mais
la
DRESG pourrait développer cette activité de relance.
S'agissant de l'impôt sur
le
revenu,
la
relance des contribuables défaillants a été concentrée
sur
un
ensemble limité de huit pays,
elle est plus facile, jusqu'à 2013. S'agissant de
l'impôt de solidarité sur
la
fortune, elle n'a été organisée qu'à partir de 2012.
La
relance des
contribuables assujettis à l'impôt sur les sociétés est surtout axée sur les entreprises qui
détiennent des biens immobiliers et perçoivent des revenus fonciers
en
France alors que
beaucoup ont une activité commerciale sans posséder de tels biens. Enfin les contribuables
qui n'ont pas transmis leurs déclarations relatives à
l'exit tax
n'ont été relancés pour
la
première fois qu'en 2014.
Le contrôle des déclarations
La programmation des contrôles fiscaux repose sur des outils d'analyse des risques
présentés par les déclarations reçues des contribuables et sur
la
collecte d'autres
informations.
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Les outils d'analyse des risques de
la
DGFIP permettent notamment d'identifier
automatiquement les déclarations qui présentent des incohérences
ou
des caractéristiques
semblables à celles des déclarations ayant déjà fait l'objet de redressements. Construits
pour analyser les revenus et les patrimoines des résidents, ils ne sont pas nécessairement
adaptés aux spécificités des déclarations et du régime fiscal des non-résidents5.
La DRESG dispose d'une brigade de recherche et de programmation et reçoit des
informations des autres services de
la
DGFIP, notamment des directions nationales
d'enquête et de contrôle fiscal, auxquels elle transmet ses propres informations6. Les
partenariats engagés avec celles-ci pourraient toutefois être plus dynamiques: le nombre de
dossiers transmis par ces directions
à
la
DRESG est en diminution constante et
la
DRESG
connaît rarement les suites données aux informations qu'elle leur transmet.
Le contrôle des déclarations peut prendre
la
forme d'un «contrôle externe», s'il est
approfondi, et d'un «contrôle sur pièces», s'il est plus léger.
Les contrôles externes sur les non-résidents sont difficiles car ils supposent des contacts
étroits avec les contribuables concernés?.
La
DRESG en réalise seulement
un
peu plus de
60
par an, dont une demi-douzaine sur des particuliers. Elle propose toutefois les contrôles
les plus complexes à la direction nationale des vérifications nationales et internationales
(OVNI), pour les entreprises, et à
la
direction nationale des vérifications de situation fiscale
(DNVSF), pour les particuliers. Les droits rappelés sont très variables d'une année
à
l'autre
mais assez limités (de 15 à 45 M€ par an).
Les contrôles sur pièces sont nettement plus nombreux que les contrôles externes pour les
particuliers (près de 4 000 en 2013, soit 2 % des contribuables particuliers) et
un
peu plus
nombreux pour les professionnels (près de 200, soit 1
%
des contribuables professionnels).
Les redressements notifiés restent aussi limités : entre 30 et 45 M€ par an (particuliers et
professionnels).
Alors qu'une approche globale est souvent indispensable, l'analyse des impôts dus par les
particuliers sur leurs revenus et leur patrimoine et par les entrepreneurs individuels reste
encore trop fréquemment réalisée dans des services différents et cloisonnés.
En
outre, les
personnels affectés au contrôle sur pièces sont souvent mobilisés par des fonctions de
gestion de l'impôt, notamment dans
les«
périodes de pointe» (entre la réception et
le
dépôt
des déclarations par les contribuables puis entre
la
réception des avis d'imposition et le
paiement).
Les contribuables sont inégalement contrôlés selon leur lieu de résidence et les relances
sont encore trop souvent limitées aux contribuables résidant dans
un
nombre restreint de
pays.
Il
en est de même selon les impôts : les contrôles de
la
taxe de 3 % sur les immeubles
détenus par les non-résidents sont ainsi très rares et
le
contrôle des déclarations relatives
à
l'exit tax
n'a été mis en place qu'à
la
fin de 2014.
Le recouvrement des impôts
La relance des non-résidents qui ont omis de déclarer leurs revenus ayant une efficacité
limitée, le recouvrement porte essentiellement sur les impôts des contribuables qui les ont
spontanément déclarés.
Le
taux de recouvrement à l'échéance des impôts des particuliers
devrait, dans ces conditions, être relativement élevé, mais
il
est seulement de
91
% contre
une moyenne de 98 % pour l'ensemble de la DGFIP.
5 Par exemple, les réductions et crédits d'impôts ne sont pas soumis aux mêmes conditions ; les déclarations des
non-résidents peuvent ne porter que sur des revenus de capitaux mobiliers très variables d'une année
à
l'autre.
6 La DRESG gère
la
fiscalité des personnes non domiciliées
en
France, mais la vérification de
la
réalité de cette
domiciliation relève surtout de
la
direction nationale des enquêtes fiscales et des services territoriaux de
la
DGFIP.
7 Ils sont d'ailleurs souvent désignés par l'appellation
«
contrôles sur place
»
bien que, pour les particuliers, ils
n'aient pas lieu
à
leur domicile mais dans les bureaux de l'administration.
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Le taux de recouvrement
au
bout de deux ans des créances issues d'un contrôle fiscal
externe est quant
à
lui de 55
%
pour
la
DRESG
en
2013, contre
75
%
pour l'ensemble de
la
DGFIP.
À
la
fin de 2013,
un
stock de près de
15
000 créances restaient
à
recouvrer
au
titre des
années 2013 et antérieures, pour
un
montant de presque 500
M€,
soit une année de produit
de l'impôt sur le revenu des non-résidents.
Les obstacles
au
recouvrement de l'impôt dû
en
France sont multiples dans certains pays
étrangers : lourdeur des procédures de notification, erreurs d'adressage, impossibilité de
mise
en
oeuvre de moyens tels que l'avis
à
tiers détenteur ; absence de biens saisissables
en France... S'il existe une procédure internationale d'assistance
au
recouvrement des
créances des États, beaucoup de pays hors de l'Union européenne n'y adhèrent
pas.
Elle
ne
peut, de plus, être utilisée que pour des créances supérieures
à
un
certain montant et
la
direction des créances spéciales du Trésor qui
la
met
en
oeuvre pour
la
France n'a pas les
moyens de prendre
en
charge toutes les créances de
la
DRESG supérieures
à
ce
seuil.
Les impôts dus peuvent être recouvrés
au
retour des contribuables
en
France mais encore
faut-il qu'ils aient
pu
être notifiés selon les règles françaises et que les délais de prescription
n'aient pas été dépassés.
En
outre, les procédures d'information entre
la
DRESG et les
services territoriaux qui reçoivent les déclarations des nouveaux arrivants
ne
sont pas
toujours efficaces.
Si
les obstacles
au
recouvrement sont réels,
la
DRESG pourrait néanmoins améliorer
l'efficacité des unités qui
en
sont chargés, notamment par
le
recrutement d'agents ayant
un
profil professionnel adapté
à
ces
difficultés.
b)
Les contrôles préalables
au
remboursement de TVA
Les remboursements de TVA effectués par
la
DRESG concernent d'abord des entreprises
non domiciliées et sans établissement stable
en
France qui y exercent néanmoins des
activités commerciales et sont assujetties
à
la
TV
A.
Elles collectent
la
TV A sur leurs ventes
et se font rembourser
la
TVA sur leurs achats
si
elle dépasse
le
montant collecté (2,3 Md€
pour environ 6 600 demandes de remboursements
en
2013).
Ces remboursements concernent aussi des entreprises qui n'ont aucune activité
commerciale
en
France,
ou
une activité insuffisante pour être assujettie, qui ne collectent
donc pas de TVA mais qui peuvent se faire rembourser
la
TVA payée sur leurs achats
en
France
en
application d'une directive européenne (1,3 Md€ pour 124 000 demandes).
Il
s'agit surtout de sociétés de transport dont les camions traversent
la
France
en
payant du
carburant et des péages.
Ces très nombreuses demandes de remboursements présentées par des sociétés qui n'ont
aucune présence en France et sont assujetties
à
la
TVA dans leur pays de domiciliation
peuvent faire l'objet de fraudes multiples: non assujettissement
à
la
TVA
en
réalité, fausses
factures, remboursement de dépenses non éligibles ...
Depuis 2010, les administrations fiscales européennes mettent
à
la
disposition des
entreprises domiciliées dans leur pays
un
portail Internet
elles déposent leurs demandes
de remboursement. Elles doivent vérifier que les entreprises concernées sont assujetties
à
la
TVA et disposent d'un numéro de TVA intracommunautaire valide,
ce
qui contribue
à
renforcer
le
contrôle par rapport
à
la
situation antérieure
elles ne procédaient
à
aucune
vérification, puis elles transmettent leur demande par Internet aux services fiscaux
du
pays
qui doit rembourser
la
TVA (la DRESG pour
la
France).
Ce système facilite les démarches et réduit les délais de traitement mais, selon
un
rapport
d'un groupe de travail réunissant
11
administrations fiscales,
il
contribue
à
aggraver les
risques de fraude malgré les vérifications opérées par l'administration du pays de
domiciliation de l'entreprise :
la
dématérialisation rend plus difficile
le
repérage des
fausses factures ; dans certains pays, des entreprises peuvent très rapidement être créées,
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recevoir
un
numéro provisoire d'assujettissement
à
la
TVA,
obtenir
un
remboursement indu
puis disparaître.
En
outre, l'assujettissement
du
demandeur
à
la
TVA est inégalement vérifié
selon
les
États.
Au regard des risques qui s'y attachent,
les
contrôles préalables exercés par
la
DRESG
sur
les remboursements effectués
en
France sont insuffisants :
en
2012,
la
France représentait
27
%
des demandes et
23
%
des remboursements
de
l'Union européenne (hors Allemagne
et Hongrie) mais seulement
11
%
des demandes rejetées et 7
%
du
montant des
remboursements refusés.
Les demandes
de
remboursement
de
TVA reçues par
la
DRESG peuvent être traitées,
comme dans
les
autres services
de
la
DGFIP,
en
«circuit court», et faire alors l'objet d'un
contrôle très allégé,
ou
en
«circuit long
»,
et faire l'objet d'un contrôle approfondi. Pour éviter
une accumulation de dossiers
en
attente,
la
DRESG
ne
traite que
le
quart des demandes
des transporteurs
en
circuit long.
La
Cour considère que
la
part des demandes traitées
en
circuit long doit augmenter
significativement et que
les
premières demandes
de
remboursement et celles supérieures
à
50 000
devraient l'être systématiquement.
3.
Une législation complexe et fragile dont
les
modalités d'application sont
précisées trop tardivement
La
législation fiscale applicable aux non-résidents est souvent complexe et fragile.
Elle
doit
faire l'objet
de
décrets d'application et d'instructions des services fiscaux permettant d'en
préciser et d'en clarifier
les
modalités. Or des exemples récents montrent que
ces
instructions sont parfois publiées trop tardivement.
a)
Les
spécificités de
la
fiscalité des non-résidents
Les revenus perçus, les ventes réalisées et
les
actifs détenus
en
France par des non-
résidents sont soumis aux mêmes prélèvements obligatoires que ceux des résidents, mais
selon
des
modalités
d'applications
particulières
qui
introduisent
une
complexité
supplémentaire par rapport
à
la
législation applicable aux résidents8.
Des
conventions
fiscales bilatérales entre
la
France et
les
autres
pays
permettent d'éviter
les
doubles
impositions, mais les modalités retenues diffèrent souvent d'une convention
à
l'autre
ce
qui
introduit des éléments supplémentaires
de
complexité.
Les non-résidents sont par ailleurs soumis
à
des impôts spécifiques comme
l'exit tax
due sur
les plus-values mobilières latentes
au
moment
du
départ
à
l'étranger. Elle a été créée par
la
loi
de
finances pour
1999,
condamnée par
la
Cour
de
justice des communautés
européennes
en
2004 puis rétablie sous
une
autre forme dans
une
loi
de finances
rectificative de 2011.
Cet exemple montre que
la
fiscalité des non-résidents présente des risques particuliers
de
non-conformité
au
droit européen.
Elle
peut
en
effet,
si
elle est
mal
conçue, introduire des
discriminations entre résidents et non-résidents et faire obstacle
à
la
libre circulation des
personnes, des marchandises et des capitaux
au
sein
de
l'Union européenne,
ce
que
prohibe
la
réglementation européenne.
8 Par exemple,
les
revenus de source française des ménages non-résidents sont soumis
au
barème
de
l'impôt
sur
le
revenu, mais avec
un
taux minimal
de
20
%
sauf s'ils peuvent prouver que l'application
du
barème
à
l'ensemble de leurs revenus, d'origine française
ou
étrangère, est plus favorable. Une retenue
à
la source est
prélevée dans certains cas sur les revenus d'origine française et elle peut avoir
un
caractère libératoire, mais
dans certaines conditions.
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Le
contentieux dont l'enjeu pour
les
finances publiques est actuellement
le
plus
lourd
concerne ainsi
une
retenue à
la
source sur
les
dividendes versés par les sociétés françaises
à des organismes de placement collectif
en
valeurs mobilières (OPCVM) non-résidents.
La
loi
de
programmation des finances publiques
du
29
décembre 2014 prévoit à
ce
titre près de
5 Md€
de
remboursements
sur les
années
2014
à
2017
et
la
gestion
des
11
500 réclamations enregistrées
au
printemps 2014 mobilise une partie
non
négligeable
des moyens de
la
DRESG.
Des contentieux ont été perdus récemment, comme sur
la
majoration spécifique aux
non-résidents
du
taux d'imposition des plus-values immobilières. D'autres sont
en
cours et
pourraient connaître une issue défavorable aux finances publiques françaises: tel est
le
cas
notamment de l'application aux non-résidents des prélèvements sociaux, perçus par
la
DRESG, sur les revenus fonciers et
les
plus-values immobilières.
b)
Les
délais
de
publication des décrets d'application et des instructions fiscales
Des exemples récents montrent que les délais entre l'adoption des textes législatifs
et
la
publication des décrets et des instructions nécessaires pour
en
préciser les modalités
d'applications sont parfois excessivement
longs.
L'exit tax
L'exit tax
est
un
impôt sur les plus-values mobilières latentes des contribuables qui
transfèrent leur domicile fiscal hors de
France.
S'il s'installe dans
un
pays
de
l'Union
européenne,
le
contribuable bénéficie d'un sursis de paiement automatique, jusqu'à
la
cession des titres concernés ; s'il s'installe dans
un
autre
pays,
il
peut obtenir
un
tel
sursis,
sous réserve de l'apport de garanties.
Alors que
la
nouvelle version
de
l'exit tax,
préparée par l'administration et proposée
au
vote
du
Parlement
en
juillet 2011, est applicable aux personnes transférant leur domicile fiscal à
l'étranger à partir
du
3 mars
2011,
le
décret d'application n'a été publié que
le
7 avril 2012,
le
formulaire
(17
pages) a été
mis
en
ligne
le
12
juin 2012 et l'instruction de
la
DGFIP (90 pages) a été publiée
le
31
octobre
2012
puis modifiée à plusieurs reprises.
La
DRESG a été obligée de saisir plusieurs fois,
de
septembre 2012 à avril
2013,
les
services centraux de
la
DGFIP pour obtenir
des
réponses sur ses modalités d'application.
Certaines difficultés d'interprétation de
la
réglementation, concernant notamment les
garanties nécessaires
en
cas de sursis
de
paiement, n'étaient toujours pas résolues fin
2014.
La retenue à la source sur les dividendes versés à des OPCVM
Un
arrêt du
10
mai
2012
de
la
Cour de justice
des
communautés européennes ayant
condamné
la
France à l'issue d'un long contentieux,
la
loi
de
finances rectificative
du
16
août 2012 a exonéré de retenue à
la
source, sur proposition
du
Gouvernement, les
dividendes versés à des OPCVM étrangers sous certaines conditions, notamment de
«
présenter des caractéristiques similaires à celles d'OPCVM de droit français
».
Bien que
la
DRESG ait signalé dès
le
5 octobre 2012 à l'administration centrale
de
la
DGFIP
les interrogations des établissements bancaires sur l'interprétation à donner à
ce
texte et
la
nécessité de préciser très rapidement
les
critères
de
comparabilité des
OPCVM,
une
réponse, qui a
être ensuite complétée, n'a été apportée que
le
6 août 2013 par une
publication
au
bulletin officiel des finances publiques.
Ce
retard est d'autant plus critiquable
que,
comme
la
DRESG
l'avait indiqué dès octobre
2012 à son administration centrale,
les
banques ont continué à prélever
la
retenue à
la
source jusqu'à août 2013, dans l'attente
de
ces
éclaircissements. L'État s'expose donc
au
remboursement des retenues prélevées à tort, dont l'administration a répondu à
la
Cour
qu'elle n'était pas
en
mesure d'estimer
le
montant.
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4.
Une structure à spécialiser et à professionnaliser
La fiscalité des non-résidents est complexe et le contrôle comme le recouvrement des
impôts dus par des personnes domiciliées
à
l'étranger est naturellement difficile. Mais
compte tenu des enjeux croissants qui s'attachent
à
ce secteur de la fiscalité et des marges
de redéploiement interne dont dispose
la
DGFiP du fait de l'étendue de ses missions et des
gains de productivité mobilisables dans l'ensemble de son réseau, la DGFIP devrait affirmer
sa volonté de réforme pour améliorer cette situation. Cela doit passer par une spécialisation
de la DRESG sur ses seules missions fiscales en direction des non-résidents et par une
professionnalisation de son recrutement, de ses méthodes et de ses outils.
L'organisation et
le
pilotage de
la
DRESG doivent être profondément revus. Cette direction
assure aujourd'hui des fonctions très hétérogènes, ce qui ne peut que nuire
à
la
nécessaire
mobilisation de son directeur et de ses autorités de rattachement sur l'amélioration de
la
gestion des impôts dus par les non-résidents.
En
effet, outre
la
gestion et le contrôle des impôts des non-résidents,
la
DRESG recouvre
les prélèvements fiscaux et sociaux retenus
à
la
source sur les revenus de capitaux
mobiliers (14,9 Md€ en 2013), qui concernent principalement les résidents. Elle assure
également des services généraux (gestion de
la
paye ... ) au profit de l'administration centrale
ou de l'ensemble de la DGFIP qui mobilisent
le
tiers de ses effectifs (soit environ
160 personnes sur
un
total de 480). Pour cette raison,
la
DRESG est d'ailleurs placée sous
l'autorité du chef du service des ressources humaines de
la
DGFIP et non du chef du service
de la gestion fiscale.
Il
serait plus logique et plus efficace de faire gérer les fonctions de support de l'administration
centrale par celle-ci ou par le secrétaire général du ministère des finances, comme c'est
habituellement le cas dans les ministères, et de faire de
la
DRESG un service
à
compétence
nationale ayant pour seule fonction
la
gestion et le contrôle de la fiscalité des non-résidents
et de la rattacher au chef du service de
la
gestion fiscale de
la
DGFIP.
La fiscalité des non-résidents présente d'importantes différences par rapport
à
la
législation
fiscale de droit commun ; de plus, la gestion et le contrôle des impôts dus par des personnes
domiciliées
à
l'étranger sont naturellement plus difficiles.
La
DRESG devrait en conséquence
pouvoir choisir des agents qualifiés ayant
un
profil adapté
à
ces particularités.
Le recrutement interne
à
la
DGFIP se fait soit
à
l'ancienneté - c'est alors l'agent qui choisit
son service d'affectation
-,
soit « au profil » : c'est alors le service d'affectation qui choisit
l'agent en fonction de son profil professionnel. S'agissant de la DRESG, son directeur ne
peut recruter au profil qu'un nombre très limité de cadres supérieurs alors que les directions
nationales d'enquête et de contrôle de
la
DGFIP choisissent elles-mêmes la plupart de leurs
cadres.
Il
est donc nécessaire d'élargir les possibilités de recrutement
au
profil de
la
DRESG.
La gestion de
la
fiscalité des non-résidents impose de créer des applications informatiques
spécifiques
ou
d'adapter les applications utilisées par les autres services de
la
DGFIP pour
gérer la fiscalité des résidents.
La
DGFIP considère que ses contraintes budgétaires ne lui
permettent pas d'envisager une informatisation des processus aussi complète pour
la
DRESG que pour les autres services fiscaux.
En
conséquence, la DRESG doit souvent
développer ses propres applications dans des conditions non satisfaisantes en termes de
fiabilité et de sécurité, voire s'en tenir
à
une gestion manuelle.
Le directeur de
la
DGFIP doit inciter ses services informatiques
à
soutenir plus fortement la
DRESG en lui apportant l'assistance et les moyens nécessaires.
La mise
à
niveau des systèmes d'information de
la
DRESG doit s'accompagner d'un
renforcement des dispositifs de contrôle et d'audit internes permettant de donner une
assurance suffisante de maîtrise des risques.
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Au terme de son enquête,
la
Cour estime qu'une action vigoureuse de réforme doit être
engagée sans retard pour améliorer significativement
la
gestion de la fiscalité des non-
résidents.
À
cette fin, elle formule les recommandations suivantes :
Recommandation
1
:
Mettre
en
oeuvre rapidement
un
programme
d'amélioration de la qualité des services rendus aux non-résidents reposant sur une
modernisation des outils d'information et de communication.
Recommandation
2
:
Raccourcir les délais de publication des décrets
d'application et des instructions qui précisent les nouvelles règles fiscales concernant les
non-résidents.
Recommandation
3
:
Spécialiser la DRESG dans
la
gestion de
la
fiscalité
des non-résidents,
la
rattacher au service de
la
gestion fiscale de
la
DGFIP, et transférer
à
l'administration centrale de la DGFIP,
ou
au secrétariat général du ministère des finances,
les fonctions de support administratif qu'elle exerce actuellement
Recommandation
4
:
Affecter aux fonctions de recouvrement et de
contrôle des agents ayant un profil adapté aux spécificités de
la
fiscalité des non-résidents et
mettre
à
niveau les outils informatiques.
-=oOo=-
Je vous serais obligé de me faire connaître, dans
le
délai de deux mois prévu
à
l'article
L.
143-5 du code des juridictions financières,
la
réponse que vous aurez donnée
à
la
présente communication
9
.
Je vous rappelle qu'en application des dispositions
du
même
code:
deux mois après son envoi, le présent référé sera transmis aux commissions
des finances, et, dans leur domaine de compétence, aux autres
comm1ss1ons
permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Il
sera accompagné de
votre réponse si elle est parvenue
à
la
Cour dans
ce
délai.
À
défaut, votre réponse
leur sera transmise dès
sa
réception par la Cour (article
L.
143-5) ;
dans le respect des secrets protégés par
la
loi,
la
Cour pourra mettre
en
ligne sur
son site internet le présent référé, accompagné de votre réponse (article
L.
143-1);
l'article
L.
143-10-1 prévoit que, en tant que destinataire du présent référé,
vous fournissiez
à
la Cour un compte rendu des suites données
à
ses observations,
en vue de leur présentation dans son rapport public annuel. Ce compte rendu doit
être adressé
à
la Cour, selon les modalités de la procédure de suivi annuel
coordonné, convenue entre elle et votre administration.
-
Qidie1
Mlgaua
9 La Cour vous remercie de lui faire parvenir votre réponse, sous votre signature personnelle exclusivement, sous
forme dématérialisée (un fichier PDF comprenant
la
signature et
un
fichier Word)
à
l'adresse électronique
suivante: greffepresidence@ccomptes.fr.
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