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Chambre territoriale des comptes
de la Polynésie française
______
Le Président
______
Recommandée avec A.R.
N° 2010-0172
Papeete, le
10 mai 2010
Réf :
ma lettre n°
2010-0133 du 26 mars 2010.
P.J. :
1
Monsieur le Directeur,
Par lettre citée en référence, je vous ai communiqué le rapport
d’observations définitives de la chambre territoriale des comptes concernant la gestion
du Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) au cours des exercices 2001 à
2008. Celui-ci a également été communiqué au président du conseil d’administration de
l’établissement public et, pour ce qui les concerne, à vos prédécesseurs.
En l’absence de réponses écrites, dans le délai d’un mois fixé par l’article
L. 272-48 du code des juridictions financières, je vous notifie à nouveau ce rapport.
Chambre territoriale des comptes de la Polynésie française
Observations définitives – Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF)
Séance du 16 mars 2010 - page 1 sur 89
CHAMBRE TERRITORIALE DES COMPTES
DE LA POLYNESIE FRANCAISE
RAPPORT D’OBSERVATIONS
DEFINITIVES
CENTRE HOSPITALIER DE LA POLYNESIE FRANCAISE
Exercices 2001 à 2008
RAPPEL DE LA PROCEDURE
La chambre territoriale des comptes de la Polynésie française a procédé, dans le
cadre de son programme de travail, à l’examen de la gestion du Centre Hospitalier de la
Polynésie française pour les exercices 2001 à 2008, en application de l’article LO 272-12 du
code des juridictions financières.
Les six ordonnateurs qui se sont succédé sur cette période ont été informés de ce
contrôle par un courrier en date du 12 janvier 2009 pour celui en fonctions et du 21 janvier
2009 pour ceux qui l’ont précédé.
L’entretien préalable prévu par l’article L.272-45 du code des juridictions financières
a eu lieu le 18 août 2009 avec l’ordonnateur actuel, M. Louis Rolland, le 16 août 2009 avec
son prédécesseur, M. Dominique Delpech, ordonnateur de juillet 2006 à juillet 2008, et le
12 octobre 2009 avec M. Bernard Grandjean, ordonnateur de juin 2002 à juin 2006.
Lors de sa séance du 18 septembre 2009, la chambre avait formulé des observations
provisoires qui ont été adressées en totalité à l’ordonnateur en fonctions le 5 novembre 2009.
Des extraits ont été adressés aux anciens ordonnateurs et tiers mis en cause, pour les
observations qui les concernent. Quatre réponses de différents destinataires sont parvenues à
la Chambre dans le délai imparti de deux mois.
Après avoir examiné ces réponses écrites et procédé, à la demande de la chambre, à
l’audition, le 12 mars 2010, de MM. Rolland, directeur du CHPF, Ehrel directeur financier et
Penin, secrétaire général de la direction des ressources humaines dudit établissement, la
chambre, lors de sa séance du 16 mars 2010, a arrêté les observations définitives reproduites
ci-après.
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Séance du 16 mars 2010 - page 2 sur 89
SYNTHESE DES OBSERVATIONS
Depuis novembre 1983, le Centre Hospitalier de la Polynésie française (CHPF) est un
établissement public à caractère administratif de la collectivité d’outre-mer, doté de la
personnalité civile et l’autonomie financière.
L’examen de sa gestion, auquel la chambre territoriale des comptes avait déjà procédé
en 2002-2003, permet de rendre compte de l’activité de la plus grande structure de soins de
Polynésie française, qui constitue en même temps le deuxième budget local soumis à la
comptabilité publique (20,1 milliards de F CFP) et le deuxième employeur du Pays avec
environ 1600 agents.
L’établissement public sera amené à connaître prochainement une mutation importante
du fait de son transfert dans un édifice neuf, complexe et doté d’équipements
supplémentaires.
Il semblait donc particulièrement opportun, avant même qu’interviennent ces
changements de capacité et de niveau de technicité, de passer en revue les principaux aspects
de la gestion de l’établissement.
1.
L’activité hospitalière, qui doit constituer la base du pilotage de l’établissement
public, est peu prise en compte par les responsables hospitaliers.
La règlementation prévoit clairement la production d’informations chiffrées relatives au
fonctionnement des services. Ces données ne sont produites qu’avec retard et sont d’une
qualité médiocre. Elles ne trouvent pas d’utilité, alors que le pilotage de l’établissement
devrait reposer sur leur exploitation.
Cette carence est d’autant plus reprochable que par ailleurs des données médicalisées
sont disponibles, sans donner lieu à davantage d’exploitation, tant en gestion interne que pour
le positionnement de l’établissement dans le tissu sanitaire polynésien où il occupe une place
prépondérante.
Ces données n’ont en particulier pas servi à la définition de la capacité du centre
hospitalier, selon les règles posées par le schéma d’organisation sanitaire et le régime des
autorisations.
2. Les règles de financement du CHPF sont impropres à assurer la maîtrise de la
dépense.
Les règles fixées par le Territoire pour le financement du CHPF relèvent de l’arrêté du
12 septembre 1988 et de la délibération n° 98-163 APF du 15 octobre 1998 qui a introduit le
principe de la dotation globale.
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Séance du 16 mars 2010 - page 3 sur 89
La délibération de 1998 trace le cadre de la
révision des dépenses de santé et se fixe un
objectif de maîtrise des dépenses.
La pratique des gestionnaires de l’hôpital et de la Caisse de Prévoyance Sociale (CPS) a
toutefois conduit à priver la délibération d’une partie de ses effets dès l’année 2000.
Les dotations budgétaires sont en effet négociées en dehors du cadre légal, et ces
arrangements conduisent à une augmentation des charges de la CPS, sans contrôle et sans
aucune certitude sur l’utilité de cette dépense supplémentaire.
Au fil des ans, le dispositif s’est amplifié par l’ajout de techniques inconnues de la
réglementation locale et incertaines quant à leur finalité. C’est ainsi qu’une adaptation locale
de la tarification à l’activité a été introduite en complément des autres modes de financement.
Il s’agit d’une véritable dérive à laquelle il devrait être remédié sans tarder.
3.
L’équilibre financier du centre hospitalier n’est atteint qu’en raison de facilités
discutables, accordées de fait à l’établissement, qui occultent des difficultés de
recouvrement persistantes.
Le budget de l’établissement est essentiellement un budget de fonctionnement et le
restera dans le cadre du futur hôpital du Taaone.
En effet, la collectivité d’outre-mer a choisi de financer l’essentiel des investissements
de l’établissement public, en particulier à l’occasion de la construction et de l’équipement du
nouvel hôpital.
Cette option conduit à un allègement substantiel des charges de l’établissement.
S’agissant des recettes, leur évolution non contrôlée a permis de couvrir les charges, et
au-delà, d’amener l’hôpital à renouer avec des résultats excédentaires.
Mais en soi, ces résultats sont peu significatifs d’autant que les restes à recouvrer sont
anciens et d’un montant élevé. On ne discerne pas de stratégie visant soit
à recouvrer ces
créances, soit à financer leur admission en non valeur.
Cette incertitude sur la valeur des résultats dégagés doit conduire à repréciser les
conditions dans lesquelles l’activité hospitalière doit être financée.
Elle doit également conduire à une réorganisation des services chargés du suivi de la
facturation et de la mise en recouvrement des recettes.
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Séance du 16 mars 2010 - page 4 sur 89
4. La gestion opérationnelle est souvent défaillante.
La gestion des ressources humaines
, qui revêt une importance particulière dans cette
activité de service, a été négligée et on peut considérer que l’établissement ne possédait pas
d’instrument de connaissance de ses effectifs non médicaux jusqu’à une date récente.
Avant de se lancer dans des gestions sophistiquées comme la gestion prévisionnelle des
emplois et des compétences (GPEC), il est impératif de revoir les fondamentaux de la gestion
des emplois et des effectifs. C’est ainsi qu’il conviendrait de fiabiliser le tableau des emplois
qui est à la fois incomplet et erroné et d’affiner la gestion des remplacements qui aboutit
actuellement, faute d’une connaissance précise des besoins, à un écart de 20 % entre l’effectif
autorisé et l’effectif rémunéré.
En outre, malgré des évolutions constamment à la hausse de ses effectifs, l’hôpital
reconnaît à certains de ses agents des avantages croissants, sous forme d’heures
supplémentaires, y compris en cas d’absence au travail. La rémunération des gardes et
astreintes des médecins appelle aussi une reconsidération d’ensemble.
Des améliorations rapides sont aussi attendues dans le domaine de la gestion statutaire
des agents et spécialement des contractuels. Une extension des modes d’exercices statutaires
des médecins est possible et permettrait vraisemblablement des recrutements sélectifs.
Au plan de la gestion de l’ensemble des personnels, des modifications sont à envisager
dans le domaine de la répartition des compétences entre l’établissement public et le ministère
de la fonction publique, le statu quo ne paraissant pas souhaitable.
La gestion du médicament et des produits pharmaceutiques
est d’une façon générale
satisfaisante, d’autant que les conditions matérielles actuelles sont difficiles. Des
améliorations et des évolutions sont toutefois possibles.
La passation des marchés est ponctuellement défaillante. Le maintien de deux structures
pharmaceutiques publiques, respectivement pour le CHPF et la direction de la santé, est
discutable et les projets devraient intégrer la perspective d’une mutualisation des deux
pharmacies.
La version applicable en Polynésie française du code de la santé, ne comporte pas les
dispositions régissant la création, l’agrément et le fonctionnement des pharmacies à usage
intérieur. L’adoption de dispositions analogues à celles applicables au plan national
permettrait de donner des bases à l’exercice pharmaceutique en établissement de soins, qui
font aujourd’hui défaut en Polynésie française.
S’agissant de l’hygiène et du traitement des déchets
, si l’hôpital a amélioré et
protocolisé ses méthodes de tri et de stockage, la phase de traitement terminal n’est toujours
pas assurée.
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Séance du 16 mars 2010 - page 5 sur 89
5. L’ouverture du nouvel hôpital représente un évènement d’importance
.
Cette construction imposante a été lancée sans définition de programme et sans prise en
compte des répercussions de l’investissement sur le coût de l’exploitation, comme l’avait déjà
souligné la chambre dans son rapport de novembre 2006 consacré à la construction de
l’hôpital du TAAONE.
Il apparaît, au vu des normes admises par la mission nationale d’appui à
l’investissement hospitalier, qu’un excédent de mètres carrés a été construit, mais que, pour
autant, les surfaces utiles manquent.
Il en découle de nouveaux programmes de construction dont tous ne sont pas encore
identifiés.
Les prévisions de surcoût d’exploitation présentées au Conseil d’administration en
octobre 2008, se situent à un niveau plus réaliste que ce qui avait été annoncé précédemment.
Toutefois, certaines hypothèses sont des évaluations minimales.
Les métiers et procédures visant à assurer la maintenance des ouvrages et équipements
sont appelés à changer. L’hôpital doit en tirer toutes les conséquences.
Les questions juridiques et comptables concernant le statut de l’occupant des lieux et la
propriété des immobilisations restent posées et selon les réponses qui seront apportées, le
surcoût de fonctionnement risque de croître de façon sensible.
Les conditions du transfert du centre hospitalier dans la nouvelle structure font aussi
l’objet d’observations, notamment quant aux coûts qu’elles génèreront pour l’établissement.
La chambre formule in fine quelques recommandations qui lui paraissent aller dans le
sens d’une gestion plus efficace et plus efficiente du principal établissement de santé de la
Polynésie française.
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SOMMAIRE
INTRODUCTION
..........................................................................................................................
8
1.
L’ACTIVITE HOSPITALIERE, QUI DOIT CONSTITUER LA BASE DU
PILOTAGE DE L’ETABLISSEMENT PUBLIC, EST PEU PRISE EN COMPTE PAR LES
RESPONSABLES DU CHPF
........................................................................................................
9
1.1
Les données d’activité sont incomplètes, pas toujours pertinentes et peu prises en
compte
.............................................................................................................................................
9
1.2
Les données disponibles sont pourtant de nature à améliorer le pilotage de
l’établissement
..............................................................................................................................
11
1.2.1
L’examen des données statistiques montre une stabilité de l’activité en données
globales
......................................................................................................................................
11
1.2.2
L’analyse des données PMSI permet de mieux cerner les caractéristiques et les modes
de prise en charge des patients
...................................................................................................
13
1.3
La demande de transfert d’activité n’a pas tenu compte de la réalité de l’activité... 15
1.3.1
La demande d’évolution capacitaire n’est pas cohérente avec l’activité de
l’établissement
............................................................................................................................
16
1.3.2
Les capacités installées jusqu’à présent ont toujours été égales ou inférieures à ce qui
était autorisé
...............................................................................................................................
16
2
LES REGLES BUDGETAIRES ET FINANCIERES MISES EN PRATIQUE SONT
IMPROPRES A ASSURER UNE MAITRISE DE LA DEPENSE
.........................................
17
2.1
Un dispositif budgétaire contraignant qui vise à assurer un contrôle étroit des
décisions des autorités du Centre Hospitalier par la Polynésie française
...............................
17
2.1.1
Le contrôle de l’élaboration du budget du CHPF
..........................................................
18
2.1.2
Le contrôle des dépenses engagées
................................................................................
20
2.2
Des mécanismes de financement qui n’assurent ni une juste rémunération du service
rendu, ni une maîtrise de la dépense
...........................................................................................
21
2.2.1
Le dispositif initial, fondé sur le prix de journée, subsiste de manière résiduelle
.........
21
2.2.2
La mise en place de la dotation globale ne s’est pas accompagnée de garanties
suffisantes
...................................................................................................................................
22
2.2.3
Les recettes représentatives des tarifications permettent de contourner les limites
imposées par la fixation de la dotation globale
..........................................................................
24
2.2.4
Une tarification à l’activité partielle décidée sans précision sur ses objectifs, son champ
d’application et son calendrier de déploiement
..........................................................................
25
3
L’EQUILIBRE FINANCIER DU CENTRE HOSPITALIER N’EST ATTEINT QU’EN
RAISON DE FACILITES DISCUTABLES ACCORDEES A L’ETABLISSEMENT QUI
OCCULTENT DES DIFFICULTES DE RECOUVREMENT PERSISTANTES
.................
29
3.1
L’évolution des dépenses de fonctionnement
................................................................
30
3.2
L’importance du besoin en fonds de roulement est due à des restes à recouvrer très
anciens, pour lesquels des mesures drastiques sont à prendre de façon urgente
...................
31
3.2.1
Le fonds de roulement, le besoin en fonds de roulement et la trésorerie
......................
31
3.2.2
La situation des restes à recouvrer sur les hospitalisés et consultants et sur la CPS
.....
33
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Observations définitives – Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF)
Séance du 16 mars 2010 - page 7 sur 89
3.3
La connaissance du patrimoine de l’établissement est perfectible
..............................
38
4
LA GESTION OPERATIONNELLE EST SOUVENT DEFAILLANTE
.....................
39
4.1
La gestion des ressources humaines, un secteur stratégique longtemps délaissé
.......
39
4.1.1
Une gestion des ressources humaines soumise à de fortes pressions
............................
39
4.1.2
L’organisation de la direction des ressources humaines et ses compétences
................
40
4.1.3
La quantification et le suivi des effectifs sont quasiment inexistants jusqu’en 2008
....
41
4.1.4
La gestion statutaire des effectifs est compliquée et témoigne de relations
insatisfaisantes avec le service du personnel et de la fonction publique de la Polynésie
française
.....................................................................................................................................
48
4.1.5
La gestion opérationnelle des effectifs
..........................................................................
58
4.1.6
La formation professionnelle et continue a bénéficié d’une plus grande attention
.......
66
4.1.7
L’association des personnels aux processus de décisions
.............................................
67
4.2
La gestion des médicaments et des dispositifs médicaux est satisfaisante, mais des
améliorations sont possibles
........................................................................................................
69
4.2.1
La pharmacie occupe une place importante dans le dispositif de soins et sa gestion est
performante
................................................................................................................................
69
4.2.2
Des améliorations sont néanmoins souhaitables
............................................................
70
4.3
La question du traitement des déchets n’est pas résolue
..............................................
73
5
LA PRISE DE POSSESSION DU NOUVEL HOPITAL POSE DES QUESTIONS
SUPPLEMENTAIRES AUX GESTIONNAIRES
....................................................................
76
5.1
La question de la superficie de l’établissement et de sa capacité n’a pas été bien
appréhendée
..................................................................................................................................
76
5.1.1
Les surfaces construites ne sont pas connues des futurs occupants des lieux
...............
77
5.1.2
Le bâti n’est pas destiné à regrouper toutes les activités hospitalières
..........................
77
5.1.3
Paradoxalement, alors que des constructions supplémentaires sont nécessaires, le bâti
est surdimensionné
.....................................................................................................................
78
5.2.
La question des effectifs nécessaires doit faire l’objet d’engagements solennels
.......
79
5.3
Les dépenses médicales et hôtelières à venir ne sont pas totalement cernées
.............
81
5.3.1
L’exploitation technique suppose des changements radicaux
.......................................
81
5.3.2
L’ouvrage et les installations à venir posent de nouvelles exigences en matière de
maintenance
................................................................................................................................
82
5.4
Les conditions du transfert
.............................................................................................
82
5.4.1
La question essentielle du statut du nouvel hôpital et de son amortissement
................
83
5.4.2. Les opérations d’emménagement
..................................................................................
86
5.4.3
Le devenir du site de l’hôpital de Mamao
.....................................................................
87
5.4.4.
L’évaluation globale des surcoûts engendrés par l’hôpital du Taaone
..........................
87
6
RECOMMANDATIONS
.....................................................................................................
88
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Observations définitives – Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF)
Séance du 16 mars 2010 - page 8 sur 89
INTRODUCTION
Seule structure publique hospitalière de Polynésie française dotée de la personnalité morale et
de l’autonomie financière
1
, le centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) est devenu
en quelques décennies l’établissement de référence pour une population de 260 000 habitants,
majoritairement concentrée à Tahiti.
Les évolutions conjuguées de la médecine, des effectifs médicaux, de la demande sociale et
de l’accès aux soins pour tous ont contribué à accroître son poids dans l’offre de soins locale,
pour en faire le pivot de l’hospitalisation.
Intégrant progressivement la psychiatrie adulte et la transfusion sanguine, l’hôpital de Mamao
met en oeuvre des techniques de plus en plus évoluées.
Il assure depuis 2003 une mission de consultations avancées dans les archipels, consacrant
l’expansion de son ressort territorial.
La situation prédominante du CHPF est encore appelée à se renforcer à l’avenir.
Aujourd’hui, les dépenses qui lui sont
imputables représentent 74 % des dépenses totales de
l’hospitalisation, publique et privée en Polynésie française, l’entrée prochaine dans une
nouvelle structure devant sans aucun doute accroître encore cette proportion.
Hébergé dans les locaux de Mamao depuis 1971, le CHPF est désormais en position non
seulement d’investir des locaux neufs, d’une technicité supérieure à ce qu’il connaissait
jusqu’à présent, mais aussi d’accroître encore ses capacités et, en principe, son activité.
L’examen de la gestion du CHPF, auquel la chambre territoriale des comptes avait déjà
procédé en 2002-2003 pour les exercices 1991 à 2000
2
, permet de revenir pour une période
plus récente (2001 à 2008) sur l’activité de la plus grande structure de soins de la Polynésie
française, qui constitue en même temps le deuxième budget local soumis à la comptabilité
publique et le deuxième employeur du Pays (avec 1600 agents), derrière la collectivité
d’outre-mer.
Ce contrôle a porté sur l’activité hospitalière et l’utilisation qui était faite des statistiques
portant sur ces données représentatives de l’utilité de la structure et de son niveau de
performance.
Le contrôle a aussi permis de mettre en évidence un certain nombre d’incohérences dans le
financement des activités de l’établissement.
Enfin, ont été examinés les principaux aspects de la gestion de l’hôpital : gestion des
ressources humaines, du médicament et des produits pharmaceutiques, gestion des déchets,
entretien et maintenance.
1
L’hôpital territorial de Mamao, créé en 1975 sous forme de simple service de la Direction de la santé doté d’un
budget annexe, a été érigé par délibération n° 83-181 du 4 novembre 1983 en établissement public à caractère
administratif doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière.
2
Rapport d’observations définitives du 30 janvier 2004.
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En dernier lieu, la perspective désormais proche de l’intégration des activités dans le nouvel
hôpital du TAAONE permet d’en cerner les enjeux et les risques.
1. L’activité hospitalière, qui doit constituer la base du
pilotage de l’établissement public, est peu prise en
compte par les responsables du CHPF
Le recueil de l’activité hospitalière revêt une importance particulière. Son analyse et sa
diffusion font partie des missions de l’hôpital.
La compréhension par les décideurs des données relatives à l’activité est capitale pour la
mesure du service rendu et pour l’appréciation des besoins exprimés par les acteurs de la
structure.
Tout particulièrement dans la perspective de l’ouverture du nouvel hôpital, cette analyse doit
permettre de guider les choix capacitaires et inciter à faire évoluer les modes de prise en
charge ainsi que les pratiques de soin.
Le recueil d’activité constitue aussi la base de la facturation.
Couplé à l’information médicalisée produite par les services et traitée par le service
d’information médicale, il permet d’appréhender le niveau de performance de l’établissement.
1.1
Les données d’activité sont incomplètes, pas toujours pertinentes et peu
prises en compte
L’arrêté CM n° 999 du 12 septembre 1988 relatif à l’organisation, au fonctionnement et aux
règles financières, budgétaires et comptables du Centre Hospitalier Territorial, dispose que :
-
le directeur (…) doit tenir régulièrement le conseil
informé de la marche générale des
services (article 18) ;
-
chaque chef de service (…) élabore les statistiques médicales conformément aux
règles régissant les statistiques sanitaires du territoire et les rapports d’activités
médicales qu’il transmet au directeur de l’établissement pour l’élaboration du rapport
annuel sur l’évaluation technique et économique des soins dispensés dans
l’établissement (article 26) ;
-
la commission médicale d’établissement est obligatoirement consultée sur (…) le
rapport annuel visé à l’article 26 précité (article 33) ;
-
le compte administratif est préparé par le directeur (…), il est obligatoirement
accompagné du rapport annuel du directeur sur l’activité de l’établissement pendant
l’année écoulée (article 82).
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Séance du 16 mars 2010 - page 10 sur 89
Les rapports d’activité, qui ont donné lieu à une présentation standardisée sur toute la période
du contrôle, sont produits postérieurement à la présentation du compte administratif.
Il s’agit plus d’une présentation des statistiques générales des services de l’établissement que
d’une analyse de l’activité. Depuis l’exercice 2004, une ou deux lignes de commentaires sont
rédigées par l’ordonnateur. Les données statistiques disponibles sont toutes rétrospectives.
Illustrant le peu d’intérêt porté aux statistiques, la prévision d’activité qui doit fonder les
demandes budgétaires n’apparaît pas. Il n’y a donc pas de mesure et d’analyse des écarts entre
prévision et réalisation.
Les commentaires de l’ordonnateur
paraissent déconnectés des chiffres présentés et se
bornent à affirmer une hausse continue de l’activité des services. Lorsqu’en 2007, les chiffres
indiquent un fléchissement, l’ordonnateur invoque, sans élément de preuve, une prise en
charge de « malades plus lourds ».
Il n’y a pas non plus toujours la rigueur suffisante dans le recueil des informations et leur
présentation. Certaines colonnes ne sont pas renseignées, d’autres ne sont que la copie de
l’année précédente. Certaines erreurs altèrent gravement la qualité de l’information délivrée.
Le tableau présentant les actes produits au bloc opératoire par le regroupement des spécialités
chirurgicales fait figurer les mêmes données en 2005 et 2006, puis omet d’indiquer le nombre
d’interventions.
Le recueil n’est pas toujours constant : les données de l’unité d’hospitalisation de court séjour,
par exemple, n’apparaissent qu’en 2007, alors que l’unité a été créée en 2002.
Les activités à temps incomplet ne bénéficient pas d’un traitement adapté. Alors qu’il est
admis que les alternatives à l’hospitalisation à temps complet sont un champ de
développement des activités conséquent, la nomenclature des disciplines et le regroupement
des données qui s’en suit ne rendent pas compte de leur consistance ni de leur évolution. Des
chiffres qui mériteraient des explications sont livrés tels quels : disparition de l’activité de
jour en psychiatrie depuis 2005 ; en obstétrique, passage de 360 entrées en 2003 à 2 en 2007.
En sens inverse, le doublement des entrées en médecine ambulatoire depuis 2003 n’est pas
non plus commenté.
Paradoxalement, alors que l’ordonnateur évoque tous les ans le développement de la
cancérologie, la rubrique « chimiothérapie » n’est jamais renseignée.
Le choix des rubriques ou des données présentées n’est pas toujours judicieux et ne témoigne
pas d’un souci de favoriser l’analyse. La rubrique « prestations d’endoscopies EFR » ne
permet pas de distinguer les données intéressant les endoscopies de celles retraçant le nombre
des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR), ni de connaître leur type. De même, le
décompte de « prestations obstétricales » du bloc obstétrical n’a pas de pertinence puisqu’il
regroupe sous la même appellation des actes chirurgicaux et des actes qui ne relèvent pas de
la même cotation. Cet agrégat fausse la compréhension de l’importance et de la répartition des
actes proprement chirurgicaux réalisés dans les blocs.
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Concernant les services généraux, les statistiques fournies
présentent peu d’intérêt, en ce sens
qu’elles sont représentatives de consommations, ce qui n’a pas en soi de pertinence. Cette
approche exclusivement administrative et peu précise, n’établit pas le lien nécessaire avec les
données médicalisées, ou le programme de médicalisation des systèmes d’information
(PMSI). C’est d’autant plus regrettable, que les données présentées par le service
d’information médicale sont de qualité.
Il conviendrait donc d’améliorer la collecte et l’analyse des données concernant l’activité en
prenant en compte les données médicalisées.
1.2
Les données disponibles sont pourtant de nature à améliorer le pilotage
de l’établissement
Quel que soit le mode de financement de la structure, il est utile d’analyser l’activité
hospitalière afin de permettre un pilotage global de l’établissement, pour affiner la prévision
budgétaire, arbitrer l’allocation interne des ressources et enfin préciser sa place dans
l’organisation sanitaire.
Les données descriptives de l’activité hospitalière n’ont en effet pas uniquement pour
vocation de documenter la discussion budgétaire avec la CPS mais doivent fonder le pilotage
de l’établissement tant dans sa gestion interne, qu’au niveau stratégique.
1.2.1
L’examen des données statistiques montre une stabilité de l’activité en données
globales
Contrairement aux affirmations formulées par les ordonnateurs, à l’occasion notamment du
rapport accompagnant le compte administratif, on ne constate pas, en données brutes, de
hausse continue de l’activité.
Entrées totales (directes et mutations) en hospitalisation complète et incomplète :
Disciplines/Années
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Médecine
4 501
4 638
4 993
5 205
5 114
5 388
4 949
Chirurgie
6 298
6 409
6 530
7 184
6 868
6 868
6 728
Pédiatrie
3 489
2 731
2 860
2 996
2 776
2 670
2 861
Réanimation
561
564
512
527
585
561
597
Obstétrique
3 233
3 183
2 995
3 012
3 201
3 202
3 076
Sous-total Hospitalisation/complète
18082
17 525
17 890
18 924
18 544 18 689 18 211
Dialyse
19 823
19 436
19790 20 329 20 855 21 620 20 613
Chimiothérapies
Médecine de jour
925
1 821
1 937
2 572
3 483
3 841
Obstétrique de jour
528
360
248
51
1
2
Chirurgie de jour
1 174
1 594
2 111
1 905
1396
1 370
Sous-total Ambulatoire
19 823
22 063
23 565
24 625
25 383 26 500 25 826
Total général
37 905
41 455
41 455
43 549
43 927 45 189 44 037
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Observations définitives – Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF)
Séance du 16 mars 2010 - page 12 sur 89
De 2001 à 2007, les entrées en hospitalisation à temps complet sont stables à quelques unités
près, la hausse intervenue sur l’année 2004 ne s’étant pas poursuivie. Cette évolution est en
contradiction avec l’augmentation de la population sur cette période, son vieillissement et
surtout la généralisation de l’accès aux soins. Cette stabilisation des entrées provient en fait,
pour une large part, de la lente décroissance des activités mère-enfant.
En revanche, l’activité d’hospitalisation à temps partiel progresse. Si l’on analyse cette
activité globalement à la hausse, on constate que ce sont les séjours enregistrés en hôpital de
jour polyvalent qui progressent le plus fortement, passant de moins de 1000 à presque 4000
sur la période considérée. La lecture des données du PMSI révèle que la hausse provient de la
cancérologie.
Il n’y a donc pas de hausse générale et continue de l’activité. Toutefois des remarques
peuvent être formulées pour affiner ce constat général. Les secteurs en expansion sont bien
ciblés et intéressent surtout le secteur ambulatoire médical. Dans ce domaine de la prise en
charge à temps incomplet, les autres disciplines (obstétrique et chirurgie), ont une marge de
progression importante.
La complémentarité voulue entre l’hôpital et l’APURAD
3
permet de maintenir la dialyse en
hospitalisation à un niveau stable. Toutefois, en raison de l’allongement de l’espérance de vie
des dialysés et de la hausse continue du nombre de nouveaux insuffisants rénaux, ce dispositif
pourrait être rapidement saturé si une activité de transplantation n’était pas organisée à court
terme.
Durées moyennes de séjour (DMS) :
Disciplines/Années
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Médecine
6.38
6.51
6.39
6.26
6.6
6.57
7.25
Chirurgie
5.04
5.15
4.98
4.92
5.28
5.12
5.09
Pédiatrie
5.07
6.44
5.46
5.23
5.48
5.41
5.28
Réanimation
7.49
8.48
8.93
9.02
8.17
8.34
8.31
Obstétrique
5.36
5.62
5.76
6.09
5.63
5.48
5.55
Court séjour
5.51
5.90
5.69
5.64
5.84
5.74
5.89
Les durées moyennes de séjour sont légèrement supérieures à celles constatées dans des
établissements de même taille au niveau national.
La prise en charge des patients en provenance des archipels, ainsi que la confusion entre les
missions de soins aigus et de soins de suite expliquent cette différence. Des écarts
appréciables peuvent être constatés au sein d’une même discipline, en raison de facteurs
endogènes, tels que le type de pathologie, les pratiques de soins (recours ou non à
l’ambulatoire notamment), ou exogènes, tels que l’origine sociale ou géographique des
patients.
Les spécialités chirurgicales tirent la DMS vers le bas, compensant « statistiquement » les
DMS élevées de la chirurgie A.
3
L’APURAD est l’association pour l’utilisation du rein à domicile.
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Séance du 16 mars 2010 - page 13 sur 89
Taux d’occupation :
Disciplines/Années
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Médecine
81.13
83.86
83.54
97.25
84.42
81.76
Chirurgie
75.76
76.54
87.14
88.60
84.23
76.83
Réanimations
87.36
83.00
77.15
82.83
71.73
76.92
Obstétrique
87.14
72.37
89.55
86.96
84.34
82.00
Court séjour
80.89
79.80
84.84
84.94
82.70
79.49
Les indicateurs soulignent également la stabilité des taux d’occupation. Les taux constatés en
médecine ne traduisent pas une suroccupation. Il en est de même pour la chirurgie, sauf en
2005.
Une augmentation du nombre de lits physiquement disponibles
(350 en moyenne en 2002,
374 en moyenne en 2007) a permis de limiter les occupations élevées là où les journées
pouvaient augmenter.
1.2.2
L’analyse des données PMSI permet de mieux cerner les caractéristiques et les modes
de prise en charge des patients
L’établissement du profil des patients traités ne se substitue pas à une étude épidémiologique
de nature à rendre compte des pathologies prévalant dans la population générale.
Cependant, en raison de la position dominante du CHPF, il est intéressant de connaître les
données de morbidité hospitalière et d’en saisir les évolutions :
-
la population traitée vieillit, les prises en charge des patients de plus de 60 ans
croissent rapidement, celles des jeunes de moins de 15 ans régressent ;
-
le taux d’hospitalisation par origine géographique montre une surreprésentation des
patients originaires des Iles du Vent et une sous représentation des personnes venant
des Marquises et des Iles sous le Vent ; au total, seulement 17 % des patients
hospitalisés proviennent des archipels éloignés ;
-
les pathologies traitées peuvent être appréhendées grâce au classement par catégorie
majeure de diagnostic.
Les séjours liés au pôle mère-enfant restent majoritaires : ils représentent 31 % des séjours. La
quasi-totalité des catégories majeures de diagnostic (CMD) est représentée au CHPF. Seule la
CMD 27 (transplantations d’organes) est absente.
Il est à noter aussi la faible incidence des maladies
infectieuses et de celle du SIDA.
Le CHPF se doit donc de couvrir la quasi-totalité des pathologies, ce qui suppose un éventail
de compétences et de moyens très large, pour une prise en charge d’un nombre de cas parfois
restreint. Cela crée une difficulté double, à la fois sur le plan économique et en termes
d’acquisition et de conservation des compétences.
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Séance du 16 mars 2010 - page 14 sur 89
Le PMSI permet aussi d’appréhender certains aspects de l’organisation interne de l’hôpital :
-
les modes d’hospitalisation majoritaires sont la provenance du domicile pour 80 % des
patients, 19 % venant d’autres services de court séjour ;
-
les entrées en urgence sont supérieures au tiers des admissions ; ces urgences sont
accueillies à raison de 50 % par la chirurgie orthopédique, le service d’accueil des
urgences et la pédiatrie ;
-
au sein de l’hôpital, les transferts sont nombreux, entre les unités qui hébergent les
patients adressés par d’autres (gynécologie-obstétrique, service d’accueil des
urgences, l’hôpital de jour de médecine), et ceux qui en « exportent », tels que
l’oncologie, la médecine interne et la chirurgie viscérale ;
-
des séjours extrêmes sont aussi mis en évidence ; le nombre de séjours de ce type a
varié de 425 à 865 de 2004 à 2006 ; ces séjours « anormalement longs », génèrent
selon les années de 5500 à 9900 journées d’hospitalisation, soit l’occupation à 85 %
de 30 lits en permanence.
L’exploitation des données d’activité est incontournable dans la connaissance de la patientèle,
de l’efficience des organisations mises en place et, d’une façon générale dans l’adaptation des
structures et moyens à développer, ou au contraire, à redéployer.
Les dernières observations citées auraient dû entraîner une réflexion et surtout une prise de
décision quant aux capacités respectives des unités, le ciblage des séjours excessivement
longs, et vraisemblablement une activation de capacités de soins de suite.
Les directions successives ont négligé de le faire et, partant, n’ont pas assuré l’exploitation la
plus efficiente des moyens mis à leur disposition. De ce point de vue, l’argument invoqué par
le directeur de l’hôpital, selon lequel les délais tardifs de production des données du PMSI
n’en permettent pas l’exploitation, ne saurait être retenu, puisque l’organisation du recueil
d’activité relève de sa responsabilité. La chambre a toutefois noté que le directeur envisageait
le recrutement d’un second praticien au département d’information médicale.
A l’avenir, il serait nécessaire d’identifier des axes débouchant sur des stratégies contribuant à
remodeler les activités et structures :
-
la baisse de la natalité doit permettre un redéploiement progressif d’une partie des
ressources affectées à ce pôle ;
-
le vieillissement de la population invite à anticiper la prise en charge croissante des
maladies chroniques, et de malades affectés de pathologies associées ;
-
le diabète, l’hypertension et l’insuffisance rénale doivent susciter des prises en charge
accrues et, sans doute, spécifiques (hôpital de jour du pied diabétique, éducation
nutritionnelle, unité neuro-vasculaire). Comme indiqué dans le projet médical, il
convient de prendre des initiatives coordonnées, de type réseau, pour prévenir le plus
en amont possible l’insuffisance rénale chronique (IRC).
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Séance du 16 mars 2010 - page 15 sur 89
D’une façon générale, la prise en compte de l’activité par les gestionnaires et les financeurs
doit être valorisée
et faire l’objet de prévisions quantifiées de type OQOS.
Des objectifs médicalisés doivent être formulés et pris en compte dans la gestion de l’hôpital,
concernant les durées de séjour, la diversification des modes de prise en charge.
Les niveaux de prise en charge et de technicité voulus restent à préciser.
1.3
La demande de transfert d’activité n’a pas tenu compte de la réalité de
l’activité
Les carences relevées en ce qui concerne l’exploitation des statistiques d’activité affectent
aussi le dossier de demande d’autorisation de transfert des capacités actuelles sur le site du
futur établissement du Taaone.
En raison du transfert annoncé dans de nouveaux locaux, tout titulaire d’autorisation d’une
activité de soins était tenu de déposer un dossier de demande d’autorisation, soumis avant
décision à la Commission d’organisation sanitaire.
En outre, le CHPF a aussi demandé à cette occasion la transformation et la création de places
et de lits.
Le dossier a été transmis le 31 décembre 2008, et déclaré reçu complet le 13 mars 2009. La
demande ne concernait pas la psychiatrie, non visée par le transfert, ni les spécialités de
néonatologie et de neurochirurgie (arrêté n° 526 CM du 21 juillet 2005).
Le tableau ci-dessous présente les capacités autorisées (arrêté CM de 2006) et les demandes
nouvelles présentées par l’établissement.
Demande en lits d’hospitalisation complète
Discipline
Autorisé
Demandé
Ecart
Médecine
160
209
+ 49
Chirurgie
97
106
+ 9
Obstétrique
75
68
- 7
Demande d’extension en places
Discipline
Autorisé
Demandé
Ecart
Médecine
12
17
+ 5
Chirurgie
4
6
+ 2
Obstétrique
0
23
+ 23
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Séance du 16 mars 2010 - page 16 sur 89
1.3.1
La demande d’évolution capacitaire n’est pas cohérente avec l’activité de
l’établissement
Le constat du manque de prise en compte des besoins mesurés par l’activité résulte sans doute
pour partie du fait que la demande formulée n’a pas été soumise formellement aux instances,
et que, par ailleurs le projet d’établissement n’a pas été lui non plus achevé.
Quoi qu’il en soit, les observations suivantes peuvent légitimement être formulées :
-
la demande d’extension de 9 lits en chirurgie n’est pas justifiée ; si l’on excepte les
années 2004 à 2006, l’activité est depuis 2007 revenue à un niveau comparable aux
années précédentes ; s’agissant de capacité en lits, ce qui importe est le taux
d’occupation ; la durée moyenne de séjour est en réduction et peut continuer de
baisser, surtout si les places en ambulatoire sont activées ;
-
en gynécologie obstétrique, la baisse semble tendancielle et la diminution capacitaire
sollicitée constitue un minimum ;
-
s’agissant de la médecine, les paramètres enregistrés ne justifient pas une hausse telle
qu’elle est formulée à hauteur de 49 lits ; le porteur du dossier aurait dû aussi prendre
en compte la carte sanitaire qui n’autorise pas cette demande, puisqu’elle aboutirait à
un excédent de 30 lits.
Par ailleurs, on relèvera que les demandes ne comportent rien concernant les soins de suite
dont toutes les analyses, notamment le projet médical, pointent la nécessité.
Ne pas s’y intéresser revient à organiser l’occupation de lits de soins aigus par des patients qui
ne relèvent pas ou plus de ce type de service. En termes statistiques, ce sont au moins 15 lits
qui pourraient être concernés.
Le vieillissement est aussi clairement mis en évidence lors de l’examen des statistiques des
séjours. Or, rien n’est demandé en réponse à la prise en charge des patients âgés dont le
nombre progresse très rapidement.
Les demandes d’extension de places sont en soi un progrès. Toutefois, ces demandes
semblent être inférieures à ce qu’un développement volontariste et organisé de ces activités
pourrait générer. Le transfert au Taaone devrait être l’occasion de les structurer.
1.3.2
Les capacités installées jusqu’à présent ont toujours été égales ou inférieures à ce qui
était autorisé
La capacité réelle de l’établissement dépend aussi de la mise en oeuvre des autorisations.
Médecine
Capacité autorisée
Capacité installée
2003
160
131
2004
160
133
2005
160
117
2006
160
140
2007
160
148
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Chirurgie
Capacité autorisée
Capacité installée
2003
97
91
2004
97
89
2005
97
91
2006
97
91
2007
97
97
La discipline gynécologie-obstétrique a constamment bénéficié de sa capacité autorisée, soit,
75 lits.
S’il est bien entendu que la demande formulée anticipe l’emménagement dans une structure
différente, il n’en est pas moins intéressant de constater que sur la période récente la réalité
des capacités installées n’a jamais atteint le niveau permis par les autorisations.
2 Les règles budgétaires et financières mises en pratique
sont impropres à assurer une maîtrise de la dépense
Le peu d’intérêt des dirigeants du centre hospitalier pour la réalité de l’activité de
l’établissement se retrouve aussi dans le processus budgétaire.
Les décisions sur le niveau de financement des dépenses sont arrêtées sans prise en compte
des prévisions, ni des données rétrospectives. Ces décisions majeures interviennent de plus en
dehors du cadre légal.
2.1
Un dispositif budgétaire contraignant qui vise à assurer un contrôle étroit
des décisions des autorités du Centre Hospitalier par la Polynésie
française
L’arrêté n° CM 999 du 12 septembre 1988 modifié traite de l’organisation, du fonctionnement
et des règles financières, budgétaires et comptables applicables au Centre Hospitalier
Territorial de la Polynésie française. Le Centre Hospitalier relevant d’un statut
d’établissement public administratif, les principes généraux définis par la délibération n° 95-
205 AT du 23 novembre 1995 encadrent les dispositions précitées.
Ce cadre de référence ancien a organisé jusqu’en 2009 un dispositif contraignant qui a
considérablement
limité
les
compétences
du
conseil
d’administration
comme
de
l’ordonnateur. Cependant, il doit être revu au regard des règles nouvelles posées par la loi
organique de 2007.
Le contrôle du pouvoir budgétaire du CHPF par la collectivité d’outre-mer s’exerce tant à
l’égard des décisions budgétaires de l’établissement qu’à l’égard des décisions d’exécution de
ses dépenses.
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Séance du 16 mars 2010 - page 18 sur 89
2.1.1
Le contrôle de l’élaboration du budget du CHPF
L’article 54 de la délibération n° 95-205 AT du 23 novembre 1995 modifiée impose à
l’ordonnateur du CHPF d’informer le président du conseil d’administration et le ministre
chargé du budget au plus tard le 1
er
septembre, de l’avant-projet de budget de l’exercice
suivant. En pratique, ce projet leur est soumis, comme en métropole, sous l’appellation de
ROB (rapport d’orientation budgétaire).
Ce même article prévoit en outre que le calendrier budgétaire des établissements publics
administratifs (EPA) est tributaire de celui de la Polynésie française, le projet de budget
n’étant soumis au vote du conseil d’administration qu’après publication de la délibération
portant approbation du budget de la collectivité d’outre-mer. Ce n’est qu’après qu’il est
soumis à l’approbation du conseil des ministres.
L’article 58 dote le conseil des ministres d’un pouvoir de substitution et lui permet donc
d’arrêter ou de rectifier les inscriptions budgétaires de l’établissement public.
L’arrêté n° CM 999 du 12 septembre 1988 dote donc le Conseil d’administration du CHPF et
son Président de compétences budgétaires réelles, mais totalement soumises à l’approbation
du Conseil des Ministres ou de l’Assemblée de la Polynésie française.
Concernant le compte administratif, l’article 82 de l’arrêté de 1988 précise qu’il doit
obligatoirement être accompagné du rapport annuel du directeur pour l’année écoulée.
Ces documents sont soumis au vote du conseil d’administration, puis au conseil des ministres
et enfin approuvés par l’Assemblée de la Polynésie française.
En pratique, ce dispositif est peu respecté et se révèle inopérant.
La reconstitution de la chronologie des votes intervenus en conseil d’administration entre
2003 et 2006 montre que le calendrier réglementaire budgétaire n’est pas toujours suivi, et
que, par ailleurs, les procédures sont la plupart du temps incomplètes.
Les années 2007 et 2008 connaissent une activité plus intense et les documents sont
complétés et enrichis. Une information plus complète des administrateurs est assurée.
Toutefois et pratiquement sans exception, la consultation de la Commission médicale
d’établissement (CME) n’apparaît jamais. Le jeu institutionnel est donc largement faussé sur
des questions essentielles.
En terme de calendrier, le lancement de la procédure budgétaire du Centre Hospitalier était
jusqu’à présent
subordonné au vote du budget de la Polynésie française, au motif que la
collectivité accordait des subventions au CHPF.
En période de difficulté institutionnelle pour la collectivité d’outre-mer, cela peut conduire à
retarder la procédure d’adoption du budget pour l’hôpital au second semestre.
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Séance du 16 mars 2010 - page 19 sur 89
Une structure dynamique n’a rien à gagner à régler les affaires dans le cadre de budgets de
reconduction, en attente de la réalisation d’échéances qui lui sont extérieures.
Bien plus, depuis l’intervention de l’article 157-2 de la loi organique n° 2007-1719 du
7 décembre 2007, l’attribution de participations financières suit désormais une procédure
distincte de celle de vote du budget.
Il n’y a donc plus lieu de rendre la procédure budgétaire du CHPF dépendante de celle de la
collectivité d’outre-mer au motif qu’une participation lui est versée pour assurer son
financement.
Sur un autre plan, on notera que le calendrier budgétaire, cette fois de la Caisse de prévoyance
sociale (CPS) conduit à arrêter ses perspectives de dépenses beaucoup plus tôt que la
Polynésie française et le CHPF, dans la deuxième quinzaine du mois d’octobre pour l’année
suivante.
La CPS étant le payeur dominant des prestations offertes par l’hôpital, il se vérifie la plupart
du temps que cette enveloppe détermine le budget à venir du CHPF.
Dans les faits, l’initiative budgétaire est exercée conjointement par la CPS et la direction de
l’hôpital. Un taux d’évolution des dépenses est convenu, qui s’imposera par la suite aux
instances administratives et politiques.
Enfin, les dispositions introduites par la loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 en
ce qui concernent le contrôle budgétaire des établissements publics de la Polynésie française
par le représentant de l’Etat (articles 185-1 à 185-15 de la loi organique statutaire du 27
février 2004 modifiée) rendent inapplicables en l’état, les dispositions précédemment décrites
contenues dans la délibération n° 95-205 AT et l’arrêté du 12 septembre 1988. En effet, il
découle des articles 185-1 et 185-15 de la loi statutaire que le budget du CHPF doit être
transmis au haut-commissaire dans les quinze jours suivant son adoption par son conseil
d’administration, au plus tard le 31 mars de l’année d’exécution. A défaut, le représentant de
l’Etat en saisit la chambre territoriale des comptes qui rend un avis public dans le délai d’un
mois, permettant au Haut-commissaire de régler le budget. D’autres articles (respectivement
185-3, 185-4 et 185-10) définissent les conditions d’intervention du représentant de l’Etat et
de la Chambre territoriale des comptes en cas de déséquilibre budgétaire, d’absence
d’inscription d’une dépense obligatoire ou de déficit d’exécution budgétaire. Les mesures
d’application de ces dispositions ont été introduites dans le code des juridictions financières
(articles R.273-1 à R.273-32) par le décret n° 2009-568 du 20 mai 2009. Il en résulte que les
dispositions antérieures, notamment celles figurant dans la délibération n° 95-205 AT,
assujettissant le CHPF au contrôle de la collectivité d’outre-mer, doivent être revues et le cas
échéant articulées avec celles découlant de normes juridiques supérieures, notamment de la loi
organique.
Les dispositions posées par la loi organique devraient donc contribuer à autonomiser la
procédure budgétaire de l’établissement public, à rationaliser son calendrier budgétaire et
contribuer à une responsabilisation accrue des décideurs hospitaliers.
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Séance du 16 mars 2010 - page 20 sur 89
L’occasion pourrait être saisie de cette mise à jour nécessaire de la réglementation budgétaire
du CHPF pour étudier, en relation avec la collectivité d’outre-mer, les avantages qui
pourraient être retirés d’une anticipation du calendrier budgétaire du CHPF, rien ne paraissant
faire sérieusement obstacle à l’avancement de la date limite de vote du budget de
l’établissement du 31 mars au 1
er
janvier de l’année d’exécution.
2.1.2
Le contrôle des dépenses engagées
Le contrôle préalable sur l'engagement des dépenses des établissements publics de la
Polynésie française a été instauré dès la loi n°84-820 modifiée du 6 septembre 1984 portant
statut du Territoire. Cette disposition législative, reprise par les lois statutaires ultérieures, a
été
précisée par les articles 71 à 75 de la délibération n°95-205 AT du 23 novembre 1995.
S’agissant des établissements publics administratifs autres que d’enseignement, l’article 73
prévoit explicitement que le contrôle de l’engagement de leurs dépenses «
est effectué par le
contrôleur de l’engagement des dépenses de la Polynésie française
».
Or, comme la chambre avait déjà pu le constater lors de son contrôle précédent, les dépenses
du CHT (devenu CHPF) échappent au contrôleur des dépenses engagées de la Polynésie
française, en contravention avec les différentes législations qui se sont succédé. Aucune
dérogation expresse pour le CHPF n’existe dans la réglementation polynésienne.
Certes,
a été mis en place un « contrôle des dépenses engagées » (CDE) interne au CHPF en
2003. Cette mission est assurée par un seul agent. Ce contrôleur interne ne dépend pas du
CDE de la Polynésie française, mais du directeur financier du CHPF.
Par ailleurs, ne sont pas soumises au contrôle de cet agent les dépenses ne donnant pas lieu à
la passation de marchés publics (électricité, téléphone, essence), ni celles concernant la
liquidation des rémunérations. Par ailleurs, contrairement au CDE de la Polynésie française
qui n’a pas à se prononcer sur des dépenses en dessous d’un certain seuil (500 000 F CFP),
celui du CHPF n’a pas de seuil. L’absence de visa de la part du CDE interne n’empêche pas
l’ordonnateur d’engager. Enfin, le contrôleur n’a pas à donner d’avis préalable à toute
délibération à caractère financier, comme la signature de conventions.
Le positionnement
hiérarchique de l’agent affecté au CDE interne limite l’exercice d’un
contrôle sur les services de l’ordonnateur et sur l’ordonnateur lui-même.
Le ministre des finances souhaitait récemment faire relever le CHPF du CDE de la collectivité
et proposait de mettre à disposition de l’établissement du personnel relevant hiérarchiquement
du CDE de la Polynésie française, pour être en conformité avec la délibération de 1995. Mais
l’ordonnateur, par courrier d’août 2008, en invoquant comme motifs les spécificités du CHPF,
le besoin de réactivité important (essentiellement pour les achats pharmaceutiques) et le fait
que le système informatique de l’établissement répondait à une autre logique que celle du
logiciel de la collectivité d’outre-mer (POLYGf), estimait qu’une telle extension, et par là
même, le respect de la réglementation, ne lui apparaissait pas possible.
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Séance du 16 mars 2010 - page 21 sur 89
Il ressort donc à ce jour que la volonté de la Polynésie française de maîtriser la dépense du
principal établissement de soins de l’archipel n’est pas complètement assumée.
Aucune disposition, en l’état actuel de la réglementation, ne permettant d’y déroger, le Centre
hospitalier devrait se mettre en conformité, dès que possible. Il est en effet rappelé que la
Cour de discipline budgétaire et financière peut être amenée à infliger des sanctions en cas de
non respect des règles relatives au contrôle financier, en application des articles L. 312-1 et
L. 313-1 du code des juridictions financières : «
toute personne visée à l'article L. 312-1 qui
aura engagé une dépense sans respecter les règles applicables en matière de contrôle
financier portant sur l'engagement des dépenses sera passible d'une amende dont le minimum
ne pourra être inférieur à 150 euros et dont le maximum pourra atteindre le montant du
traitement ou salaire brut annuel qui lui était alloué à la date à laquelle le fait a été
commis ».
Si la Polynésie française souhaitait revenir sur le mode d’organisation du contrôle des
dépenses engagées du CHPF, elle aurait la possibilité de le faire dans le cadre de la révision
des dispositions de la délibération n° 95-205 AT.
2.2
Des mécanismes de financement qui n’assurent ni une juste rémunération
du service rendu, ni une maîtrise de la dépense
Les modalités de financement du CHPF résultent de la superposition de mécanismes
disparates, apparus au fil des ans, s’inspirant des schémas successivement retenus au plan
national.
Ces mécanismes, obéissant à des logiques différentes voire antagonistes, fixées par des
normes juridiques de portée très différente, contribuent à opacifier les conditions de
financement de la structure hospitalière et ne permettent pas de parvenir à une bonne maîtrise
de ses dépenses.
2.2.1
Le dispositif initial, fondé sur le prix de journée, subsiste de manière résiduelle
L’arrêté du 12 septembre 1988 posait les bases d’un système de financement du Centre
hospitalier par les prix de journée (hospitalisation), mécanisme longtemps appliqué en
métropole avant l’adoption du système de la dotation globale en 1983. Selon l’article 61 de
l’arrêté précité, jamais abrogé,
« la détermination des prix de revient prévisionnels a pour but
de préparer les propositions de tarifs applicables pour l’exercice à venir. Ils servent de base
à la détermination des prix de journée... Les prix de journée sont fixés, sur proposition du
conseil d’administration par arrêté du conseil des ministres »
. Ce système s’accompagnait
toutefois d’une tarification à l’acte pour les consultations externes et les services médico-
techniques.
Ce dispositif continue à s’appliquer au CHPF de manière résiduelle pour les non ressortissants
de la CPS.
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Séance du 16 mars 2010 - page 22 sur 89
2.2.2
La mise en place de la dotation globale ne s’est pas accompagnée de garanties
suffisantes
Le passage à une dotation globale a été décidé en Polynésie française en 1998, en vue de
maîtriser les dépenses des établissements de santé, dans le cadre d’une délibération de
l’Assemblée (délibération n° 98-163 APF du 15 octobre 1998). Cette délibération prévoyait :
« la prise en charge, par les régimes de protection sociale, des soins dispensés dans les
établissements publics hospitaliers prend la forme de dotations globales... Fixées en cours
d’année pour l’année suivante... Leur montant est déterminé annuellement par des
conventions conclues entre les régimes de protection sociale et l’établissement public
hospitalier... Ces conventions entrent en vigueur après approbation par arrêté pris en conseil
des ministres ».
L’exposé des motifs de cette délibération indiquait clairement l’objectif principal qui était de
garantir à tous l’accès à la santé, dans le cadre notamment de la mise en oeuvre de la
couverture sociale généralisée, l’exercice du droit à la santé se réalisant toutefois dans la
limite des ressources des régimes de protection sociale.
La délibération met en place à cet effet les instruments qui concourent à la maîtrise de
l’évolution des dépenses des établissements de santé. La dotation globale en est la mesure
centrale.
Les mécanismes tirés de la délibération instaurent un financement forfaitaire de la plupart des
activités, listées limitativement, tout en laissant une option concernant l’intégration totale ou
partielle des consultations externes.
Les critères de fixation de cette dotation sont divers et peu précis : activité constatée,
référence à la carte sanitaire, dépenses nécessaires à l’amélioration de la qualité des soins,
évolution du produit intérieur brut.
Ces éléments n’ont pu être produits par le centre hospitalier, et ne semblent pas être exposés
ni pris en compte à l’occasion des négociations menées avec la CPS pour l’établissement des
conventions annuelles.
Cette carence est provoquée entre autres par les délais de production et de transmission des
informations sur l’activité. Début 2009, la CPS ne connaissait pas les données d’activité
médicalisées du second semestre 2007. Les rapports d’activité de l’ordonnateur sont rarement
joints aux comptes administratifs.
Le calendrier est lui aussi extrêmement flou et contraste avec les dispositions calendaires
tirées de l’arrêté de 1988, comme de la délibération n° 95-205 AT de 1995. Il est en effet
seulement indiqué que la dotation est fixée en cours d’année, pour l’année suivante, sans plus
d’exigence. Les avenants à la convention de base du 25 octobre 1999 conclue entre la CPS et
le CHT ont été passés depuis 2004, successivement aux mois de mars, septembre, juillet, août,
juillet et janvier des exercices en cours.
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Séance du 16 mars 2010 - page 23 sur 89
Il est à noter aussi que la fixation de la dotation, qui représente l’apport de ressources
prépondérant, est parfois totalement déconnectée de la procédure budgétaire. Pour 2009, par
exemple, elle a été signée en janvier 2009, alors que le budget devait être soumis au conseil
d’administration en mars.
Le champ d’application de la dotation globale n’a pas non plus été suffisamment défini et
surtout respecté par les signataires de la convention.
La délibération prévoit de distinguer une dotation principale et une dotation spécifique
relative aux « activités d’urgence et d’évacuation sanitaire ». Outre le fait que le terme
générique « activités d’urgence » peut intéresser des activités diverses, force est de constater
qu’aucune convention ne ventile les dotations selon cette présentation. En revanche, des
dotations supplémentaires apparaissent en dehors de la nomenclature prévue.
Surtout, les deux parties ont amendé par simple voie d’avenant, en lieu et place d’une
délibération de l’assemblée, le champ d’application de la dotation globale, en retirant, sans
base légale, l’hospitalisation de jour de la dotation. Par conséquent, les forfaits
d’hébergement, les actes pratiqués ainsi que les produits pharmaceutiques s’y rattachant
deviennent à nouveau facturables en sus des dotations. S’agissant d’un type de prise en charge
appelé à un développement important et souvent générateur de prescriptions onéreuses, cette
option n’est pas neutre.
Les conditions de révision de la dotation en cours d’exercice sont détaillées dans le texte de
1998, et recouvrent des situations de l’ordre du cas de force majeure ou du cas fortuit. En
pratique, cette définition très limitative n’a pas permis de cantonner les décisions
modificatives à des reprises de résultats, virements de crédits et opérations d’ordre. Des
décisions modificatives sollicitant des financements complémentaires sont votées de manière
courante et donnent lieu à des ouvertures de crédits en augmentation de la dotation initiale.
Enfin, si l’instauration de la dotation globale avait bien pour objectif d’assurer un contrôle
strict des recettes hospitalières mises à la charge de la CPS, du régime des salariés (RGS) et
du régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF), l’absence de définition d’un
mécanisme d’ajustement avec les recettes comptabilisées aux groupes 2 et 3 n’a pas permis
l’exhaustivité recherchée. La dotation convenue est versée, sans que les recettes
comptabilisées par ailleurs entrent en considération.
En fait, la dotation est forfaitaire, mais elle n’est pas globale. Elle n’empêche aucunement la
réalisation d’autres recettes, et si ces dernières sont supérieures à la prévision, elles permettent
l’ouverture de crédits de dépenses additionnelles.
2.2.3
Les recettes représentatives des tarifications permettent de contourner les limites
imposées par la fixation de la dotation globale
Le tableau ci-dessous retrace les hausses de recettes d’une année sur l’autre, puis en
pourcentage sur l’ensemble de la période
4
:
Source : Comptes administratifs du CHPF
PRODUITS de fonctionnement en
budget consolidé KF CFP
2002
2 003
2 004
2 005
2 006
2 007
évolution.
02/07
Dotation globale (Gr 1)
9 013 105
10 115 666
10 478 160
11 119 583
12 171 274
12 608 161
39,89 %
part du Gr1 dans dépenses de
fonctionnement
72,88 %
73,45 %
72,85 %
72,79 %
71,97 %
66,46 %
Produits de l'activité hospitalière (Gr
2)
1 672 600
1 880 147
1 992 617
2 297 870
2 807 394
3 197 592
91,17 %
part du Gr2 dans dépenses de
fonctionnement
13,52 %
13,65 %
13,85 %
15,04 %
16,60 %
16,85 %
Recettes subsidiaires (Gr 3)
1 681 828
1 777 136
1 911 857
1 858 918
1 931 807
3 165 852
88,24 %
part du Gr3 dans dépenses de
fonctionnement
13,60 %
12,90 %
13,29 %
12,17 %
11,42 %
16,69 %
TOTAL PRODUITS DE
FONCTIONNEMENT
12 367 533
13 772 949
14 382 634
15 276 371
16 910 475
18 971 605
53,40 %
Il en ressort que si la dotation globale a évolué de près de 40 % de 2002 à 2007, les autres
recettes ont connu des hausses respectivement de 91 % pour le Groupe 2 et de 88 % pour le
Groupe 3.
Au sein du groupe 2, la hausse est particulièrement spectaculaire s’agissant de
l’hospitalisation de jour, puisque l’on passe de 42 MF CFP facturés en 2003, à 681 MF CFP
en 2008.
Cette hausse ne provient pas majoritairement d’un effet prix, mais relève du dynamisme
propre à cette prise en charge, notamment en oncologie. Cela se vérifie depuis 2005, puisque
les dépenses pharmaceutiques liées à l’activité de jour sont identifiées et connaissent une
hausse de 538 % sur quatre ans.
De plus, on constate que la fixation des tarifs ne donne pas lieu à des calculs de prix de
revient. Les pourcentages d’augmentation sont en effet uniformes, quelle que soit la prestation
concernée. A titre d’illustration, le tableau suivant retrace les évolutions des forfaits
hébergement entre 2002 et 2009 :
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Séance du 16 mars 2010 - page 24 sur 89
4
La CPS fait état de chiffres légèrement différents car elle ne comptabilise pas le complément versé au titre de la
régularisation de la T2A de la même façon que l’hôpital.
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en F CFP
Discipline
2002
2009
2002/2009
Médecine
44 800
65 700
31,80 %
Cardiologie
83 200
121 700
31,60 %
chirurgie
69 300
101 200
31,52 %
gynécologie
69 300
101 200
31,52 %
obstétrique
50 300
73 500
31,56 %
ORL/OPH
69 900
101 200
31,00 %
Réanimation
230 600
337 300
31,60 %
Pédiatrie
50 800
74 700
32,00 %
Néphrologie
77 600
113 300
31,50 %
Dialyse
55 500
80 800
31,30 %
Hospitalisation de jour
11 640
15 500
25,00 %
L’engagement pris par l’ordonnateur de faire des propositions en vue de refondre la
tarification n’a pas été tenu
5
et les hausses tarifaires interviennent dans une stratégie de
« rattrapage »
de la dotation globale jugée insuffisante.
Ceci est d’autant plus dommageable que les tarifs applicables aux prestations de soins sont
opposables aux régimes territoriaux de protection sociale, pour les prestations non incluses
dans la dotation globale, mais aussi à la sécurité sociale française pour ses ressortissants
résidents ou non, et servent de base de référence lors de l’hospitalisation d’un ayant-droit de
la CPS s’il est soigné à l’étranger. Le niveau des tarifs comporte donc des conséquences
multiples qui mériteraient un traitement sélectif des évolutions des prix.
2.2.4
Une tarification à l’activité partielle décidée sans précision sur ses objectifs, son
champ d’application et son calendrier de déploiement
L’insuffisance de maîtrise des dépenses se trouve aggravée par la mise en place d’une
tarification à l’activité en 2006, qui, jusqu’à présent, s’est révélée être un système opaque, non
formalisé et produisant des effets inflationnistes, sans que l’on sache réellement si les
différentes « rallonges » revendiquées, et obtenues par l’hôpital, correspondent à un service
rendu.
C’est par un avenant n° 6 à la convention de base du 25 octobre 1999 conclue entre la CPS et
le CHT qu’a été introduit un « financement à l’activité ». L’article 2 de l’avenant établit une
prévision de financement à l’activité distincte de la dotation globale. Cette somme correspond
à 20 % du montant de la dotation globale, dont elle est retirée. Une ventilation entre les trois
régimes, régime des salariés (RGS), régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF), et
régime des non salariés (RNS), est pratiquée.
La logique de la tarification à l’activité est de rémunérer l’activité constatée. En conséquence,
la prévision a vocation à être modifiée au gré de la constatation des résultats effectifs, et
conduit soit à des compléments soit à des réductions de recettes.
Plusieurs observations s’imposent sur les principes et les modalités d’apparition de cette
innovation.
5
Cf. conseil d’administration du 2/12/2003.
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Séance du 16 mars 2010 - page 26 sur 89
Il n’est pas acquis que la création d’un nouveau mode de financement pouvait se faire sur la
base d’un avenant conventionnel.
Même si l’on se réfère au niveau conventionnel auquel renvoie la délibération n° 98-163 du
15 octobre 1998, il n’apparaît nulle part que les parties avaient compétence pour faire autre
chose que de fixer les dotations globales annuelles dans les formes prescrites. L’objet unique
de la délibération précitée était d’introduire en Polynésie française le principe de la dotation
globale :
« La prise en charge, par les régimes de protection sociale, des soins dispensés dans
les établissements publics hospitaliers prend la forme de dotations globales
». On voit mal,
dès lors, comment les signataires d’une convention dont le seul objet était de fixer
annuellement le montant de la dotation globale, pouvaient par ce moyen créer un système de
tarification à l’activité contribuant à vider de son sens le principe de la dotation globale.
La CPS, à ce sujet, rappelle que les délibérations prises au titre des différents régimes et
actant l’introduction d’un nouveau mode de financement de l’hôpital, avaient été rendues
exécutoires par un arrêté CM du 30 décembre 2005.
Pour autant, ainsi que le remarquent les représentants de la CPS eux-mêmes dans leur réponse
au rapport d’observations provisoires de la CTC,
« il est cependant exact que, touchant aux
fondements posés par la délibération de 1998, cette novation eût gagné plus de solidité
juridique à procéder d’un texte réglementaire remanié »
.
D’autre part, les concepts et mécanismes nécessaires à la mise en place de cette organisation
ne sont décrits nulle part. Il en résulte une grande confusion qui affecte les règles comptables
d’enregistrement des sommes mises en jeu et, surtout, la réalité même des résultats de ce
financement partiel à l’activité.
Sur le premier point, on relèvera que le comptable a, dès l’exercice 2006, créé les comptes
nécessaires à l’enregistrement des produits issus de la tarification à l’activité (T2A).
Toutefois, les imputations faites par l’ordonnateur sont erronées et rendent compliquée la
lecture des mouvements concernés.
Ainsi, en 2007, 271 MF CFP ont été comptabilisés en
"contrats financiers", alors qu'il s'agit d'une "rallonge" de T2A.
On peut cependant constater que les sommes figurant sur les avenants signés par
l’ordonnateur du centre hospitalier et le directeur de la CPS ont été versées.
Sur le fond, les choses sont plus douteuses, et il est étonnant que des compléments de recettes
aient pu être revendiqués sans justification par le CHPF et versés sans discussion par la CPS,
d’autant que ces compléments ne sont pas des montants symboliques :
-
292 MF CFP versés sur l’exercice 2007, au titre de l’exercice 2006 ;
-
271 MF CFP versés en 2008 au titre de l’exercice 2007.
Une analyse des hypothèses retenues quant à la construction du modèle de tarification est
nécessaire pour valider ou non les résultats retenus.
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Séance du 16 mars 2010 - page 27 sur 89
Le maître d’oeuvre de cette construction est le service d’information médicale. S’il est patent
que ce service est celui qui a vocation à traiter de l’information médicalisée, il est plus
surprenant de le voir intervenir directement, et sans contrôle prouvé de l’administration, dans
une question de financement.
La méthode retenue est la suivante. La totalité des recettes couvrant des dépenses du champ
« médecine, chirurgie, obstétrique » (MCO) est récapitulée et sert de base de référence,
puisque c’est bien elle qui sert de base budgétaire. Il conviendrait toutefois d’en expliciter les
retraitements intervenus pour mieux cerner la base MCO.
Dans le même temps, il est procédé à une simulation de ce que les recettes auraient été en
appliquant à 100 % la T2A. Ce dernier montant étant supérieur au premier, la part T2A, soit
20 %, est recalculée sur les recettes T2A simulées.
Une seconde méthode, légèrement différente, est proposée par le CHPF, qui cette fois calcule
20 % du montant total des recettes que la T2A aurait générées. Le résultat est encore supérieur
au premier.
Plusieurs de ces hypothèses sont discutables.
En premier lieu, les financements comptabilisés en sus des tarifs le sont, pour certains en
partie, pour d’autres en totalité, en double compte :
-
les molécules onéreuses et les dispositifs médicaux implantables (DMI), par
exemple, figurent très vraisemblablement déjà dans les recettes du Groupe 2 ;
-
les financements des passages aux urgences et le forfait ATU quant à eux sont déjà
incorporés à la dotation globale.
Il y a donc une survalorisation des recettes qui peut inverser les résultats et conduire le CHPF
à restituer les recettes perçues en complément. La direction des finances du CHPF s’y
prépare, puisqu’elle a demandé le provisionnement d’une somme équivalente.
En second lieu, il est évident que l’impréparation technique nuit gravement à la qualité des
résultats annoncés :
-
un seul contrôle externe de qualité du codage du PMSI a été pratiqué (sur le
premier semestre 2007) ; les résultats en sont connus depuis février 2009, alors que
le système a produit des effets financiers dès 2006 ; au terme de cette démarche, il
ressort que sur 100 dossiers contrôlés, on retrouve 32 dossiers en anomalie, de
gravité variable ; les contrôleurs estiment au vu de ces dossiers qu’une
surfacturation de 9,5 % peut en être déduite ;
-
le calendrier conduisant aux constats des résultats de la T2A n’est pas stabilisé et
cela amène des décisions regrettables ; c’est ainsi qu’en 2007, l’ordonnateur a
sollicité, et obtenu un complément de dotation au vu de résultats statistiques
semestriels extrapolés ; ceci est tout à fait irrégulier et par ailleurs malheureux
puisque l’année 2007 a été une année de baisse d’activité, surtout au second
semestre, infirmant les prétentions de l’établissement.
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Séance du 16 mars 2010 - page 28 sur 89
Au total, les organismes payeurs ont accepté de régler des compléments de recettes au vu d’un
dispositif embryonnaire, d’hypothèses erronées et sans justificatif.
Les ordonnateurs concernés ont négligé de stabiliser le dispositif et ont, avec une certaine
constance, revendiqué des compléments de rémunération, tout en demandant une extension à
l’aveugle du financement à la T2A.
Pourtant, l’insuffisance du dispositif est connue de tous, ainsi que l’exprime l’ordonnateur de
l’hôpital :
«
« Les dispositions de la T2A, en l’absence de cadre réglementaire, ne permettent pas au
CHPF d’émettre de titres de recettes en temps réel. Concernant les financements
complémentaires, il n’y a aucune certitude quant à la réalité de la créance du CHPF par
rapport à la CPS. L’établissement est donc réduit à constater ce financement complémentaire
en produit exceptionnel (ligne 77) et non pas en produit d’exploitation, ce qui bien entendu
fausse la lecture et l’interprétation du résultat d’exploitation
».
Ces
pratiques,
combinées
à
certaines
particularités,
concernant
notamment
les
investissements, ont largement contribué à améliorer les résultats du centre hospitalier.
L’empilement de dispositions disparates et inachevées ne peut favoriser ni un financement
équitable de l’activité, ni une maîtrise des dépenses. Les dispositions de 1998 votées par
l’Assemblée de la Polynésie française, visant à rechercher une maîtrise des dépenses de santé,
ont été contournées et ne produisent pas les effets attendus.
En conclusion, il est impératif de revoir les modalités de financement du CHPF.
Le maintien des dispositions anciennes
de l’arrêté du 12 septembre 1988 concernant le
financement de l’établissement ne se justifie pas.
Ce dispositif centrait le régime des recettes sur les prix de journée
alors que cette tarification
est devenue résiduelle depuis 10 ans. L’instauration d’une dotation globale par la délibération
n° 98-163 APF du 15 octobre 1998, s’est superposée à l’arrêté de 1988, en le vidant en grande
partie de son contenu. Cette dotation cohabite néanmoins avec l’organisation précédente qui
implique la fixation de prix de journée et de tarifs et a même été rendue plus complexe encore
depuis 2006, par l’ajout d’une partie de recettes d’hospitalisation sous un régime qualifié de
T2A (tarification à l’activité), à l’instar du système adopté au plan national depuis quelques
années.
Ainsi, on peut estimer que le dispositif actuel n’assure pas de cohérence entre les principaux
acteurs de la procédure et ne permet pas de maîtriser l’évolution des dépenses du CHPF.
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Séance du 16 mars 2010 - page 29 sur 89
3 L’équilibre financier du centre hospitalier n’est atteint
qu’en raison de facilités discutables accordées à
l’établissement qui occultent des difficultés de
recouvrement persistantes
Les chiffres présentés dans les tableaux suivants permettent de confirmer le principal constat
réalisé par la chambre lors du précédent contrôle, à savoir que le budget du CHPF est, pour
l'essentiel, un budget de fonctionnement (95 % en recettes, 93 % en dépenses). Pour la
construction du nouvel hôpital du Taaone, la Polynésie française est revenue à la pratique des
années 1990, c'est à dire à la prise en charge intégrale, sur son propre budget, de
l'investissement hospitalier, tant pour la construction que pour l’essentiel des équipements
médicaux et hôteliers, le CHPF n'intervenant dans cette opération que rarement, pour
quelques avis sur des points techniques, ou lorsque l’établissement d'aménagement et de
développement (EAD) ne prend pas en charge une installation, comme le réseau voix,
données, image (VDI)
6
.
Le centre hospitalier, après avoir connu des déficits consolidés, dont le plus important fut en
2004, renoue avec les excédents (152 MF CFP en 2008). Sa capacité d’autofinancement nette
(CAF nette des remboursements d’emprunts en capital), après avoir connu une baisse
significative en 2004, permet à l’établissement d’avoir un niveau de financement de ses
investissements très important, surtout depuis 2006, avec plus de 700 MF CFP.
Cependant, en l’absence de mise à disposition juridique et comptable des bâtiments et
équipements de la psychiatrie du Taaone par la collectivité d’outre-mer, les charges de
fonctionnement de l’établissement public sont minorées, faussant ainsi la vision du résultat.
Par ailleurs, si ce niveau d’autofinancement a permis de couvrir les besoins de financement en
2006, tel ne fut pas le cas pour 2007, la capacité nette de financement des investissements
(CAF nette, à laquelle s’ajoutent les recettes réelles d’investissement, comparées aux
dépenses réelles d’équipement) devenant très largement négative avec près de – 121 MF
CFP
7
, d’où la nécessité d’avoir recours aux excédents antérieurs d’investissement (+ 585 MF
CFP reportés en 2007). La situation s’est cependant améliorée en 2008 :
En KF CFP
2002
2 003
2 004
2 005
2 006
2 007
2 008
Résultat de l'exercice (+/-)
-10 312
-46 616
-153 901
3 773
81 588
245 179
151 746
CAPACITE D'AUTOFINANCEMENT
545 549
602 901
339 355
613 271
1 065 197
1 068 422
936 643
CAF
nette
de
remboursement
d'emprunts en K
371 764
425 008
160 993
371 629
788 423
720 127
568 426
capacité nette de financement des
investissements
-148 341
204 063
-6 835
202 839
384 015
-120 784
418 605
Excédent
(+)
ou
Déficit
(-)
d'investissement
-202 575
172 350
82 103
86 066
165 490
-549 065
166 834
reprise excédent antérieur
281 641
79 066
251 415
333 518
419 584
585 074
36 009
excédent à reporter en N+1
79 066
251 415
333 518
419 584
585 074
36 009
202 843
écart prévu./réalisations recettes Gr2
budget général
NC
-327 734
-397 558
305 253
335 136
-257 813
29 996
6
Mais le CHPF intervient dans ce cas comme mandataire de la collectivité d’outre-mer.
7
Après 3 années de recours à l’emprunt de 600 MF CFP chaque année, pas d’emprunt en 2007.
Si le CHPF avait dû prendre en compte l’écart entre le prévisionnel et le réalisé des recettes
du groupe 2, comme cela a déjà été exposé à propos des mécanismes de financement,
l’établissement aurait dû afficher des résultats encore plus nettement déficitaires en 2003 et
2004 et déficitaires (au lieu d’excédentaires) en 2007.
3.1
L’évolution des dépenses de fonctionnement
Les dépenses de fonctionnement ont fortement augmenté (+ 51 %) de 2002 à 2007.
Cependant, cette évolution cache de grandes disparités au sein de chaque groupe fonctionnel
de dépenses.
CHARGES de fonctionnement
en KF CFP
2002
2 003
2 004
2 005
2 006
2 007
évolution.
02/07
CHARGES DE PERSONNEL (Gr 1)
7 608 726
8 695 401
9 172 219
9 549 503
10 387 872
11 348 944
49,16 %
part du Gr1 dans les dépenses de
fonctionnement
61,47 %
62,94 %
63,10 %
62,53 %
61,73 %
60,60 %
CHARGES D'EXPLOITATION à
caractère médical (Gr 2)
2 604 387
2 860 726
3 169 821
3 255 068
3 812 980
4 018 321
54,29 %
part du Gr2 dans dépenses de
fonctionnement
21,04 %
20,71 %
21,81 %
21,31 %
22,66 %
21,46 %
CHARGES D'EXPLOITATION à
caractère hôtelier et général (Gr 3)
1 379 473
1 445 067
1 453 095
1 659 519
1 540 679
1 723 435
24,93 %
part du Gr3 dans dépenses de
fonctionnement
11,14 %
10,46 %
10,00 %
10,87 %
9,16 %
9,20 %
Amortissements., provisions., charges
fin. Et exceptionnelles. (GR 4)
785 257
814 921
741 361
808 508
1 086 687
1 635 912
108,33 %
part du Gr4 dans dépenses de
fonctionnement
6,34 %
5,90 %
5,10 %
5,29 %
6,46 %
8,74 %
TOTAL DEPENSES
FONCTIONNEMENT
12 377 843
13 816 115
14 536 496
15 272 598
16 828 218
18 726 612
51,29 %
Si les charges de personnel et charges d’exploitation à caractère médical évoluent
sensiblement dans la même proportion (+ 49 et + 54 %) que l’ensemble des dépenses de
fonctionnement (+ 51 %), il n’en va pas de même pour les dépenses d’exploitation à caractère
hôtelier et général, qui n’augmentent que de 25 % entre 2002 et 2007, et pour les dépenses du
groupe 4 (amortissements, provisions, charges financières et exceptionnelles), qui, à l’inverse,
doublent sur la période sous-revue. On relève en 2006 la constitution, pour la première fois,
de provisions pour dépréciations des comptes de redevables (60 MF) et pour risques et
charges (contentieux en cours 30 MF, gros aménagements 25 MF, propre assureur 141 MF,
pour le personnel 36 MF).
S’agissant des charges à caractère médical, le poste principal, les achats de produits
pharmaceutiques, progresse durant la période sous-revue selon le même rythme que
l’ensemble des dépenses de ce groupe fonctionnel (61 %), avec une augmentation plus
marquée en 2006 (+ 17 % par rapport à 2005).
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Observations définitives – Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF)
Séance du 16 mars 2010 - page 30 sur 89
Chambre territoriale des comptes de la Polynésie française
Observations définitives – Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF)
Séance du 16 mars 2010 - page 31 sur 89
La sous-traitance générale connaît une progression importante durant cette même période, de
60 MF CFP en 2002 à 144 MF CFP en 2007, avec deux hausses significatives, en 2006 puis
2007 (+ 60 % chaque année), dues aux dépenses du centre de transfusion sanguine, budget
annexe du CHPF.
3.2
L’importance du besoin en fonds de roulement est due à des restes à
recouvrer très anciens, pour lesquels des mesures drastiques sont à
prendre de façon urgente
3.2.1
Le fonds de roulement, le besoin en fonds de roulement et la trésorerie
Dans son rapport précédent, la chambre avait observé que la trésorerie de l’établissement,
résultant de la différence entre le fonds de roulement et le besoin en fonds de roulement,
suffisait tout juste à assurer la paye du personnel en novembre 2002. Ces difficultés,
préoccupantes et qui avaient contraint le CHT à recourir à la mise en place d'une ligne de
trésorerie auprès d'établissements bancaires, étaient imputables à un retard de paiement de
plus d’un milliard de F CFP de la CPS au titre du régime de solidarité de la Polynésie
française (RSPF). Par ailleurs, le montant global des titres de recettes émis mais non
recouvrés au 31 décembre 2000
8
s'élevait à 305 823 968 F CFP, correspondant à des créances
nées entre 1988 et 1999, les débiteurs les plus importants étant les "divers particuliers" et la
Caisse de prévoyance sociale (CPS).
La situation actuelle se résume comme suit :
En KF CFP
2002
2003
2004
2005
2006
2007
FONDS DE ROULEMENT NET GLOBAL
1 219 715
1 344 211
1 271 992
1 361 811
1 608 909
1 393 751
en jours d'exploitation
38
38
34
34
37
30
BESOIN EN FONDS DE ROULEMENT
1 030 279
1 974 830
1 673 691
7 198
1 198 621
1 346 536
I - EXPLOITATION
1 200 727
1 504 776
1 612 750
54 483
1 158 681
1 335 658
dont caisse pivot
1 939 759
2 166 436
1 859 384
736 977
1 014 242
1 109 501
II - HORS
EXPLOITATION
-170 448
470 054
60 941
-47 285
39 940
10 878
sans les dépôts des malades
-170 153
470 349
60 946
-47 212
39 945
10 890
TRESORERIE
Disponibilités
189 436
319 382
198 301
1 354 613
410 288
47 215
Ligne de trésorerie
950 000
600 000
Dél. de paiement des fournisseurs d'expl.
114
102
50
92
40
46
Délais de rec. des prest. (hors DG, en
jours)
86
54
46
46
54
84
Délais de paiement des fournisseurs
d'immob.
90
38
30
61
24
31
Disponibilités / Dettes fournisseurs (ex. et
immob.
13,24 %
25,04 %
28,19 %
96,60 %
62,06 %
5,96 %
8
Fin de la période dont les comptes étaient jugés par la Chambre.
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Séance du 16 mars 2010 - page 32 sur 89
En KF CFP
2002
2003
2004
2005
2006
2007
41131 CPS exe. Courant
470 852
286 305
289 106
393 895
656 880
506 882
411311
Psy - CPS ex. courant
-
134 998
2 483
-
-
20 846
41431 CPS ex. antérieurs
134 257
141 725
159 088
139 095
163 038
181 467
414311 Psy -CPS ex. antérieurs
-
-
1 162
18
14
14
467211 CPS divers
-
356 945
83 023
183 943
118 228
23 146
467211-1 CPS DG
1 069 957
1 085 423
1 278 833
-
-
-
467211-2 CPS contrats d'objectif
-
92 342
-
-
-
271 000
467211-3 indemnités journalières
-
57 859
44 793
19 691
75 778
98 682
467211-4 reversement sur salaires
-
-
896
335
304
7 464
467213
CPS - produits pharmaceutiques
264 693
10 839
-
-
-
TOTAL
1 939 759
2 166 436
1 859 384
736 977
1 014 242
1 109 501
A l’exception de l’exercice 2005, le fonds de roulement net global, bien que positif, couvre à
peine le besoin en fonds de roulement de l’établissement, ce qui ne lui laisse qu’une trésorerie
très modeste. Le besoin en fonds de roulement a même été supérieur au fonds de roulement en
2003 et 2004, ce qui a nécessité le recours à des lignes de trésorerie. Le paiement des
fournisseurs a été assuré en permanence en gestion de listes dites prioritaires et non pas au fur
et à mesure du visa.
Jusqu’en 2004, ce fort besoin en fonds de roulement était dû au niveau très élevé des dettes
dues par la CPS au titre du RSPF. Mais à compter de 2005, celles-ci ne représentaient plus
qu’un douzième de la participation annuelle du RSPF. Les dettes de la CPS sont néanmoins
reparties à la hausse en 2006, en raison d’un doublement des sommes dues au titre de
l’exercice courant.
Ainsi, le fonds de roulement net global, bien que positif, couvre à peine le besoin en fonds de
roulement de l’établissement, d’où une trésorerie très modeste. Cette situation ne résulte pas
d’une gestion active de la trésorerie, mais bien de difficultés liées au recouvrement ainsi qu’à
la qualité des titres émis.
La trésorerie de l’hôpital étant à un niveau particulièrement faible, l’établissement a recours
régulièrement à une ligne de trésorerie. Elle a ainsi été mobilisée à hauteur de 400 millions au
mois de novembre 2006. Ce tirage a pu être remboursé grâce au versement de complément de
T2A sur l’exercice 2006.
Si les dettes envers les fournisseurs ont connu un niveau élevé entre 2002 et 2004, il n’en
demeure pas moins que les créances d’exploitation sont restées toujours supérieures au
milliard de F CFP. Cela s’explique notamment par les difficultés rencontrées pour assurer le
recouvrement des créances hospitalières. Le poids des restes à recouvrer (hospitalisés et
consultants, CPS...) et des créances irrécouvrables est très élevé. Au 31 décembre 2007, soit à
la fin de période de jugement des comptes, les restes à recouvrer de 1991 à 2006 (tous
comptes de tiers confondus, exploitation et hors exploitation) représentent un total de
508 550 403 F CFP.
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Observations définitives – Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF)
Séance du 16 mars 2010 - page 33 sur 89
3.2.2
La situation des restes à recouvrer sur les hospitalisés et consultants et sur la CPS
Les débiteurs les plus importants restent les "divers particuliers – hospitalisation et
consultations", pour un montant de 215 000 819 F CFP (42 %), et la Caisse de prévoyance
sociale (CPS), à hauteur de 182 442 878 F CFP (36 %).
Les restes à recouvrer des "divers particuliers – hospitalisation et consultations" antérieurs à
2004 représentent 26 % de leur catégorie, alors que les restes à recouvrer CPS antérieurs à
2004 représentent 72 %, en raison de restes importants entre 1991 et 1999, toujours non
soldés au 31 janvier 2009.
3.2.2.1
Les difficultés de recouvrement à l’encontre des particuliers
Il est rappelé que les restes à recouvrer dits « d’hospitalisation et consultations » comprennent
toutes les créances non prises en charge par la CPS dans la dotation globale :
-
ticket modérateur de 20 % des régimes RGS et RNS (selon la comptable, la
facturation de ces 20 % se fait « au comptant », auprès du régisseur de recettes des
consultations
9
) ;
-
facturation des ressortissants étrangers touristes ou métropolitains de passage s’il
n’y a pas de prise en charge au titre de la convention Sécurité sociale – CPS ;
-
facturation de soins ou d’hospitalisation à 100 % pour les patients n’ayant aucun
droit ouvert. Pour ces derniers, il apparaît que de nombreux hospitalisés devraient
relever du régime de solidarité de la Polynésie française. Bien que les
hospitalisations soient pour la plupart programmées, les patients ne font pas de
démarches auprès de la CPS pour relever de ce régime, et le CHPF n’a aucune
organisation pour effectuer les démarches à la place du patient, comme cela peut
être le cas en métropole. Dès lors, le titre de recettes est émis à l’encontre du
patient, souvent insolvable.
Le rapport précédent rappelait les difficultés d’ordre juridique et d’ordre matériel
rencontrées
dans le recouvrement des titres émis à l'encontre de particuliers :
-
absence de privilège des créances hospitalières;
-
saisie-arrêt de droit commun non autorisée par le code de procédure civile de
Polynésie française ;
-
mobilité de l'emploi et changements fréquents de domicile des patients ;
-
acheminement aléatoire du courrier par l'OPT ;
-
absence de coopération des mairies ;
-
insuffisance voire absence des contrôles d'identité lors des admissions ;
-
envoi tardif des titres de recettes ;
-
faiblesse du paiement au comptant ;
-
manque de rigueur dans le contrôle des prises en charge par les tiers-payants et
difficulté de la connaissance exacte des droits des malades au moment où ils se
font soigner.
9
La procédure consiste à faire payer par le patient le ticket modérateur, avant sa consultation.
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Observations définitives – Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF)
Séance du 16 mars 2010 - page 34 sur 89
La direction de l’hôpital avait prévu la création d'un service unique "accueil/gestion", le
réaménagement de la régie de recettes et des sous-régies (notamment la création de l'une
d'entre elles au service des urgences), l'obligation faite aux usagers de justifier de leurs droits
ou de régler avant toute consultation, et la mise en place de caisses plus accessibles et
ouvertes selon des horaires plus adaptés.
Le fonctionnement des régies a été revu lors de l’arrivée d’une nouvelle comptable en
septembre 2005.
Cette comptable, toujours en fonction lors du contrôle, a mis en place une série d’actions en
vue d’améliorer le recouvrement
par les mesures suivantes :
-
la qualité et fiabilité des renseignements donnés ;
-
le développement des encaissements au comptant par le biais des régies ;
-
la
célérité
des
diligences
(enchaînement
rapide
entre
lettre
de
rappel,
commandement et éventuellement saisie) ;
-
une sélectivité des cotes à enjeu ;
-
la personnalisation des poursuites ou courriers pour les cotes dont le total par
débiteur est supérieur à 50 000 F ;
-
le traitement des retours courrier (près de la moitié des avis ne sont pas distribués).
Alors qu’auparavant, les sous-régisseurs faisaient une double saisie des opérations, par
émargement papier et informatique, désormais, le logiciel de facturation et de mandatement
du CHPF, AS400, permet d’émettre un reçu pour le patient, et le comptable peut consulter
directement l’activité des sous-régies.
Par ailleurs, la Trésorerie établit chaque mois un tableau de bord reprenant la situation des
restes à recouvrer par débiteur.
On constatera cependant une réelle dégradation du paiement spontané des titres de recettes
puisque le nombre des actes de poursuites, lettres de rappel et commandements augmente plus
vite que le nombre de titres pris en charge.
Le point d’encaissement situé aux urgences connaît en 2007 une baisse de moitié des produits
perçus par rapport à 2005. Alors que la direction en place lors du précédent contrôle mettait
beaucoup d’espoir dans cette sous-régie, un procès-verbal de vérification du 29 octobre 2007
note le faible fonctionnement de celle-ci : les actes des urgences étant encore titrés, les
encaissements directs sont en baisse chaque année. Par ailleurs, la comptable relève une
absence de sécurisation du site de la sous-régie.
Comme il avait été annoncé lors du précédent contrôle, le paiement électronique a été mis en
place (paiement par carte bancaire) en caisse centrale et aux urgences. Cependant, il a connu
une baisse sensible en 2008, ne représentant plus que 10 % des paiements aux régies, contre
20 % en 2007 (paiement en régies à hauteur de 76 MF CFP par an).
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Observations définitives – Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF)
Séance du 16 mars 2010 - page 35 sur 89
3.2.2.2
Les restes à recouvrer auprès de la CPS
Le rapport précédent rappelait, comme pour les particuliers, l’existence de ces titres, qui
concernaient des sommes importantes sur des périodes anciennes, correspondant notamment à
la mise en oeuvre de la protection sociale généralisée. En 1999, un projet de convention
financière entre le CHT et la CPS, visant à la résorption des dettes et créances réciproques, a
été ébauché mais n'a pas abouti, de même qu'un nouveau projet élaboré en fin d'année 2000.
A l’instar des titres émis à l’encontre des particuliers, la fiabilité de ceux émis par le centre
hospitalier à l'encontre de la CPS n'apparaît pas certaine, et cela pour trois raisons
principales :
-
la connaissance souvent inexacte des droits des patients par rapport à la couverture
CPS au moment où ils se font soigner ;
-
la qualité, jugée insuffisante, des renseignements recueillis lors de l'accueil des
malades et des dossiers transmis pour remboursement ;
-
enfin, la facturation par erreur à la CPS de soins qui relèvent de la dotation globale
depuis qu'elle est instituée, n’est pas à exclure.
Il était donc apparu, lors du précédent contrôle, que toutes les créances sur la Caisse de
prévoyance sociale comptabilisées à la trésorerie du CHT n’étaient pas certaines.
Force est de constater que cinq ans après le rapport d’observations définitives précédent, la
situation ne s’est pas améliorée : au 31 décembre 2007, les restes à recouvrer CPS des
exercices 1991 à 1999 sont de 122 117 742 F CFP (montant inchangé au 31 janvier 2009),
représentant 67 % de l’ensemble des restes à recouvrer CPS.
Il faut également signaler l’existence depuis 1999 de trop perçus provenant de la CPS, faisant
suite à la double émission d’ordres de recettes concernant les mêmes prestations,
comptabilisés pour 39 900 438 F CFP au compte d’attente. Cette situation rend encore plus
complexe la situation financière des deux organismes. Le projet de transaction CHPF – CPS
de 1999 prévoyait en son article 2 que le Centre hospitalier allait annuler ces ordres de
recettes, et que les sommes ne seraient pas reversées à la CPS, mais feraient l’objet d’une
compensation sur les versements mensuels relatifs à la dotation globale. Ce projet de
transaction n’ayant pas abouti, ces ordres de recettes n’ont toujours pas été annulés et les
sommes indues n’ont toujours pas été reversées.
Après l’échec des conventions de transactions de 1999 et 2000
10
, de nombreuses réunions
organisées entre la caisse et l’établissement hospitalier ont eu lieu, à un rythme quasi annuel
depuis 2006, sans pour autant qu’il y ait une avancée notable dans la résorption de ces restes.
10
La CPS refuse notamment que soit intégrée à ces conventions la question de la remise gracieuse par celle-ci
des pénalités de retard pour le non paiement de cotisations par le CHPF.
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Observations définitives – Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF)
Séance du 16 mars 2010 - page 36 sur 89
3.2.2.3
La résorption de ces restes à recouvrer et l’amélioration de la gestion de
la facturation nécessitent des solutions urgentes
Face à l’ancienneté de certaines cotes de débiteurs particuliers et à l’épuisement de toutes les
voies de recours pour leur recouvrement, le comptable a la possibilité de les présenter en non
valeur.
Ces admissions en non valeur (ANV) ont évolué de la façon suivante :
en KF CFP
2002
2 003
2 004
2 005
2 006
2 007
Créances irrécouvrables à
admettre en NV (416)
48 104
219 243
218 051
79 742
18 557
18 144
Pertes
sur
créances
irrécouvrables (654)
12 500
48 104
79 219
140 024
58 514
34 263
Provisions pour créances
irrécouvrables (491)
27 700
54 219
25 662
Jusqu’au départ du précédent comptable en 2005, il était très difficile à ce dernier de présenter
des titres en non valeur. Certains membres du conseil d’administration ne voulaient pas en
entendre parler, notamment ceux représentant la CPS, qui estimaient qu’il ne pouvait y avoir
de situation d’insolvabilité, puisque « tout le monde avait une couverture sociale ».
Les dernières propositions significatives d’admission en non valeur ont été faites en 2004
pour 219 millions de F CFP sur la période d’avril 2000 à avril 2004. Le tableau ci-dessus
montre que cette somme a effectivement été admise en non valeur, pour partie en 2004
(79 MF CFP) et pour le solde en 2005 (140 MF CFP). Pour la période de mai 2004 à
décembre 2006, ont été proposés 16 196 754 F CFP d’ANV. Pour la période de janvier 2007 à
décembre 2008 le montant proposé a été de 42 881 547
F CFP.
Il convient de relever que les provisions constituées en 2002 et 2003 ont été reprises en 2004,
mais étaient insuffisantes et n’ont pas été complétées avant 2007. Par ailleurs, le financement
des non valeurs prévues à hauteur de 42 881 547 F CFP au 31 décembre 2008 s’est fait en
journée complémentaire de l’exercice 2008 par une reprise sur provision à hauteur de
25 662 000 F CFP.
Malgré une politique active de recouvrement menée par la comptable de l’établissement, les
restes à recouvrer sur les particuliers - consultations et hospitalisations- représentent 42 % du
total des restes à recouvrer au 31 décembre 2007. L’amélioration attendue du réaménagement
des régies et sous régies de recettes ne s’est pas vérifiée (notamment aux urgences).
La constatation des pertes sur créances irrécouvrables est insuffisante et ne permet pas
d’assainir cette partie du bilan. La constitution de provisions doit prendre un caractère
systématique, sur un rythme annuel. Les pratiques actuelles ne permettent pas d’appréhender
la totalité des charges et contribuent à fausser le résultat.
S’agissant des dettes que la CPS ne conteste pas, cette dernière ne peut s’en libérer par
compensation légale sur les pénalités de retard des cotisations dues par le CHPF, dès lors que
celui-ci conteste par écrit auprès de la CPS l’existence même de ces pénalités. De plus,
s’agissant de ces dernières, on peut s’étonner que la comptable du Centre hospitalier propose,
huit ans après l’échec d’une première transaction, l’idée d’une nouvelle transaction, sans qu’il
n’ait été rien fait entre temps pour régler ce différend.
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Séance du 16 mars 2010 - page 37 sur 89
Il est plus que temps pour le CHPF de procéder soit à l’annulation des titres émis à tort, dès
lors qu’il aura été dans l’incapacité de retrouver trace d’un titre de recettes, soit d’user de
toute voie de recours contentieuse à l’encontre de la CPS, sans délai. La sincérité du bilan de
l’établissement public est en jeu (tant au niveau des restes à recouvrer que des pénalités de
retard dues à la CPS, lesquelles ne sont pas comptabilisées dans les restes à payer au
compte 431), tout comme celle des budgets à venir, dès lors que la charge inhérente à ces
opérations n’aura pas été constatée.
Au-delà de l’apurement de ces opérations anciennes, se pose en amont la question de la
fiabilité des informations nécessaires à l’émission des titres de recettes, et plus généralement
la fiabilité du service de la gestion des malades, appelé « service clientèle ». Cette fiabilité
repose sur la qualité et le niveau de formation des agents de ce service, la pertinence de son
organisation en phase avec l’activité hospitalière et la formalisation des règles de facturation.
Sur tous ces points, l’organisation mise en place apparaît insuffisante.
A cet égard, nombre des conclusions de l’enquête effectuée par l’inspection générale de
l’administration, à la demande du Président de la Polynésie française, en octobre 2007, restent
malheureusement d’actualité.
Sans exposer dans le détail ces insuffisances, il est possible de résumer comme suit les
constats faits par l’inspection :
-
des instructions rédigées qui remontent à 1993 ;
-
des rythmes de travail laissés à l’appréciation des agents ;
-
des saisies d’actes aléatoires, conduisant souvent à l’abandon du recouvrement, et
donnant régulièrement lieu à des « décharges de responsabilité » signées par des
directeurs adjoints ;
-
une coopération des médecins parfois défaillante ;
-
une absence d’analyse des causes de rejet ;
-
un contrôle interne inexistant ou intermittent.
Ces défauts conduisent à des rejets de titres, des retards d’émission, et à la perte pure et
simple de recettes.
En réponse à l’enquête de l’IGA, le directeur de l’hôpital annonçait le 26 juin 2008 un certain
nombre de mesures, comme la création d’une cellule de contrôle, la rédaction de procédures
écrites, la validation par la CPS de la signature électronique des médecins, la clarification à
l’attention des personnels de la « problématique T2A/Dotation globale/hors dotation », et
l’optimisation des procédures en cas de rejet. Pour l’essentiel, ces engagements n’ont pas été
tenus.
Le financement par une dotation globale, même partielle, a permis au CHPF de ne pas se
soucier outre mesure du recouvrement, les flux de recettes prenant un caractère automatique
et en grande partie déconnecté des émissions de titres. A contrario, une généralisation de la
tarification à l’activité (T2A) s’avérerait tout autant contre-productive, la qualité de la
facturation et sa vitesse d’émission prenant alors un caractère crucial.
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Observations définitives – Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF)
Séance du 16 mars 2010 - page 38 sur 89
Les responsables de l’établissement doivent garder à l’esprit, quel que soit le mode de
financement de l’hôpital, que la réorganisation et la modernisation du secteur de la facturation
constituent des priorités qui ont été jusqu’à présent méconnues.
3.3
La connaissance du patrimoine de l’établissement est perfectible
Dans son rapport précédent, la chambre avait constaté que les durées d'amortissement
retenues étaient parfois très supérieures aux limites préconisées par l'instruction de référence
M21. Cette pratique, qui tend à minorer le montant des amortissements annuels, ne permettait
pas un renouvellement par autofinancement des immobilisations en cause et altérait ainsi la
sincérité des résultats.
Par délibération n° 07/2004/CHT du 24 mars 2004, le conseil d’administration a abrogé
l’ancien plan d’amortissement datant d’une délibération de 1985. S’appliquant pour les biens
acquis à compter du 1
er
janvier 2004, les nouvelles durées d’amortissement sont désormais
globalement plus conformes aux prescriptions de la M21.
Les remarques faites par la chambre dans le rapport précédent sur le caractère erratique du
choix du mode d'amortissement sont toujours d’actualité. Au 31 décembre 2007, sur
18 subventions accordées par la collectivité d’outre-mer, 10 sont amorties de façon linéaire et
8 de façon hybride (amortissements linéaire et dégressif combinés).
S’agissant de la connaissance du patrimoine, la comptable du CHPF a reconnu l’existence de
discordances entre son état de l’actif et l’inventaire de l’ordonnateur, discordances antérieures
à 2000. Ainsi, au 31 décembre 2007, la valeur brute du patrimoine selon l’état de
l’ordonnateur est de 13 866 055 KF CFP, alors qu’au bilan figure un montant brut
d’immobilisations
de
15 796 035 KF CFP.
Les
raisons
principales
sont
la
non-
comptabilisation de dotations aux amortissements et de la réforme de certains équipements,
alors que l’inventaire de l’ordonnateur les fait apparaître.
Avec le directeur des finances du CHPF, la comptable a proposé un apurement de l’actif en
s’inspirant des procédures de la M14. Ses propositions sont restées lettre morte.
Par ailleurs, l’ensemble des éléments d’actif et de passif du centre de transfusion sanguine
(CTS) n’ont à ce jour pas été transférés au CHPF par la direction de la santé, alors que le CTS
est devenu budget annexe du CHPF en 2006. Il n’existe aucune convention écrite entre le
Centre hospitalier et la Polynésie française s’agissant des conditions de ce transfert.
A l’avenir, l’établissement se doit d’affiner la connaissance de son patrimoine, préalablement
au transfert tant physique que comptable du nouvel hôpital.
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Séance du 16 mars 2010 - page 39 sur 89
4 La gestion opérationnelle est souvent défaillante
La chambre a examiné divers aspects de la gestion opérationnelle. Les ressources humaines,
eu égard à l’importance des enjeux inhérents à cette fonction, mais aussi la gestion des
médicaments et des déchets hospitaliers, compte tenu de la forte spécificité de ces domaines.
Bien des points permettent de relever des défaillances dans la gestion opérationnelle de ces
secteurs.
4.1
La gestion des ressources humaines, un secteur stratégique longtemps
délaissé
La gestion des ressources humaines reste un enjeu primordial pour le CHPF qui emploie
environ 1 600 agents. Les charges de personnel constituent d’abord le premier poste de
dépenses de l’établissement. Elles représentent plus de 60 % des charges de fonctionnement
du CHPF.
Rapportées à l’ensemble des dépenses de personnel, les rémunérations brutes du personnel
non médical et du personnel médical ont respectivement évolué de la façon suivante pendant
cette période :
(en KF CFP)
2002
2007
c/641 personnel non médical
4 707 288
61,87 %
6 285 116
55,38 %
c/642 personnel médical
1 397 865
18,37 %
2 957 198
26,06 %
Total de dépenses de personnel
7 608 726
100 %
11 348 944
100 %
Total des dépenses de
fonctionnement
12 377 843
18 726 612
Dépenses de
personnel/Dépenses de
fonctionnement
61,47 %
60,60 %
Par ailleurs, la qualité des personnels, leur niveau de formation et de motivation,
conditionnent dans une large mesure la qualité du service rendu par la structure hospitalière.
Compte tenu de l’importance de ces enjeux, la qualité de la gestion des ressources humaines
est déterminante pour l’établissement public et le système de santé de la Polynésie française.
4.1.1
Une gestion des ressources humaines soumise à de fortes pressions
La gestion des ressources humaines est rythmée par des conflits sociaux souvent longs dont
découlent des protocoles ou conventions qui, la plupart du temps, ne mènent à aucun résultat
pérenne, si ce n’est le maintien d’un statu quo sur plusieurs points sensibles en matière de
recrutement, de rémunération et d’organisation du travail.
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Séance du 16 mars 2010 - page 40 sur 89
S’agissant des jours de grève, il est difficile de les connaître, les cadres de service ne les
comptabilisant pas. De plus, dans les accords de fin de grève, ces jours de grèves sont souvent
transférés au niveau des congés annuels (seule la grève de novembre 2008 a été bien
comptabilisée, mais il a été convenu de ne pas décompter certains jours de grève et d’imputer
les autres jours sur les congés).
Quoi qu’il en soit, la conflictualité est forte et les mouvements sont réguliers et peuvent être
retracés au gré des protocoles de fin de conflit.
A l’occasion de la rédaction de l’un de ses rapports, l’inspection générale de l’administration
de la Polynésie française caractérisait, comme suit l’issue des conflits au CHPF :
« Les accords sont parfois signés dans le non-respect de la compétence du CA de
l'établissement :
- les accords qui comportent des points relevant de la compétence du conseil d'administration
sur «la politique générale de l'établissement» et les «règles concernant l'emploi et la
rémunération des diverses catégories de personnels» sont signés sans la réserve d'obtenir son
approbation. En outre, ils ne lui sont pas systématiquement soumis pour approbation quand
le CA est compétent pour délibérer. Cette omission est pourtant source de fragilité juridique.
- même si les points d'accord ne relèvent pas de la compétence du CA et n'ont pas à être
approuvés par ce dernier, les procès-verbaux des CA ne font pas état d'une information
systématique a posteriori du CA sur la grève intervenue, la nature des revendications et les
réponses apportées ».
Le contenu des accords est aussi très large et les parties ne définissent pas de mode opératoire
de suivi de la réalisation des engagements pris. Tout laisse à penser que les ingrédients d’un
nouveau conflit peuvent être réunis à tout moment.
En décembre 2008 par exemple, le protocole de fin de grève comporte 24 points de
revendication et pose le principe que l’administration améliorera le dialogue social et le
fonctionnement de ses structures. Il annule des points importants d’une délibération récente
du conseil d’administration sur les redéploiements.
4.1.2
L’organisation de la direction des ressources humaines et ses compétences
Comme le souligne l’Inspection générale de l’administration lors d’un audit de la gestion des
ressources humaines d’octobre 2006, la direction des ressources humaines n’a aucune
existence juridique. Son organisation, son fonctionnement et ses missions ne sont définis que
par des fiches de poste et par la délégation de signature consentie par le directeur.
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Séance du 16 mars 2010 - page 41 sur 89
L’effectif de 19 personnes de la direction des ressources humaines et des affaires médicales
(DRHAM) en 2007, réparti en une direction et cinq bureaux
,
assure la gestion administrative
quotidienne :
- d'un effectif réel au 31 décembre 2007 de 1 592 agents relevant de sept statuts
différents ou dispositifs conventionnels;
- représentant 11,3 milliards de francs en charges de personnel, soit plus de 60 % du
budget de fonctionnement de l'établissement au 31 décembre 2007.
Cette direction assure :
- la gestion quotidienne des dossiers administratifs de tout le personnel de l'hôpital, du
recrutement au licenciement, avec le concours de correspondants et référents tels
que la direction des soins infirmiers (pour la notation et l’établissement des listes
de gardes des paramédicaux) ou le service du personnel et de la fonction publique,
à l’exception des décisions de nominations, d’affectation et de notation des
personnels médicaux et emplois de catégorie A non titulaires de la FPT ;
- la mise en oeuvre d'un plan de formation de l'établissement ;
- l’engagement, la liquidation et le mandatement des salaires et accessoires mais aussi
de certaines dépenses (billets d'avion) liés à l'arrivée d'experts ou autres
intervenants.
Comme on le constate sur la plupart des niveaux d’encadrement et de responsabilité, la
direction des ressources humaines connaît une certaine instabilité, la fonction de DRH ayant
été confiée à sept titulaires en 9 ans.
De même y a-t-il eu, en deux mois, trois mouvements de responsables de pôle.
La nécessité de professionnaliser et de stabiliser la fonction « ressources humaines » est à
réaffirmer.
4.1.3
La quantification et le suivi des effectifs sont quasiment inexistants jusqu’en 2008
4.1.3.1
Une méconnaissance des effectifs se vérifie pour les postes budgétaires
Le tableau des emplois présenté ci-dessous, réalisé par extraction d’AS400, a été validé par le
conseil d’administration du 17 mars 2009 (délibération n°11/2009/CHPF). Il constituait donc
la base de référence la plus récente au moment du contrôle.
Si le niveau des effectifs retenu ressort à 1617 emplois, il convient de relever que les données
exposées dans des documents précédents sont fort différentes.
La chambre ne peut que s’interroger sur les versions successives des tableaux d’emplois tels
qu’ils peuvent être appréhendés à travers les divers documents fournis par l’établissement,
qu’il s’agisse des bilans sociaux ou bien des documents uniques d’organisation et de gestion
(DUOG).
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Séance du 16 mars 2010 - page 42 sur 89
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Séance du 16 mars 2010 - page 43 sur 89
Le tableau ci-dessous retrace l’évolution des emplois budgétaires tels qu’ils sont présentés
dans les bilans sociaux, par conséquent, après la clôture de chaque exercice.
Evolution
des
effectifs
autorisés
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Catégories
PH
112
118
121
127
Internes/Vat
34
32
36
37
Total
Personnel médical
146
150
157
164
166
175
Sages Femmes
43
43
43
44
49
53
Encadrement soignant
27
31
32
33
Infirmiers
337
385
385
393
460
478
Auxiliaires de soins
176
201
200
201
220
219
Aides médico-techniques
106
116
100
100
111
176
Total services soins
689
776
760
771
840
926
% d'évolution N+1/N
***************
12,63
-2,06
1,59
8,95
10,24
Rééducateurs
11
14
13
15
16
16
Assistants de laboratoire
46
47
54
54
61
58
Manipulateurs radio
25
27
26
27
28
28
Agents medico-techniques
11
10
28
28
53
46
Cadres médico-techniques
1
1
1
1
Total
personnels
médico-
technique
94
99
122
125
158
148
Total filières soins hors PH
783
875
882
896
998
1074
Directeurs attachés
13
14
17
17
25
14
rédacteurs
18
19
18
18
18
22
adjoints administratifs
130
139
132
133
160
160
agents de bureau
17
21
18
19
24
22
Total filière administrative
178
193
185
187
227
218
Ingénieurs
5
6
5
5
3
4
techniciens
16
17
17
17
19
22
agents techniques
37
38
38
39
41
46
Aides techniques
79
94
95
97
89
44
Total filière technique
137
155
155
158
152
116
Psychologues
1
3
3
3
3
3
assistants sociaux éducatifs
3
3
4
5
3
3
Educateurs spécialisés
1
1
1
1
1
1
Agents sociaux
1
1
1
1
2
2
Total filière socio éducative
6
8
9
10
9
9
Total général hors médecins
1104
1231
1231
1251
1386
1417
Effectif moyen payé
1326
1451
1469
1572
1629,5
1675,75
Ecart théorique/réel
11
222
220
238
321
243,5
258,75
Ecart théorique/réel en %
20 %
17,80 %
19,33 %
25,60 %
17,60 %
18,23 %
Ces chiffres sont sensiblement différents de ceux figurant sur le tableau soumis à délibération
en mars 2009.
11
Ecart calculé entre l’effectif de référence et l’effectif moyen réellement rémunéré, hors médecins.
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Séance du 16 mars 2010 - page 44 sur 89
La compilation des tableaux conduit aux constats suivants :
-
les chiffres sont soumis à des révisions répétées, y compris dans des cycles infra
annuels ;
-
plus étonnant, les chiffres d’années antérieures sont eux-mêmes révisés a
posteriori ; cette pratique affecte les effectifs déterminant les niveaux d’emplois,
mais aussi les répartitions entre filières ou grades ;
-
des variations fortes sont constatées d’une année sur l’autre, dont on peut penser
qu’elles résultent de corrections d’erreurs et d’omissions ; il s’agit selon toute
vraisemblance d’ajustements opérés au fur et à mesure de la découverte de ces
erreurs ou omissions ;
-
à titre d’exemple, l’effectif des infirmiers spécialisés en anesthésie et réanimation
passe de deux en 2004 à 11 en 2005 puis à 21 en 2008.
En 2007, une chargée de mission devait revoir la situation des tableaux des effectifs. De son
travail a résulté un registre des effectifs budgétaires de novembre 2007, répertoriant les
emplois budgétaires par service, en y indiquant chaque numéro de poste.
Il ressort de ce registre des données différentes de celles du bilan social 2007 (tableau 124), le
premier aboutissant à un total d’effectif budgétaire de 1528 agents, contre 1545 dans le bilan
social 2007.
Parallèlement, depuis octobre 2007, cette même chargée de mission a été sollicitée par le
CHPF pour lancer un chantier intitulé « organisation et règles de gestion du temps de travail
non médical ». Cette mission a pour but d’établir dans un premier temps un constat de
l'existant, lequel s'appuie notamment sur un registre des équivalents temps plein (ETP) par
service. Ce registre présente la répartition actuelle des postes de travail, des effectifs 2008 et
des ETP des aides soignants, auxiliaires de soins et infirmiers, par service et, par anticipation
dans le cadre de l’organisation du nouvel hôpital, par département. L'analyse des données de
ce registre devrait conduire dans un second temps à une exploitation approfondie de données
croisées propres à la gestion des ressources humaines.
Un travail parallèle et similaire est mené sur l'organisation du temps de travail médical.
Ces travaux ont été présentés, sans être validés, aux instances du CHPF (commission
médicale d’établissement, conseil d’administration).
Il ressort de ces divers travaux, entre les données des registres 2007 et 2008, pour ne s’en
tenir qu’aux années les plus récentes, une augmentation globale de 50 postes budgétaires,
alors que le tableau des effectifs présenté en mars 2009 mentionne seulement 11 postes
budgétaires supplémentaires pour la même période.
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Séance du 16 mars 2010 - page 45 sur 89
Par ailleurs, le registre des effectifs 2007 ne mentionne pas la direction des affaires générales,
de la communication et de la qualité (+ 16 agents).
Le recensement des effectifs ETP, par poste et par département et service, n’a pas été réalisé
pour 2009, faute de moyens en personnel et de temps pour l’adjoint au DRH, faisant
actuellement fonction de directeur.
Pour 2009, le tableau des effectifs, présenté en mars 2009, prévoit une augmentation globale
de 50 postes budgétaires par rapport à 2008, auxquels s’ajoutent 10 postes créés en cours
d’exercice (approuvés par les délibérations du 17 mars 2009).
Enfin, autre source de détermination des effectifs, les documents uniques d’organisation et de
gestion (DUOG), diffèrent également des bilans sociaux (BS), du tableau des emplois
présenté en mars 2009 et de ces registres des effectifs 2007 et 2008 :
2005
2006
2007
2008
Postes ouverts
1410
1516
1544
1560
Postes budgétaires
1381
1484
1512
1528
Il convient de préciser que les numéros de poste figurant sur les DUOG ne correspondent pas
au total de l’effectif budgétaire. Ainsi, un poste supprimé n’est pas conservé puis
éventuellement transféré, mais il aura une nouvelle numérotation. Ainsi, au 31 décembre
2008, le DUOG indique comme derniers postes créés les n° 1635 et 1636, ceux du contrôleur
de gestion et du poste ingénieur qualité créés le 5 juin 2008.
De même, les derniers postes créés par la délibération n°8/2009/CHPF du 17 mars 2009
portent jusqu'au numéro 1683. Or, cette même délibération supprime 4 postes d’infirmières
dans le service néonatologie (supprimant par la même occasion les numéros de postes
budgétaires correspondants) pour les transformer en 4 postes de puéricultrices
12
, à qui sont
attribués de nouveaux numéros de postes budgétaires. Il en va de même pour deux postes
d’adjoints administratifs, supprimés à la direction des affaires financières et à la pharmacie,
pour être créés aux services des urgences et oncologie, avec de nouveaux numéros de postes
budgétaires.
Ces chiffres s’écartent nettement de ceux de l’effectif budgétaire constaté dans le DUOG qui
s’établirait à 1528.
Selon le service du personnel de la Polynésie française, destinataire des DUOG, ces derniers
ne sont pas fiables, le CHPF les modifiant à chaque refus de visa par ce service du contrat de
travail ou de la nomination d’un agent relevant de la fonction publique de Polynésie française
.
12
Les puéricultrices sont des infirmières ayant suivi une formation spécialisée, dans le statut de la FPPF, filière
santé. Elles constituent l’un des 5 groupes du cadre d’emplois des infirmiers.
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Séance du 16 mars 2010 - page 46 sur 89
Ainsi donc, selon les documents fournis, le nombre de postes budgétaires existant au CHPF
au 31 décembre 2008 varie entre :
- 1528 selon le DUOG ;
- 1578 selon le registre des effectifs 2008 ;
- 1607 selon le tableau des emplois présenté le 17 mars 2009 (données 2009, mais
prenant en compte les créations 2008 par délibération, et non celles prévues pour
2009).
Les emplois supprimés ou redéployés génèrent en pratique des créations incontrôlées et par
conséquent, des surnombres. Ce phénomène paradoxal est rendu possible par le fait que c’est
le Centre hospitalier lui-même qui numérote les emplois et actualise le DUOG.
4.1.3.2
La méconnaissance des effectifs se constate aussi pour les effectifs en
activité
Si divers documents présentent les effectifs budgétaires, seuls les bilans sociaux et les DUOG
font état des effectifs en activité (ou « contribuant réellement à l’activité » pour le DUOG).
Les différences sont toutefois importantes entre ces deux documents
13
:
Effectif en activité
2005
2006
2007
2008
BS (tableau 121)
1508 *
1552
1592
NC
DUOG (synthèse)
1466
1465
1518
1528
(*) Source : tableau 116 du BS 2006
De même, la gestion prévisionnelle des emplois du CHPF laisse à désirer. Les DUOG ont
ainsi présenté les postes requis et ceux à créer,
à transformer ou à supprimer :
2005
A
B
C
D
TOTAL
total postes requis (total col. 3)
263
637
488
237
1625
nombre de postes à créer:
30
76
65
44
215
postes à transformer/supprimer :
6
-2
10
-14
2006
A
B
C
D
TOTAL
total postes requis (total col. 3)
256
630
453
227
1566
nombre de postes à créer:
13
17
13
7
50
postes à transformer/supprimer :
1
-3
53
-51
13
Ne sont pas pris en compte dans ces documents les CDD temporaires et CDD saisonniers.
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Séance du 16 mars 2010 - page 47 sur 89
2007
A
B
C
D
TOTAL
total postes requis (total col. 3)
258
641
464
228
1591
nombre de postes à créer:
12
18
13
8
51
postes à transformer/supprimer :
1
-6
53
-52
2008
A
B
C
D
TOTAL
total postes requis (total col. 3)
266
640
472
226
1604
nombre de postes à créer:
11
13
10
8
42
postes à transformer/supprimer :
2
-7
57
-50
L’évolution erratique du nombre de postes nécessaires à l’hôpital entre 2005 et 2008 traduit
une absence totale de gestion prévisionnelle des ressources humaines.
Il conviendrait que le CHPF clarifie les « fondamentaux » de la gestion des emplois, à savoir :
-
le tableau de référence des emplois autorisés y compris l’identification
individuelle des emplois ;
-
les règles de gestion administrative du tableau (mode opératoire sur les
mutations, transformations…) ;
-
le niveau de financement de ce tableau et son suivi mensuel.
Le tableau des emplois constitue la base de la connaissance et de la gestion des emplois. Il
ressort du contrôle que ce document n’est pas fiable. Il est révisé rétrospectivement et de
façon importante. En pratique, il est ajusté à ce qui est connu de l’effectif réel à un moment
donné. La gestion des effectifs se révèle donc aléatoire. La définition de règles de gestion et
leur suivi sont impératifs et urgents.
La méconnaissance des effectifs démontrée précédemment est déjà en soi étonnante car elle
affecte la maîtrise quantitative des ressources humaines qui constitue la base de la gestion.
C’est ainsi qu’il conviendrait d’affiner la gestion des remplacements qui aboutit actuellement,
faute d’une connaissance précise des besoins, à un écart d’environ 20 % entre l’effectif
autorisé et l’effectif rémunéré, comme le révèle la lecture du tableau de la page 43.
Il est important de vérifier la mise en oeuvre de ces effectifs, au plan de la gestion
opérationnelle, en particulier sous l’angle de la rémunération des éléments variables, puis sous
celui du respect des règles statutaires.
Le Centre hospitalier devrait donc s’engager dans une démarche de fiabilisation des
documents retraçant l’état de ces effectifs.
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Observations définitives – Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF)
Séance du 16 mars 2010 - page 48 sur 89
4.1.4
La gestion statutaire des effectifs est compliquée et témoigne de relations
insatisfaisantes avec le service du personnel et de la fonction publique de la Polynésie
française
4.1.4.1
La complexité résulte objectivement de la juxtaposition de statuts
nombreux et fort différents
La répartition par statut des agents du CHPF n’échappe pas au manque de fiabilité des
documents relatifs aux effectifs. Elle varie en effet selon que l’on examine le bilan social
2007, ou les documents uniques d’organisation et de gestion (DUOG).
La fiabilité des DUOG est toute relative, puisque dans la catégorie « FPT » semblent inclus
les agents relevant du statut ANFA.
Depuis le précédent contrôle, la part des fonctionnaires de la fonction publique de Polynésie
française a augmenté et représente désormais l’essentiel des agents du CHPF. Les agents des
corps d’Etat (CEAPF), ou bien relevant du corps de santé des armées ne représentent plus
qu’une minorité (30 agents).
Les effectifs des agents sous statut ANFA et CDI diminuent, en raison de leur vocation même
à disparaître. Depuis la délibération du 22 janvier 2004, les agents contractuels du CHPF
relèvent du statut des agents non titulaires de droit public (ANT), et plus aucun CDI n’est
désormais recruté. Pour autant, l’effectif de ces contractuels à durée déterminée reste stable,
autour de 300.
4.1.4.2
Les agents titulaires de la fonction publique de Polynésie française sont
en nombre croissant
La plupart des fonctions occupées au sein du CHPF correspondent à un cadre d’emploi
existant au sein du statut général de la fonction publique de Polynésie française, qu’il relève
du tome 2 consacré aux statuts particuliers de tous les cadres d’emplois (pour le personnel
non soignant), ou du tome 3 réservé à la filière de la santé (pour le personnel soignant).
14
En effet, selon l’article 3 de la délibération n°95-215 AT du 14 décembre 1995 portant statut
général de la fonction publique du territoire de la Polynésie française, «
sauf dérogations
prévues à l’article 33 du présent statut, les emplois permanents de l’administration
territoriale et des établissements publics administratifs sont occupés par des fonctionnaires
».
Ainsi, tous les postes budgétaires créés au sein du CHPF ont vocation à être occupés en
priorité par des agents titulaires relevant de ce statut général.
14
Ces tomes sont une compilation des diverses délibérations créant et organisant les nombreux cadres d’emplois
existants.
Selon le rapport de l’IGA relatif au personnel, les mises à concours des postes vacants, dont
l'organisation reste centralisée au service du personnel et de la fonction publique de la
Polynésie française, ont évolué de la façon suivante :
Le nombre de postes mis
à
concours ne se traduit pas obligatoirement par un recrutement
effectif (concours infructueux par manque de candidatures ou du fait de désistements de
lauréats, surtout pour les manipulateurs radio, infirmiers) mais il montre l'effort du CHPF
pour se conformer
à
la procédure de recrutement par concours dans la fonction publique
depuis 2004.
L’examen des postes et emplois conduit aussi à constater qu’il existe quelques carences dans
les cadres d’emplois de la filière santé. En effet, y sont absents les préparateurs en pharmacie
et les cadres de santé.
Pour ce dernier cadre d’emploi, il peut être certes objecté qu’il existe, au sein du cadre
d’emploi des infirmiers, un grade de surveillant, qui, selon l’article 16 de la délibération n°98-
128 APF du 20 août 1998 portant statut particulier du cadre d’emplois des infirmiers, « exerce
des fonctions d’encadrement ». Mais pour parvenir à ce grade, il faut, en plus du diplôme ou
du certificat de cadre, 5 ans d’ancienneté dans la profession d’infirmier, dont 3 ans soit en
qualité d’infirmier agent contractuel du statut ANFA (CDI), soit en qualité d’infirmier du
statut général de la fonction publique de la Polynésie française (FPPF).
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Séance du 16 mars 2010 - page 49 sur 89
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Ainsi, si le CHPF veut recruter des cadres de santé en tant qu’agents non titulaires (voir infra),
il ne peut le faire, faute d’ancienneté de ceux-ci. De plus, en créant un cadre d’emploi de
cadre de santé, le CHPF pourrait y instaurer
deux grades, celui de cadre et celui de cadre
supérieur, comme dans la fonction publique hospitalière nationale. Enfin, pour le cadre
d’emploi de sages-femmes de la FPPF, il n’existe pas de grade de surveillante. La création
d’un cadre d’emploi de cadre sages-femmes pourrait également être envisagé.
4.1.4.3
Dans sa quête de compétences, le CHPF a peu recours aux
détachements de la fonction publique hospitalière nationale
Peu de cadres d’emplois de la filière santé de la FPPF prévoient expressément le recours à des
détachements de fonctionnaires de métropole. C’est le cas de celui de sage-femme : article 19
de la délibération n°95-243 du 14 décembre 1995 (pour les fonctionnaires d’Etat).
Actuellement, seulement trois fonctionnaires de la FPH nationale sont détachés au sein du
CHPF : il s’agit en l’espèce d’emplois supérieurs, de direction ou d’ingénieur.
Le recours marginal aux fonctionnaires détachés s’explique par le coût élevé de ces
recrutements.
En effet, conformément à l’article 3 de la délibération n° 98-145 APF du 10 septembre 1998
relative au régime applicable aux fonctionnaires civils et militaires en position de
détachement auprès du territoire de la Polynésie française et de ses établissements publics,
« l’administration d’accueil fixe la rémunération servie aux fonctionnaires détachés auprès
d’elle d’après les seuls éléments figurant dans la fiche financière fournie par l’administration
d’origine retraçant les émoluments de ce fonctionnaire s’il servait en métropole. Ces
éléments sont affectés du coefficient de majoration en vigueur pour les fonctionnaires de
l’Etat
. » Ce même article précise que, «
par dérogation à l’alinéa 2 du présent article, le
fonctionnaire détaché peut bénéficier des dispositions de la délibération n° 97-153 APF du 17
août 1997 modifiée portant attribution de l’indemnité de sujétions spéciales à certains
personnels de l’administration territoriale, et de certaines indemnités prévues par
délibération de l’assemblée de la Polynésie française, lorsqu’il relève de l’un des cadres
d’emplois de la filière de la santé et de la recherche »
. Enfin, le fonctionnaire détaché
bénéficie des mêmes avantages que les fonctionnaires d’Etat nommés dans un service de
l’Etat en Polynésie française (indemnité de changement de résidence, indemnité
d’éloignement, indemnité de logement, congés administratifs).
Les agents non titulaires (ANT) expatriés n’ayant droit qu’aux frais de changement de
résidence, et pour leur rémunération, quand ils relèvent de la filière santé, uniquement à une
reprise d’ancienneté, il apparaît ainsi plus intéressant financièrement au CHPF de procéder à
un recrutement par la voie des ANT, par rapport au détachement de la fonction publique
hospitalière.
Il n’en reste pas moins que, pour des recrutements ciblés, le recrutement d’agents détachés
pourrait contribuer à débloquer certaines situations.
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Observations définitives – Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF)
Séance du 16 mars 2010 - page 51 sur 89
4.1.4.4
Un recours important et récurrent aux agents non titulaires.
Conformément aux articles 33 et 34 de la délibération n°95-215 AT du 14 décembre 1995
portant statut général de la fonction publique du territoire de la Polynésie française, le CHPF
peut avoir recours au recrutement d’agents non titulaires sur emplois permanents et non
permanents, dans des cas bien définis par ces articles.
Depuis la délibération n° 2004-15 APF du 22 janvier 2004, les agents recrutés en application
des articles 33 et 34 précités relèvent d’un statut de droit public
15
. En tant qu’établissement
public administratif, et en l’absence de disposition contraire, le CHPF se doit de respecter ces
dispositions.
La circulaire n° 4346/PR du 15 novembre 2007 relative à l’application de la délibération du
22 janvier 2004 rappelle que «
le recours éventuel à des engagements à durée déterminée afin
de pourvoir des emplois permanents (sur les postes budgétaires votés par l'Assemblée de la
Polynésie française) revêt donc un caractère exceptionnel et dérogatoire. Ses conditions ne
peuvent s'inscrire que dans l'un des six cas limitativement énumérés par l'article 33 du statut
général de la fonction publique. »
Or, force est de constater que le CHPF fait un usage important et récurrent de ce mode de
recrutement sur emplois permanents, et pas uniquement pour assurer le remplacement
d’agents titulaires (article 33-6). Il aurait été intéressant à ce sujet que le CHPF disposât de
statistiques de motifs de recours à ces agents non titulaires.
Une analyse de recrutements effectués sous ce régime sur la période 2004/2009 montre
l’ampleur du phénomène et la variété des motifs :
-
1542 agents non titulaires différents ont été recrutés, soit une moyenne de 300 par
an (selon le bilan social 2007 et les DUOG, leur nombre varie annuellement entre
350 et 400) ;
-
parmi ces 1542 agents recrutés en CDD, 308 sont des médecins et 973 sont des
agents soignants non médicaux ;
-
sur ces 1542 agents non titulaires, 298 avaient connu des recrutements avant le 1
er
janvier 2004, sous le statut d’ANFA ; certains, selon leur numéro personnel, datant
de 1970, 1981, 1988 ;
-
sur ces 1542 agents non titulaires seuls 129 agents sont devenus fonctionnaires de
la FPPF
16
, pour l’essentiel des infirmiers (67), et 14 médecins ;
15
Auparavant, la délibération n° 95-225 AT du 14 décembre 1995 modifiée relative aux agents non titulaires
occupant des emplois permanents dans les services et établissements publics à caractère administratif du
territoire, ne précisait pas le statut de ces agents, et de nombreux conflits pour transformer les contrats de ceux-ci
en CDI ont abouti devant le tribunal de travail qui se déclarait compétent. La délibération du 22 janvier 2004 a
abrogé celle de 1995.
16
Dans l’un des dossiers de secrétaire contractuelle a été retrouvée
la décision d’inscription à la formation au
concours d’adjoint administratif, prise par la DRH du CHPF.
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Séance du 16 mars 2010 - page 52 sur 89
-
parmi le personnel non soignant recruté en ANT, les secrétaires sont les plus
nombreuses (86 entre 2004 et mai 2009). Dans son rapport sur le personnel du
CHPF, l’IGA précisait :
« On suppose que les congés des secrétaires dites
médicales rattachées aux différents pôles d'activités font systématiquement l'objet
de remplacements au cours de leurs congés annuels. Un redéploiement ou l'étude
d'un éventuel pool de secrétaires «volantes» pourrait à terme combler les
différentes vacances liées aux congés ou arrêts maladie » ;
-
113 agents recrutés dans le cadre des agents non titulaires, ont eu plus de 5 contrats
durant cette période
17
, le « record » étant de 23 contrats pour une secrétaire, 10
contrats en un an pour une autre. Il s’agit pour l’essentiel de recrutement dans le
cadre de remplacements (article 33-6 de la délibération de 1995), avec une
rémunération n’évoluant pas. En effet, selon l’article 21 de la délibération du
22 janvier 2004, «
l’agent non titulaire recruté sur un emploi à temps complet ou à
temps partiel est classé au 1er échelon du cadre d’emplois de recrutement de
référence de la fonction publique de la Polynésie française ».
Ceci n’est pas sans
ajouter à la précarisation de la situation de ces agents non soignants non qualifiés.
Pour éviter les limitations de durées de recrutement des agents non titulaires prévues à
l’article 9 de la délibération du 22 janvier 2004, le CHPF recrute nombre d’agents non
titulaires soit avec des contrats successifs espacés de quelques jours ou mois, soit pour des
motifs différents obéissant à des durées maximales différentes (articles 33-6, puis 33-4).
Ainsi, arrive-t-on à des agents non titulaires recrutés au moyen de 23 contrats ou avenants
successifs entre 2004 et 2009.
Les motivations de ces recrutements massifs ne sont pas toutes recevables.
Le maintien de recrutements d’agents non titulaires pour certains postes est souvent justifié
par
le
caractère
d’urgence
du
remplacement,
mais
cache
cependant
quelques
dysfonctionnements au sein de la GRH, en particulier une absence de gestion prévisionnelle
des effectifs.
Le recrutement d'ANT mobilise des intervenants en nombre variable, selon qu'il s'agit de :
- personnel médical (médecins, pharmaciens, chirurgiens, spécialistes biologistes) pour
lesquels la consultation de la CME est nécessaire;
- personnel infirmier ou rattaché à la gestion de la Direction des soins infirmiers ;
- sages-femmes (SF) dépendant de la gestion de la SF coordinatrice;
- personnel administratif et technique.
Ainsi, pour les services de soins, chacun d’entre eux fait part, souvent dans l’urgence, d’un
besoin en personnel à la direction des soins, qui centralise ces demandes sans opérer de
contrôle préalable sur le bien fondé de la demande, ni examiner les « ressources » dont
disposent d’autres services. Bien que la DRH ait mis en place un registre des effectifs en
équivalent temps plein par service (2007 et 2008), permettant à chaque chef de service de
connaître l’effectif dont son service a besoin en ETP, le remplacement des agents (1 pour 1)
reste automatique. Les desiderata des chefs de services ou des surveillants (mécontents par
exemple d’agents titulaires comme les secrétaires médicales), semblent primer sur tout autre
considération. Les demandes sont la plupart du temps ciblées sur une personne précise, qui a
17
22 médecins, 49 agents soignants non médicaux et 42 agents non soignants.
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Séance du 16 mars 2010 - page 53 sur 89
pu auparavant donner entière satisfaction, comme le montrent divers courriers et courriels
trouvés dans les dossiers des agents non contractuels.
Le recours à des contractuels est également la résultante d’une faiblesse des mutations entre le
CHPF et les autres structures hospitalières ou de soins de la Polynésie française. En effet, bien
que relevant du même statut de la fonction publique territoriale (filière administrative,
technique ou santé), il existe peu de « passerelles » pour les personnels venant d’autres
structures de la Polynésie française. Ainsi, pour la filière santé par exemple, des personnels
soignants titulaires de la FPPF, exerçant leurs fonctions dans les dispensaires et hôpitaux
périphériques, pourraient être intéressés par une mutation au CHPF. Or, la direction des soins
a le plus souvent recours à son « carnet d’adresses » pour le recrutement du personnel
soignant non médical, et lance également certains appels à candidature sur sites spécialisés. Il
n’existe pas de publicité des postes au sein de l’administration de la Polynésie française.
4.1.4.5
L’examen des procédures de recrutement et de rémunération des
médecins révèle quelques anomalies
Les praticiens hospitaliers du CHPF relèvent des dispositions de la délibération n° 96-136
APF du 21 novembre 1996 modifiée portant statut particulier du cadre d'emplois des
praticiens hospitaliers de la fonction publique de la Polynésie française.
Les praticiens hospitaliers, exercent tous à temps plein, à l’exception de deux médecins
spécialisés en anesthésie et réanimation chirurgicale.
Le statut de praticien hospitalier de la FPT ne prévoit aucun autre mode d’exercice.
Une modernisation du statut et la recherche de collaborations extérieures au « temps plein »
hospitalier pourraient conduire à proposer des modes d’exercice à
temps partiel ou en qualité
d’attaché. Le travail à temps partiel n’est en effet autorisé (article 18 du statut) qu’à titre
exceptionnel et pour une période limitée.
Toute autre activité à l’extérieur de l’établissement étant interdite, on ne peut pas considérer
cette disposition comme pouvant favoriser une complémentarité entre les secteurs public,
privé et libéral.
Témoignant de ce manque de souplesse du statut, des médecins libéraux interviennent au
CHPF, dans le cadre de conventions de prestations de service, et sont rémunérés sous forme
de vacations, en dehors du cadre légal.
Le CHPF dispose de peu d’assistants, dans le cadre d’une convention avec le CHR de
Bordeaux (2 postes), comme pour les internes. Une convention existe entre le CHR de
Bordeaux et la Polynésie française, à laquelle s’ajoute une convention subrogeant le CHPF à
la collectivité d’outre-mer. La dernière convention a été renouvelée en 2008 pour les internes,
et est plus large que les précédentes, car elle permet aux internes d’exercer dans les hôpitaux
périphériques, à la condition que le service soit agréé (dans les faits, aucun service extérieur
au CHPF n’a été encore agréé).
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Séance du 16 mars 2010 - page 54 sur 89
Les vacances de postes sont circonstancielles, mais il réside une difficulté de recrutement
dans certaines spécialités : chirurgie maxillo-faciale, art dentaire, neurochirurgie, chirurgie
vasculaire, anatomopathologie. Ces difficultés semblent cependant inférieures à celles que
rencontrent des établissements dans les départements d’outre-mer (DOM) ou, à taille réputée
comparable, en métropole.
Le CHPF fait peu appel à des médecins étrangers, ce qui corrobore l’affirmation précédente.
Pourtant, les recrutements, y compris hors Union Européenne, sont théoriquement possibles,
mais nécessitent un permis de séjour (métropole et DOM) et un permis de travail (Polynésie
française).
L’ordre des médecins se contente désormais de diplômes qu’il valide, s’ils sont reconnus sur
le territoire français. Ce n’est en effet que depuis la délibération n° 2007-37 APF du 4 juillet
2007, que la Polynésie française reconnaît
« tout titre permettant l’exercice de la profession
de médecin, de chirurgien-dentiste, ou de pharmacien sur le territoire français
.
En dehors des cas de remplacement, le recrutement des praticiens hospitaliers en tant qu’agent
non titulaires relevant de la délibération du 22 janvier 2004, se fait, dans un premier temps, le
plus souvent sur la base de l’article 33-5 de la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre
1995 :
« Lorsque la nécessité d’assurer la continuité du service public impose devant l’absence de
candidats répondant au profil requis, un recrutement à l’extérieur de la Polynésie
française ».
Parmi les unités où les recrutements de médecins en ANT sont les plus nombreux, figurent
loin devant les autres unités, les anesthésistes (69 médecins recrutés en CDD entre 2004 et
mai 2009, contre 25 au service des urgences, second dans les recrutements en CDD)
18
.
Ce constat est a priori étonnant puisque ce sont les services les plus dotés qui bénéficient des
remplacements les plus nombreux. Ces remplacements se révèlent en outre fort onéreux.
Sur proposition de la direction, la CME (séance du 10 mars 2009) a adopté le principe d’un
encadrement du nombre des mensualités de remplacement. Les chiffres retenus consacrent
une baisse sensible des remplacements
autorisés et une redistribution entre les services.
Il serait intéressant d’observer à la clôture 2009, le niveau d’atteinte de ces objectifs.
S’agissant de la rémunération des médecins recrutés de façon contractuelle, deux praticiens
ont été rémunérés en référence à la grille des emplois fonctionnels, alors que leurs autres
confrères percevaient un traitement conforme à l’article 22 de la délibération du 22 janvier
2004 (
prise en compte des services antérieurs accomplis dans l’emploi dans des conditions
identiques à celles fixées par le statut particulier du cadre d’emplois de référence)
.
Pour justifier une telle rémunération, le secrétaire général de la DRH du CHPF précise qu’il
est fait application de l’alinéa 2 de l’article 21 de la délibération du 22 janvier 2004,
expliquant qu’il s’agit de recrutements «
qui se heurtent à des difficultés dues à la rareté des
spécialistes
».
18
Selon le bilan social 2007, le service anesthésie comprend 24 postes de médecins et médecins assistants, celui
des urgences 26,5 postes de médecins et internes pour cette année 2007. Or, au 31 décembre 2007, le même bilan
social précise qu’il y a 10 médecins ANT en anesthésie et 6 aux urgences.
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Séance du 16 mars 2010 - page 55 sur 89
Or, pour ses 4 précédents contrats, l’un des praticiens concernés a été recruté sur la base des
articles 33-2, 33-4, 33-5 et 33-6 de la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 portant
statut général de la fonction publique du territoire de la Polynésie française, et rémunéré
conformément à l’article 22 précité (indice 896). Pour son dernier recrutement, il n’a pas fait
l’objet d’un contrat de travail avec le CHPF, mais a été nommé par arrêté n°281/CM du 1
er
mars 2007 sur emploi fonctionnel à compter du 29 mai 2007, «
pour exercer des fonctions
nécessitant des connaissances techniques spécialisées
» (article 33-2 de la délibération de
1995). Or, entre son dernier contrat de travail avec le CHPF et cet arrêté, sa situation n’avait
pas évolué. Ainsi, par ce simple arrêté, il a vu sa rémunération de base augmenter de 554
points d’indice. Pour le mois précédant son recrutement sur emploi fonctionnel, l’intéressé
déclarait 44,5 gardes et aucune astreinte, ce qui lui permettait de percevoir une rémunération
équivalente au traitement qu’il allait percevoir le mois suivant du fait de l’application des
dispositions de l’alinéa 2 de l’article 21 de la délibération du 22 janvier 2004.
4.1.4.6
Les relations difficiles du CHPF avec le service du personnel de la
Polynésie française nécessitent un réaménagement des compétences
Une particularité de la gestion du personnel du CHPF avait été
constatée lors du contrôle
précédent, à savoir
l’intervention du service du personnel de la Polynésie française dans la
gestion d’une partie de plus en plus importante du personnel de l’établissement : les agents
relevant du statut général de fonction publique.
En métropole, en vertu de l'autonomie des établissements publics de santé, la gestion de leurs
personnels (recrutement, notation, avancement) est totalement décentralisée et relève de la
seule autorité du chef d'établissement, dans la limite du respect des textes statutaires généraux
et particuliers. En Polynésie française, le CHPF n’a pas le statut d’établissement public de
santé (EPS), mais celui d’un établissement public administratif (délibération n° 83-181 du
4 novembre 1983). Il se doit donc de respecter les dispositions de la délibération n° 95-215
AT du 14 décembre 1995 modifiée portant statut général de la fonction publique, qui dispose,
en son article 3, que
« les emplois permanents de l'administration de la Polynésie française et
des établissements publics administratifs sont occupés par des fonctionnaires ».
C’est donc à ce titre que le service du personnel de la Polynésie française intervient. Non
seulement il organise les modalités de concours pour les fonctionnaires de la filière santé du
CHPF, mais assure un visa préalable de contrôle de conformité juridique des arrêtés de
nomination des agents de l’établissement public relevant de la FPPF ou détachés. Ces
interventions alourdissent considérablement la gestion du CHPF qui se doit d’être réactive.
C’est pourquoi l’établissement hospitalier s’affranchit parfois de ces obligations, par exemple
en procédant à des recrutements directs de contractuels sur postes vacants, alors que les listes
complémentaires d’aptitude des divers concours ne sont pas toujours épuisées. Ainsi, le
Service du personnel et de la fonction publique a reçu, le 3 juin 2009, deux contrats de travail
du 29 mai 2009 recrutant deux infirmières en qualité d'agent non titulaire pour une durée d'un
an à compter du 1er juin 2009, alors que la liste complémentaire d'aptitude du dernier
concours infirmier n’était pas épuisée. Il en est de même pour des auxiliaires de soins. Alors
que le choix d'affectation des lauréats inscrits sur liste principale d'aptitude est intervenu le
5 juin 2009, le CHPF a transmis, le 3 juin 2009, au service du personnel de la FPPF, deux
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contrats du 29 mai 2009 recrutant des agents non titulaires pour exercer des fonctions
d'auxiliaire de soins, bien que le jury ait également établi une liste complémentaire d'aptitude.
Sur un autre plan, le service du personnel de la Polynésie française n’est pas destinataire des
délibérations de créations ou suppressions de postes au CHPF, délibérations qui lui sont
nécessaires pour procéder à l’organisation d’un concours ou pour le contrôle de conformité
juridique des décisions de nominations.
S’agissant de la gestion de la carrière des agents titulaires de la FPPF en poste au CHPF, le
service du personnel se plaint de ne pas être toujours destinataire des états de cumuls des
congés administratifs. Or, seul le ministre en charge de la fonction publique est compétent
pour autoriser les agents relevant de la fonction publique de la Polynésie française à procéder
à des cumuls et à bénéficier d'un congé administratif. En ce qui concerne les demandes de
disponibilités, celles-ci sont, dans la plus grande majorité, transmises pour traitement au
Service du personnel et de la fonction publique après leurs dates d'effet.
Pour les agents non titulaires relevant de la délibération du 22 janvier 2004, les relations entre
le CHPF et le service du personnel de Polynésie française ont évolué dans le temps :
-
entre 2002 et 2006, le CHPF s’est affranchi du visa préalable des contrats de
travail par le service du personnel de la Polynésie française, sans qu’aucune
observation ne soit faite par le ministère de tutelle. La direction de l'hôpital s'est
affranchie de cette obligation pour l'ensemble des recrutements des ANT au motif
de l'urgence et des nécessités impérieuses de service ne permettant pas le visa
préalable du service centralisateur ;
-
en septembre 2006, un courrier du ministre de la fonction publique a rappelé le
CHPF à ses obligations dans ce domaine, préalablement à tout recrutement. Le
contenu de ce courrier a été confirmé par la circulaire n° 4346 du 15 novembre
2007 relative à l’application de la délibération du 22 janvier 2004 relative au statut
des agents non titulaires.
La circulaire précise
« qu’il
convient, par conséquent, de
présenter le projet de contrat, accompagné du dossier complet s'y rapportant, au
Service du personnel et de la fonction publique, chargé d'y apposer son visa
préalable de contrôle de conformité sur le plan juridique, au moins un mois avant
la date de prise de fonctions de l'agent. Ce projet est ensuite transmis, pour
contrôle et engagement financier, au visa du Service du contrôle des dépenses
engagées » ;
-
par circulaire n° 2452/PR du 24 juin 2008, le Président de la Polynésie française a
assoupli les dispositions de la circulaire du 15 novembre 2007 envers les
établissements publics administratifs. Estimant en effet d’une part que ceux-ci
disposent, en tant que personnes morales de droit public
,
d’une autonomie
administrative et financière qui leur permet de
« prendre des décisions
individuelles ou réglementaires, unilatérales ou conventionnelles qui engagent les
établissements indépendamment de la collectivité de rattachement, notamment de
recruter du personnel non titulaire, sur des emplois inoccupés par des
fonctionnaires, de créer, transformer ou supprimer librement leurs emplois
»,
d’autre part que tout établissement public administratif doit cependant se
conformer aux textes qui encadrent le recrutement des agents non titulaires
(délibération du 22 janvier 2004 et circulaire du 15 novembre 2007), la circulaire
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du 24 juin 2008 dispense les établissements publics administratifs de Polynésie
française de visa préalable de contrôle de conformité juridique du service du
personnel de la collectivité. Celui-ci sera désormais chargé d’un contrôle a
posteriori, à exercer dans le mois à compter de la date de réception des contrats de
travail des agents non titulaires.
Par ailleurs, de nombreuses observations du service du personnel, sans refus de visa
cependant, sont intervenues en mars et avril 2008, concernant le pouvoir de recrutement des
agents non titulaires du CHPF. En effet, ce service estime que les articles 64 et 67 de la loi
organique n° 2004-192 du 27 février 2004 d’une part, l’article 4 de l’arrêté n° 625/PR du 10
mars 2008 modifié d’autre part, donnent uniquement au président de la Polynésie française, et
par délégation, au ministre de la santé, le pouvoir de recruter de tels emplois, y compris au
sein du CHPF. La seule signature du directeur de cet établissement public, en tant
qu’ordonnateur, ne suffit pas, selon ce service.
Dans son rapport précédent, la chambre estimait souhaitable, «
afin d'assurer la souplesse de
gestion indispensable au bon fonctionnement d'un organisme de cette nature, que soient
mieux garantis les pouvoirs propres du directeur, s'agissant notamment de la gestion du
personnel
».
En effet,
« le directeur du CHT exerce son autorité sur l'ensemble du personnel de
l'établissement " dans le respect de la déontologie médicale " (art. 20 de l'arrêté n° 999 CM
du 12 septembre 1988). Son pouvoir de nomination se trouve cependant limité par le fait qu'il
l'exerce sous l'autorité du président du conseil d'administration (art. 19). Il n'est donc pas
surprenant de constater que celui-ci (le ministre en charge du portefeuille de la Santé,
membre du gouvernement) peut intervenir, directement ou, le plus souvent, par
l'intermédiaire de son cabinet, dans les actes les plus significatifs de la gestion du personnel,
c'est à dire le recrutement et les mesures disciplinaires ».
Un réaménagement des compétences est souhaitable et possible dans le cadre des statuts
existants.
D’une façon générale, il convient de dissocier la gestion des recrutements des actes de gestion
statutaires.
Le directeur de l’hôpital doit détenir l’initiative des recrutements, des affectations dans le
cadre d’une part des statuts de la fonction publique polynésienne, et d’autre part du cadre de
l’équilibre budgétaire dont il est le garant.
En revanche, fonctionnant tel un centre de gestion, le service du personnel et de la fonction
publique de la Polynésie française assurerait les évolutions statutaires, et la gestion des
avancements, discipline et retraite.
Un tel aménagement doit pouvoir être négocié sans bouleversement de l’ordre juridique
existant.
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Observations définitives – Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF)
Séance du 16 mars 2010 - page 58 sur 89
4.1.4.7
La vérification des diplômes des soignants
La délibération n° 85-1041 AT du 30 mai 1985 porte obligation d’enregistrement des
diplômes du secteur de la santé, auprès de la direction de la santé (DPOS) avant tout
commencement d’exercice de sa profession. Les professions concernées sont :
-
les professions de médecin, chirurgien-dentiste et sage-femme
19
;
-
la profession de pharmacien
20
-
19 professions paramédicales (article 3 de la délibération).
Dans le cadre de son contrôle de conformité juridique, le service du personnel de la Polynésie
française a eu maintes fois l’occasion depuis septembre 2006 de faire des observations quant à
l’absence de preuve d’enregistrement des diplômes des agents non titulaires recrutés par le
CHPF.
Les années récentes ont vu s’installer une situation de confusion dans la mesure où, de 2006 à
2009, l’hôpital recruteur n’a pas tiré les conclusions de la non
délivrance des diplômes aux
élèves en soins infirmiers issus de l’IFSI
21
.
En effet, les évolutions de délivrance des diplômes ayant été modifiées au niveau national, il
revenait à la Polynésie française de mettre en oeuvre la procédure de reconnaissance des
diplômes prévue aux articles R. 373-3 et suivants du code de l’éducation, ce qu’elle n’a pas
fait.
4.1.5
La gestion opérationnelle des effectifs
4.1.5.1
La gestion des mouvements de personnels et des éléments variables de
la rémunération n’est pas transparente et engendre des dérives importantes ou des
risques juridiques
La gestion quotidienne est vécue par ceux qui en sont chargés, comme étant obscurcie par des
difficultés structurelles insurmontables. Il s’agit de la question récurrente du « turn over ».
Cette constante est fréquemment
rappelée dans les documents soumis aux instances.
Si cette affirmation n’est pas sans fondement, elle n’en sert pas moins d’alibi, pour excuser
certaines insuffisances de la gestion, justifiant, entre autres, le recours à un nombre élevé de
contractuels.
Cette rotation élevée des personnels ne doit cependant pas être examinée à la seule vue du
« tableau des entrées/ sorties de personnel » des bilans sociaux.
19
Visa de l’arrêté n° 1462 AA du 19 novembre 1952 promulguant et rendant applicable le décret n° 52-964 du
9 août 1952 aux TOM et l’ordonnance n° 45-2184 du 25 septembre 1945 relative à l’exercice et à l’organisation
de ces professions.
20
Visa de l’arrêté n° 719AA promulguant la loi n° 54-418 du 15 avril 1954, étendant aux TOM certaines
dispositions du code de la santé publique relative à l’exercice de la pharmacie.
21
IFSI : Institut de formation en soins infirmiers.
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Séance du 16 mars 2010 - page 59 sur 89
Ce tableau inclut en effet les changements de statuts et les reconductions de contrats à durée
déterminée.
Le bilan social 2007 mentionne un nombre important de mutations internes (424, soit 30 % de
l’effectif). Ainsi, le « turn over » des praticiens hospitaliers de 42 % (54 « sorties » sur un
effectif de 128 au 1
er
janvier 2007), ou bien celui des infirmiers de 54 % (246 sorties sur un
effectif de 447 agents au 1er janvier 2007) n’ont pas le sens qu’on leur accorde.
Cet indicateur est largement l’illustration de mouvements internes ou de modifications de
statuts.
Une autre question témoignerait de difficultés structurelles : celle des heures supplémentaires.
Le montant des indemnisations des heures supplémentaires progresse et atteint des sommes
significatives :
en F CFP
Années
2004
2005
2006
2007
Montants
337.727.664
359.534.835
392.798.681
435.829.492
Ceci est d’autant plus remarquable que d’une part, les effectifs employés progressent dans le
même temps, et que d’autre part, le versement d’indemnités de sujétions a été étendu.
Il est aussi remarquable que cette hausse continue des heures indemnisées s’effectue dans le
cadre d’une durée légale du travail hebdomadaire de 39 heures.
Le versement d’heures pour service supplémentaire non récupéré découle pour une part (mais
la DRH ne peut le chiffrer), du type de roulement horaire en douze heures pratiqué
essentiellement dans les services de soins. L’alternance de semaines de 36 et 48 heures, après
lissage, génère 3 heures supplémentaires dites structurelles.
Ce dispositif est conforme aux délibérations n° 96-172 et n° 96-176, annexées au statut de la
fonction publique, secteur santé.
L’organisation du travail d’une grande partie de l’effectif sur la base d’un roulement en
12 heures génère automatiquement des heures supplémentaires, alors qu’il est admis qu’un tel
roulement ne se justifie éventuellement que dans les activités de soins continus. Le choix
arrêté renchérit le coût du travail et expose les soignants à des rythmes potentiellement
dangereux. Il serait utile que l’hôpital réexamine de façon concertée cette question.
Des services supplémentaires sont aussi effectués pour procéder à des remplacements
inopinés ou à des charges de travail exceptionnelles. Ce sont les heures dites fonctionnelles.
Les services les plus productifs d’heures supplémentaires, sont, par ordre décroissant les
chirurgies (53 millions de F CFP), la médecine (hors cardiologie), l’obstétrique, la psychiatrie
et l’anesthésie-réanimation (+/- 40 millions de F CFP).
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Séance du 16 mars 2010 - page 60 sur 89
Au-delà de ce classement en données brutes, il est plus éclairant de cerner le classement en
nombre de bénéficiaires au sein de chaque service.
Classement des heures supplémentaires par service
et par an (données 2007)
Service
Montant moyen,
en F CFP et par
agent
nombre
d'individus
concernés
effectif du
service
Affaires
juridiques
1 498 246
1
11
Direction financière
1 366 182
1
42
Direction Générale
672 902
9
28
Psychiatrie
578 707
69
85
Gynécologie
557 557
18
30
Anesthésie réanimation
544 026
77
123
Pédiatrie
526 801
50
64
Affaires
générales
502 975
8
20
Obstétrique
472 598
89
105
Cardiologie
459 518
42
64
Médecine
419 440
94
140
Néonatologie
419 347
48
64
Pharmacie
419 188
13
36
Source : Bilan social
22
.
Le gain moyen par individu est de 404 670 F CFP par an et concerne 1077 agents.
En fonction de l’indice de rémunération, certains agents peuvent percevoir jusqu’à 1,5 million
de F CFP d’heures supplémentaires par an.
Les déclarations de 20 heures supplémentaires par semaine et
chaque semaine ne sont pas
exceptionnelles.
Il ressort de cette première approche que dans un certain nombre de cas, les heures
supplémentaires
sont
versées
systématiquement
et
constituent
un
complément
de
rémunération forfaitisé.
Pour l’équipe de direction (12 postes, selon une note du directeur du 6 février 2008), la mise
en place des heures supplémentaires date du 1
er
janvier 2007, et vient compenser l’absence
d’indemnité de sujétion spéciale.
Le directeur du CHPF, par courrier du 7 décembre 2006, informait le ministre de la santé qu’il
décidait d’accorder à ses collaborateurs membres de l’équipe de direction, le bénéfice
d’heures supplémentaires, faisant «
l’objet d’un décompte au réel mensuel dans le respect des
règles en vigueur
», sans pour autant pouvoir dépasser le montant forfaitaire des indemnités
de sujétion prévues par les délibérations rejetées par le conseil des ministres. Et le directeur de
préciser que cette mesure d’heures supplémentaires octroyées à l’équipe de direction avait un
«
caractère transitoire, et était destinée à tenir compte des efforts et responsabilités de
l’équipe de direction
».
22
La DRH a été retirée de ce tableau, les données du bilan social 2007 la concernant étant manifestement
erronées. La direction a précisé à la chambre qu’en 2008 le montant moyen d’indemnisation des heures
supplémentaires pour ses 15 agents non cadres était de 63167 F CFP et pour ses 3 cadres de 975 406 F CFP.
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Séance du 16 mars 2010 - page 61 sur 89
En confirmation de cette prise de position, par un autre courrier, adressé au DRH du CHPF le
6 février 2008, le directeur dressait la liste des membres de l’équipe de direction, bénéficiaires
des heures supplémentaires.
A ce jour, le système des heures supplémentaires est toujours appliqué alors qu’aucune
délibération du CHPF n’est venue attribuer ces indemnités de gestion à l’équipe de direction,
à l’exception du directeur adjoint, lorsqu’il assure l’intérim de la direction générale
(délibération n° 40/2007/CHPF du 15 mai 2007). Il convient de préciser que parmi ces
emplois de direction, nombre d’entre eux sont rémunérés selon la grille indiciaire d’emplois
fonctionnels.
D’une façon générale, la réalité des heures supplémentaires déclarées n’est pas contrôlée.
L’affirmation du caractère de complément de rémunération forfaitisé des heures
supplémentaires est renforcée par
d’autres pratiques, visant à garantir le versement d’heures
supplémentaires y compris en période de congés.
Il s’agit du mécanisme dit des « semaines incomplètes
»
, précisé dans un accord
d’établissement en date du 5 mai 1992, notamment en son article 1 :
«
Dans le cas où le
nombre d’heures requis n’est pas atteint sur 4 ou 5 semaines, le CHT compensera la
différence avec les heures effectuées ».
Le principe est de permettre le versement d’heures supplémentaires pendant la période des
congés. Ces heures sont calculées sur la base des heures supplémentaires accordées le mois
précédent. Le bénéfice de ces dispositions concerne les agents travaillant en douze heures, et
bien sûr qui sont réputés avoir réalisé des heures supplémentaires le mois précédent.
Par ailleurs en fonction du nombre de jours de congés posés et de leur localisation dans le
planning de travail, le gain peut aller jusqu’à la rémunération en mois N de la totalité des
heures effectuées en mois N-1 pour une durée de travail effective lors de ce mois N très
inférieure à celle de N-1.
Enfin, on notera que le paiement de ces heures supplémentaires prend la forme d’une
indemnité et que, par conséquent, pour obtenir un dénombrement complet de ces heures
supplémentaires, il faudrait regrouper un certain nombre des montants figurant sous
différentes rubriques indemnitaires. A titre d’information, les montants des « indemnités
horaires » dans lesquelles figurent ces fameuses heures supplémentaires de « semaines
incomplètes », sont les suivants :
Budget principal
2004
2005
2006
2007
2008
En KF CPF
641125 FPT indemnités horaires
pers. soins
144 306
154 229
182 056
207 026
180 263
641126 FPT indemnités horaires
pers. Adm et techn
20 320
19 931
23 017
23 028
23 190
64135 non titulaires indemnités
horaires pers. soins
68 194
43 536
42 377
39 651
31 604
64136 non titulaires indemnités
horaires pers. Adm et techn
26 240
23 045
25 669
27 154
19 531
642125 SF indemnités horaires
13 976
13 620
15 590
16 685
15 131
TOTAL
273 036
254 361
288 709
313 544
269 719
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Séance du 16 mars 2010 - page 62 sur 89
Il y a là une dérive de nature à entretenir un sentiment d’injustice prévalant chez ceux qui ne
bénéficient pas d’heures supplémentaires ou qui tout simplement n’en abusent pas.
S’agissant du régime indemnitaire, selon la liste des accessoires de salaires versés au CHPF
(mise à jour le 25 septembre 2008 par la DRHAM), ce ne sont pas moins de 32 primes,
indemnités et avantages en nature différents versés aux agents, selon leur statut et leurs
fonctions.
Au travers des primes (mais également des heures supplémentaires), il s’agit de rattraper les
problèmes de disparités statutaires et de compléter ces statuts par des accessoires à la
rémunération.
D’une façon générale, les motivations qui président à ces versements ne sont pas
suffisamment explicites et spécifiques. Il arrive également que ces attributions soient versées
sans support légal.
L’indemnité de mensuelle sujétion, créée par délibération n° 85-1038 AT du 23 mai 1985,
s’est ainsi trouvée applicable en 2001 à certains agents du CHPF (chefs de services, directrice
de l’ESF, chefs de bureau, surveillants). Faisant double emploi avec la délibération n° 97-153
APF du 13 août 1997 créant une indemnité de sujétion spéciale pour les personnels de la
Polynésie française, et à partir de 2003 pour les personnels de ses établissements publics, la
délibération de 1985 a été abrogée par délibération n° 2004-60 APF du 30 mars 2004.
Dès lors, les personnels du CHPF ne pouvaient plus percevoir l’indemnité mensuelle de
sujétion, ni l’indemnité de sujétion spéciale, tant que la direction de l’établissement ne l’avait
pas décidé. Il faudra attendre une délibération n° 85/2007/CHPF du 13 décembre 2007,
rendue exécutoire par arrêté n° 371 CM du 28 mars 2008, pour cela soit fait.
Pour autant, entre 2004 et 2008, les agents du CHPF concernés par l’indemnité mensuelle de
sujétion, ont continué de la percevoir, alors qu’elle n’avait plus de base réglementaire. Le
conseil d’administration a décidé le 27 juin 2008 de renoncer au reversement du trop perçu
payé aux agents qui avaient bénéficié de cette indemnité entre le 8 novembre 2004 et le
28 mars 2008. Cela concernait 94 agents, pour un total de 52 521 167 F CFP. Estimant que la
demande, faite par la comptable du CHPF, de reversement par ces agents des sommes perçues
au titre de cette indemnité mensuelle de sujétion, était dénuée de fondement légal et
n'apparaissait pas, pour l'établissement, comme une mesure de bonne gestion, le directeur du
CHPF a refusé d’accéder à cette demande.
On peut estimer de plus que les indemnités de sujétions spéciales attribuées « en raison des
compétences et aptitudes particulières qu’elles exigent ou du surcroît de travail qu’elles
imposent », ne devraient pas se cumuler avec le versement d’heures supplémentaires.
Enfin, parmi toutes ces rémunérations ou avantages, l’un d’eux paraît très critiquable et
totalement obsolète. Il s’agit du congé de quatre semaines accordé aux personnels exposés
aux rayonnements ionisants. Ces dispositions datant de 1975 correspondaient aux conditions
de réalisation des clichés radiologiques de l’époque. Les évolutions technologiques et les
progrès de la radioprotection ont rendu totalement inutiles ces mesures de congés
supplémentaires.
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Séance du 16 mars 2010 - page 63 sur 89
Il conviendrait que l’établissement supprime cet avantage versé depuis longtemps sans
fondement, décision qui aurait été prise récemment selon l’information apportée par le
directeur lors de son audition le 12 mars 2010.
Les frais de mission, déplacements et changement de résidence, hors ceux concernant les
internes en médecine, ne représentent qu’environ 1 % des dépenses de personnel. Le CHPF
doit cependant prendre garde aux conséquences juridiques que pourrait engendrer le
contournement volontaire de la réglementation en matière de frais de changement de
résidence.
En effet, à la suite d’un premier jugement
du tribunal administratif de Papeete, la prise en
charge des billets d’avion et les indemnités de changement de résidence ont été étendues à
tous les personnels recrutés de métropole, et non plus seulement aux praticiens hospitaliers.
Cependant, deux autres jugements étant venus préciser qu’on ne pouvait considérer que
l’agent avait été recruté à l’extérieur de la Polynésie, dès lors qu’il avait manifesté son
intention de venir s’installer en Polynésie en dehors de toute vacance de poste publiée, la
direction des ressources humaines a conseillé de répondre aux candidats spontanés que le
CHPF n’avait pas de poste vacant mais qu’ils devraient reprendre contact dès lors qu’ils
seraient installés en Polynésie.
Si le CHPF adopte de façon systématique une telle position, il prend le risque qu’un agent de
métropole, à qui une telle réponse aurait été faite alors qu’il existait bien une vacance de
poste, aille au contentieux en démontrant l’existence de la vacance de poste. Par ailleurs, sur
le plan strict de la gestion prévisionnelle des ressources humaines, le CHPF risque de n’avoir
que très peu de candidats à ses vacances de postes en adoptant une telle position.
4.1.5.2
L’indemnisation des gardes et astreintes révèle des pratiques disparates
et onéreuses.
Ce sont les dépenses de personnel médical qui connaissent la plus forte progression sur la
période examinée (+ 111 % entre 2002 et 2007). Mais c’est le poste « gardes et astreintes »
(compte 6425) qui attire le plus l’attention. Le rapport précédent de la chambre précisait déjà
que ce poste de dépense connaissait une augmentation de 99,72 % au cours de la période
1991-1995 et de 129 % entre 1995 et 2000. Or, entre 2003 et 2007, la hausse a été de +
220 %, après une accélération en 2006 et 2007.
23
Ce phénomène est à imputer d’une part à la
revalorisation des montants d’indemnisation des gardes et astreintes des praticiens et d’autre
part à une application laxiste du régime des gardes et astreintes.
Il est rappelé que le statut de la fonction publique, filière santé, définissant le service des
gardes et astreintes distingue :
-
des gardes sur place dans les services comportant une activité intense ;
-
des astreintes à domicile ;
-
des demi-gardes complétées par des demi-astreintes.
23
En 2008, pour le seul budget général, le montant des gardes et astreintes du personnel médical aura été de
811 MF CFP.
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Séance du 16 mars 2010 - page 64 sur 89
Le statut autorise la transformation de la demi-astreinte en demi-garde lorsque le praticien est
appelé à effectuer une intervention d’une durée minimum de trois heures.
L’indemnisation des gardes est supérieure à celle des astreintes, dans un rapport de 1 à 3. Il
n’est donc pas indifférent, sur le plan financier, qu’une demi-astreinte soit transformée en
demi-garde.
Par ailleurs, la délibération n° 2006-3 APF du 23 janvier 2006 a quasiment doublé le montant
de base de l’indemnisation des gardes et astreintes exprimé en points d’indice de la fonction
publique de Polynésie française, prévu par la délibération n° 96-137 AT du 21 novembre
1996.
Actuellement, les crédits mobilisés sont stabilisés autour de 875 millions.
C’est au directeur qu’il revient d’arrêter le nombre de lignes de garde et d’astreinte après
avoir consulté la CME qui n’émet qu’un avis sur l’organisation et le fonctionnement des
services, ainsi que le confirme explicitement l’article 3 alinéa 4 de la délibération n° 96-137
APF du 21 novembre 1996.
L’organisation pour 2009 repose sur 17 lignes de garde, 11 astreintes de groupe 1 et
14 astreintes de groupe 2, ce qui correspond à une répartition entre astreintes opérationnelles
et de sécurité.
L’organisation garantit la continuité des soins et même sans doute au-delà, le nombre de
lignes de garde ou d’astreinte étant élevé.
Dans l’ensemble, le dispositif est clairement défini. Il n’en est pas moins onéreux, en raison
de la définition des obligations de service, telles qu’elles résultent du statut lui-même.
En effet, le service normal de jour comprend la présence le matin et l’après-midi des 6 jours
ouvrables, l’obligation du praticien se limitant à 10 demi-journées.
Ces principes sont semblables à ceux qui ont cours dans
les hôpitaux français de métropole
ou des DOM.
Toutefois, il est prévu par le statut que la garde ne peut commencer avant 15 heures 30 du
lundi au jeudi et avant 14 heures 30 le vendredi, ce qui réserve les plages du
travail en service
normal à un niveau étonnamment restreint.
Par conséquent, l’hôpital fonctionne de fait en garde ou astreinte les deux tiers du temps.
Le service des urgences et du caisson hyperbare fonctionne quant à lui, uniquement en
système de temps médical continu de 13 à 16 gardes (selon qu’il s’agit d’un mois à 4 ou
5 semaines). Pour ce service, seules les gardes supplémentaires sont payées selon le système
décrit ci-dessus. Cependant, alors que le tableau général des gardes et astreintes par service
2009 annonce 9 lignes de gardes et 1 d’astreinte, le tableau des urgences d’avril 2009 et une
note du chef de service des urgences mentionnent 5 lignes de gardes et 2 lignes d’astreinte.
L’intérêt d’une telle organisation n’a pu être précisé lors de l’instruction.
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Séance du 16 mars 2010 - page 65 sur 89
Les montants versés sont très disparates selon la discipline et
l’effectif de praticiens assurant
la permanence des soins dans une spécialité.
Cependant, certaines pratiques rendent peu crédible le système déclaratif qui prévaut,
puisqu’il est possible de se déclarer présent à l’hôpital jour et nuit, et tous les jours de la
semaine.
C’est parfois le cas de la neurochirurgie. Ce service est certes particulier, puisqu’il s’agit
d’une discipline ne comptant qu’un seul praticien. Le montant des gardes et astreintes qui lui
est versé mensuellement en 2008 équivaut à une moyenne de 1 367 420 F CFP, soit un
montant proche de la rémunération mensuelle du praticien, qui
est de 1 503 720 F CFP
(emploi rémunéré en référence à la grille des emplois fonctionnels).
Cette situation est inconfortable, car elle est anormale pour le praticien, constamment astreint.
Elle l’est aussi du point de vue de la régularité, les déclarations n’étant pas conformes à la
réalité. En effet, le mois et demi précédant son recrutement sur un emploi fonctionnel, le
praticien déclarait 44,5 gardes, et aucune astreinte. L’intéressé a expliqué que cette situation
résultait de la transformation de ses astreintes en gardes jusqu’en juin 2007, date de son
recrutement sur un emploi fonctionnel, et que ce montage avait été organisé par la direction.
L’établissement se doit de trouver un équilibre entre la reconnaissance d’une sujétion
particulièrement lourde et le respect des textes, ce qui n’est actuellement pas le cas.
De ce point de vue, la décision de ne pas recruter un second praticien en neurochirurgie, alors
que le poste budgétaire existe et qu’un second candidat avait postulé, est regrettable.
Au plan de la gestion, les dispositions prises sont toutes onéreuses, sans recherche
d’aménagements équitables.
Ces montants « records » d’indemnisation des gardes et astreintes ne sont en effet rendus
possibles que par un déplafonnement systématique des montants maximum prévus pour
l’indemnisation des gardes et astreintes.
La délibération n° 2006-3 APF du 23 janvier 2006 en son article 15 prévoit qu’
« en cas de
nécessité absolue de service et après prise en compte des possibilités de recours à d’autres
établissements ou à des praticiens extérieurs, l’application du plafonnement des gardes et
astreintes peut être modulée dans les conditions suivantes :
[…]
- Sur la demande du directeur, présentée après avis de la commission médicale
d’établissement et délibération du conseil d’administration, le ministre de la santé peut, après
examen du tableau général de garde de l’établissement, autoriser par périodes maximales
d’un an, des dépassements de plafond dans certaines disciplines.
»
De fait, chaque année, une délibération est prise par l’établissement afin d’autoriser, pour un
an, le dépassement du plafonnement prévu par cette réglementation, dans toutes les
disciplines. Cette délibération est ensuite approuvée par un arrêté, depuis 2008, pris en conseil
des ministres.
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Séance du 16 mars 2010 - page 66 sur 89
Pour 2008 et les 4 premiers mois de 2009, la moyenne globale mensuelle est environ de
15 praticiens bénéficiant de ce dépassement, avec une exception pour le mois de mai 2008, où
34 praticiens en ont bénéficié (urgences et chirurgie orthopédique).
Sur le caractère systématique de cette pratique, l’argument du CHPF consiste à dire que le
déplafonnement n’est pas « inflationniste » et que de toute façon ces gardes seraient payées
sur un nombre supérieur de praticiens.
Le caractère systématique du déplafonnement devrait inciter l’ordonnateur à faire respecter sa
note du 27 août 2008 sur le contrôle de l’effectivité des gardes et astreintes, et de la
transformation des secondes en premières.
La mise en place de contrôles doit encadrer ce type de dépenses, par nature à l’origine de
dépassements difficiles à réguler.
D’une manière générale, il est recommandé à l’établissement de mettre en place un contrôle
de l’effectivité des heures supplémentaires, gardes et astreintes ainsi que de toute forme de
rémunération des dépassements des obligations normales du service de jour.
4.1.6
La formation professionnelle et continue a bénéficié d’une plus grande attention
Le rapport d’observations définitives de la chambre précédent avait souligné l’absence d’une
politique de formation continue au sein de l’établissement.
La juridiction financière ne peut donc qu'observer avec intérêt la démarche pragmatique de la
direction actuelle qui, après avoir procédé au recrutement d'un responsable de la formation,
associe les organisations syndicales à l'élaboration de plans de formation. Ces plans
correspondent « aux standards », distinguant les formations à caractère personnel et celles
intéressant un groupe (service ou intérêt transversal).
Les projets individuels de formation, sans lien direct avec l’activité du CHPF, ne sont pas pris
en charge. De même, les préparations et inscriptions aux concours, tout comme les
déplacements pour passer l’oral en métropole en cas d’admissibilité (seule une journée de
congé est attribuée pour passer les épreuves écrites, qui ont lieu de nuit en raison du décalage
horaire) ne sont pas pris en charge par l’établissement. Cette dernière option paraît fort
restrictive dans la perspective de former des cadres locaux et peu incitative.
Le pôle de formation a constaté ces dernières années une baisse des formations individuelles,
avec départ en métropole, et une hausse des formations de service et formations dites
« transversales », menées par des formateurs venant de métropole, souvent des universitaires.
La formation médicale continue constitue une obligation. Les praticiens bénéficient sur une
période annuelle de 15 jours ouvrés (soit trois semaines) d’une
prise en charge des frais de
déplacement, des frais pédagogiques et d’une indemnité journalière de 5000 F CFP.
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Séance du 16 mars 2010 - page 67 sur 89
Une sous-commission spécialisée
de la CME traite les demandes et les hiérarchise. Il est à
noter que le plan de formation des médecins est soumis à l’examen du CTP et donc aux
représentants du personnel. C’est le chef de service qui décide in fine de l’envoi de tel ou tel
médecin de son service.
Il n’existe pas de montant forfaitaire de participation du CHPF à un budget
formation,
comme en métropole. Le droit à la formation devrait s’accompagner d’une identification
opposable des moyens qui lui sont affectés.
En ne prenant en compte
que les dépenses de formation stricto sensu (hors charges du pôle
formation et des salaires dits « immobilisés »), le CHPF consacrait, en 2007, 0,93 % de sa
masse salariale brute à la formation (0,98 % en 2006). Cependant, il n’y a pas de distinction
des dépenses de formation entre médecins et autres personnel du CHPF.
Par ailleurs, existe au sein du budget formation une « réserve » (12 MF en 2008), servant à
financer les actions de formation non prévues par le plan de formation. Elle est utilisée par le
directeur ou le DRH, après consultation des organismes paritaires.
Se sont développées également des formations en interne, à partir des compétences existantes
au sein de l’établissement (mise en place de formation de formateurs, pour la prise en charge
de la douleur, l’hémovigilance…). De plus, un centre d’enseignement des soins d’urgence
(CESU) a été créé en 2007, comme unité fonctionnelle du SAMU, assurant la formation et la
mise à jour des connaissances en soins d’urgence de tous les personnels soignants de la
direction de la santé et du CHPF. Depuis le 9 janvier 2009, il a reçu l’habilitation par la
direction de la protection civile de Polynésie française d’assurer la formation « prévention et
secours civiques de niveau 1 », obligatoire en métropole pour exercer dans un établissement
public de santé.
Les progrès accomplis dans le domaine de la formation sont importants sur la période
contrôlée, mais le dispositif doit être complété et porté par la direction générale, qui se doit de
faire connaître ses axes prioritaires.
4.1.7
L’association des personnels aux processus de décisions
D’une façon générale, le cadre institutionnel réglant la vie de l’établissement n’a pas changé
depuis 20 ans. Cette situation, incompatible avec la nécessaire évolution de la structure
hospitalière, a provoqué l’apparition d’instances consultatives et de coordination informelles.
Plusieurs commissions fonctionnent en effet
au sein du CHPF, sans cadre réglementaire,
créées à l’initiative des professionnels et répondant à des besoins indiscutables. Ainsi en est-il
de la commission d’hémovigilance, de la commission de soins, de la commission de lutte
contre la douleur et du centre de coordination de lutte contre les infections nosocomiales.
On peut aussi relever que les tentatives de modernisation des instances existantes, créées par
l’arrêté n° 999 du 12 septembre 1988, n’ont pas connu un meilleur sort, la collectivité ne
validant pas certains accords d’établissements signés entre la direction et les organisations
syndicales qui prévoyaient précisément de telles évolutions.
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Séance du 16 mars 2010 - page 68 sur 89
C’est pourtant de façon non équivoque que le sujet était abordé, dès la rédaction du préambule
de ces accords d’établissement relatifs tant à la modernisation du comité d’hygiène, de
sécurité et des conditions de travail (CHSCT) que du comité technique paritaire (CTP) :
« La direction du CHPF et les organisations syndicales représentatives au sein de
l’établissement reconnaissent l’impérieuse nécessité de se doter d’outils institutionnels
modernes et efficaces, afin d’affronter sereinement l’avenir et de faire face aux défis auxquels
l’établissement sera nécessairement confronté ».
Deux exemples sont démonstratifs de l’incapacité à faire évoluer les institutions.
La commission consultative d’hygiène et de sécurité (CCHS), instituée par l’arrêté n° 999 de
1988, avait cessé de se réunir en 2003. Elle avait été réactivée à partir de 2006, mais ses
membres avaient souhaité la rendre plus conforme au code du travail de la Polynésie française
en signant, un « accord d’établissement ». De leur propre chef, les parties signataires de cet
accord précisaient dans son article 1
er
que le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions
de travail (CHSCT) était institué auprès du CHPF en substitution du CCHS,
« dans l’attente
d’une prochaine harmonisation des textes prévalant autant pour les agents contractuels que
pour les fonctionnaires ».
Les modes de désignation des membres étaient modifiés s’agissant
des représentants du personnel, puisque si l’arrêté 1988 prévoyait trois délégués du personnel
désignés par l’ensemble du personnel, et que l’accord d’établissement du 18 avril 2008 en
prévoyait sept, «
désignés par les représentants élus du personnel en fonction de la
représentativité acquise pour chacune des organisations syndicales ».
Les attributions du CHSCT, telles que prévues par cet accord d’établissement, étaient
plus
larges que celles figurant
dans les dispositions
de 1988
(mission d’inspection trimestrielle,
enquêtes en cas d’accidents du travail ou maladies professionnelles, appel à un expert en cas
de risque grave, consultation obligatoire du CHSCT avant toute décision d’aménagement
important modifiant les conditions d’hygiène, de sécurité et conditions de travail). Cependant,
l’IGA a refusé de valider le projet, demandant d’attendre le nouveau statut du CHPF (refonte
de l’arrêté n°999 de 1988). Le CHSCT a été réuni en 2009, selon l’organisation prévue par
l’arrêté de 1988.
Le même scénario s’est reproduit pour la transformation du comité technique paritaire en
comité d’établissement et l’extension de sa représentativité et de son champ de compétence
concernant l’association des personnels aux décisions stratégiques les concernant telles que le
projet d’établissement, les créations, suppressions, transformations des structures médicales,
pharmaceutiques, odontologiques, et des services autres que médicaux, les propositions de
tableau de l’effectif minimum en cas de grève ou les critères de répartition de certaines primes
et indemnités.
L’extension des compétences et de la représentativité du CTP et sa transformation en comité
d’établissement ont été dans les mêmes conditions que pour le CHSCT suspendues à la mise
en oeuvre d’une réforme de la gouvernance de l’hôpital.
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Séance du 16 mars 2010 - page 69 sur 89
4.2
La gestion des médicaments et des dispositifs médicaux est satisfaisante,
mais des améliorations sont possibles
4.2.1
La pharmacie occupe une place importante dans le dispositif de soins et sa gestion est
performante
4.2.1.1
Une performance économique satisfaisante
Le poids de l’activité pharmaceutique se mesure d’abord en dépenses.
en F CFP
Médicaments
2004
2005
2006
2007
2008
c/60211 (médicaments
toute spécialité
confondue)
873 078 773
942 058 142
1 137 286 591
1 260 279 379
1 462 789 279
c/60216 (oxygène)
188 910 972
191 705 348
195 484 716
199 896 615
191 641 198
c/60218 (médicaments
pour dialyse)
170 57 8657
185 854 207
213 429 392
212 579 516
184 518 016
TOTAL
1 232 568 402
1 319 617 697
1 546 200 699
1 672 755 510
1 838 948 493
Au total, les dépenses liées à l’achat de médicaments sont passées de 1,2 milliards en 2004 à
1,8 milliards en 2008.
Cette hausse des dépenses peut être jugée satisfaisante, dans la mesure où la proportion des
dépenses de médicaments (c/6021) dans les dépenses courantes du CHPF correspond à celle
qui a pu être relevée en métropole sur la même période (10 %).
Cette situation est d’autant plus appréciable que dans ces dépenses sont inclus les frais de
douanes et de fret qui représentant respectivement 9 % et 3 % des dépenses de médicaments.
Une étude des médicaments référencés au CHPF a été menée pour les classes de médicaments
les plus coûteuses. Elle confirme la bonne performance économique de la gestion.
Bien que les prix pratiqués pour le CHPF s’entendent prix franco transitaire Dunkerque ou
Roissy, il n’y a pas de dérive des prix par rapport à la métropole, puisque sont même
respectés les tarifs dits de responsabilité applicables au niveau national, quand ils existent.
4.2.1.2
Une action dynamique a été conduite sur toute la période
Sur la période contrôlée, la pharmacie a accompagné les évolutions diagnostiques et
thérapeutiques et a étendu son périmètre d’action.
L’évolution à la hausse des dépenses est largement représentative des mutations accomplies
par les services cliniques et à caractère diagnostique.
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A titre non limitatif, on peut citer le développement de l’oncologie et de l’hématologie
clinique, ainsi que l’activité cardiologique et neuro- vasculaire comme cause de l’évolution
des dépenses pharmaceutiques.
La pharmacie a aussi eu le souci de récupérer des achats réalisés par les services économiques
(air médical et pansements).
Les aspects de la prestation pharmaceutique liés à la traçabilité et aux contraintes du stockage
dans les services ont été appréhendés et sont conformes aux prescriptions de l’Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).
La pharmacie du CHPF assure aussi des prestations pour l’extérieur. Certaines sont
habituelles dans l’activité des pharmacies hospitalières, telles que les rétrocessions
(antirétroviraux, EPO…). Une autre est innovante : il s’agit de la reconstitution et de la
livraison dans les Iles-Sous-le-Vent, à l’hôpital d’Uturoa, d’antimitotiques, ce qui permet
d’assurer les chimiothérapies cancéreuses sur place.
Enfin, le pharmacien du CHPF a aussi directement contribué à créer et animer des structures
spécialisées, non prévues par la réglementation polynésienne, mais indispensables, telles que
le CLIN
24
.
4.2.2
Des améliorations sont néanmoins souhaitables
Malgré la bonne performance du service, il est frappant de constater que beaucoup des
activités pharmaceutiques du CHPF se réalisent en dehors de tout cadre réglementaire, et
qu’elles se font par référence à des recommandations et autres guides de bonne pratique.
4.2.2.1
Le cadre légal des activités pharmaceutiques doit être précisé
Le champ de compétence des pharmaciens hospitaliers n’est pas suffisamment délimité.
La délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1998, modifiée par celle du 27 mars 2002, définit
les caractéristiques de l’exercice de la profession de pharmacien. Très peu de dispositions
concernent directement les pharmacies hospitalières. La réglementation locale ne permet donc
pas de définir la vocation de ces services hospitaliers.
S’agissant d’ailleurs des seules considérations spécifiques aux hôpitaux (article 2-1 modifié),
le recours à l’expression « pharmacie à usage intérieur » ne donne lieu à aucune précision.
Il serait utile de compléter les textes en vigueur pour, au minimum, encadrer ce qui se fait déjà
sans texte.
24
Comité de lutte contre les infections nosocomiales, institué en métropole par un décret de 1988.
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Dans les missions principales du pharmacien, il serait bon de reconnaître sa responsabilité
dans la dispensation et l’évaluation du bon usage des médicaments et dispositifs médicaux.
De même, et selon une place à définir, il conviendrait de le positionner dans les actions de
matériovigilance, de pharmacovigilance et de sécurisation du circuit du médicament.
Dans ses missions optionnelles, certaines activités devraient faire l’objet d’une identification
et d’un régime d’autorisation, en raison des risques inhérents, d’autres, être soumises à
évaluation périodique.
A cette occasion, pourraient être listées les prestations qui ne se retrouvent pas dans les
définitions légales de 1988 et 2002.
A titre d’illustration, la possibilité de pratiquer des rétrocessions (en précisant lesquelles), de
délivrer des aliments diététiques à fins médicales, de préparer des médicaments
radiopharmaceutiques, mériteraient d’être mentionnées dans la règlementation locale.
De même, la responsabilité de fait du pharmacien sur les gaz médicaux et la stérilisation
mériterait des développements particuliers.
4.2.2.2
Certains aspects de la gestion sont à recadrer
La mise en oeuvre de la concurrence au travers de consultations de prix se fait sur la base de
fiches techniques de consultation de prix annuelle auprès des laboratoires. Un cahier des
charges sommaire de consultation des prix est réalisé, demandant aux laboratoires de faire
leurs propositions de prix fermes, unitaires, hors taxe, rendu transitaire, en indiquant les tarifs
hospitaliers qu’ils pratiquent. Par ailleurs, ces fiches techniques précisent qu’une seule
commande est réalisée par fournisseur pour un exercice et que dès lors que le chiffre
d’affaires réalisé avec le CHPF atteint les 30 MF CFP, la consultation sera réalisée dans le
cadre d’un marché public.
Or, le pharmacien du CHPF reconnaît qu’il contracte très peu de marchés publics ; l’une des
raisons invoquées réside dans le monopole de certaines molécules, détenu par certains
laboratoires. Cependant, cet argument, souvent avancé dans ce domaine, connaît ses limites.
Par ailleurs, le code des marchés publics de Polynésie française permet au CHPF d’avoir
recours à deux types de procédures :
-
celle des marchés négociés (article 32 du CMP) ;
-
celle des marchés à bons de commande (article 12 du CMP).
L’examen des pièces montre que les modalités de recours aux marchés publics ne sont pas
conformes à la règlementation en vigueur.
Ainsi, un bon de commande figurant dans le guide de procédure d’approvisionnement, a été
passé le 27 octobre 2006 auprès du LFB (laboratoire français du fractionnement et de
biotechnologies) pour l’exercice 2007, pour 21 208 110 F CFP, montant inférieur au seuil des
marchés publics (30 MF CFP).
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Or, le tableau ci-dessus indique qu’en 2007, le CHPF a contracté auprès de ce même
fournisseur pour 33,5 MF CFP. Ce montant comprend cependant des commandes de
l’exercice 2006 et 2007. Mais compte tenu des dépenses annuelles auprès de ce fournisseur
dépassant les 30 MF CFP par an entre 2006 et 2008, le seuil des marchés publics est bien
dépassé, que l’on se place du point de vue de l’exercice de commande ou de celui de
mandatement.
Par ailleurs, tous les produits commandés à la société LFB répondent à la catégorie « éléments
et produits issus du corps humain et produits thérapeutiques annexes (sang, tissus, cellules) »,
selon la nomenclature applicable en métropole, issue de l’arrêté du 13 décembre 2001
définissant la nomenclature prévue aux II et III de l'article 27 du code des marchés publics
(JORF du 26 décembre 2001), que les services du CHPF entendent appliquer.
Les factures des laboratoires SANOFI AVENTIS de l’exercice 2007 (102 MF CFP) se
rapportent à des achats sur simple facture et des achats dans le cadre de marchés publics
(notamment pour la fourniture d’un médicament anti cancéreux : le taxotere, marché public
n°93/05).
Dès lors, le pharmacien du CHPF aurait dû passer un marché public global, même sous la
forme simplifiée de marché négocié.
La pratique du marché négocié et du marché à bons de commande (marché de 3 ans - 1 an
avec deux reconductions) pourrait être plus souvent utilisée.
4.2.2.3
Les modifications prévues des conditions de stockage sont l’occasion
d’envisager un regroupement des pharmacies publiques
Les conditions actuelles de stockage des produits pharmaceutiques sont médiocres. Le
stockage s’effectue sur deux sites, l’un qui doit être abandonné à Mamao et un autre en
location à l’extérieur de l’hôpital. Le projet du nouvel hôpital n’ayant pas prévu de remédier à
ce problème, un projet de plateforme logistique a été confié au cabinet LOGICARE avril
2008, regroupant le stockage de la pharmacie, des magasins généraux et les archives du
CHPF.
L’étude est partie de l’hypothèse d’une augmentation des flux d’approvisionnement
pharmacie et magasin général, de même niveau que l’augmentation de capacité du nouvel
hôpital, soit + 20 %.
Selon la synthèse de l’étude de faisabilité de la plate-forme logistique, l’impossibilité de
recevoir des conteneurs sur la zone de réception réalisée
25
et l’exigibilité de surfaces de
stockage importantes militent pour la mise en place d’une plateforme logistique externe,
permettant une gestion des flux de produits performante, dans le respect des normes
sanitaires, de qualité, et de traçabilité des produits.
25
Le rapport note : «
La mauvaise fonctionnalité de la zone de réception des conteneurs milite pour la réception
des conteneurs sur plateforme déportée, le quai de réception
[prévu pour le nouvel hôpital
] étant utilisé pour
l’accueil de véhicules de transport classiques
» – page 21.
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Sa dimension, calculée en fonction de l’évolution des flux dans le temps et de l’organisation
opérationnelle des différentes fonctions, devra être la suivante :
-
terrain : 5000 m² ;
-
surface couverte : 2500 m² (dont stockage : 1320 m², zones de quais 650 m²,
auvent 530 m², bureaux 122 m²).
La localisation reste à trouver, mais doit privilégier la proximité avec nouvel hôpital (côte
Est).
L’investissement, foncier et l’ensemble des constructions est évalué à 519 MF CFP. Celui en
matériel de transport, de manutention et palettes sera de 30 MF CFP. Les coûts de
fonctionnement annuels ont été estimés de l’ordre de 10 MF CFP/an, personnel compris.
Les délais de mise en place de la plateforme sont estimés à 30 mois, à compter de la prise de
décision, période pendant laquelle les équipements actuels du site de Mamao seraient utilisés
de façon transitoire, après une réhabilitation/réaffectation, permettant ainsi de ne plus avoir
recours à un prestataire extérieur.
La synthèse conclut en proposant une étude
« pour évaluer l’impact économique et sur le
fonctionnement des synergies potentielles avec l’activité hospitalière (4 établissements
périphériques) de l’entité « PHARMA-PRO », à laquelle l’outil pourrait s’ouvrir ».
A ce jour, l’étude se limite à envisager un regroupement physique sur les mêmes lieux, en
laissant les deux structures distinctes.
Une étape supplémentaire
pourrait être franchie par la redéfinition des missions de chacune
des deux structures. Il serait possible, par exemple, de confier tout ce qui est hospitalier au
CHPF et de recentrer PHARMAPRO sur les autres structures que les hôpitaux.
La modernisation des règles de fonctionnement des pharmacies hospitalières, évoquée plus
haut, trouverait là aussi une application pour permettre une gestion pharmaceutique à
distance.
Toutes ces améliorations de gestion sont d’autant plus nécessaires que l’emménagement
désormais proche, dans le nouvel hôpital, s’il est légitimement attendu pose de nouvelles
problématiques qui ne sauraient se cumuler à des problèmes anciens qui ne seraient pas
résolus.
4.3
La question du traitement des déchets n’est pas résolue
Cette question n’est pas nouvelle et a déjà donné lieu à des évènements malencontreux relevés
dans le rapport précédent. A ce jour, le traitement des déchets des activités de soins reste
problématique et sans solution immédiate.
Lors de son dernier contrôle, la Chambre avait relevé de nombreuses anomalies dans les
filières de collecte et d’élimination des déchets hospitaliers.
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Séance du 16 mars 2010 - page 74 sur 89
La Chambre déplorait l’absence d’application des dispositions de la délibération n° 2001-81
APF du 5 juillet 2001, qui constituait le texte de référence en matière d'élimination des
déchets d'activités de soins en Polynésie française. Alors que cette délibération était
d'application immédiate, l’obligation pour les producteurs ou détenteurs de déchets de se
conformer à ses dispositions ne devait intervenir qu’au terme d’un délai de deux ans à
compter de la publication au JOPF de l'arrêté définissant les filières d'élimination, selon
l’article 11 de la délibération
26
. Or, cet arrêté n’avait toujours pas été pris deux ans et demi
après le vote de cette délibération. En l'état, rien n'obligeait donc les établissements concernés
à se conformer aux dispositions de la réglementation et les sanctions prévues son article 12
(amende de 4 000 000 F CFP et, sous réserve d'homologation par la loi, emprisonnement de
deux ans ou l'une ou l'autre de ces deux peines) restaient inapplicables.
La chambre appelait néanmoins l’attention des dirigeants du centre hospitalier sur le non-
respect par eux de plusieurs points de la réglementation édictée en 2001 :
- le non-respect de l'article 1 qui n'établit aucune distinction entre les différents types de
déchets d'activité de soins ;
- le non respect des articles 4, 5 et 8 en ce qui concerne les déchets ou pièces anatomiques ;
- le non-respect des articles 4, 5, 6, 7 et 8 en ce qui concerne les déchets de laboratoire ;
- le non-respect des articles 5, 6 et 8 en ce qui concerne les déchets à risques infectieux (les
sacs orange).
Par ailleurs, la Chambre relevait qu'un incinérateur, destiné à s'inscrire dans un plan
d'élimination des déchets hospitaliers, avait été payé et livré sur le site initialement prévu,
mais jamais installé.
L’achat de cet incinérateur découlait de l’inscription au contrat de développement 1994/1999
d’une opération déclarée prioritaire dès 1994, compte tenu de l'urgence à apporter une
solution rapide au traitement des déchets sur l'ensemble de l'île de Tahiti. L’incinérateur des
déchets hospitaliers, avait fait l'objet d'un arrêté attributif de subvention de l'Etat (sur les
crédits FIDES), en date du 5 septembre 1997, de 107 500 000 F CFP correspondant au
financement à 100 % de cette acquisition. Cet arrêté étant devenu caduc, un nouvel arrêté était
intervenu le 15 décembre 1999, décidant le subventionnement à 100% de l'incinérateur pour
un montant de 116 499 800 F CFP. Un premier acompte de 50 % (58 249 900 F CFP) avait pu
être versé au CHPF le 10 avril 2000, sur présentation d'une part du schéma directeur de
collecte des déchets d'activité de soins et de la copie de la notification du marché 18/99 (ordre
de service du 17 mars 1999) à la société TSP/APICC SA.
Or, la Chambre constatait en janvier 2004 que depuis sa livraison en mars 2000, l'incinérateur
était entreposé, pour partie, dans l'enceinte du centre hospitalier où il n'existait aucun bâtiment
susceptible de l'accueillir comme prévu initialement, pour partie sur le site de Sainte Amélie.
Laissés à l'abandon, ces équipements n'avaient fait l'objet d'aucun entretien. Le président du
gouvernement de l’époque avait indiqué que le territoire avait décidé de transférer
l'installation de l'incinérateur vers le centre d'enfouissement technique de NIVEE, pour des
raisons environnementales.
26
Les dispositions de la délibération sont désormais d’application immédiate pour l’île de Tahiti, l’article 11
ayant été modifié sur ce point par la loi du pays du 28 novembre 2006.
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Séance du 16 mars 2010 - page 75 sur 89
Les mauvaises conditions et les délais de stockage (plus de deux ans) de l'incinérateur acquis
par le CHPF avaient bien entendu entraîné une importante détérioration de l'unité. Le coût de
sa remise en état était estimé à 83 MF CFP (à comparer au coût de l'appareil neuf :
120 MF CFP), ce qui avait conduit le président du gouvernement en 2002 à envisager la
cession de l'incinérateur pour son utilisation aux fins de traitement des ordures ménagères. Il
estimait que les modalités de cette cession restaient à définir précisément mais celle-ci devrait
permettre au CHPF, en tout état de cause, de récupérer les sommes avancées sur fonds
propres. Il ajoutait que la Polynésie française avait «
décidé de se doter d'une nouvelle unité
pour incinérer, dans le respect des normes requises, les déchets d'activité de soin de toutes les
structures sanitaires (établissements publics, privés, cabinets libéraux, laboratoires) ».
La Chambre estimait que s'étant trouvé dans l'obligation de financer 50 % de l'achat de
l'incinérateur, le centre hospitalier se trouvait donc pénalisé du fait de décisions dont il n'était
pas maître.
Par mandat n° 4548 du 3 septembre 2007, soit 5 ans après la demande de la collectivité
d’outre-mer de cession de l’incinérateur par le CHPF et deux ans après l’émission d’un ordre
de recettes émis par les services de l’Etat, le CHPF a remboursé l’acompte de 58 249 000 F
CFP de subvention qu’il avait perçu pour l’acquisition du premier incinérateur. Pour autant,
celui-ci n’a pas fait l’objet de cession auprès de la Polynésie française. Il est ainsi stocké, sans
utilisation possible. Le Centre hospitalier a donc supporté sur son budget et sans subvention la
totalité de cet investissement inutilisable (120 MF CFP).
Depuis 2004, si les phases de collecte, de stockage et de transport des DASRI ont bénéficié
d’améliorations significatives, la question du traitement de ces déchets n’a connu aucune
évolution concrète.
Une étude sur la collecte et l’élimination des déchets d’activité de soins à risque infectieux
(DASRI) en Polynésie française a été réalisée à la demande du ministère de la santé. Confiée
à la SPEED en août 2006, la production de tels déchets par le CHPF était estimée à 368 T/ an,
pour un volume de 4656 m3 (sur un total produit en Polynésie française de 554 T/an et
7241 m3). La place du CHPF dans cette production est donc prépondérante.
L’établissement s’est d’ailleurs préparé à la gestion de ses déchets, mais uniquement pour ce
qui le concerne, n’ayant pas vocation à devenir l’exploitant de la filière.
La partie « circuit des déchets » du projet logistique du nouvel hôpital a été présentée et
validée en Comité de Pilotage du 25 juin 2008. Elle présente l’organisation et le
dimensionnement des flux des déchets et du linge sale.
Ont aussi été organisés les circuits de collecte et de stockage des autres types de déchets, tels
que les déchets radioactifs, les déchets issus de la chimiothérapie, les déchets toxiques de
laboratoire recyclables ou non, les déchets électroniques et divers. Des protocoles précis et
validés par le CLIN ont été rédigés.
Le Centre hospitalier est prêt à assurer un traitement réfléchi et sécurisé de ses déchets.
Malheureusement, la phase de traitement terminal ruine pour partie ces avancées puisque rien
n’est prêt.
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Observations définitives – Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF)
Séance du 16 mars 2010 - page 76 sur 89
Le processus actuel d’incinération est décrit dans la phase 2 du schéma sur la collecte et
l’élimination des déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI) réalisé par la SPEED
en août 2006.
Il s’agit d’un mode de traitement provisoire d’incinération sur le site de NIVEE,
correspondant à un brûlage dans des fours en tôle, sans contrôle de la combustion, ni de la
post combustion. Ce mode de traitement doit normalement être arrêté dès la mise en place de
la nouvelle unité d’incinération. Cependant, cet incinérateur, achevé depuis 3 ans, connaît
également bien des difficultés de mise en place, en raison de l’opposition d’associations de
riverains (cf. presse locale des 18 et 25 avril 2009), s’inquiétant des menaces de nuages
toxiques pour la population.
De plus, aucun gestionnaire de cet incinérateur n’a été à ce jour retenu ni par la direction de la
santé et ni par celle du ministère de l’environnement.
Il en va de même pour le collecteur des déchets d’activités de soins. Les services techniques
du CHPF avaient réalisé un appel d’offres pour ce traitement des DASRI. Seule la société
ENVIROPOL a répondu, avec un coût de 410 000 F CFP la tonne, deux fois supérieur à ce
que prévoyait le CHPF.
Parallèlement, les services de l’environnement de la Polynésie française proposent un autre
mode de traitement des DASRI, par banalisation, permettant d’arriver à une baisse du volume
et surtout à une inactivation des déchets. Cependant, l’acquisition d’un banaliseur par le
CHPF représente une dépense de l’ordre de la centaine de millions de francs, alors que la
collectivité d’outre-mer a réalisé un investissement lourd d’incinération, toujours en attente
d’exploitation.
Enfin, tous les DASRI ne peuvent faire l’objet d’une banalisation, l’incinération restant
nécessaire pour ceux-ci.
Dans la perspective de l’ouverture prochaine du nouvel hôpital du TAAONE, la chambre
recommande vivement au CHPF de régler le plus rapidement possible, en liaison avec la
collectivité de la Polynésie française, la question du traitement des déchets d’activité de soins.
5 La prise de possession du nouvel hôpital pose des
questions supplémentaires aux gestionnaires
5.1
La question de la superficie de l’établissement et de sa capacité n’a pas
été bien appréhendée
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Séance du 16 mars 2010 - page 77 sur 89
5.1.1
Les surfaces construites ne sont pas connues des futurs occupants des lieux
Les responsables hospitaliers n’ont pas été en mesure de préciser au cours de l’instruction la
surface de plancher construite dans le nouvel hôpital du Taaone. Il n’est donc pas possible de
déterminer le ratio SHOB/SHON, représentatif de la surface utile.
A défaut, il a été recherché dans les documents disponibles les références aux éléments de
surface. Les différentes mentions des surfaces trouvées dans divers documents sont les
suivantes :
-
dans l’appel d’offres des travaux lancés en décembre 2003, le maître d’oeuvre
présentant la construction du nouveau centre hospitalier, hors psychiatrie, faisait
état de 90 000 m² de plancher (en excluant le parking), la surface utile ressortant à
38 400 m² ;
-
le document d’analyse des coûts d’exploitation, de fonctionnement et de
maintenance, élaboré par la société OTHEM en 2004, récapitule les surfaces par
niveau et aboutit à un total de 62 020 m² ;
-
le document « projet d’établissement 2008/2013 » (fascicule projet logistique)
recense 61 910 m² à entretenir, superficie qui doit en tout état de cause être
majorée de l’épaisseur de cloisons, de la surface nécessaire aux gaines techniques
et de sécurité incendie et à certains locaux techniques pour déterminer la surface
totale construite ;
-
ces données sont à rapprocher des hypothèses élaborées par la SCIC en 1999, soit,
57 205 m², surface qui intégrait les unités d’hospitalisation en psychiatrie enfant et
adulte.
Toutes ces estimations divergeant fortement, on peut en conclure que les responsables de
l’établissement ne connaissent pas la surface réelle du futur bâtiment.
5.1.2
Le bâti n’est pas destiné à regrouper toutes les activités hospitalières
La question de ce qui est inclus ou non dans le projet doit aussi être précisée, car il convient
de cadrer ce qui reste à faire en sus du projet en cours. On peut notamment relever que ne
figurent pas dans le futur hôpital les activités suivantes :
-
pour la cuisine (externalisée) et la buanderie, ne sont prévus dans le projet que des
locaux relais ;
-
les magasins de la pharmacie sont à construire sur un site non encore choisi ;
-
de même l’ensemble des magasins des services économiques reste à définir et à
construire ;
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Séance du 16 mars 2010 - page 78 sur 89
-
le centre 15, regroupant les locaux destinés à la régulation médicale et aux moyens
de secours non compris dans le projet, est en construction ;
-
le centre de transfusion sanguine ;
-
l’hospitel, bâtiment d’hébergement à caractère hôtelier ;
-
les archives administratives sont intégrées aux surfaces réservées à l’administration
dans le bâtiment en voie d’achèvement du Taaone, alors que le manque de bureaux
est mis en exergue ; il est probable que le maintien de ces locaux d’archivage dans
le bâtiment principal soit menacé à court terme ;
-
les archives médicales faisaient de même, en mars 2009, l’objet de projets de
reprise de superficies en vue de compléter l’implantation des moyens généraux à
hauteur de 335 m² ;
-
l’école de sages femmes est en recherche de locaux ;
-
les 15 lits de soins de suite autorisés ne sont pas localisés.
A quelques mois de l’ouverture de l’hôpital, aucune vue d’ensemble des surfaces
complémentaires indispensables au fonctionnement du nouveau centre hospitalier et de leur
coût n’est donc disponible.
5.1.3
Paradoxalement, alors que des constructions supplémentaires sont nécessaires, le bâti
est surdimensionné
Les déterminations capacitaires et, d’une façon générale, les comparaisons entre
établissements, donnent lieu à des contestations systématiques, fondées sur la spécificité de
chaque établissement de soins.
En se fondant sur le « référentiel de dimensionnement pour un établissement de santé », établi
par la mission nationale d’appui à l’investissement hospitalier, placée auprès de la directrice
de l’hospitalisation et de l’organisation des soins du ministère de la santé français, il est
cependant tout à fait possible d’éviter les biais et autres caractéristiques locales.
Cette méthode est peu discutable, en ce sens qu’elle ne se contente pas de dénombrer des lits
par grandes disciplines, mais qu’elle décompose l’hôpital par activité, à un niveau détaillé. A
ces activités correspondent des référentiels de superficies.
Les surfaces sont ensuite calculées dans une fourchette au sein de laquelle il est possible de se
positionner au vu des paramètres d’activité. Par conséquent, il ne s’agit pas d’une simple
comparaison sommaire entre un hôpital et un autre réputé de même taille, mais de
l’application de référentiels à des fonctions précises, intégrant les données capacitaires et
d’activité propres à l’établissement.
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Par précaution, il a été admis une majoration des besoins, en raison des contraintes, résultant
de l’éloignement de la Polynésie française et de l’isolement du CHPF. En pratique, les
hypothèses hautes du modèle ont été systématiquement retenues.
Au total, la chambre estime que compte tenu de la valorisation des paramètres propres à
l’établissement au titre des activités qui y sont prévues, la construction aurait dû être de
39 900 m², auxquels il conviendrait d’ajouter les majorations au titre des locaux techniques et
des circulations générales, soit respectivement 12 % et 11 %. Le total général de la surface
nécessaire à l’établissement serait alors porté à 49 078 m².
En conclusion, les surfaces construites, selon le document d’analyse de la société OTHEM
(62 020 m²), excèdent de 10 000 à 15 000 m² les normes désormais admises en matière
hospitalière. Mais il faudrait encore ériger 6000 à 7000 m² supplémentaires pour satisfaire les
besoins non pourvus du CHPF examinés au paragraphe précédent.
Construit sans programme identifié, nécessitant des modifications importantes en cours de
chantier, le nouvel hôpital du Taaone ne tient aucun compte de la nécessaire maîtrise des
surfaces et des surcoûts d’exploitation qui découleront de cette absence de maîtrise.
5.2. La question des effectifs nécessaires doit faire l’objet d’engagements
solennels
C’est l’un des sujets sensibles et dont le poids économique est le plus élevé.
La détermination quantitative et qualitative des effectifs nécessaires au bon fonctionnement de
la nouvelle structure est un enjeu fort et d’autant plus complexe que des approches très
différentes se sont succédé au cours de la période récente.
Sans chercher à atteindre l’exhaustivité des diverses versions, il convient de citer les quatre
dernières hypothèses élaborées entre 2006 et fin 2008 :
-
la direction des soins de l’établissement a conduit sa propre étude, qui ne
concernait que les personnels des services de soins. L’effectif jugé nécessaire était
arrêté à 296 emplois supplémentaires ;
-
dans le même temps, la même étude menée par Mme Doré, conseillère technique
auprès de la direction des hôpitaux du ministère français de la santé, aboutissait au
nombre de 34,70 postes.
Le rapport dit « du scénario unique d’ouverture », travaillé par la direction précédente
détaille, par poste de travail et en référence à des normes réglementaires ou à des
recommandations, les besoins en effectifs nouveaux. C’est une démarche analytique qui part
des postes de travail, tâche par tâche. Menée sur un mode participatif, elle intègre aussi les
besoins exprimés par les services. Les scénarios d’ouverture deviennent une occasion de
recenser tous les besoins liés certes à la taille supérieure de l’hôpital et au démarrage
d’activités nouvelles ou en capacité supérieure, mais aussi de pratiquer des « mises à la
norme » de tous types. Au total, ce sont 174 emplois qui sont jugés nécessaires. Cette
approche intègre cette fois l’ensemble des services, soignants ou non, et des effectifs.
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Enfin, la dernière version en date du 8 octobre 2008, arrête la totalité des effectifs médicaux et
non médicaux en se fondant cette fois sur la base de données de la Fédération Hospitalière de
France. Le document, voté le 9 octobre 2008, comporte des créations nettes d’emplois et des
créations par redéploiement. Les chiffres sont revus très sensiblement à la baisse, puisque ce
sont 6 emplois médicaux et 55 postes non médicaux, dont 25 seraient pourvus par
redéploiement de postes. La plupart du temps, il s’agit d’agents occupant le poste mais sur
d’autres affectations. Ces propositions se cumulent aux créations découlant des contrats
d’objectifs et de moyens. Les six postes de praticiens constituent des renforcements d’équipes
existantes, sauf pour la médecine isotopique qui est une création. Les emplois non médicaux,
au nombre de 55 intéressent les catégories suivantes :
- 9 infirmières ;
- 36 ETP d’aides soignantes ;
- 2 préparateurs ;
- 2 diététiciens ;
- 3 agents du secteur logistique ;
- 3 informaticiens.
Ces 55 créations brutes sont budgétairement atténuées par le redéploiement de 25 emplois,
dont la provenance est spécifiée (dont 12 à 18 postes d’hôtesses ménagères). Le surcoût de
ces dispositions est chiffré à 306 millions de F CFP.
On peut cependant émettre des réserves sur le réalisme de ces propositions, non en raison de
leur cohérence propre, mais du fait des dispositions convenues dans l’accord de fin de grève
de novembre 2008. Certaines clauses de cet accord, signé par le Président du conseil
d’administration, compromettent directement des mesures indispensables au redéploiement
des 25 postes :
-
c’est ainsi que le « congé rayons », dont bénéficient les manipulateurs de
radiologie et de radiothérapie, est conservé. Outre le fait que ce congé ne présente
plus de justification, cela remet en cause le redéploiement de 2.5 ETP, soit une
valorisation à 17.5 millions de francs
27
;
-
le redéploiement des 12 à 18 postes d’hôtesses ménagères paraît compromis. Il
s’agirait là de 84 à 126 millions en supplément ;
-
enfin, on peut aussi raisonnablement s’interroger sur le réemploi de certains agents
peu qualifiés, ou exerçant des attributions très orientées, dans des fonctions
totalement différentes.
La réalité du redéploiement des 25 ETP suscite donc une grande réserve.
En cas d’échec avéré de cette opération, pourtant votée par le conseil d’administration, il
faudrait bien sûr majorer le besoin de financement de 175 millions de F CFP.
Il est donc impératif que le tableau des emplois voté en octobre 2008 soit respecté, et que, si
des ajustements devaient intervenir, le tableau soit modifié dans les mêmes formes.
27
Lors de son audition le 12 mars 2010, le directeur a précisé à la chambre, qu’il avait fait savoir par courrier
aux bénéficiaires, que désormais ces congés « rayons » étaient supprimés.
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Séance du 16 mars 2010 - page 81 sur 89
En tout état de cause, la question des effectifs nécessaires à la nouvelle structure doit faire
l’objet d’engagements solennels.
5.3
Les dépenses médicales et hôtelières à venir ne sont pas totalement
cernées
La délibération d’octobre 2008 a repris pour les dépenses médicales le montant estimé dans le
document précédent, dit du scénario unique, soit 300 millions de francs. Ce montant semble
pouvoir être retenu.
Il est en effet très probable que les extensions et modernisations attendues ne permettent dans
un premier temps que des prises en charge plus commodes et plus complètes, sans entraîner
pour autant de mutation dans le niveau des prises en charge. Les apports de la radiothérapie et
de la médecine nucléaire ne provoquent pas d’explosion des coûts, contrairement à certaines
prescriptions médicamenteuses ou de produits sanguins.
En revanche, le fait de faire davantage sur place, devrait conduire les responsables de l’hôpital
et de la CPS à affiner leur connaissance des coûts et activités, afin de compenser
éventuellement des prises en charge qui étaient auparavant faites à l’extérieur (scintigraphies,
radiothérapies) et ainsi de gérer une fongibilité des dépenses.
5.3.1
L’exploitation technique suppose des changements radicaux
Une première approche a été réalisée en 2003, par la société OTHEM, qui est une filiale du
bureau d’études OTH. Ses calculs ont été rendus en avril 2004.
Le rapport est centré sur les coûts d’exploitation, de fonctionnement et de maintenance de
l’hôpital. Il ne traite donc pas des ressources humaines dans les champs du soin ou de
l’administration, ni des dépenses médicales et pharmaceutiques.
L’étude détaille clairement les principes d’organisation, et établit un comparatif entre les
données du moment (2003/2004) et les perspectives lors de l’ouverture telle qu’elle était
anticipée à l’époque.
Les
hypothèses
du
coût
d’exploitation
et
de
la
maintenance
étaient
arrêtées
à
1 627 223 377 F CFP, soit un surcoût de 723 788 170 francs (valeur 2004).
Ces éléments ont été repris et actualisés
par le directeur lors de sa présentation du « scénario
unique d’ouverture » en avril 2008 et le surcoût chiffré cette fois à 817 084 465 F CFP.
Toutefois les hypothèses les plus récentes ont abandonné plusieurs des principes définis par
OTHEM, en privilégiant l’externalisation de la maintenance, les équipes hospitalières étant
cantonnées aux interventions de premier niveau.
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Le rapport présenté au conseil d’administration du 9 octobre 2008 retenait un surcoût de
800 millions. L’appel d’offres en cours pour le marché d’exploitation technique est sur les
mêmes bases, proches de celles calculées par OTHEM il y a cinq ans.
Il faut relever encore que des dépenses supplémentaires certaines ne sont pas
comptabilisées
ou qu’elles sont nettement sous évaluées. Il s’agit de la maintenance informatique
(dont le
réseau voix données image) et le traitement des déchets.
5.3.2
L’ouvrage et les installations à venir posent de nouvelles exigences en matière de
maintenance
L’ouvrage et ses installations offrent un niveau de technicité élevé. Il en est de même pour les
équipements, y compris mobiliers.
La planification de la maintenance, le passage du « préventif au curatif » et la variété des
technologies mises en oeuvre supposent un niveau et une variété
de compétences dont
l’hôpital ne dispose pas.
Bien plus, les qualifications des agents en poste correspondent aux exigences du bâti actuel, et
il n’est pas certain que leur reconversion soit aisée.
L’option retenue par l’hôpital consiste à externaliser l’essentiel de la maintenance et de
réserver la maintenance de premier niveau aux agents hospitaliers.
Il n’y a sans doute pas d’alternative. Ce choix n’est toutefois pas sans risque économique, peu
d’entreprises pouvant répondre à une consultation de cette ampleur.
D’autre part, la maîtrise de l’exécution du marché conduit aussi à dégager du temps et des
compétences en interne.
S’agissant du parc biomédical, la variété des équipements et leur nombre ne permettent pas le
recours à un marché global. C’est sans doute le secteur le plus en difficulté : aucune entreprise
n’a la compétence en Polynésie française pour intervenir en imagerie, biologie, sur des
moniteurs, des seringues électriques ou des respirateurs.
D’autre part, l’hétérogénéité du parc biomédical multiplie les fournisseurs et les conditions
d’accès aux garanties.
5.4
Les conditions du transfert
La question du transfert de l’hôpital du site de Mamao à celui du Taaone s’est compliquée au
fil du temps, du fait des reports nombreux qui ont empêché toute programmation. Ces reports
sont intervenus sur plusieurs années, et l’époque la plus récente n’y a pas échappé. Au delà de
cette absence de maîtrise des échéances, qui a un coût, de nombreux points restent à préciser.
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5.4.1
La question essentielle du statut du nouvel hôpital et de son amortissement
On sait que la construction du nouvel hôpital du Taaone s’est inscrite dans une continuité des
pratiques de la collectivité d’outre-mer, puisque la maîtrise d’ouvrage et le financement ont
été assurés par elle-même, en donnant mandat à l’établissement public des grands travaux,
devenu EAD.
Cette option laisse donc assez largement en dehors des opérations le futur occupant et surtout,
l’oblige à répondre à un certain nombre de questions avant toute prise de possession des lieux,
l’hôpital n’étant pas propriétaire des biens.
D’autre part, l’incidence des surcoûts liés à l’amortissement, à l’entretien et au
renouvellement des biens n’est pas neutre et selon les hypothèses retenues pèsera soit sur
l’hôpital et donc par ricochet sur la CPS, soit sur le budget de la Polynésie française.
Le scénario unique d’ouverture avait repris les calculs d’amortissement faits par le maître
d’ouvrage et aboutissait à une charge d’amortissement annuelle sur les sept premières années
de 2 milliards de F CFP en retenant des durées d’amortissement conformes à l’instruction
M21, sur la base d’un amortissement linéaire.
Cette somme était représentative des valeurs de construction et d’équipements connues en
2007, soit 31 milliards de F CFP, construction et équipements.
Il semblerait, selon les informations détenues par l’ordonnateur, que les montants, évalués fin
mai 2009, soient de 40 milliards de F CFP, incluant 8 milliards d’équipements.
Sous l’égide du ministère des finances, un groupe de travail a été réuni en juin et juillet 2009.
Il a permis de dégager les principes susceptibles d’être retenus pour ces opérations.
5.4.1.1
Les conditions de transfert des équipements et des bâtiments
Pour les équipements, le transfert de propriété est préconisé par le groupe de travail, dans la
mesure où ce sont les « outils » à la disposition des médecins et soignants et que les questions
d’assurance et de responsabilité vont se poser immédiatement.
D’autre part, le groupe de travail a aussi bien perçu les obligations de maintenance et de
renouvellement de ces équipements selon des échéances courtes (5 à 7 ans).
Cependant, quelles que soient les modalités retenues de transfert de propriété
à titre gratuit
des quelques 8 milliards de F CFP d’équipements, cela ne règle pas la question du
financement de leur amortissement. Il s’agit en effet d’une charge supplémentaire estimée à
1,6 milliards de F CFP. En y ajoutant les équipements existants transférés de Mamao au
nouvel hôpital, la dotation aux amortissements annuelle a été estimée par le groupe de travail
du 16 juillet 2009 à 2,2 milliards de F CFP. Le CHPF estimant qu’il peut réaffecter à
l’amortissement du nouvel hôpital 200 à 300 MF CFP des 800 MF CFP annuels de dotations
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aux amortissements qu’il pratique actuellement, en raison de la non utilisation de certains
équipements dans la nouvelle structure, il faudra donc trouver chaque année 1,3 à
1,4 milliards de F CFP pour couvrir cette nouvelle charge (et non 800 MF CFP à
1 milliard de F CFP comme le mentionne le compte-rendu de la réunion du groupe de travail
du 24 juin 2009).
Plusieurs scénarios sont proposés à l’arbitrage :
-
répercuter intégralement le surcoût lié à l’amortissement sur le nouveau
propriétaire, en l’espèce le CHPF ;
-
faire prendre en charge par la collectivité d’outre-mer cette nouvelle dépense par le
biais d’une subvention, après avoir transféré le passif (c'est-à-dire le financement
des acquisitions) en même temps que l’actif ;
-
ne pas constater de dotations aux amortissements supplémentaires, et faire prendre
en charge par le CHPF le renouvellement de ces équipements, le moment venu par
emprunt.
Mais avant de procéder à la constatation de nouvelles dotations aux amortissements, le
transfert comptable de ces équipements doit avoir lieu. Or, en pratique se présentent quelques
difficultés liées au rythme de mandatement et de liquidation de l’EAD, maître d’ouvrage
délégué, et au rythme d’intégration de ces acquisitions dans les comptes de la Polynésie
française, maître d’ouvrage. Ainsi, sur un montant d’engagement de près de 8 milliards,
seulement 3,3 milliards ont été mandatés par l’EAD fin 2009, les dernières liquidations étant
attendues pour le premier trimestre 2010. Par ailleurs, ces acquisitions d’équipements sont
toujours comptabilisées en immobilisations en cours dans les comptes de la Polynésie
française.
S’agissant des nouveaux bâtiments, il a été proposé cette fois par le groupe de travail la
passation d’une convention de gestion.
La passation de cette convention aurait pour effet de permettre à l’hôpital, une occupation
gratuite, mais pour une durée déterminée,
« dans un premier temps »
. Cette période, qualifiée
de moratoire, serait destinée à permettre d’apprécier les évolutions de l’activité et celle des
coûts.
A l’issue d’une période de trois à cinq ans, la situation devrait être réexaminée pour décider si
l’hôpital est en mesure ou non d’intégrer de nouvelles charges résultant de cette occupation.
Durant cette période, la Polynésie française devrait prendre en charge les amortissements et
compte en neutraliser les conséquences par l’amortissement des subventions reçues au titre de
l’opération (DGDE versée par l’Etat de 32,5 milliards de F CFP). Il subsisterait néanmoins un
surcoût, la collectivité d’outre-mer ayant déjà commencé à amortir ces subventions depuis
2007.
Par ailleurs, les amortissements des constructions supplémentaires, en cours ou projetées, ne
sont pas comptabilisées et s’ajouteront au gré de la
livraison des ouvrages.
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Séance du 16 mars 2010 - page 85 sur 89
Il y a donc là une incertitude sur des montants élevés, et plus encore sur les relations entre le
maître de l’ouvrage et l’occupant.
5.4.1.2.- Une mise à jour du patrimoine actuel du CHPF est nécessaire
Les questions de la rétrocession à la collectivité d’outre-mer de l’actuel site de l’hôpital de
Mamao et de la régularisation des situations patrimoniales des bâtiments et équipements de
psychiatrie, du centre de transfusion sanguine et du SAMU, qui sont des budgets annexes de
l’établissement, doivent être traitées.
La situation de l’hôpital de Mamao n’est pas précise. En effet, si les locaux sont entrés dans
l’actif du CHPF en 1984, aucun acte juridique n’est venu régulariser ce transfert patrimonial.
Ainsi, le CHPF et la Polynésie française amortissent chacun de leur côté ces bâtiments pour
170 millions de F CFP.
Une rétrocession à la Polynésie française devrait être prononcée, tout en constatant
juridiquement, pour une certaine durée, l’occupation d’une partie de ces anciens locaux par le
CHPF, notamment pour la pharmacie.
S’agissant de la situation patrimoniale des trois unités constituant des budgets annexes du
CHPF, elle doit être également clarifiée. Le centre de transfusion sanguine n’a jamais fait
l’objet de transfert comptable de la part de la collectivité d’outre-mer. Mais puisqu’il intègre
le nouvel hôpital, il ne devrait pas y avoir d’impact sur la manière de gérer cette question.
L’unité psychiatrique appartient à la Polynésie française depuis son achèvement en 2003.
Toutefois, selon le groupe de travail du 24 juin 2009, elle n’a fait l’objet d’aucune convention
de transfert entre la collectivité d’outre-mer et le CHPF, ni d’aucun amortissement dans le
budget de la collectivité. Il est donc nécessaire
de régulariser la situation au plus tôt.
Enfin, s’agissant du SAMU, il fait l’objet d’une nouvelle construction, réalisée sur fonds
propres de l’EAD, comme le souligne le groupe de travail du 16 juillet 2009. Cette nouvelle
construction comprend également des locaux commerciaux et des locaux administratifs, que
le CHPF refusera de prendre en charge s’il ne peut en disposer gratuitement. Dès lors, le
groupe de travail propose deux solutions :
-
la location des locaux à la Polynésie française, en augmentant la subvention versée
par la collectivité au CHPF du montant du loyer, la collectivité compensant cette
dépense par une diminution des recettes affectées à l’EAD ;
-
la mise à disposition gratuite des locaux au CHPF par l’EAD.
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5.4.2. Les opérations d’emménagement
L’hôpital a passé en juin 2008 un marché avec une société spécialisée en déménagements de
ce type, pour un montant de 10 767 900 F CFP, en y intégrant la création et la mise en forme
d’une nouvelle signalétique.
La prestation de base consiste à conseiller le maître d’ouvrage (en réalité l’hôpital) dans le
transfert des activités vers le nouvel établissement.
Il faut relever que le CCAP prévoit une formule de révision du prix qui doit s’appliquer en
2008 et deux fois en 2009. La durée du marché couvrant la totalité du temps nécessaire au
transfert, il faut prévoir une ou des révisions de prix en 2010.
L’une des prestations réside dans la définition des documents constitutifs des marchés et dans
l’aide au choix des déménageurs proprement dits.
Le montant des transferts, équipements lourds compris, est à ce jour évalué à
245 000 000 F CFP. Cette dépense a été provisionnée à hauteur de 250 000 000 F CFP.
Le calendrier arrêté au deuxième semestre 2009 distinguait deux périodes :
-
une période du 1
er
novembre 2009 au 1
er
mars 2010 durant laquelle l’hôpital devait
se voir remettre les clefs, service par service, de la part de l’EAD.
-
l’ouverture proprement dite, à compter du 1
er
mars 2010.
Deux observations avaient été
faites sur ce mode opératoire :
-
la délivrance des clefs à l’hôpital ne pouvait constituer une réception « provisoire »
de l’ouvrage ;
-
l’occupation progressive par l’hôpital de certains locaux devait
se traduire par un
partage des frais jusqu’alors payés par EAD, concernant les consommations
électriques, les assurances, l’entretien des espaces verts, le gardiennage.
On se trouvait donc dans une situation au cours de laquelle l’hôpital ne pouvait pas jouir
utilement des locaux et équipements, et où il paierait des frais liés à un chantier non
réceptionné.
La chambre constate
qu’il a été tenu compte de ses observations, puisque le conseil
d’administration de l’hôpital, en n’adoptant pas la convention organisant ce montage, a refusé
de supporter des charges liées à un retard de livraison, qui ne lui est pas imputable, d’un
ouvrage dont il n’est ni le propriétaire ni l’occupant.
Par ailleurs, l’échéance prévue dans la programmation évoquée plus haut
n’a pas été
respectée. Le directeur a fait état, lors de son audition de mars 2010, d’une ouverture de
l’hôpital du Taaone en septembre de cette même année.
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5.4.3
Le devenir du site de l’hôpital de Mamao
L’hôpital ne conservera sur l’ancien site de Mamao que les activités en attente de nouveaux
locaux, en cours de conception ou de construction.
La question du réemploi des quelques 11,5 hectares libérés a fait l’objet d’une communication
en Conseil des Ministres, le 24 août 2009.
Sous réserve d’évolutions réglementaires (modification du plan général d’aménagement), et
d’acquisitions foncières, le projet présenté par la collectivité d’outre-mer comportera les
caractéristiques suivantes :
-
réhabilitation du bâtiment principal de l’hôpital dans le cadre d’un programme de
locaux administratifs ;
-
création d’un espace sportif à l’instar de ce qui a été fait
à l’entrée Ouest de
Papeete ;
-
regroupement de deux écoles ;
-
réhabilitation des quartiers insalubres de Mamao Aivi et Mamao Vallon ;
-
création en façade, sur un hectare, d’un bâtiment mixte (commerce, tertiaire,
logement) ;
-
création d’une liaison routière entre les vallées de la Mission et de Titioro.
5.4.4.
L’évaluation globale des surcoûts engendrés par l’hôpital du Taaone
Les surcoûts engendrés par l’installation prochaine du CHPF dans le bâtiment du Taaone
peuvent donc être résumés comme suit :
Maintenance
800/900 millions de F CFP
Personnels
450 millions de F CFP
Dépenses médicales
300 millions de F CFP
Amortissements des seuls équipements
1,4 milliards de F CFP
Total
2,9 / 3 milliards de F CFP
Ces hypothèses supposent notamment que les effectifs retenus suffisent pour ouvrir et faire
fonctionner les services prévus.
Les surcoûts présentés par l’établissement constituent donc des minima.
La question de la prise en charge par le CHPF des amortissements du nouvel hôpital, qui n’a
pas été tranchée, ne peut toutefois pas être ignorée.
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6 Recommandations
La chambre estime, au terme de son examen, que le CHPF devrait procéder aux améliorations
de gestion suivantes, qui revêtent une importance toute particulière à la veille de la prise de
possession du nouvel hôpital :
-
développer la collecte et l’analyse des statistiques d’activité, en prenant en compte
les données médicalisées, contribuant ainsi à une amélioration des conditions de
prise de décision quant aux capacités respectives des unités, au ciblage des séjours
excessivement longs, et à l’activation de capacités de soins de suite;
-
respecter le système de financement imposé au CHPF, tel qu’il est actuellement
prévu par la délibération n°98-163 APF du 15 octobre 1998, reposant sur le
principe de la dotation globale ;
-
procéder sans tarder, à l’annulation des titres de recettes émis à tort à l’encontre de
la CPS, dès lors que le CHPF aura été dans l’incapacité de retrouver trace de ceux-
ci, et, dans le cas contraire, user de toute voie de recours contentieuse à l’encontre
de la caisse ;
-
profiter de cette mise à jour pour réorganiser les services chargés du suivi de la
facturation et de la mise en recouvrement des recettes, quel que soit le mode de
financement retenu pour l’établissement ;
-
fiabiliser le tableau des emplois qui est à la fois incomplet et erroné ;
-
affiner la gestion des remplacements, qui aboutit actuellement, faute d’une
connaissance précise des besoins, à un écart de 20 % entre
l’effectif autorisé et
l’effectif rémunéré ;
-
professionnaliser et stabiliser la fonction des ressources humaines ;
-
améliorer la gestion statutaire des agents et spécialement des contractuels ;
-
mettre en place un système de contrôle de l’effectivité des heures supplémentaires,
gardes et astreintes, ainsi que de toute forme de rémunération des dépassements
des obligations normales du service de jour ;
-
faire connaître par la direction générale les axes prioritaires de formation ;
-
utiliser plus souvent les procédures de marchés négociés et de marchés à bons de
commandes pour la pharmacie du CHPF.
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La chambre estime en outre que plusieurs points concernant la gestion du CHPF devraient
être revus par la collectivité de la Polynésie française, en liaison avec l’établissement public :
-
procéder à une modification des dispositions de la délibération n°95-205 AT du
23 novembre 1995 assujettissant le CHPF au contrôle de la collectivité d’outre-
mer, en raison des modifications apportées par la loi organique n°2007-1719 du
7 décembre 2007, permettant, entre autres, une anticipation du calendrier
budgétaire de l’établissement par rapport à celui de la Polynésie française ;
-
réaménager la répartition des compétences entre la direction des ressources
humaines et des affaires médicales du CHPF et le service du personnel de la
Polynésie française ; il conviendrait de dissocier la gestion des recrutements des
actes de gestion statutaire ; un tel aménagement doit pouvoir être négocié sans
bouleversement de l’ordre juridique existant ;
-
envisager une refonte des dispositions statutaires régissant la répartition des temps
de travail entre le service normal de jour et le service de garde ou d’astreinte des
praticiens ;
-
procéder à une extension des modes d’exercices statutaires des médecins (temps
partiels, vacataires), qui pourrait permettre des recrutements sélectifs ;
-
faire entériner par voie réglementaire toutes les modifications apportées par les
accords d’établissements concernant les instances de participation du personnel
aux prises de décisions (CHSCT, CTE) ;
-
faire préciser le cadre légal des activités pharmaceutiques au sein du CHPF, en
adoptant des dispositions analogues à celles applicables au plan national ;
-
faire redéfinir les missions respectives de la pharmacie du CHPF et de la
pharmacie d’approvisionnement de la direction de la santé, en confiant par
exemple tout ce qui est hospitalier à la première, la seconde se recentrant sur les
autres formations sanitaires de la Polynésie française ;
-
régler le plus rapidement possible, en liaison avec le CHPF, la question du
traitement des déchets d’activité de soins ;
-
procéder à une mise à jour du patrimoine du CHPF, préalablement à tout transfert
des bâtiments et équipements du nouvel hôpital ;
-
valider le plus rapidement possible, en liaison avec l’établissement, l’une des
solutions proposées pour le transfert de propriété des bâtiments et équipements du
nouvel hôpital, pour les opérations d’amortissements de ces biens.