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C
OUR DES COMPTES
--------------
Q
UATRIEME CHAMBRE
--------------
PREMIERE SECTION
---------------
Arrêt n° 71043
OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES
REFUGIES ET APATRIDES
Exercices 2008 à 2011
Audience publique du 18 septembre 2014
Lecture publique du 16 octobre 2014
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR,
Vu le réquisitoire du 16 janvier 2014 par lequel le Procureur général a saisi la
Cour d’éléments susceptibles de conduire à la mise en jeu de la responsabilité
personnelle et pécuniaire de M. X et M
me
Y, comptables de l’Office français de
protection des réfugiés et apatrides, respectivement du 1
er
janvier au 16 novembre
2008 et du 17 novembre 2008 au 31 décembre 2011 ;
Vu les pièces de la procédure suivie, ensemble les pièces communiquées
pendant l’instruction et versées au dossier ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à
la fonction publique de l'État ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 85-730 du 17 juillet 1985 relatif à la rémunération des
fonctionnaires de l'Etat et des fonctionnaires des collectivités territoriales régis
respectivement par les lois n° 84-16 du 11 janvier 1984 et n° 84-53 du 26 janvier
1984 ;
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Vu le décret n° 85-986 relatif au régime particulier de certaines positions des
fonctionnaires de l'État, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation
définitive de fonctions ;
Vu le décret n° 2003-430 du 13 mai 2003 relatif au régime indemnitaire du
directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du
deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée ;
Vu la circulaire budgétaire n° B-2E-94 du 24 septembre 1992 relative à
l'assouplissement des règles relatives aux frais de représentation et de réception,
applicable au moment des faits ;
Vu l’instruction DGCP n° 92-161-M9 du 18 décembre 1992 relative aux frais
de représentation, applicable au moment des faits ;
Vu l’instruction n° 03-043-M9 du 25 juillet 2003 portant rénovation des
procédures de certification de service fait et d’ordonnancement ;
Vu les instructions codificatrices portant nomenclature des pièces justificatives
des dépenses de l'État, n° 03-060-B du 17 novembre 2003, applicable jusqu’au
1
er
avril 2010 et n° 10-014-B du 2 avril 2010, applicable à compter de cette date ;
Vu les réponses apportées au réquisitoire par l’ordonnateur, M. X et M
me
Y;
Vu les observations écrites présentées par M
me
Y le 11 septembre 2014 à la
suite de la communication du rapport d’instruction ;
Vu les attestations de cautionnement produites par les comptables ;
Vu le rapport de M. Thibault Deloye, auditeur ;
Vu les conclusions n° 565 du Procureur général du 10 septembre 2014 ;
Entendu, lors de l’audience publique de ce jour, M. Deloye, en son rapport,
M. Gilles Miller, avocat général, en les conclusions du ministère public, ainsi que
M
me
Y qui a eu la parole en dernier ;
Entendu, en délibéré, M. Yves Rolland, conseiller maître, en ses observations ;
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Sur la gestion de M. Z du 3 mars 1995 au 14 janvier 2002
Attendu que la Cour avait, par ses arrêts n° 46 886 et n° 46 887 du 5 octobre
2006, émis une réserve sur la gestion de M. Z, comptable de l’OFPRA du 3 mars
1995 au 14 janvier 2002, concernant la période du 3 mars 1995 au 31 décembre
1997 jusqu’à l’apurement d’un débet ; que la preuve de l’obtention par le comptable
d’une remise gracieuse intégrale a été apportée à la Cour en septembre 2007 ;
Attendu que la Cour avait, par ses mêmes arrêts, déchargé M. Z de sa gestion
du 1
er
janvier 1998 au 14 janvier 2002, date de la fin de ses fonctions à l’OFPRA ;
Attendu dès lors qu’il y a lieu de décharger M. Z pour
sa gestion de l’OFPRA
du 3 mars 1995 au 31 décembre 1997 et de le déclarer quitte et libéré de l’ensemble
de sa gestion ;
Sur la gestion de M. X pour les exercices 2004 à 2007
Attendu que la Cour avait par l’arrêt précité n°46887 enjoint à M. X de
reprendre en écritures d’entrée en 2005 les soldes des comptes de la balance de sortie
de l’exercice 2004 ; que cette reprise a été constatée ;
Attendu que conformément au IV de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
susvisée et au vu de la date du dépôt des comptes de l’OFPRA au greffe de la Cour et
de la date de la notification du réquisitoire du Procureur général, la responsabilité de
M. X n’est plus susceptible d’être engagée au titre des exercices 2005 à 2007 ;
Attendu dès lors qu’il y a lieu de décharger M. X de sa gestion pour l’exercice
2004 et de constater sa décharge sur les exercices 2005, 2006 et 2007 ;
Sur la présomption de charge n° 1 portant sur la gestion de M
me
Y durant les
exercices 2009 et 2010
Sur l’existence d’un manquement
Attendu que M
me
Y a payé, entre le 4 mai 2009 et le 26 mars 2010, dix mandats
(n° 451, 629, 787, 1079, 1784 et 1809 payés en 2009, n° 2033 et 2167 émis en 2009
payés en 2010 et n° 87 et 223 émis et payés en 2010) au profit de divers fournisseurs
pour un montant total de 27 801,09 € dont 12 512,90 € au titre de 2009 et
15 288,19 € au titre de 2010 correspondant à des frais de réception ;
Attendu que, dans son réquisitoire, le Procureur général a présumé un
manquement à la circulaire budgétaire n° B-2E-94 du 24 septembre 1992, relative à
l'assouplissement des règles relatives aux frais de représentation et de réception,
reprise dans l’instruction DGCP n° 92-161-M9 du 18 décembre 1992 relative aux
frais de représentation, en ce que les mandats auraient été payés en l’absence d’une
attestation prévue par lesdites circulaires ;
qu’ainsi le comptable ne se serait pas
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assuré de la validité de la créance, faute d’avoir contrôlé la production des pièces
justificatives spécifiquement requises par la nature des dépenses ;
Attendu que M
me
Y reconnaît avoir effectué l’ensemble des paiements litigieux
sans disposer formellement de l’attestation requise par les circulaires précitées ;
qu’elle indique toutefois que les pièces jointes aux mandats n
os
87, 223, 629, 787,
1076, 1809, 2033 et 2167 lui permettaient de s’assurer que les dépenses concernées
relevaient bien de la catégorie des frais de réception visés par la direction de
l’établissement ; que le ministère public admet qu’il en était ainsi, sauf pour le
mandat n° 2033 ;
Attendu qu’en application du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
susvisée «
Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement
responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière
[…]
de dépenses
[…]
dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité
publique
» ; que cette responsabilité personnelle et pécuniaire «
se trouve engagée
dès lors
[…]
qu’une dépense a été irrégulièrement payée
» ; qu’en application des
articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables publics sont
tenus d’exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la créance ; que
ce contrôle porte en particulier sur la production des justifications ; qu’ainsi les
comptables ne peuvent procéder au paiement qu’au vu des pièces prescrites par la
réglementation, sans pouvoir leur substituer, de leur propre chef ou non, d’autres
justifications particulières, fussent-elles à leurs yeux équivalentes ;
Attendu qu’au moment des faits, en application des instructions susvisées
DGCP n° 92-161-M9 du 18 décembre 1992 et n° B-2E-94 du 24 septembre 1992,
s’agissant des frais exposés pour les réceptions, le mandat de paiement devait être
accompagné d’une facture et d’une attestation de «
l’organisateur de la réception
indiquant son objet (accueil de personnalités, déjeuners de travail, accueil de chefs
de services extérieurs, etc.)
» qui devait être visée «
dans tous les cas
» par le
directeur de l’établissement ; que cette attestation n’était pas jointe aux mandats en
cause ; que M
me
Y a admis avoir procédé au paiement des mandats litigieux sans
disposer de l’attestation de l’ordonnateur requise par les instructions susvisées ;
Attendu néanmoins que, s’agissant du mandat n° 1784, l’ordonnateur ne
pouvait, au vu de la nature de l’achat, établir une attestation indiquant précisément
l’objet de celui-ci ; que les dépenses concernées relèvent bien du compte sur lequel
elles sont imputées ; que dès lors le paiement de ce mandat n’est pas constitutif d’un
manquement de M
me
Y ; qu’en revanche sa responsabilité est à mettre en jeu à raison
des neuf autres paiements litigieux ;
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Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que M
me
Y soutient que les paiements litigieux n’ont pas causé de
préjudice financier ;
Attendu que, lorsque le comptable a eu connaissance, au vu de la facture et du
mandat, de l’objet de la manifestation et de la validation de son organisation par
l’ordonnateur ou son délégataire, les dépenses en cause n’ont pas causé de préjudice
financier à l’établissement ;
Attendu que M
me
Y soutient à juste titre qu’il en a été ainsi pour les mandats
n° 629 (2 560 €), 787 (4 078,36 €), 1 076 (338,80 €) et 1 809 (105,60 €) pour
l’exercice 2009 et n°87 (9 504,52 €), 223 (900 €) et 2 167 (4 728,06 €) pour
l’exercice 2010 ; qu’au vu des pièces dont elle disposait, elle a pu par ailleurs
s’assurer de la réalité du service fait, de l’exacte imputation des dépenses et de la
réalité du lien entre les dépenses et les motifs de service ; que dès lors, il y a lieu de
considérer que les dépenses en cause n’ont pas causé un préjudice financier à
l’établissement ; qu’il convient en conséquence de faire application des dispositions
du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé ;
Attendu que conformément à ces dispositions, le juge des comptes peut obliger
le comptable, pour chaque manquement relevé, à s'acquitter d'une somme arrêtée,
pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce ; qu’en
application du décret du 10 décembre 2012 susvisé, la somme maximale est calculée
comme 1,5 pour mille du cautionnement prévu ; que, le cautionnement de M
me
Y
étant de 199 600 €, le plafond de la somme susceptible d’être mise à sa charge par
manquement et par exercice s’élève à 299,40 € ;
Attendu que les manquements du comptable lors du paiement des quatre
mandats litigieux sur l’exercice 2009, en raison de l’identité de la qualification de
l’irrégularité faite par la Cour, constituent un manquement unique ; que les
manquements du comptable lors du paiement trois mandats litigieux sur l’exercice
2010, en raison de l’identité de la qualification de l’irrégularité faite par la Cour,
constituent également un manquement unique ;
Attendu que la répétition de l’irrégularité constitue une circonstance
aggravante ; que la comptable ne se prévaut d’aucune circonstance atténuante, si ce
n’est le fait que l’absence d’attestation ne remet pas en cause la réalité des
prestations effectuées ; qu’en conséquence, il sera fait une juste appréciation des
circonstances de l’espèce en fixant la somme non rémissible à un montant de
299,40 € pour l’ensemble des irrégularités précitées pour chacun des exercices 2009
et 2010 soit une somme totale de 598,80 € ;
Attendu que pour le mandat n° 451 (3 345,14 €), ni les mentions sur le mandat
ni celles sur la facture («
réception du 8 avril 2009 – 100 personnes
») ne permettent
d’établir que les dépenses litigieuses sont liées à un motif de service ; que ni M
me
Y
ni l’ordonnateur n’ont fourni d’information quant à l’objet de la manifestation en sus
de celles portées sur le mandat qui auraient permis d’établir un lien entre les
6
dépenses litigieuses et un ou des motifs du service ; qu’aux termes de l’instruction
n° 92-161-M9 précitée, les frais «
qui ne sont pas justifiés par un motif de service ne
peuvent être financés par l’établissement public
» ; que le paiement de frais qui ne
peuvent être financés par un établissement public, faute d’être justifiés par un motif
de service, lui porte un préjudice financier ;
Attendu que pour le mandat n° 2033 (155,61 €),
la validation,
par l’ordonnateur
ou un de ses délégataires, de l’organisation de la manifestation n’est pas attestée ;
qu’une telle validation est un élément indispensable pour apprécier qu’une dépense
de cette nature a été faite dans l’intérêt de l’organisme ; qu’en l’absence de cette
validation, le paiement de cette dépense a porté un préjudice financier à
l’établissement public ;
Attendu dès lors qu’il convient d’appliquer à M
me
Y les dispositions du
troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée et de la
constituer débitrice de l’OFPRA de la somme de 3 500,75 €, augmentée des intérêts
légaux calculés à compter du 31 janvier 2014, date de notification du réquisitoire ;
Sur la présomption de charge n° 2 portant sur la gestion de M. X sur
l’exercice 2008 (jusqu’au 16 novembre) et M
me
Y sur les exercices 2008 (à compter
du 17 novembre) à 2011
Sur l’existence d’un manquement
Attendu que M. X, puis M
me
Y ont payé les rémunérations suivantes aux
directeurs généraux successifs de l’établissement :
Comptables
2008
2009
2010
2011
M. X
106 935,13 €
M
me
Y
20 206,42 €
140 393,16 €
140 824,10 €
141 012,96 €
Attendu que ces rémunérations se composent du traitement attaché au grade
des directeurs généraux successifs, d’une indemnité de résidence et d’indemnités
complémentaires ;
Attendu que, dans son réquisitoire, le Procureur général a considéré qu’à
l’exception de l’indemnité de fonctions prévue par le décret n° 2003-430 du 13 mai
2003 et fixée forfaitairement par arrêté du même jour à 30 322 € par an, les
indemnités complémentaires mêlant une part fixe excédant ce montant de 30 322 €
et une part variable, versées aux directeurs généraux successifs étaient dépourvues de
toute base légale, réglementaire ou contractuelle dès lors que, selon l’article 2 du
décret du 17 juillet 1985, «
les fonctionnaires mentionnés à l'article 1
er
[du décret]
ne
peuvent bénéficier d'aucune indemnité autre que celles fixées par une loi ou un
décret, sous réserve des dispositions prévues par les articles 111 et 115, alinéa 2, de
7
la loi du 26 janvier 1984 précitée et par l'article 30 de la loi n° 82-213 du 2 mars
1982 modifiée relative aux droits et libertés des communes, des départements et des
régions
» ; que, par conséquent, le Procureur général a considéré que la
responsabilité des comptables successifs était susceptible d’être engagée en raison du
non-respect de leurs obligations prévues aux articles 12 et 13 du décret du 29
décembre 1962 susvisé puisque, en application de ces articles, le comptable est tenu
avant de procéder à un paiement, de contrôler la validité de la créance et notamment
de contrôler l’exactitude des calculs de liquidation et la production des justifications ;
Attendu, d’une part, que les comptables mettent en avant le fait que le
paiement de la rémunération du directeur général d’un établissement public calculée
à partir d’éléments seulement mentionnés dans une lettre du ministre serait une
pratique répandue dans la plupart des établissements publics et qu’une telle lettre
vaudrait instruction ; que, d’autre part, tant les comptables que l’ordonnateur arguent
de la difficulté d’établir un contrat entre le directeur général et l’OFPRA dans la
mesure où aucun texte réglementaire ne précise quelle serait l’autorité compétente
pour signer un tel contrat ;
Attendu qu’en application de l’article 12 du décret du 29 décembre 1962
susvisé, le comptable est tenu notamment d’exercer le contrôle de la validité des
créances ; que l’article 13 du même décret dispose que le contrôle de la validité de la
créance comprend ceux de l’exactitude des calculs de liquidation et de la production
des justifications ; qu'à ce titre, avant de payer une indemnité, le comptable doit
demander à connaître le texte, ayant une valeur juridique la fondant, faute duquel il
ne peut vérifier l’exacte liquidation de l’indemnité en cause ;
Attendu que le décret n° 2003-430 du 13 mai 2003 et l’arrêté du 13 mai 2003
relatifs à l'indemnité de fonctions du directeur de l'OFPRA fixent forfaitairement
cette indemnité à 30 322 € par an ; qu’une lettre du ministre est sans valeur
législative, réglementaire ou contractuelle ; qu’il ne peut dès lors être utilement
soutenu que les paiements litigieux ont été valablement effectués sur la base d’une
lettre ministérielle «
valant instruction
» ; qu’ainsi,
sans qu’il soit besoin de
distinguer entre part fixe et part variable, les indemnités payées au-delà de 30 322 €
par an l’ont été sans base légale, réglementaire ou contractuelle ; que si le comptable
n’est pas le juge de la légalité des pièces qui lui sont produites, il doit suspendre le
paiement d’indemnités s’il ne dispose pas de la référence du texte législatif ou
réglementaire ou bien du contrat qui la fonde ;
Attendu, enfin, que l’ordonnateur indique dans sa réponse au réquisitoire qu’il
est envisagé «
d’établir prochainement un contrat en référence à l’acte de
nomination et aux éléments de rémunération fixés par le ministre du budget
[…]
qui
serait signé par le secrétaire général pour le compte de l’OFPRA
» ; que dès lors,
l’impossibilité alléguée d’établir un tel contrat au cours de la période sous revue ne
fait pas obstacle à la mise en jeu de la responsabilité des comptables ;
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Attendu que les comptables, en payant des indemnités aux directeurs généraux
successifs, au-delà du montant annuel de 30 322 € prévu par la réglementation, n’ont
pas exercé le contrôle de la validité de la créance au sens du décret du 29 décembre
1962 qui leur incombait ; qu’ils ont ainsi manqué à leurs obligations ; qu’il y a donc
lieu d’engager leur responsabilité personnelle et pécuniaire à raison de ce
manquement ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que M. X et M
me
Y, comme l’ordonnateur, soutiennent que les
manquements reprochés aux comptables n’ont pas causé de préjudice financier à
l’OFPRA car, si des contrats avaient été établis entre les directeurs généraux et
l’OFPRA, ils auraient repris les mêmes éléments de rémunération que ceux contenus
dans les lettres du ministre ; que cette affirmation, faute d’être étayée sur des
éléments probants, ne peut être retenue à décharge ;
Attendu que les indemnités versées au-delà du montant prévu par la
réglementation n’étaient pas dues ; que les manquements des comptables ont
engendré un préjudice financier égal au montant des sommes indûment versées ;
Attendu que ces sommes indûment versées aux directeurs généraux successifs
de l’OFPRA s’établissent comme suit :
2008
(janv-oct)
2008
(nov-déc)
2009
2010
2011
Indemnités perçues (€)
45 000,00
7 800,00
65 580
65 468
65 469
Plafond réglementaire (€)
25 268,33
5 053,67
30 322
30 322
30 322
Sommes indûment versées (€)
19 731,67
2 746,33
35 258
35 146
35 147
Attendu qu’en conséquence il convient d’appliquer à M. X et M
me
Y les
dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
susvisée et de les constituer débiteurs de l’OFPRA des sommes de respectivement
19 731,67 €, au titre de l’exercice 2008, pour M. X, 2 746,33 € au titre de l’exercice
2008, 35 258 € au titre de l’exercice 2009, 35 146 € au titre de l’exercice 2010 et
35 147 € au titre de l’exercice 2011 pour M
me
Y, augmentées des intérêts légaux
calculés à compter du 31 janvier 2014, date de notification du réquisitoire ;
Sur la présomption de charge n° 3 portant sur la gestion de M.
X au cours de
l’exercice 2008
Sur l’existence d’un manquement
Attendu que par un jugement du 30 octobre 2003 du tribunal des affaires de
sécurité sociale de Créteil, confirmé par l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 14
décembre 2006, l’OFPRA a été condamné à verser à l’URSSAF une somme de
140 306,15 € ; qu’en règlement de cette dette, M. X a payé le 28 février 2008 cette
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somme par chèque libellé à l’ordre de la CARPA à partir d’un ordre de paiement ;
que l’ordre de paiement n’était pas signé de l’ordonnateur ; qu’en outre M. X a
imputé directement la dépense sur un compte réservé à l’inscription des provisions
pour litiges, sans débiter l’un des comptes de la classe 6 ;
Attendu que dans son réquisitoire, le Procureur général a considéré que la
responsabilité de M. X était susceptible d’être engagée pour n’avoir pas vérifié la
qualité de l’ordonnateur ou de son délégué ni la correcte imputation de la dépense ;
Attendu que M. X a fait valoir que la secrétaire générale adjointe de l’OFPRA
lui avait «
expressément
» demandé par un courrier du 20 février 2008 de procéder à
ce paiement ;
Attendu tout d’abord qu’en application de l’article 12 du décret du 29
décembre 1962 susvisé, les comptables publics sont tenus d’exercer, en matière de
dépenses, le contrôle de la qualité de l’ordonnateur ou de son délégué ; qu’en
application de l’article 7 du même texte, les ordonnateurs sont responsables des
certifications qu'ils délivrent ; que, selon l’instruction M 9-1 susvisée, les ordres de
dépenses «
doivent comporter les renseignements et références d'ordre administratif,
budgétaire et comptable propres à assurer l'exécution et le contrôle de la dépense
»,
et «
portent un numéro d'ordre dans la série ininterrompue ouverte dans
l'établissement pour l'ensemble des mandats
» ; qu’il résulte de ces dispositions que,
réserve faite des dépenses pour lesquelles l’instruction M 9-1 susvisée prévoit que
des ordres de paiement sont émis à l’initiative de l’agent comptable, ce dernier ne
peut procéder au paiement qu’au vu d’un mandat signé par l’ordonnateur portant un
numéro d’ordre et comportant notamment la date d’émission du mandat et
l’imputation budgétaire ;
Attendu qu’en l’espèce la dépense litigieuse ne relève pas des catégories
dérogatoires concernées par les «
ordres de paiement émis à l’initiative du
comptable
» ; que le courrier du 20 février 2008 invoqué par le comptable n’a ni la
forme d’un mandat signé par l’ordonnateur, ni ne porte de numéro d’ordre, ni ne
précise l’imputation budgétaire ; qu’ainsi le comptable, faute de s’être assuré de la
qualité de l’ordonnateur ou de son délégué, a manqué à ses obligations ;
Attendu par ailleurs qu’en application de l’article 12 du décret du 29 décembre
1962 susvisé, les comptables publics sont tenus d’exercer, en matière de dépense, le
contrôle de l’exacte imputation des dépenses aux chapitres qu’elles concernent selon
leur nature et leur objet ;
Attendu que l’instruction M 9-1 (N° 02-038-M91 du 30 avril 2002) précise en
son tome 3 (pages 293 et 294) que les provisions pour litiges passées au compte 1511
«
sont constituées pour faire face au paiement d'une condamnation pécuniaire,
dommages-intérêts par exemple, devant probablement résulter d'un procès en cours
à la date de clôture de l'exercice »
et que
« la technique comptable, pour la
constitution de la provision, est “Débit 6815 Dotation aux provisions pour risques et
charges d'exploitation” et “Crédit 1511 Provisions pour litiges” ; s’agissant de la
reprise de la provision, il y a
Débit 1511 Provision pour litiges
” et ‟
Crédit 7815
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Reprises sur provisions pour risques et charges d'exploitation” » ;
que selon la
même instruction, les comptes de classe 6 regroupent «
les comptes destinés à
enregistrer dans l'exercice les charges par nature qui se rapportent à l'exploitation
normale et courante de l'établissement, à sa gestion financière et à ses opérations
exceptionnelles
» ; que les dépenses budgétaires doivent donc s’imputer sur de tels
comptes ;
Attendu que M. X ne conteste pas avoir imputé la dépense litigieuse
directement sur un compte réservé à l’inscription des provisions pour litiges, sans
débiter l’un des comptes de la classe 6 et procéder à une reprise de provision ; que
dès lors il a manqué à ses obligations ; que les écritures rectificatives passées en 2009
sont sans effet sur le manquement dont il s’est rendu responsable en 2008 ;
Attendu dès lors qu’en application de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
susvisée, il y a lieu d’engager la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X
pour les deux manquements constatés ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu que M. X a fait valoir que ce paiement résultait d’une décision de
justice devenue définitive ; qu’il avait un caractère libératoire ; qu’il n’a dès lors pas
causé de préjudice financier ;
Attendu que la somme payée était incontestablement due ; qu’au cas d’espèce
les manquements n’ont pas causé de préjudice financier à l’OFPRA ; qu’il convient
en conséquence de faire application des dispositions du deuxième alinéa du VI de
l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ;
Attendu que selon ces dispositions, le juge des comptes peut obliger le
comptable, pour chaque manquement relevé, à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour
chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce ; qu’en application
du décret du 10 décembre 2012 susvisé, la somme maximale est calculée comme 1,5
pour mille du cautionnement prévu ; que le cautionnement de M. X est de
184 615 € ; qu’ainsi le plafond de la somme susceptible d’être mis à sa charge est de
276,92 € par manquement et par exercice ;
Attendu que ce paiement sans ordonnancement préalable constitue un
manquement grave ; qu’en conséquence il sera fait une juste appréciation des
circonstances de l’espèce en fixant la somme non rémissible à un montant de
276,92 € ;
Attendu qu’il y a lieu, compte tenu des circonstances de l’espèce, de ne pas
user de la faculté d’obliger le comptable à payer une somme non rémissible à raison
du deuxième manquement ;
11
Sur la présomption de charge n° 4 sur la gestion de M. X durant l’exercice
2008
Attendu que M. X avait pris en charge le titre de recette n° 38 du 11 mars 2005
d’un montant de 3 662,30 €, correspondant au remboursement d’un trop perçu par
M. A, agent public de l’OFPRA, qui avait continué de bénéficier du versement de sa
rémunération durant trois mois à compter de sa démission en octobre 2004 ;
Attendu que les diligences de M. X pour recouvrer la créance ont été de
simples lettres de relance entre mars 2005 et septembre 2006 toutes revenues à
l’expéditeur ; que les recherches entreprises par M
me
Y en décembre 2008 auprès des
services fiscaux ont établi que M. A résidait à l’étranger à cette date ;
Attendu que la créance sur M. A a été admise en non-valeur le 31 décembre
2010 ; que, la responsabilité des comptables s’appréciant au moment des faits, la
Cour n’est pas tenue par les décisions administratives d’admission en non-valeur
dans son appréciation de la responsabilité des comptables dont l’insuffisance de
diligences a compromis le recouvrement desdites créances ;
Attendu que dans son réquisitoire, le Procureur général a considéré qu’au vu de
l’insuffisance des diligences de M. X, il appartiendrait à la Cour de statuer sur un
éventuel engagement de sa responsabilité personnelle et pécuniaire en application de
l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée en raison du non-recouvrement
d’une recette ;
Attendu que la créance sur M. A est née à la suite du versement à ce dernier de
sa rémunération durant trois mois à compter de sa démission en octobre 2004 ; que
M. X a indiqué qu’il avait, par une note du 30 décembre 2004, appelé l’attention du
directeur général de l’OFPRA sur la nécessité que ce dernier lui communique «
en
temps utile toutes informations lui permettant de pouvoir arrêter le paiement des
rémunérations des agents démissionnaires dans un délai permettant d’éviter des
versements importants de salaires
» ; qu’il ajoute que la Commission de recours des
réfugiés avait précisé en décembre 2004 que M. A était toujours présent dans ses
effectifs et qu’«
il en a résulté une émission tardive du titre de recouvrement, le 11
mars 2005, et donc des difficultés de recouvrement
» ; qu’il fait valoir qu’il n’a par
conséquent pas pu déployer des diligences adéquates, complètes et rapides pour
recouvrer la créance en cause ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que si la CRR avait indiqué que
M. A était encore présent dans ses effectifs le 10 décembre 2004, il est également
établi que ce n’était plus le cas le 24 décembre 2004 puisque dans un courrier du
directeur général de l’OFPRA au président de la CRR, dont une copie a été adressée
à l’agent comptable, le directeur général de l’OFPRA écrivait que le président de la
CRR «
a
[vait]
bien voulu lui confirmer le départ de M. A
» ;
12
Attendu que les diligences de M. X en vue de recouvrer la créance se sont
limitées à l’envoi de trois lettres entre mars 2005 et septembre 2006, toutes revenues
à l’expéditeur ;
Attendu que les comptables publics sont responsables de la conservation et du
recouvrement des créances qu’ils prennent en charge ;
Attendu, toutefois, qu’aucun élément ne permet d’établir que la créance était
irrécouvrable à la date de sortie de fonctions de M. X le 16 novembre 2008 ; que le
doute doit bénéficier au comptable ; qu’il y a lieu, par conséquent, de ne pas engager
la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X au titre de la présomption de
charge n° 4 ;
Par ces motifs,
CONSTATE :
Article 1
er
- M. X est réputé déchargé de sa gestion de l’OFPRA pour les
exercices 2005, 2006 et 2007.
DECIDE :
Article 2 – Le sursis à décharge de M. Z de sa gestion, du 3 mars 1995
jusqu’au 31 décembre 1997, formulé par l’arrêt n° 46 887 est levé.
Article 3 - M. Z est déclaré quitte et libéré de sa gestion de l’OFPRA terminée
au 14 janvier 2002 ; mainlevée peut être donnée et radiation peut être faite de toutes
oppositions et inscriptions mises ou prises sur ses biens meubles et immeubles ou sur
ceux de ses ayants cause pour sûreté de ladite gestion et son cautionnement peut être
restitué ou ses cautions dégagées.
Article 4 - L’injonction prononcée par l’arrêt n° 46 686 à l’encontre de M. X
est levée.
Article 5 - M. X est déchargé de sa gestion de l’OFPRA pour l’exercice 2004.
Article 6 - M. X est constitué débiteur de l’OFPRA au titre de l’année 2008 de
la somme de 19 731,67 € (dix-neuf mille sept cent trente et un euros et soixante-sept
centimes) augmentée des intérêts de droit à compter du 31 janvier 2014 au titre de la
deuxième présomption de charge relevée par le réquisitoire n°2014-4 RQ-DB.
Article 7 - Il est mis à la charge de M. X au titre de l’année 2008 une somme
non rémissible de 276,92 € (deux cent soixante-seize euros et quatre-vingt-douze
centimes) au titre de la troisième présomption de charge relevée par le réquisitoire
n°2014-4 RQ-DB.
13
Article 8 - M
me
Y est constituée débitrice de l’OFPRA au titre de l’année 2008
de la somme de 2 746,33 € (deux mille sept cent quarante-six euros et trente-trois
centimes) augmentée des intérêts de droit à compter du 31 janvier 2014 au titre de la
deuxième présomption de charge relevée par le réquisitoire n°2014-4 RQ-DB.
Article 9 - Il est mis à la charge de M
me
Y, au titre de l’année 2009, une somme
non rémissible de 299,40 € (deux cents quatre-vingt-dix-neuf euros et quarante
centimes) au titre de la première présomption de charge relevée par le réquisitoire
n°2014-4 RQ-DB.
Article 10 - M
me
Y est constituée débitrice de l’OFPRA au titre de l’année
2009 de la somme de 3 500,75 € (trois mille cinq cent euros et soixante-quinze
centimes) augmentée des intérêts de droit à compter du 31 janvier 2014 au titre de la
première présomption de charge relevée par le réquisitoire n°2014-4 RQ-DB.
Article 11 - M
me
Y est constituée débitrice de l’OFPRA, au titre de l’année
2009, de la somme de 35 258 € (trente-cinq mille deux cent cinquante-huit euros)
augmentée des intérêts de droit à compter du 31 janvier 2014 au titre de la deuxième
présomption de charge relevée par le réquisitoire n°2014-4 RQ-DB.
Article 12 - Il est mis à la charge de M
me
Y, au titre de l’année 2010, une
somme non rémissible de 299,40 € (deux cents quatre-vingt-dix-neuf euros et
quarante centimes) au titre de la première présomption de charge relevée par le
réquisitoire n°2014-4 RQ-DB.
Article 13 - M
me
Y est constituée débitrice de l’OFPRA au titre de l’année
2010 de la somme de 35 146 € (trente-cinq mille cent quarante-six euros) augmentée
des intérêts de droit à compter du 31 janvier 2014 au titre de la deuxième
présomption de charge relevée par le réquisitoire n°2014-4 RQ-DB.
Article 14 - M
me
Y est constituée débitrice de l’OFPRA au titre de l’année
2011 de la somme de 35 147 € (trente-cinq mille cent quarante-sept euros)
augmentée des intérêts de droit à compter du 31 janvier 2014 au titre de la deuxième
présomption de charge relevée par le réquisitoire n°2014-4 RQ-DB.
Article 15 - Il est sursis à la décharge de M. X pour l’exercice 2008 dans
l’attente de la constatation du paiement des sommes mentionnées aux articles 6 et 7
du présent arrêt.
Article 16 - Il est sursis à la décharge de M
me
Y :
-
pour l’exercice 2008 en attente du règlement de la somme mentionnée à l’article 8
du présent arrêt ;
-
pour l’exercice 2009 en attente du règlement des sommes mentionnées aux
articles 9, 10 et 11 du présent arrêt ;
-
pour l’exercice 2010 en attente du règlement des sommes mentionnées aux
articles 12 et 13 du présent arrêt ;
-
et pour l’exercice 2011 en attente du règlement de la somme mentionnée à
l’article 14 du présent arrêt.
14
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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section.
Présents : M. Vachia, président, M
me
Froment-Meurice, présidente de chambre
maintenue en activité, MM. Ganser, président de section, Lafaure, Bertucci, Maistre
et Rolland, conseillers maîtres.
Signé : Vachia, président, et Paris-Varin, greffier.
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des
comptes et délivré par moi, secrétaire général.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de
justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et
aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la
main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte
lorsqu’ils en seront légalement requis.
Pour le secrétaire général
et par délégation, la greffière principale,
Chef du greffe de la Cour des comptes
Florence Biot