Les enjeux des courses désignent les montants des paris misés par les joueurs. Les bénéfices sont répartis entre ces
derniers, l’Etat, les propriétaires et tous les acteurs de la filière équestre. La part des enjeux revenant aux sociétés de courses
est de l’ordre de 8 %.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
du syndicat mixte de l’hippodrome de Deauville
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La superficie de l’hippodrome est de 75 hectares
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, dont 20 hectares de pistes, au
coeur de la ville de Deauville, à moins de 300 mètres de la mairie et à quelques rues de la
plage. C’est un site majeur, qui structure l’espace de la commune.
Sa capacité d’accueil est de 10 000 places, dont 2 000 en tribune. L’entrée est
payante pour les plus de 18 ans, pour un tarif de trois euros en semaine et quatre euros le
dimanche.
L’hippodrome dispose de trois pistes et de trois terrains de polo. Des bâtiments
sur le site, représentant 150 chambres, permettent de loger les cavaliers. Quatre
établissements de restauration, dont la gestion est sous-traitée par France-Galop, y sont
implantés. Il héberge sur son territoire une école pour les apprentis jockeys (AFASEC).
Enfin, il possède un parking payant de 2 000 places, géré par le groupement technique des
hippodromes parisiens (GTHP), organisme de statut associatif, prestataire de services pour
France-Galop pour la gestion matérielle et technique des courses.
Un schéma de l’ensemble du site de l’hippodrome de Deauville est présenté en
annexe.
L’hippodrome est limitrophe d’un centre d’entraînement équestre, construit par la
ville de Deauville et géré par France-Galop. Ce centre dispose de plusieurs pistes
d’entraînement au centre de l’hippodrome, comprises dans le bail. La ville de Deauville est
propriétaire d’une partie des écuries de ce centre d’entraînement.
La gestion budgétaire des hippodromes gérés par France-Galop étant
centralisée, l’hippodrome de Deauville n’est pas directement intéressé financièrement par les
enjeux des courses, ou par le nombre de courses, qu’il organise. Son budget de
fonctionnement et d’investissement lui est attribué par France-Galop, sous forme d’une
dotation annuelle. Celle-ci provient à 60 % des enjeux des courses, ainsi que des locations
des boxes et des pistes pour l’entraînement des chevaux. Un jour de courses, avec neuf
courses au programme, génère entre 4 M€ et 20 M€ d’enjeux sur toute la France, par le biais
du PMU – étant entendu que seuls 8 % environ en reviennent aux sociétés de courses –, et
entre 20 000 € et 60 000 € directement pariés sur l’hippodrome.
B -
Des relations figées pendant 99 ans
Les dispositions du bail, qui ne prévoient pas de modalités de contrôle du
syndicat sur la gestion de l’hippodrome, hormis son entretien, ni de compte rendu d’activité
de l’emphytéote, ni de redevance d’un montant significatif, ainsi que sa durée, de 99 ans,
figent et rendent quasi-inexistantes les relations entre le syndicat mixte et le gestionnaire de
l’hippodrome pour une longue durée.
La seule possibilité de contrôle sur le gestionnaire n’est pas formellement mise
en oeuvre, aucun compte rendu n’ayant pu être fourni.
Sans critiquer le choix du bail emphytéotique par les collectivités, effectué en
1994, et qu’il n’est pas pertinent de remettre en cause 20 ans après, on peut s’interroger sur
ses deux points essentiels.
1 -
La durée du bail
S’agissant de la durée du bail tout d’abord, fixée au maximum légal, elle était
initialement motivée par les obligations contractuelles en matière d’organisation de courses.
Il apparaît toutefois à la chambre que ces obligations - minimum de 21 jours de courses par
an et mise à disposition gratuite ponctuelle de terrains - ne présentent pas un caractère
particulièrement contraignant ou susceptible de nuire à la rentabilité de la gestion, qui
justifierait une durée aussi longue, afin de compenser le coût qu’elles pourraient générer.
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Cette surface est de 10 hectares plus grande que celle prévue dans le contrat de bail car France-Galop est resté propriétaire
d’une partie des écuries (300 boxes sur les 600 présents).
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
du syndicat mixte de l’hippodrome de Deauville
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Il est légitime de s’interroger sur la durée retenue de 99 ans, extrêmement
longue. Les arguments relatifs aux obligations contractuelles ne semblent plus pouvoir
justifier qu’aucune réflexion, notamment sur les clauses financières, ne puisse intervenir
avant l’année 2093.
2 -
La redevance d’occupation du domaine public
S’agissant de la redevance, si son montant symbolique n’est pas illégal, il semble
contraire aux bonnes pratiques.
Il est rappelé que le versement d’une redevance par l’occupant du domaine
public est un principe posé par l’article L. 2125-1 du code général de la propriété des
personnes publiques selon lequel :
« toute occupation ou utilisation du domaine public d'une
personne publique
[…]
donne lieu au paiement d'une redevance […]. Par dérogation aux
dispositions de l'alinéa précédent, l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine
public peut être délivrée gratuitement :
1°
soit lorsque l'occupation ou l'utilisation est la condition naturelle et forcée de
l'exécution de travaux ou de la présence d'un ouvrage, intéressant un service
public qui bénéficie gratuitement à tous ;
2°
soit lorsque l'occupation ou l'utilisation contribue directement à assurer la
conservation du domaine public lui-même.
En outre, l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être
délivrée gratuitement aux associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d'un
intérêt général
. »
Le code précise par ailleurs que la redevance due pour l'occupation ou
l'utilisation du domaine public doit tenir compte des avantages de toute nature procurés au
titulaire de l'autorisation.
L’hippodrome n’est pas mis gratuitement à disposition de tous puisque le public
paie un prix d’entrée pour y accéder. L’occupation présente de plus un caractère
commercial.
Il peut être argumenté que son occupation par le gestionnaire contribue
directement à assurer la conservation du domaine public lui-même, puisque France-Galop
en assure l’exploitation et l’entretien.
Le non-paiement d’une redevance n’est toutefois dans ce cas qu’une possibilité,
non une obligation.
Il semble légitime et de bonne gestion que le syndicat bénéficie d’une partie des
recettes collectées grâce à l’exploitation de son domaine public, et ce d’autant plus que la
durée du bail est très longue. Un montant de 5,3 M€ a été investi par les collectivités et ces
dernières ne se sont données, ni à l’origine, ni ultérieurement, le moyen de bénéficier d’un
retour sur investissement, en prévoyant une clause de révision de la redevance.
Cette redevance pourrait éventuellement comporter une part forfaitaire et une
part variable, indexée sur le chiffre d’affaires des activités commerciales, afin de prendre en
compte, comme le prévoit la loi, les avantages financiers procurés par l’occupation et
l’utilisation du domaine public.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion
du syndicat mixte de l’hippodrome de Deauville
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Le prélèvement sur les paris hippiques, prévu à l’article 302 bis ZG du code
général des impôts, n’est pas assimilable à cette redevance. Ce prélèvement a été créé en
2010, en même temps que la légalisation des paris en ligne. Il s’applique aux sommes
engagées par les parieurs sur les paris hippiques en ligne et sur le pari mutuel organisé par
les sociétés de courses, et est dû par le PMU, opérateur « historique », ou les sociétés de
courses intéressées, ainsi que par les opérateurs de paris hippiques en ligne agréés. Son
produit est affecté à 15 % aux établissements publics intercommunaux sur le territoire
desquels est implanté un hippodrome, au prorata des enjeux des courses hippiques
effectivement organisées par lesdits hippodromes, et dans la limite d’un plafond de l’ordre de
700 000 € par collectivité. En l’occurrence, le produit de ce prélèvement, qui atteint le plafond
légal, est reversé par la communauté de communes à la commune de Deauville. Il ne saurait
être apparenté à la redevance d’occupation, puisqu’il s’agit d’un impôt prélevé par l’Etat,
assis sur les enjeux, alors que la redevance doit compenser l’utilisation faite du domaine
public.
En réponse aux observations provisoires, France-Galop a contesté cette
analyse, estimant que la longue durée du bail et la quasi-absence de redevances étaient
justifiées par :
-
les retombées positives économiques et sociales importantes de l’activité de
l’hippodrome
pour
la
ville
de
Deauville
et
toute
la
région
de
Basse-Normandie ;
-
les investissements importants que France-Galop a engagés au bénéfice de
l’hippodrome ;
-
le statut d’association à but non lucratif concourant à la satisfaction d'un
intérêt général de France-Galop, qui légitime l’absence de redevance
d’occupation, conformément à l’article L. 2125-1 du code précité ;
-
la fragilité de la situation budgétaire de France-Galop et de la situation
économique de la filière équine, dont l’équilibre serait menacé par une
hausse de la redevance.
Le fait que l’hippodrome génère des retombées positives pour la ville de
Deauville et sa région, l’importance des investissements de France-Galop, ou la situation
budgétaire de l’association ne sauraient toutefois justifier à eux seuls que les collectivités ne
bénéficient pas d’une partie des recettes collectées grâce à l’exploitation de leur domaine
public.
S’agissant de l’argument relatif à l’exemption de redevance pour les associations
à but non lucratif, il est juridiquement valable, mais ne remet pas en cause la position de la
chambre, fondée sur un impératif de bonne gestion. La loi précise d’ailleurs que l’exonération
du paiement d’une redevance est une possibilité, non une obligation.
Au final, la chambre engage donc la collectivité à mener une réflexion interne sur
ces sujets, et envisager une éventuelle modification du contrat de bail pour mieux préserver
ses intérêts.
Rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie sur la gestion du syndicat mixte de l’hippodrome de Deauville
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ANNEXE
SCHEMA DE L’HIPPODROME DE DEAUVILLE – LA TOUQUES
Source : deauvillecheval.com
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