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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
RADIO FRANCE :
LES RAISONS D’UNE
CRISE, LES PISTES
D’UNE RÉFORME
Rapport public thématique
Synthèse
Avril 2015
g
AVERTISSEMENT
C
ette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
SOMMAIRE
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5
1
Une entreprise en état de crise financière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
2
Des activités au développement insuffisamment piloté . . . . . . . .9
3
Une gestion peu rigoureuse
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13
4
Un modèle social, source de rigidité
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15
5
Le chantier de réhabilitation, miroir des défaillances de gestion
de l’entreprise
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19
6
Une refondation nécessaire
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21
Conclusion
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23
Recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25
INTRODUCTION
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Radio France est, par sa taille, la deuxième entreprise de l’audiovisuel public.
Son chiffre d’affaires s’élève à 641 M€ en 2013, dont 90 % de ressources
publiques. Son effectif s’établit à 4 909 emplois équivalents temps plein (ETP).
Durant les dix dernières années, le paysage général de la radio est resté assez
stable. Radio France y a maintenu sa part d’audience autour de 25 % entre 2006
et 2014 ; ce chiffre recouvre la diffusion des sept antennes qu’elle comporte
(1)
.
Parmi elles, France Bleu coordonne 44 stations locales.
Ces résultats d’audience, honorables, traduisent une satisfaction des auditeurs.
La qualité des programmes de Radio France fait, en général, l’objet d’une appré-
ciation positive.
Radio France doit cependant faire face aujourd’hui à des défis importants.
La révolution numérique induit de profonds changements dans les modes de
production, de diffusion et de consommation du média radiophonique dont
Radio France a eu tendance à sous-estimer la portée. Ces dernières années, l’en-
treprise s’est employée à rattraper son retard, mais doit faire face à des investis-
sements coûteux.
Dans le même temps, l’entreprise doit achever le complexe chantier de réhabili-
tation de la Maison de la Radio, source de surcoûts et de retards.
Alors qu’elle doit répondre à ce double défi, Radio France se trouve confrontée
à une dégradation de sa situation financière que traduisent un déséquilibre de
ses comptes et des perspectives de résultat structurellement négatives.
Cette situation est en grande partie liée à la baisse de la subvention publique
par rapport aux prévisions inscrites dans le contrat d’objectifs et de moyens
(COM) 2010-2014 et au financement du chantier de réhabilitation. La Cour
relève cependant en même temps une qualité imparfaite de la gestion de l’en-
treprise, un modèle social rigide, une faible mutualisation des activités et des
modes de production qui n’ont pas beaucoup évolué.
_______
(1) France Inter, France Culture, France Musique, FIP, France Info, France Bleu, Mouv’.
Radio France doit entreprendre des réformes profondes pour restaurer sa situation
financière et demeurer au niveau de ses homologues européens, dont certains
(
British Broadcasting Corporation
BBC
,
Radio Télévision Belge Francophone
RTBF
et
Danmarks Radio
DR
) ont servi d’utiles points de comparaison pour
l’établissement du présent rapport. Tout en maintenant la qualité de ses pro-
grammes et services, elle doit produire ceux-ci au meilleur coût tout en améliorant
sa gestion.
INTRODUCTION
6
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Une entreprise en état de crise
financière
Une dotation de l’État en augmenta-
tion
De 2006 à 2013, les versements de
l’État à Radio France ont augmenté
deux fois plus vite que les dépenses du
budget général de l’État (+ 22,3 %
contre + 9,1 %). Entre 2009 et 2012,
l’écart est encore plus prononcé :
+ 9,7 % d’augmentation pour les ver-
sements à Radio France contre + 3 %
pour les dépenses du budget général
de l’État.
Évolution des dotations versées par l’État (en M€)
Source : rapports sur la mise en oeuvre du COM
Un état de crise financière
À partir de 2012, les versements de
l’État ont été inférieurs aux prévisions
du contrat d’objectifs et de moyens
(COM) : de
- 8,6 M€
en
2012,
- 31,3 M€ en 2013 et - 47,8 M€ en
2014.
Compte tenu des dépenses incom-
pressibles du chantier dont le finance-
ment était compris dans la dotation
générale de l’État, Radio France a
imputé sur son fonctionnement l’inté-
gralité de l’effort budgétaire qui lui
était demandé. Ces efforts n’ont pas
été suffisants au regard des coûts
croissants de fonctionnement, notam-
ment ceux de la masse salariale. Il en
est résulté une dégradation de la
situation financière, marquée par la
perspective d’un résultat négatif en
2014. Selon les projections, le niveau
de la trésorerie est aussi appelé à
connaître une baisse inquiétante lors
des exercices à venir.
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Une entreprise en état de crise
financière
Des réformes structurelles à mener
Les deux contrats d’objectifs et de
moyens conclus entre l’État et Radio
France (portant sur les périodes 2006-
2009 et 2010-2014) n’ont pas suffi-
samment incité l’entreprise à entre-
prendre des réformes de structure.
Le prochain contrat d’objectifs et de
moyens (2015-2019) doit fixer des
objectifs clairs de réforme, sur le fon-
dement d’un nouveau projet d’entre-
prise.
Trésorerie nette (en M€)
Source : Radio France
* 2014 : prévision initiale
2
Des activités au développement
insuffisamment piloté
Radio France apparaît comme la réu-
nion
d’entités
semi-autonomes
(antennes,
formations
musicales),
dont les coûts ont augmenté, sans
recherche suffisante de coordination
des activités ni de mutualisation des
moyens.
Des antennes coûteuses
Les résultats d’audience des antennes
sont
contrastés : croissance
pour
France Bleu, France Culture et FIP,
baisse pour France Inter, France Info,
France Musique et le Mouv’.
Audiences de Radio France (en % d’audience cumulée)
Source : Médiamétrie
* Le comptage des audiences de FIP est calculé de septembre à juin sur une zone incluant
Paris, Nantes, Stasbourg et Montpellier. En 2014, un nouveau comptage a été effectué par
Médiamétrie, homogène avec les autres antennes. Sur l'année 2014, FIP y obtient 1% d'au-
dience cumulée.
** Sur 31 fréquences
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
9
Coûts directement affectés aux programmes
des antennes nationales (en M€)
2004
2013
Variation
2004-2013
(en %)
France Inter
43,3
52,8
22 %
France Info
17,1
25,6
50 %
France Culture
33,3
38,8
16 %
France Musique
15,4
18,2
18 %
FIP
3,7
5,5
47 %
Le Mouv’
4,5
8,7
93 %
Total
117,4
149,7
27,5 %
Source : Radio France
Cette situation appelle des mesures
pour mieux coordonner les activités
de cet ensemble et en améliorer la
gestion. En outre l’avenir du Mouv’
suscite des interrogations qui doivent
être tranchées avant la signature du
prochain contrat d’objectifs et de
moyens.
L’entrée dans l’ère numérique
À l’exception de la mise en ligne, à par-
tir de 2006, d’une offre de radio en dif-
féré (
podcasts
) qui est un succès,
Radio France a investi tardivement
dans le numérique. Un plan de rattra-
page a été mis en place à partir de
2011. Cent cinquante emplois environ
y ont été affectés. Des investisse-
ments ont été consentis pour remet-
tre à niveau les sites internet et les
applications correspondantes. Les
premiers résultats d’audience sont
encourageants.
Pour autant, si Radio France est
entrée dans l’ère numérique, les
efforts engagés se sont insuffisam-
Des activités au développement
insuffisamment piloté
10
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les coûts des antennes ont tous beau-
coup augmenté. Les causes de cette
augmentation résident dans la crois-
sance des effectifs et de la masse
salariale, dans des organisations peu
structurées, des modes de production
rigides et coûteux, et dans l’incapacité
pour l’entreprise de disposer d’un coût
de grille précis, qui permette de pilo-
ter le fonctionnement des antennes.
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des activités au développement
insuffisamment piloté
ment inscrits dans une dynamique
d’ensemble. En outre, de nombreux
obstacles doivent être levés pour
amplifier ce mouvement. Ainsi, les
tâches nouvelles qui résultent de la
numérisation de la production doi-
vent être prises en compte dans la
définition des métiers. De surcroît, des
investissements nouveaux doivent
être programmés dans ce domaine
essentiel mais coûteux, alors même
que Radio France entre dans une
période de forte contrainte financière.
Les formations musicales
Au nombre de quatre
(2)
, les forma-
tions musicales de Radio France n’ont
pas connu d’évolution de leurs for-
mats et de leurs missions depuis la
réforme de 1975. Elles représentent
une dépense de près de 40 M€ pour
un peu plus de 2 M€ de recettes.
Alors même qu’un nouvel auditorium
a été inauguré à la Maison de la Radio
qui doit notamment accueillir les deux
formations symphoniques (l’Orches-
tre national de France et l’Orchestre
philharmonique de Radio France), le
problème de la coexistence de ces
deux formations n’a pas été résolu de
manière
satisfaisante.
Parmi
les
options envisageables, celle d’une
fusion des deux orchestres est préco-
nisée par la Cour.
En tout état de cause, l’articulation
entre les formations musicales et
France Musique doit être revue.
_______
(2) Orchestre national de France, Orchestre philharmonique de Radio France, Chœur de Radio
France, Maîtrise de Radio France.
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
3
Une gestion peu rigoureuse
La gestion de Radio France souffre de
défaillances qui ne sont pas accepta-
bles pour une entreprise publique de
cette dimension et qu’il est impératif
de corriger.
Un conseil d’administration à renfor-
cer
La gouvernance de Radio France
serait améliorée par un renforcement
du rôle du conseil d’administration.
Celui-ci devrait pouvoir se prononcer
effectivement sur la stratégie de l’en-
treprise, ainsi que sur les décisions les
plus structurantes pour son activité et
son développement.
Des procédures de gestion encore
insuffisantes
La Cour a relevé des lacunes dans les
procédures budgétaires de l’entre-
prise. L’absence d’une véritable comp-
tabilité analytique constitue un obsta-
cle à un pilotage rationalisé des activi-
tés. Les procédures de paiement res-
tent lourdes et ne sont pas exemptes
de risques.
Le montant total des achats à Radio
France s’élève à 216,4 M€ en 2013. Il
s’agit donc pour l’entreprise d’un
enjeu central de gestion.
Depuis 2005, ces achats sont assujet-
tis aux règles de la commande
publique, prévoyant mise en concur-
rence et transparence. Créée en 2011
et pleinement active depuis 2013, la
direction des achats doit poursuivre la
remise en ordre de cette activité.
Des procédures de contrôle trop fai-
bles
La Cour constate qu’en de nombreux
domaines, la formalisation des règles
est insuffisante (frais de déplacement,
dépôt des congés) et que, lorsque
celles-ci existent, leur mise en œuvre
est inégale (visas du contrôle finan-
cier). Le contrôle interne doit être en
conséquence renforcé.
Par ailleurs, malgré la qualité de ses
rapports, la direction de l’audit interne
pâtit de la faiblesse de ses effectifs
pour mener toutes les études néces-
saires, tandis que les conclusions de
ses travaux sont insuffisamment
prises en compte.
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
4
Un modèle social, source de
rigidité
La gestion des ressources humaines
de Radio France est marquée par de
grandes rigidités et par la complexité
de la gestion des situations indivi-
duelles.
Elle
doit
être
modernisée,
pour
accompagner les mutations de l’en-
treprise. Un nouvel accord collectif
doit remplacer l’ancienne convention
de l’audiovisuel public aujourd’hui
mise en cause. Sa négociation, qui a
pris du retard, doit constituer la pre-
mière étape de cette modernisation.
Des effectifs et une masse salariale
en hausse
Entre le 31 décembre 2003 et le
31 décembre 2013, les effectifs de
Radio France (CDI et CDD) ont crû de
5,6 %. Les journalistes représentent
environ la moitié de cette augmenta-
tion. Au 31 décembre 2013, Radio
France comptait 4 909 équivalents
temps plein (ETP).
Evolution des effectifs (ETP)
Source : bilans sociaux de Radio France
Un modèle social, source de rigidité
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
16
Sur la même période, la masse sala-
riale (CDI et CDD) a augmenté de
29,6 %. La part des charges de per-
sonnel dans les charges d’exploitation
atteint 57,2 % en 2013.
Évolution de la masse salariale (M€)
Source : Radio France
Aux effectifs des CDI et des CDD, il
faut ajouter environ 700 ETP d’inter-
mittents, non comptabilisés dans le
plafond d’emplois auquel l’entreprise
est soumise. Le recours à l’intermit-
tence est en augmentation depuis
2009. La Cour recommande que le
recours aux intermittents soit soumis
à un plafond d’emplois.
Un modèle social, source de rigidité
Des conditions de travail très favora-
bles
À Radio France, les régimes des
congés, des heures supplémentaires,
des heures de nuit, des dimanches et
jours fériés sont très favorables. Aux
dispositions du code du travail, s’ajou-
tent les avantages spécifiques des
conventions collectives et les règles
particulières à Radio France. Par
exemple, les journalistes de plus de
8 ans
d’ancienneté
disposent
de
68 jours ouvrés de congés et de RTT,
soit près de 14 semaines, et le travail
le dimanche pour les personnels tech-
niques et administratifs donne droit
au paiement des heures à un taux
majoré de 30 % ou à une récupération
égale à 50 % des heures travaillées,
contre 20 % et 1/3 prévus par la
convention collective.
Un climat social tendu en dépit de
relations sociales très développées
Une composante essentielle du fonc-
tionnement de Radio France est l’in-
tensité du dialogue social, qui occupe
un
temps
d’activité
significatif.
388 personnes, soit environ 8 % des
effectifs, bénéficient du régime des
salariés
protégés.
Leurs
crédits
d’heure
représentent
l’équivalent
annuel de 134 ETP. En 2013, 622 réu-
nions ont été consacrées au dialogue
social.
Le montant de la masse salariale
alloué aux comités d’entreprise de
Radio France est significatif : 3,2 % y
compris le restaurant d’entreprise. Sur
la base des travaux de la Cour, ce chif-
fre est comparable à celui observé à la
RATP (3,11 %).
Malgré cette intensité du dialogue, le
nombre des conflits sociaux reste
important. La menace de grève ou les
grèves effectives sont une donnée
centrale de la négociation collective à
Radio France. Malgré une baisse du
nombre annuel de jours de grève, la
grève d’une semaine à France Inter en
janvier 2013 a montré que le climat
social de l’entreprise restait conflic-
tuel. Ce climat a gêné l’engagement
de réformes structurelles. Il n’a pas
permis la conclusion d’accords sur
l’organisation du travail et l’évolution
des métiers.
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
17
19
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
5
Le chantier de réhabilitation,
miroir des défaillances de
l’entreprise
Une programmation insuffisante
pour une opération hors norme
Parmi les grands chantiers publics
lancés lors des dernières décennies, la
réhabilitation de la Maison de la Radio
est l’un des plus considérables par
l’ampleur des surfaces concernées
(110 000 m
2
) et l’un des plus com-
plexes, le chantier s’effectuant sur un
site occupé.
Motivé au départ par la remise aux
normes de sécurité de la Maison de la
Radio, le projet a évolué vers un pro-
gramme
de
réhabilitation
et
de
réaménagement
des
installations
existantes (avec la création d’un audi-
torium de 1 400 places), alors que des
scénarios de délocalisation, moins
coûteux et complexes, auraient pu
être mis en œuvre.
Malgré la complexité de l’opération,
Radio France ne s’est pas dotée dès le
début d’équipes suffisantes pour la
conduite du chantier et son suivi juri-
dique et financier.
En outre, le chantier n’a pas été l’occa-
sion de revoir les processus de pro-
duction. La réhabilitation s’est accom-
pagnée d’une inflation relative des
moyens de production, là où on aurait
pu en profiter pour faire des gains de
productivité.
La conduite de l’opération
La conduite de l’opération s’est carac-
térisée par de nombreuses insuffi-
sances en matière de contrôle, d’orga-
nisation interne et de procédures.
Les relations entre Radio France et
l’architecte ont été difficiles, au point
d’occasionner en 2012 une rupture
partielle de leurs relations contrac-
tuelles.
Les
retards
se
sont
multipliés.
L’accumulation de modifications aux
marchés de travaux, outre les ques-
tions de régularité qu’elle pose, induit
des difficultés juridiques dont il faudra
prendre la mesure lors des prochaines
phases de travaux. En effet, les règles
de la commande publique encadrent
strictement les dépassements autori-
sés par rapport aux montants initiaux
des marchés.
Des coûts qui dérivent
Au gré des modifications de pro-
gramme, des retards du chantier et
des aléas, le coût final estimé du chan-
tier n’a cessé de progresser. L’étendue
de la dérive financière globale n’est
pas encore parfaitement connue,
même si les estimations réalisées par
la Cour laissent penser qu’il s’agit pour
le moment d’un doublement du coût
de l’opération.
Le chantier de réhabilitation, miroir des
défaillances de l’entreprise
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
20
Coût final estimé (en M€)
Source : Radio France
* Au coût final estimé s’ajoutent les coûts de fonctionnement et les indemnités transaction-
nelles pour aboutir au coût global. Entre 2004 et 2014, ce coût global est passé de 262 M€ à
575 M€.
Cette situation fragilise l’équilibre
financier de Radio France. Elle pose la
question du financement de la fin du
chantier. La Cour recommande l’exa-
men de toutes les hypothèses et de
leur impact financier, préalablement à
la conclusion du COM 2015-2019.
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
21
6
Une refondation nécessaire
Les éléments qui précèdent condui-
sent à recommander l’engagement de
réformes structurelles pour revoir un
modèle aujourd’hui fragilisé. Il est en
outre préconisé de réécrire le cahier
des missions et des charges, qui n’est
plus bien adapté à l’environnement
dans lequel évolue Radio France.
Cette modernisation concerne notam-
ment
le
décloisonnement
des
antennes, la mutualisation de l’infor-
mation
et
la
réorganisation
des
modes de production.
Décloisonner les antennes
S’agissant
de
l’organisation
« en
silos », une mutualisation de certaines
tâches entre les antennes doit être
menée. La production de programmes
pourrait être décloisonnée en favori-
sant les échanges entre antennes et
en confiant à certaines d’entre elles,
du fait de leur expertise, la production
de certains types de programmes
pour l’ensemble des chaînes. Enfin, la
stratégie de programmes de chacune
des antennes doit être davantage
explicitée et validée, en prenant
modèle sur ce que fait la BBC.
Des synergies dans l’information
Fin 2013, Radio France employait
dans ses rédactions un nombre de
journalistes correspondant à 885 ETP
(CDD et CDI). L’autonomie des chaînes
se traduit par une faible coordination
entre les rédactions des différentes
antennes.
L’optimisation des moyens dans ce
domaine constitue un chantier pour
l’avenir. Dans les groupes publics de
médias, la tendance générale est à la
mise en place de dispositifs de rédac-
tion unique. Le développement de la
mutualisation pourrait comporter plu-
sieurs étapes, jusqu’à la création d’une
rédaction unique entre les antennes,
associant radio et numérique.
Réorganiser les modes de produc-
tion
La numérisation de la production n’a
pas entraîné de modifications de l’or-
ganisation du travail. La polyvalence
croissante des fonctions s’est jusqu’à
présent heurtée, à Radio France, à la
prévalence d’une culture de la spécia-
lisation des métiers, qui s’éloigne de la
réalité actuelle des modes de produc-
tion et d’organisation du travail de la
plupart des radios publiques ou pri-
vées. Ce décloisonnement des métiers
doit s’accompagner d’un nouvel effort
en matière de systèmes d’information
et de sécurité informatique.
Une refondation nécessaire
La fonction technique de l’entreprise
doit aussi être réorganisée dans le but
de séparer ce qui relève de la moder-
nisation des systèmes d’information,
des tâches de soutien informatique
courant et ce qui relève de la produc-
tion radiophonique des antennes.
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
22
23
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
CONCLUSION
En même temps qu’elle fait face à une
situation financière désormais cri-
tique, Radio France doit engager des
réformes structurelles, trop long-
temps différées.
Cette réforme nécessaire doit s’incar-
ner dans un nouveau projet pour l’en-
treprise. Celui-ci passe par la maîtrise
de la masse salariale, par l’intégration
du numérique et de nouveaux modes
de gestion, afin de diminuer les coûts
de l'entreprise et lui permettre de
relever les défis qui se présentent à
elle.
Il revient maintenant à l’État de for-
muler des objectifs clairs de réforme
et de modernisation qui devront
constituer les grandes orientations
du prochain COM.
RECOMMANDATIONS
25
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
établir le contrat d’objectifs et
de moyens sur le fondement d’un
projet d’entreprise (Radio France,
ministère chargé de la culture, minis-
tère chargé du budget) ;
statuer sur l’avenir du Mouv’
avant la signature du COM 2015-
2019 (Radio France) ;
définir pour France Bleu un
schéma cible d’implantation, permet-
tant une couverture renforcée du ter-
ritoire à moyens constants (Radio
France, ministère chargé de la cul-
ture) ;
concentrer la direction des
nouveaux médias (DNM) sur l’exper-
tise numérique, la veille technolo-
gique et éditoriale (Radio France) ;
fusionner les deux orchestres
symphoniques de Radio France, éta-
blir une direction commune à France
Musique et à la direction de la
musique (Radio France) ;
prendre les dispositions néces-
saires au renforcement du rôle du
conseil d’administration dans la gou-
vernance de Radio France (ministère
chargé
de
la
culture,
ministère
chargé
de
l’économie
;
Radio
France) ;
mettre en place un système de
comptabilité analytique plus fin pour
en faire un outil d’aide à la décision
(Radio France) ;
en matière d’achats, poursuivre
la
remise
en
concurrence
des
contrats existants (Radio France) ;
dans le COM, mettre en place
des
indicateurs
« cibles »,
donc
contraignants, pour la masse sala-
riale et le recours aux cachetiers et
pigistes et fixer une cible en baisse
pour la part des charges salariales
dans le total des charges d’exploita-
tion (ministère chargé de la culture,
ministère chargé du budget) ;
prendre en compte, dans les
accords d’entreprise et dans la grille
des emplois, une définition des
métiers qui comporte les nouvelles
compétences et qualifications liées à
l’évolution des technologies numé-
riques (Radio France) ;
cesser le recours systématique
aux ordres de service pour la gestion
du chantier et respecter rigoureuse-
ment les règles relatives aux mar-
chés et à leurs avenants pour la
signature des marchés du chantier
(Radio France) ;
avant la signature du COM
2015-2019, étudier toutes les options
possibles pour la fin du chantier et
leur impact financier : poursuite du
chantier, phase 4 puis phase 3, ou
arrêt du chantier à la fin de la phase
4, ou encore conduite conjointe des
phases 4 et 3 (Radio France) ;
clarifier et formaliser les lignes
éditoriales de chaque antenne (Radio
France) ;
fusionner les rédactions de
France Inter, France Info et France
Culture (Radio France et tutelles) ;
rattacher les chargés de réali-
sation de la direction des personnels
de
production
(DPP)
à
France
Culture et France Musique (Radio
France) ; affecter les techniciens
d’antenne à chaque antenne (Radio
France) ;
faire évoluer la fonction tech-
nique et faire évoluer l’organisation
de la DGATTN en distinguant trois
fonctions : la production et la diffu-
sion des émissions sur tous les sup-
ports ; l’acquisition, la gestion et la
maintenance des matériels tech-
niques et informatiques ; la responsa-
bilité des systèmes d’information
(Radio France) ;
réviser le cahier des missions et
des charges afin de mieux définir la
mission de service public de la radio
et de l’adapter à l’environnement
actuel de la radio (ministère chargé
de la culture).
RECOMMANDATIONS
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
26